Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 23 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 11 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi prévoyant des services, de l'assistance et des mesures d'indemnisation pour les militaires et vétérans des Forces canadiennes ou à leur égard et modifiant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 18 h 15.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouvertela 26e séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vous rappelle que ce qui intéresse le comité, ce sont les dépenses du gouvernement, qu'elles soient faites directement au moyen de prévisions budgétaires ou indirectement en vertu de projets de loi.
[Français]
Hier, le projet de loi C-45 a été renvoyé à notre comité par le Sénat.
[Traduction]
Ce soir, nous entamons l'étude du projet de loi C 45, Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, en vertu d'un ordre de renvoi du 11 mai 2005. Le projet de loi vise à offrir aux vétérans et aux membres des Forces canadiennes une nouvelle charte des anciens combattants qui les aidera à faire la transition entre le service militaire et la vie civile. Il leur est offert une aide pour le placement, des services de réadaptation, des prestations en matière de santé et un soutien financier.
Le projet de loi prévoit des prestations d'invalidité et des indemnités pour les familles en cas de décès lié au service militaire.
Le projet de loi a reçu un soutien unanime à la Chambre des communes et il a subi l'étude la plus rapide qui soit. La Chambre a adopté une seule motion pour étudier le projet de loi :
Que le projet de loi [...] soit lu une deuxième fois, qu'il soit renvoyé à un comité plénier et qu'il en soit fait rapport à la Chambre sans propositions d'amendement, qu'il soit agréé à l'étape du rapport, qu'il soit lu une troisième fois et qu'il soit adopté.
Les Communes n'ont donc pas renvoyé le projet de loi à un comité pour étude.
Le Comité sénatorial des finances, tout comme d'autres comités sénatoriaux, se vante d'étudier avec soin tous lesprojets de loi qui lui sont renvoyés. Nous voulons que le projet de loi C-45 soit étudié rapidement, mais nous tenons tout de même à faire notre travail correctement et à prendre les mesures voulues pour corriger toute imperfection que nos délibérations pourraient révéler. Bien que tous les partis politiques appuient les principes fondamentaux du projet de loi, je signale que des préoccupations se sont fait entendre de différents côtés. Nous entendrons ce soir des témoins qui nous aideront à évaluer le projet de loi et tout problème qui pourrait en découler.
C'est ainsi que je souhaite accueillir notre premier témoin de ce soir, madame le ministre Albina Guarnieri. Mme Guarnieri siège à la Chambre des communes depuis 1988. En décembre 2004, elle a prêté serment à titre de ministre associée de la Défense nationale et ministre d'État à la Protection civile.
Vous êtes la bienvenue au comité. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration, après quoi les honorables sénateurs auront des questions à vous poser.
L'honorable Albina Guarnieri, C.P., députée, ministre des Anciens Combattants du Canada : Merci beaucoup. Comme votre bon président l'a dit, je commence à prendre de l'âge. Je suis accompagnée par Mme Verna Bruce, sous-ministre déléguée, Anciens Combattants Canada, ministère des Affaires étrangères; Darragh Mogan et Ken Miller.
Je comparais aujourd'hui pour présenter un investissement dans l'intérêt de la prochaine génération d'anciens combattants, afin d'ouvrir de meilleures perspectives de vie à ceux qui ont servi leur pays, et pour proposer une nouvelle charte des anciens combattants.
Je remercie les membres du Comité des anciens combattants du travail qu'ils accomplissent depuis plusieurs années et de leur participation au processus qui s'est étalé sur la dernière année. Je remercie plus particulièrement le sénateur Dallaire d'avoir mis son expérience, son engagement et son leadership au service de l'élaboration de la charte. Il a certainement été un chef à qui les soldats pouvaient confier leur vie. Son appui revêt une grande importance si nous voulons que les anciens combattants nous confient le soin de veiller sur leur avenir.
Je remercie le sénateur Day, qui a appuyé mon projet de loi et a littéralement franchi des océans pour s'occuper des anciens combattants et demeure un défenseur émérite de leurs intérêts.
Hier, la Chambre des communes a vécu une journée qui marquera l'histoire, car le projet de loi C-45, aussi appelé la nouvelle charte des anciens combattants, a été adopté à l'unanimité. J'espère sincèrement que le Sénat saura voir les avantages de cette mesure et se joindre aux Communes pour en faciliter l'adoption.
Monsieur le président, le projet de loi C-45 n'est pas un remaniement des prestations actuellement offertes aux anciens combattants. Il s'agit d'un moyen entièrement nouveaud'offrir ce que le système actuel ne permet pas d'offrir. Il repose sur 50 années d'expérience qui ont montré ce qui marche bien ou mal pour nos anciens combattants. Il est le fruit d'au moins cinq années d'étude, voire plus, de discussions avec des universitaires, des professionnels de la santé, des anciens combattants et des représentants des Forces canadiennes. La motivation qui le guide, c'est la nécessité d'offrir de meilleurs services aux anciens combattants.
À Anciens Combattants Canada, nous sommes très fiers des services que nous offrons aux anciens combattants. La majeure partie de nos 2,8 milliards de dollars est engagée dans ce que nous appelons notre « mandat en matière de soins ». Nous injectons des fonds dans les pensions, les services de santé, les soins dentaires, les régimes d'assurance- médicaments, les installations de soins prolongés et, bien entendu, le Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Grâce à ce programme, nous assurons aux anciens combattants le traitement attentif auquel ils ont droit. Nous dépensons 200 millions de dollars par année pour offrir des services au foyer et les services du PAAC à 90 000 anciens combattants et aux personnes qui s'occupent d'eux. Il s'agit là d'une réussite éclatante et d'un modèle des soins à domicile pour le Canada. Dans le cas des anciens combattants qui prennent de l'âge, surtout ceux qui sont handicapés, nous leur offrons des services comme ceux qu'ils ont su donner à notre pays. Les programmes dont nous sommes aujourd'hui si fiers sont le résultat d'efforts axés avec précision sur les besoins de ces anciens combattants. Mais les temps ont changé, et les anciens combattants ont besoin d'un nouveau contrat social avec les Canadiens. Ils ont besoin d'un nouveau système de soutien adapté à leurs besoins. Ils ont besoin d'une charte qui soit vivante.
Tout a commencé par la charte initiale des anciens combattants, après la guerre. Son but était d'assurer la sécurité des anciens combattants et de leur ouvrir des perspectives. C'est ce qu'elle a fait. Toutefois, au fil des ans, cette charte a pris de l'âge, tout comme les anciens combattants, et des programmes qui visaient à faciliter la transition vers la vie civile ont été abolis. C'est ainsi qu'une nouvelle génération d'anciens combattants, même si elle n'a pas été laissée à elle- même, n'a pas reçu toute l'aide dont elle avait besoin. Nous avons pris conscience des difficultés et nous avons vu la lumière. Nous savons que le fait de nous accrocher à des programmes conçus pour les anciens combattants d'un monde différent, d'un monde d'il y a 50 ans, ne peuvent ouvrir les perspectives, donner les services de santé et permettre le style de vie auxquels les vétérans ont droit aujourd'hui.
En outre, les défis que nos programmes doivent releversont de plus en plus lourds, et des raisons de plus en plus contraignantes nous interdisent de remettre à plus tard les modifications proposées dans le projet de loi C-45. Nous devons faire face à une augmentation sans précédent du nombre de clients qui nous viennent des Forces canadiennes. Sur trois ans, entre 2001 et 2004, notre clientèle des Forces canadiennes a connu une étonnante augmentation de 58 p. 100. Cette tendance devrait se maintenir, car le ministère de la Défense nationale libère environ 4 000 membres des FC chaque année, et ils viennent s'ajouter à la population existante de quelque 400 000 anciens combattants des Forces canadiennes.
Un nombre croissant de ces vétérans demandent des prestations d'invalidité. Une fois l'incapacité établie, le montant de la pension peut augmenter de deux façons : par une réévaluation de l'incapacité existante ou par des droits liés à une nouvelle incapacité. Entre 1998 et 2003, le tiers de nos clients des FC ont demandé et obtenu une augmentation de leurs prestations d'invalidité par suite d'un réexamen de leur incapacité ou d'une nouvelle évaluation. Cela nous montre que l'état de santé des anciens combattants ne s'améliore pas et qu'ils sont contraints de s'adresser de nouveau au ministère pour demander un soutien accru à un stade de plus en plus avancé de leur vie.
Faute d'une intervention précoce, de services efficaces de réadaptation et de perspectives d'emploi, notre population d'anciens combattants est privée des moyens nécessaires pour se bâtir une vie meilleure. Nous croyons que la conséquence, c'est l'état de santé médiocre et les taux élevés de dépression que nous observons actuellement. Il est évident que nous pourrions faire mieux. Notre examen des besoins des anciens combattants en matière de soins, il y a quelques années, a permis de constater que 83 p. 100 de nos clients déclaraient avoir du mal à dominer leurs douleurs. Plus de la moitié d'entre eux disaient avoir un état de santé passable ou médiocre, et pas moins de 28 p. 100 disaient souffrir de problèmes graves de dépression.
Le résultat net, c'est que les anciens combattants des FC ont des besoins plus lourds en matière de soins de santé et des problèmes de santé qui durent plus longtemps que ceux de l'ensemble de la population. Toutefois, les problèmes de santé ne sont pas ici le seul enjeu. Près de la moitié de ceux qui ont des problèmes médicaux n'avaient pas terminé leurs études secondaires avant de s'enrôler. Ce fait, allié à une incapacité chronique, exige des mesures énergiques si nous voulons offrir de meilleures perspectives d'emploi et la possibilité de gagner un revenu supérieur.
Les mauvaises perspectives sur le plan de l'emploi et des revenus sont trop souvent le sort qui attend un grand nombre de militaires qui quittent les FC après avoir sacrifié une grande partie de leur jeunesse et de leurs possibilités de carrière pour servir leur pays. Une pension mensuelle ne peut compenser 30 années d'occasions perdues. Actuellement, l'ancien combattant moyen qui réintègre la vie civile est au milieu de la trentaine. Notre approche vise à lui ouvrir des perspectives plutôt qu'à cultiver sa dépendance. Les anciens combattants peuvent vivre une vie meilleure et exploiter leur potentiel, et nous devons faire tout notre possible pour leur donner les moyens de s'ouvrir eux-mêmes des perspectives intéressantes.
Plus que jamais, les difficultés des anciens combattants ont des conséquences pour leur famille. Depuis 1990, les Forces canadiennes ont participé à pas moins de 44 opérations de maintien ou de consolidation de la paix. Les conjoints et les enfants doivent fréquemment se déplacer et les périodes de séparation sont nombreuses. Avec le terrorisme d'aujourd'hui et des services d'information continus, il n'est pas étonnant que les familles militaires d'aujourd'hui s'inquiètent en permanence des dangers que courent des êtres chers. Il n'est pas étonnant non plus que ces périodes d'adaptation et de perturbation soient la source de tensions énormes. Lorsque l'ancien combattant revient, la réinsertion devient vraiment une affaire de famille, et tous sont touchés intimement par ce processus.
Monsieur le président, le gouvernement a beaucoup fait pour s'attaquer à ces problèmes dans l'intérêt des membres et des vétérans des FC. Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale ont eu une étroite collaboration à cet égard. Toutefois, il nous est tout bonnement impossible d'assurer les changements, les perspectives et les soins auxquels les anciens combattants ont droit sans les modifications législatives que nous proposons. Ces modifications sont conçues pour résister à l'épreuve du temps, et nous avons pris le temps de nous assurer qu'elles étaient à la hauteur des normes les plus exigeantes.
Le projet de loi C-45 est l'aboutissement de longues années d'étude et de consultations auprès des partenaires intéressés et des spécialistes de la question. Il s'inspire des pratiques exemplaires d'autres pays qui ont déjà modernisé leurs services et prestations destinés aux anciens combattants. Nous avons observé leurs réussites et tiré des enseignements de leurs expériences.
[Français]
Nous avons compris que pour atteindre la réussite, l'investissement doit être prévu immédiatement lors de la sortie du service des combattants. Le moment est alors propice pour investir dans la réhabilitation, la formation, le placement à l'emploi et les sommes forfaitaires afin de leur permettre un nouveau départ.
[Traduction]
Le bien-être est la clé. Notre programme de réadaptation portera sur les dimensions physique, professionnelle et psychosociale. Il donnera à l'ancien combattant la possibilité de profiter des nouvelles perspectives que nous lui ouvrirons et de son propre potentiel de création d'occasions nouvelles. Nous maintenons notre engagement à assurer le bien-être en offrant de nouvelles prestations en matière de santé qui compléteront la couverture actuellement assurée par le ministère de la Défense nationale, nous fournirons aux anciens combattants admissibles qui, à cause de leur service dans les forces militaires, ont des obstacles à surmonter dans leur réinsertion sociale, et à leur famille, une couverture ininterrompue en matière de santé. Cela comprend des services comparables à ceux qui sont offerts aux fonctionnaires fédéraux et à leur famille.
[Français]
Ils auront une sécurité financière au cours de leur réhabilitation grâce à des nouveaux programmes de support économique et ce support se poursuivra si l'ancien combattant est dans l'impossibilité de travailler à pleine capacité.
[Traduction]
L'étape suivante est celle d'une nouvelle carrière. Nous offrirons donc un service de placement pour aider tous ceux qui quittent les Forces canadiennes et pas seulement ceux qui les quittent pour des raisons de santé. Nous avons conçu notre approche en nous inspirant d'un programme britannique qui a connu un succès retentissant. Il s'agit là de l'élément le plus porteur du programme, car il élimine l'invalidité comme mode d'accession aux services aux anciens combattants. Nous savons qu'une difficulté cruciale, pour tous les anciens combattants, consiste à trouver un premier emploi dans le civil, et notre nouveau programme de placement les aidera à franchir cette étape.
À tous les anciens combattants libérés pour des raisons de santé, peu importe où ils ont subi leurs blessures, nous assurons une aide plus directe. Pendant une période de deux ans suivant la date où ils peuvent reprendre le travail, nous leur offrons des nominations prioritaires sans concours à tout poste de la fonction publique pour lequel ils sont qualifiés. Cela veut dire qu'un ancien combattant souffrant d'une invalidité obtiendra dans la fonction publique tout poste disponible pour lequel il a les compétences.
Désormais, lorsque des anciens combattants libérés pour des raisons de santé aborderont la vie civile, ils pourront compter sur un soutien complet — réadaptation, soins de santé et soutien financier — pendant qu'ils se rétablissent, un emploi dans la fonction publique, s'ils ont les compétences, et une aide au placement dans le secteur privé, si telle est leur préférence. Mais c'est loin d'être tout. Nous versons un montant forfaitaire en franchise d'impôt pouvant aller jusqu'à 250 000 $ pour indemniser les anciens combattants des FC pour les pertes de nature non économique, comme la douleur et les souffrances. Ces montants forfaitaires aideront les anciens combattants à amorcer plus facilement leur nouvelle existence dans le civil. Ils pourront acheter une nouvelle maison, investir dans une nouvelle entreprise ou simplement prendre un nouveau départ. Quant aux anciens combattants plus lourdement handicapés, nous leur offrons un soutien financier s'ils sont incapables de travailler. Ils recevront des versements forfaitaires importants et des prestations mensuelles de soutien.
Les familles ne sont pas en reste. Nos nouveaux programmes tiennent également compte des familles des anciens combattants. Des services visant le mieux-être et des services de placement sont à la disposition des conjoints mariés ou de fait lorsque l'ancien combattant est décédé ou handicapé. Les conjoints d'anciens combattants décédés des suites de blessures liées à leur service ont droit à un montant d'un maximum de 250 000 $, à des prestations pour perte économique et à des prestations de retraite.
Pour faire en sorte que tous les nouveaux programmes marchent bien pour chaque ancien combattant, nous offrirons les services de gestionnaires de cas qui s'intéresseront personnellement à chaque ancien combattant et le guideront vers la réussite et vers les services et prestations dont ils ont besoin. Comment pouvons-nous dire que tous ces programmes seront efficaces? Nous avons fait des essais sur de cas réels pour nous assurer que les anciens combattants s'en tireront mieux. Des mesures semblables ont été prises dans d'autres pays, et nous avons mené de vastes consultations pour nous assurer d'avoir tous les éléments essentiels pour réussir.
Le printemps dernier, notre groupe de travail sur la modernisation a entrepris de larges consultations auprès de groupes d'intéressés, notamment les associations nationales d'anciens combattants, qui sont aujourd'hui en force parmi nous, je crois. Je crois savoir que nombre d'entre eux témoigneront. Si vous vouliez bien les nommer — je vais vous laisser ce soin, monsieur le président — et leur demander de se présenter, ainsi que les représentants du ministère de la Défense nationale. De plus, nous avons fait appel à des groupes de réflexion pour évaluer les réactions des membres et anciens combattants des FC et de leurs familles aux propositions de programme. Selon ces groupes, les militaires et vétérans desFC souhaitent avoir des programmes et des services adaptés à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Ils veulent aussi des programmes qui appuient leur bien-être, leur autonomie et une transition réussie vers la vie civile. C'est exactement ce que leur propose la charte des anciens combattants.
En coordination avec le ministère de la Défense nationale, nous avons aussi tenu récemment des séances d'information à six endroits, à l'intention des Forces canadiennes, pour signaler les points saillants, recueillir les réactions à l'orientation choisie et savoir comment elles voudraient recevoir l'information sur le nouveau train de programmes.
En outre, nous avons demandé et obtenu le point de vue des porte-parole de l'opposition et des membres du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants des Communes. J'ajoute que le chef d'état-major de la défense, Rick Hillier, a assisté à ma conférence de presse, où il m'a beaucoup appuyée.
Nous avons bénéficié d'un partenariat d'intention qui a réuni membres des FC, fonctionnaires, politiques, anciens combattants, organisations d'anciens combattants — Légion royale canadienne, Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, ou Anavets, Association canadienne des vétérans des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix et autres — tous travaillant de concert, car il fallait faire ce travail, et le faire tout de suite.
Nous convenons tous que les anciens combattants doivent être pour tous la grande priorité
[Français]
J'aimerais remercier tous ceux qui nous sont venus en aide afin d'offrir à nos anciens combattants ce qu'ils méritent.
[Traduction]
Monsieur le président, je crois que le projet de loi C-45 ne trompe pas les attentes. Il injecte près d'un milliard de dollars pour améliorer le sort de la nouvelle génération d'anciens combattants. Il fournit argent, soins et perspectives professionnelles. Il favorise de meilleures perspectives plutôt que la dépendance. En cette Année de l'ancien combattant, le Canada investit dans des années de potentiel et de promesses pour tous les anciens combattants canadiens.
Je voudrais dire un mot de quelques questions qui circulent depuis un ou deux jours et dont des sénateurs ont peut- être entendu parler. Il faut y répondre.
D'abord, on a dit que la veuve d'un soldat décédé de ses blessures plus de 30 jours après l'incident ne touchera pas l'indemnité de décès de 250 000 $. La vérité, c'est qu'elle touchera 250 000 $, peu importe les circonstances. Si le décès se produit dans les 30 jours, ce sera une indemnité de décès. S'il se produit plus tard, c'est le programme d'invalidité qui jouera, et elle touchera tout de même 250 000 $. Il n'y a aucun problème. Je crains que les anciens combattants qui entendraient des affirmations trompeuses comme celles-là ne se méprennent sur nos programmes.
