Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 27 - Témoignages du 12 juillet 2005 (Séance du matin)
OTTAWA, le mardi 12 juillet 2005
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, à qui a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements, se réunit aujourd'hui à 8 h 37 afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la trente-neuvième réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, je veux poser une question au sujet de la procédure que nous allons suivre. Je remarque que nous devons étudier le projet de loi article par article cet après-midi. Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi nous allons entendre des témoins et faire l'étude article par article le même jour.
Le président : Le comité directeur, qui est chargé de convoquer les témoins et d'arrêter la procédure que suit le comité, a recommandé qu'après les témoins nous passions à l'étude article par article.
Le sénateur Tkachuk : Qui siège au comité directeur?
Le président : Le sénateur Downe, le sénateur Day et moi-même. Nous sommes les trois membres du comité directeur.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, êtes-vous d'accord avec l'idée d'étudier le projet de loi article par article aujourd'hui?
Étant donné le raisonnement du sénateur Austin selon lequel la tradition au Sénat veut que l'on ne passe pas toute de suite à l'étude article par article après avoir entendu des témoins, je trouve tout à fait inhabituelle la procédure que vous proposez aujourd'hui.
Comme nous préférerions, de ce côté-ci, déposer un rapport minoritaire, cette façon de procéder ne nous permettra pas d'avoir suffisamment de temps pour tenir une autre réunion.
Nous nous trouvons à inviter des témoins après quoi nous passons tout de suite à l'étude article par article. Je ne comprends pas pourquoi nous procédons ainsi, et c'est un manque de respect envers les témoins.
Le sénateur Austin : Je devrais peut-être expliquer ma déclaration au Sénat. Le projet de loi C-43 était assez conséquent. Le sénateur Lynch-Staunton a répété à maintes reprises qu'un comité ne devait pas passer à l'étude article par article de projets de loi complexes tout de suite après avoir accueilli un ministre ou un secrétaire parlementaire.
Il demeure qu'un comité est libre de déterminer comment il va effectuer l'étude article par article. En outre, dès que le comité a décidé de passer à l'étude article par article, il peut le faire. Quand un projet de loi est complexe, il faut prévoir du temps pour permettre aux membres du comité d'entendre d'autres témoignages. Je n'ai jamais prétendu qu'il fallait faire cela en deux temps. En revanche, il faut prévoir un arrêt entre l'audition des témoignages et l'étude article par article quand un membre d'un comité veut examiner les témoignages.
Le sénateur Tkachuk : Allons-nous faire une pause après avoir entendu les témoins?
Le président : Comme vous le savez, la procédure que suit le comité est fixée par le comité directeur qui en est le maître d'œuvre. Le comité directeur fait des recommandations au comité, mais c'est le comité plénier qui décide.
Le sénateur Tkachuk : Les recommandations du comité directeur vont-elles être soumises au vote?
Le sénateur Harb : J'estime que nous devrions accueillir la suggestion du sénateur Tkachuk et faire une pause d'une heure avant de passer à l'étude article par article. Nous avons pour habitude de bien collaborer au sein de ce comité et j'espère que nous pourrons donner suite aux desiderata du sénateur. Nous sommes ici pour étudier le projet de loi et pour lui consacrer toute l'attention qu'il mérite.
J'ai examiné ce projet de loi et je n'y ai rien vu de très révolutionnaire; de plus, nous aurons d'autres mesures à étudier. Si les collègues désirent se ranger à la suggestion du sénateur Tkachuk, sachez que j'y suis personnellement favorable.
Le sénateur Tkachuk : Je préférerais que nous passions à l'étude article par article un autre jour, si possible lundi, à notre retour. Le sénateur Austin a soutenu que le projet de loi C-43 était complexe et que celui-ci ne l'est pas, mais le budget était beaucoup plus clair que ce projet de loi parce qu'il faisait état des dépenses prévues et qu'il précisait ce que le gouvernement entend faire.
Par sa nature même, le projet de loi C-48 vise simplement à doter un fonds, ce qui brouille quelque peu les intentions du gouvernement. Voilà pourquoi, de ce côté-ci, nous nous sommes fortement opposés à cette démarche. Nous ne nous opposons pas à l'idée d'investir dans le logement, par exemple, mais nous nous opposons à la démarche empruntée pour le faire.
Pourquoi le ministre n'est-il pas ici?
Le président : Le sénateur Eggleton veut dire quelque chose.
Le sénateur Eggleton : Nous devrions peut-être commencer par entendre les témoins, après quoi nous reviendrons sur cette question de procédure.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas uniquement une question de procédure, c'est quelque chose de très important.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, soumettons cette questions aux voix. Le sénateur Harb a recommandé que l'on fasse une pause d'une heure après avoir entendu les témoins. Je n'avais rien contre cela jusqu'à ce que j'entende le sénateur Tkachuk parler de lundi, ce que je considère comme une manœuvre dilatoire. Étant donné la taille de ce projet de loi, nous ne devrions pas en retarder l'étude article par article et nous devrions nous en tenir à l'échéancier établi.
Le sénateur Stratton : Sénateur, êtes-vous en train de me dire que vous ne voulez pas nous donner l'occasion de préparer un rapport minoritaire?
Le sénateur Eggleton : Vous avez eu beaucoup de temps pour vous y préparer. Vous avez critiqué ce projet de loi en disant qu'il ne contenait pas grand-chose et que vous le connaissiez par cœur. Je ne vois pas où est le problème?
Le sénateur Downe : Pour faire suite à ce que vient de dire le sénateur Stratton, vous cous souviendrez que, la semaine dernière, ce comité a proposé aux sénateurs de se réunir jeudi et vendredi, quand nous avons prolongé nos séances, mais cette offre a été rejetée. Je trouve très étrange à présent que l'opposition veuille avoir plus de temps.
Le sénateur Stratton : Si vous me le permettez, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit trois jours et demi cette semaine pour entendre des témoins au sujet du projet de loi C-38. Nous, nous siégeons une journée et pendant cette journée-là, nous allons effectuer l'étude article par article. La liste des témoins a été tronquée. Nous voulions en entendre 11 et combien allons-nous en entendre aujourd'hui?
Ne me parlez pas d'esprit de collaboration. Ne me dites pas que ce sont des tactiques pour faire passer le projet de loi à toute vitesse, parce que vous savez fort bien que tel est le cas.
Le sénateur Downe : Quitte à me répéter, je vous dis que nous avons proposé à l'opposition de siéger plus longtemps la semaine dernière. Finalement, tout le monde est rentré pour revenir cette semaine, aux frais de la princesse. Nous aurions eu du temps supplémentaire, jeudi et vendredi de la semaine dernière, mais l'opposition a refusé de siéger davantage.
Le président : Sénateur Harb, vous avez fait une proposition.
Le sénateur Harb : J'estime que nos collègues devraient disposer de toute la semaine pour rédiger un rapport parallèle à celui que vous allez déposer au Sénat. Si le comité de direction doit se réunir la semaine prochaine avant le dépôt du rapport, je pense que l'on devrait donner la possibilité à mes collègues de préparer leur rapport parallèle.
La vérificatrice générale a régulièrement vilipendé le gouvernement parce qu'il ne faisait pas ce qu'il est en train de faire aujourd'hui. Plutôt que d'agir autrement, ce à quoi la Vérificatrice générale s'est opposée, le gouvernement a obtenu l'autorisation du Parlement de mettre de l'argent de côté. Nous devrions l'en féliciter.
Le président : Nous y reviendrons dans un instant. Nous passerons au projet de loi plus tard.
Le sénateur Harb : Essayons de trouver une façon créative d'arranger nos collègues.
Le président : C'est ce que vous proposez?
Le sénateur Harb : Je propose que mes collègues déposent leur rapport en même temps que vous déposerez le vôtre à la Chambre, rapport qui fera état du point de vue des objections ou des suggestions des membres du comité.
Le sénateur Tkachuk : Cela pourrait aller. C'est ce que nous allons faire.
Le sénateur Day : Une autre solution créative consisterait à entendre ce que nos collègues auront à dire en troisième lecture. Je crois que nous devrions poursuivre nos audiences pour l'instant. La seule chose qui n'a pas été dite jusqu'ici, c'est que nous avons eu des audiences d'une journée complète, ce qui équivaut à trois jours d'audience régulière, parce que nos journées étaient remplies plutôt que de travailler dans des créneaux de deux heures, comme c'est habituellement le cas.
Comme nous avons souvent eu l'occasion de poser des questions, je crois que nous devrions poursuivre cette séance. Nous sommes revenu ici pour cela, alors allons-y et nous passerons à l'étape de la troisième lecture la semaine prochaine.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question, monsieur le président, avant que nous n'entendions M. McKay. Soit dit en passant, merci beaucoup de votre patience, monsieur McKay.
Le président : Cela va lui rappeler la Chambre des communes.
Le sénateur Tkachuk : Tout à fait. Le ministre s'est-il fait excuser pour ne pas être là aujourd'hui? Au comité auquel je siège avec la sénatrice Fraser, nous n'étudions aucun projet de loi si le ministre ne répond pas à notre invitation. En l'espèce, il s'agit d'une loi d'exécution budgétaire et le ministre des Finances n'est pas ici pour en parler. Ne vous en offusquez pas, monsieur McKay, mais nous avions demandé au ministre de venir nous rencontrer.
Le président : Le greffier du comité a communiqué avec le cabinet du ministre et l'on me dit que celui-ci n'était pas disponible avant deux semaines pour comparaître devant le comité.
Le sénateur Tkachuk : Y voyez-vous un problème? Nous aurions pu nous réunir dans deux semaines?
Le président : Le comité directeur a décidé que nous pouvions entendre des témoins aujourd'hui. M. McKay, qui était à Vancouver, est revenu pour se rendre disponible ce matin et pour prendre la parole au nom du ministre des Finances et du gouvernement.
Le sénateur Austin : Aucune règle n'exige qu'un ministre comparaisse devant un comité au sujet d'un projet de loi; c'est la coutume qui le veut. Les ministres du gouvernement actuel se sont montrés très coopératifs relativement à leurs projets de loi. C'est quelque chose que je leur avais recommandé et ils ont suivi ce conseil, mais il arrive que des ministres ne se présentent pas. À la Chambre des communes et au Sénat, les secrétaires parlementaires prennent souvent la place des ministres et ils s'expriment en leur nom et au nom des ministères.
Je trouve injuste de soulever la question de l'absence du ministre. Les ministères sont représentés à l'échelon politique et à celui de la fonction publique; c'est ainsi que l'on procède traditionnellement à la Chambre et au Sénat, quand un ministre ne peut faire autrement que de s'absenter.
Le sénateur Tkachuk : Personnellement, je trouve que cette remarque était fondée. Vous pourrez toujours soutenir que ce n'est pas juste, mais de ce côté-ci, nous estimons que ça l'est. Il s'agit d'un projet de loi sur le budget qui, en outre, est tout à fait inhabituel. Il a été source de beaucoup de controverses et le ministre aurait dû se trouver ici, aujourd'hui.
Je tiens à indiquer que, de ce côté-ci, les sénateurs sont très déçus que le ministre n'ait pas jugé utile de venir défendre le projet de loi C-48 en personne devant le comité et qu'il est en train de faire autre chose, peu importe quoi. Je ne pense pas qu'il n'y ait rien de plus important, pour un ministre des Finances, que de se présenter devant un comité parlementaire pour défendre son projet de loi sur le budget. C'est son travail.
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je tiens à souligner que dans le gouvernement actuel, le secrétaire parlementaire, M. McKay, est membre du Conseil privé. Il participe aux réunions du cabinet et des comités du cabinet qui portent sur ce type de loi. C'est un progrès par rapport au rôle qu'assumaient précédemment les secrétaires parlementaires.
Le président : Le dernier mot ira au sénateur Day, après quoi nous passerons à nos délibérations.
Le sénateur Day : Je vais vous lire ce que M. Goodale nous a déclaré quand il a comparu devant nous, le 22 juin dernier, au sujet du projet de loi C-43 qui accompagne le projet de loi C-48 :
[...] Je me suis fié beaucoup au bon travail de M. McKay. Je souhaite profiter de cette occasion pour souligner devant un comité parlementaire le travail extraordinaire qu'il a fait pour s'assurer que toute l'attention parlementaire voulue soit accordée aux questions relatives au ministère des Finances.
Le président : Merci, sénateur Day. Honorables sénateurs, tout à l'heure, j'ai déclaré ouverte la trente-neuvième réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que notre comité s'intéresse d'abord et avant tout aux dépenses gouvernementales, que ce soit directement par le biais du budget des dépenses ou, indirectement, par le celui des projets de loi.
[Français]
La semaine dernière, le projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements a été renvoyé à notre comité par le Sénat.
Pour commencer notre réunion ce matin, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable John McKay, secrétaire parlementaire au ministère des Finances. Monsieur McKay a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1997.
[Traduction]
M. McKay a été nommé secrétaire du ministre des Finances en juillet 2004. Il est accompagné de Peter Devries et de Werner Heiss.
Monsieur McKay, vous avez la parole. Après votre exposé, les sénateurs vous poseront des questions sur vos déclarations et sur le projet de loi.
