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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 26 - Témoignages du 22 juin 2005


OTTAWA, le mercredi 22 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-43, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 février 2005, se réunit aujourd'hui à 18 h 37 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais déclarer ouverte notre 36e séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je rappelle à tous les sénateurs que les dépenses du gouvernement demeurent le principal intérêt de ce comité, soit directement par le budget soit indirectement par des projets de loi.

[Français]

Hier, le projet de loi C-43, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 février 2005, a été renvoyé à notre comité par le Sénat.

Pour commencer notre réunion ce soir, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Ralph Goodale, ministre des Finances.

[Traduction]

Le ministre Goodale a d'abord été élu au Parlement du Canada en 1974. Dans les années 80, il a été chef du Parti libéral de la Saskatchewan et en 1986, il a été élu député à l'Assemblée législative de la Saskatchewan. M. Goodale est revenu à la Chambre des communes en 1993 et a été réélu en juin 1997, puis en novembre 2000. Il a été ministre de divers portefeuilles, y compris ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, de Ressources naturelles Canada ainsi que de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. M. Goodale est devenu ministre des Finances le 12 décembre 2003 et a été renommé à son poste le 20 juillet 2004.

J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à M. McKay, qui n'est pas encore arrivé. Je vais le présenter plus officiellement lorsqu'il arrivera.

Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue à notre discussion sur l'important projet de loi budgétaire C-43. Nous serons heureux d'entendre vos observations, puis comme c'est l'usage, après votre déclaration d'ouverture, les sénateurs auront probablement quelques questions à vous poser.

L'honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre des Finances : Merci infiniment, monsieur le président. À maintes reprises, vous avez rencontré divers représentants du ministère des Finances. Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui, en plus des autres fonctionnaires présents dans la salle, par M. Peter Devries, qui connaît bien tous les chiffres. J'espère qu'il saura me venir en aide au cours de la prochaine heure.

Monsieur le président, je n'ai pas d'exposé officiel ce soir. Je me suis dit que notre temps serait mieux utilisé si je faisais tout mon possible pour répondre à vos questions. Le projet de loi C-43 est le premier projet de loi de mise en œuvre du budget depuis le budget de 2005. Comme c'est la tradition, il y a plus d'un projet de loi budgétaire portant sur la mise en œuvre des dispositions de chaque budget.

Le premier projet de loi comprend les principaux éléments de principe, particulièrement ceux pour lesquels il est le plus urgent de répartir certaines ressources, programmes ou dépenses. Comme vous le savez, selon les usages et les règles habituels de la vérificatrice générale, ces éléments doivent être expédiés par le Parlement pour qu'elle puisse accorder la reconnaissance qu'il faut à ces choses dans le bon exercice.

Une partie de l'objectif du projet de loi C-43 consiste donc à soumettre au Parlement les grands principes qui découlent du budget du 23 février et à régler toute question particulièrement urgente et confinée à l'exercice.

Le projet de loi C-48, qui porte lui aussi sur des questions budgétaires importantes et des questions de principe, vous sera soumis un peu plus tard. Il approche, mais n'a pas encore atteint la fin de son cours à la Chambre des communes.

Le président : Pouvez-vous nous donner une idée du moment où nous pourrions recevoir ce projet de loi?

M. Goodale : J'aimerais bien pouvoir vous le dire. Il en est aux dernières étapes à la Chambre des communes. Nous saurons au cours des quelques prochains jours s'il sera possible d'en terminer rapidement l'étude ou s'il nous faudra plus de temps. D'après ce que je comprends, il reste le débat de l'étape du rapport, puis bien sûr, toute la troisième lecture officielle. L'étape du rapport tire à sa fin, mais il reste encore la troisième lecture.

Après que le Parlement aura terminé son examen des projets de loi C-43 et C-48, il y aura d'autres projets de loi plus tard dans l'année, surtout de nature technique, et particulièrement des projets de loi qui proposeront des modifications techniques aux lois qui nécessitent des consultations préalables. Ces consultations auront lieu pendant l'été. Les réactions recueillies seront présentées avec le projet de loi à la Chambre, puis au Sénat.

Le projet de loi C-43 est le premier projet de loi budgétaire. Il comprend la plupart des éléments de principe et des questions urgentes. C'est donc ce dont nous parlerons ici ce soir. C'est avec plaisir que je vais répondre à vos questions, au meilleur de mes connaissances.

Le président : Merci beaucoup monsieur le ministre.

Je sais qu'il y a quelque chose sur l'Accord atlantique dans ce projet de loi. Pouvez-vous nous dire ce qu'il dicte et comment ces dispositions seront mises en vigueur une fois le projet de loi adopté?

M. Goodale : C'est la partie 12 du projet de loi, monsieur le président. Elle traduit les détails qui ont été convenus entre le premier ministre et les autres premiers ministres dans l'Accord atlantique concernant le pouvoir législatif de dépenser. Sans ce pouvoir, il ne serait pas possible de verser des paiements anticipés à la Nouvelle-Écosse ni à Terre- Neuve-et-Labrador. Les pouvoirs contenus dans la partie 12 autoriseront officiellement ces dépenses.

Il y a beaucoup de détails, sénateur Oliver. Sans les exposer tous, je peux vous dire que ces dispositions reflètent fidèlement l'entente conclue entre les premiers ministres Martin, Williams et Hamm. On a fait très attention de veiller à ce que ces deux provinces soient satisfaites de la rédaction de cette partie. Il y a quelques modifications techniques qui ont été apportées au libellé pour satisfaire toutes les exigences de Terre-Neuve-et-Labrador, avec l'accord du premier ministre.

Le président : Dans votre introduction, vous avez dit que certaines choses contenues dans ce projet de loi étaient urgentes. Cet accord fait-il partie des éléments urgents?

M. Goodale : Il est urgent en ce sens que Terre-Neuve-et-Labrador et le Nouveau-Brunswick ont très hâte qu'il s'applique. Je suis certain que tous les parlementaires accueilleront avec joie l'adoption de cette partie. Cet accord a une durée de vie de plus de huit ans et pourrait aller jusqu'à 16 ans, selon les circonstances, mais en même temps, il prévoit le versement de paiements anticipés à ces deux provinces dès que le pouvoir législatif en sera créé, et ces deux provinces ont bien hâte de recevoir cet argent.

Le sénateur Kinsella : Monsieur le ministre, l'article 5 de la partie 12 dicte que le ministre verse à la province — la Nouvelle-Écosse dans ce cas-ci — la somme de 830 millions de dollars. Quand ce chèque sera-t-il émis?

M. Goodale : La Nouvelle-Écosse recevra un chèque dès que ce pouvoir législatif sera établi. On m'a dit que selon la procédure, ce pourrait se faire quelques jours plus tard.

Le sénateur Kinsella : La même chose s'appliquerait à l'article 19, qui dicte ce qui suit :

Le ministre verse à la province de Terre-Neuve-et-Labrador la somme de deux milliards de dollars pour lui permettre de réduire sa dette existante.

Cet article se trouve à la page 60 du projet de loi.

M. Goodale : C'est le même principe qui vaut pour Terre-Neuve que pour la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Kinsella : Lorsque ce projet de loi acquerra force de loi, ce pouvoir existera et un chèque sera émis?

M. Goodale : C'est exact.

Le sénateur Kinsella : Je viens de la région de l'Atlantique et je reçois des appels de personnes de la région qui me disent à quel point ils souhaitent que ce projet de loi soit adopté rapidement. De fait, au Sénat cet après-midi, j'ai dit à votre collègue, le leader du gouvernement au Sénat, que les sénateurs conservateurs étaient prêts à procéder à l'étude article par article de ce projet de loi après votre comparution de ce soir pour que nous puissions en faire rapport au Sénat demain.

Comme vous le savez, il y aura une cérémonie de sanction royale demain après-midi sur un autre projet de loi très important pour cette région, celui concernant l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits. Nous nous sommes dit qu'il serait bien que le projet de loi C-43 reçoive la sanction royale demain après-midi lui aussi.

Seriez-vous d'accord pour que votre projet de loi soit adopté ainsi?

Le sénateur Downe : J'invoque le Règlement, devrions-nous aviser le ministre de ce que le leader du gouvernement au Sénat a dit de cette proposition?

Le sénateur Kinsella : Le leader du gouvernement au Sénat a dit qu'il n'était pas d'accord. Je me demande si le ministre veut que ce projet de loi soit adopté ou non. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas un rappel au Règlement.

Le sénateur Downe : C'est simple courtoisie que d'avertir le ministre de tout le débat et de ne pas le mettre au courant d'un côté seulement. C'était une question un peu insidieuse.

Le sénateur Tkachuk : N'est-ce pas pourquoi nous sommes ici?

Le président : Le ministre est un parlementaire de grande expérience.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Goodale : Monsieur le président, comme je l'ai dit au début, ce projet de loi comprend quelques questions urgentes. Il y a des Canadiens qui auront hâte de voir certaines dispositions du projet de loi C-43 se rendre à l'approbation finale, ce qui créera le pouvoir de faire certains paiements. C'est important.

Il importe aussi de veiller à ce que chaque Chambre suive adéquatement ses règles de procédure. Je n'inviterais pas les sénateurs à se prononcer sur les règles de la Chambre des communes et de la même façon, je n'aurai pas la prétention d'offrir les commentaires de la Chambre des communes sur l'application des règles du Sénat. Vous les connaissez bien mieux que moi.

Le sénateur Kinsella : Monsieur le ministre, je suis content de vous informer que votre projet de loi C-43 reçoit l'appui de l'opposition officielle au Sénat. Bon nombre de ceux d'entre nous qui venons du Canada atlantique sommes rassurés par votre déclaration sur l'interprétation de ces deux articles et sur le fait que l'argent viendra et qu'il pourra arriver dans les 48 heures. Les premiers ministres Hamm et Williams seront ravis de l'apprendre.

Je viens du Nouveau-Brunswick et je m'interroge un peu sur les incidences du projet de loi C-43. Les fonds promis dans le projet de loi C-43 comprendront-ils les fonds prévus pour la remise à neuf de Point Lepreau ou est-ce un projet de loi différent?

M. Goodale : C'est un sujet qui fait l'objet de revendications du premier ministre du Nouveau-Brunswick en ce moment. À ma connaissance, la question n'est toujours pas réglée. Ce ne serait pas vraiment envisagé, sénateur Kinsella, d'après ce que nous savons aujourd'hui des modalités d'application du projet de loi C-43. Cependant, le projet de loi C-43 crée certains programmes qui existeront dans l'avenir dans les domaines de l'énergie et de l'environnement.

Se pourrait-il que des décisions futures sur l'énergie nucléaire en viennent à faire appliquer certaines dispositions du projet de loi C-43 à l'énergie nucléaire?

C'est une possibilité générale, mais je dois vous dire que pour l'instant, ce n'est pas envisagé concrètement dans le projet de loi C-43, parce que les discussions avec le Nouveau-Brunswick sur la question ne sont toujours pas terminées.

Le sénateur Kinsella : Comme nous sommes saisis du projet de loi C-43 et non du projet de loi C-48, je vais attendre que nous recevions le projet de loi C-48 pour poser des questions, si nous le recevons.

Si je comprends bien, et bien sûr, ce n'est que logique, toute exigence imposée au Trésor rend le budget plus serré. Je pense que c'est une observation que j'ai lue quelque part et qui vous est attribuée, monsieur le ministre.

M. Goodale : Cela me semble être la vérité.

Le sénateur Kinsella : C'est la vérité, en effet.

M. Goodale : Je n'ai jamais vu d'exigence qui rende les choses plus faciles.

Le sénateur Kinsella : Nous allons revenir à cette question lorsque nous examinerons le projet de loi C-48, lorsque nous le recevrons, si nous le recevons. Merci, monsieur le ministre.

Le président : Avant de céder la parole au parrain du projet de loi, le sénateur Eggleton, j'aimerais souhaiter chaleureusement la bienvenue à M. John McKay, secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

M. McKay a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1997 et a été nommé secrétaire parlementaire du ministre des Finances en juillet 2004.

L'honorable John McKay, C.P., député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances : Merci.

M. Goodale : Monsieur le président, je dois dire que pendant toute cette législature de gouvernement minoritaire plutôt inhabituelle, où nous avons dû examiner diverses questions financières au Parlement, je me suis fié beaucoup au bon travail de M. McKay. Je souhaite profiter de cette occasion pour souligner devant un comité parlementaire le travail extraordinaire qu'il a fait pour s'assurer que toute l'attention parlementaire voulue soit accordée aux questions relatives au ministère des Finances.

Le président : M. McKay a comparu devant notre comité à plusieurs reprises, et nous connaissons bien son habileté à répondre aux questions.

Le sénateur Eggleton : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre et monsieur McKay. Félicitations, monsieur le ministre, pour ce superbe budget.

Monsieur le président, vous et moi nous sommes parlé au Sénat l'autre soir, et vous avez soulevé quelques points dans vos observations. Bien que je ne sois pas nécessairement d'accord avec tout ce que vous avez dit, je pense que vos propos méritent une réponse. J'aimerais interroger le ministre sur certains éléments. Par exemple, comme vous avez examiné la question avec ce comité, vous avez demandé pourquoi les initiatives de dépenses budgétaires ne pouvaient pas être inscrites dans le Budget principal des dépenses plutôt que dans le Budget supplémentaire des dépenses.

Je sais un peu pourquoi, puisque j'ai déjà été président du Conseil du Trésor : les gens se fondent sur le Budget principal pour se faire une idée générale des dépenses, pourtant, il ne comprend pas bon nombre des principaux éléments mentionnés dans le discours du budget.