Deuxièmement, on dit que le veuf ou la veuve ne touchera pas l'indemnité de décès si le couple était marié depuis moins d'un an. La même disposition du projet de loi explique clairement comment est versée l'indemnité de décès. Si le mariage a lieu le mardi et si le soldat est tué dans un accident lié au service militaire le mercredi, l'indemnité de décès est versée intégralement. Si le mariage a lieu une heure avant l'incident causant un décès, peu importe à quel moment, l'indemnité est versée. Si une personne cohabite avec un militaire pendant un an et se marie avec lui une minute avant le décès à l'hôpital après un accident lié au service, l'indemnité est versée. Ces dispositions sont semblables à celles qui existent dans la Loi sur les allocations aux anciens combattants et la loi existante sur les pensions d'invalidité. Ces dispositions sont là pour protéger des anciens combattants vulnérables et les enfants à leur charge.
Troisièmement, on a parlé du délai de 120 jours pour l'aide à la réadaptation et sur le plan professionnel. Ici encore, il importe de bien comprendre le contexte. Cet avantage est réservé aux personnes qui sont libérées pour des raisons de santé. L'objectif est de faire participer rapidement ces gens aux programmes. Nous voulons qu'ils fassent leur demande dans les quatre mois. S'ils ne le font pas, il suffit qu'ils donnent une explication raisonnable. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un régime prospectif. Tous les anciens combattants libérés pour des raisons médicales sauront qu'ils doivent demander l'aide pour la réadaptation ou leur carrière dans les quatre mois, et nous leur donnerons les outils pour le faire.
Il y a toujours une protection sociale. Ils peuvent toujours se faire entendre, même lorsque le délai est passé.
En réalité, nous voulons établir le contact avec ces anciens combattants le plus rapidement possible, car nous avons vu qu'il était extrêmement avantageux de les faire participer à un programme de réadaptation rapidement.
J'ai demandé à mes collaborateurs de m'accompagner pour répondre aux questions de nature technique. Ils seront ici pendant le reste de la soirée.
Le président : Merci de cette excellente vue d'ensemble. Vous nous avez donné un aperçu détaillé de ce projet de loi de 50 pages.
Nous sommes le Comité des finances, et nous étudions les dépenses et les prévisions budgétaires du gouvernement. Je crois avoir entendu que le projet de loi permettra d'injecter près d'un milliard de dollars dans les programmes dont vous avez parlé.
Mme Guarnieri : Sur cinq ans. Il s'agit d'une période de transition.
M. Darragh Mogan, directeur exécutif, Groupe de travail sur la modernisation des services et des programmes, Anciens Combattants Canada : Il s'agit d'environ un milliard de dollars sur six ans.Ce montant doit permettre de financer tous les nouveaux programmes de mieux-être et le programme d'indemnisation pour invalidité. On prévoit que, si ces programmes de mieux-être sont à l'avantage des membres des Forces canadiennes et assurent le mieux-être et une dépendance moindre à l'égard des prestations d'invalidité, ils se financeront d'eux-mêmes sur une périodede 15 à 20 ans.
C'est ce que nous appelons le dividende du mieux-être pour les membres des Forces canadiennes, leurs familles et les contribuables.
Mme Guarnieri : C'est un dividende du mieux-être. La nouvelle charte vise à prendre les devants, à faire nos investissements dès le départ pour qu'ils aient le maximum de résultats. Pour les anciens combattants qui peuvent encore travailler une trentaine d'années, il est logique d'intervenir dès le départ en investissant dans de nouvelles carrières et de nouvelles perspectives. C'est là le principe de cette initiative.
Le président : Deux fois au cours de votre déclaration liminaire, madame le ministre, vous avez dit que vous aviez mené de vastes consultations. Il faut beaucoup de temps pour préparer un projet de loi de 50 pages comme celui-ci. Quels groupes intéressés avez-vous consultés et combien de temps a-t-il fallu pour rédiger le projet de loi?
Mme Guarnieri : Comme il y a 800 000 anciens combattants et militaires, on ne peut pas tous les consulter, mais nous avons fait appel à toutes les grandes organisations d'anciens combattants, qui ont consacré beaucoup de temps à l'étude des programmes. Nous avons fait une étude approfondie des détails. Nous avons même tenu des assemblées publiques avec quelque 800 militaires pour évaluer leurs réactions. Mieux on comprend le projet de loi, plus on l'appuie. Nous nous ferions un plaisir de vous communiquer la liste complète de ceux que nous avons consultés.
Il ne faut pas oublier que c'était là une œuvre en gestation. Mes collaborateurs ont probablement donné plus de séances d'information technique que tout autre ministère.
Le sénateur Kinsella : Merci, madame le ministre. Hier, lorsque nous avons reçu le message nous informant que les Communes avaient adopté le projet de loi, nous avons procédé à la première lecture. C'est avec plaisir que je suis intervenu pour demander, avec succès, le consentement du Sénat pour passer immédiatement à la deuxième lecture. Mon collègue, le sénateur Dallaire, et moi avons pu participer au débat de deuxième lecture, après quoi le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Comme le président l'a dit, il s'agit ici du Comité des finances. Les membres de ce comité se demandent toujours comment ce genre de mesure peut trouver place dans le cadre financier. Ce comité sénatorial est celui auquel on renvoie normalement les questions qui concernent les rouages gouvernementaux.
Votre ministère est-il suffisamment bien organisé pour assumer la charge de travail qui lui incombe à cause des programmes actuels et s'acquitter de ces responsabilités supplémentaires? Beaucoup d'entre nous ont reçu, comme vous, sûrement, madame le ministre, des plaintes d'anciens combattants qui ont souvent du mal à parler à un fonctionnaire en chair et en os pour obtenir des renseignements sur un programme, pour remplir un formulaire de demande, etc.
Avez-vous l'organisation voulue? Y a-t-il un plan en place? Donnez-vous plus d'ampleur à votre dispositif? Les anciens combattants admissibles aux nouvelles mesures devront-ils attendre au téléphone de façon interminable?
Mme Guarnieri : Honorables sénateurs, on a conclu que les objectifs de service de ce nouveau train de mesures sont bien supérieurs à ce qui existe maintenant. Nous avons veillé à ce que les anciens combattants qui reçoivent déjà des services et prestations ne perdent rien, de sorte qu'ils ne puissent pas dire qu'ils sont défavorisés de quelque façon.
Anciens Combattants Canada a en place environ 48 équipes de service à la clientèle d'un bout à l'autre du Canada. Elles sont prêtes à offrir des services de qualité à tous les clients. Quant aux vétérans qui quittent les FC, chacun sera soumis à une entrevue complète sur sa transition. Ce sera la première étape de notre nouveau système de gestion des cas, qui fera en sorte qu'aucun ancien combattant ne tombe entre les mailles du filet. Ce travail a déjà commencé.
Ce système nous ramènera à la position qui était la nôtre après la Seconde Guerre mondiale et nous permettra d'offrir la même qualité d'aide au rétablissement. Nos dossiers de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale sont impeccables. Je suis toujours étonnée de la façon dont le ministère a pu tenir ces dossiers. Nous pouvons vous dire exactement qui a reçu ses prestations de démobilisation.
J'ai aussi parlé tout à l'heure de la stratégie de placement. Nous confierons ce travail au secteur privé. Le Royaume- Uni a une entreprise qui se vante d'un taux de placement de 95 p. 100. Ce sont des résultats enviables. Il serait bien que nous puissions aider ces anciens combattants à bien démarrer dans la vie civile.
Lorsque j'étais ministre déléguée à la Défense et que je parcourais tout le pays, j'ignore si c'est simplement parce que le chauffeur savait que j'étais ministre déléguée à la Défense, mais j'ai l'impression que, dans tous les taxis que je prenais, le chauffeur était un ancien militaire qui me racontait sa vie et m'expliquait pourquoi il conduisait un taxi. C'était étrange. Je ne pensais pas avoir cette notoriété comme ministre déléguée à la Défense. En fait, j'ai entendu trop d'histoires tragiques de gens qui avaient l'impression de ne pas avoir eu la possibilité d'améliorer leur sort pour eux et leur famille.
Je dois vous avouer que j'ai demandé ses réactions au chauffeur qui me conduit sur la colline. Il s'agit d'un ancien militaire que j'ai piqué à la Défense. Ces nouvelles mesures lui ont semblé excellentes. Il aurait voulu pouvoir en profiter lorsqu'il a quitté les Forces canadiennes.
Il faut toujours aller droit à la source. Lorsque les gens prennent le temps de comprendre à quel point ce train de mesures est complet, ils débordent d'enthousiasme. Je ne voulais pas m'éloigner de votre question, mais cette initiative me remplit d'enthousiasme.
Nous sommes bien équipés et nous sommes prêts à nous mettre à l'œuvre. Ce n'est pas une initiative élaborée à la dernière minute. Un de mes collaborateurs voudrait-il intervenir?
Mme Verna Bruce, sous-ministre déléguée, Anciens Combattants Canada : J'aurais un mot à ajouter à propos des longues périodes d'attente au téléphone. Au ministère, la charge de travail a augmenté énormément, et nous avons décidé de façon délibérée de recevoir la plupart des appels dans un service central pour que notre personnel sur le terrain puisse consacrer du temps aux visites aux anciens combattants, chez eux. Nous avons un centre d'appels extrêmement efficace. Les correspondants peuvent parler à une personne en chair et en os. Ce ne sont pas des enregistrements. Nous pouvons prouver que, à l'heure actuelle, dans 95 p. 100 des cas, une personne répond aux appels dans un délai de 40 secondes. Dans la vaste majorité des cas, la personne qui reçoit l'appel peut donner une réponse. Si c'est impossible, nous avons tout un dispositif technologique de soutien. Il est possible de transférer l'appel à un bureau de district pour s'assurer que la personne qui est capable de répondre communique avec l'ancien combattant.
Le sénateur Kinsella : Merci. Il me semble crucial que le dispositif administratif soit à la hauteur et que tous les droits consentis sur le plan législatif puissent être respectés concrètement. Les programmes ne veulent pas dire grand-chose si les gens ne peuvent y avoir accès.
Mme Guarnieri : Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Kinsella : Je suis heureux de constater que, sur le plan administratif, on est sensible à cet aspect. Je vous souhaite bonne chance et je vous encourage à continuer d'exploiter la technologie de pointe dans ce domaine.
Je ne veux pas dépasser mon temps de parole. Le président est parfois très strict.
Mme Guarnieri : Il semble assez conciliant.
Le sénateur Kinsella : Nous avons parcouru ce projet de loi très attentivement. Merci, madame la ministre, d'avoir avoir prévu certaines de ces questions, car nous les avons entendues nous aussi.
Mme Guarnieri : On m'a dit de ménager votre temps, qu'il était précieux.
Le sénateur Kinsella : Permettez-moi d'aborder leparagraphe 2(5), à la page 5 du projet de loi. Je voudrais qu'on m'explique si cette disposition peut aider à dissiper les préoccupations qui ont été soulevées au sujet des cas d'anciens combattants qui se suicident, où la famille n'a pas droit aux indemnités. Ce paragraphe porte-t-il sur ce problème?
Mme Guarnieri : Il s'agit de la question du suicide.
Le sénateur Kinsella : Qu'est-ce que cela veut dire? Cette inquiétude est-elle fondée ou non?
Mme Guarnieri : La loi n'empêchera pas de verser des prestations à ceux qui se font du mal, lorsque cela est la manifestation d'un problème lié au service. Le but de la disposition est d'éviter d'indemniser ceux qui, volontairement ou intentionnellement, se mutilent, en l'absence de problème qui serait la cause de ce comportement, par exemple pour éviter le service.
Une disposition permet au ministre de passer outre à ces dispositions lorsque les circonstances le justifient.
Le sénateur Kinsella : Où se trouve cette disposition?
Mme Guarnieri : La charte laisse beaucoup de souplesse.
Le sénateur Kinsella : Madame le ministre, où se trouve la disposition qui permet au ministre de passer outre à d'autres dispositions du projet de loi. Nous sommes en comité, et j'essaie d'entrer un peu plus dans les détails.
Mme Guarnieri : Si nous avons prévu cette souplesse, c'est entre autres parce que, lorsqu'il y a des règles strictes, on risque de laisser en plan des personnes qui pourraient avoir besoin d'aide.
Le sénateur Kinsella : Pendant que nous cherchons cette disposition, je vais aborder un autre sujet de préoccupation, à l'article 18 du projet de loi. Cet article porte sur les pertes de revenu et plus particulièrement sur la détermination du revenu attribué.
Ai-je raison de dire que, aux termes du projet de loi, la formule de calcul de l'allocation pour perte de revenu à verser à un ancien combattant comprend son revenu attribué, et que cette expression, « revenu attribué », est une estimation du revenu qu'il pourrait toucher, théoriquement, si des actifs qui ne produisent pas de revenus, comme de l'immobilier ou des métaux précieux, étaient convertis en liquide? Pour quelle raison utilise-t-on le revenu attribué dans le calcul de l'allocation pour perte de revenu?
M. Mogan : C'est parce qu'il y a un plafond de 75 p. 100 sur la perte de revenu et une protection de 75 p. 100 du salaire précédent. Toutes les formes de revenu imposable, y compri celui qui est tiré d'actifs, sont évaluées par rapport à ce critère de 75 p. 100, et ce serait la norme, parce qu'il s'agit d'un plafond et non d'un minimum.
Le sénateur Kinsella : Une certaine latitude est laissée au ministre également.
M. Mogan : On laisse cette latitude pour deux raisons. D'abord, il ne faut pas présumer que le ministère sait tout sur la génération nouvelle d'anciens combattants des Forces canadiennes et sur les besoins qui se manifesteront au cours des quatre ou cinq prochaines années. Deuxièmement, les ministres actuel et précédent ont pris envers les organisations d'anciens combattants l'engagement de faire appel à elles pour l'élaboration des règlements d'application du projet de loi dans les quatre ou cinq prochains mois.
Il s'agit d'être plus permissif, en ce sens qu'il faut plus de latitude, d'une part, et, d'autre part, d'honorer envers les organisations d'anciens combattants l'engagement de poursuivre, pour l'élaboration des règlements, les consultations amorcées il y a deux ans.
Le sénateur Kinsella : Madame le ministre, dans sa clairvoyance, a anticipé le problème que poserait le délaide 120 jours prévu au paragraphe 9(2). Pourriez-vous me dire pourquoi le délai est de 120 jours et non de 150?
M. Morgan : Ce chiffre a été choisi en raison d'un programme de réadaptation existant qui relève du chef de l'état- major, le Régime d'assurance-revenu militaire, ou RARM, dont le délai est de 120 jours. Nous ne voulons pas créer deux normes, maisnous sommes conscients que l'application arbitraire d'un délai de 120 jours, surtout pour les personnes qui ont souffert de stress opérationnel, est absurde, jusqu'à un certain point, étant donné ce que nous savons. D'une part, vous voulons respecter ce délai, mais, d'autre part, nous voulons que le ministre ait la possibilité d'éviter que cette contrainte ne devienne une entrave à une réadaptation réussie.
Le sénateur Ringuette : Moi qui ai été la bru d'un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui est parti du Canada charpentier et est rentré avec le bras droit en moins et une jambe droite dysfonctionnelle, je suis impressionnée par ce que vous proposez. À l'époque, la réadaptation et le placement des anciens combattants n'étaient pas une tâche facile, surtout s'ils rentraient avec des handicaps majeurs. Je constate que, dans votre projet de loi, vous avez tenu compte de la question. Un point m'inquiète cependant. J'ai lu beaucoup de documentation sur l'aide au placement. Je suis d'accord pour qu'on prenne des dispositions afin d'avoir des concours fermés dans la fonction publique pour les anciens combattants. Il est également question de deux autres éléments.
Un de ces éléments concerne les emplois dans les régions,et je ne suis pas d'accord, dans l'intérêt de la population canadienne, et je ne serais pas d'accord non plus sur la restriction de 50 kilomètres pour les débouchés offerts aux vétérans. Cette barrière est indiquée comme une restriction, et j'espère assurément que, au cours de vos entretiens avec la Commission de la fonction publique du Canada vous ferez disparaître cet élément. Si un Canadien de quelque région que ce soit au Canada est assez bon pour s'enrôler et servir la population canadienne, il devrait être assez bon pour avoir droit à n'importe quel poste à la fonction publique, n'importe où au Canada. C'est là un sujet de préoccupation réelle que je tiens à signaler pour m'assurer que vous en discutiez avec la Commission de la fonction publique du Canada. Toujours à propos du placement, le projet de loi dit que l'administrateur général du ministère donnera la priorité aux vétérans pour certains postes. C'est à lui que reviendra la décision. Ce n'est pas acceptable, parce que je ne crois pas que votre ministère aura tous les contacts, toutes les communications pour tous les vétérans qui cherchent différents types d'emploi avec les administrateurs généraux de tous les ministères. Cela me préoccupe, si nous voulons donner la priorité aux vétérans. Déjà, les administrateurs généraux ont du mal à trouver des postes pour les membres de nos minorités. Vous pouvez comprendre mon inquiétude.
Le sénateur Oliver : Madame le ministre, voulez-vous répondre?
Mme Guarnieri : Vous faites ressortir un point valable, mais la disposition proposée ici est déjà une amélioration par rapport à la situation actuelle. Nous donnons aux anciens combattants l'occasion de se placer dans la fonction publique.
Toutefois, le problème et la préoccupation que vous soulevez peuvent trouver une réponse dans la réglementation à rédiger avec la Commission de la fonction publique du Canada. C'est une question que vous pourriez signaler lorsque nous serons sur le point de terminer l'élaboration du règlement.
Le sénateur Ringuette : Je crois comprendre que la Commission de la fonction publique proposera des modifications à l'actuelle Loi sur la modernisation de la fonction publique, le projet de loi C-25, pour tenir compte de ces préoccupations.
Mme Guarnieri : C'est une question que nous allons suivre de près.
Le sénateur Ringuette : J'y veillerai aussi. Ma dernière préoccupation concerne le placement dans le secteur privé et les revenus de l'ancien combattant et de sa famille. Vous avez parlé d'un taux de succès de 95 p. 100 en Grande- Bretagne. Ce taux de réussite tient-il compte seulement des placements et non de la qualité des emplois? Je ne voudrais pas que nos anciens combattants se retrouvent derrière des comptoirs de McDonald. Nous ne voulons pas que les vétérans, parce qu'ils profitent d'un placement, travaillent au salaire minimum chez McDonald et perdent leurs avantages médicaux et autres auxquels ils auraient droit s'ils n'étaient pas placés par une agence.
Le sénateur Oliver : Madame le ministre, c'est là une question cruciale. Bien des gens tiennent à entendre votre réponse.
Mme Guarnieri : Notre ministère a les intérêts supérieurs des anciens combattants à cœur. Nous disons : si vous servez votre pays, vous devriez sortir des forces dans une situation meilleure ou au moins égale à celle qui était la vôtre avant d'y entrer. Dans le modèle britannique, le taux de succès est fascinant. Pour dissiper ou au moins atténuer vos préoccupations, nous pourrions peut-être vous procurer de la documentation sur le modèle britannique.
Je suis allée en Angleterre, et nos sous-ministres ont eu des échanges approfondis au sujet du modèle britannique et de l'agence de placement qui se charge du travail. Nous voulons obtenir un taux de réussite comparable. Vous avez raison. Nous n'allons pas mettre les anciens combattants derrière des comptoirs de McDonald. Nous voulons qu'ils aient des emplois sérieux et qu'ils puissent améliorer le sort de leurs familles.
Nous n'essayons pas de contraindre ces anciens membres des Forces canadiennes à accepter des emplois qui ne sont que des impasses. Nous essayons d'aider ces anciens combattants et leurs familles à se bâtir un plus bel avenir.
Le sénateur Downe : Soyons clairs, et corrigez-moi si je me trompe. Je crois comprendre que seuls les vétérans des Forces canadiennes ayant une incapacité auront droit à la priorité dans la fonction publique fédérale.
Mme Guarnieri : C'est exact.