L'honorable John McKay, C.P., député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances : Je tiens à remercier le comité pour son accueil particulièrement chaleureux.
J'espère que ce projet de loi s'en sortira un peu mieux après son étude par votre comité que ce fut le cas à la Chambre. Je me suis présenté devant le comité de la Chambre avec un projet de loi complet et je me retrouve avec un texte en peau de chagrin. J'espère mieux faire cette fois-ci.
Comme certains sénateurs l'ont justement fait remarquer, ce projet de loi est tout à fait unique. Il porte sur une mesure législative conditionnée à la réalisation d'un excédent non prévu; à cet égard, nous évoluons donc en territoire inconnu.
Il encadre les investissements à venir. Vous savez tous ce que sont ces investissements — logement abordable, environnement, aide à l'étranger, enseignement postsecondaire — et je doute que beaucoup de sénateurs se disent en désaccord avec ces types d'investissements.
J'aimerais revenir sur le principe voulant que ces investissements soient faits à partir de fonds excédentaires. Comme vous le savez, la condition sine qua none est que nous devrons consacrer au moins 2 milliards de dollars au remboursement de la dette dans chacune des deux années visées par ce projet de loi, c'est-à-dire en 2005 et 2006.
Je vais vous citer ce que Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada, a déclaré devant le comité de la Chambre et qui devrait sans doute rassurer certains des honorables sénateurs.
Le président : Il va comparaître devant notre comité.
M. McKay : Eh bien, j'estime qu'il vaut la peine de répéter ce qu'il a déclaré, parce qu'il a défini les paramètres selon lesquels on peut juger du bien-fondé de cette approche quand on envisage de dépenser certaines sommes à partir d'un excédent non prévu.
Il dit que ce projet de loi est unique en ce sens que c'est la première fois qu'une mesure législative confère un pouvoir de dépenser sous réserve que soit d'abord réalisé un excédent minimum. Cela, selon lui, constitue une approche prudente. Il mentionne le fait que les 4,5 milliards de dollars sont un maximum. Il dit que les autorisations seront données avec bien plus qu'une année d'avance et que le gouvernement disposera de suffisamment de temps pour fixer le cadre d'administration des programmes concernés. Je m'attends à ce que certains émettent des réserves quant à l'absence de détails précis sur ce que l'on doit attendre d'un budget.
Il dit que le Conseil du Trésor devra donner son approbation avant que ces versements ne soient effectués en fonction des conditions énoncées. Les conditions en question préciseraient les paramètres du programme de même que le niveau de vérification, d'évaluation, de rapport et de reddition de comptes approprié. Il indique que son bureau examine ce genre de proposition avant qu'elle soit soumise à l'approbation du Conseil du Trésor et parle ensuite de certaines autres choses sur lesquelles il reviendra sans doute aujourd'hui.
Ses remarques devant le comité de la Chambre ont été intéressantes et elles nous ont rassurés quant à l'approche adoptée dans cette loi qui vise à utiliser des excédents non prévus. Comme vous le savez, le gouvernement a répété, à maintes occasions, qu'il ne veut pas se retrouver en situation déficitaire. C'est quelque chose que nous ne voulons tout simplement pas faire.
Comme vous le savez, tous ces éléments étaient déjà au programme du gouvernement. Cette mesure législative vient compléter le programme du gouvernement en prévoyant notamment 1,5 milliard de dollars de plus pour le secteur de l'éducation postsecondaire. Nous espérons ainsi faciliter l'accès à l'éducation, surtout pour les étudiants de familles à faible revenu et les Canadiens autochtones, advenant que cette somme soit disponible à ces fins. Nous espérons également renforcer les ententes sur le marché du travail, comme la Stratégie des compétences en milieu de travail, qui a été annoncée dans le budget de 2004. Cette proposition s'intègre harmonieusement avec l'engagement pris par le gouvernement au fil des ans de consacrer des sommes importantes à l'éducation postsecondaire en bonifiant les transferts aux provinces et aux territoires.
La deuxième mesure proposée dans ce projet de loi concerne l'environnement. Il est plus précisément prévu d'injecter 900 millions de dollars à ce titre. Nous espérons que cette somme permettra d'améliorer les réseaux de transport en commun, mais une partie des fonds sera consacrée à un programme d'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations à loyer modique.
Le budget de 2005 prévoit plus de 3 milliards de dollars en nouveaux investissements pour faire face au changement climatique et protéger le milieu naturel. Si l'on ajoute cette somme aux 2,2 milliards de dollars déjà prévus, le résultat représente une importante étape d'une stratégie à long terme visant à réaliser les objectifs énoncés.
Honorables sénateurs, il est intéressant de remarquer que, depuis 1997, le gouvernement actuel a consacré plus de 10 milliards de dollars en nouveaux crédits à des mesures environnementales.
La troisième mesure proposée est l'affectation d'une somme additionnelle de 500 millions de dollars à l'aide internationale, fonds qui aideront le Canada à accroître son influence sur la scène internationale. Le Canada, en tant que membre de la communauté internationale, reconnaît qu'il a le devoir de venir en aide aux autres pays dans le besoin.
Je représente sans doute la circonscription qui connaît la plus forte concentration de tamouls canadiens, c'est-à-dire de tamouls hors du Sri Lanka, et la réponse généreuse des Canadiens au titre de l'aide après le tsunami a été particulièrement touchante. Quand on combine cette aide avec celle que nous avons consentie à Haïti et à l'Afghanistan, force est de constater que le gouvernement a fait d'importantes contributions à l'étranger à la suite d'événements survenus au cours des 12 derniers mois.
Le ministre a également été très actif dans le dossier de l'allègement de la dette des pays pauvres et le Canada assume un rôle de chef de file dans ce domaine depuis bien longtemps. En 2001, nous avons pris l'engagement de doubler notre aide internationale d'ici 2010. Dans le budget de 2005, nous avons prévu 3,4 milliards de dollars en nouvelles ressources à cette fin et le projet de loi C-48 vient amplifier cette initiative.
La dernière mesure proposée est celle du logement abordable puisque le gouvernement a l'intention d'affecter 1,6 milliard de dollars additionnels à la construction de logements à loyer modique, notamment pour les Autochtones. Nous nous sommes engagés à verser près de 3 milliards de dollars en 2000 pour régler les problèmes de logement abordable auxquels sont confrontés de nombreux Canadiens.
Encore une fois, ma circonscription est un cas type pour ce genre d'initiative. À un moment donné, nous fournissions des logements à quelque 1 400 sans-abri par nuit. Grâce aux initiatives concernant les sans-abri et à celles qui touchent au logement abordable, nous pourrons loger quelque 75 à 150 itinérants par nuit. Cette baisse du niveau de service n'est pas entièrement attribuable au gouvernement du Canada, car je sais que le gouvernement a pris les choses en main en ce qui concerne les sans-abri et les logements à prix modique. Ce problème est loin d'être réglé, mais dans ma circonscription au moins, nous nous sommes réjouis de l'initiative prise par le gouvernement et nous espérons que le projet de loi C-48 poursuivra dans ce sens.
Pour reprendre ma circonscription en exemple, sachez que la collaboration fédérale-provinciale a rendu possible la mise en œuvre d'un programme pilote visant à aider les familles à revenu faible ou modeste à devenir propriétaires de logements abordables. Je pourrais vous ennuyer ainsi pendant des heures en vous donnant les détails de ce programme, mais sachez que tout cela est très intéressant et que je suis très fier que le gouvernement du Canada ait pris l'initiative dans ce domaine. Ces sommes viennent s'ajouter aux 2 milliards de dollars que le gouvernement du Canada investit annuellement au titre des logements sociaux.
Je terminerai en vous disant que le projet de loi C-48 s'inscrit en complément de ce que le gouvernement a réalisé jusqu'ici, surtout avec le projet de loi C-43. Nous continuerons de respecter notre engagement qui est d'avoir des budgets équilibrés dans les cinq prochaines années. Soit dit en passant, la population est tout à fait d'accord avec ce budget ou du moins elle n'a pas l'impression qu'il va réduire la marge de manœuvre financière du gouvernement du Canada et croit que les fondamentaux de notre économie demeurent solides, même si certains membres de votre comité font non de la tête.
Le président : Merci, monsieur McKay. Je n'ai pas manqué de remarquer que vous n'avez pas parler d'un aspect dont ce comité s'occupe, c'est-à-dire l'examen du budget des dépenses. Comme nous sommes un comité parlementaire, nous nous intéressons à des questions comme la reddition de comptes et la transparence au Parlement.
L'un des problèmes que pose ce projet de loi, c'est que nous allons adopter un crédit de près de 5 milliards de dollars pour des dépenses à propos desquelles nous ne disposons d'aucun paramètre, d'aucune stratégie de versement ni d'aucune véritable estimation. J'ai remarqué que vous aviez cité avec une grande satisfaction le contrôleur général qui, nous avez-vous dit, vous a beaucoup rassuré. Nous sommes des parlementaires et nous aussi avons besoin d'être rassurés quant au pouvoir de surveillance du Parlement.
Où dit-on, dans ce projet de loi, que le Parlement va exercer son pouvoir de surveillance relativement aux dépenses proposées?
M. McKay : Monsieur le président, je suis certain que vous poserez ces mêmes questions au contrôleur général et je vous encourage d'ailleurs à le faire. Il vous donnera un avis beaucoup plus détaillé et impartial que le mien.
Le président : Mais vous aussi êtes parlementaire.
M. McKay : Toutes ces initiatives de dépenses sont sujettes à la surveillance habituelle du Parlement. Si une proposition budgétaire est soumise au Parlement, elle sera forcément examinée, ce qui nous place dans le scénario de l'examen du budget des dépenses.
M. Devries pourra peut-être ajouter quelque chose, mais nous avons ici un projet de loi qui est unique en ce sens qu'il prévoit des dépenses à partir d'un excédent budgétaire non prévu. Les sommes n'existent pas à moins que nous ne dégagions un excédent. Il n'y aura donc pas de dépenses s'il n'y a pas d'excédent. À certains égards, il n'est pas juste de s'attendre à ce que nous disposions de plans de dépenses détaillés tant que l'excédent n'est pas confirmé.
M. Peter Devries, directeur général, Cabinet du sous-ministre, ministère des Finances Canada : Monsieur le président, à certains égards, les dispositions du projet de loi C-48 ne sont pas différentes de celles du projet de loi C-43, si ce n'est que les versements sont conditionnés à la réalisation d'un excédent minimum de 2 milliards de dollars.
Dans le projet de loi C-43, les 700 millions de dollars destinés au développement de la petite enfance sont, dans certains cas, identiques à ce que nous demandons dans ce projet de loi pour ce qui est de grands blocs de dépenses envisagés.
Cependant, comme M. McKay l'a fait remarquer, le contrôleur général a déclaré devant le comité de la Chambre des communes que les ministères et les ministres devront respecter l'ensemble des critères pour recevoir ces fonds.
Le président : Est-ce que votre ministère a rédigé les critères en question?
M. Devries : Les critères sont les mêmes que pour n'importe quelle autre initiative de dépense gouvernementale.
Le président : Est-ce que le ministère des Finances y a participé?
M. Devries : Non! Cette responsabilité incombe au Secrétariat du Conseil du Trésor et aux ministres. Avant qu'un versement ne soit effectué, le Conseil du Trésor devra approuver les ententes de financement avec les bénéficiaires admissibles. Les budgets supplémentaires des dépenses, les rapports de rendement des ministères et les rapports sur les plans et priorités feront état des versements en question et la Vérificatrice générale vérifiera ces montants qui apparaîtront dans les comptes publics du Canada.
Le président : Est-ce qu'ils témoigneraient devant les comités parlementaires?
M. Devries : Oui, comme il s'agit de programmes statutaires et que le pouvoir de dépenser découle du projet de loi, les versements deviennent automatiquement des versements statutaires.
Le président : Doux Seigneur, c'est encore pire!
Honorables sénateurs, je vais demander la permission au sénateur Tkachuk de permettre au sénateur Ringuette de poser ses questions parce qu'elle doit participer à un autre comité.
Le sénateur Tkachuk : Eh bien, je suis d'accord avec cela, dans un esprit de collaboration.
Le sénateur Ringuette : Monsieur McKay, j'ai écouté très attentivement votre exposé. Les programmes de logement et d'éducation sont normalement financés par le biais de transferts aux provinces. J'ai l'impression que ces initiatives existent déjà et que le projet de loi ne fait que prévoir des sommes supplémentaires à condition que l'argent soit disponible. Il demeure que le financement du transport public, mentionné dans ce projet de loi, est quelque chose de nouveau, parce que je n'ai jamais entendu parler d'un tel programme. Comment cette initiative va-t-elle fonctionner?
M. McKay : J'envisage que c'est le ministre responsable, sans doute M. Godfrey, qui va négocier en vue de parvenir à des ententes individuelles avec les municipalités, selon les besoins.
Le sénateur Ringuette : Il va négocier avec les municipalités et pas avec les gouvernements provinciaux.