Pouvez-vous vous exprimer sur le sujet et sur la possibilité de changer le calendrier pour que le Budget principal des dépenses soit plus inclusif?

M. Goodale : Monsieur Eggleton, Monsieur Devries a beaucoup d'expérience en la matière, donc je vais lui demander de nous expliquer les détails. Je dirai pour commencer que c'est surtout une question de temps. Des décisions sont prises sur les questions budgétaires et deviennent publiques lors du discours sur le budget. Le temps qui reste sert à les articuler de la façon qui convient pour qu'elles puissent être présentées au Parlement de la façon habituelle, soit dans le Budget principal, soit dans le Budget supplémentaire des dépenses.

Permettez-moi de demander à M. Devries de nous expliquer tout cela, parce qu'il travaille à cette arithmétique chaque année. Je vais peut-être conclure ensuite par une observation sur votre dernier point, c'est-à-dire de trouver une solution à cette situation.

M. Peter Devries, directeur général, Cabinet du sous-ministre, ministère des Finances Canada : Comme le ministre l'a dit, c'est surtout une question de temps. Selon les règles actuelles de la Chambre, le Budget principal des dépenses doit être déposé au Parlement au plus tard le 1er mars. Compte tenu du calendrier budgétaire, il est très difficile de faire inscrire les mesures proposées dans le Budget principal des dépenses aussi. C'est une question de logistique.

De plus, les mesures proposées dans le budget sont de deux types, il y a celles qui touchent des programmes ayant déjà cours, qui sont habituellement présentées dans les exposés budgétaires au cours de l'année qui suit, puis il y a toutes celles qui requièrent des modifications à des lois existantes. Celles qui nécessitent des modifications à des lois existantes ne sont pas inscrites au Budget principal des dépenses. Les lois devraient d'abord être modifiées par la loi budgétaire ou une autre loi pour que ces mesures soient inscrites au Budget principal des dépenses.

Le sénateur Eggleton : Ou un budget précédent.

M. Goodale : Sénateur Eggleton, à ce sujet, je serais très curieux de connaître les points de vue des sénateurs et des députés de la Chambre des communes relativement aux échéanciers traditionnels du processus budgétaire. Règle générale, le budget est présenté entre la mi-février et la mi-mars. En certaines occasions, le dépôt peut se faire un peu plus tôt ou un peu plus tard, mais c'est généralement à l'intérieur de cette fenêtre, ce qui bien sûr est à l'origine du problème d'ordonnancement soulevé par M. Devries. Lorsqu'on compile les données économiques et qu'on établit les prévisions financières qui en découlent, on semble immanquablement se retrouver soit à la fin d'un cycle soit au début d'un autre, et à toujours la recherche d'un complément d'information avant d'inscrire des chiffres définitifs sur papier.

Il y a quelques années, on s'est demandé s'il ne serait pas préférable que le cycle budgétaire prévoit un budget à l'automne, plutôt que dans les mois suivant Noël. L'analyse a toutefois démontré que cela aurait uniquement pour effet de décaler le flux d'information et qu'on se retrouverait toujours entre deux cycles, quelle que soit la période choisie.

Il serait bon que nous nous efforcions de rendre public un budget aussitôt que possible au début d'une année civile. Il faut également tenir compte du calendrier parlementaire. La Chambre des communes reprend généralement ses travaux vers la fin janvier et il faut alors terminer le processus de consultation; les options sont donc plutôt limitées.

Pour ce qui est de la présentation de l'information, est-ce que les sénateurs ont des observations à formuler concernant le déroulement du processus dans le temps? Vos recommandations pourraient être d'une grande utilité au gouvernement.

Le président : Y a-t-il suffisamment de coopération entre le Conseil du Trésor et le ministère des Finances dans tout ce processus de prévisions budgétaires? Si on procédait à une rationalisation, est-ce que cela contribuerait à améliorer le processus que vous venez de décrire?

M. Goodale : Il y a un dialogue très soutenu entre les deux organisations. J'estime que les relations sont bonnes entre les fonctionnaires de ces ministères. Comme il faut s'y attendre, il y a parfois des divergences du point de vue stratégique, mais je ne crois pas qu'il existe de problèmes majeurs empêchant le bon déroulement des interactions entre le ministère des Finances et le Conseil du Trésor.

Le sénateur Eggleton : Quant à la réduction de l'impôt des sociétés, il y a eu certaines modifications à la suite des négociations qui ont mené au projet de loi C-48. On s'inquiète au sujet de la capacité concurrentielle. Monsieur le président, vous avez cité une étude de l'Institut CD Howe qui a conclu que notre taux marginal d'imposition des sociétés était le troisième plus élevé parmi les 20 nations examinées.

Je sais que vous avez indiqué vouloir présenter un nouveau projet de loi incluant toutes les réductions prévues au départ. Peut-être pourriez-vous nous parler de l'impact du présent projet de loi sur notre capacité concurrentielle et nous dire de quelle manière et à quel moment vous comptez présenter à nouveau ces mesures.

M. Goodale : Le budget prévoyait quelque 13 milliards de dollars en réductions fiscales au fil des cinq prochaines années, une partie pour l'impôt des particuliers, et l'autre pour celui des sociétés. Nous augmentons le montant de l'exemption personnelle de base qui passe d'environ 8 000 $ à 10 000 $. Nous haussons le plafond pour les cotisations à des REER. Du côté des mesures stratégiques, nous éliminons la règle sur la propriété étrangère pour accorder une souplesse totale quant au choix des investissements pour les REER. Nous avons aussi apporté des ajustements au chapitre des déductions pour amortissement.

Les deux dispositions touchant l'impôt des sociétés qui font partie du projet de loi C-48 s'appliquent uniquement aux grandes entreprises et n'entreront en vigueur qu'en 2008. Nous proposons l'élimination de la surtaxe des sociétés qui a été instaurée à la fin des années 80 et qui pose problème au milieu des affaires depuis un bon moment déjà. Nous proposons l'élimination totale de cette surtaxe en 2008. Nous proposons aussi de réduire de 21 p. 100 à 19 p. 100 le taux d'imposition général des sociétés, un changement qui s'effectuera entre 2008 et 2010.

Il s'agit là des deux dispositions qui ont été touchées par les discussions concernant le projet de loi C-48. Toutes les autres mesures fiscales annoncées dans le budget demeurent intactes dans le projet de loi C-43.

Nous avons l'intention de présenter à nouveau ces deux mesures fiscales indépendamment à la faveur de projets de loi distincts. Un avis en ce sens a été inscrit au Feuilleton de la Chambre des communes et le processus de rédaction législative nécessaire est à peu près terminé.

Il est important de procéder à ces changements fiscaux, ainsi qu'aux autres modifications prévues dans le projet de loi C-43, pour appuyer les entreprises canadiennes et leur permettre de soutenir la concurrence, surtout par rapport aux États-Unis. Grâce au train de mesures de réduction fiscale qui ont été mises en œuvre progressivement entre 2000 et 2004, des mesures qui ont permis aux Canadiens de bénéficier d'un total de 100 milliards de dollars en réductions d'impôt, nous avons réussi à nous assurer un avantage modeste, mais stratégiquement important, par rapport aux États-Unis pour ce qui est du taux d'imposition. Selon différentes indications, cet avantage fiscal a contribué à maintenir des investissements et des emplois du côté canadien de la frontière.

Au cours des cinq prochaines années, les États-Unis devraient apporter des ajustements qui vont miner considérablement cet avantage fiscal dont jouissent actuellement les Canadiens. Si nous ne réagissons pas, nous allons mettre grandement en péril notre position concurrentielle par rapport aux États-Unis pour ce qui est des taux d'imposition. Aux États-Unis, les changements apportés se feront surtout sentir entre 2008 et 2010. Nous avons donc établi notre échéancier pour la réduction du taux d'imposition de 21 p. 100 à 19 p. 100 et l'élimination de la surtaxe directement en fonction de cette période. Il faudra encore un certain temps avant que ce problème nous frappe de front, mais il est important d'agir maintenant pour assurer le maintien de notre avantage concurrentiel.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le ministre, vous affirmiez assez catégoriquement en avril dernier qu'aucun changement ne serait apporté au budget déposé en février. Voici d'ailleurs exactement ce que vous avez dit :

On ne peut pas dépouiller un budget de ses éléments l'un après l'autre. On ne peut pas, après le fait, choisir à sa guise : « Enlevons cet élément, puis rajoutons celui-ci; déplaçons ceci, puis rebrassons le tout ». Ce n'est pas la façon de préserver la cohérence d'un cadre financier. Se livrer à un tel exercice, c'est carrément courir au déficit.

Le 26 avril, le Leader-Post publiait un article à la suite de la conclusion de la nouvelle entente budgétaire avec le NPD. Vous y avez également été cité.

Le ministre Goodale a dit que le Canada serait desservi par la décision du gouvernement libéral d'accepter une proposition du NPD — selon laquelle le gouvernement renoncerait aux réductions de 4,6 milliards de dollars des impôts des sociétés prévues dans le budget en échange de l'appui du NPD au Parlement.

Cette volte-face pourrait nuire à la position concurrentielle des entreprises canadiennes par rapport aux entreprises américaines.

Avez-vous eu l'impression d'être pris au dépourvu par cette entente budgétaire conclue avec le NDP?

M. Goodale : Permettez-moi de relater la séquence des événements parce que j'estime qu'elle est importante pour la compréhension. Le discours du budget a été présenté le 23 février et il y a eu ce jour-là une indication claire, soutenue et sans équivoque que l'opposition officielle allait appuyer ce budget ou, tout au moins, ne pas s'y opposer.

M. Harper et les autres porte-parole de l'opposition officielle ont alors dit qu'aucun élément de ce budget ne devrait entraîner la défaite du gouvernement et qu'il s'agissait d'un budget que l'opposition conservatrice était susceptible d'appuyer. Je me suis réjoui d'entendre l'opposition officielle s'exprimer en ce sens.

Cette position est demeurée inchangée jusqu'au 21 avril. À cette date, il y a eu une volte-face sans équivoque de la part du leader de l'opposition. Un budget qu'il estimait acceptable six semaines auparavant était devenu totalement inadmissible à ses yeux; il a exprimé clairement son intention de rejeter le budget et de défaire le gouvernement dès que possible, sous n'importe quel prétexte, qu'il y ait ou non un lien avec le budget.

Confrontés à une telle situation, il nous fallait alors décider si nous acceptions ce renversement politique comme un fait accompli et continuions de faire avancer un processus budgétaire déjà au bord du précipice, en faisant comme si de rien n'était et en nous dirigeant à coup sûr vers un rejet du budget et une défaite du gouvernement.

Le sénateur Tkachuk : De qui était cette idée : de vous ou du premier ministre?

M. Goodale : J'essaie de répondre à votre question, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Je m'efforce d'obtenir des réponses.

M. Goodale : Vous tentez d'obtenir une interprétation très sélective des faits et j'essaie de vous exposer l'ensemble de la situation.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie simplement de mettre au jour certains éléments que nous ne connaissons pas. Je vous ai posé une question très simple.

M. Goodale : La réponse à votre question est « non ».

Le sénateur Tkachuk : Était-ce votre idée ou bien l'idée du premier ministre?

M. Goodale : Je suis tout à fait disposé à essayer de répondre à la question, monsieur le président. Si M. Tkachuk veut jouer l'élément perturbateur, ce qu'il a l'habitude de faire, je le sais pertinemment, nous pouvons nous livrer à une belle petite querelle politique, si c'est là son intention. Sinon, je serai heureux de vous présenter les faits de façon honorable et professionnelle.

Le sénateur Tkachuk : Moi également.

M. Goodale : Ce serait bien la première fois.

Ce qui est arrivé, monsieur Tkachuk, lors de la volte-face de votre leader, c'est que le gouvernement devait choisir entre une fin tragique garantie, ce qui était bien sûr votre objectif, et la recherche d'une nouvelle configuration pour permettre le fonctionnement du Parlement et faire en sorte qu'il soit possible que le budget soit soumis au processus parlementaire de manière crédible.

Comme votre parti avait changé son fusil d'épaule, nous avons examiné les autres solutions possibles. Nous avons alors constaté que nous pouvions discuter avec le NPD en nous fondant sur quatre principes. Premièrement, il n'y aurait pas de déficit. Deuxièmement, nous allions continuer à rembourser la dette. Troisièmement, toutes les dépenses engagées devaient être limitées et s'inscrire dans le cadre financier en place tout en étant conformes aux priorités déjà annoncées par le gouvernement. Quatrièmement, même si les mesures fiscales visant les grandes sociétés étaient retirées du projet de loi C-43, elles allaient éventuellement être présentées indépendamment en fonction de leur profil législatif particulier, ce qui fait que ces mesures allaient un jour s'appliquer comme en témoigne l'avis que nous avons inscrit au Feuilleton des avis en prévision de ces mesures législatives distinctes.

Le sénateur Tkachuk : En votre qualité de ministre des Finances, est-ce vous qui avez négocié l'entente avec le NPD concernant le budget?

M. Goodale : À titre de ministre des Finances, j'ai été consulté tout au long du processus. J'ai participé au fur et à mesure à toutes les discussions concernant l'entente et tous les détails qui s'y rattachaient.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi alors avez-vous paru si étonné lorsqu'elle a été annoncée?

M. Goodale : Je ne savais pas que j'avais paru étonné. Ce qui m'a surpris, c'est la volte-face complète de votre leader.

Le sénateur Tkachuk : C'est une surprise qui aurait pu vous frapper plus tôt. Vous soutenez avoir participé au processus. À qui prodiguiez-vous vos conseils lors de ces négociations avec le NPD?