Le sénateur Downe : Vous avez dit un mot tout à l'heure des problèmes d'instruction que certains anciens combattants peuvent avoir. Prévoit-on de la formation pour les aider à se qualifier pour ces emplois?
Mme Guarnieri : Le recyclage est un élément essentiel du programme. Nous veillerons à ce que personne ne s'engage dans la voie de la réadaptation ou du recyclage sans avoir un certain soutien. En ce moment, lorsque les gars des Forces canadiennes s'en vont, ils sont livrés à eux-mêmes, une fois terminée la période de deux ans. Dans l'approche globale améliorée que nous proposons, nous assumons une responsabilité permanente à l'égard de ces gens qui ont servi notre pays. Nous ne disons pas : loin des yeux, loin du cœur. Nous assumons la responsabilité de les aider à se donner un mode de vie amélioré. Une personne qui vit dans des circonstances plus favorables permet à notre pays d'être plus productif et viable. Nous tenons à améliorer le mode de vie de ces personnes. Nous substituons les possibilités d'épanouissement à la dépendance. C'est l'élément clé.
Le sénateur Downe : Monsieur le président, je crois que c'est un bon début, mais je me demande pourquoi le gouvernement n'accorde pas ce traitement à tous les membres des Forces canadiennes qui prennent leur retraite. Ces hommes et ces femmes sont payés par le gouvernement du Canada, dont ils reçoivent aussi des pensions. Un grand nombre d'entre eux sont maintenant exposés à des dangers à l'étranger. Pourquoi n'auraient-ils pas droit à un placement prioritaire dans la fonction publique fédérale lorsqu'ils rentrent au Canada?
Mme Guarnieri : C'est une possibilité qu'il faudra envisager à un moment donné. La charte proposée ici est ce que nous négocierions pour l'instant avec la Commission de la fonction publique. L'idée me semble intéressante. Ce que nous présentons ici a été négocié et jugé acceptable pour l'instant. J'estime que cette charte est un document vivant. Il est malléable et se prêtera à des améliorations ultérieurement.
Nous avons parlé tout à l'heure de la latitude laissée au ministre. L'une des raisons, c'est que nous sommes saisis d'innombrables cas, même maintenant, de vétérans qui ne sont pas admissibles aux programmes. Maintenant, nous pouvons envisager toutes sortes d'autres options parce que nous voulons toujours donner le bénéfice du doute à l'ancien combattant pour répondre à ses besoins. Chose certaine, je voudrais que d'autres comités, à l'avenir, étudient votre idée.
[Français]
Le sénateur Ferreti Barth : Madame la ministre, je suis très heureuse de voir ce projet de loi devant nous. On a toujours pensé que les vétérans de guerre, c'était les vétérans de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Il y a également beaucoup de vétérans des guerres modernes. Une partie de notre population était traitée comme des vieillards de la Première Guerre mondiale. Je travaille avec les personnes âgées. J'ai un club de l'âged'or dans la région d'Ortona. Nous avons des vieillards qui ont 82, 85 ans qui ont fait la Seconde Guerre mondiale. Nous donnons tout ce que nous pouvons sur une base volontaire. Mais tous ces changements modernes me préoccupent un peu.
Je proposerais que le conseil consultatif sur la Charte des anciens combattants du Canada soit mandaté afin d'examiner, tous les trois ou quatre mois, l'application de la loi sur les mesures de réinsertion des militaires et vétérans des Forces canadiennes afin d'assurer que les décisions prises reflètent l'esprit de la loi. On touche beaucoup de choses au plan social. Il faut qu'il y ait une supervision pour voir si la loi appliquée reflète vraiment l'esprit de votre proposition.
Mme Guarnieri : C'est une très bonne proposition. Peut-être tous les quatre mois, on pourrait faire un petit examen. On fait déjà des examens régulièrement, on fait des sondages pouvoir si on rencontre nos objectifs. Votre suggestion est excellente. Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur Day : Je suis d'accord avec vous pour que nous suivions notre programme. Nous avons ici un bon nombre d'organisations d'anciens combattants. J'ai aussi accueilli favorablement l'idée de la ministre et de ses collaborateurs, qui veulent bien rester avec nous. Si des problèmes surgissent, nous pourrons faire appel à eux et régler ces problèmes.
Mme Guarnieri : Nous tenons à fournir de l'information et à répondre à toutes les propositions ou préoccupations.
Le sénateur Day : Je voudrais revenir sur un point souligné par mon collègue, le sénateur Kinsella. Il a dit à nos témoins qu'ils comparaissaient devant un comité qui peut paraître étrangement choisi, puisque que c'est le Comité des finances nationales. Le choix logique aurait été le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et son Sous-comité des anciens combattants, mais je crois comprendre qu'ils sont en déplacement. Le sénateur Atkins et moi faisons partie de ce sous-comité. J'ai également discuté avec le président duSous-comité des anciens combattants et le président du Comité de la sécurité nationale et de la défense. Ils ont pris le temps, pendant les déplacements des comités, de discuter du projet de loi. Ils m'ont fait savoir et m'ont demandé de faire savoir au comité qu'ils appuient le projet de loi sans réserves. Je crois qu'il importait de le dire publiquement.
Mme Guarnieri : Merci. Je le répète, nous donnerons des renseignements d'ordre technique à tous ceux qui pourraient en demander, parce que nous tenons à ce que cette mesure soit adoptée. Je sais qu'il y a beaucoup de choses à assimiler, mais nous tenons à ce que tous comprennent comment les programmes sont intégrés les uns aux autres. Cette nouvelle initiative nous remplit d'enthousiasme.
Le président : Merci. Sénateur Day, Je vous remercie de vos observations. Madame la ministre, je vous remercie, vous et vos collaborateurs, d'un excellent exposé. Vous avez couvert beaucoup de choses et vous avez su prévoir un grand nombre de nos questions.
Mme Guarnieri : J'ai triché. J'ai écouté votre débat. Il m'a semblé très éclairé, et nous tenions à aborder tous les problèmes et préoccupations que vous avez soulevés. Nous allons vous fournir toute l'information possible pour faciliter vos travaux.
Le président : Notre prochain groupe de témoins comprendM. Cliff Chadderton, directeur général des Amputés de guerre, qui comparaît ce soir à titre de président du Conseil national des associations d'anciens combattants, le CNAAC. Si vous vérifiez votre documentation, vous constaterez qu'on y trouve les exposés des trois prochains témoins. Nous accueillons égalementMme Mary-Ann Burdett, qui représente la Légion royale canadienne. Elle est la première femme à occuper la présidence nationale. Elle a été élue lors du 40e congrès national, qui a eu lieu à London, en Ontario, en juin 2004.
M. Kenneth Henderson fait aussi partie de ce groupe. Il est le président national des Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, l'ANAVETS. La vocation de cette association est de réunir fraternellement ceux qui ont servi dans les forces armées de Sa Majesté.
Mme Mary-Ann Burdett, présidente, Légion royale canadienne : Honorables sénateurs, à titre de présidente nationale de la Légion royale canadienne, qui compte plus de 400 000 membres et en ma qualité d'ancienne combattante moderne qui a servi dans l'Aviation royale du Canada, je suis heureuse de comparaître aujourd'hui devant le comité, qui étudie le projet de loi C-45, Loi prévoyant des services, de l'assistance et des mesures d'indemnisation pour les militaires et vétérans des Forces canadiennes ou à leur égard et modifiant certaines lois.
Au fil du temps, un certain nombre de programmes qui étaient offerts aux anciens combattants d'autrefois, comme les services de réadaptation, l'aide au placement ou les généreux avantages que procurait la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, ont peu à peu disparu, ce qui laisse les anciens combattants d'aujourd'hui dans une situation précaire. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, la Légion royale canadienne appuie cette initiative sans aucune réserve.
Depuis notre congrès national qui a eu lieu à Halifaxen 2000, nous préconisons un plan intégré et complet visant à élaborer une nouvelle charte des anciens combattants qui offrirait des services selon un système fondé sur les besoins et non sur les programmes. Malheureusement, l'approche fondée sur des programmes qui établit les droits aux prestations dans le cadre de la pension d'invalidité peut occasionner des retards.
Les anciens combattants d'aujourd'hui portent souvent des cicatrices invisibles qu'il n'est pas facile de repérer. Les problèmes mentaux qui découlent du stress opérationnel nécessitentsouvent une intervention rapide, si nous voulons réussir à réadapter les membres et les vétérans des Forces armées et atténuer les souffrances des êtres qui leur sont chers. Le projet de loi C-45 nous donne la possibilité d'intervenir rapidement grâce à un point d'accès unique aux services et à la gestion des cas. Il offre des services de réadaptation, des prestations en matière de santé, une aide au placement et un soutien financier constant. Il offre en outre pour les souffrances subies une indemnisation sous la forme d'un montant forfaitaire. En soi, cela favorise une optique axée sur le mieux-être afin d'assurer une transition en douceur vers la vie civile.
Évidemment, l'adoption de cette charte ne veut pas dire que la Légion renoncera à son rôle de défenseur des anciens combattants, rôle que nos jouons depuis 1926. Nos démarches persévérantes ont permis d'apporter de nombreuses améliorations aux prestations et avantages consentis aux anciens combattants et aux personnes qui sont à leur charge. Nous réclamons aussi des prestations bonifiées pour les personnes âgées, comme un programme national pour l'autonomie des aînés qui s'inspirerait du Programme pour l'autonomie des anciens combattants.
La Légion sera au poste pour surveiller l'application du programme, présenter de nouvelles demandes lorsque cela s'impose et aider dans toute la mesure du possible le ministère à appliquer le programme. Le nouveau projet de loi n'est qu'une étape, considérable il est vrai, qui nous permettra d'améliorer les prestations offertes aux anciens combattants et à leurs familles. La Légion continuera de préconiser des améliorations au gré des besoins et de surveiller ce qui se passe sur le terrain.
Nous veillerons également à ce que les prestations offertes aux anciens combattants du passé soient préservées à l'avenir et nous réclamerons des soins de fin de vie de qualité pour ces personnes qui le méritent bien.
Monsieur le président, nous voulons obtenir ce projet de loi. Les anciens combattants du Canada en ont besoin. Merci.
Le sénateur Oliver : Madame Burdett, merci de cet excellent témoignage.
M. Cliff Chadderton, président, Conseil national des associations d'anciens combattants : Monsieur le président et honorables sénateurs, je compte de très longues années d'expérience dans la réadaptation des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. J'ai sous les yeux un mémoire que nous avons présenté en 1998. Chose curieuse, le projet de loi donne suite à presque toutes les recommandations que nous avons alors formulées.
Je voudrais parler rapidement de deux ou trois choses. D'abord, le montant forfaitaire. Si un homme perd une jambe qui est amputée au-dessus du genou, il peut avoir des prestations de pension. Cela prend beaucoup de temps et d'adaptation, mais on n'a jamais rien fait pour ce que nous appelons le choc immédiat. Voici ce que je veux dire : ne vous inquiétez pas; le gouvernement va s'occuper de vous; voici une indemnité, qui peut s'élever à un maximum de 250 000 $. Ou, en cas de décès d'un membre des Forces canadiennes, la veuve peut obtenir un maximum de 250 000 $.
C'est l'une des grandes imperfections de la charte des anciens combattants dont je parle depuis des années.
Deuxièmement, le sénateur Downe a parlé de l'aide au placement. Il n'y a rien de mal à placer une personne qui vient de quitter les Forces canadiennes dans un emploi peu rémunéré, jusqu'à ce qu'il s'implique et comprenne où il se situe dans la vie civile. La disposition prospective du projet de loi compense. Il peut commencer par transporter les sacs d'épicerie, travailler chez McDonald, peu importe, mais cette disposition lui permet de travailler et de s'intégrer à la société civile.
S'il ne gagne pas autant que dans les Forces armées, et loin de là, parfois, il y a un disposition qui permet de compenser le manque à gagner pendant une période prolongée. Il s'agit de prestations de portée si vaste que j'ai du mal à croire qu'un gouvernement l'adopte, compte tenu de ce que nous avons réclamé pendant de longues années.
Je vous renvoie rapidement à ce document que nous avons présenté au comité des Communes et au sous-comité sénatorial en 1998. La plupart des éléments abordés étaient considérés comme des problèmes très réels, et nous nous demandions s'ils pourraient jamais être corrigés. Ils l'ont été. Je suis tellement content de ce projet de loi que je n'arrive pas à y croire.
Je suis le porte-parole de 51 organisations. Nous avons un excellent personnel, bien organisé et renseigné qui sait ce qui est arrivé aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ils savent quels besoins n'ont pas été satisfaits.
À l'époque de la démobilisation de ces anciens combattants, nous parlions de retour au travail dans le civil. Madame le ministre, c'est une chose que vous allez devoir examiner, mais si cela a marché, c'est qu'il n'y avait de poursuites qu'aux termes de cette loi. Comment je le sais? D'expérience. Une fois, nous avons amené l'employeur à prendre conscience que nous étions très sérieux, que si les anciens combattants travaillaient à remplir des boîtes de papier, lorsqu'ils ont été appelés sous les drapeaux, ils savaient maintenant faire autre chose. Il faut tenir compte de la maturité que le service militaire a donné à l'ancien combattant, etc.
Ce qui a vraiment aggravé les choses, et c'est une question que nous devons étudier très attentivement — pas seulement le comité, mais aussi tous les Canadiens —, c'est le travail que font ces gens. Qui sont-ils? Que font-ils? Il faut comprendre que ce type n'est pas un simple soldat; il n'est pas un type à qui on donne une pelle en lui disant de creuser une tranchée. Aujourd'hui, c'est un ambassadeur. On compte qu'il accomplisse bien des choses que nous n'avons jamais eu à faire au cours de la Seconde Guerre mondiale. Nous devons nous assurer que, si nous demandons à un employeur civil d'engager tel ancien combattant, de lui donner une chance, nous devons en donner une image bien différente de celle que la plupart des employeurs civils se font de l'ancien combattant.
Il y a trois semaines, je me trouvais chez Stelco. L'entreprise est sous séquestre, et elle a du mal à recaser les gens qu'elle veut placer. Je leur ai dit : vous parlez de gens qui atteignent 65 ans et touchent leur retraite. Que dire du type qui, aujourd'hui, sert à l'étranger comme ambassadeur, risque sa vie et reste loin de sa famille pendant Dieu sait combien de temps? Il est étonnant à quel point la direction actuelle de Stelco a saisi mon point de vue rapidement.
Nous avons examiné la situation d'un type envoyé en Somalie, par exemple. On peut dire que c'est la fin. Mais non, ce n'est pas la fin, mais le début. C'est ce qu'il a décidé de faire pendant quelques années. Il aurait pu être réserviste. Parfois, les employeurs le gardaient à leur service avec une petite rémunération, mais il va revenir, et il sera un bien meilleur homme.
Il est intéressant à quel point ils ont saisi tout de suite. J'ai encore un ou deux points à faire ressortir.
Le président : Nous voudrions entendre M. Henderson également.
M. Chadderton : J'ai été heureux d'apprendre que tout ce pourquoi nous nous sommes battus pendant des années a été protégé. L'ancien combattant d'autrefois ne perd rien. Deuxièmement, il faut s'interroger sur la définition d'ancien combattant. L'expression gardien de la paix n'est pas bonne. Je la déteste. Ces gens-là ne veulent pas nécessairement se faire appeler des anciens combattants et obtenir toutes les prestations des anciens combattants, mais ils veulent que les gens les reconnaissent comme des anciens combattants. Cela ne veut pas dire que vous êtes allé à l'étranger, que vous avez dû creuser des tranchées ou des latrines, par exemple. Cela veut dire que vous êtes allé à l'étranger et que vous avez accompli un vrai travail pour le Canada. Nous reconnaissons un vétéran du maintien de la paix comme quelqu'un d'aussi bon que les types avec qui j'ai servi, sinon meilleur, et je le déclare publiquement. Je ne sais pas trop s'il y a autre chose dont je veux parler. Soyez très prudents au sujet des prestations du Royaume-Uni. N'oubliez pas qu'un emploi au Royaume-Uni pour un ancien combattant qui a servi à Suez ou ailleurs, c'est parfois un emploi, et c'est tout. Il faut être prudent. Ce dont il faut se préoccuper, dans la réadaptation, c'est que l'ancien combattant puisse travailler. S'il ne gagne pas autant que dans les forces, versez lui l'appoint, car la nouvelle loi permet de le faire.
Il s'agit du projet de loi le plus avant-gardiste qu'on puisse imaginer. Je regarde autour de la table, et je vois des sénateurs avec qui j'ai travaillé au fil des ans, et, s'il faut dire la vérité, je ne pense pas que nous ayons jamais cru possible d'avoir ce type de projet de loi. Autre chose encore. Oubliez les distinctions au sujet de ce que vous appelez les « zones de service spécial ». Pourquoi? Quelle est la différence entre l'inondation au Manitoba et le service en Yougoslavie? Si un soldat est blessé, il est blessé. S'il est exposé à un danger, il est exposé à un danger. Dieu merci, tout cela est du passé. Merci, honorables sénateurs.
Le président : Le troisième témoin du groupe est M. Kenneth Henderson. Honorables sénateurs, il est président national d'Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada. Vous avez la parole. Nous voudrions connaître votre opinion, après quoi nous passerons aux questions.
M. Ken Henderson, président national, Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada : Monsieur le président, c'est un grand honneur de représenter les Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada. Notre association compte 30 000 membres, et elle a vu le jour en 1841 dans la belle ville de Montréal, au Québec. Elle est d'autant plus belle que le projet de loi C-45 que vous étudiez revêt une grande importance et une profonde signification. Depuis environ cinq ans, l'ANAVETS travaille en étroite coopération avec Anciens Combattants Canada et d'autres organisations d'anciens combattants pour moderniser les lois qui touchent les anciens combattants. La grande charte des anciens combattants a été adoptée peu après la Seconde Guerre mondiale et elle portait sur les questions qui se posaient après la guerre.
Les choses ont bien changé depuis et nous avons apporté beaucoup de modifications à cette loi au gré de l'évolution des circonstances et des besoins des anciens combattants.La plus récente de ces modifications législatives est le projet de loi C-50, qui a été adopté vers la fin de 2003. Toutefois, les lois en place qui assurent les prestations et services nécessaires aux anciens combattants de la guerre ne répondent pas aux besoins des plus jeunes vétérans des Forces canadiennes qui ont en moyenne 36 ans au moment de leur retraite. Ils font face à des problèmes différents et ils ont des besoins différents de ceux de leurs prédécesseurs. C'est pourquoi l'application des anciennes règles à la situation contemporaine occasionne de nombreuses injustices aux vétérans d'aujourd'hui.
Il fallait donc une nouvelle loi sur les anciens combattants. La nouvelle charte des anciens combattants est axée sur une définition plus précoce des besoins et services de réadaptation et l'offre d'un soutien qui prend la forme d'une formation et d'une aide au placement. Si l'ancien combattant est incapable de travailler à cause d'une blessure, elle assure un soutien pour la formation du conjoint. La nouvelle loi accorde aussi des indemnités monétaires pour tenir compte des souffrances subies, en plus d'un soutien du revenu pendant la phase de transition vers un emploi civil.
Tout le processus vise à aider les anciens combattants à se reprendre en main et à devenir le plus tôt possible des membres productifs de la société. Je dois ajouter également que l'ensemble du processus a été conçu avec la participation directe de toutes les organisations d'anciens combattants, à toutes les étapes de la démarche. Le processus pouvait être influencé par toutes les recommandations qui ont été formulées.
En somme, la nouvelle charte des anciens combattants est une solution réaliste aux nombreux problèmes qui se posent aux anciens combattants lorsqu'ils réintègrent le marché du travail après avoir servi notre pays. Les Anciens Combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada appuient à fond la nouvelle loi.
Merci beaucoup de m'avoir invité à exposer mon opinion ce soir.