M. McKay : Non, l'article 3 du projet de loi donne d'ailleurs une orientation très générale en la matière :
3. Pour l'application de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, selon les modalités qu'il juge indiquées, autoriser tout ministre :
a) à élaborer et à mettre en oeuvre des projets ou programmes;
b) à conclure des accords avec des gouvernements provinciaux, des municipalités, des organismes ou des personnes;
c) à octroyer des subventions, à fournir des contributions ou à effectuer d'autres paiements;
d) sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, à majorer les sommes déjà affectées par le Parlement;
e) à constituer une personne morale dont une action, une adhésion ou une participation au moins serait, lors de la constitution, détenue par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle;
f) à acquérir d'une personne morale des actions, des adhésions ou des participations qui seraient, lors de l'acquisition, détenues par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle.
Le gouvernement pourrait donc aborder la question dont vous parlez de différentes façons.
Le sénateur Ringuette : L'expression transport public revêt un sens différent selon l'endroit où l'on habite au Canada. Au Nouveau-Brunswick, quand on dit que l'on finance les transports publics, on finance en fait les trains de passagers qui assurent la liaison entre de nombreuses petites collectivités. Il n'y a que trois villes au Nouveau- Brunswick où l'on trouve des transports publics.
Pour ce qui est de la question de la taxe de l'essence, la répartition entre les provinces a été effectuée au prorata de la population. Est-ce que la répartition du fonds destiné au transport en commun se fera selon le même principe pour que cette distribution soit équitable?
M. McKay : Voici ce que l'on apprenait dans un communiqué de presse du ministre John Godfrey :
L'investissement jusqu'à concurrence de 800 millions de dollars sera affecté aux provinces et aux territoires par habitant. Conformément à l'objectif de cette initiative, nous proposons que les ententes stipulent que nous distribuerons les fonds à chaque province et territoire, pour qu'ils les répartissent ensuite aux municipalités et aux sociétés de transport en commun. L'affectation des fonds sera fondée sur le nombre d'usagers des transports en commun.
Autrement dit, le calcul de la répartition se fera par habitant, mais l'affectation des fonds sera fondée sur le nombre d'usagers.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Le président : Monsieur Devries, quelle est la disposition qui stipule qu'il va s'agir de paiements législatifs?
M. Devries : Par la nature même du projet de loi, ces paiements sont automatiquement législatifs. M. Heiss va vous donner plus de détails à ce sujet.
M. Werner Heiss, directeur et avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances Canada : Voici ce que dit l'article 1 :
1. (1) Sous réserve du paragraphe (3), pour l'exercice 2005-2006, le ministre des Finances peut faire des versements, à prélever sur le Trésor, jusqu'à concurrence de la différence entre la somme qui, n'eût été ce prélèvement, aurait été l'excédent budgétaire de l'exercice — tel qu'il est prévu dans les Comptes publics établis conformément aux articles 63 et 64 de la Loi sur la gestion des finances publiques — et 2 milliards de dollars.
Cette disposition prévoit donc qu'il s'agira d'un crédit législatif assorti d'une restriction : le montant sera déterminé d'après l'excédent réalisé. Le maximum sera de 4,5 milliards de dollars et les limites individuelles sont précisées au paragraphe 2(1). Il s'agit d'une autorisation législative de tirer des fonds sur le Trésor pour alimenter le crédit parlementaire.
Le président : Que prévoit cet article relativement à l'examen par le Parlement?
M. Heiss : Comme il s'agit d'un crédit, le Parlement devra l'approuver.
Le président : Nous allons voter sur la dépense de 4,5 milliards de dollars, après quoi nous n'aurons plus rien à dire.
M. Heiss : Vous aurez bien sûr votre mot à dire par la suite parce que, comme M. Devries vous l'a indiqué, vous pourrez intervenir à l'étape de l'examen budgétaire pour chaque crédit législatif, et les occasions ne manqueront pas comme celles prévues dans le projet de loi C-43. Dès lors, les comités pourront tout de même exiger d'obtenir des renseignements et pourront demander d'autres précisions. L'examen se fera à l'étape de l'étude du budget des dépenses et par le biais des comptes publics. Grâce au rapport concernant les dépenses, les comités parlementaires auront la possibilité d'examiner ces dossiers. Ce ne sera pas différent des autres crédits législatifs et je crois d'ailleurs que 75 p. 100 des dépenses gouvernementales tombent dans ce cas de figure.
Le sénateur Stratton : Nous pensions que c'est ce que nous avions quand le scandale des commandites s'est produit. Combien d'argent a disparu ainsi sans que le Parlement ait pu examiner la question?
M. McKay : Seul le juge Gomery pourra vous répondre avec certitude et il ne s'est pas encore prononcé.
Le sénateur Tkachuk : À quel titre avez-vous participé à ce processus, monsieur McKay?
M. McKay : Je suis intervenu après les faits. Ce sont les leaders en Chambre qui ont négocié les paramètres concernant le projet de loi et ce n'est qu'ensuite que ce projet de loi a été rédigé. Je l'ai vu quand il est arrivé au ministère des Finances où nous en avons fait une étude article par article.
Le sénateur Tkachuk : Dans le cadre de la réunion du comité sur le projet de loi C-43, le ministre des Finances nous a déclaré qu'il avait eu des échanges téléphoniques quotidiens à ce sujet. Ne vous a-t-il appelé à propos de ce projet de loi?
M. McKay : Moi je l'ai certainement appelé, mais pas le contraire.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit que vous n'aviez eu rien à voir dans la rédaction de ce projet de loi. Avez-vous parlé au ministre pendant tout ce processus?
M. McKay : Oui, je lui ai parlé presque à la fin du processus.
Le sénateur Tkachuk : Malgré les bons mots du sénateur Day à propos de la façon dont vous administrez le ministère, on ne peut pas dire que vous ayez aussi bien fait dans le cas du projet de loi.
M. McKay : Il y a des jours où je me dis que ce n'est pas forcément une mauvaise chose.
Le sénateur Tkachuk : Je crois que nous pensons la même chose.
M. McKay : Personnellement, je passerai tout de suite à l'étude article par article sur ce seul aspect.
Le sénateur Tkachuk : Entendons-nous bien à`ce sujet. Vous avez parlé avec le ministre des Finances, mais pas au sujet de ce projet de loi ou alors, lui avez-vous parlé du projet de loi mais uniquement à la fin du processus? Quand vous lisez le journal, est-ce que vous prenez le téléphone pour demander au ministre ce qu'il y a de neuf dans l'actualité?
M. McKay : Je n'en suis pas loin.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous parlé de ce qui se passait? Il doit vous avoir dit ce qui se passait.
M. McKay : Nous nous sommes parlé à plusieurs reprises, mais essentiellement de sujets touchant au cadre financier et au respect de la discipline budgétaire pour lequel le gouvernement se bat depuis tant d'années.
Le sénateur Tkachuk : Vous ne vous préoccupiez pas de ce qu'il y avait dans ce projet de loi? Vous vouliez simplement vous assurer qu'il n'y aurait pas de déficit.
M. McKay : Je me suis bien sûr intéressé au contenu du projet de loi, parce que ce qui concerne le logement abordable est un aspect très important à mes yeux. Toutefois, quand on examine ce projet de loi depuis le ministère des Finances, on veut s'assurer qu'il n'y aura pas de déficit, que l'on va respecter le cadre établi et que l'on ne bousculera aucun des facteurs économiques fondamentaux.
Le sénateur Tkachuk : Parlons donc du logement abordable. M. Fontana a indiqué au comité que le gouvernement s'était d'abord engagé à consacrer 1,5 milliard de dollars sur cinq ans à ce dossier, ce que le ministre Goodale a d'ailleurs réitéré lorsqu'il a déposé son budget en 2005. Voici que le projet de loi accélère la réalisation de cet engagement, pour la ramener sur deux ans et porte les fonds prévus à 1,6 milliard de dollars.
Quand le sénateur Carstairs a parlé de ce projet de loi au Sénat, elle a demandé s'il s'agissait de nouveaux fonds, de fonds anciens, d'une dépense accélérée ou de fonds comprimés, ou encore d'une formule que vous appliquez aux Finances. Elle a affirmé qu'il s'agissait de fonds compressés, autrement dit que les 1,5 milliard de dollars s'étaient transformés à 1,6 milliard, qu'on avait, au départ, prévu 1,5 milliard mais qu'on avait comprimé la dépense sur deux ans plutôt que sur cinq. D'aucuns ont ajouté qu'il s'agissait de nouveaux fonds. Pouvez-vous tirer cela au clair pour nous?
M. McKay : Il s'agit de fonds entièrement nouveaux.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le ministre du Logement est au courant de cela?
M. McKay : J'étais là quand il en a parlé, mais comme je ne me souviens pas exactement de ce qu'il a dit, j'ai oublié sa position à cet égard.
Le sénateur Tkachuk : Eh bien, il a dit très clairement qu'il ne s'agissait pas de fonds nouveaux. C'est ce que nous a réitéré plus tard le sénateur Carstairs, au Sénat. Elle a déclaré qu'il s'agissait d'un investissement qu'on avait ramené de cinq à deux ans et que, ce faisant, il y avait davantage d'argent chaque année. C'est ce qu'elle nous a affirmé à la Chambre, mais elle non plus ne savait visiblement pas ce dont elle parlait.
M. McKay : Sans commentaire.
Le sénateur Tkachuk : On semble un peu confus, au gouvernement, quant au montant qui sera finalement investi.
Le sénateur Eggleton : Vous prenez toutes ces remarques hors contexte.
Le sénateur Tkachuk : Vous voulez avoir les extraits complets?
Le sénateur Eggleton : Je les ai ici.
Le sénateur Tkachuk : Moi aussi, mais je posais la question à M. McKay. Vous pourrez répondre à vos questions quand votre tour viendra.
M. McKay : Si nous continuons ainsi, il y a peut-être quelque chose de bon qui va découler de tout cela. Il s'agit d'une dépense conditionnée de 4,5 milliards de dollars dont 1,6 milliard ira au logement abordable. Je m'attends à ce qu'il s'agisse entièrement de fonds nouveaux.
Le sénateur Tkachuk : Sous réserve que l'on réalise un excédent de 2 milliards de dollars.
Cette somme sera-t-elle débloquée dès que l'excédent de 2 milliards de dollars sera atteint la première année et qu'un nouvel excédent de 2 milliards de dollars sera réalisé la deuxième année? Quand le cabinet pourra-t-il disposer de ces fonds?
M. McKay : Cela relève entièrement de la prérogative du gouvernement. En théorie, aucune somme ne pourra être dépensée la première année, à supposer qu'il y ait un excédent.
Le sénateur Tkachuk : Supposons que l'excédent soit de 3 milliards de dollars.
M. McKay : Eh bien, ce montant pourrait aller entièrement au remboursement de la dette, par exemple, et les initiatives envisagées pourraient être reportées à l'année suivante, si c'est ce que veut le gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Et qu'arrivera-t-il la deuxième année?
M. McKay : On peut supposer que la deuxième année, pour répondre aux exigences du projet de loi, il faudra commencer par confirmer un excédent de 2 milliards de dollars au moins, après quoi il sera possible de dépenser le surplus en fonction des 4,5 milliards de dollars prévus.
Le sénateur Tkachuk : Cela veut dire qu'il faudra réaliser plus de 2 milliards de dollars la première année et 2 milliards de dollars supplémentaires la deuxième année, sans qu'aucune dépense ne soit forcément faite la première année alors qu'on vise un total de 4 ou 4,5 milliards de dollars.
M. McKay : Il faudra dégager 4,5 milliards de dollars. Il faudra commencer par respecter le seuil annuel de 2 milliards de dollars après quoi les dépenses pourront être effectuées.
Le sénateur Tkachuk : Est-il envisageable qu'aucune somme ne soit pas dépensée au titre de ce projet de loi dans les deux années?
M. McKay : C'est une possibilité.
Le sénateur Tkachuk : Est-il également possible que le gouvernement dépense ces sommes à autre chose?
M. McKay : C'est une possibilité.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons placé les 2 milliards de dollars et nous disposons de 2 milliards de dollars supplémentaires, mais voilà que nous devons dépenser 4,5 milliards de dollars. Comment tout cela va-t-il fonctionner? Nous nous retrouvons avec 2 milliards de dollars la deuxième année, mais vous vous êtes engagé à dépenser 4,5 milliards de dollars avec vos acolytes du NPD.
M. McKay : Les 2 milliards de dollars de la première année sont obligatoires et ceux de la deuxième année le sont aussi. La dépense de 4,5 milliards de dollars est discrétionnaire. Tout pourrait être dépensé dans la première année, à partir de l'excédent dégagé, ou dans la deuxième année ou encore un peu chaque année. Il serait également possible que rien ne soit dépensé si nous ne réalisons pas un excédent supérieur à 2 milliards de dollars.