M. Goodale : Je parlais au premier ministre du Canada et au leader du gouvernement en Chambre.

Le sénateur Tkachuk : Ce sont les seuls qui participaient aux négociations pour l'entente avec le NPD?

M. Goodale : Le leader du gouvernement en Chambre menait les discussions avec son homologue du NPD.

Le sénateur Tkachuk : De qui s'agit-il?

M. Goodale : Mme Davies, si je ne m'abuse. Au cours de cette période de quatre ou cinq jours, je leur ai parlé à maintes reprises, surtout au premier ministre, mais à l'occasion directement à M. Valeri.

Le sénateur Tkachuk : Est-il normal que le leader du gouvernement en Chambre négocie ce que plusieurs considèrent comme un tout nouveau budget sans la présence du ministre des Finances? Vous n'étiez même pas là.

M. Goodale : En fait, j'y étais.

Le sénateur Tkachuk : Vous étiez présent lors des négociations?

M. Goodale : Pas lors des négociations. J'étais là à Toronto lorsque les discussions ont eu lieu.

De toute évidence, sénateur Tkachuk, les représentants des partis, il s'agissait des deux leaders en Chambre dans ce cas-ci, sont les porte-parole respectifs pour ce qui est des détails à régler, des propositions considérées d'un côté ou de l'autre et, ce qui importe le plus, des principes à suivre.

Les principes à respecter étaient l'absence de déficit, la poursuite du remboursement de la dette, des dépenses s'inscrivant dans le cadre financier et conformes aux priorités déjà établies par le gouvernement, et la poursuite du processus d'aménagement fiscaux sur une voie distincte. On a discuté avec moi des détails de chacun de ces principes.

Le sénateur Tkachuk : Je crois qu'un précédent a été établi avec le processus budgétaire particulier que nous vivons actuellement, lequel consiste en fait en un dédoublement du budget.

Deviendra-t-il chose courante que, trois semaines après le dépôt du budget, un nouveau budget soit négocié avec un autre parti selon le bon vouloir du gouvernement?

Est-ce la nouvelle façon de procéder?

Vous avez décrit tout à l'heure tout le travail que vous avez accompli pour établir le premier budget.

Comment allons-nous nous en tirer avec cette nouvelle façon de faire les choses?

M. Goodale : Comme vous le savez, les parlements minoritaires ne sont pas des parlements comme les autres. Il est bien évident que nous devons tous composer avec une dynamique différente lorsque la répartition des sièges à la Chambre des communes est aussi serrée qu'elle l'est actuellement. Une telle situation exige certains compromis et une volonté de dialoguer. Ainsi, avant comme après le discours du budget, j'ai dû parler avec les porte-parole en matière de finance et les autres intervenants de tous les partis politiques. C'est simplement la façon dont les choses se passent dans une situation minoritaire.

Il est aussi normal que certains partis politiques en viennent parfois à changer d'avis au sein d'un parlement minoritaire. Lors du premier vote sur le budget, votre parti s'est abstenu. Lors du deuxième vote, votre parti s'est prononcé contre le budget. Et lors du troisième vote, votre parti l'a appuyé. Il est évident que les circonstances peuvent évoluer avec le temps, y compris au sein de l'opposition conservatrice.

Les dispositions prévues dans le projet de loi C-48 sont conformes à ce qu'exposait en termes généraux M. Tim O'Neil dans le rapport sur les prévisions fiscales qu'il a déposé à la Chambre de communes plus tôt cette semaine.

Depuis environ 18 mois, le concept d'autorisation législative, qui s'appliquerait dans le cas d'excédents non planifiés ou inattendus, a fait l'objet de discussions des deux côtés de la Chambre des communes. Le Bloc et le NPD ont soulevé des questions relativement à ce concept.

Lorsque le projet de loi C-48 a été examiné par le Comité parlementaire de la Chambre des communes, votre porte- parole en matière de finance a fait valoir une autre variante quant aux possibilités de législation touchant les surplus imprévus de manière à faire en sorte que les parlementaires aient la possibilité de discuter des principes qui s'appliqueront à la répartition de ces excédents non planifiés s'ils se présentent dans le courant d'une année financière. Le projet de loi C-48 est très clair à ce sujet. Il faut atteindre l'équilibre budgétaire; nous devons même dégager un excédent; et la dette doit être remboursée au rythme minimum de 2 milliards de dollars par année.

Le sénateur Tkachuk : Si une aide financière est accordée à l'Alberta à la suite des inondations qui ont touché la province, est-ce que ce sera dans le cadre du projet de loi C-48 et du second budget?

M. Goodale : L'octroi d'une telle aide financière, que ce soit à l'Alberta ou à toute autre province pouvant en avoir besoin, s'effectuerait en application de la Loi sur les accords d'aide financière en cas de catastrophe, un mécanisme offrant une certaine marge de manœuvre à l'intérieur du cadre financier. Je ne m'attendrais pas à ce qu'il y ait des impacts réciproques, mais cette flexibilité existe à l'intérieur du cadre financier en place pour permettre de réagir lorsque de telles circonstances hors de l'ordinaire se produisent.

Le sénateur Tkachuk : Merci, monsieur le ministre.

Le président : Le coussin de 3 milliards de dollars que vous aviez initialement prévu dans votre budget est-il toujours là, même avec le projet de loi C-48?

M. Goodale : Compte tenu du projet de loi C-48, cette marge de manœuvre pourrait être réduite à 2 milliards de dollars, mais tout dépendra de la vigueur de l'économie et du fait qu'on aura atteint ou non le chiffre de quatre. En toute honnêteté, étant donné les plus récents indicateurs économiques, je demeure plutôt optimiste quant aux résultats en fin d'exercice, mais il est trop tôt pour se prononcer, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous réservons de telles marges de manœuvre.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Goodale et monsieur McKay, c'est un plaisir de vous accueillir. Avant de poser des questions, j'aimerais renchérir sur ce qu'a dit le ministre au sujet de l'atout que confère au Canada son taux d'imposition par rapport aux États-Unis. L'effet est encore plus marqué si l'on tient compte du fait qu'une fois nos impôts versés, les soins de santé sont payés alors que les Américains, eux, doivent le faire après avoir acquitté leurs impôts.

Mes questions ont trait aux répercussions régionales de ces budgets. Je viens d'une province qui s'intéresse vivement à ces questions.

Ma première question porte sur l'énorme changement apporté au financement. J'étais là lorsqu'a été annoncé le nouveau pacte concernant le financement des villes et des collectivités en présence de la vice-première ministre Anne McLellan, à Edmonton. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les représentants municipaux qui s'y trouvaient en avaient presque le vertige. L'un d'entre eux a en fait parlé d'un changement « révolutionnaire ». La restructuration du financement se traduit par le déblocage de quelque 5 milliards de dollars d'argent neuf pour les villes et les collectivités aux termes du projet de loi C-43. De plus, quelque 800 millions de dollars seront débloqués, par l'intermédiaire du projet de loi C-48, pour le transport public.

Je ne m'attends pas à ce que vous ayez ces données au bout des doigts et je suis disposé à patienter quelques jours pour les avoir.

Serait-il possible que vos fonctionnaires nous fournissent une ventilation, par province, des fonds destinés à chacun des deux programmes, puis un grand total pour les deux?

Dans le cas de l'Alberta, pourriez-vous, je vous prie, préciser, dans les fonds consacrés au transport public, combien ira à chaque municipalité qui y a droit?

M. Goodale : Sénateur Mitchell, j'ai une partie de cette information avec moi ce soir. Le financement du nouveau pacte pour les collectivités et le partage avec les municipalités des recettes de la taxe sur l'essence font partie du projet de loi C-43. Les 800 millions de dollars de plus consacrés au transport public relèvent du projet de loi C-48. J'ai l'information au sujet du projet de loi C-43 ce soir, mais je n'ai pas apporté de ventilation détaillée au sujet du projet de loi C-48.

En ce qui concerne le projet de loi C-43 et l'affectation aux provinces et aux territoires des recettes de la taxe sur l'essence, voici les renseignements dont je dispose pour l'Alberta : en 2005-2006, il y aurait un transfert — une augmentation nette pour l'Alberta — de 57,2 millions de dollars. Le transfert demeure le même, c'est-à-dire de 57,2 millions de dollars, l'exercice suivant, soit en 2006-2007. Il passe à 76,3 millions de dollars en 2007-2008, puis à 95,4 millions de dollars en 2008-2009. Enfin, en 2009-2010, il culmine à 190,8 millions de dollars. Les nouveaux fonds totaux destinés aux municipalités albertaines durant cette période sont donc de 467,9 millions de dollars.

Le calcul se fait selon une formule précise qui inclut la part du montant total qui est transférée tout au long de cette période de cinq ans, puis la part qui revient à chaque province.

La formule utilisée pour la distribution des fonds destinés au transport public est différente parce qu'elle est fonction de divers critères particuliers à chaque province que M. Godfrey a négociés très soigneusement avec chacune d'entre elles, puis par leur intermédiaire, avec chacune des municipalités.

Je suis désolé de ne pas avoir avec moi les détails du financement prévu dans le projet de loi C-48 ce soir. Si cela peut être utile au comité, j'enverrai volontiers, demain ou le surlendemain, une ventilation détaillée du calcul des fonds issus du nouveau pacte prévu dans le projet de loi C-43. Je fournirai un calcul des fonds consacrés au transport dans le projet de loi C-48 et expliquerai les formules différentes de calcul pour les deux.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie. Je serais très curieux de voir cette analyse.

Ma deuxième question porte sur les 100 milliards de dollars de réductions d'impôt consenties jusqu'ici et sur les baisses d'impôt projetées. J'aimerais savoir comment se ventilent ces baisses d'impôt par province, celles qui ont déjà été consenties et celles qui sont prévues.

M. Goodale : Une ventilation par province.

Le sénateur Mitchell : Combien les Albertains ont-ils épargné par suite de ces baisses d'impôt? Combien leur feront économiser les baisses futures?

M. Goodale : Je vais demander à M. Devries de commenter la communication de cette information. Je crois que nous pouvons la fournir, mais il faudrait modifier la forme des données quelque peu.

Le sénateur Mitchell : Je n'y vois pas d'inconvénient.

M. Devries : On y inclurait certaines hypothèses raisonnables.

Le sénateur Mitchell : Va pour les hypothèses raisonnables. Nous saurons ce qu'elles sont, ce qui me convient tout à fait.

M. Devries : Nous inclurons donc les hypothèses.

M. Goodale : Vous voulez les données à partir de l'an 2000?

Le sénateur Mitchell : Oui, s'il vous plaît.

M. Goodale : À partir du moment où nous avons commencé à mettre en œuvre le plan?

Le sénateur Mitchell : C'est bien cela. Les Albertains s'intéressent vivement à l'impôt, comme vous le savez.

M. Goodale : Ou à l'absence d'impôt.

Le sénateur Mitchell : Je crois que c'est en raison de l'intérêt que nous lui marquons. J'aimerais pouvoir transmettre cette information aux Albertains, avec votre permission.

Le sénateur Stratton : Les gouvernements minoritaires ne cessent de m'étonner. Ils réussissent à dépenser l'argent comme de l'eau. En voilà un nouvel exemple. Pour éviter la défaite, votre gouvernement était disposé à dépenser 4,6 milliards de dollars des deniers publics.

Je serais curieux, parce qu'il en a été question dans les médias, de connaître le montant exact d'argent saupoudré par le premier ministre depuis l'annonce du budget jusqu'au premier vote de censure. J'ai entendu citer des montants faramineux. Je sais que vous ne pouvez pas me les fournir tout de suite, monsieur, mais je vous saurais gré de me les communiquer, parce que je veux faire une comparaison avec ce qui a été publié dans les médias.

Le président : Êtes-vous d'accord pour le faire, monsieur le ministre?

M. Goodale : Je le ferai volontiers.

Le président : Nous ne nous attendons pas à avoir une réponse tout de suite, naturellement.

M. Goodale : Étant donné qu'il y avait tant d'exagérations et de faussetés véhiculées dans les médias, j'ai fait diffuser un communiqué, il y a quelques semaines, en vue de rétablir les faits. Je fournirai volontiers cette information au comité pour qu'il puisse constater par lui-même ce qu'il en est.

Le président : J'ai entendu parler de 27 milliards de dollars.

M. Goodale : La réalité revient à peu près au tiers de cette somme.

Le sénateur Tkachuk : Il ne faudrait pas se tromper sur les faits, n'est-ce pas, monsieur le ministre?

M. Goodale : Non, jamais.

Le sénateur Stratton : Quand les députés de l'opposition ont-ils voté contre le projet de loi C-43, avez-vous dit?

M. Goodale : Durant le débat officiel sur le budget, dans les six jours qui ont suivi le discours sur le budget, l'opposition officielle s'est abstenue. Le projet de loi C-43 a ensuite été débattu à l'étape de la deuxième lecture, et c'est alors que l'opposition officielle et le Bloc ont voté contre. Ensuite, dans le débat qui a eu lieu à la Chambre après l'étude en comité, l'opposition officielle a voté en faveur du projet de loi.

Le sénateur Stratton : Voilà qui serait intéressant à vérifier. Je vous remercie.

Deux questions me préoccupent. Nous avons parlé de garderies, comme vous le savez, et je suis sûr que vous avez été bien breffé à cet égard.

Dans le programme de garderies annoncé, qu'y a-t-il pour le Canada rural, particulièrement pour les parents qui travaillent à temps partiel et à l'extérieur de la maison?