Le président : Merci beaucoup de votre témoignage. Pour revenir sur ce dernier point, vous avez dit au départ que votre association comptait 30 000 membres. Vous témoignez ce soir à titre personnel ou au nom de tous ces membres?
M. Henderson : Au nom des membres.
Le président : Ce que vous avez dit correspond à leur opinion?
M. Henderson : Oui, monsieur.
Le sénateur Kinsella : Je voudrais aborder deux questions. Voici la première. Si je comprends bien le projet de loi à l'étude, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) restera le mécanisme d'appel pour l'application des dispositions de la loi. C'est également votre interprétation? Que pensez-vous, et que pensent vos membres respectifs, de vos contacts avec le tribunal d'appel? Ce tribunal est-il efficace? Recevez-vous beaucoup de plaintes au sujet de ce processus ou du modèle de la part des membres des diverses organisations? Avez-vous une idée du nombre d'appels soumis chaque année au tribunal de révision? Ce nombre est-il l'indice de faiblesses dans le système? Je tiens à ce que nous ayons un système efficace pour que les prestations et services soient bien réels?
Mme Burdett : Je suis d'accord avec vous. Il est très important que ces services soient assurés efficacement. Je suis accompagnée aujourd'hui par le chef du bureau des services de la Légion royale canadienne. Il peut vous donner des faits et des chiffres, ou au moins des estimations assez justes. Je ne travaille pas forcément sur les données et les chiffres tous les jours, mais il le fait. En général, nous estimons que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ou TACRA, est un tribunal efficient et efficace, et nous sommes heureux de travailler avec lui. Il y a toujours des plaintes et des préoccupations parce que les choses ne vont pas aussi vite que certains le voudraient.
Si la décision finale sur une demande n'est pas favorable au requérant, il y aura une plainte.
Dans l'ensemble, nous trouvons que le tribunal est efficace et efficient. Monsieur Allard, avez-vous une idée du pourcentage des plaintes ou bien est-ce que je demande des chiffres qui sont au bureau?
M. Pierre Allard, directeur, Services nationaux, Légion royale canadienne : Nous représentons des anciens combattants au Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Il importe de comprendre que aux termes de la nouvelle charte du projet de loi C-45, le TACRA ne joue un rôle d'arbitre ou de donne des avis que pour les prestations d'invalidité et non pour les programmes de mieux-être ou de réadaptation. Son rôle se limite aux décisions en matière d'invalidité, tout comme maintenant. Le TACRA s'est renouvelé au fil des ans. Le nouveau président, M. Victor Marchand, a apporté une bouffée d'air frais. Le tribunal de révision étudie probablement 6 000 cas par année et le taux de décisions favorables est d'environ 50 p. 100 pour les révisions et de 25 p. 100 pour les appels.
Le sénateur Kinsella : Le projet de loi prévoit cinq nouveaux programmes, et le TACRA ne sera pas l'instance d'appel.
M. Allard : Ce n'est pas un processus d'appel. Toutefois, je comprends que, dans l'optique du ministère, il y aura un processus d'appel intégré.
Le sénateur Kinsella : Permettez-moi de poser ma deuxième question. Je présume que chacune de vos organisations compte des membres qui n'habitent pas au Canada, et j'attire votre attention sur l'article 33 du projet de loi, qui dit que les prestations de soutien du revenu des Forces canadiennes ne peuvent être versées qu'aux personnes qui habitent au Canada. Que pensez-vous de cette disposition?
M. Allard : Je m'en remettrais probablement au ministère.
M. Chadderton : Je serais très prudent, car si on commence à élargir le PAAC et si un ancien combattant décide d'habiter au Nouveau-Mexique, vous avez un vrai problème sur les bras. Je crois que le ministère a toujours eu raison de limiter ces prestations aux personnes qui habitent au Canada. Si un ancien combattant souhaite vivre ailleurs dans le monde, soit, mais on ne peut les accompagner là-bas. On ne peut pas prendre des décisions sur les travaux ménagers, le déneigement, et les autres choses semblables. Il y a un grand danger chaque fois qu'une nouvelle loi est adoptée. On demande d'en étendre l'application. Je crois que les choses se passent très bien aujourd'hui avec le PAAC actuel.
Le président : Avant que le sénateur Dallaire ne pose sa question, je tiens à dire que le sénateur est l'un de nos tout nouveaux sénateurs et que c'est la première fois qu'il assiste à une séance de ce comité. Sénateur Dallaire, vous êtes le bienvenu. Vous avez la parole.
Le sénateur Day : Il est également parrain du projet de loi.
Le sénateur Dallaire : Merci, sénateur Oliver et mesdames et messieurs. Le projet de loi prévoit des moyens d'action et une certaine souplesse pour l'avenir. Le ministre aura donc plus de latitude dans l'interprétation de la loi que ce n'était le cas dans l'ancienne charte des anciens combattants. Comme mon collègue l'a dit, beaucoup de détails permettant de régler certains problèmes seront précisés par le processus de réglementation qui pourrait prendre un an, le temps de tout examiner. Le ministère a accepté que soit maintenu, tout au long du processus, le conseil consultatif qui a permis toute cette démarche, pour surveiller l'élaboration des règlements.
Comme j'ai été sous-ministre adjoint chargé de rédiger des politiques et que j'ai vu ensuite les résultats finals dans un règlement, je me demandais parfois si le règlement correspondait à la politique adoptée ou à autre chose. C'est pourquoi le suivi est absolument crucial. Je pense que la consultation régulière du Sous-comité des anciens combattants serait une méthode très bien accueillie pour tous les anciens combattants, qui, en fin de compte, en profiteraient.
Je suis censé poser une question, sans doute. Êtes-vous d'accord?
M. Henderson : Je voudrais ajouter qu'Anciens Combattants Canada a également dit qu'il nous encourageait à participer au processus. Nous sommes d'accord, bien sûr. Merci.
Le sénateur Kinsella : Le sénateur Dallaire a parlédes règlements. D'après ma lecture du projet de loi,l'article 63 prévoit expressément des règlements, mais ils ne porteraient que sur les règles de preuve et les présomptions applicables aux demandes d'indemnité d'invalidité et d'indemnité de décès.
Y a-t-il d'autres dispositions où mes collègues ont remarqué qu'on accordait des pouvoirs de réglementation? Le sénateur Dallaire songeait-il à quelque chose en particulier?
Le sénateur Dallaire : Non, j'essayais d'expliquer comment le projet de loi serait appliqué par les fonctionnaires qui offrent des services. Au fond, je veux parler de tout, y compris les arrangements contractuels avec les entreprises dont les services seront retenus pour la réadaptation, l'aide au placement, etc. Il y a tout un processus à mettre en place pour fournir les services. Qu'il s'agisse de règlements, d'instructions, de directives, d'énoncés de politique, etc., tout cela doit être produit pour donner suite au projet de loi. J'estime que le suivi doit retenir l'attention.
Le président : Je crois que le sénateur Kinsella a trouvé l'article en question. C'est le 94, et il porte sur les règlements. Il dit que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements. C'est donc l'article qui accorde ce pouvoir.
Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur n'a de questions à poser, je vais remercier les trois témoins, M. Chatterton, Mme Burdett et M. Henderson, de leur contribution à l'étude de ce projet de loi très important pour le Canada et les Canadiens.
Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant M. Dave Monro, président national de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, ou ACVMP. L'ACVMP est une association nationale d'anciens combattants de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Elle cherche à améliorer la qualité de vie des anciens combattants, des blessés et de leurs familles. Nous accueillons aussi le colonel à la retraite Don Ethell, président honoraire de l'Association canadienne des vétérans de la guerre du Golfe. Peter Neary, troisième membre du groupe, est le président du Conseil consultatif sur les Forces canadiennes d'Anciens Combattants Canada.
Nous vous invitons à faire une brève déclaration d'environ cinq minutes. Ensuite, nous ferons un tour de table, et les sénateurs pourront poser des questions.
M. Peter Neary, président, Conseil consultatif sur les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada : Honorables sénateurs, mon rapport avec le projet de loi C-45 est à la fois professionnel et personnel. Des deux côtés, ma famille a profité des programmes canadiens destinés aux anciens combattants. Je connais bien ces programmes et je sais qu'ils constituent un élément fort important du dispositif canadien de sécurité sociale.
À cause de leur importance fondamentale, je tiens à ce que ces programmes soient réformés et améliorés. C'est ce que le projet de loi C-45 fera. J'ai donc hâte qu'il soit promulgué. Il favorisera la justice intergénérationnelle dans notre pays et donnera une signification concrète à la reconnaissance des anciens membres des Forces canadiennes comme vétérans.
Comme vous le savez, cette reconnaissance remonte à 2001, soit il y a quatre ans. Le gouvernement a alors accordé le statut d'ancien combattant à tous les anciens membres des Forces canadiennes répondant aux normes de qualification professionnelle militaire et ayant été honorablement libérés. Cette reconnaissance n'avait que beaucoup trop tardé. Le projet de loi C-45 est l'étape logique et nécessaire qui doit suivre sur le plan de la politique.
Je suis historien de profession et je m'intéresse plus particulièrement à l'histoire des prestations aux anciens combattants au Canada. Permettez-moi de vous dire un mot de cette histoire. Pendant la Grande Guerre de 1914-1918, le Canada a rapidement créé un programme de prestations pour lesanciens combattants. En 1918, le ministère du Rétablissement civil des soldats était mis sur pied et la Loi sur les pensions était adoptée en 1919. Au cours de la Seconde Guerre mondiale,le Canada a enrichi cet acquis et étendu considérablement l'éventail des prestations offertes à ceux qui avaient servi sous les drapeaux. Le programme complexe ainsi constitué a été appelé la charte des anciens combattants. C'est le programme que le projet de loi C-45 vise à renouveler et à moderniser.
Le ministère des Affaires des anciens combattants a été créé en 1944 pour administrer et coordonner la charte initiale des anciens combattants. Il a ensuite suivi l'évolution, tout au long de sa vie, de la génération de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 80, le ministère était devenu l'un des principaux centres de savoir au Canada en matière de gérontologie. Plus récemment, le ministère, qui s'appelle Anciens Combattants Canada depuis 1984, s'intéresse de plus en plus aux besoins des vétérans des Forces canadiennes. Dans les années 90, la taille des Forces canadiennes a été réduite, mais elles ont été soumises à une accélération sur le plan opérationnel. Il en est résulté une crise sur le plan des soins qui a été fort bien documentée par le Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants dans son important rapport de 1998, « Pour aller de l'avant, » rapport qui a entraîné une initiative visant à améliorer la qualité de vie dans les Forces canadiennes. Il ouvrait également la voie vers le projet de loi C-45, qui est l'aboutissement de démarches longues et minutieuse de recherche et de consultation qui se poursuivent depuis.
En 1996, Anciens Combattants Canada a entrepris une vaste étude des besoins des anciens combattants en matière de soins. Cette étude a conclu que « la responsabilité du gouvernement du Canada envers le personnel des FC et leurs familles doit être confirmée ». Anciens Combattants Canada a répondu à cette conclusion clé par toute une gamme d'initiatives, dont l'une a été la nomination, en juillet 2000, du Conseil consultatif sur les Forces canadiennes d'Anciens Combattants Canada, que j'ai eu l'honneur de présider. Ce conseil avait pour rôle de donner des opinions, dans le cadre du mandat d'Anciens Combattants Canada, sur les politiques, programmes et services propres à répondre aux besoins des membres et vétérans des Forces canadiennes et de leurs familles.
Dès le début, le conseil a été une entité interdisciplinaire, et il comprenait des chercheurs universitaires, des praticiens, des membres nommés par des organisations représentant les intéressés et les anciens combattants, des représentants nommés par divers ministères et organismes fédéraux, ainsi qu'un membre des Forces canadiennes à la retraite. Le conseil a commencé à se réunir deux fois par année, au printemps et à l'automne. Il a entrepris de réunir de l'information et de mettre des expériences en commun. Pour faire avancer le dossier, le conseil a dépêché un groupe d'enquête sur les bases militaires pour discuter avec les membres des Forces canadiennes. Le rapport de ce groupe, qui était de nature plus qualitative que quantitative, a aidé à orienter les travaux du conseil. Il a abouti à la conclusion, lors de sa réunion d'octobre 2002, qu'il fallait publier un document de consultation publique en vue d'aider les Canadiens à comprendre les problèmes qui se posaient à Anciens Combattants Canada pour répondre aux besoins urgents des vétérans des Forces canadiennes et de leurs familles.
Il s'agissait là d'une grande entreprise, mais, en mars 2004, nous avions trois documents qui étaient prêts : un document de travail intitulé « Respecter l'engagement du Canada : offrir« possibilités et sécurité » aux anciens combattants des Forces canadiennes et à leurs familles au XXIe siècle, » un résumé de ce document de travail et un document de référence sur l'évolution des avantages offerts aux anciens combattants au Canada. J'ai comparu devant le sous-comité sénatorial des anciens combattants pour parler de ces documents.
Nous avons réclamé un programme pour les vétérans des Forces canadiennes et leurs familles qui respecterait 17 principes et processus. Nous avons également mis l'accent sur six questions qui nécessitaient une attention prioritaire. Le gouvernement a accueil notre plan favorablement. Le projet de loi C-45 s'inspire de nos initiatives et offre un vaste programme qui s'inscrit dans la tradition de la charte initiale des anciens combattants, dont le succès a été éclatant, mais qui est adapté au XXIe siècle et à l'évolution de la vie familiale au Canada.
Je suis fortement en faveur de l'adoption du projet de loi, qui est le produit de longues recherches et discussions. La mesure législative à l'étude repose sur d'importantes réalisations canadiennes et mérite votre soutien.
L'application du projet de loi C-45 poursuivra aussi la tradition de partenariat entre le gouvernement et les associations d'anciens combattants. Il ne fait pas de doute que ce texte législatif sera modifié et amélioré à la lumière de l'expérience et des besoins, et que les associations d'anciens combattants, un rempart de la démocratie, seront présents à tous les instants, tout comme elles l'ont été pendant l'élaboration du projet de loi C-45.
Ce qui importe maintenant, c'est d'adopter le projet de loi et de lancer le programme, auquel on a consacré tant de temps et d'efforts. Les besoins ont été établis. Il est temps d'agir.
J'ai conclu par ces mots une intervention radiophonique que j'ai faite cette semaine au sujet du projet de loi C-45 :
En 1944, un jeune Canadien qui servait outre-mer a écrit qu'il souhaitait rentrer dans « un pays organisé et non retrouver des gens qui craignent de payer un trop grand nombre de pensions ». Cette attente vaut encore aujourd'hui pour ceux qui servent le Canada aux quatre coins du monde. Le projet de loi C-45 fera de nous un pays organisé, et ce sera tout à notre honneur.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-45 est solide et raisonnable. Il est l'aboutissement de larges consultations, et il est prêt à appliquer. Je préconise son adoption immédiate. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Neary, d'un excellent témoignage, à la fois concis et clair. Monsieur Monro,voulez-vous intervenir à votre tour?
M. Dave Munro, président, Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix : Merci. Je serai bref, car je ne veux pas répéter ce que mes collègues ont dit. Je suis d'accord sur tout ce qui s'est dit aujourd'hui. Je représente l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix. Nous avons participé pleinement, avec les six associations d'anciens combattants, consultant l'information au fur et à mesure qu'elle devenait disponible. Ce processus a rapproché entre elles les six associations d'anciens combattants. Nous avons rencontré ACC pour nous assurer que le projet de loi serait le meilleur possible pour les vétérans et leurs familles. Bien sûr, nous avons des inquiétudes, mais nous verrons cela pendant l'élaboration des règlements.
ACC s'est engagé à nous tenir informés, après l'adoption du projet de loi C-45, à nous rencontrer et à nous consulter pendant la rédaction des nouveaux règlements pour discuter de leurs effets sur les familles et ceux qui servent le Canada.
Lorsque nous nous sommes réunis à Toronto, en janvier, puis à Ottawa, en avril, nous sommes convenus d'appuyer solidairement le projet de loi C-45. Nous avons fait connaître nos préoccupations à Anciens Combattants Canada, et nous avons l'assurance qu'il en sera tenu compte. Je suis d'accord avec mes collègues anciens combattants pour dire qu'il est très important que le projet de loi C-45 reçoive la sanction royale. Merci de m'avoir permis de faire cette intervention au nom de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix.
Le colonel (à la retraite) Don Ethell, président honoraire, Association canadienne des vétérans de la guerre du Golfe : Honorables sénateurs, ma carte dit que je suis colonel, mais le plus important, ce sont les 16 premières années de ma carrière de 38 ans que j'ai passées dans les rangs. J'ai été commissionné du rang. Je suis fier d'être retraité comme colonel, mais je dois avouer que c'est comme sergent et sous-officier qui s'occupe des troupes qu'on est vraiment à pied d'œuvre, comme l'ont été mes collègues qui sont à ma droite.
J'ai eu le plaisir de participer à 14 missions à l'étranger. On disait à la blague dans le régiment que c'était pour me garder loin du Canada. J'ai été directeur des opérations de maintien de la paix.
M. Chadderton a parlé du maintien de la paix. Cette expression est maintenant désuète. On parle d'opérations de paix, car il s'agit de maintenir la paix, de la rétablir et de la consolider, depuis le début ce que nous appelons l'épidémie de maintien de la paix ou d'opérations de paix, en 1987.
J'ai eu le plaisir de représenter mon organisation, l'Association canadienne des vétérans des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix — il nous faut trouver un nom plus court — dont je suis le président sortant. Comme le président et le président sortant de l'Association canadienne des vétérans de la guerre du Golfe ne peuvent être ici, je suis leur président honoraire, et je suis là pour représenter leurs intérêts. Comme je n'ai pas servi dans le golfe Persique, j'ai fait partie de la force multinationale et j'ai vu des missiles Scud arriver sur Tel Aviv.Je représente les deux organisations. Je représente donc environ2 500 personnes directement, ce qui n'est pas considérable, mais je représente aussi indirectement 150 000 personnes qui ont servi dans les opérations de paix, ainsi que les gens de l'OTAN, dont les 104 pilotes de Sabre qui ont été descendus ou se sont écrasés pendant la Guerre froide.
J'ai eu le plaisir de travailler avec le Conseil consultatif sur les Forces canadiennes, à Anciens Combattants Canada, et de siéger à deux comités de ce conseil à titre de président pour les recherches et les communications et puis, mes premières amours, les familles.
Si je le signale, honorables sénateurs, c'est parce qu'un certain nombre d'entre nous ont été chargés, avec le consentementdu MDN et d'ACC, de rencontrer les caporaux et soldatsde 18 bases. Nous ne voulions rien savoir des colonels,sergents-majors de régiment ou autres gradés. Nous avons rencontré les soldats et caporaux, dans l'anonymat, pour savoir où les problèmes se situaient, sachant que, si le MDN ne les réglait pas, c'est ACC qui devrait écoper. L'entreprise a été extrêmement valable. Nous avons dépêché deux équipes pour discuter avec les troupes et une autre pour discuter avec les familles.
Bref, nous sommes revenus, et nous avons présenté un document qui exposait des problèmes concernant des affectations nettement excessives, le stress opérationnel, le syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT, et le SSPT secondaire. Nous avons présenté ce document à M. Neary et au reste du conseil, et il a été communiqué pour suites à donner non seulement à ACC, mais aussi au MDN. Ce fut là un processus intéressant et même fascinant. Je demeure président bénévole du Conseil consultatif sur les Forces canadiennes à Anciens Combattants Canada.