Le sénateur Tkachuk : Qui dit budget, dit budget des dépenses et loi d'exécution. Les gens qui reçoivent des fonds peuvent planifier, autrement dit il existe une certaine procédure. Les provinces aussi peuvent planifier. Voici que vous avez réservé des fonds pour le logement et l'éducation, fonds qui sont nouveaux d'après ce que vous nous dites... il existe une certaine confusion à ce sujet, mais je vous laisserai le soin de tirer tout cela au clair avec votre groupe. Qui s'occupera de tout cela? S'il faut dépenser l'argent en question, comment les gens vont-ils pouvoir faire des plans en conséquence? Par exemple, comment sera-t-il possible de réduire les frais de scolarité comme l'a promis M. Layton? Compte tenu de la façon dont vous fonctionnez, comment pensez-vous que les gens vont savoir qu'il faut viser une réduction des frais de scolarité?
M. McKay : Nous sommes dans l'année financière 2005-2006 et nous ne saurons pas quel sera l'excédent avant septembre 2006.
Je ne veux pas vous paraître trop brutal, mais si j'étais un ministère qui s'attend à recevoir de l'argent, je n'engagerais pas cet argent avant d'avoir la certitude que le gouvernement a réalisé un excédent. À ce moment-là, un crédit sera éventuellement accordé et le ministère aura éventuellement formulé des plans sur la façon de dépenser cet argent.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le gouvernement va être invité à se prononcer sur la façon dont cet argent doit être dépensé? Quand vous déciderez de dépenser cet argent, à l'automne 2006, si vous êtes encore au pouvoir, est-ce que le Parlement sera invité à voter des crédits ou est-ce le cabinet qui va répartir l'argent seul de son côté?
M. Devries : Le projet de loi C-48 donne au gouvernement l'autorisation d'effectuer des versements aux entités constituées durant l'année financière. Le gouvernement ne se représentera pas devant le Parlement pour obtenir l'autorisation de dépenser ces fonds. Le projet de loi C-48 autorise le gouvernement à dépenser l'argent de son côté. Les sommes seront ventilées en fonction des quatre catégories visées. En 2005-2006, les ministres responsables concluront des ententes de financement avec les bénéficiaires admissibles, ententes qui devront être en place avant la fin de la présente année financière, le tout étant conditionné à la réalisation d'un excédent d'au moins 2 milliards de dollars à la fin de l'exercice financier et lors de l'exercice financier prochain. Une fois que ces ententes de financement auront été signées avant la fin de la présente année financière, et une fois que nous connaîtrons l'excédent budgétaire, le gouvernement pourra répartir les fonds, selon les dispositions du projet de loi C-48 et selon les ententes conclues, entre les différents bénéficiaires admissibles.
Le sénateur Eggleton : Merci, monsieur McKay, de vous être rendu à notre invitation en compagnie de fonctionnaires du ministère des Finances. Je voudrais que nous parlions de trois questions qui ont été soulevées en deuxième lecture au Sénat. Le sénateur Tkachuk a parlé des conditions inhérentes à la reddition de comptes.
De nombreux sénateurs pensent que le projet de loi C-48 n'est pas aussi précis que le projet de loi C-43 ou que les autres textes budgétaires. Habituellement, quand un projet de loi est soumis au débat, on est davantage fixé ce à quoi l'argent sera destiné que dans le cas présent où nous n'avons que peu, voire aucun détail sur les programmes en question. Tout cela incombera aux ministères, ce qui est compréhensible étant donné que vous ne savez pas quelle proportion des 4,5 milliards de dollars sera disponible. Il faudra peut-être attendre un certain temps avant que vous sachiez cela. .
Il demeure qu'il est important de rendre des comptes au Parlement. Vous avez donné deux réponses qui concernent l'obligation de rendre des comptes au Parlement. D'abord, vous avez dit que les députés et les sénateurs auraient la possibilité d'examiner cette question en détail et de poser des questions aux fonctionnaires dans le cadre de l'étude du budget des dépenses supplémentaire. Deuxièmement, il y aura les rapports sur les plans et priorités. S'agira-t-il là des deux instruments de la surveillance parlementaire pour les 4,5 milliards de dollars?
M. McKay : La première réponse est liée aux remarques du contrôleur général que je vous ai citées en partie. Les conditions posées feraient état de paramètres de programmes plus précis accompagnés du niveau de vérification, d'évaluation, de rapport et de reddition de comptes approprié. Mon bureau examine les propositions de ce genre avant qu'elles ne soient soumises au Conseil du Trésor. Je vous répondrai en vous disant d'abord que le contrôleur général est satisfait par la façon dont le gouvernement aborde tout ce processus.
Vous avez vous-même répondu en partie à votre question, en ce sens qu'il s'agit d'une loi qui encadre la dépense d'un excédent non prévu. Les initiatives mentionnées ne seront pas dotées à moins qu'il y ait un excédent. C'est là quelque chose de tout nouveau. Quant à la surveillance du Parlement, elle existe presque par définition. En effet, le Parlement n'est en rien limité dans le genre de questions qu'il peut poser sur les initiatives de dépense et encore moins sur celles envisagées dans le projet de loi C-48.
Le sénateur Eggleton : J'essaie de déterminer quels seront les instruments dont le Parlement disposera pour exercer sa surveillance.
M. Devries : Il y en a plusieurs, le premier étant l'examen du projet de loi C-48 et des paramètres généraux qui régissent ce que demande le gouvernement. Puis, comme M. McKay l'a dit, avant que les ministères ne signent des ententes avec des bénéficiaires admissibles, ils devront se présenter devant le Conseil du Trésor qui effectuera un examen des ententes conclues. Le contrôleur général devra avoir la certitude que les ententes sont conformes aux conditions énoncées par le Secrétariat du Conseil du Trésor au moment où elles auront été signées.
Une fois que les ententes auront été mises en place et que les versements seront effectués, les sommes apparaîtront dans les budgets supplémentaires des dépenses, au titre des programmes législatifs, et les comités chargés d'examiner ces budgets supplémentaires des dépenses pourront ensuite poser des questions au ministre ou aux fonctionnaires concernés pour obtenir davantage de détails au sujet des programmes. La Vérificatrice générale vérifiera les flux monétaires. Comptes publics Canada publie les résultats définitifs et, dans leurs rapports sur les résultats ministériels de même que dans leurs rapports sur les plans et les priorités, les différents ministères donnent les détails des programmes et de ce qu'ils ont versé. Tout cela est sujet à examen par le Parlement.
Le sénateur Eggleton : L'éducation relève des provinces. Comme je suppose qu'elles n'auront pas à investir à part égale avec le gouvernement fédéral dans ce programme, elles n'auront pas à respecter les dispositions du projet de loi quand les 4,5 milliards de dollars seront débloqués.
Comme l'éducation est de compétence provinciale, comment est-ce que l'argent prévu à ce titre va aboutir dans ce dossier? Est-ce que les fonds seront versés dans le cadre des programmes gouvernementaux antérieurs comme les bourses du millénaires? Y aura-t-il des consultations fédérales-provinciales? Comment pensez-vous que tout cela va s'emboîter dans les responsabilités provinciales?
M. McKay : Le projet de loi lui-même est simplement destiné à financer les programmes de formation et à améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire. Par définition, tout n'est pas arrêté d'avance. Au chapitre de l'accès, par exemple, le gouvernement pourrait être appelé à traiter directement avec les étudiants eux-mêmes, à améliorer éventuellement les prêts étudiants, mais il est fort possible que le tout soit articulé en collaboration avec les provinces, dans leur champ de compétence, et que les sommes prévues transitent par les provinces. Tout s'emboîte harmonieusement également dans le cas des initiatives que le gouvernement envisage de lancer à propos des étudiants autochtones. C'est peut-être l'orientation que prendront les choses.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que tout ce qui concernera les frais de scolarité, par exemple, devrait faire l'objet de consultations avec les gouvernements provinciaux?
M. McKay : Je pense que oui, dans l'ensemble.
Le sénateur Eggleton : On ne connaît encore pas encore les détails des programmes envisagés, parce qu'ils sont en cours de préparation. Vous en avez parlé. Cependant, nous avons beaucoup d'information sur les programmes actuels dans les domaines du logement, de l'environnement, de l'enseignement postsecondaire et ainsi de suite. Je suppose que ces dépenses de 4,5 milliards de dollars n'iront pas forcément aux programmes existants. Je pense, par exemple, au programme du transport en commun qui est nouveau. Peut-on affirmer que l'essentiel de ces fonds pourrait aboutir dans des programmes existants ou alors que vous allez établir un cadre ou des lignes directrices sur la façon de dépenser cet argent?
M. McKay : Le paragraphe 2d) stipule que l'aide étrangère ne dépassera pas 500 millions de dollars et je ne vois pas comment nous pourrions mettre sur pied un programme de 500 millions de dollars. Je pense donc que cette somme se retrouvera dans le budget de fonctionnement de l'ACDI. Je pense pouvoir vous l'affirmer.
Pour ce qui est des 1,6 milliard de dollars destinés au logement abordable, notamment dans le cas des Autochtones, je crois que, dans son intervention devant le comité de la Chambre, le ministre a parlé d'un certain nombre de projets qu'il souhaiterait lancer.
Pour ce qui est des 900 millions de dollars destinés au transport en commun et aux travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations à loyer modique, dans ma réponse au sénateur Ringuette, j'ai parlé de ces initiatives destinées au transport en commun. Il s'agira sans doute de nouvelles initiatives que le ministre Godfrey va proposer à des fins bien précises.
Le sénateur Stratton : J'aimerais que nous revenions sur la question de la procédure qu'a soulevée le sénateur Tkachuk. Dans une année financière donnée, il y a deux types de budget, l'un en novembre et l'autre juste à la fin de l'année financière.
Si vous ne pouvez pas prendre de décision financière avant que vous ne fermiez les livres pour cette année-là, comment allez-vous vous débrouiller dans le cas des 4,6 milliards de dollars? Est-ce que vous allez vous occuper de cette somme dans le courant de l'année financière suivante?
M. Devries : Comme nous l'avons dit, il s'agit de programmes législatifs qui sont inclus dans le budget supplémentaire des dépenses et dans le budget des dépenses principal, mais pour information seulement.
Dans ce cas, pour l'année financière 2005-2006, nous connaîtrons l'excédent en septembre 2006. Il est établi que celui-ci devra être supérieur à 2 milliards de dollars. Supposons que la moitié des 4,5 milliards de dollars prévus dans ce projet de loi soit distribuée à un moment donné.
Le sénateur Stratton : En aurons-nous les détails dans le budget supplémentaire des dépenses?
M. Devries : À un moment donné, en septembre ou en octobre 2006, le gouvernement commencera à émettre des chèques.
Le sénateur Stratton : Quand le Parlement aura-t-il la possibilité d'examiner le détail de cette opération?
M. Devries : Il le ferait à l'occasion du dépôt du premier budget supplémentaire des dépenses pour 2006-2007, c'est- à-dire vers le mois de novembre, comme le veut la tradition.
À ce stade, vous saurez, pour les différents ministères, qui recevra quoi en fonction du projet de loi C-48 et comment cet argent sera réparti entre les différents joueurs, mais vous le saurez a posteriori.
Le sénateur Stratton : Il demeure que l'exercice du contrôle est continu.
M. Devries : Revenons-en au projet de loi C-43 qui prévoit 700 millions de dollars au titre du développement de la petite enfance. Cet argent a été placé en fiducie et il sera versé aux provinces sous réserve que le projet de loi C-43 soit adopté. Le détail des versements aux provinces sera connu a posteriori quand le budget supplémentaire des dépenses sera déposé à l'automne.
Le sénateur Stratton : Ce qui m'inquiète en partie au sujet du projet de loi sur le budget principal et non du projet de loi sur le budget du NPD, c'est que le gouvernement a réservé d'importantes sommes pour les garderies et que les provinces sont en train de négocier ces versements.
Quand il a comparu devant ce comité au sujet de son projet de loi sur le budget principal, le ministre des Finances nous a déclaré qu'il n'y avait absolument rien dans cette mesure pour le Canada rural, pour les résidents des villages ni pour les familles agricoles. Il a reconnu cela et a dit qu'il ne voyait pas comment il pourrait dégager de l'argent pour ces groupes de personnes.
Pour ce qui est des garderies, le financement prévu aboutira dans les grandes et les petites agglomérations qui ont une taille suffisante pour avoir des garderies. Dans le Canada rural, parents et enfants devront se débrouiller.
L'honorable McKay pourrait-il dire au comité ce que prévoit ce projet de loi pour les agriculteurs et pour les autres résidents des régions rurales du Canada?
Je comprends que l'on ait prévu quelque chose pour le logement autochtone dans ce projet de loi, parce que, pour avoir visité de nombreuses réserves au fil des ans, j'ai constaté que le logement y est déplorable depuis très longtemps. Cependant, que prévoit ce projet de loi pour les agriculteurs? Y a-t-il quelque chose pour le Canada rural? Y a-t-il quelque chose pour le secteur des pêches?
Ce projet de loi prévoit 1,6 milliard de dollars pour le logement à loyer modique, 1,5 milliard de dollars pour l'enseignement postsecondaire, 900 millions de dollars pour l'environnement, 500 millions de dollars pour l'aide étrangère et 100 millions de dollars pour la protection du revenu des travailleurs.
Que contient-il pour les agriculteurs qui sont dans une situation désespérée?