En quoi profitent-ils de ces fonds additionnels?

Il faut supposer que bien souvent, dans les villes, il est plutôt facile d'avoir accès à des services de garderie, mais que dans certaines régions rurales, cet accès est particulièrement difficile. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, je vous prie?

M. Goodale : Les négociations menées par le ministre Dryden avec les provinces s'appuient sur quatre principes.

Il souhaite subventionner un programme national de garderies et d'aide précoce à l'apprentissage qui se caractérise par l'excellence de sa qualité, ce qui signifie qu'il faut qu'il satisfasse à toutes les normes provinciales pertinentes. Il doit donc être universel en termes d'accessibilité, ce qui, manifestement, va de notre point de vue au-delà des centres urbains et inclut les collectivités rurales. Il faut aussi que son prix soit abordable. Fait plus important, il faut que sa structure inclut de l'apprentissage. Ce n'est pas un simple service de gardiennage. Il faut aussi offrir une composante d'apprentissage.

Chaque province en est à un stade différent de développement de ce genre de services. Dans certaines, comme le Québec, le réseau est bien implanté. Dans d'autres, il en est à ses tout débuts.

L'objectif de M. Dryden est d'offrir aux provinces des ressources supplémentaires pour qu'elles puissent accroître sensiblement ce qu'elles projetaient de faire au départ et de le faire en fonction des quatre grands principes, soit la qualité, l'universalité, l'abordabilité et l'apprentissage.

Les enjeux dans le Canada rural nous posent un défi particulièrement difficile à relever. Dans les discussions qu'a eues le ministre Dryden avec la Saskatchewan, par exemple, c'est-à-dire avec ma province et au sujet d'un enjeu rural d'une importance particulière, tout comme dans votre province, c'était un des éléments clés. Il est juste de dire qu'il reste beaucoup de travail à faire, mais le déblocage de ces fonds additionnels vise à faire en sorte, dans la mesure où l'argent permet d'y arriver, que le réseau de garderies implanté partout au Canada n'est pas simplement un phénomène urbain, qu'il a en réalité un impact très utile dans le Canada rural également. De toute évidence, c'est aux provinces qu'il appartiendra de livrer la marchandise, mais les ressources fédérales leur faciliteront la tâche.

Le sénateur Stratton : Je ne vois pas en quoi cela répond à ma question, de quelle façon cela aide quelqu'un de la Saskatchewan rurale ou du Manitoba rural, par exemple. Ainsi, le parent qui vit vraiment à la campagne et qui gagne son pain soit à l'extérieur de la maison ou en travaillant à temps partiel quelque part doit se déplacer pour se rendre au travail. Comment cet enfant est-il pris en charge? Vous dites qu'il ne s'agit pas d'un service de gardiennage, mais c'est justement de ce genre de service dont ont besoin ces parents et ce pourquoi ils paient.

M. Goodale : Trop souvent, sénateur Stratton, comme nous le savons tous deux puisque nous venons de localités rurales, parfois mais trop souvent, en l'absence d'un service de garderie fiable, les enfants passent la journée dans la cabine du tracteur ou de la moissonneuse-batteuse, ce qui n'est pas très rassurant.

D'un point de vue budgétaire, en injectant 5 milliards de dollars dans ce programme, on permettra plus facilement de créer plus de places en garderie un peu partout au pays. On peut certes affirmer qu'en y injectant plus d'argent, il y a plus de chances que ce service soit offert.

Quant à la façon dont le programme est structuré comme tel, c'est à la province d'y voir en fonction de ce qu'elle a négocié avec M. Dryden. Je vous encourage à écouter ce qu'a à dire le ministre Dryden au sujet de la nature de ses négociations avec les provinces et la façon dont il s'efforce d'obtenir la répartition la plus générale qui soit.

Le sénateur Stratton : Je demeure très préoccupé. Je sais que la situation est difficile et qu'il n'existe pas de solution facile, mais il me semble que cette population est tenue complètement à l'écart de ce dont il est question.

J'ai une dernière question, si vous me le permettez. Quand on parle du supplément de revenu garanti, du SRG, à partir de quel seuil commence-t-on à le récupérer?

Vous nous avez dit que vous augmentiez de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans les prestations destinées aux personnes âgées à faible revenu. À partir de quel revenu commencez-vous à récupérer le SRG?

Est-ce quand le revenu atteint, par exemple, 12 000 $ que cesse d'être versé le supplément? Je tiens à le savoir parce qu'un revenu de 12 000 $ par année, ce n'est pas beaucoup. Si vous déclarez un revenu de 14 000 $ par année, vous n'avez pas droit au SRG.

Si vous ne connaissez pas la réponse à ma question, je vous saurais gré de me l'obtenir.

M. Goodale : Je vous obtiendrai volontiers les précisions du ministère du Développement social.

Le sénateur Stratton : Nous semblons rater le coche, en ce sens que nous n'aidons pas les pauvres. Effectivement, un montant de 2,7 milliards de dollars paraît bien et c'est bien beau, mais je parle en réalité de ceux qui ne peuvent pas travailler, gagner de l'argent et dépasser une certaine limite par crainte de perdre leur supplément.

M. Goodale : Il y a deux enjeux distincts ici, sénateur Stratton. L'un est la bonification du SRG. Le Supplément de revenu garanti s'applique manifestement aux personnes âgées qui ont le plus faible revenu et qui n'ont à peu près pas d'autres sources de revenu que la Sécurité de la vieillesse. Quant à la façon dont les calculs se font, quand nous injectons 2,7 milliards de dollars de plus et faisons ainsi augmenter les suppléments mensuels des personnes seules et des couples, je ferai avec plaisir certains calculs précis pour vous montrer exactement où se situent les différents seuils.

Le sénateur Stratton : Je vous demanderais de bien vouloir inclure le seuil à partir duquel commence la récupération.

M. Goodale : Oui, ce point en particulier.

Le sénateur Tkachuk : J'invoque le Règlement! Monsieur le président, étant donné la valeur qu'accorde le ministre à mon souci de la précision, je me sens presque honteux de le faire.

Monsieur le ministre, je me vois obligé de préciser que le vote à la deuxième lecture a eu lieu le 19 mai et que les voix étaient partagées à raison de 250 pour et 54 contre. Seul le Bloc a voté contre le projet de loi C-43, si l'on se fie aux Journaux de la Chambre.

M. Goodale : Sénateur Tkachuk, le vote suivant qui a eu lieu quelques minutes plus tard était ce vote terrifiant quand le Président a dû départager les voix. La présidence a dû voter. Si la motion avait été adoptée, le projet de loi C- 48 comme le projet de loi C-43 auraient été rejetés, et nous aurions été dès lors en campagne électorale.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de la deuxième lecture du projet de loi C-43. Je tenais à rétablir les faits. Je suis content que vous ayez pu expliquer avec exactitude ce que vous vouliez dire par votre premier commentaire.

M. Goodale : L'écart entre les deux n'a été que de cinq minutes. Le fait est que les deux projets de loi auraient pu être rejetés.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth : J'aimerais vous faire une recommandation. Je travaille beaucoup dans le milieu communautaire et social. J'ai un Centre à Montréal que j'ai fondé il y a 30 ans, qui compte plus de 14 000 personnes âgées, beaucoup d'entre elles vivent seules. Plusieurs femmes vraiment âgées issues des communautés culturelles reçoivent que la pension et le supplément de revenus garantis. Ce n'est pas suffisant.

Ce sont des personnes seules. Je vous fais une recommandation, monsieur le ministre. Votre budget est diversifié et couvre beaucoup de choses très importantes pour le gouvernement. Cependant, on ne peut pas mettre de côté les personnes âgées. Vous leur avez annoncé une bonne nouvelle; il y aura une augmentation du supplément de revenus garantis à partir de 2007. Selon le calcul que j'ai fait, cette augmentation sera de 37 dollars par mois.

Maintenant, lorsque viendra le temps de revoir ce programme, est-ce que vous pouvez considérer qu'une personne seule a besoin de 1 010 dollars par mois? Avec cette augmentation, vous voulez combattre la pauvreté, mais vous ne le faites pas, vous allez plutôt l'augmenter. Aujourd'hui, une personne dépense, en moyenne par mois, 450 dollars de loyer — j'ai mis le minimum — 150 dollars pour les commodités, 100 dollars pour la nourriture, 70 dollars pour ses déplacements et 180 dollars pour d'autres petites choses comme les vêtements, les souliers, et cetera. Tout cela pour un total de 1 050 dollars. Avec la pension, ils reçoivent 1 010 dollars. Il y a une petite différence qui doit être considérée.

Il ne faut pas faire cela aux personnes âgées. Elles ont le droit de vivre confortablement comme nous. Elles ont le droit de s'acheter une bouteille de bière ou un morceau de gâteau. Ces gens sont vraiment dans la misère. Il y a plusieurs organismes communautaires à but non lucratif qui s'impliquent énormément auprès d'eux. Chaque mardi, je reçois des gens à manger chez nous et je vais chercher la charité comme Saint-François d'Assise. Je vous demande de considérer cela. Il s'agit de près d'un million de personnes au Canada qui vivent dans la misère. Il faut que le gouvernement fasse quelque chose.

Le gouvernement canadien occupe le troisième rang dans le monde pour ce qui est de son implication communautaire. Sur le plan social, il ne tient pas trop en considération ces milliers de personnes défavorisées.

Vous dites également que vous allez créer un secrétariat des aînés. Est-ce que c'est un fac-similé du Conseil des aînés qui existe au Québec? Quel sera le rôle de ce secrétariat des aînés?

[Traduction]

M. Goodale : Sénateur, je précise que votre cheminement et votre engagement passionné à l'égard des plus démunis de notre société sont très bien connus et admirés. Vous pouvez être très fière du travail que vous avez fait et des intérêts que vous continuez de défendre.

Dans les budgets futurs, il faudrait nettement garder à l'esprit les besoins de ceux qui ne participent pas pleinement à la distribution de la richesse au pays.

Dans ce budget-ci, nous avons pris plusieurs mesures. Nous investissons 2,7 milliards de dollars de plus en vue de bonifier le Supplément de revenu garanti et, partant, d'aider le groupe de personnes dont vous parlez. Cette disposition jouit de beaucoup d'appuis un peu partout au pays. Ainsi, les Canadiens estiment que c'est la bonne chose à faire.

Par ailleurs, les changements apportés à la fiscalité seront également utiles. En portant de 8 000 $ environ à 10 000 $ à peu près l'exemption personnelle minimale, 860 000 contribuables aux revenus les plus faibles ne paieront plus du tout d'impôt. Quelque 250 000 d'entre eux seront des personnes âgées à faible revenu.

Diverses autres mesures prévues dans le budget les aideront, mais je n'irai pas jusqu'à dire que nous avons comblé tous les besoins. Les besoins existent, comme vous l'avez souligné. Ceux de certains membres de notre société augmentent, et nous devons demeurer constamment sensibles à ce fait.

Pour ce qui est du Secrétariat des aînés, il s'agit d'un nouvel organe qui sera créé au sein du ministère du Développement social. C'est lui qui, au gouvernement, servira de point central pour ces organismes dont vous avez parlé en vue de faciliter les rapports avec le gouvernement. C'est une des préoccupations que divers organismes de personnes âgées d'un peu partout au pays ont fait valoir, que lorsqu'ils ont des points à soulever, particulièrement des points qui intéressent les personnes âgées, ils peuvent habituellement s'adresser au ministère des Ressources humaines ou au ministère du Développement social, ou encore, s'il s'agit d'une question fiscale, au ministère des Finances, mais qu'ils aimeraient qu'il y ait au sein du gouvernement un organisme qui tire toutes ces ficelles et injecte plus de cohérence dans l'élaboration de la politique concernant les personnes âgées. C'est là l'objet du secrétariat. Le ministre expressément chargé du secrétariat est M. Ianno.

Le sénateur Downe : Vous n'êtes pas directement responsable, mais en tant que ministre des Finances, vous devriez savoir — et peut-être le savez-vous déjà — que le supplément de revenu garanti pose un gros problème, parmi tant d'autres : en 2002, Statistique Canada a signalé que plus de 134 000 aînés qui présentent une déclaration de revenu et qui sont admissibles au SRG à l'échelle du Canada ne le recevaient pas, car le gouvernement n'était pas en mesure de les identifier.

Comme vous le savez, si vous n'avez pas à payer d'impôts, vous n'avez pas à présenter de déclaration de revenu. Depuis, les divers ministères responsables ont pris des initiatives pour réduire ce nombre, mais des milliers d'aînés ne reçoivent toujours pas le SRG.

Ma question ce soir vise les options dont dispose le gouvernement fédéral, le cas échéant, lorsqu'il annonce l'augmentation fort généreuse du SRG, 2,7 milliards de dollars.

Y a-t-il un moyen d'empêcher ce qui s'est passé à l'Île-du-Prince-Édouard où le gouvernement provincial progressiste-conservateur a retiré une partie de cet argent aux aînés qui vivaient dans des logements provinciaux pour aînés pour simplement le remettre non pas aux aînés, mais au gouvernement provincial?

Existe-t-il un mécanisme permettant d'empêcher que cela ne se produise?

M. Goodale : Sénateur Downe, autant que je sache, il n'existe pas d'outil juridique ou de moyen absolu dont disposerait le gouvernement du Canada pour remédier à cette situation. Ce problème relève de la compétence provinciale. Autant que je sache, le fédéral ne peut rien faire à ce sujet.

Nous pouvons attirer l'attention de nos homologues provinciaux sur cette question et les encourager fortement à faire en sorte que la prestation prévue pour les aînés reste entre les mains de ceux-ci.