Il y avait également, intégré à ce processus, avec le conseil de M. Neary et le rapport Neary, le groupe de travail sur la modernisation. Il s'agit là de consultations. J'ai entendu ce terme bien des fois. Nous avons eu des consultations individuelles et de groupe entre ACC et nos associations pendant plus de cinq ans, au début du Conseil consultatif, et avec le groupe de travail sur la modernisation, lorsque cette initiative s'est amorcée. On nous a aussi abordés individuellement, informés et interrogés, et on a répondu à nos questions. Nous avons aussi été consultés collectivement, comme M. Munro et Mme Burdett l'ont dit. On nous a réunis, et nous avons accepté, avec raison, d'appuyer le projet de loi.
Pour en venir à la teneur du projet de loi C-45, je ne suis un vétéran que depuis mars 2001. C'est à ce moment que je le suis devenu, avec les autres membres des FC. Il s'agit du plus important projet de loi en 50 ans pour les anciens combattants, et cela n'aurait pas été possible, comme l'ont dit M. Chadderton et d'autres, sans le sacrifice des anciens combattants du passé, ceux qui ont combattu pendant les deux guerres mondiales et la guerre de Corée. On peut dire qu'il y a un effet d'entraînement dont les vétérans des FC profitent.
La stratégie de mieux-être que nos collègues du comité d'ACC ont proposée — avec les indemnités d'invalidité, la réadaptation, l'aide au placement, etc. — trouve sa source dans les indemnités d'invalidité. À quelques occasions, lorsque nous discutions avec les soldats sur le terrain, nous parlions d'invalidité et du nombre de prestataires de pension d'invalidité. Je ne vais pas donner de noms. Il est évident que l'argent leur plaît, mais ils veulent aussi que le ministère les aide à se réadapter. Cet élément a été repris dans le programme d'ACC. Oui, il y aura des indemnités d'invalidité, mais il y aura aussi des traitements.
Y a-t-il des lacunes dans la loi proposée? Rien n'est parfait en ce monde. C'est avec l'accord des six organisations que nous nous remettrons à l'œuvre. Les consultations se poursuivront. Oui, nous avons des réserves au sujet de l'indemnité forfaitaire, par exemple. Toutefois, le montant d'argent est limité, comme le savent le sénateur Dallaire et quelques-uns d'entre nous qui ont participé à l'examen de l'enveloppe que le Conseil du Trésor pouvait consentir.
Je termine sur ce point, monsieur le président. L'Association canadienne des vétérans des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix et l'Association canadienne des vétérans de la guerre du Golfe appuient la motion sans réserves. Nous félicitons le ministre et le sous-ministre et leurs collaborateurs de leur dévouement et de leur loyauté envers les anciens combattants.
Le président : Au cours de votre témoignage, vous avez parlé plusieurs fois de consultations et vous avez expliqué comment vous aviez été consulté. Le terme « consultation » a bien des sens, mais avez-vous donné votre opinion, votre opinion a-t-elle été entendue et des changements ont-ils été apportés au projet par suite des consultations ou de l'expression de votre opinion?
Le col Ethell : J'aime à le penser. Je suis certain que nous avons été entendus. Le processus de consultation se poursuit et il est collectif, mais certaines personnes sortent du rang et s'adressent aux dirigeants des organisations, et nous recevons aussi les réactions de nos propres organisations. Pendant les cinq années de travail du conseil de M. Neary, un groupe divers a envisagé le problème sur le plan théorique, selon la perspective des intéressés et sous des angles différents. Il y a eu des échanges musclés au sujet de cet accord et on a pris des notes abondantes. ACC restait à l'écart et écoutait.
Le président : J'ai l'impression que vous avez été entendus.
Le sénateur Kinsella : Je remercie les témoins de leur évaluation claire et concise du projet de loi à l'étude.
Aux articles 80 et 81, le projet de loi traite de la communication de renseignements personnels recueillis par le gouvernement ou demandés par le ministre. Ces renseignements personnels sont définis à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais ils peuvent être communiqués à différents groupes, selon les définitions données dans la loi.
Monsieur Neary, avez-vous étudié cette disposition? Enêtes-vous satisfait?
M. Neary : Je ne l'ai pas étudiée expressément. Je l'ai lu, mais je n'ai pas d'information particulière à ce sujet. C'est une bonne question, sénateur.
Il vaudrait mieux poser la question aux fonctionnaires du ministère qui sont ici ce soir. Ils pourraient vous donner une réponse exacte.
J'ai eu de très nombreux contacts avec Anciens Combattants Canada au cours de ma vie, et des communications très étroites pendant cinq ans. Anciens Combattants Canada est une organisation qui attache une grande valeur aux renseignements personnels et les gère avec grand soin. Par contre, pendant mon travail de président du conseil consultatif, j'ai constaté que c'était un ministère qui était disposé à communiquer l'information qu'il fallait communiquer.
Le sénateur Oliver : Pour ceux qui écoutent ou regardent nos délibérations, je voudrais lire la première partie de l'article 81 de la Loi.
81. Le ministre peut communiquer, dans la mesure où la communication est nécessaire aux fins mentionnées, les renseignements personnels qu'il a obtenus dans le cadre de l'application de la présente loi :
a) à quiconque, pour obtenir de celui-ci les renseignements nécessaires à l'application de la présente loi ou de tout autre texte législatif relevant de sa compétence;
Le texte se poursuit, mais l'essentiel est là.
Le sénateur Downe : Je suis d'accord avec ce groupe de témoins et le précédent pour dire que le projet de loi marque de très grands progrès dans un certain nombre de domaines. L'un ou l'autre des témoins a-t-il des réserves au sujet du paiement forfaitaire? Par le passé, sauf erreur, le ministère faisait des versements mensuels. Nous voulons certainement éviter le paternalisme, mais craint-on qu'une personne qui souffre du syndrome de stresspost-traumatique, par exemple, ne puisse, même avec de l'aide et des conseils financiers, dépenser cet argent aussi vite qu'il lui plaît, s'il décide de le faire? Avez-vous des inquiétudes à ce sujet?
M. Munro : Je crois qu'ACC a dit qu'il offrirait les services d'un gestionnaire de cas pour veiller à l'administration, au début, et donner des conseils. Je crois que les associations d'anciens combattants continueront de poser ce genre de question. Nous avons tous des préoccupations, et elles seront discutées au cours des consultations. Je suis très à l'aise avec la situation actuelle.
Le sénateur Oliver : Colonel, vous voulez ajouter quelque chose?
Le col Ethell : Il est important de comprendre que nous ne sommes pas tous d'accord sur le paiement forfaitaire. Je vais être franc. Certains d'entre nous ont réservé leurs munitions et s'attaqueront à cette question une fois que le projet de loi sera adopté. Je suis sûr qu'il y aura d'autres discussions là-dessus. Il y a du pour et du contre. M. Munro a parlé de l'aide en gestion financière qui sera offerte. La situation est différente selon que ce montant forfaitaire est versé à une personne de 54 ans qui est sur le point de prendre sa retraite ou à une autre qui n'a que 24 ans. D'un côté comme de l'autre, il y a du pour et du contre. Je ne suis pas le porte-parole d'ACC, mais je crois comprendre que cela était prévu dans l'enveloppe et qu'on a décidé d'aller dans ce sens. Nous sommes d'accord, tout en reconnaissant que nous discuterons probablement de la question au cours de négociations à venir. Suis-je assez adroit?
M. Neary : Le paiement forfaitaire doit être considéré dans le contexte de l'ensemble du programme. Cela fait partie de tout un programme de rétablissement. C'est un élément clé, si on veut comprendre. Il ne faut pas oublier que ce ministère a des compétences exceptionnelles en gestion des cas. Ces compétences seront utilisées systématiquement pour répondre aux besoins des anciens membres des Forces canadiennes.
Le sénateur Downe : Y a-t-il des témoins qui craignent que ce montant forfaitaire ne soit un effort du ministère visant à limiter les coûts? Si vous étudiez le budget d'Anciens Combattants Canada au cours des dernières années, vous constaterez que le coût des soins de santé a augmenté en flèche. Un paiement forfaitaire peut être un moyen de régler le problème des coûts. Cela peut être à l'avantage du Trésor, mais pas forcément de l'ancien combattant.
Le col Ethell : Lorsque nous avons amorcé ce processus, nous ne nous préoccupions pas des coûts. Je dis cela du point de vue du conseil. J'enlève les mots de la bouche à notre président. À un moment donné, bien entendu, le ministère a dû se préoccuper de la question des coûts, de l'enveloppe budgétaire. Je ne veux pas me défiler, mais il faudrait poser cette question à M. Mogan ou à M. Miller.
M. Neary : Nous pourrions aussi considérer l'expérience des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, qui ont eu droit à un programme complet de pension et à des avantages pour se rétablir. Le succès a été fulgurant. Les anciens soldats ont pu se remettre au travail. Nous avons ainsi préparé rapidement la génération qui a le mieux réussi dans l'histoire de notre pays. Il y a eu toute une génération de professionnels. Le succès a été retentissant. Des choix leur étaient proposés. Il y a eu une approche systématique, et c'est ce vers quoi nous retournons.
La Loi sur les pensions a été à certains égards un obstacle qui a empêché les anciens combattants d'obtenir les prestations ou avantages dont ils avaient besoin. Désormais, ils les auront.
Le sénateur Oliver : Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu de l'aide pour les études universitaires, par exemple, pour ceux qui le voulaient?
M. Neary : Effectivement. Environ 55 000 Canadiens se sont inscrits à l'université à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et toute une génération de professionnels a ainsi été formée. Ce programme a été très bénéfique pour le pays. C'était un investissement dans l'avenir de jeunes gens. Ce qui est proposé ici sera un investissement semblable pour aider des jeunes Canadiens à se tailler une carrière.
Le sénateur Atkins : C'était la Loi sur la réadaptation des anciens combattants. Elle était superbe. Nous parlons aujourd'hui d'une nouvelle charte des anciens combattants. Est-ce qu'elle élimine toute discrimination?
M. Neary : Qu'entendez-vous par là, sénateur?
Le sénateur Atkins : Les Autochtones ont fait l'objet de discrimination après la Seconde Guerre mondiale et après la guerre de Corée. Êtes-vous convaincus que ce problème ne se pose plus?
M. Neary : Je suis convaincu que le projet de loi est adapté au Canada de 2005. Il est tenu compte des familles, et il y aura des prestations transférables à des membres de la famille. De grands efforts ont été faits pour que cette loi reflète fidèlement la réalité actuelle de notre pays. Je suis tout à fait à l'aise avec cela.
Le sénateur Ringuette : Je n'ai pas l'impression, et je ne veux pas que quiconque ait l'impression que le montant forfaitaire fait disparaître les prestations mensuelles. On n'a pas à choisir entre les deux. Ce montant vient s'ajouter au reste. Je voulais m'en assurer, car une question posée tout à l'heure semblait laisser entendre que, après ce montant forfaitaire, tout était terminé, au revoir.
M. Neary : Non.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas le cas.
Le col Ethell : Vous faites ressortir un excellent point, et j'ai oublié ce que c'était.
Le sénateur Oliver : Elle a parlé du paiement forfaitaire et demandé si c'était tout ce qui était versé ou s'il y avait aussi des prestations continues?
Le col Ethell : Je suis désolé, je n'y étais pas; un autre de ces moments particuliers des personnes âgées.
M. Neary : Le sénateur a raison. Il faut considérer la question du paiement forfaitaire dans le contexte d'un vaste programme qui considère tout l'avenir de la personne.
Le sénateur Day : Mes questions ont toutes été abordées. Tous nos témoins ont clairement fait comprendre ce qu'ils voulaient dire. Je suis heureux qu'il y ait eu des consultations sur toute la ligne. Certains ont dit que les consultations n'avaient pas été telles que vous les avez décrites. Êtes-vous convaincus qu'elles se poursuivront?
M. Munro : J'en suis certain, parce que nous avons suivi tout ce processus. Nous savons qu'un calendrier sera publié pour les quatre prochains mois, à supposer que le projet de loi soit adopté, disant où nous allons nous rencontrer et ce que nous ferons. Le processus n'est pas interrompu. La charte est un document vivant, le processus est dynamique. La grande harmonie entre les six associations se maintiendra. Elles savent que nous devons poursuivre cette démarche. Elles l'ont promis, et nous en avons besoin. Et les membres des Forces canadiennes et leurs familles l'exigent.
Le sénateur Day : Vous avez dit que, pendant les consultations, il y avait eu des compromis. Évidemment, tous n'obtiennent pas satisfaction sur tous les points, mais vous estimez qu'il s'agit d'un bon compromis. Madame le ministre a dit tout à l'heure que c'est un document vivant qui continuera d'évoluer pour répondre aux besoins des anciens combattants de demain.
C'est bien ce que vous avez compris?
Le col Ethell : Oui, monsieur.
M. Munro : En ce qui concerne les « anciens combattants modernes », j'ai participé à la mission de Suez, en 1956. Nos chefs étaient tous des gars de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. En fait, notre grand chef, le général E.M.L. Burns, avait été lieutenant pendant la Première Guerre mondiale. Je veux m'assurer que nous aurons des consultations sur les règlements au sujet des soins hospitaliers pour de jeunes anciens combattants comme nous, qui prenons rapidement de l'âge.
Le président : Je vous remercie tous de vos excellents exposés. Ce fut agréable et instructif.
Notre dernier groupe comprend un témoin qui comparaîtra par vidéoconférence depuis Nanaïmo, en Colombie- Britannique. Ici même, à Ottawa, nous accueillons le capitaine à la retraite Sean Bruyea et, par vidéoconférence, nous entendrons Harold Leduc. Le capt Bruyea sera accompagné par le lieutenant Louise Richard, de la marine.
Le capitaine (à la retraite) Sean Bruyea, témoignage à titre personnel : Merci, monsieur le président. Louise Richard et moi sommes tous deux des anciens combattants de la guerre du Golfe. Je vous présente ma femme. Elle ne prendra pas la parole, mais elle est là pour m'appuyer. Ceux qui ont été victimes de stress opérationnel ont souvent besoin de soutien. Ma femme vient du Mexique, et nous séjournons souvent dans ce pays, parce que cela soulage mes symptômes.
Dans leur empressement à se présenter comme favorables aux anciens combattants, en cette Année de l'ancien combattant,tous les partis politiques se bousculent pour adopter le projet de loi C-45 à toutes les étapes. Ce qui semble étrange et même incroyable à bien des anciens combattants, c'est que nos partis politiques ont oublié que les anciens combattants se sont battus pendant toutes les guerres pour obtenir la démocratie responsable.
Dans notre régime, la démocratie responsable exige que les projets de loi du gouvernement soient étudiés par les comités, avec le concours de témoins et de groupes intéressés, et avec les lumières du second examen objectif du Sénat, dont il est si souvent question.
Nous savons tous que le gouvernement veut paraître honorer les anciens combattants, mais cela ne veut pas forcément dire que sa charte des anciens combattants est exempte d'erreurs. Étant donné qu'on dit que la contribution des anciens combattants à la société est, à bien des égards, intemporelle, il y a lieu de se demander pourquoi on se précipite pour faire adopter un projet de loi en seulement deux jours, alors qu'Anciens Combattants Canada traîne les pieds depuis plus de 15 ans. Nous croyons que les anciens combattants handicapés et les FC préféreraient que la charte soit bonne, plutôt qu'imparfaite et injuste comme elle l'est maintenant.
Étant donné qu'une nouvelle charte des anciens combattants est au service de ceux que la société prétend honorer tellement, les anciens combattants handicapés méritent un programme bien pensé. Voilà pourquoi les consultations et les rétroactions sont vraiment importantes. Dans son communiqué, madame le ministre dit :
[...] les partis politiques et les organisations d'anciens combattants s'entendent tous pour qu'on adopte enfin une loi qui va nous permettre de moderniser les services et les programmes destinés à ceux et celles qui ont servi dans les Forces canadiennes.
Nous ne saurions être plus d'accord. Il existe effectivement un solide consensus sur la nécessité d'agir. Néanmoins, nous croyons savoir qu'un groupe choisi de six organisations d'anciens combattants a reçu confidentiellement, à l'avance, des exemplaires de la charte, avec interdiction d'en discuter avec quiconque, même leurs membres. Ainsi, le prétendu consensus des organisations d'anciens combattants pourrait ne reposer que sur l'opinion de six personnes qui ont pris connaissance du texte provisoire de la charte. En réalité, ces organisations et les partis politiques de l'opposition ont fait reposer leur appui sur un communiqué de quatre pages. Or, le projet de loi C-45, comme le président l'a fait remarquer fort justement, fait 50 pages.
Il existe un large appui pour le principe de la charte des anciens combattants. Toutefois, la plupart des députés, des sénateurs et de leurs collaborateurs n'ont pas eu le temps de lire la totalité du projet de loi C-45. Pour cette raison, c'est une exagération qui est loin d'être légère de dire qu'il existe un solide consensus entre les partis politiques et les organisations d'anciens combattants. La vérité, c'est qu'il y a eu remarquablement peu de consultations et de réactions concrètes au projet de loi, et le gouvernement semble plus soucieux des perceptions de l'opinion publique que des résultats durables.
Ce qui est préoccupant, c'est la nature des consultations. Une grande partie des consultations ont été menées auprès de groupes qui représentent surtout des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Il n'y a rien de plus normal que de les consulter, surtout en ce 60e anniversaire de leurs plus grandes victoires et de leurs plus grands sacrifices, mais les besoins de ces anciens combattants, comme on l'a fait remarquer, peuvent être fort différents de ceux des soldats qui ont servi au cours de conflits plus récents.
En réalité, la charte ne s'appliquera pas aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont visés par une multitude d'autres règlements et lois. Certains de ces textes sont toujours en vigueur, tandis que l'application de certains autres a été suspendue, par exemple la Loi sur les allocations aux anciens combattants, la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants et le Règlement concernant la formation des pensionnés. Comme la nouvelle charte des FC s'applique aux anciens combattants de demain, il aurait été logique d'axer les consultations sur les anciens combattants handicapés et les ceux qui ont servi au cours de conflits plus récents, par exemple en Yougoslavie, au Rwanda et dans la guerre du Golfe, afin de répondre aux besoins nouveaux de ceux qui ont servi dans l'armée d'aujourd'hui, et non celle d'hier. La plupart des témoins qui sont favorables au projet de loi C-45 représentent les militaires d'hier.
Fait incroyable, il n'y a pas eu de consultations et de rétroactions réelles. C'est exact, pour élaborer sa charte, le ministre des Anciens Combattants n'a pas mené de consultations sérieuses et n'a pas recueilli les réactions des anciens combattants handicapés des conflits récents ni des personnes handicapéesqui sont encore en service. C'est là une lacune fatale de sa charte. La lacune la plus grave est peut-être le projet de loi même.Le C-45 diffère, dans son esprit, du document remis au Parlement et au grand public. Voyez ce qu'on dit de l'appui à la charte des anciens combattants :
Si des membres des FC sont blessés ou tombent malades au cours du service pour le Canada, ils méritent les meilleurs soins de santé possible[...] Les Canadiens s'attendent à ce que les anciens combattants des FC et leurs familles soient indemnisés adéquatement pour les répercussions financières et non financières attribuables à une invalidité imputable à leur service.
Ce sont des exemples de propos réconfortants, rassurants; ce sont en réalité les propos qui fondent le prétendu consensus solide entre les partis politiques et les organisations d'anciens combattants. Par contre, le texte du projet de loi C-45 n'est pas aussi réconfortant. Cela se compare aux clauses en petits caractères des polices d'assurance. Ces clauses sont pleines de limitations et de restrictions. Comme on dit, les difficultés surgissent des menus détails.