M. McKay : Une réponse superficielle m'amènerait à dire : rien! Vous pourriez d'ailleurs dire la même chose à propos de n'importe quoi ou presque. Ce projet de loi est de portée limitée en ce sens qu'il ne porte que sur quatre éléments. Il ne couvre pas tout. Il demeure que, quand on l'examine de près, on s'aperçoit qu'il ne contient aucune disposition empêchant les agriculteurs ou qui que ce soit d'autre de bénéficier de l'argent prévu au titre de la rénovation des logements en vue d'en améliorer l'efficacité énergétique. Je ne vois aucune raison pour laquelle un agriculteur ou sa famille ne pourrait pas bénéficier des fonds destinés à l'enseignement postsecondaire, ou encore aux sommes prévues pour le logement abordable et même pour l'aide étrangère.
On ne précise pas « agriculteur » ou « pêcheur » ou encore « personne dans le secteur des transports » parce que ce projet de loi veut s'adresser à l'ensemble des Canadiens.
Le sénateur Stratton : Les agriculteurs connaissent une crise bien particulière, à cause du prix déprimé des denrées qui est aggravé par le problème de l'ESB. Ils essaient de survivre économiquement et d'éviter la faillite, mais je ne vois pas grand-chose qui leur soit destiné dans ce projet de loi.
M. McKay : À cet égard, je veux être certain que vous êtes bien au courant du fait que le gouvernement a annoncé un programme d'aide de 1,1 milliard de dollars à l'intention des agriculteurs en mars dernier, ce qui est une somme considérable pour un seul secteur d'activité.
Le sénateur Stratton : Il est vrai que le gouvernement a annoncé 1,1 milliard de dollars, mais les agriculteurs ont besoin de 5 à 7 milliards. Ce n'est qu'une mesure de pure forme parce que les agriculteurs vont se retrouver en faillite et qu'ils se suicideront. C'est cela qui est préoccupant, quand on voit que le gouvernement fédéral se propose de consacrer 500 millions de dollars en aide à l'étranger. Je vous cite le site Internet du NPD :
500 millions $ pour l'aide étrangère qui permet au Canada, dès la première année, d'honorer sa promesse brisée depuis longtemps faite au monde entier.
Dans quelle mesure ces 500 millions de dollars vont-ils nous rapprocher de l'objectif de 0,7 p. 100 du PIB en aide à l'étranger que le Premier ministre s'était engagé à respecter? Pour l'instant, nous sommes juste en dessous de 0,3 p. 100. Combien de plus vous faudra-t-il pour que nous parvenions à 0,7 p. 100?
Le gouvernement s'est engagé à réaliser cet objectif, mais il n'a pas dit qu'il le ferait d'ici 2015, contrairement à la plupart des autres pays qui ont pris le même engagement. Dans quelle mesure ces 500 millions de dollars vont-ils nous aider à réaliser notre objectif au chapitre de l'aide étrangère?
M. McKay : Si je me souviens bien des chiffres, pour parvenir à cet objectif, il faudrait que nous investissions environ 41 milliards de dollars en 10 ans, ce qui est énorme. Si je me souviens bien, le premier ministre Martin s'était engagé à ce que le gouvernement réalise l'objectif de 0,7 p. 100, mais uniquement en fonction des ressources disponibles. Il n'était pas prêt à prendre un engagement que nous ne serions pas en mesure de respecter.
Je me permets également de vous rappeler qu'un certain nombre d'interventions tombent sous le coup de l'APD, mais d'autres pas. Ainsi, l'aide que le Canada a apportée en Haïti et en Afghanistan, de même que l'aide que nous nous préparons à apporter au Darfour ne font pas partie des chiffres de l'APD.
Le président : Qu'est-ce que l'APD?
M. McKay : C'est l'aide publique au développement. Le gouvernement du Canada conduit plusieurs projets dotés de budgets assez importants qui ne comptent pas cependant pas dans la réalisation de l'objectif de 0,7 p. 100.
Le Canada est un leader mondial en matière d'allègement de la dette des pays à faible revenu, mais rien de ce que nous faisons sur ce plan ne compte au titre de notre engagement à atteindre 0,7 p. 100 du PIB. Le Premier ministre Martin a fort bien répondu à votre demande en déclarant que le Canada s'engagera spécifiquement à atteindre 0,7 p. 100, qu'il se fixera des objectifs véritables pouvant être atteints et qu'il travaillera dans ce sens.
Le sénateur Stratton : Il a fait machine arrière par rapport à ses premières déclarations.
M. McKay : Je ne pense pas.
Le sénateur Stratton : Vous n'avez pas répondu à l'une des questions fondamentales : quelle va être la contribution de ces 500 millions de dollars? Le site du NPD dit que, dès la première année, cette somme permettra au Canada d'honorer sa promesse brisée qu'il avait faite il y a longtemps déjà au monde entier.
Le sénateur Murray : Parlons-nous des chiffres d'APD?
M. McKay : Pas forcément.
Le sénateur Murray : Vous voyez, sénateur!
M. McKay : Nous ne prenons généralement pas nos consignes en matière de politique sur le site Internet du NPD.
M. McKay : Tout ce que je peux vous dire c'est que, dans le cas de l'aide à l'étranger, la somme prévue ne dépassera pas 500 millions de dollars, même si elle doit être consignée au chapitre de l'APD.
Le sénateur Stratton : Ce que je veux dire, c'est que nous n'avons aucun détail quant à la façon dont ces 500 millions de dollars seront dépensés. Pour ce qui est de 1,6 milliard de dollars prévus pour le logement et des 1,5 milliard de dollars prévus pour l'enseignement postsecondaire, nous trouvons au moins quelques précisions dans le projet de loi. Cependant, vous ne pouvez même pas me dire à quoi va servir une seule cent des 500 millions de dollars prévus.
M. McKay : Je ne sais pas ce que l'on va réaliser avec cette somme, parce que c'est un projet de loi qui porte sur l'utilisation d'un excédent imprévu.
Le sénateur Harb : Je veux vous poser des questions au sujet de la façon dont les programmes seront offerts. Je crois comprendre que ce projet de loi va permettre au gouvernement d'affecter 4,5 milliards de dollars s'il réalise d'abord un excédent de 2 milliards de dollars.
Nombre des programmes auxquels le gouvernement consacrera des fonds concernent des gouvernements provinciaux. Si nous entamions, dès à présent, des discussions avec les gouvernements provinciaux au sujet des méthodes de transfert de ces fonds, est-ce que le Parlement aurait encore son mot à dire à cet égard?
Est-ce que nous devons d'abord obtenir l'aval d'un certain nombre de provinces pour remplir cet engagement ou est- ce que ces fonds seront versés, même si toutes ne sont pas d'accord?
M. McKay : Les quatre initiatives ne sont pas liées entre elles. Nous venons juste de parler des sommes destinées à l'aide à l'étranger. Aucun des programmes mentionnés n'exige que l'on négocie avec les provinces ou avec qui que ce soit d'autre. Il s'agira simplement d'un transfert de fonds aux ministères et il appartiendra au gouvernement et au gouvernement seul de décider si ces sommes seront destinées à l'APD ou à autre chose.
Pour ce qui est du logement à prix modique, il existe plusieurs solutions et le ministre a d'ailleurs déclaré devant le comité de la Chambre qu'il souhaite en voir aboutir certaines. Prenez l'article 3 du projet et vous verrez qu'il énonce plusieurs façons pour le gouvernement de conclure des ententes de financement avec différentes entités, qu'il s'agisse d'une province, d'une municipalité ou autre. Ce serait une façon de faire dans le cas du logement abordable.
Pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire, je crois qu'il est très probable que des accords seront directement conclus avec les provinces. Je pense que c'est ce qu'il y a de plus probable mais les événements pourraient prendre une tournure différente que nous ne pouvons actuellement pas anticiper.
Le sénateur Harb : En fait, rien n'empêcherait le gouvernement de mettre sur pied une sorte de société qui canaliserait ces fonds par le biais de modalités qu'elle-même déciderait. Par exemple, le conseil d'administration de cette société pourrait dire qu'il dispose de l'argent et qu'il va l'utiliser de telle ou de telle façon. Voilà qui devrait calmer les préoccupations de certains de mes collègues et qui répond à la question de la reddition de comptes au Parlement. Le gouvernement se trouverait essentiellement à s'acquitter de ses engagements en canalisant l'argent destiné au logement par l'intermédiaire de la SCHL. La même chose s'appliquerait à l'éducation parce qu'il serait possible de mettre sur pied un fonds du millénaire qui deviendrait un mécanisme de prestation. Rien n'empêcherait le gouvernement d'agir ainsi et, plus tard, de se représenter devant le Parlement pour indiquer que les fonds se trouvent à tel ou tel endroit et qu'ils seront dépensés de telle ou telle façon, autrement dit de faire annuellement rapport au Parlement sur l'utilisation des fonds.
Par ailleurs, je ne vois rien dans ce projet de loi qui impose de dépenser chaque dollar prévu en 2006, en 2007 ou en 2008. On prévoit simplement que certaines sommes devront être affectées ces années-là. Ai-je raison ou suis-je passé à côté de quelque chose?
M. McKay : Je vais répondre à la première partie de votre question. Le passage de l'affectation des ressources à la dépense des fonds est quelque chose d'autre.
Regardez ce que dit le paragraphe 3e) :
e) à constituer une personne morale dont une action, une adhésion ou une participation au moins serait, lors de la constitution, détenue par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle.
M. Devries a fait une analogie en parlant des garderies, parce que c'est un concept parallèle.
En théorie, si nous réalisons et dépassons l'excédent de 2 milliards de dollars, les sommes pourront être affectées en totalité comme le prévoit le paragraphe 3e). Cet argent serait distribué en fonction des ententes conclues avec différentes entités, mais tout cela serait encore soumis à l'examen du Parlement, ce que M. Devries est tout à fait disposé à vous expliquer davantage.
Le sénateur Harb : Monsieur Devries, est-ce que le Parlement pourrait alors demander aux organisations comment elles entendent dépenser les fonds en question?
M. Devries : Oui, le Parlement pourrait leur demander comment elles vont affecter ces fonds et à quels résultats elles entendent parvenir avec ces fonds.
Le sénateur Harb : Est-ce que le Bureau du vérificateur général aurait le pouvoir de faire une vérification auprès de ces organisations?
M. Devries : Le Bureau du vérificateur général peut vérifier les organisations en question à ce sujet, selon les sommes dont elles disposent, comme nous l'avons vu à l'occasion du projet de loi C-43.
Le sénateur Harb : Est-ce qu'elles devront dépenser les sommes en question durant l'année où elle les recevront ou est-ce qu'elles pourront échelonner cela sur plus longtemps?
M. Devries : En vertu du projet de loi C-48, l'affectation des fonds est conditionnelle à la réalisation d'un excédent d'au moins 2 milliards de dollars au cours de chacune des deux années financières en question. Cela ne pourra être déterminé que lorsque nous aurons les résultats définitifs.
Le projet de loi C-48 impose une responsabilité pour l'une ou l'autre de ces deux années financières, car il est prévu que l'excédent qui sera réalisé au cours de ces deux exercices financiers se retrouve dans la réserve.
Les organisations qui pourront prétendre à ces fonds pourraient les recevoir sous la forme d'un seul chèque ou de plusieurs chèques échelonnés dans le temps. Tout dépendra de leurs besoins de financement.
Le sénateur Harb : Quand vous leur remettrez ce chèque, devront-elles le dépenser?
M. Devries : Elles n'auront pas à le dépenser d'un seul coup. En revanche, elles le dépenseront en fonction des ententes qu'elles auront conclues avec d'autres.
Le sénateur Harb : C'est une question délicate que je vous pose. Ce projet de loi contient-il quoi que ce soit qui empêche le gouvernement de consentir des réductions fiscales aux contribuables de revenu faible ou moyen?
Deuxièmement, si vous aviez 500 millions de dollars à dépenser en plus des 2 milliards de dollars, comment répartiriez-vous ces fonds? Avez-vous une formule indiquant la façon dont ces sommes seront canalisées, advenant que vous n'ayez que 300 millions ou 500 millions de dollars, et qui précise que vous allez consacrer un certain pourcentage à l'aide à l'étranger et un autre pourcentage au logement?
Avez-vous une formule de ce type qui précise la façon dont les sommes seront divisées?
Tout cela me semble un peu rigide. Vous semblez assez certain de dégager les 4,5 milliards de dollars et de pouvoir les dépenser dans tous les domaines énoncés. Pourtant, si vous n'obtenez pas cette somme, disposez-vous d'une formule qui établisse comment dépenser les fonds dont vous disposerez alors?
M. McKay : Je vais commencer par la première partie de votre question, celle concernant la façon dont l'argent sera dépensé. Nous l'avons dit et redit, il faudra d'abord réaliser un excédent de 2 milliards de dollars, après quoi il faudra alimenter le fonds de prévoyance. Si les recettes ne sont pas là, eh bien l'argent ne sera pas dépensé.