Grâce à mon expérience passée, je sais qu'à l'occasion, forcer la main fonctionne bien et à d'autres moments, non; il est toutefois parfaitement légitime pour nous de souligner l'objet de nos programmes et d'encourager nos homologues provinciaux à être aussi coopératifs que possible.

Nous avons un problème du même ordre à propos de certains aspects de la prestation fiscale pour enfants. Dans certaines provinces, tous les fonds épargnés du fait qu'il s'agit d'une prestation fiscale fédérale pour enfants, sont recyclés par la province qui finalement verse d'autres prestations à ces mêmes enfants.

Si je me souviens bien des statistiques les plus récentes, la province de l'Alberta est celle qui recycle le mieux ces fonds dans les services offerts aux enfants. Les enfants s'en sortent mieux, en termes nets. Ils reçoivent la prestation fédérale entière et ne subissent aucune réduction des prestations provinciales.

Dans d'autres provinces, la situation n'est pas la même. Le point que vous soulevez doit être constamment examiné dans le cadre des discussions fédérales-provinciales, tout en respectant la compétence de chaque ordre de gouvernement.

Le président : Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir répondre à la première partie des questions du sénateur Downe au sujet des aînés qui, en fait, ont été privés de leurs droits.

Le sénateur Downe : Ce n'est pas vraiment la responsabilité du ministre, mais je voulais qu'il sache, en tant que ministre des Finances, que l'exécution du programme fait défaut.

M. Goodale : Vous dites que les aînés ne connaissaient pas leurs droits. Ce problème relève de la compétence d'un autre ministre et je me ferais un plaisir de lui en faire part.

Lorsque les Canadiens ont droit à des prestations, nous devons tous travailler très fort pour qu'ils connaissent leurs droits et puissent en jouir. C'est un principe général qui devrait s'appliquer à nous tous.

Le président : Les médias ont rapporté plusieurs histoires au sujet de citoyens qui finalement se rendent compte de leurs droits et font les demandes voulues, tandis que le gouvernement leur dit que c'est trop tard, que le délai de prescription est échu.

M. Goodale : Effectivement, des règles de prescription s'appliquent, mais nous devons être aussi équitables que possible. Je vais me pencher sur cette question pour voir combien d'aînés sont désavantagés, par inadvertance, car de toute évidence ce n'est pas l'intention du gouvernement.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'impôt des sociétés et de la compétitivité avec les États-Unis. Je vous ai entendu parler de la productivité ces derniers jours. Beaucoup de gens semblent oublier que les taux de cotisation AE ont baissé de 10 milliards de dollars par année. Nous avons également tendance à oublier qu'en ce qui concerne la participation du gouvernement à des initiatives commerciales, à la compétitivité et à la productivité, il n'y a pas que l'impôt des sociétés qui entre en jeu. Il faut parler de toute l'infrastructure nationale mise en place pour faciliter les échanges, ainsi que les investissements massifs que nous avons faits dans la recherche et l'innovation. Cela fait partie du renforcement de la compétitivité, qui apparaît dans le bilan du gouvernement du Canada pour ce qui est de sa façon de traiter et de stimuler l'économie.

J'ai été fascinée par le documentaire de la CBC dont a parlé le sénateur Mitchell un peu plus tôt. Il s'agit d'une comparaison entre General Motors aux États-Unis et General Motors au Canada. Apparemment, c'est la Blue Cross qui représente le coût de production le plus élevé aux États-Unis, tandis qu'au Canada, ce sont les matériaux.

Cette réalité en dit long au sujet de notre compétitivité. Comme je l'ai dit au Sénat cette semaine à propos du projet de loi C-43, il est très difficile pour moi, en tant que Néo-Brunswickoise, de ne pas exprimer mon mécontentement vis- à-vis mon premier ministre qui n'a pas signé une entente sur les garderies avec le gouvernement fédéral. Une telle entente égaliserait les chances des enfants et des parents du Nouveau-Brunswick par rapport au reste du pays. Depuis 20 ans je vois au Nouveau-Brunswick des premiers ministres provinciaux conservateurs qui promettent au moment de chaque élection d'offrir un programme de jardin d'enfants et qui ne le font jamais.

Je suis très inquiète, car l'investissement dans les garderies qu'on ne retrouve pas dans l'entente fédérale-provinciale augmenterait de 132 p. 100 l'investissement dans les enfants du Nouveau-Brunswick.

Vous serait-il possible de persuader le premier ministre du Nouveau-Brunswick d'accepter ce que tous les autres premiers ministres ont accepté?

M. Goodale : Sénateur, le gouvernement du Canada est bien entendu heureux de voir que ces quelques derniers mois, le ministre Dryden a été en mesure de conclure des ententes avec plus de la moitié des provinces et territoires. Il reste encore quelques négociations à mener, et le ministre Dryden s'y emploie très assidûment chaque jour.

Nous souhaitons que ces ententes soient conclues avec toutes les provinces à l'échelle du pays pour que les services prévus dans le cadre des programmes nationaux puissent être offerts équitablement à tous les Canadiens.

Le sénateur Tkachuk : Peut-être pourriez-vous nous signaler les provinces et territoires qui ont conclu une entente, et les autres.

M. Goodale : Il faudrait que je me renseigne auprès du cabinet de M. Dryden pour obtenir la liste complète. Je sais que la première entente a été signée avec le Manitoba, et la deuxième avec la Saskatchewan, le même jour. Des ententes sont maintenant conclues avec l'Ontario, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador.

Je me ferais un plaisir de demander au cabinet de M. Dryden de transmettre cette information au comité. Le nombre d'ententes conclues continue d'augmenter. L'entente avec le Yukon a peut-être été conclue, je n'en suis pas sûr. Je vais en obtenir le total exact pour le comité. Les négociations se sont bien déroulées avec les provinces.

Le président : Si vous permettez, je viens de recevoir une note indiquant que le ministre est déjà en retard de 25 minutes pour son prochain rendez-vous.

Il me reste sur ma liste le sénateur Downe, qui a une question rapide, et le sénateur Tardif qui et un nouveau membre de ce comité et qui n'a jamais eu la chance de poser une question au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je suis personnellement prêt à renoncer à poser des questions, même si elles visaient le fond du projet de loi C-43. Je vais demander aux sénateurs Eggleton et Mitchell, qui font partie du deuxième tour de table, de bien vouloir renoncer à leurs questions, dans la mesure où le ministre accepte de rester et d'entendre ces questions.

M. Goodale : Certainement, monsieur le président, et je vous remercie de votre accommodement.

Le sénateur Ringuette : Je vais maintenant céder la parole au sénateur Tardif.

M. Goodale : Je vais vous fournir une ventilation des ententes sur les garderies conclues jusqu'à présent, ainsi que des renseignements sur le point soulevé par le sénateur Stratton, à savoir comment les ententes conclues s'efforcent de tenir compte des enfants en milieu rural.

Le président : Sénateur Tardif, bienvenue au comité.

Le sénateur Tardif : Merci, monsieur le président. Monsieur le ministre, vous avez mis le doigt sur l'un des principes que vous soulignez dans le cadre des programmes et services relatifs à l'apprentissage précoce et à la garderie d'enfants, qui vont être financés grâce au projet de loi C-43, soit le principe d'accessibilité. Nous avons parlé un peu plus tôt de la question des enfants en milieu rural. Je me demandais, monsieur le ministre, si l'accessibilité englobe l'accès des minorités de langues officielles aux programmes et services offerts dans la langue minoritaire dans toutes les régions du Canada et si cet accès a été un critère négocié dans le cadre des ententes conclues jusqu'à présent avec les diverses provinces.

M. Goodale : Sénateur, je sais que le ministre Dryden est très sensible à cette question. Avec le ministre Bélanger, qui a été responsable des langues officielles, il s'est penché de près sur cette question pour essayer de faire en sorte que l'on respecte comme il le faut cette initiative relative à la politique des langues officielles de notre pays. Si je comprends bien, il en a été tenu compte comme il le fallait. Je vous inviterais de nouveau à poser cette question au ministre Dryden ou au ministre Bélanger, qui pourront vous fournir tous les détails. Bien sûr, pour la conception du programme sur laquelle le eministre Dryden a travaillé avec ses homologues provinciaux, il a été tenu compte de ce facteur, qui évidemment est très important, vu la nature de notre pays.

Le sénateur Tardif : Allez-vous me donner des détails à ce sujet?

M. Goodale : Je vais demander au ministre Dryden de fournir au comité une explication sur la façon dont la nouvelle politique tient compte des questions relatives aux langues officielles.

Le président : Sénateur Downe, vous pouvez poser la dernière question.

Le sénateur Downe : J'espère que le ministre peut m'envoyer ces réponses, car je suis sûr qu'il ne va pas pouvoir me les donner spontanément.

M. Goodale : Vous êtes très pessimiste.

Le sénateur Downe : Combien de recettes avez-vous recueillies grâce au droit sur la sécurité des passagers du transport aérien? Quel pourcentage des recettes a été affecté à la sécurité et où le reste a-t-il été affecté, le cas échéant?

Le président : Voulez-vous une ventilation pour chaque année?

Le sénateur Downe : Non, juste pour la dernière année.

Le président : Les choses ont changé.

Le sénateur Downe : Je le sais bien.

M. Goodale : Vous aurez remarqué, sénateur, que dans le budget, nous avons pu annoncer que le droit allait diminuer encore une fois, ce qui est une bonne chose. Je me ferai un plaisir de vous fournir les calculs pour 2004-2005.

Le sénateur Downe : J'aimerais les obtenir pour le dernier exercice. J'ai demandé les pourcentages, pas les chiffres, car le taux a changé.

M. Goodale : Nous allons vous fournir à la fois les dollars absolus et les pourcentages.

Le président : Il y a encore des questions, mais le ministre doit partir. Au nom du comité, je remercie le ministre d'être venu et de nous avoir apporté ces réponses. Je sais qu'il va envoyer à la greffière du comité des réponses aux questions auxquelles il n'a pas pu répondre aujourd'hui.

M. Goodale : Merci beaucoup. M. Devries et les autres fonctionnaires ont soigneusement pris note des demandes d'information supplémentaire et nous allons envoyer les réponses au comité le plus rapidement possible. Comme d'habitude, merci pour votre courtoisie.

Le sénateur Stratton : Si vous permettez, puisque nous avons rencontré le ministre, je propose que nous passions directement à l'étude article par article. Je dépose cette motion.

Le président : Nous avons un autre témoin.

Le sénateur Stratton : J'ai déposé cette motion.

Le sénateur Downe : Pouvons-nous reporter le vote après avoir entendu le dernier témoin?

Le sénateur Stratton : J'aimerais que l'on débatte de la motion tout de suite.

Le sénateur Downe : Je propose que l'on examine la motion après avoir entendu le dernier témoin.

Le sénateur Stratton : Je crois qu'il faut voter sur ma motion. Merci.

Le président : Il est proposé que le comité passe à l'étude article par article. Nous devons procéder au vote, honorables sénateurs. Veuillez lever la main pour que la greffière puisse faire le compte. Tous en faveur? Tous contre? La motion est rejetée par six voix contre trois.

Nous allons entendre le témoin suivant, s'il vous plaît.

Le sénateur Stratton : Aux fins du compte rendu, lorsque vous avez compté les voix, c'était six contre trois, n'est-ce pas?

Le président : Oui.

Le sénateur Stratton : Je voudrais savoir qui a voté. J'aimerais un vote par appel nominal.

Le président : Très bien, je vais demander à la greffière de bien vouloir prendre les noms en note.

Mme Catherine Piccinin, greffière du comité : L'honorable sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Downe.

Le sénateur Downe : Contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Ferretti Barth.

Le sénateur Ferreti Barth : Je n'étais pas dans la salle, car je suis sortie parler au ministre.

Le président : Lorsque vous êtes sortie, le sénateur Stratton a déposé une motion proposant de passer maintenant à l'étude article par article de ce projet de loi, puisque nous avons entendu le ministre.

Le sénateur Ferreti Barth : Non.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Kinsella.

Le sénateur Kinsella : Je suis pour cette motion. J'aimerais que l'on indique au compte rendu que je siège en tant que membre du comité, puisque je remplace le sénateur Cools, et non en ma capacité de membre d'office.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Je suis contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Ringuette.

Le sénateur Ringuette : Je suis contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : Je suis pour, et je suis ici en tant que membre du comité et non en tant que membre d'office.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Tardif.

Le sénateur Tardif : Contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Je suis très en faveur de cette motion.

Le sénateur Stratton : J'invoque le Règlement, monsieur le président: Si je comprends bien, le sénateur Murray est membre de ce comité. Qui est membre substitut du sénateur Murray du côté libéral?

Le président : Il n'y a pas de membre substitut pour le sénateur Murray.

Le sénateur Stratton : Vraiment? Merci.

Le président : Je demanderais à la greffière d'annoncer officiellement les résultats.

Le sénateur Downe : J'invoque le Règlement; le sénateur Murray est membre du Parti progressiste-conservateur. Je ne vois pas pourquoi le Parti libéral nommerait son remplaçant.

Le président : Je crois qu'il a été nommé à ce comité par le Parti libéral.

Le sénateur Downe : Oui, mais il n'est pas membre du Parti libéral. Il est membre du Parti conservateur au Sénat du Canada.

Le président : Je demanderais à la greffière de lire les résultats du vote.

Mme Piccinin : Trois pour; sept contre.

Le président : Je déclare la motion rejetée.