Ainsi, le paragraphe 9(2) permet au ministre de refuser une demande qui est présentée plus de 120 jours après la libération de l'ancien combattant. Cette disposition entraînera le refus de protection pour de nombreux vétérans. Dans les cas de stress opérationnel comme le SSPT et la dépression, les symptômes n'apparaissent souvent que cinq ou même dix ans plus tard, et il faut six mois ou plus pour établir un diagnostic sûr. Un délai de 120 jours pour la présentation des demandes place l'ancien combattant handicapé dans une situation impossible. D'abord, il doit justifier une exemption à ce délai de 120 jours, puis il doit prouver que son handicap est attribuable au service. Bien des anciens combattants handicapés renonceront. Au lieu de faciliter les choses, le projet de loi C-45 les complique.
Une question mérite une étude approfondie : l'accès à tous les avantages ou prestations dépend de la participation à un programme de réadaptation professionnelle prescrit par ACC, même si l'ancien combattant peut être handicapé au point de ne pouvoir occuper un emploi. Pour se soustraire à cette obligation, l'ancien combattant doit avoir « une incapacité totale et permanente ». Lorsque nous avons présenté cette disposition de la loi à de nombreux médecins et praticiens, ils ont tous dit qu'il était peu probable que même les anciens combattants handicapés qui ne peuvent occuper un emploi puisse faire l'objet d'un pronostic aussi radical. Il est probable que des anciens combattants handicapés ou incapables d'occuper un emploi devront travailler, au risque de perdre les compléments de revenu même les plus élémentaires que le projet de loi prévoit. Nous croyons que les Canadiens finiront pas accoler à la nouvelle loi l'expression « travail obligatoire des FC ».
Le projet de loi C-45 crée des catégories différentes et distinctes d'anciens combattants : une pour ceux qui ont servi dans l'armée canadienne le 1er avril 1947 ou avant; une autre pour ceux qui ont servi en Corée; une troisième pour ceux qui ont servi entre la Seconde Guerre mondiale et maintenant; et une dernière pour ceux qui sont visés par la nouvelle loi.
On dit toujours aux Canadiens que les anciens combattants ont lutté pour la démocratie et qu'il ne peut rien y avoir de plus fondamental dans la démocratie que l'égalité. La création de catégories différentes de gens qui ont été fiers de servir dans les Forces canadiennes n'est pas le genre d'égalité auquel les Canadiens tiennent et pour lequel certains d'entre eux sont morts.
Le projet de loi prévoit un paiement forfaitaire de 250 000 $. La plupart des anciens combattants handicapés ne recevront qu'un infime partie de ce montant. Néanmoins, il faut se demander s'il est judicieux de remettre des montants forfaitaires à des personnes qui souffrent de stress opérationnel, au moment où nombre d'entre elles sont plongées dans une dépression ou une crise. À l'heure actuelle, les anciens combattants ont une pension d'invalidité modeste, certes, mais qui dure toute la vie. Le paiement forfaitaire n'équivaut pas à plus de sept à dix ans de pension d'invalidité. La plupart des anciens combattants handicapés vivent 20, 30 ou même 40 ans après leur libération. Cette indemnité jugée adéquate par madame le ministre semble une façon de se soustraire à la responsabilité des soins pour l'ancien combattant handicapé au lieu d'accepter la responsabilité à l'égard de handicaps permanents. Si on n'est pas convaincu de la valeur de cette indemnité forfaitaire, je propose que le Sénat recommande un amendement pour que les anciens combattants puissent choisir entre le paiement forfaitaire et une pension.
Enfin, je voudrais dire un mot de ce qui ne se trouve ni dans la charte, ni dans le projet de loi C-45. Depuis de longues années, les anciens combattants réclament des lits d'hôpitaux qui leur soient réservés pour ceux d'entre eux qui sont frappés d'incapacité. Divers groupes et partis ont demandé la création d'un poste d'ombudsman pour les anciens combattants handicapés, analogue à celui qu'ont maintenant les membres des FC. L'ombudsman sortant du ministère de la Défense nationale, André Martin, est d'accord sur ce principe, estimant qu'il est curieux qu'un soldat en bonne santé, employable et en service ait un ombudsman, alors que les soldats blessés, à la retraite et handicapés n'en ont pas.
Chose curieuse, une analyse confidentielle du Sénat,rédigée par l'un des rares canadiens qui ont lu tout le projetde loi C-45, dit ceci : alors que la loi procurera aux anciens combattants une aide fort nécessaire pour chercher un emploi, elle ne leur donne pas d'ombudsman.
Un facteur qu'on oublie, dans toutes ces tractations politiques, c'est le fonctionnaire du ministère des Anciens Combattants qui en est déjà au point de rupture, obligé de gérer un certain nombre de programmes et trois catégories d'anciens combattants. On peut se demander si les fonctionnaires seront en mesure d'offrir un service rapide et de qualité, puisqu'on ajoute une catégorie nouvelle et six autres programmes, en plus d'une loi qui permet au ministère de s'ingérer dans les affaires les plus intimes à toutes les étapes de la réadaptation, des traitements médicaux, du placement et de la recherche de sécurité financière.
Comment peut-on dire qu'on reconnaît ainsi la dignité et l'autonomie de l'ancien combattant handicapé? En 2005, nous soulignons l'Année de l'ancien combattant, et nous avons, à raison, consacré cette dernière semaine à rappeler le sacrifice et les victoires des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Pour nous et pour les Canadiens, ils sont tous des héros. Je voudrais aussi faire remarquer que près de moi et dans l'auditoire se trouvent des anciens combattants handicapés et des héros de combats modernes, au Rwanda, en Yougoslavie et dans le Golfe. Ces anciens combattants et leurs familles sont des héros, et pas seulement par leur service et leurs sacrifices.
Le seul fait que nous ayons défendu les intérêts des vétérans modernes par le passé nous a valu des lettres et des appels de menace de la part du ministère des Anciens Combattants . Cela ne fait qu'aggraver les réticences générales des anciens combattants handicapés à parler ouvertement de leurs propres problèmes et empêcher qu'on ne signale des problèmes systémiques dans un ministère complexe qu'il est difficile de joindre. L'intimidation a fait taire un grand nombre d'anciens combattants handicapés, sinon la majorité. Nous comprenons que toute la campagne de publicité qui a servi à forcer l'adoption de la charte des anciens combattants s'est faite par l'intimidation à tous les niveaux. Des membres des organisations d'anciens combattants et du gouvernement qui n'ont pas lu le projet de loi ou n'ont pas eu le temps de le faire ont menacé l'opposition de retourner les anciens combattants contre ceux qui oseraient d'opposer au projet de loi. Nous pensions que l'intimidation était une chose du passé, reléguée dans les cours d'école du passé. Voilà pourquoi nous sommes prêts à sacrifier nos vies.
En cette Année de l'ancien combattant, si les Canadiens tiennent vraiment à promouvoir le bien-être des anciens combattants, ils doivent voir plus loin que la publicité qui entoure la charte des anciens combattants. Nous devons lire le texte du projet de loi correspondant tout en exigeant des changements pour reconnaître la dignité de tous les anciens combattants du Canada, peu importe quand ils ont servi ou s'ils ont décidé ou non d'adhérer à une organisation d'anciens combattants. Pourquoi cet empressement à adopter ce projet de loi si rapidement? S'il existe vraiment un large soutien de la part de tous les Canadiens et de la sympathie pour le sort de l'ancien combattant, surtout celui qui est handicapé, un projet de loi sera adopté à n'importe quel moment de l'année et sous n'importe quel gouvernement. Merci.
Le président : Merci d'avoir fort bien exprimé une opinion énergique, convaincante et passionnée sur le projet de loi. Avant de passer aux questions, nous allons écouter un autre témoin, Harold Leduc.
M. Harold Leduc, président national sortant, Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix : Honorables sénateurs, madame la ministre et ses collaborateurs, collègues anciens combattants, je tiens à profiter de l'occasion qui m'est offerte pour remercier l'honorable général Dallaire et les membres de la base, chez les anciens combattants, d'avoir insisté pour que les anciens combattants puissent exercer leur droit constitutionnel de participer à un processus législatif démocratique et pour remercier le Sénat, dans sa sagesse, d'avoir accepté. Nous comprenons pourquoi, mais ces droits démocratiques risquaient autrement d'être sacrifiés, dans la hâte d'adopter précipitamment le projet de loi C-45 pour lui donner la sanction royale. Les membres des Forces canadiennes, les anciens combattants et leurs familles servent et se sacrifient tous pour préserver ces droits pour tous les Canadiens. Cela est important pour tous les Canadiens. Je tiens aussi à remercier le ministre Guarnieri de ses initiatives, comme l'Année de l'ancien combattant, les dirigeants et le personnel d'Anciens Combattants Canada, dont le travail inlassable et le dévouement à la cause des anciens combattants sont exceptionnels, que ce soit aux premières lignes ou dans d'obscurs bureaux.
Je voudrais prendre une minute pour dire un mot demoi-même. J'ai passé 22 ans dans l'infanterie aéroportée. J'ai servi en Allemagne et à Chypre. À la fin de ces 22 ans, en 1992, on m'a dit : « Merci de vos services. Vous êtes fichu. Nous n'avons plus besoin de vous. »
Depuis ce jour-là, j'essaie de savoir pourquoi nous ne sommes pas traités comme les autres anciens combattants. Dans cette recherche, j'ai eu la chance de faire partie de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, car nous avons trouvé une voix. Grâce à cette voix et en étant le représentant de cette organisation, j'ai pu proposer pour Anciens Combattants Canada une ligne d'aide 1-800, et une autre proposition a germé au Conseil consultatif sur les Forces canadiennes d'Anciens Combattants Canada. J'ai eu beaucoup de chance.
La précipitation avec laquelle ce projet de loi doit être adopté met tout le monde en difficulté. C'est un dilemme pour tout le monde. Nous avons entendu des gens parler de consultation. Je participe au processus depuis 1992, J'ai été membre du Conseil consultatif et j'ai fait partie du groupe de travail sur la modernisation. Je peux vous dire que nous avons été consultés sur les détails des programmes, mais non sur les détails du projet de loi C-45 jusqu'à deux jours avant la présentation de cette mesure à la Chambre des communes. C'est regrettable, car je m'intéresse à la question, et j'essaie de me renseigner sur les détails depuis au moins le mois de janvier.
Une anecdote, si je peux. Denis Gogan était un simple soldat, comme le reste d'entre nous. Il prenait son travail de soldat très au sérieux. À la fin des années 70, il a sauvé avec abnégation la vie d'un autre soldat victime d'un accident au cours d'un exercice de combat en terrain montagneux. Ce soldat était en train de glisser hors de son harnais, à 150 pieds au-dessus du lit asséché et rocheux d'un cours d'eau. Le harnais avait fait une entaille dans son uniforme, sa peau et ses muscles, causant des lésions nerveuses et rendant ses bras inutiles. Grâce à l'intervention rapide de M. Gogan dans une situation dangereuse, il a été possible d'éviter une mort ou de graves blessures. M. Gogan a ensuite fait une très belle carrière dans les Forces canadiennes et servi dans un certain nombre de missions à l'étranger. J'ai appris récemment que M. Gogan avait commencé à éprouver des troubles mentaux vers la fin de sa carrière, très probablement à cause des expériences qu'il avait vécues. Malheureusement, j'ai aussi appris récemment que M. Gogan s'était suicidé il y a quelques années. Le projet de loi C-45 doit faire l'impossible, dans les limites de la diligence raisonnable, pour prévenir les souffrances de tous les soldats comme M. Gogan et leurs familles. Ce n'est pas cher payé en remerciement de leur service. Le soldat dont M. Gogan a sauvé la vie, ce jour-là, c'est moi. Je lui serai toujours reconnaissant.
Le traitement qu'un pays réserve à ses anciens combattants a également un effet direct sur le recrutement et le maintien en service des membres des Forces canadiennes. J'appuie le projet de loi C-45 en principe parce que nous n'avons attendu que trop longtemps. Je travaille avec le ministère des Anciens Combattants pour faire reconnaître ce principe depuis 1992. J'ai constaté que le meilleur moyen de le faire était de collaborer avec lui.
Le document auquel ont participé les membres du Conseil consultatif sur les Forces canadiennes, dont je suis membre, s'intitule « Respecter l'engagement du Canada : offrir« possibilités et sécurité » aux anciens combattants des Forces canadiennes et à leurs familles au XXIe siècle. » Cela veut dire, et c'était notre interprétation, que la nouvelle charte des anciens combattants ajouterait aux obligations existantes de la population et du gouvernement du Canada envers ceux qui les ont servis. Cette obligation est consacrée par les lois existantes auxquelles les anciens combattants ont droit. Il n'en coûtera rien de plus de continuer à honorer cette obligation.
L'adoption du projet de loi C-45 changera pour toujours la façon dont le Canada traite ses anciens combattants et créera peut-être une nouvelle catégorie d'anciens combattants, comme un témoin l'a dit. Bien que le but visé par le projet de loi C-45 soit de rétablir l'engagement du Canada, il a pour effet de le changer — et ce changement se fait sans consultations auprès des anciens combattants, de la population et du gouvernement du Canada, des principales parties intéressées par le contrat social existant. De qui sert-on les intérêts en modifiant une obligation reconnue, et qui a accepté ce changement?
Le projet de loi C-45 changera pour toujours le principe de la Loi sur les pensions, alors que des modifications simples pourraient répondre à nos besoins. Un détail en passant : la Loi sur les pensions a été mise en vigueur en 1916 pour la Marine royale canadienne et le Corps expéditionnaire canadien. Il s'agissait d'abord d'un règlement. Le texte est ensuite devenu la Loi sur les pensions en 1919, et ce fut le fondement de ce qui est aujourd'hui la Loi sur les pensions.
Comme nous l'avons entendu tout à l'heure, l'indemnité d'invalidité de 250 000 $ qui est proposée est assujettie au cinquième système, ce que nous cherchions justement à faire disparaître. Les trois piliers — la nouvelle loi a cinq piliers, mais je parle de trois —, le placement, l'article 2 et les éléments portant sur l'incapacité s'appliquent sans que joue le bénéfice du doute, qui existe dans la loi actuelle.
Le Canada a déjà été appelé à revoir sa charte des anciens combattants par le passé. Il l'a fait en adoptant le règlement de 1950 sur les avantages destinés aux anciens combattants, règlement d'application de la Loi sur le ministère des Anciens Combattants , et la nouvelle Loi de 1950 sur les forces canadiennes. Le règlement s'est accompagné des fonds nécessaires, et des lois existantes, nouvelles et modifiées nécessaires pour répondre aux besoins des anciens combattants. Il a également permis d'apporter les modifications au gré des besoins. En 1954, ce règlement est devenu la Loi sur les avantages destinés aux anciens combattants, une fois les objectifs atteints. Et pendant tout ce temps, les obligations reconnues de la population et du gouvernement du Canada ont été préservées.
Il y a une certaine sagesse à s'inspirer des pratiques exemplaires. On nous a dit que la nouvelle charte se fondait sur les pratiques exemplaires du Royaume-Uni et d'autres pays. Toutefois, nous ignorons quels sont les effets des indemnités forfaitaires et des programmes actuels sur les ancienscombattants qui prennent de l'âge. Aujourd'hui, il y a au Canada plus de 400 000 vétérans des Forces canadiennes. Bien sûr, ils n'ont pas tous 39 ou 40 ans. Beaucoup sont âgés.
Je présente le règlement sur les avantages destinés aux anciens combattants comme un modèle différent qui a bien marché. Je crois que nous cherchons des solutions efficaces. Selon moi, il faut faire preuve de prudence. La présentation du règlement avant la mesure législative préservera l'actuel engagement de tous les partis à l'égard du financement et des programmes; il faut permettre la modification du règlement en vertu de la loi existante; il faut moderniser et harmoniser les programmes et services existants pour répondre aux besoins des anciens combattants et membres des FC et de leurs familles; il faut maintenir le règlement actuel et les obligations reconnues de la population et du gouvernement du Canada envers ceux qui les ont servis.
L'un des règlements qui ont été abordés et laissés en place est le Règlement concernant la formation des pensionnés. Aux termes de ce règlement, le ministère des Anciens Combattants pouvait accorder à un soldat blessé dans une zone d'opération spéciale les frais de scolarité et une allocation de subsistance pour fréquenter l'université et obtenir un diplôme. On essaie de faire la même chose dans le projet de loi, mais sans les études universitaires. Souvent, surtout pour un soldat d'infanterie qui a eu des fonctions de surveillance pendant 20 ans, c'est là un obstacle qui l'empêchera d'obtenir un emploi ayant un prestige au moins égal.
Après avoir lu le débat d'hier, je suis d'avis qu'il faut un ombudsman pour les anciens combattants, qu'on élargisse le rôle de l'actuel ombudsman des FC ou qu'on crée un poste distinct. Les organisations d'anciens combattants peuvent soutenir qu'elles jouent ce rôle, mais leur rôle est au fond celui d'un chien de garde qui veille sur les intérêts de leurs membres. La portée des fonctions d'ombudsman est plus vaste. Il faut aussi que le titulaire de ce poste soit soigneusement choisi.
Je pourrais poursuivre, mais je vais conclure — puisque vous avez le texte de mes recommandations — en demandant au comité non pas de retarder l'adoption prévue du projet de loi C-45, mais de recommander, dans le peu de temps disponible, d'appliquer d'abord le projet de loi comme un règlement relevant de la Loi sur la Défense nationale et de la Loi sur le ministère des Anciens Combattants . Ce projet de loi permettra à tous les partis de consolider leur engagement envers les membres et les vétérans des Forces canadiennes et leurs familles pendant la session en cours du Parlement. Cette approche nous permettra également de régler, collectivement, les préoccupations que suscitent les détails du projet de loi et de préserver pour de bon les obligations reconnues de la population et du gouvernement du Canada envers les membres et vétérans des Forces canadiennes et leurs familles.
Encore une fois, merci d'avoir préservé nos droits constitutionnels en tenant ces délibérations de comité, et merci de m'avoir permis de témoigner.
Le président : Merci beaucoup de cet excellent exposé. Je crois que vous pouvez toujours nous entendre. Restez en ligne parce que des sénateurs ont des questions à vous poser.
Le sénateur Kinsella : Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos deux derniers témoins de leurs interventions.
D'abord, monsieur Leduc, vous avez dit que vous appuyez le principe du projet de loi, mais vous avez soulevé des questions importantes au sujet des détails. J'ai étudié le projet de loi, puisque c'est mon travail. J'essaie de voir s'il y a des dispositions à ce point mal conçues qu'elles puissent être la source d'une sorte d'injustice sociale, et j'ai du mal à en trouver.
Toutefois, je suis aussi préoccupé parce que des témoins comme vous ont soulevé des questions importantes. Il me semble qu'il arrive souvent, dans les lois sociales, qu'on propose des programmes plutôt que des mesures qui s'appliquentd'elles-mêmes. Autrement dit, on prend des mesures progressivement pour donner de la substance à un droit social théorique.
Dans le cas de ce projet de loi, qui pourrait devenir loi, aussi bien dans les domaines qui ont été signalés jusqu'à maintenant que dans ce que j'ai lu, il me semble qu'il ne serait pas difficile pour le Parlement, si on trouvait des faits convaincants pour le justifier, de modifier la nouvelle loi. À moins que quelque chose ne m'échappe. C'est ce que je vous demande : y a-t-il quelque chose qui m'échappe? Selon moi, le projet de loi est bon, en principe, et je n'arrive pas à y trouver des détails qui en entravent le bon fonctionnement. Si l'expérience révèle qu'il y a quelque chose qui cloche, nous pourrons apporter des correctifs.
J'ai soulevé la question du paragraphe 2(5), je crois, au sujet du versement des prestations en cas de suicide. Avez- vous quelque chose à dire là-dessus? Cette disposition se trouve à la page 5 du projet de loi. Craignez-vous que des prestations soient refusées à la famille si un ancien combattant se suicide?