Les recettes pourraient être insuffisantes pour plusieurs raisons. D'abord, l'économie pourrait ne pas se porter aussi bien auquel cas les recettes de l'État ne permettraient pas de réaliser les prévisions budgétaires. Ainsi, je vous dirai d'abord que tout cela dépend du cadre budgétaire et des prévisions financières à terme de deux ans. Il faudrait que quelque chose de grave arrive à notre économie pour que nous n'envisagions pas de dépenser cet argent.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que nous pourrions éviter des dépenses en ne consentant pas d'allègements fiscaux et donc en ne diminuant pas intentionnellement les recettes du gouvernement du Canada.
Pour y parvenir, nous devrions nous livrer à une importante manipulation en fonction de laquelle le prochain projet de loi budgétaire devrait anticiper une réduction importante des recettes gouvernementales. Très honnêtement, je ne pense pas que nous nous trouvions dans ce cas de figure, mais il serait toujours possible de manipuler intentionnellement les recettes de l'État pour qu'elles ne paraissent pas aussi importantes et que l'on évite de dépenser les sommes prévues au projet de loi C-48. Je ne peux imaginer ce cas de figure, mais c'est dans le domaine du possible sur un plan théorique.
Quant à la formule de répartition des fonds, advenant que l'on retire moins de 4,5 milliards de dollars, je ne suis personnellement au courant de rien.
Le président : Le sénateur Harb a posé quelques excellentes questions et je vais moi-même en poser une à M. Heiss dans la foulée de ce que lui a demandé le sénateur Harb. Deux personnes ont cité le paragraphe 3e) en exemple. Je vous le lis :
à constituer une personne morale dont une action, une adhésion ou une participation au moins serait, lors de la constitution, détenue par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle;
Le comité sait que le ministère des Finances a conclu, avec des fondations, des ententes qui leur permettent d'échapper à l'examen parlementaire.
Comment le Bureau du vérificateur général du Canada ou le Parlement pourront-ils avoir le droit d'examiner ces fonds détenus en fiducie au nom de l'État si une disposition du projet de loi ne précise pas ce droit?
Êtes-vous en train de nous dire que vous allez rédiger un article stipulant qu'il faudra donner au Parlement le droit d'examiner la destination de ces fonds? Comme vous le savez, un certain nombre de fondations échappent à ce type d'examen.
M. Heiss : L'approbation des conditions qui se rattacheront aux différentes ententes que telle ou telle société pourra conclure de son côté, sera fonction de la politique d'approbation du Conseil du Trésor. Vous devrez poser cette question aux représentants du Conseil du Trésor quand ils se présenteront devant vous, mais je crois savoir que la politique actuelle prévoit un certain examen en vertu du cadre établi.
Le président : C'est ainsi que ça se passe et c'est de pratique normale? C'est ce que vous dites?
M. Heiss : Vous devrez poser la question au Conseil du Trésor qui fixe les conditions relatives à la conclusion de ce genre d'ententes. Il est bien placé pour le savoir.
M. Devries : Le projet de loi C-43 donne au Bureau du vérificateur général le pouvoir d'examiner le rendement et d'effectuer des vérifications de conformité dans le cas des fondations qui reçoivent au moins 100 millions de dollars sur cinq ans.
Le président : Et pour tout ce qui est inférieur à ce niveau, il n'est toujours pas possible de faire intervenir le Bureau du vérificateur général.
M. Devries : Pas en vertu de lois spécifiques. Cependant, si la Vérificatrice générale voulait examiner la destination des fonds, je suis sûr que le gouvernement pourrait prévoir quelque chose en ce sens.
Le président : Ça va pour la vérificatrice générale, mais qu'advient-il du Parlement?
M. Devries : Encore une fois, le Parlement peut convoquer ces organisations, comme vous l'avez fait dans le passé, et leur poser des questions qui intéressent ce comité.
M. Heiss : Traditionnellement, au moment de la conclusion de ce genre d'ententes, le Conseil du Trésor exige que les sociétés déposent leurs états financiers. Dès lors, le Parlement a la possibilité de poser des questions et d'inviter des représentants des sociétés à témoigner.
Le président : C'est bon à savoir.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est la première fois que j'ai la chance de siéger à un comité des finances. Cela me donne donc l'occasion d'examiner un projet de loi des finances de très près, ce que j'apprécie beaucoup.
On a répondu à la plupart des questions que je me posais. J'ai entendu des mots comme « insouciant », « non prévu », « effrayant » et « ruineux », mais je ne sais plus qui les a prononcés.
J'ai pourtant l'impression qu'il s'agit d'un projet de loi très prudent qui respecte l'engagement du gouvernement de ne plus retomber dans les déficits. Je ne vois rien de nouveau dans cette mesure. Elle fait simplement état d'un engagement plus important et conditionnel. Je me trompe?
M. McKay : Vous avez raison. Ce que cette mesure a de particulier, c'est qu'elle concerne un excédent non prévu. Les fonctionnaires qui m'accompagnent pourront me corriger si je me trompe, mais je ne me rappelle pas qu'un tel projet de loi disant « advenant que nous ayons l'argent, voici les domaines dans lesquels nous aimerions le dépenser » ait jamais été soumis au Parlement. C'est tout à fait unique à cet égard et c'est donc une mesure prudente.
Tout à l'heure, j'ai cité le contrôleur général et je suis certain que vous pourrez vous-même lui poser des questions dans un instant. C'est lui qui a parlé d'approche prudente en matière de gestion financière. Je crois que ce projet de loi correspond effectivement à cette définition.
Je crois pouvoir dire que le Canadien moyen a effectivement rejeté l'idée véhiculée par certains médias selon laquelle le gouvernement est en train de revenir sur son engagement en matière de discipline financière.
Si vous êtes en mesure de dire quelle incidence le projet de loi C-48 a eu sur la valeur du dollar, c'est que vous êtes beaucoup plus avancé que moi. Personnellement, je ne pense pas que ce projet de loi ait eu une incidence sur les taux d'intérêt, sur l'inflation ou sur l'activité économique. Nous connaissons des taux de chômage relativement bas et des taux de participation au marché du travail particulièrement élevés. Je crois qu'il faut remonter à l'an 2000 pour que nous trouver des taux de chômage de 6,7 p. 100. La participation au marché du travail a légèrement chuté, mais un grand nombre d'emplois à temps plein ont été créés en contrepartie.
L'économie se porte relativement bien. Les Canadiens se disent que le gouvernement devrait commencer à dépenser et ils ont relativement bien accueilli ce projet de loi. La population et les observateurs de la scène économique se sont exprimés et je crois pouvoir dire que c'est à notre avantage.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce caractère unique du projet de loi m'intéresse. Tout au long des années 90, nous avons été aux prises avec d'énormes déficits, mais il n'a jamais été proposé dans un seul budget de dépenser l'argent de telle ou telle façon à condition de juguler d'abord le déficit.
M. McKay : Vous savez, quand on creuse un trou de 42 milliards de dollars, on ne se demande pas ce que l'on va faire une fois que le trou sera comblé.
Le sénateur Trenholme Counsell : Sur le plan philosophique, c'est ce que nous faisions, mais cela n'a jamais été consigné de la sorte.
M. McKay : Quand vous avez un déficit accumulé qui donne lieu à une dette énorme, vous ne pouvez pas penser à ce que vous pourriez faire advenant que vous dégagiez un excédent.
C'est la huitième année de suite que le gouvernement dégage un excédent et on nous a reproché, à l'occasion des deux ou trois derniers excédents, de dépenser ces sommes sans autorisation. Ce projet de loi est une réponse à ce genre de critique. C'est tout un progrès pour le gouvernement du Canada que de dire : « Eh bien, si nous réalisons un excédent non prévu, c'est-à-dire si nous dégageons plus de recettes que ce que nous avons à payer pour couvrir les dépenses prévues, nous aimerions consacrer les fonds supplémentaires à tel ou tel domaine. Qu'en pensez-vous, vous les parlementaires? » Eh bien, c'est ce que nous faisons, nous demandons au Parlement ce qu'il pense de tout cela et nous lui disons que nous aimerions dépenser dans quatre domaines.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je le répète, je trouve que le projet de loi C-48 est une mesure à la fois prudente et visionnaire. Je suis très intéressée par le fait que l'on a inclus les étudiants autochtones dans le dossier de l'éducation postsecondaire, parce que je crois que c'est la seule réponse à long terme pour régler les problèmes de santé et des problèmes sociaux de cette partie de la population.
Avez-vous une idée, en ce qui vous concerne, de la proportion qui sera consacrée aux Autochtones canadiens, sur les 1,5 milliard de dollars prévus?
M. McKay : Je ne me rappelle pas qu'il soit question d'une affectation particulière. Cela sera décidé à l'occasion de négociations.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai entendu quelqu'un dire que la réduction des frais de scolarité est une priorité. C'est le cas ou n'est-ce que pure spéculation?
M. McKay : Dans le projet de loi, on parle d'améliorer l'accessibilité, ce qui pourrait concerner les frais de scolarité mais aussi d'autres choses.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que d'autres budgets prévoyaient des améliorations de l'efficacité énergétique pour les habitations à loyer modique?
Il faudra qu'il y ait vraiment beaucoup d'argent avant que j'espère me prévaloir des dispositions budgétaires concernant l'amélioration énergétique de mon domicile.
M. McKay : On s'attend, je crois, à ce que cette initiative vienne s'ajouter à d'autres qui existent déjà. Je ne pense pas qu'il s'agira d'un programme indépendant. Je ne suis cependant pas en mesure de répondre précisément à votre question. Nous essaierons de vous répondre autrement, en plus de ce que je viens de vous dire.
Le sénateur Trenholme Counsell : Le dossier du transport en commun ne relève pas de votre ministère, mais je me demande si l'ancien ministre des Transports poursuit ses négociations à propos des nouveaux types de desserte ferroviaire dans le corridor Windsor-Montréal, de même qu'entre le centre-ville de Toronto et l'aéroport.
M. McKay : Je sais que le ministre Godfrey s'est entretenu avec certains maires à propos de ce qu'ils entendent faire des sommes destinées au transport en commun. Je ne me rappelle pas avoir entendu parler de conversations au sujet du corridor Québec-Windsor, pas plus qu'avec une liaison entre l'Aéroport Pearson et le centre-ville de Toronto. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, parce qu'elle relève de la responsabilité du ministre Godfrey et des négociateurs.
Le sénateur Trenholme Counsell : Connaissez-vous les chiffres de l'aide internationale pour 2001 et savez-vous ce qu'ils seront en 2010?
M. McKay : Comme l'a justement indiqué le sénateur Stratton, l'APD correspond à un peu moins de 0,3 p. 100 du PIB, la base étant de 3 milliards de dollars. Elle progresse à raison de 8 p. 100 par an, à un rythme en général deux fois supérieur au taux de progression prévu du PIB. Ainsi, si l'on prévoit un taux de progression du PIB de 4 p. 100 par an, cette partie du budget augmentera à un rythme deux fois supérieur, c'est-à-dire à 8 p. 100.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai entendu dire qu'il y a un arriéré dans le traitement des fonds destinés aux logements sociaux. Êtes-vous au courant de cela dans le cadre du processus budgétaire?
Vous pourriez peut-être nous parler de vos cas de réussite du côté des nouveaux développements domiciliaires.
M. McKay : Sénateur, votre question est ironique, parce qu'un des secteurs de ma circonscription a été rangé parmi les plus pauvres au Canada, je veux parler de Scarborough. Les banlieues héritent de toute la pauvreté de Toronto. J'aimerais bien savoir comment les choses vont évoluer, mais je ne peux répondre à votre question.
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous pourrons peut-être poser la question au ministre plus tard.
Le sénateur Murray : J'aimerais obtenir une précision au sujet de l'excédent annuel de 2 milliards de dollars. Ce projet de loi autoriserait la dépense de toute somme en plus de ce coussin de 2 milliard de dollars, jusqu'à hauteur de 4,5 milliards. Si l'excédent était supérieur à ce chiffre, le gouvernement pourrait, comme il l'a fait par le passé, créer de nouvelles fondations par exemple.
M. McKay : Ce projet de loi n'est assorti d'aucune restriction formelle. Comme les sénateurs le savent, il s'agit d'une loi d'habilitation et le gouvernement peut dépenser l'argent en conséquence.
Le sénateur Murray : Il aura la possibilité de dépenser plus que les 4,5 milliards de dollars proposés dans le projet de loi.
M. McKay : Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Murray : Je n'ai rien contre le fait que le gouvernement ait conclu un accord avec les néo-démocrates, ni qu'il envisage d'investir plus d'argent dans ces grands domaines. Je n'ai rien contre, surtout que l'on n'a pas vraiment de détails quant à la façon dont tout cela sera dépensé.
En quelque sorte, nous nous parlons entre nous. La plupart des membres du comité s'inquiètent du contrôle que le Parlement peut exercer sur les fonds publics et les fonctionnaires, pour leur part, nous parlent des différents clapets de sécurité et des procédures de contrôle interne. Quand nous voulons parler de contrôle par le Parlement, les fonctionnaires nous répondent qu'il s'agit d'une autorisation législative comme n'importe quelle autre. Nous savons ce que sont des programmes législatifs comme la sécurité de la vieillesse, la péréquation et l'assurance-emploi.