Honorables sénateurs, j'aimerais accueillir notre témoin suivant, Kate Tennier, de Advocates for Childcare Choice, qui va nous parler du projet de loi budgétaire, soit le projet de loi C-43.

Madame Tennier, nous avons reçu la version écrite de l'importante allocution que vous avez ici. Voudriez-vous souligner certains des points saillants avant que je ne cède la parole aux sénateurs qui vous poseront quelques questions.

Mme Kate Tennier, fondatrice, Advocates for Childcare Choice : Je vais essayer de paraphraser cette allocution, mais je suis surtout venue ici pour écouter. Je vais essayer d'être aussi brève que possible, mais la question est très importante. Elle a été banalisée, car il s'agit de garderies d'enfants, mais j'essaie, entre autres, de dire qu'elle dépasse le simple concept des garderies d'enfants. La vague qui est sur le point de déferler sur le Canada aura des ramifications beaucoup plus importantes que celles auxquelles on peut s'attendre.

Advocates for Childcare Choice est une organisation ontarienne qui a été fondée pour faire contrepoids aux propositions du programme national de garderies d'enfants. Nous faisons la liaison avec le nombre croissant de ceux qui s'expriment au Canada, y compris au Québec, et qui se montrent gravement préoccupés par les principes fondamentaux sur lesquels repose ce programme.

À notre avis, tel que proposé, le programme national de garderies présente de graves lacunes et doit être revu avant que les 700 millions de dollars détenus en fiducie ne soient remis aux provinces cette année. Il est mal conçu et ce, pour quatre grandes raisons que je vais aborder sous peu.

J'ai eu la chance de rencontrer la semaine dernière le ministre du Développement social, Ken Dryden, à son bureau de circonscription à Toronto. Il est agréable de voir que M. Dryden recherche vraiment ce qu'il y a de mieux pour les enfants canadiens et leurs familles. Notre groupe pense que même s'il agit de bonne foi, il n'a pas entendu suffisamment tous les points de vue, les spécialistes et ceux qui sont pour ou contre cette question formidablement importante, qui pourrait avoir des effets imprévus et négatifs sur d'autres aspects de la vie canadienne, dans la mesure où ce programme est appliqué de façon précipitée, comme nous le croyons, et où il n'est pas mis au point de façon plus réfléchie.

J'espère que l'exposé d'Advocates for Childcare Choice suscitera tout l'intérêt qu'il mérite, surtout que l'information que je suis sur le point de vous communiquer n'est médiatisée que depuis peu.

Le programme présente les quatre failles suivantes. La première est qu'il ne résout pas le problème de l'équité du soutien aux familles dont les deux parents travaillent à l'extérieur, par rapport aux familles qui, en dépit de grandes difficultés, sacrifient un salaire pour qu'un parent s'occupe lui-même des enfants.

J'ai un sommaire du rapport de 1970 de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, qui recommandait de laisser le choix aux familles. On se dit que c'était une époque de l'histoire canadienne ou l'interventionnisme régnait, qu'on ne comprend pas pourquoi il semblait opportun de donner de l'argent aux parents, mais maintenant, il faut que ce soit régi par le gouvernement et exclusivement par lui.

Le deuxième problème est que ce sera un gaspillage d'argent, car nous avons déjà un très bon système de garderies qui, pour des centaines de milliers de familles, fonctionne bien depuis des années. La seule explication au présumé besoin de remplacer ce système est cette idéologie tenace et dépassée selon laquelle les garderies régies par l'État sont les seules qu'il vaut la peine de soutenir. Les ententes ne sont conclues avec les provinces que si elles acceptent de ne pas confier aux parents les services de garderie régis par le gouvernement.

Les dépassements de coût du système québécois sont astronomiques. À notre avis, c'est parce qu'on a pris un système qu'aucune étude ne donnait comme inférieur et qu'on l'a soumis à une gestion bureaucratique ridicule afin de lui conférer un inutile « sceau d'approbation », pour ensuite offrir le même produit à un coût beaucoup plus élevé pour les contribuables. Ce qui est triste, c'est que les agents régulateurs, c'est-à-dire les parents, étaient déjà présents.

À l'heure actuelle, la grande majorité des enfants sont confiés à des éducateurs très compétents dans divers types d'établissements, y compris les garderies, les garderies éducatives et les garderies en milieu familial. Ils sont aussi confiés à des grands-parents et à des enseignants à la retraite, mais il y a encore les parents, même si le gouvernement voudrait nous faire croire que ce n'est pas le cas.

Non seulement ce vaste choix de services de garde existe, mais il rend fidèlement compte des souhaits de la plupart des parents à l'égard du type de garde qu'ils veulent. J'ai inclus une étude de l'Institut Vanier, selon laquelle la garderie est le cinquième choix des parents.

La deuxième raison pour laquelle nous ne devrions pas démanteler l'excellent système de garderies que nous avons actuellement, et c'est à mon avis la raison la plus importante, c'est que ce système contribue à préserver les collectivités naturelles qui existent partout au Canada.

La plupart des choix de garderie offerts aux parents sont enracinés dans une vraie collectivité, et non dans un modèle géré par l'État. Cette caractéristique favorise la participation des parents à la vie communautaire, que ce soit parce qu'ils rencontrent d'autres utilisateurs de la même garderie, parce qu'ils aident l'éducateur en dehors de ses fonctions professionnelles, comme beaucoup de familles le font, par exemple en aidant une bonne d'enfants philippine à s'établir au Canada. Les garderies communautaires assurent un meilleur lien avec les éléments de la collectivité; ainsi, les éducateurs amènent les enfants aux mêmes épiceries, aux mêmes parcs, aux mêmes haltes-garderies que les parents. Bref, les collectivités sont axées sur les individus et une interdépendance nécessaire, et non sur les systèmes bureaucratisés de l'État, que l'auteur John Freie qualifie de « collectivités factices ».

La troisième faille du programme national de garderie réside dans l'unique type de services que l'on préconise, c'est- à-dire la garderie éducative, sans doute le pire type de garderie, axée sur l'apprentissage précoce et qui sert à institutionnaliser les enfants encore plus tôt qu'à l'heure actuelle. Il s'agit d'un modèle éducatif selon lequel l'école est le meilleur endroit pour apprendre, un endroit qui, pour le moins, ne fonctionne pas très bien si l'on considère que 30 p. 100 des élèves abandonnent l'école chaque année en Ontario, et que le Canada présente un taux d'analphabétisme fonctionnel de 42 p. 100.

Le ministre Dryden et moi-même avons discuté du problème des écoles qui ne réussissent pas à aider les parents dans leur rôle principal d'éducateurs. J'admire son optimisme quand il a dit que ce type de nouveau système pourrait aider les parents, car ils pourraient communiquer avec les éducateurs du service de garde à la fin et au début de la journée. Je lui ai dit que ses propos étaient empreints d'un idéalisme naïf car ça ne se produit jamais dans les écoles. À Toronto en particulier, on est en train d'adopter très rapidement le modèle scolaire. On est en train de rénover 10 classes d'écoles de secteurs mal desservis, autrement dit des secteurs à faible revenu. Cela m'inquiète beaucoup. Ce sont les écoles des secteurs à faible revenu, dans lesquelles j'ai enseigné, qui réussissent le moins bien à faire participer les parents et à leur dire qu'ils comptent vraiment. En fait, l'attitude envers les parents est trop souvent de dire, comme l'a reconnu M. Dryden : « C'est moi l'expert. Il est absolument impossible que vous sachiez comment éduquer votre enfant. »

Nous prévoyons un taux de décrochage encore plus élevé. Un éducateur très connu de Toronto a déclaré :

J'ai de fortes réserves à propos de la tendance croissante à institutionnaliser les enfants le plus tôt possible et à les maintenir dans cette situation le plus longtemps possible. C'est une tendance alarmante et, en tant qu'enseignant, j'en constate les effets négatifs chaque jour — les enfants ne savent pas qui ils sont! Ces enfants souffrent d'épuisement scolaire à 12 ou 13 ans. En neuvième année, la moitié d'entre eux ont perdu tout intérêt pour l'apprentissage. Ils en ont assez d'être des singes savants. On leur a volé leur enfance et ils le savent. Plus tôt on intègre les enfants à un processus institutionnel quelconque, plus tôt ils se fatiguent et perdent tout intérêt pour ce processus. C'est une piètre récolte que nous aurons, parmi cette génération surinstitutionnalisée et surprogrammée. J'estime que l'incidence accrue de cas de dépression et de toxicomanie à la fin de l'adolescence vient en partie du fait que les enfants sont trop stressés et insuffisamment entourés par des établissements d'État qui prétendent répondre à leurs besoins.

Michael Reist est le directeur du département d'anglais à l'école secondaire catholique Robert F. Hall à Caledon East, en Ontario. Il enseigne l'anglais au secondaire depuis 22 ans et c'est un orateur exceptionnel.

Notre dernière réserve, et probablement la plus grande, à propos du programme national de garderie est qu'il repose surtout sur une idéologie douteuse et inquiétante selon laquelle, que nous le voulions ou non, le capitalisme est roi et c'est le rôle du gouvernement de veiller à ce que tous les citoyens entrent dans le moule, pour leur propre bien. Nous considérons ce programme national non comme une aide gouvernementale bienveillante et neutre, mais plutôt comme une influence subtile mais puissante qui modifie le contexte de la vie familiale au Canada.

Précisons que ce modèle national de garderies repose en partie sur des notions qui s'apparentent à la mise au travail des assistés sociaux. Le gouvernement fédéral n'a rien fait pour prendre ses distances par rapport au modèle québécois de garderies; au contraire, il l'a louangé et présenté comme la solution pour le reste du Canada. Pour ceux ici qui ne le sauraient pas, je précise que le régime québécois comporte un volet de mise au travail des mères que personne ne nie. Non seulement les prestations des familles dans le besoin ont été réduites, ce qui a forcé les mères à faible revenu à travailler de plus longues heures pour compenser la perte de prestations familiales, mais les mères qui recevaient de l'aide sociale se sont fait dire que l'une des possibilités d'emploi qui s'offraient à elles était d'ouvrir elles-mêmes une garderie en milieu familial.

Ce phénomène a été décrit dans des documents et des éditoriaux et, surtout, c'est un principe omniprésent dans le réquisitoire que les économistes Gordon Cleveland et Michael Krashinsky ont intitulé Fact and Fantasy : Eight Myths about Early Childhood Education and Care, dont on sait qu'il a influencé le programme national de garderie du gouvernement libéral. Ces deux économistes qui, sans vouloir leur manquer de respect, devraient s'en tenir à leur profession, déclarent sans ambages que l'économie, les mères, les familles et les enfants se porteront toujours et tous mieux si les deux parents travaillent. On sait depuis longtemps que M. Krashinsky est un défenseur de la mise au travail des assistés sociaux, et il semble maintenant vouloir appliquer des principes semblables aux mères des jeunes enfants, même à celles qui ne reçoivent pas d'aide sociale. En résumé, il considère les services universels de garderie comme le moyen de faire participer davantage les femmes à la population active.

Sans faire preuve de cynisme, j'aimerais savoir si son fameux rendement de 100 p. 100 sur l'investissement dans les garderies tient compte des économies que le gouvernement réaliserait en ne versant pas de prestations familiales parce que les deux parents travaillent. C'est une simple question que je pose.

En outre, cette politique qui consiste à « enlever à un pour donner à l'autre » n'est pas inédite. Actuellement, l'Ontario, à l'instar d'autres provinces, récupère le supplément national de prestations pour enfants lorsqu'elle fournit de l'aide gouvernementale aux familles de la province. Au lieu de veiller à ce que l'argent consacré aux services de garderie ne soit dépensé que dans des établissements réglementés et gérés par l'État, comme il l'exige à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral devrait peut-être voir à ce que les provinces garantissent que les services de garderie « gratuits » ne leur donnent pas une occasion de récupérer encore plus de prestations familiales.

C'est sur cet aspect de la politique nationale sur les enfants, plus que sur tout autre, que nous attirons avec autant d'empressement et de succès l'attention des médias canadiens. Il est de plus en plus connu que ce régime de garderie cache bien davantage que ce qu'on voudrait faire croire aux Canadiens. C'est à cet aspect que nous vous demandons d'accorder une attention particulière.

Je pense que le public canadien serait estomaqué de découvrir que le Sénat a jugé opportun d'approuver un programme qui, loin de simplement répondre à notre nouveau mode de vie — et c'est là ce que M. Dryden veut faire — pourrait en fait changer et limiter les choix que les familles font actuellement.

Est-il préférable que les deux parents de famille à faible revenu travaillent à l'extérieur, ou de leur donner du soutien pour qu'ils jouent le mieux possible leur rôle de parents, surtout quand la seule autre option consiste à confier les enfants à un système scolaire d'État, un système qui a toujours été et qui continue d'être défavorable aux familles à faible revenu?

À une époque où nous subissons, selon Gabor Mate, la rage des adolescents livrés à eux-mêmes, est-il sage d'appliquer des politiques gouvernementales qui incitent les parents à passer encore moins de temps à la maison?

Est-il sage, voire éthique, pour un gouvernement de jouer un tel rôle interventionniste et de déterminer l'orientation de la vie familiale au Canada?