M. Leduc : Je crois que, dans les définitions, on dit que, si des problèmes psychiatriques ou de stress opérationnel amènent une personne à se mutiler ou à se suicider, la protection est maintenue.
Ce qui me préoccupe, cependant, c'est que la transition entre la culture militaire et la culture civile n'est pas facile. Après avoir été dans le service, nous sommes différents. Il ne suffit pas d'abandonner l'uniforme et de revêtir des habits civils.
Une transition normale demande environ deux ans. Certains n'y arrivent pas, même avec de l'aide. Il faut que le projet de loi puisse s'appliquer avec beaucoup de souplesse. D'après ce que je comprends, il faut avoir un besoin quelconque d'ordre médical avant d'obtenir une aide pour le placement ou une autre aide. Toutefois, on peut avoir plutôt des besoins d'ordre social ou psychologique, des besoins différents qu'on ne peut décrire. Je ne crois pas que cette disposition sur le suicide s'applique dans ce cas, car les gens font tout, notamment prendre des médicament ou de l'alcool, s'ils ont l'impression de ne pas pouvoir se débrouiller avec leurs problèmes.
Le sénateur Kinsella : Je voudrais maintenant m'adresser au capitaine Bruyea et parler de son exposé de ce soir. Vous avez dit que, d'après vous, il y avait quatre catégories d'anciens combattants. Vous avez exprimé la crainte que cela ne donne lieu à de la discrimination entre différentes catégories de Canadiens. Le principe consacré par l'article 15 de la Charte des droits et libertés est que tous sont égaux devant la loi et ont droit au même bénéfice de la loi sans discrimination. Oùpercevez-vous une inégalité, des avantages inégaux entre les quatre catégories que vous avez définies?
Le capt Bruyea : C'est un élément fondamental de nos préoccupations au sujet du projet de loi. Le sénateur Atkins a parlé de discrimination. Le nouveau groupe qui sera victime de discrimination, malgré la publicité à l'appui du projet de loi et malgré les vaillants efforts du sénateur Dallaire, est celui des personnes victimes de stress opérationnel, de syndrome de stress post-traumatique et de dépression.
Je dirais de ce projet de loi que c'est une « clause de rampe d'accès ». La plupart des Canadiens n'ont pas besoin de ces rampes, mais ce qui me plaît au Canada, c'est que nous en installons pour les fauteuils roulants. Nous essayons d'en prévoir dans la plupart des immeubles publics, n'est-ce pas? Ce projet de loi ne prévoit pas de rampe d'accès pour les personnes victimes de stress opérationnel. Un membre d'une organisation d'anciens combattants a parlé du risque de forcer des anciens combattants à accepter des emplois qui ne leur conviennent pas. C'est ce que je crains le plus.
On vous demande de signer un chèque en blanc et de croire que des changements seront apportés régulièrement. La vérité, c'est que, depuis 50 ans, les organisations d'anciens combattants qui sont derrière moi et des anciens combattants agissant seuls se sont heurtés à un mur en essayant d'amener Anciens Combattants Canada non seulement à modifier la Loi sur les pensions, mais aussi à l'appliquer de la façon dont elle avait été conçue. Je suis sûr que vous n'êtes pas étrangers aux plaintes au sujet du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le TACRA, des révisions ministérielles et du principe du bénéfice du doute. Au moment où on vous demande de signer un chèque en blanc, qu'est-ce qui nous prouve qu'Anciens Combattants Canada va faire ce qu'il doit faire de ce chèque?
Pour connaître l'histoire récente du comportement d'Anciens Combattants Canada, il suffit d'étudier les rapports du vérificateur général en 1998 et en 2000. Je vous demande d'en tenir compte dans vos délibérations. Il y a sept ans, le vérificateur général a soulevé des questions comme celle du bénéfice du doute et celle de la révision ministérielle. Il y a toujours des problèmes aujourd'hui. On n'avait pas besoin d'une nouvelle loi pour régler ces problèmes, mais d'une solide gestion. Anciens Combattants Canada n'a toujours rien fait. Pourquoi croirions-nous que le chèque en blanc signé aujourd'hui amènera le ministère à faire ce qu'il a promis?
Pour en revenir à la question précise de la rampe d'accès, je crois honnêtement que ce projet de loi sera bon pour une personne qui a un genou ou une épaule fichus, une incapacité physique de 20 p. 100, pour une personne qui a besoin d'une légère adaptation à cause d'un problème mineur de SSPT, mais il ne permettra pas de s'occuper de ceux qui ont des symptômes multiples complexes ou ont un problème complexe et chronique de SSPT. Trente pour cent des victimes de stress opérationnel ne se remettent pas. Elles mourront de leur maladie et elles mourront handicapées. Le projet de loi est discriminatoire envers elles parce qu'elle les force à participer à des programmes de réadaptation.
On parle souvent de « point d'accès » aux programmes.Le mot clé, pour avoir droit au bénéfice d'une nouvelle loi devrait être « ancien combattant ». Pas « programme de réadaptation professionnelle », mais « ancien combattant ». L'allocation d'ancien combattant était destinée aux anciens combattants. Même chose pour la formation universitaire. Il n'était pas nécessaire d'avoir une incapacité. Ils n'avaient pas à s'expliquer. Ils n'avaient pas à faire leurs preuves, ni à se soumettre à un stress inutile, ce qui, je peux en témoigner, rend souvent les anciens combattants suicidaires, lorsqu'ils doivent faire des contorsions pour se plier aux exigences d'Anciens Combattants Canada. C'est de l'injustice sociale.
Le président : Merci de cette réponse. Avant que le sénateur Kinsella ne pose sa prochaine question, je vous rappelle que les questions et les préoccupations soulevées en ce moment ont déjà été abordées aujourd'hui par le sénateur Ringuette dans ses deuxième et troisième questions au ministre Guarnieri. Lorsque madame le ministre a parlé du modèle du Royaume-Uni et de son taux de succès, le sénateur Ringuette a eu deux questions très pénétrantes à lui poser. Je ne veux pas citer exactement les propos de madame le ministre, mais elle a répondu qu'il ne fallait pas s'inquiéter parce qu'il n'y aura aucune conséquence préjudiciable pour vous si on applique le modèle anglais. Je vous propose de jeter un coup d'œil sur la transcription et la réponse du ministre aux deux questions du sénateur Ringuette qui portaient sur les préoccupations soulevées à l'instant. Vous rappelez-vous, sénateur Ringuette?
Le sénateur Ringuette : Oui, je me rappelle. Je n'ai pas très bien compris votre réponse à ce même sujet. Je comprends, d'après votre réponse et en lisant votre exposé, qu'il est facile de déceler une incapacité physique, mais qu'une incapacité attribuable à un traumatisme mental n'est pas facile à identifier et à quantifier. Je peux imaginer qu'un ancien combattant puisse avoir les deux. Vous dites tous les deux que vous avez les deux types d'incapacité, ce qui vous ouvrirait l'accès à la formation, comme vous l'avez dit. Selon le type de carrière et de formation que vous recherchez, cela peut aggraver ou alléger votre problème d'ordre mental ou votre stress. Je ne suis pas certaine qu'il y ait un lien avec le taux de réussite de 95 p. 100 de l'aide au placement au Royaume-Uni. C'est là une question et une opinion, mais ce que je comprends dans ce que vous dites est très différent.
Le président : Il parle d'une disposition sur les rampes d'accès, ce qui manque ici.
Le capt Bruyea : Merci, sénateur, je crois que vous avez donné exactement ma réponse, même si c'était compliqué. Je dois souligner ceci encore une fois : le taux de réussite de 95 p. 100 sera hors d'atteinte pour les victimes de stress opérationnel. Je tiens cela de l'organisation de l'étude internationale sur le stress traumatique. De multiples organisations internationales l'ont confirmé. Il y a une barrière de 30 p. 100 qu'on ne peutfranchir pour les problèmes de stress opérationnel. Si Anciens Combattants Canada a rédigé ce projet de loi en croyant que les gens retourneraient au travail, on peut dire qu'un taux de réussite de 95 p. 100 est excellent pour le budget, excellent pour les résultats financiers, mais il y a injustice sociale si on cherche à pousser ces gens au-delà de cette barrière de 30 p. 100. Nous savons tous les deux que, lorsque les éléments fondamentaux de la vie sont en cause, les options suicidaires sont très courantes.
Le président : M. Leduc, qui se trouve en Colombie-Britannique, voudrait ajouter quelque chose.
M. Leduc : Je suis d'accord. Le taux de 95 p. 100 dont il est question est celui des placements, mais quel est le taux pour le maintien en emploi? Dans mon propre cas, j'ai essayé une ou deux choses. J'avais du mal à me concentrer. Il y a un certain nombre de choses qui se présentent simplement dans une transition normale. Même avec les incapacités physiques, les gens dissimulent parfois; et parfois non.
J'en reviens à ma question. Les 95 p. 100 concernent-ils le placement ou le maintien en emploi? Il s'agit ici de la vie au travail d'anciens combattants. Il ne suffit pas de dire qu'ils ont un emploi. Il faut voir en fin de compte combien réussissent à conserver leur emploi ou ont pu réorienter leur carrière parce qu'ils se sont aperçus plus tard qu'ils ne pouvaient pas rester dans la voie qu'ils avaient choisie.
Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord avec vous. Je crois vraiment qu'un taux de réussite de 95 p. 100 n'est pas réaliste, si on tient compte du placement, de la qualité de l'emploi et du revenu, et des perspectives à long terme.
Capitaine Bruyea, j'ai examiné les différents points d'accès qui sont proposés. Dans tous les cas, il y a des dispositions permettant de faire appel ou d'obtenir une révision. Il me semble que c'est un effort réaliste en vue de résoudre les problèmes qui se posent lorsqu'on veut être juste envers les anciens combattants. C'est plutôt bon, mais j'admets qu'il y a des lacunes. Il appartiendra à des gens tels que vous et M. Leduc, et à toutes les associations, de faire entendre votre point de vue à la deuxième étape de l'application de ce plan, c'est-à-dire l'élaboration et l'application des règlements. Si votre voix ne se fait pas entendre, vous devez veiller à ce que des représentants parlementaires sachent que cette deuxième étape ne se déroule pas de la façon que nous souhaitons tous.
Si une révision s'impose, vous avez ce processus à votre disposition. Vous n'êtes pas seul. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, tous les anciens combattants ont lutté pour obtenir cette mesure. Les parlementaires sont ici pour vous écouter et veiller à ce que le système soit équitable.
Le président : C'est exactement ce que nous faisons ce soir, monsieur Bruyea.
Le capt Bruyea : Je le comprends, et je vous remercie de nous accueillir.
Malgré le bon travail que les six organisations d'anciens combattants ont accompli par le passé, il y a toujours une majorité silencieuse d'anciens combattants qui n'ont pas de voix.
Le président : Combien?
Le capt Bruyea : Nous venons d'entendre le chiffre. Je voudrais signaler que bien des anciens combattants handicapés doivent se conformer au code de traitement d'Anciens Combattants Canada. Par exemple, je dois voir un praticien en ville. Je dois suivre fidèlement le processus, et mon thérapeute doit présenter des rapports à toutes les dix séances. Cet obstacle administratif débilitant que nous impose le ministère ne fait qu'exacerber nos problèmes.
Certains d'entre nous ne peuvent se permettre le luxe de se faire envoyer chez le Dr Matt Friedman, aux États-Unis, pour obtenir les meilleurs soins possibles. Certains ne peuvent se permettre le luxe d'aller à la clinique Mayo, aux États- Unis. Je ne veux blesser personne, mais il y a des anciens combattants qui n'ont personne pour les défendre. Il y en a qui ont été assez intimidés par le processus pour se réfugier dans le silence.
Un ombudsman serait une façon d'assurer la défense des éléments les plus marginalisés de la société. Je recommande que le Sénat ajoute dans le projet de loi une disposition prévoyant un ombudsman pour que les intérêts des plus marginalisés soient défendus. Voilà ce qu'est le Canada, un pays qui se porte au secours de ceux qui ne peuvent se défendre.
Le président : Merci de cette intervention, capitaine Bruyea.
Le sénateur Mitchell : Je suis le fils d'un soldat qui a servi pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée et au sein de la Commission internationale pour la surveillance et le contrôle au Vietnam. Je suis donc on ne peut plus conscient de la contribution des anciens combattants, des soldats en service et du reste des militaires à notre pays. Je suis avec beaucoup d'empathie et de sympathie ce que vous faites.
Soit dit en passant, en plus de tout ce que les anciens combattants ont apporté, le débat qui s'est élevé et a été nourri par des gens comme vous et d'autres anciens combattants a fait reconnaître la dépression comme une maladie générale et l'a mieux fait comprendre par l'ensemble des Canadiens. C'est une autre chose que nous devons aux anciens combattants, et les Canadiens leur en sont reconnaissants.
À la page 7 de votre exposé, monsieur Bruyea, vous écrivez que l'indemnité forfaitaire d'invalidité va remplacer ce qui était autrefois une pension d'invalidité. Vous avez dit que ce serait l'équivalent de sept à dix ans de prestations de pension.Savez-vous quel montant forfaitaire remplace quel montant de pension?
Le capt Bruyea : Selon mon interprétation, la pension complète de base d'un ancien combattant est d'environ 2 000 $ pourune personne seule. C'est donc 24 000 $ par année pendant environ dix ans. Il y a des prestations supplémentaires pour les prestataires mariés d'environ 500 $ par mois, ce qui donne un total de 30 000 $ par année. On verse aussi environ 180 $ pour le premier enfant et 150 $ pour le deuxième.
Un ancien combattant reçoit à peu près 35 000 $ par année en pension d'invalidité pour faire vivre sa famille. L'indemnité forfaitaire équivaudrait dont à sept ou huit ans.
Le sénateur Mitchell : Si vous touchez une indemnité forfaitaire de 250 000 $ et le placez à 5 p. 100, vous recevrez 12 500 $ par année, alors que pour avoir 35 000 $, il faudrait un rendement de 16 p. 100, sans toucher au capital, car, si vous le faites, il diminue rapidement.
Le capt Bruyea : Lorsque j'ai été libéré des forces, j'aurais eu du mal à gérer une indemnité forfaitaire. Même avec l'aide de gestionnaires financiers, étant donné mon problème de stress opérationnel, je n'aurais pas voulu que quelqu'un d'autre contrôle mon argent.
Le sénateur Mitchell : Dans ce cas, vous n'avez pas de choix; vous recevrez l'indemnité forfaitaire.
Le sénateur Ringuette : Nous avons dit clairement à quelques reprises que cette indemnité forfaitaire s'ajoute au revenu mensuel. Vous ne pouvez pas dire que 35 000 $ par année sont égaux à environ sept années de revenu, puisque que cette indemnité est tout à fait à part du revenu mensuel des anciens combattants. Cela en fait partie, mais ce n'est pas tout. Ce n'est pas la seule source de revenu.
Le capt Bruyea : C'est un excellent point. Je tiens à souligner que, aux termes du programme actuel, ceux qui ont le Régime d'assurance-revenu militaire, le RARM, n'ont pas à suivre une réadaptation professionnelle pour obtenir 75 p. 100 des pertes de gains. Il n'y a pas d'autre façon d'y accéder que d'être handicapé; il n'y a pas de programme de réadaptation. De plus, ils reçoivent une pension d'invalidité. Il y a bien des allocations qui ne sont pas déduites du RARM, comme les allocations pour soins et l'allocation pour une incapacité exceptionnelle. Si on me donne le choix, je préfère nettement le système actuel à celui qui va venir.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth : Ce projet de loi constitue un point de départ. Le gouvernement a tenu compte des besoins des vétérans et a mis sur pied ce projet de loi en consultant beaucoup d'organismes, d'institutions de vétérans. L'esprit de ce projet de loi est de rencontrer les besoins des nouveaux vétérans et non pas des anciens et d'apporter des modifications, des améliorations. D'après ce que j'ai compris de la présentation du ministre, tous les articles de la loi sont là pour être observés pendant l'application et peut-être modifiés et améliorés plus tard. Cela n'enlève rien à l'esprit de cette loi. Cette loi permet d'arriver à compléter la gamme des besoins de tous les vétérans, même les vôtres. Ce projet de loi est-il un bon point de départ? Est-ce quelque chose à venir? On peut toujours faire des changements. Une fois la mise en œuvre de la loi, on pourra toujours amender et corriger les articles qui ne correspondent pas réellement aux besoins des vétérans. Est-ce qu'en principe vous êtes d'accord avec ce projet de loi? Vous allez pénaliser beaucoup de vétérans qui attendent depuis plusieurs années un tel projet de loi?
[Traduction]
Le capt Bruyea : Je ne veux pas être ici l'irréductible qui tient à s'attaquer à Anciens Combattants Canada. Bien des anciens combattants ont été soumis à rude épreuve par le ministère. Nous avons dû nous plier à toutes sortes de contorsions. La Loi sur les pensions est conçue de façon bien plus bienveillante et elle explique clairement à quelles prestations ont droit tel ou tel ancien combattant. Malgré tout, le ministère des Anciens Combattants a du mal à l'appliquer. Je veux demander ceci : pourquoi cette précipitation pour adopter une mesure aussi importante? Je reconnais avec tout le monde que c'est très important. Une autre chose importante qui mérite de retenir votre attention à tous, c'est qu'il faut essayer de connaître le point de vue de ceux qui sont le plus touchés, soit les vétérans modernes handicapés et les membres des FC qui sont en service.
Je recommande que, à propos des éléments qui font problème, on consulte les bases et qu'on demande au Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels son point de vue sur le projet de loi même. Il y a eu des séances d'information, mais seulement une fois que tout a été sur papier. Je recommande que le Sénat prenne le temps de traiter cette mesure selon toute l'importance qu'il faut lui reconnaître en invitant l'ensemble des Canadiens à donner leur point de vue. En fait, Louise et moi avons beaucoup de mal à comparaître ce soir. J'ai pleuré presque toute la journée. Ma femme est ici, et c'est grâce à sa présence que je peux vous parler. La plupart des victimes de stress opérationnel ne peuvent pas se précipiter sur un ordre du jour de comité qui nous force à comparaître à une journée d'avis pour expliquer ce qui, pour nous, ne va pas. Votre programme pour personnes en bonne santé doit répondre aux besoins des anciens combattants frappés d'incapacité. Ne devrait-il pas y avoir une disposition spéciale pour ces anciens combattants et un programme de travail qui respecte les limites qu'ils doivent surmonter pour vous donner leur point de vue?
Le sénateur Oliver : Lorsque madame la ministre était ici, elle a dit qu'elle déposerait de la documentation sur les consultations. Elle a ajouté qu'elle nous donnerait, pour que puissions mieux comprendre, des détails sur l'expérience britannique à laquelle elle s'est reportée. Fidèle à sa parole, elle nous a laissé un document sur les consultations. Je voudrais lire l'un des paragraphes qui porte sur le processus de consultation au sujet des traumatismes émotifs et psychologiques.
Il y a eu de vastes consultations pendant toutes les phases de recherche et d'élaboration avec un apport constant des groupes d'anciens combattants intéressés pendant les étapes finales de la conception, ce qui a permis de recueillir de larges appuis. Pendant trois ans, ACC a eu une étroite collaboration avec le Conseil consultatif sur les Forces canadiennes, qui comprenait des représentants d'un certain nombre de ministères fédéraux, dont le MDN...
Et voici l'essentiel :
[...] ainsi que des spécialistes en santé mentale, douleurs chroniques, services psychologiques et à la famille et réadaptation. De plus ACC a travaillé en étroite coopération avec le MDN, qui a déclaré qu'il appuyait cette initiative sans réserves. Les organisations d'anciens combattants ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue par l'entremise du Comité consultatif ainsi qu'au cours de consultations officielles.