Ce projet de loi se compare à ces programmes législatifs de la façon la plus étroite qui soit au sens légal du terme, parce qu'il s'agit d'une loi d'autorisation. M. McKay a raison d'affirmer que c'est un projet de loi unique. Jamais le Parlement n'a été saisi d'un tel projet de loi. C'est une attaque sans précédent contre la capacité du Parlement d'exercer son contrôle sur l'utilisation des fonds publics. L'aide à l'étranger, dont il a été question tout à l'heure entre M. McKay et le sénateur Stratton, en est un bon exemple. Il s'agit d'aide à l'étranger et pas d'aide publique au développement. Je crois que nous avons maintenant une meilleure idée de ce qu'est l'aide publique au développement. L'aide à l'étranger pourrait prendre la forme d'une plaque apposées en Italie ou en Écosse.
Je n'ai pas beaucoup suivi les audiences de la Commission Gomery, mais quand j'ai regardé la télévision l'autre jour, je suis tombé sur un échange entre des hauts fonctionnaires qui se demandaient si le programme des commandites était un véritable programme. Je crois qu'ils ont fini par s'entendre sur le fait qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un programme parce que celui-ci n'était pas assorti de paramètres.
À la façon dont l'administration publique comprend les choses, un programme est très différent d'une initiative. Nous nous trouvons exactement dans ce cas de figure avec ce projet de loi. C'est presque comme si nous donnions carte blanche au gouvernement pour dépenser ce qu'il veut dans divers domaines mal définis.
Il donne l'autorisation au gouvernement de mettre sur pied des sociétés quasi publiques, des quasi sociétés d'État, et de conclure des ententes avec divers organismes publics ou privés. Et quand aurons-nous les détails de tout cela?
À un moment donné, nous serons saisis des budgets supplémentaires des dépenses, il y aura aussi les rapports des comptes publics et le rapport de la Vérificatrice générale. Tout cela tourne en dérision la notion de contrôle des fonds publics par le Parlement. Je n'ai rien de plus à dire à ce sujet, si ce n'est que je suis véritablement interpellé par ce qui se passe.
M. McKay : Comme nous avons parlé d'aide à l'étranger, je vais me servir de ces chiffres. Le projet de loi C-43 prévoit 500 millions de dollars et le projet de loi C-48 en prévoit 500 millions de plus. Quelle est la différence entre ces deux types d'affectation pour ce qui est de la surveillance par le Parlement? La seule différence essentielle selon moi c'est que, dans un cas, la dépense est engagée et que, dans l'autre, elle ne l'est pas.
Une fois que l'affectation de 500 millions de dollars aura été décrétée pour l'aide à l'étranger, rien n'empêchera le sénateur Stratton, le sénateur Murray et le sénateur Tkachuk de demander au ministre ou à d'autres responsables qui comparaîtront devant eux de leur expliquer, a posteriori, pourquoi ils ont dépensé de l'argent dans des programmes relevant normalement de l'APD?
Le sénateur Murray : Si vous me le permettez, ce n'est pas ainsi que ça se passe. Ce n'est pas ainsi que le Parlement contrôle la façon dont les fonds publics sont dépensés, comme vous l'avez constaté.
M. McKay : Le gouvernement se trouve à inviter le Parlement à se prononcer sur l'utilisation de fonds qu'il dégagera éventuellement. J'y vois une amélioration plutôt qu'une détérioration du rôle du Parlement.
Le sénateur Murray : Quel mot avons-nous à dire dans tout cela? Devrions-nous investir davantage d'argent dans ces domaines généraux? Le Parlement a toujours insisté sur le fait qu'il voulait plus d'informations que celles contenues dans les projets de loi sur la façon dont l'argent va être utilisé.
Même si vous vous étiez contenté de parler d'aide publique au développement, j'aurais eu au moins une idée de ce que vous vouliez dire. Toutefois, il y a une bonne raison pour laquelle vous avez employé l'expression « aide à l'étranger ». Quelqu'un, quelque part, a sa petite idée de la façon dont cet argent sera dépensé en dehors de ce que l'on conçoit traditionnellement et généralement comme étant de l'aide publique au développement. J'aimerais beaucoup savoir de qui il s'agit ou ce qu'est cette idée au juste, mais il nous faudra attendre longtemps pour cela.
M. McKay : Préférez-vous la situation actuelle qui consiste à affecter d'avance des excédents non prévus en fonction des priorités du Cabinet?
Le sénateur Murray : Mais c'est exactement ce que nous faisons avec ce projet de loi.
M. McKay : Pas du tout. Vous indiquez au gouvernement que les dépenses devront se faire dans quatre domaines bien particuliers.
Le sénateur Murray : Ce ne sont pas des domaines bien particuliers.
Le président : Si vous réalisez un excédent de 5 milliards de dollars au-delà du seuil de 2 milliards de dollars, vous pourrez utiliser ces 5 milliards à autre chose qu'aux quatre éléments qui sont prévus dans ce projet de loi.
M. McKay : Ce n'est pas obligatoire, aucun projet de loi budgétaire n'est contraignant. On utilise des expressions du style « pourra dépenser » mais jamais « doit dépenser ». C'est toujours « peut dépenser ». C'est la même expression qui se retrouve dans tous les projets de loi budgétaires.
Le président : Comme nous l'a dit votre avocat, en vertu de vos pouvoirs ministériels, cette notion de possibilité vous donne un pouvoir statutaire.
M. McKay : Cela rejoint le libellé du projet de loi C-43 ou de tout autre projet de loi budgétaire dont vous avez pu être saisi dans le passé.
Le président : Je ne veux pas faire dire certaines choses au sénateur Murray, mais l'un des défauts qu'il a soulevés me semble être le suivant. Qu'adviendrait-il si vous décidiez de revenir devant le Parlement avec un projet de loi de deux pages pour demander un crédit de 15 milliards de dollars destiné à six catégories de dépenses. N'êtes-vous pas en train de créer un précédent et de dire que c'est ainsi que nous voulons agir désormais au Canada?
C'est un fait que le sénateur Murray voulait sans doute vous dire quand il vous a posé sa question. Jusqu'où allez- vous aller? Allez-vous déposer un projet de loi de trois pages à l'automne pour demander au Parlement de consentir un nouveau crédit de 15 milliards de dollars au gouvernement? Est-ce ainsi que nous allons procéder?
M. McKay : Si le gouvernement envisage de réaliser d'autres excédents non prévus dans l'avenir, c'est peut-être ainsi qu'il décidera de procéder. C'est peut-être un précédent en ce sens. Mais ce n'est pas forcément le cas. Je ne sais pas.
Pour en revenir à votre exemple hypothétique des 15 milliards de dollars, la question consiste à se demander si l'on veut se lancer dans un concept parlementaire purement intellectuel qui serait celui des projets de loi visant à utiliser des excédents non prévus. Si ce n'est pas une bonne idée, si vous préférez laisser tout cela aux soins du Cabinet, le Parlement pourra toujours en décider ainsi.
Si ce projet de loi représente une initiative qui paraît bonne pour le Parlement, autrement dit qui lui permet d'avoir une certaine voix au chapitre — même si elle n'est pas aussi parfaite que le souhaiteraient le sénateur Murray et d'autres — alors il s'agit peut-être d'un précédent en matière d'établissement des lois.
Le sénateur Murray : L'objet de cette loi est très général. Il s'agit de l'environnement, des programmes de formation, de l'enseignement postsecondaire, de logements abordables et d'aide à l'étranger.
3. Pour l'application de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, selon les modalités qu'il juge indiquées, autoriser tout ministre :
Ce sont là des pouvoirs de dépenser qui sont énormes, puisque cela touche à des projets.
Voici comment se lit le reste de cet article :
b) à conclure des accords avec des gouvernements provinciaux, des municipalités, des organismes ou des personnes;
c) à octroyer des subventions, à fournir des contributions ou à effectuer d'autres paiements;
d) sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, à majorer les sommes déjà affectées par le Parlement;
e) à constituer une personne morale dont une action, une adhésion ou une participation au moins serait, lors de la constitution, détenue par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle;
f) à acquérir d'une personne morale des actions, des adhésions ou des participations qui seraient, lors de l'acquisition, détenues par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle.
Il n'est pas inhabituel dans une loi visant des fins particulières de donner ce genre de pouvoir au gouverneur en conseil. Ce que nous disons ici, c'est qu'aux fins de cette loi, le Cabinet peut autoriser un ministre à faire tout ce qu'il voudra dans les domaines de l'environnement, de l'enseignement postsecondaire, du logement abordable et de l'aide à l'étranger.
Nous nous en remettons entièrement au bon vouloir du Cabinet. Le Parlement pourra certes jeter un coup d'œil à un moment donné, à l'étape de l'examen du budget supplémentaire des dépenses ou de l'étude des comptes publics ou encore du rapport de la vérificatrice générale.
Nous aurions espérer que d'aucuns tirent les enseignements de leurs erreurs, mais vous êtes en train de vous replacer exactement dans le même genre d'excès qu'à l'occasion des commandites.
M. McKay : Je me permets très respectueusement de m'inscrire en faux contre ce que vous venez de dire. Nous sommes plutôt en train de proposer au Parlement d'entraver, en quelque sorte, les pouvoirs du gouverneur en conseil. Sans ce projet de loi, ces 4,5 milliards de dollars pourraient être dépensés à la seule discrétion du Cabinet, puisque c'est sa prérogative, et vous n'auriez rien à dire.
Le sénateur Murray : C'est faux!
Le président : Même si vous atteignez votre seuil de 2 milliards de dollars et que vous réalisez un excédent supplémentaire de 4,5 milliards de dollars, vous ne devrez pas forcément le dépenser entièrement sur ce qui est prévu dans le projet de loi C-48.
M. McKay : Tout à fait, mais le Parlement aura eu au moins l'occasion de se prononcer sur les sommes qui seront destinées à ces quatre domaines. Sinon, il n'aurait rien eu à dire.
Le sénateur Tkachuk : Pourrions-nous avoir un projet de loi qui donnerait simplement l'autorisation aux différents ministères de dépenser ce qu'ils veulent?
Si vous acceptez ce principe, il n'y a aucune raison de se limiter à quatre domaines. Nous pourrions plus tard passer à 15 et dire que nous allons affecter 10 milliards de dollars à la défense, à l'environnement, à l'agriculture et ainsi de suite; nous pourrions descendre toute la liste et nous n'aurions plus besoin de budget.
M. McKay : Nous sommes en train de parler de questions tout à fait théoriques, hypothétiques.
Le sénateur Tkachuk : C'est vous qui les avez soulevées et je ne fais qu'emboîter le pas. C'est vous qui avez dit que c'est quelque chose de merveilleux et je ne fais que vous poser la question. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose pour tous les ministères?
M. McKay : En théorie, rien ne s'opposerait à ce que l'on agisse ainsi pour l'ensemble des ministères.
Le sénateur Downe : Quand le ministre McCallum est venu témoigner devant le comité, il nous a parlé d'examen des dépenses, il a parlé de la réaffectation des programmes en fonction des priorités du gouvernement et il ressort clairement que votre accord conclu avec le NPD est devenu une priorité du gouvernement.
Savez-vous si, à l'occasion des négociations — et vous n'êtes peut-être pas au courant, parce que vous ne semblez pas avoir beaucoup participé à tout cela — le NPD a exprimé des réserves au sujet des réductions effectuées dans le cadre de l'exercice d'examen des dépenses, et s'il n'a pas cherché à faire restaurer certaines dépenses?
M. McKay : Je ne me rappelle pas avoir entendu parler d'un lien entre le projet de loi C-48 et l'exercice d'examen des dépenses.
Le sénateur Downe : Le NPD voulait obtenir des fonds supplémentaires. Selon vous, il ne voulait pas que l'on restaure des éléments qui avaient été retirés à l'occasion de l'examen des dépenses.
M. McKay : Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu un lien entre la restauration de certaines dépenses en vertu de l'examen des dépenses et le projet de loi C-48.
Le sénateur Downe : Je voudrais brièvement revenir sur notre échange précédent. Le contre-pied de l'argument qui a été avancé, c'est que le gouvernement a été très critiqué parce que le ministère des Finances avait sous-estimé l'excédent budgétaire, qu'il n'avait pas été en mesure d'en prévoir l'ampleur. À la fin de l'année financière, le gouvernement a dû consacrer cet excédent au remboursement de la dette, ce qui était une décision de politique publique, mais cela s'est fait sans débat.
On pourrait soutenir que ce projet de loi risque de constituer un précédent en établissant les paramètres du débat sur la politique publique, notamment entre parlementaires, et qu'il annonce ce que nous devons faire tous les ans si nous nous retrouvons avec de tels excédents, plutôt que d'avoir à rembourser automatiquement la dette.
M. McKay : Pourtant, avec le projet de loi C-48, nous nous trouvons à réduire en quelque sorte la marge de manœuvre du gouvernement.
Le sénateur Day : Je veux emboîter le pas sur ce qu'a dit le sénateur Downe. Je veux être certain de bien comprendre le processus. En septembre de cette année, s'il y a un excédent, je suppose que le gouvernement voudra en consacrer une partie au remboursement de la dette accumulée. Il s'agira d'un excédent non budgété, non planifié et imprévisible. Supposons que nous en utilisions la moitié pour rembourser la dette et que le gouvernement veuille utiliser l'autre moitié pour répondre à ses priorités éventuelles. Comment le gouvernement s'y prendra-t-il une fois que le budget aura été adopté et qu'il se retrouvera avec cet excédent non prévu?