Ces questions témoignent d'un désir sincère de discuter du meilleur moyen d'administrer la politique de la famille de manière à assurer la santé et le bien-être de tous. En réalité, c'est la plus grande faille de ce programme national de garderie, le fait qu'il s'agit d'une politique isolée qui ne cadre pas avec le programme national pour la famille dont le pays a tellement besoin. Les défenseurs de longue date des garderies qui sont à la solde du gouvernement ne voient probablement aucun mal à promouvoir les garderies et seulement elles, mais il faut admettre que beaucoup d'entre eux ont lancé cette croisade il y a des décennies, quand on croyait que la garderie répondrait aux besoins des femmes qui souhaitaient entrer sur le marché du travail. Pourtant, nous savons maintenant qu'une saine politique de la famille comprend beaucoup plus que des services de garde. On entend souvent dire que nous devrions imiter la Suède, la France et d'autres pays. On devrait s'interroger sur l'utilité d'imiter ce que font les autres pays plutôt que d'améliorer ce que se passe dans le nôtre, mais si nous devons les imiter, évitons les demi-mesures.

Les programmes sociaux de beaucoup de pays européens comprennent des congés parentaux beaucoup plus longs, moins d'heures de travail, des vacances annuelles plus longues, un soutien financier pour les parents qui s'occupent de leurs enfants à la maison, un meilleur soutien financier pour les études supérieures et, surtout, dans des pays comme la Suède, une distribution plus égale du revenu.

Qu'en est-il du logement abordable? Mon meilleur élève, un enfant de six ans, vient d'une coopérative d'habitation qui a remporté des prix, et qui offre une grande stabilité à la famille. Offrez des services de garde universels si vous le voulez, mais offrez aussi le soutien social nécessaire pour que tout cela fonctionne. Autrement, nous subirons les conséquences d'une politique sociale bornée qui équivaudrait à offrir des pneus neufs à quelqu'un qui n'a pas de voiture.

Nous ne sommes pas les seuls à croire que les Canadiens ont besoin de choix, de contrôle parental et de politiques plus complètes sur les garderies et sur la famille. L'Alberta et le Nouveau-Brunswick ont toutes deux refusé de prendre l'argent qu'offre le gouvernement fédéral si, pour y avoir droit, elles doivent limiter les choix que les parents sont le plus susceptibles de faire pour leurs enfants.

Qu'attendons-nous d'un service de garde universel? À quoi devrait ressembler une politique familiale complète? Le gouvernement devrait-il pouvoir intervenir de manière aussi fondamentale pour changer l'orientation de la vie familiale, ou devrait-il se montrer neutre et souple, et s'occuper d'abord d'améliorer la situation actuelle des citoyens?

Nous sommes de plus en plus nombreux à réclamer des choix et nous affirmons de plus en plus fort que l'argent alloué aux services de garde ne devrait pas être transféré aux provinces tant que ces questions et d'autres n'auront pas été réglées.

Enfin, j'ai dit avoir l'impression que le ministre Dryden avait l'intérêt des enfants canadiens à cœur. J'ai aussi eu l'occasion de m'entretenir avec les députés conservateurs Rona Ambose et Barry Devolin, et je sais qu'ils souhaitent que les familles reçoivent ce qu'il y a de mieux. Nous avons tous la rare chance de participer à un débat essentiel sur la forme à donner à la politique canadienne sur la famille. Quelle belle occasion pour les fonctionnaires, les élus et les citoyens canadiens d'élaborer ensemble la politique familiale du XXIe siècle, une politique qui améliorera la vie quotidienne de tous les citoyens, maintenant et dans les années à venir!

Le président : Merci pour votre excellent exposé. Plusieurs sénateurs voudraient vous interroger sur ce que vous avez dit. Nous allons commencer par le sénateur Stratton, du Manitoba.

Le sénateur Stratton : J'ai des petits-enfants qui sont d'une manière ou d'une autre confiés à des bonnes d'enfants ou qui reçoivent des services de ce genre parce qu'ils ne peuvent pas aller à la garderie.

Mme Tennier : Tant mieux pour eux, en fait.

Le sénateur Stratton : C'est simplement parce qu'ils peuvent se le permettre.

Mme Tennier : La garderie représente le cinquième choix des parents. N'imaginez pas un seul instant qu'ils reçoivent un service de qualité inférieure. Nous voulons que tout le monde puisse se permettre chacun des choix.

Le sénateur Stratton : Si je pouvais finir, je vous en serais reconnaissant.

Leurs parents ont choisi quels services leurs enfants allaient recevoir. Je suis convaincu que ce choix doit exister. C'est pourquoi je ne peux imaginer pourquoi nous adopterions un système du genre « Big Brother » comme celui qu'on nous propose. À mon avis, il est élitiste de dire : « Voici ce que vous devez faire et vous n'aurez pas d'autre choix. »

Je suis particulièrement inquiet pour les gens qui n'ont pas accès à ce système, même s'ils le veulent. J'ai demandé au ministre ce qu'il ferait pour les gens qui vivent en région rurale et qui n'ont pas accès à ce système. Il n'a pas pu me répondre.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous croyez que nous devrions faire pour les parents des régions rurales qui veulent des choix?

Mme Tennier : Nous avons une politique en trois volets. Il y a d'abord la sensibilisation. Nous sommes favorables à une grande campagne de sensibilisation du public sur les responsabilités des parents. Kirstin Doull, adjointe spéciale de Ken Dryden, dit que c'est un thème qui est constamment évoqué. Nous préconisons aussi le respect des choix, puis le financement. Ce que nous proposons est très simple et très déréglementé.

Je ne comprends pas pourquoi nous envisagerions même d'adopter ce modèle du « Big Brother ». Donnons l'argent aux parents. Ils pourront prendre leurs propres dispositions, parce que les possibilités existent. Il n'y a pas de pénurie de services de garde. La seule pénurie, c'est celle des moyens financiers dont disposent les parents pour faire leur choix.

Si nous donnons suffisamment d'argent aux parents, ils peuvent prendre des dispositions avec un voisin ou embaucher une bonne d'enfants. En fait, si vous consultez le site Web des Toronto Children Services vous constaterez qu'il y a X places libres et X noms sur la liste d'attente, et que les deux s'annulent.

Il y a tellement de règlements et de limites. Si vous dépendez de subventions, vous pourriez vivre à côté de Mary Poppins, mais à moins qu'elle détienne un permis, vous ne pourriez pas lui confier vos enfants. C'est un système inefficace et surréglementé, et nous nous y opposons farouchement.

Le sénateur Stratton : Les gens qui vivent en milieu rural et qui travaillent sont forcés d'embaucher quelqu'un pour s'occuper de leurs enfants pendant le jour, et ce qu'ils paient n'est pas déclaré au fisc. Autrement dit, ils n'obtiennent aucun allégement fiscal.

Mme Tennier : Pour quelle raison?

Le sénateur Stratton : C'est simplement parce que la personne qui garde les enfants ne veut pas déclarer son revenu. Si elle le faisait, elle devrait demander un salaire plus élevé. En d'autres mots, le coût des services de garde deviendrait beaucoup trop élevé parce que les fournisseurs devraient payer des impôts. Ces gens travaillent au noir, et cette politique aggraverait la situation plutôt que d'en reconnaître la réalité et d'y faire face avec bon sens, par exemple en octroyant des crédits d'impôt. N'êtes-vous pas d'accord?

Mme Tennier : Oui. Ce que nous proposons, en fait, c'est une prestation universelle. Ce programme devrait être abandonné. Je ne veux pas voir une mère, qui gagne 20 000 $ par année chez Tim Horton et qui n'a personne pour l'aider à faire son ménage, arriver chez elle à 18 heures, s'occuper de ses enfants, préparer le dîner, les aider à faire leurs devoirs.

Nous allons nous retrouver avec un système à deux paliers. Or, nous devons privilégier un système à palier unique, mais dont le contrôle est assuré par les parents. À notre avis, cette question va devenir un enjeu fédéral parce qu'elle implique des changements dans la politique fiscale.

Nous proposons deux choses. D'abord, une prestation universelle : si vous avez un enfant, vous avez droit à de l'argent. Ensuite, une prestation pour enfants basée sur une échelle mobile. La prestation peut être versée à l'un des parents, à un tiers, ou les deux, mais il faut que la personne soit enregistrée. Même les parents doivent être enregistrés pour que tout se fasse dans les règles. Il existe des façons très simples d'y arriver.

Regardez ce qui se passe du côté du Québec. Voulez-vous imposer cette solution au reste du Canada? Les histoires que nous entendons de personnes vivant là-bas sont incroyables. Mon père travaillait pour le FERA. À l'époque, le gouvernement intervenait massivement dans le secteur du commerce. Aujourd'hui, cette intervention est inexistante. Assez curieusement, on a fait l'inverse dans le domaine de la politique familiale.

Beaucoup de Canadiens vont partir. J'ai trois soeurs qui vivent à l'étranger. Nous avons toutes des diplômes universitaires. Deux d'entre elles habitent aux États-Unis. Un de mes collègues a quatre frères, dont trois vivent aux États-Unis. Ils ne peuvent supporter ce virage socialiste, un virage que l'on peut presque qualifier d'extrême-droite. Je ne veux pas être alarmiste, mais je trouve tout cela extrêmement inquiétant.

Le président : Nous allons manquer de temps. J'aimerais maintenant céder la parole au sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Je suis en faveur du libre choix en matière de garde d'enfants. Je crois aussi que les services de garde devraient être réglementés par les parents. Ce que vous proposez, en fait, c'est un système de crédits d'impôt, n'est-ce pas?

Mme Tennier : Oui, mais attention. Il faut que les crédits d'impôt soient remboursables, parce que nous voulons éviter toute discrimination. Nous avons actuellement un système qui est régressif, car la déduction pour frais de garde d'enfants est fonction du revenu : plus celui-ci est élevé, plus le remboursement est important. Nous voulons éliminer ce genre de chose. Nous voulons un système de crédit direct.

Encore une fois, nous croyons que les familles ont besoin d'un peu plus d'argent, mais revenons à la garde d'enfants. Les parents obtiendraient un crédit direct. J'ai déjà travaillé de la maison. J'exploitais une petite entreprise, et j'avais une gardienne qui s'occupait de mon enfant. J'étais une mère qui travaillait à temps plein. Je ne prône pas un retour à cette formule. Ce que je dis, c'est que l'on devrait pouvoir utiliser le crédit comme bon nous semble. Je voulais rester avec mon enfant, mais j'avais besoin de quelqu'un pour l'accompagner à la garderie. Je me suis organisée. Nous pouvons trouver une solution à l'intérieur du régime fiscal.

L'Australie a ce qu'on appelle des services de garde autorisés. Cela ne veut pas dire qu'ils sont titulaires d'un permis. Je ne veux pas me lancer dans ce débat. Ils veulent attribuer un permis à tous les fournisseurs de services de garde en milieu familial. C'est une histoire d'horreur. D'après une étude, cette initiative coûterait des centaines de milliers de dollars et créerait un faux sentiment de sécurité. Ce sont les parents qui réglementent le tout. Si vous n'êtes pas en mesure de dire si le service de garde offert est de bonne qualité, vous ne devriez pas être parent. Toutefois, le service de garde doit être autorisé pour que tout se fasse dans les règles.

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous, parce que je viens d'une province essentiellement rurale. Il est absolument hors de question qu'un système universel de garderies soit mis sur pied dans notre province, malgré ce que pense le gouvernement actuel, sauf s'il s'agit d'un système à deux paliers, comme on en retrouve dans le domaine de la santé, de l'éducation, ainsi de suite. Nous avons des écoles centralisées. Nous avons des hôpitaux dans les grandes villes, mais pas dans les régions rurales. Les enfants se lèvent à 6 heures du matin, montent à bord d'un autobus, reviennent le soir après une journée de 12 heures. Ils ne peuvent participer à des activités sportives à l'école ou autre chose du genre.

Ce sont-là les dangers de la centralisation.

Mme Tennier : Les exploitants de garderies familiales dans votre province sont victimes de harcèlement. Ce qui se passe en Saskatchewan est terrible. Deux d'entre eux ont mis sur pied un groupe. La situation là-bas est draconienne.

Le sénateur Tkachuk : C'est vrai. Merci d'être venue nous rencontrer. J'appuie vos efforts.

Le sénateur Eggleton : Je crois comprendre que le ministère essaie d'offrir des places dans des garderies réglementées de qualité, et non pas nécessairement dans des établissements publics. En fait, la façon dont l'argent est dépensé fait partie intégrante de l'entente conclue avec chacune des provinces.

N'est-ce pas là, pour vous, le nœud du problème, c'est-à-dire la façon dont les provinces vont dépenser l'argent, ou encore le fait qu'on a trop recours aux établissements publics?

Êtes-vous contre l'idée d'avoir des places réglementées de qualité?

Mm Tennier : Nous avons déjà des places réglementées de qualité : elles sont offertes par les gardiennes, les exploitants de garderies familiales, les bonnes d'enfants. Ce sont des personnes merveilleuses, et ce sont les parents qui les réglementent, qui vérifient la qualité de leur travail. J'ai passé des années dans le milieu. Il y a des enseignants qui sont violents. Le taux de décrochage est de 30 p. 100.

Le sénateur Eggleton : Vous n'en voulez pas aux provinces?

Mme Tennier : Non, parce que les conditions fixées par M. Dryden — je suis certaine que vous le savez — sont très strictes. L'argent doit être dépensé et non pas versé aux parents. Voilà pourquoi l'Alberta et le Nouveau-Brunswick ont refusé l'offre. La source du problème, c'est M. Dryden. Je l'ai rencontré et nous avons eu une bonne discussion. Je ne veux pas m'en prendre à lui, mais il s'agit bien d'un programme fédéral.

Le sénateur Eggleton : Vous proposez qu'on donne l'argent aux parents. Les Conservateurs ont proposé, pendant la dernière campagne électorale, le versement d'un crédit de 2 000 $, ce qui équivaut à environ 320 $ par enfant. Ce n'est pas beaucoup quand on compare cela aux frais de garderie.