C'est là un paragraphe du document sur les consultations que nous allons faire circuler pour les membres du comité. Je voulais vous signaler ce passage portant sur la santé mentale, les douleurs chroniques, les services psychologiques, les services à la famille et la réadaptation.
Le capt Bruyea : Je voudrais insister sur ce que M. Leduc a dit, monsieur le président : même les membres du conseil n'ont vu le projet de loi que deux jours avant qu'il ne soit rendu public. C'était il y a seulement deux semaines. Il m'a fallu au moins une semaine pour le parcourir, et M. Leduc a dit qu'il lui avait fallu une semaine. Je me demande combien de temps il faudra à la majorité des anciens combattants handicapés, que ce projet de loi doit servir, pour prendre connaissance du texte et définir leurs préoccupations. Pourquoi cette hâte?
Le président : M. Leduc voudrait ajouter quelque chose. Comme vous le savez, On peut soulever la question de privilège si les projets de loi du gouvernement sont rendus publics avant leur présentation au Parlement. Il y a des raisons d'ordre juridique, stratégique et parlementaire qui expliquent pourquoi le document n'a pas été rendu public.
M. Leduc : Je suis d'accord. Je comprends ce principe, monsieur le président. Je sais que, pendant que nous participions aux consultations comme représentants des organisations, lorsque nous examinions les programmes du groupe de travail sur la modernisation, on nous demandait de ne pas communiquer les détails à nos membres. En somme, il y a eu beaucoup de consultations avant, mais cela devait aboutir au projet de loi. Lorsque nous avons commencé à examiner la conception du programme, le groupe de travail procédait à ses consultations. Il nous a demandé de garder les détails pour nous. Je comprends ce qu'on dit de la confidentialité des documents du Cabinet, mais nous aurions dû pouvoir voir le résultat, si près de la conclusion du processus.
Honnêtement, certains des détails du projet de loi C-45 nous ont étonnés. Je le répète, je l'appuie en principe. C'est un point de départ, mais je conseille la prudence.
Le sénateur Dallaire : Je présente des excuses à M. Bruyea pour la réaction que j'ai eue lorsqu'il parlait. C'était déplacé et peu respectueux de ma part. Toutefois, je m'aperçois qu'il est extrêmement difficile pour lui de comparaître et de participer à ce processus. Je tiens à lui dire qu'il est tout aussi difficile de rester là à écouter les échanges, puisque je m'occupe de cette initiative depuis le début, en 1997. J'ai fait une déclaration, et j'estime que je ne suis pas dans une position pour poser une question. Je cède donc la parole à d'autres.
Le sénateur Day : Monsieur le président, j'ai été heureux d'entre M. Leduc dire qu'il avait pu s'exprimer par l'entremise de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, puis grâce au Conseil consultatif, mais je n'ai pas entendu le capitaine Bruyea dire s'il avait trouvé des moyens d'exprimer ses préoccupations, autrement qu'en comparaissant ce soir. Êtes-vous représenté? Participez-vous à la Légion royale canadienne ou à une autre organisation qui réunit des militaires ou d'anciens militaires?
Le capt Bruyea : Je souffre du syndrome de stresspost-traumatique. Je ne réagis pas bien aux organisations ni aux tractations politiques qu'il y a dans tout cela. Je veux pouvoir me concentrer pour me rétablir. Livrer une bataille politique pour faire valoir un point à l'intérieur d'une organisation pour que, peut-être, elle puisse livrer une autre bataille pour le faire entendre ici, c'est trop épuisant pour moi.
Comme individus, nous avons essayé de participer. Nous avons commencé dès 1997, au moins, en rencontrant des ministres, en recueillant plus de soutien et en réunissant plus de députés : le ministre Art Eggleton, M. Ron Duhamel et M. Rey Pagtakhan. Ce sont les problèmes systémiques que nous avons signalés au ministère. Ce ne sont pas les documents les mieux écrits, mais il y a des préoccupations valables qui y sont exprimées, au moins une ou deux, je l'espère, sur quelque 200 pages.
La réponse du ministère a été parfaitement obstinée : une fin de non-recevoir. On ne nous a pas dit : « Oui, nous allons prévoir un forum, un moyen spécial pour des anciens combattants comme vous. » C'est ce que nous avons recommandé. Pourquoi ne pas avoir une cellule de réponse à la clientèle. Les grands magasins en ont parce qu'ils cherchent à améliorer leur service. Combien de parlementaires reçoivent maintenant combien de plaintes sur les relations avec Anciens Combattants Canada? Qui coordonne ce qui se rapporte aux problèmes systémiques dont Anciens Combattants Canada doit s'occuper? Dans ce ministère, il n'y a aucune organisation qui assure une participation coordonnée à cet égard.
Le sénateur Day : Avez-vous parlé à votre député de certaines de vos préoccupations?
Le lieutenant (à la retraite) Louise Richard : Nous nous sommes adressés à tous les niveaux de gouvernement, monsieur, moi la première, de 1994 à aujourd'hui. Nous sommes la voix des silencieux. Nous n'appartenons officiellement à aucune organisation puisque, comme on l'a expliqué, les organisations ont leurs objectifs, suivent leur ligne de pensée et écoutent leurs membres, et c'est très bien, mais le processus est ennuyeux et long. Nous avons assez de nos occuper de nos propres maladies et d'Anciens Combattants Canada, pour obtenir nos soins et répondre à nos besoins.
Je crois que pas une semaine ne passe que nous ne parlions à un député ou que nous n'en appelions un au nom d'anciens combattants qui ne peuvent pas très bien s'exprimer eux-mêmes. Ils ne peuvent pas bien s'exprimer parce qu'ils prennent beaucoup de médicaments ou de sédatifs à cause du syndrome de stresspost-traumatique. Ils sont sur le pont, prêts à sauter, ou leur famille est trop désemparée pour s'occuper d'un ancien combattant handicapé.
Je suis infirmière agréée. Lorsqu'ils étaient dans les Forces canadiennes, bien des anciens combattants ont reçu un diagnostic erroné, ou pas de diagnostic du tout. Lorsqu'ils sont libérés, le problème est toujours là. Ils passent au travers des mailles du filet. Les politiques et les programmes parfaits, c'est très bien, cela mérite des félicitations, mais bien des anciens combattants ne sont pas capables de s'en prévaloir.
Le sénateur Day : Avez-vous lu dans le projet de loi ou entendu dans les propos de madame le ministre, tout à l'heure, qu'il y aurait un gestionnaire de cas pour chaque personne qui prend sa retraite des forces armées. Il l'aidera à s'y retrouver dans le labyrinthe dont vous parlez. Êtes-vous d'accord sur cette idée?
La lte Richard : Absolument. C'est comme un commandant de peloton. C'est aussi comme cela que je considère Anciens Combattants Canada. Un commandant de peloton a un certain nombre de subalternes, il gère un certain personnel, etc. C'est merveilleux. Nous travaillons depuis des années avec des ministres et divers niveaux de gouvernement. Une grande partie de ce qui a été présenté ce soir a été proposé ou se trouvait dans divers documents qui ont été adoptés, et nous en sommes très heureux. Ces dernières années, il y a eu bien des changements. Nous avons parlé de la ligne 1-800. Le fait que nous ayons un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique est un acquis énorme. Les anciens combattants d'autrefois n'avaient pas ce diagnostic, et ils n'ont donc jamais reçu les traitements qui convenaient. Ils se débrouillaient de leur maladie comme ils le pouvaient. La Légion était là pour les aider, et c'est magnifique.
Ici et maintenant, nous sommes conscients de toutes ces choses. Nous cherchons de nouvelles avenues pour obtenir un traitement immédiat ou qui ne tardera pas trop, et une façon de nous rétablir le plus tôt possible pour mener une vie normale.
Le sénateur Day : Êtes-vous au courant du travail que leSous-comité sénatorial des anciens combattants a accompli dans tout ce domaine du stress opérationnel et du syndrome de stress post-traumatique? Nous nous sommes rendus à l'hôpital de Toronto et au Centre d'ACC à Saint-Anne, et nous avons vu le groupe du Dr Paquette. On nous a donné des séances d'information complètes. Nous avons incité le gouvernement et Anciens Combattants Canada à s'occuper de certains de ces problèmes. Nous estimons qu'ils ont fait de bons progrès.Êtes-vous au courant de tout le travail qui s'est fait?Estimez-vous que vous avez la possibilité de faire connaître vos préoccupations de cette manière? Comparaîtriez-vous devant un comité sénatorial, n'était de ce projet de loi?
La lte Richard : Nous avons essayé par le passé. Cela a donné plus d'ampleur au processus. Oui, nous sommes au courant de ce qui s'est fait au niveau national, mais si vous prenez le cas de l'hôpital Sainte-Anne, à Ste-Anne-de- Bellevue, par exemple, il n'y a que quatre lits réservés à ceux qui souffrent de façon chronique du syndrome de stress post-traumatique.
Le sénateur Day : Il y a bien des gens qui y viennent pour des consultations comme patients externes.
La lte Richard : Je suis d'accord, mais le Québec est une province énorme, et l'Ontario est une province énorme. Oui, nous tentons d'apporter des changements et à mettre les choses en place, mais...
Le sénateur Day : Vous avez déjà entendu cette observation. Nous vous exhortons à participer. Nous n'essayons pas de transformer tout le monde en juriste en étudiant ce projet de loi, mais l'application de ses principes généraux se fait au moyen des règlements. Vous avez entendu l'engagement que le ministre a pris ce soir, tout comme l'engagement des diverses organisations qui participeront à l'élaboration des modalités d'application concrète de ce principe ou de ces principes. Aimeriez-vous participer à cette deuxième étape?
La lte Richard : Tout à fait, pourvu que ce soit un engagement permanent et non limité.
Le sénateur Day : Vous avez entendu cette engagement.
La lte Richard : Oui, je l'ai entendu.
Le sénateur Day : Est-ce la même chose pour vous, monsieur Leduc?
M. Leduc : Je participe toujours. Je le fais depuis le début.
Le sénateur Day : Vous continuerez de le faire?
M. Leduc : Il n'est pas facile de me faire tenir tranquille.
Le sénateur Day : Merci.
Le capt Bruyea : Merci beaucoup. Je voudrais exprimer du respect pour tout le travail du sénateur Dallaire et de tous ceux qui ont participé à cette initiative depuis le début. Le message est parvenu en une seule semaine à 400 anciens combattants qui sont outrés devant les détails du projet de loi, mais ce qui les a indignés, c'est probablement le fait qu'ils n'étaient pas au courant du processus depuis le début. Pour notre part, nous avons écrit une lettre au ministre avant qu'on ne commence à travailler sur le projet de loi. Nous avons demandé en personne au ministre de faire partie du groupe de travail d'une façon quelconque. En juillet dernier, nous avons demandé à rencontrer le groupe de travail. Il a répondu qu'il accepterait un mémoire. Étant donné qu'aucun de nos mémoires n'a jamais eu de suite, vous pouvez imaginez avec quel enthousiasme nous envisagions de nous stresser et de travailler sur un mémoire dont on n'allait pas tenir compte.
Nous avons donné de l'information au Conseil consultatif sur les Forces canadiennes. Nous avons demandé à y revenir, mais on ne nous a pas réinvités. Peut-être certaines organisations trouvent-elles à redire à notre présence, et nous en sommes désolés, mais nous tenons à souligner qu'il n'y a aucun mécanisme, dans le processus de consultation d'ACC, pour rejoindre la clientèle. Cela aurait pu être simplement une annonce, il y a un an, dans Salute!, le journal que reçoivent tous les anciens combattants handicapés, demandant : « Que souhaitez-vous voir dans une nouvelle charte? » On aurait pu fournir une adresse de courrier électronique et une adresse postale. Ils auraient pu prendre 10 p. 100 des lettres. Peut-être aussi n'y aurait-il pas eu beaucoup de lettres.
On n'a utilisé aucun de ces mécanismes pour mener les consultations, qui ont donc toujours été limitées à un groupe choisi de six organisations.
Je recommande que le Sénat envisage, avant d'adopter le projet de loi, d'insérer un mécanisme qui permettra de recueillir les points de vue sur les problèmes systémiques qui existent à Anciens Combattants Canada; le ministre et le ministère pourront ainsi appliquer de façon sérieuse les nouveaux programmes mis en place.
Le sénateur Kinsella : Nos témoins nous ont livré ce soir des témoignages précieux qui aideront le comité et surtout leSous-comité des anciens combattants.
Je considère le projet de loi comme une étape dans un plus long voyage. C'est le premier pas, mais il y en aura beaucoup d'autres. Nous ne pouvons pas faire abstraction des problèmes soulevés par le capitaine Bruyea et M. Leduc ainsi que par d'autres.
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie réalise une étude approfondie d'une qualité digne d'une commission royale. Il s'agit de la suite de son étude sur la santé, mais l'accent est mis cette fois sur la santé mentale. Ce comité a reçu de nombreux témoignages directs sur les questions qui ont été soulevées ici.
Nous avons étudié le projet de loi de façon détaillée, et je ne peux rien trouver dans les détails qui puisse nous empêcher de l'adopter. Toutefois, je ne crois pas qu'un seul membre du comité estime que c'est là la fin du travail. Mes collègues qui siègent au Sous-comité des anciens combattants ont voulu prendre des mesures pour aller de l'avant, et c'en est une.
Monsieur le président, nous avons pu étudier le projet de loi en détail, et nos témoins nous ont éclairés. Quant à notre conversation des derniers instants, j'estime qu'il y a une route à parcourir et qu'il s'agit d'une très importante deuxième étape.
Le sénateur Day : Au nom du sénateur Atkins et en mon nom propre, ainsi qu'au nom des autres membres de notre comité, je dois dire que le Sous-comité sénatorial des anciens combattants est déterminé à donner suite à toute l'information reçue ce soir. Nous allons certainement intervenir régulièrement auprès du ministre pour qu'on s'occupe correctement des anciens combattants. Madame le ministre coopère de façon empressée avec le comité en comparaissant chaque fois que nous le lui demandons. Nous vous invitons à continuer de suivre les activités du Sous- comité des anciens combattants.
Je ne saurais m'exprimer plus clairement que le sénateur Kinsella ne l'a fait à l'instant. Nous savons qu'il n'est pas facile pour vous de participer à ce processus, mais cela nous a été utile. Nous vous en remercions.
Le président : Au nom du comité, je vous remercie tous beaucoup. Nous vous sommes profondément reconnaissants de votre apport, qui a permis d'élargir notre compréhension de cet important projet de loi.
Honorables sénateurs, voilà qui met fin à l'audition des témoins que nous devions accueillir ce soir. L'avis modifié dit que notre étude du projet de loi C-45 est terminée, à moins que d'autres témoins ne veuillent se présenter immédiatement.
Je n'en vois aucun.
Le sénateur Day : Monsieur le président, comme le ministre l'a dit au début de la séance, les représentants du ministère sont restés parmi nous. Si des sénateurs ont des questions à poser au sujet des témoignages que nous venons d'entendre, ces représentants sont là pour répondre. S'il n'y a pas de questions, je propose que nous passions à l'étude article par article du projet de loi.
Le président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour passer à l'étude article par article du projet de loi C-45, Loi prévoyant des services, de l'assistance et des mesures d'indemnisation pour les militaires et vétérans des Forces canadiennes ou à leur égard et modifiant certaines lois?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1, titre abrégé, est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, les articles 2 à 35 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, les articles 36 à 117 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'annexe 1 est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'annexe 2 est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'annexe 3 est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1, titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat sans propositions d'amendement?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté
Le sénateur Atkins : Est-il possible de faire une observation?
Le président : Oui, tout de suite.
Le sénateur Atkins : La soirée a été intéressante, et je crois que nous avons tous pris très au sérieux les observations qui ont été faites. Il me semble important d'ajouter à l'intention des représentants d'Anciens Combattants Canada que, d'après notre expérience à titre de membres du Sous-comité des anciens combattants, nos relations avec eux ont été vraiment exceptionnelles.
Je voudrais croire que tous les ministères sont aussi bons qu'Anciens Combattants Canada. Ce ministère n'est sans doute pas parfait, mais l'expérience que j'ai retenue, c'est que ses représentants sont conviviaux et que, parfois, ils font l'objet de pressions extrêmes. J'estime que leur travail leur vaut notre gratitude et nos remerciements.
Le président : Sénateur Atkins, voilà une excellente observation. Elle figure à notre compte rendu, et c'est une chose que le greffier communiquera à notre comité directeur. Une lettre sera probablement envoyée pour exprimer vos vues.
Honorables sénateurs, y a-t-il autre chose à soumettre au comité ce soir?
Le sénateur Day : Nous sommes tous d'accord avec le sénateur Atkins.
Le sénateur Downe : J'ai également un mot à ajouter. Nous approuvons tous ce que le sénateur Atkins a dit, et ce n'est pas parce que le ministère des Anciens Combattants a son siège à Charlottetown. C'est peut-être un facteur qui joue.
Le président : Disons le Canada atlantique, et non Charlottetown.
Le sénateur Downe : Je voulais aussi féliciter le greffier et tout le personnel du Séant qui a pu, avec un préavis très bref, organiser cette séance et dresser une liste de témoins représentant des points de vue divers. Je sais que nous avons travaillé pendant de longues heures, mais c'est une nouvelle indication qui montre que le Sénat fait un travail qui ne se fait pas aux Communes.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth : Serait-ce possible de mentionner à madame la ministre qu'effectivement la loi est adoptée, mais que quelques sénateurs, comme moi, aimerions qu'elle montre davantage d'ouverture pour des situations comme celles que le jeune homme nous a expliqués, afin de voir s'il n'y aurait pas une future application de la loi qui répondrait aux besoins de ces vétérans qui se sentent visés.
[Traduction]
Le président : Je croyais que le sénateur Day avait dit que nous avions un sous-comité qui s'occupait justement de cela. Il a dit que ce sous-comité se pencherait sur ces questions au cours de futures séances. Les sénateurs Atkins et Day, qui étaient ici ce soir, siègent au sous-comité chargé des affaires des anciens combattants.
Le sénateur Ferretti Barth : Je suis d'accord avec le sénateur Downe. Je crois que les délais sont brefs. Pour des gens comment moi, il est impossible d'examiner le projet de loi à fond. Cesgens-là sont allés à la guerre. Je n'ai pas fait de service militaire. Pour moi, étant donné ma sensibilité particulière, il est très difficile de comprendre une chose comme celle-là
[Français]
Autrement, c'est vraiment difficile de porter un jugement précis, honnête et transparent. Le témoignage du dernier témoin m'a touchée. Je pense qu'il y a d'autres personnes comme lui et c'est vrai que la loi ne fait rien pour cette catégorie de gens. Je ne me sens pas confortable dans cette situation.
[Traduction]
Le président : Le sénateur Kinsella a également dit avant de partir qu'il voit ici un voyage qui commence et dont ce n'est que la première étape. Les longs témoignages que nous avons entendus depuis la Colombie-Britannique et de la part du capitaine Bruyea ce soir font maintenant partie de notre compte rendu. Le comité qui a pour mission d'étudier ces questions, celui où siègent les sénateurs Day, Atkins et Kinsella, peut se saisir de la question.
Sénateur Day, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
Le sénateur Day : Je comprends que c'était un peu difficile pour les membres de ce comité d'étudier ce projet de loi. Il aurait normalement dû être étudié par un autre comité, mais du fait que ce comité voyage, cela a été renvoyé ici. Je vous remercie sincèrement parce que c'était un projet de loi très important. Nous l'avons bien étudié et nous avons bien réussi.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, notre prochaine séance aura lieu le mardi 17 mai. Nous étudierons un projet de rapport sur les agents du Parlement et sur la question des fondations. S'il n'y pas d'autres sujets à l'ordre du jour, la séance est levée. Merci de votre aide de ce soir.
La séance est levée.