Mme Tennier : C'est vrai.

Le sénateur Eggleton : Que proposez-vous?

Mme Tennier : Nous travaillons avec quelques économistes en vue d'arriver à un montant qui serait largement supérieur à celui des Conservateurs. Certains Conservateurs m'ont dit que cette somme n'était pas suffisante.

Le sénateur Eggleton : On me dit que leur programme aurait coûté 9,3 milliards de dollars sur quatre ans. C'est deux fois plus que ce que propose M. Dryden.

Mme Tennier : Non, la proposition de M. Dryden va coûter beaucoup plus. Ce que nous voyons là n'est qu'un début.

Le sénateur Eggleton : Combien la vôtre va-t-elle coûter?

Mme Tennier : Nous allons prendre vos chiffres, et retrancher de ce montant 1 000 $ ou 2 000 $ par année. Supposons qu'il en coûte 10 000 $ pour placer un enfant dans un service universel de garderie. Comme vous le savez, vous êtes censés être en mesure de le faire même si les deux parents ne travaillent pas. Au Québec, vous devez être en mesure d'amener votre enfant à la garderie même si vous ne travaillez pas. Cela représente une dépense d'au moins 10 000 $. Nous estimons que notre programme, lui, va entraîner des frais allant jusqu'à 10 000 $.

Le sénateur Eggleton : Si vous ne savez pas combien va coûter votre programme, comment pouvez-vous savoir s'il va être efficace?

Mme Tennier : Pardon?

Le sénateur Eggleton : Si vous n'avez pas de modèle viable pour calculer les coûts, comment pouvez-vous savoir si la solution que vous proposez est efficace, qu'elle répond aux besoins des personnes qui utilisent des garderies parce qu'elles doivent travailler?

Mme Tennier : Je ne comprends pas vraiment la question. Voulez-vous dire efficace en tant que service de garde, ou rentable?

Le sénateur Eggleton : Vous avez dit que les 320 $ prévus par le programme des conservateurs ne suffisaient pas.

Mme Tennier : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Mais vous ne savez pas combien va coûter votre proposition.

Mme Tennier : À l'heure actuelle, la DFGE que reçoivent les familles est d'environ 2 000 $. Quand vous réclamez 7 000 $ par enfant, vous touchez, en moyenne, à peu près 2 000 $. Les familles à faible revenu en Ontario reçoivent, en moyenne, 4 000 $. Si on fait le calcul, 4 + 2 donne 6, on arrive à un chiffre qui se situe entre 6 000 et 10 0000 dollars. Nous sommes impartiaux. Nous comptons, dans notre groupe, des libéraux, des conservateurs, des néodémocrates. Tout le monde insiste pour dire que les conservateurs doivent bonifier leur programme. M. Dryden a dit à de nombreuses reprises qu'il n'a aucune idée de ce que le programme allait coûter. Il ne faudrait pas en faire une question partisane. Nous devrions nous réunir et décider, ensemble, ce que nous voulons. En fait, quand les gens nous envoient des courriels, des lettres, ils disent « Nous ne comprenons pas. De quoi s'agit-il? Nous pensons avoir découvert la vérité. Je suis peut-être cynique, mais pas naïve. On cherche à redéfinir la vie familiale au Canada. Il est toutefois encore trop tôt pour en parler. On a commencé à réaménager dix salles dans des écoles à Toronto.

Le président : Vous l'avez déjà dit. Il se fait tard. S'il vous plaît, soyez brève. Vous nous avez déjà dit tout cela. C'est consigné au compte rendu.

Mme Tennier : Habituellement, les membres du comité de la Chambre me crient d'arrêter. Vous pouvez faire la même chose. Je ne m'attendais pas à tant de politesse de votre part.

Le président : Ici, personne ne crie. Toutefois, il y a deux autres sénateurs qui souhaitent vous poser des questions et il ne reste plus beaucoup de temps. Je vais vous demander d'écouter la question et ensuite d'y répondre brièvement.

Le sénateur Ringuette : Vous dites que les parents doivent s'enregistrer. Est-ce que vous faites allusion à un registre similaire à celui des armes à feu? Vous avez dit que les parents devaient s'enregistrer.

Le sénateur Stratton : Quel bel exemple.

Le sénateur Ringuette : Quel genre de registre proposez-vous?

Mme Tennier : J'ai déjà été propriétaire d'une petite entreprise. Vous devez payer la TPS et la TVP. En Ontario, les formalités sont très simples. On vous attribue un numéro. Vous devez remplir un formulaire.

Le sénateur Ringuette : Il faudrait ajouter aux formalités bureaucratiques déjà lourdes pour que les parents puissent s'enregistrer.

Mme Tennier : Non, il suffirait de cocher une case sur la déclaration de revenus, ce qui représenterait un millionième des formalités bureaucratiques qu'il faudrait remplir si nous avions un régime universel.

Le sénateur Ringuette : Vous avez été très sévère à l'égard du système de garderies du Québec. C'est totalement inacceptable, à moins que vous n'ayez des avis d'experts crédibles selon lesquels le système ne répond pas aux besoins des enfants du Québec. Je ne viens pas du Québec, mais du Nouveau-Brunswick, la province voisine du Québec. Où habitez-vous?

Mme Tennier : À Toronto.

Le sénateur Ringuette : C'est très loin. Je vis près de la frontière du Québec, et j'ai beaucoup de parents avec de jeunes enfants qui vivent au Québec. Ils ont un système merveilleux. Par conséquent, vos arguments, lorsque vous les présentez à un comité sénatorial, doivent s'appuyer sur des avis d'experts. Les Québécois n'hésiteraient pas à descendre dans la rue pour défendre leur système. Ma question est la suivante : existe-t-il une étude sérieuse du système québécois, effectuée par des experts, qui corrobore vos dires?

Mme Tennier : Le travail obligatoire, le dépassement des coûts...

Le sénateur Ringuette : Avez-vous des avis d'experts à nous fournir?

Mme Tennier : Oui. J'ai l'étude de Jocelyn Tougas. Je peux vous la remettre.

Le sénateur Ringuette : Ce témoin a fait des déclarations que je remets en question.

Le président : Vous avez posé la question, et le témoin y a répondu. Elle a une étude, un document en main qui correspond à ce que vous recherchez. Je vais lui demander de nous dire si elle peut nous fournir une copie de ce document. Nous allons le remettre au greffier du comité qui, lui, va se charger de le distribuer à tous les membres du comité. Avez-vous une autre question à poser?

Le sénateur Ringuette : Oui. Quand j'étais jeune, il y avait un programme fédéral d'allocations familiales. Je pense que mes parents recevaient 33$ ou 35 $ par mois. Je sais aussi que le programme a été annulé par le gouvernement Mulroney.

Vous proposez en fait un programme similaire. Aimeriez-vous voir ces allocations rétablies?

Mme Tennier : Oui.

Le sénateur Mitchell : Madame Tennier, j'essaie de comprendre un peu votre raisonnement. Essentiellement, comme l'a dit le sénateur Eggleton, il y a une certaine souplesse. Les provinces peuvent négocier toutes sortes d'arrangements. En fait, c'est ce qu'elles font. Je tiens à mentionner que l'Alberta est sur le point de signer une entente. La ministre Forsyth l'a déclaré publiquement.

S'ils n'ont pas encore signé, c'est parce qu'ils essaient de s'entendre non pas sur le type de garderies, mais sur le mécanisme de reddition de comptes. À qui doivent-ils rendre des comptes, et comment? Je ne cherche pas à démonter votre argument.

Mme Tennier : Je lui ai parlé il y a deux semaines, et elle m'a dit tout le contraire. Elle insistait pour que la liberté de choix en matière de mode de garde soit assurée.

Le sénateur Mitchell : Vous laissez entendre que ce qu'elle a dit aux journalistes est faux? On cite ses propos dans la presse.

Mme Tennier : Je lui ai parlé au téléphone.

Le sénateur Mitchell : J'étais à l'assemblée législative avec elle. Je pense que, dans la plupart des cas, ses propos ont été cités correctement.

Quoi qu'il en soit, ce que propose ce programme, ce sont des places en garderie. Il y a une option qui, selon vous, à été oubliée : soit les gardiennes, les bonnes d'enfants. Ce sont des solutions qui coûtent très cher. La place en garderie coûte beaucoup moins que la garde à domicile. Il est vrai que, dans le cas d'une famille comme la vôtre, par exemple, cet argent pourrait être utile. La famille recevrait une certaine somme, mais il faudrait quand même qu'elle en utilise une partie pour payer la bonne d'enfants.

Qu'en est-il de la mère célibataire qui doit travailler et qui n'a pas suffisamment d'argent pour envoyer son enfant à la garderie? Je sais que cette question vous tiens à cœur. Ce qui me choque, c'est que nous oublions les familles qui ne correspondent tout simplement pas à l'image que vous en faites.

Mme Tennier : Je ne sais pas quelle partie de mon discours vous échappe. Je représente les familles à faible revenu.

Le sénateur Mitchell : Comment arrivent-elles à se payer les services d'une bonne d'enfant.

Mme Tennier : De nombreuses personnes se partagent les services de bonnes d'enfants. C'est une bonne solution, car vous avez des enfants de tous les âges, chose qui, sur le plan pédagogique, fait cruellement défaut dans les garderies.

Le sénateur Mitchell : Et qu'en est-il des personnes qui ne peuvent se payer les services d'une bonne d'enfants?

Mme Tennier : Les services de garde vont coûter au moins 10 000 $. D'après l'OCDE, la plupart de nos programmes de garderies laissent déjà à désirer. Disons qu'ils vont coûter autour de 14 000 $ ou de 15 000 $. Ce que nous proposons, c'est que l'on verse la moitié de cet argent aux parents pour qu'ils puissent s'organiser avec d'autres familles. Il y a beaucoup de garderies familiales qui accueillent deux ou trois enfants. Les parents amènent leurs enfants à la halte-garderie, ou encore à l'épicerie, un endroit où, d'après mon professeur à l'Université de Toronto, la plupart des enfants apprennent à lire. Je parle ici des familles à faible revenu. Nous devons arrêter de les critiquer, de dire qu'elles sont trop stupides, qu'elles doivent placer leurs enfants dans des garderies.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais bien que ce soit si facile. D'après mon expérience de parent, il n'est pas si facile de trouver des gens où ils devraient être.

Mme Tennier : Ce ne devrait pas être facile.

Le sénateur Mitchell : Et qu'en est-il si c'est impossible?

Mme Tennier : Ce n'est pas si impossible que cela.

Le président : Madame Tennier, au nom du comité, je tiens à vous remercier infiniment d'être venue. On peut dire d'après les questions posées que vous avez suscité une réflexion approfondie sur un sujet d'intérêt canadien très important. Merci d'avoir pris le temps de préparer votre exposé, de venir faire cette présentation et, surtout, merci pour vos réponses aux questions.

Honorables sénateurs, ceci termine la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, puisque nous avons entendu l'autre témoin, je propose que nous passions à l'étude article par article.

Le sénateur Downe : J'aimerais proposer une motion, et aussi que le projet de loi soit renvoyé au comité de direction du comité des finances aux fins d'examen de la suite à lui donner.

Le sénateur Tkachuk : Une motion a été déposée. Pouvons-nous la régler?

Le président : Honorables sénateurs, il a été proposé que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi. Est-ce que vous êtes prêts à répondre à la question?

Le sénateur Stratton : Posez la question.

Le sénateur Downe : J'aimerais que nous procédions à un vote par appel nominal, monsieur le président.

Mme Piccini : L'honorable sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Je suis contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Downe.

Le sénateur Downe : Je m'y oppose.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : J'y suis opposé.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Ferretti Barth.

Le sénateur Ferretti Barth : Je suis contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Je m'y oppose.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Ringuette.

Le sénateur Ringuette : Je m'y oppose.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : Je suis pour.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Tardif.

Le sénateur Tardif : Je suis contre.

Mme Piccinin : L'honorable sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Je suis pour.

Mme Piccinin : Deux voix pour, sept contre.

Le président : Je déclare la motion rejetée.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, je vous ai envoyé lundi un courriel, en tant que président de ce comité, avec copie aux membres du comité de direction, pour vous informer que j'aimerais que la ministre Stronach soit appelée à témoigner. La grande question dont nous avons traité ce soir, ce sont les soins à l'enfance, alors je proposerais que nous invitions le ministre Dryden à comparaître devant le comité. C'est une question très importante. Nous devrions avoir la possibilité d'entendre et d'interroger le ministre.

Nous accueillons ce soir un témoin qui a fait des déclarations très controversées. Il nous faut entendre tous les faits.

Le président : Ces motions seront présentées au comité de direction du comité. Le comité de direction les analysera et prendra une décision.

En ce qui concerne la première partie de votre déclaration, votre courriel a été transmis aux membres du comité de direction, les sénateurs Day, Downe, Eggleton et moi-même, et nous l'avons reçu. Nous avons demandé au greffier du comité de communiquer avec le bureau de la ministre Belinda Stronach pour voir si elle peut comparaître devant le comité, d'abord mardi, et ensuite aujourd'hui, mercredi. La ministre n'était pas libre à ces dates pour comparaître en personne devant le comité. On nous a dit que des hauts fonctionnaires de son ministère étaient prêts à venir traiter de certaines questions soulevées par le projet de loi C-43.

Honorables sénateurs, la prochaine réunion régulière qui est prévue pour le comité doit avoir lieu mardi, le 28 juin 2005.

La séance est levée.


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