M. McKay : Vous voulez dire qu'il y aurait un excédent en septembre de cette année pour l'exercice financier se terminant au 31 mars 2005?
Le sénateur Day : Oui. Je veux que vous m'expliquiez le processus comptable, parce que les budgets supplémentaires des dépenses sont clos pour l'année. Comment le gouvernement va-t-il dépenser cet argent?
M. Devries : Le gouvernement n'a pas l'autorisation d'utiliser cet excédent, si celui-ci est supérieur aux 3 milliards de dollars prévus dans le budget, pour financer toute autre initiative, si ce n'est qu'il devra l'appliquer directement au remboursement de la dette.
Le sénateur Day : Parfait! Autrement dit, le gouvernement a l'autorisation de dépenser les fonds, mais il y a une assurance qui prévoit qu'une partie de cet argent devra aller au remboursement de la dette à hauteur de 2 milliards de dollars par an, après quoi il faut passer par des lois habilitantes. Comme vous le disiez, ce projet de loi donne la possibilité au gouvernement de dépenser dans ces différentes catégories. Je me trompe?
M. Devries : Non!
Le sénateur Day : Avez-vous conclu des ententes de financement pour l'une ou l'autre de ces catégories en vertu du projet de loi C-48? J'aimerais que vous nous donniez un exemple pour savoir à quoi cela ressemblera et savoir à quel moment s'enclencheront les mécanismes de financement.
M. Devries : Si je me rappelle bien, rien de tel n'a encore été signé. Le ministre d'État a publié un communiqué indiquant la façon dont les 800 millions de dollars seront répartis, mais à ma connaissance aucune entente n'a encore été signée.
Le sénateur Day : Pourriez-vous nous rafraîchir la mémoire au sujet de l'affectation des 800 millions de dollars?
M. Devries : Comme M. McKay vous l'a dit plus tôt, la répartition se fera par province et par habitant.
Le sénateur Day : Vous voulez dire que cela se fera dans le cadre des modalités de financement actuelles?
M. Devries : Il faudra arrêter une nouvelle modalité de financement. Celle-ci viendra s'appuyer sur ce qui existe déjà au titre du transfert de la taxe sur l'essence aux provinces et aux municipalités.
Le sénateur Day : C'est ce que je voulais dire. Il pourra s'agir de mécanismes déjà existants, que l'on se trouvera à renforcer, ou de nouveaux programmes mais, dans chaque cas, il faudra conclure des ententes de financement.
M. Devries : C'est exact.
Le sénateur Day : Ce comité conserve son mandat relativement aux dépenses et au budget des dépenses du gouvernement. Il n'y a aucune raison pour laquelle ce comité ne pourrait pas vous convoquer, ou convoquer d'autres représentants du gouvernement, pour vous poser des questions au sujet des ententes de financement à un moment ou à un autre. Ces ententes seront en place au moment où l'excédent sera déclaré en septembre.
M. Devries : Les ententes de financement devront être en place avant le 31 mars. Nous devons établir les responsabilités pour chacune des deux années financières et dans le courant de ces deux années-là. Nous ne pourrons le faire après coup.
Le sénateur Day : Avant que l'année financière ne soit terminée, vous saurez en fonction de quel mécanisme les fonds seront répartis entre les diverses ententes de financement. Les fonds qui seront disponibles seront déterminés au 31 mars. Vers le mois de septembre de l'année financière suivante, vous déterminerez si des fonds peuvent être débloqués en fonction des différentes catégories de financement déjà créées.
M. Devries : C'est exact.
Le sénateur Day : Ainsi, nous pourrions convoquer quelqu'un et étudier la façon dont ces fonds seront dépensés et déboursés bien avant le fait?
M. McKay : Bien sûr.
Le sénateur Eggleton : C'est cela, la reddition de comptes.
Le président : Le ministère des Finances a promis un document à ce comité intitulé « Projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements », qui donne des questions et des réponses.
J'aimerais enchaîner sur la question du sénateur Day qui se lit ainsi :
Est-ce que les dépenses engagées dont il est question dans l'entente conclue avec la province de l'Ontario, entente qui a fait l'objet d'une annonce récente, viennent s'ajouter à celles prévues dans le projet de loi C-48?
Voici la réponse donnée,
L'entente conclue avec la province de l'Ontario porte sur des dépenses supplémentaires engagées au titre de l'enseignement postsecondaire, du logement et de l'infrastructure, dépenses qui se retrouvent dans le projet de loi C-48.
On poursuit ainsi,
Il serait possible que le gouvernement, une fois qu'il aura la certitude d'avoir réalisé un excédent d'au moins 2 milliards de dollars à la fin de l'année financière, applique les pouvoirs que lui confère le projet de loi C-48 pour donner suite à ses engagements envers le gouvernement de l'Ontario dans les domaines prioritaires mentionnés dans le projet de loi C-48.
Monsieur McKay, combien pourrait-on dépenser en Ontario à partir du projet de loi C-48?
M. McKay : En fait, nous avons cette information. Il y aura bien sûr un certain recoupement et l'on part du principe, d'après les chiffres que j'ai, que les montants seront les mêmes lors des deux années financières, mais il n'est pas certain que cela se produise. Comme je l'ai dit précédemment, vous pourriez dépenser la totalité de la somme au cours de la première année et rien la suivante.
Cette réserve étant émise, le projet de loi C-48 vient recouper l'entente Canada-Ontario qui pourrait représenter 200 millions de dollars en 2005-2006 et 200 millions de dollars en 2006-2007 au titre de l'enseignement supérieur. On pourrait parler de 150 millions de dollars pour chacune des années financières en question au titre du logement et de l'infrastructure et de 149 millions de dollars pour chacune de ces années également au titre de l'initiative concernant les villes.
Le président : Cela représente 500 millions de dollars.
Le sénateur Murray : Nous avons été amenés à penser que le projet de loi venait en complément de ces engagements dont faisaient partie les engagements pris au titre de l'entente conclue avec le gouvernement de l'Ontario. N'est-ce pas?
Or, le projet de loi n'était pas même pas encore un atome d'idée dans l'esprit de M. Martin ou de M. Goodale quand l'entente avec l'Ontario a été signée, n'est-ce pas?
M. McKay : Le projet de loi est né après que les Conservateurs ont fait volte-face en avril, mais les négociations avec l'Ontario avaient commencé avant cela. Je ne me rappelle pas quand l'entente a été conclue, mais tout cela s'est produit à peu près en même temps, c'est-à-dire au printemps.
Le sénateur Murray : L'Ontario obtiendra ce qu'elle recherche dans le cadre de l'entente conclue avec le gouvernement fédéral. Il n'y a rien de nouveau pour l'Ontario dans le projet de loi C-48, n'est-ce pas?
M. McKay : Tout à fait.
Le sénateur Tkachuk : La diminution générale du taux d'impôt sur le revenu n'apparaît pas dans la loi d'exécution du budget, c'est-à-dire le projet de loi C-43. Le ministre voulait ramener ce taux de 21 à 19 p. 100. J'ai cru comprendre que cela découlait de l'entente conclue avec le NPD, autrement dit que la différence de pourcentage permettrait de financer les 4,5 milliards de dollars mais que la réduction fiscale serait réintroduite plus tard par le biais d'un projet de loi distinct. C'est pour quand, ce projet de loi?
M. McKay : Le projet de loi C-43 a supprimé les articles concernant la réduction d'impôt qui devait être consentie aux sociétés, le taux devant passer de 21 à 19 p. 100, et vous connaissez ces paramètres tout aussi bien que moi. Il n'y aucun lien entre le retrait de cette disposition fiscale et le financement de ce qui est prévu dans le projet de loi C-48. Ce sont deux idées distinctes.
Le sénateur Tkachuk : Le NPD voulait que vous renonciez à ce principe. Comme vous avez accepté, c'est que vous savez sans doute pourquoi il voulait cela.
M. McKay : Il y a un principe, mais il ne me touche pas beaucoup.
S'agissant de la réintroduction de ces mesures fiscales, il y a un avis à ce sujet au feuilleton.
Le sénateur Tkachuk : Cela interviendra-t-il à l'automne?
M. McKay : Oui!
Le sénateur Tkachuk : On parlait de 100 millions de dollars pour la protection des revenus des travailleurs en cas de faillite des employeurs. Quand ce projet de loi sera-t-il déposé?
M. McKay : Je vais laisser le soin aux fonctionnaires de vous répondre, parce que, comme vous le savez, cela ne fait pas partie du projet de loi C-48.
Le sénateur Tkachuk : Mais cela faisait partie de l'entente.
M. McKay : Cela faisait partie de l'entente, mais pas du projet de loi C-48. Personnellement, je ne suis pas certain que cette disposition doive faire l'objet d'une mesure législative. Je préfère passer sur cette question.
M. Devries : Je n'ai pas la réponse à cette question.
M. Heiss : Je ne sais pas.
M. Devries : Nous obtiendrons cette information pour le comité, sénateur.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le gouvernement et le NPD ont conclu une entente écrite sur ces questions-là ou est-ce tout simplement quelque chose qui a été rédigé sur le coin d'une table en compagnie des représentants du ministère des Finances?
M. McKay : J'ai entendu plusieurs versions au sujet de cette entente qui aurait été conclue dans une chambre de motel, à l'arrière d'une Chevrolet, sur une nappe en papier dans un restaurant et même sur du papier soluble.
Le sénateur Tkachuk : Tout cela est nouveau pour moi. L'entente conclue entre les deux parties a-t-elle été consignée sur un morceau de papier?
M. McKay : J'ignore quelle forme particulière cette entente a pu prendre entre les deux parties. Il est possible qu'il existe une forme d'entente et je suppose que tel est le cas, mais je ne suis pas au courant.
Le sénateur Tkachuk : Vous semblez dire qu'il y a eu une entente.
M. McKay : Je pars de cette hypothèse, parce que je ne peux me fonder sur rien pour vous en dire plus.
Le sénateur Tkachuk : Ce serait la chose normale à faire. Est-ce qu'une telle entente devrait être déposée au Parlement?
M. McKay : Je ne pense pas pouvoir vous répondre, parce que c'est le Parlement qui doit en décider.
Le sénateur Tkachuk : Pensez-vous qu'il faudrait la rendre publique, si elle n'était pas déposée au Parlement? Nous ne savons pas ce qu'est cette entente, parce que nous n'avons que le projet de loi. S'il y a eu une entente, il serait peut- être bon qu'elle soit déposée. Y a-t-il autre chose derrière cela?
M. McKay : S'il y a davantage, cela ne relève pas de ma prérogative et je n'ai été mis au courant de rien.
Le sénateur Tkachuk : Je ne doute pas que vous allez vérifier tout ça plus tard.
Le président : Merci, sénateurs et merci, monsieur McKay, d'être venu nous rencontrer pour nous livrer un survol de ce projet de loi de deux pages.
Le sénateur Murray : Puisque les fonctionnaires sont ici, j'aimerais poser une question d'ordre général sur quelque chose qui me préoccupe.
Pourraient-ils obtenir, pour le comité, des études effectuées par le ministère relativement aux divers scénarios sur le prix du pétrole et sur ses effets sur l'économie de même que sur la position financière du gouvernement fédéral. Je suppose que le ministère a effectué ce genre d'extrapolation.
M. McKay : Je pense que oui.
Le sénateur Murray : Est-ce que le ministère pourrait nous permettre de jeter un coup d'œil sur ces études?
M. Devries : Je vais voir si elles sont disponibles. Dans bien des cas, ces études sont publiées et accessibles sur notre site Internet. Je vais m'en occuper.
Le sénateur Day : Est-ce que cette information est fondamentale pour l'étude de ce projet de loi?
M. McKay : Non! C'est pour l'information générale des membres du comité.
Le président : Nous apprécions la participation des témoins à notre étude du projet de loi, surtout en ce qui concerne les aspects qui intéressent le Parlement, ce qui est extrêmement important aux yeux de bien des sénateurs ici présents.
Honorables sénateurs, nous allons à présent accueillir des témoins du Conseil du Trésor. Charles-Antoine St-Jean est contrôleur général du Canada.
M. St-Jean a entamé sa carrière en qualité de comptable agréé au sein de la célèbre firme Ernst & Young. Entre 1984 et 1998, il a assumé la responsabilité d'un certain nombre de clients dans le portefeuille du secteur public, notamment de la Société canadienne des postes, de la Société Radio-Canada et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. En 2000, il s'est joint à Cap Gemini Ernst & Young en qualité de vice-président. Il a été nommé contrôleur général du Canada en mai 2004.
M. St-Jean est accompagné de M. John Morgan, contrôleur général adjoint à titre intérimaire. Bienvenue, messieurs, et sachez que nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire au sujet du projet de loi C-48. Toutefois, avant de commencer, je vais céder la parole au sénateur Tkachuk et au sénateur Stratton.
Le sénateur Tkachuk : Je veux proposer une motion d'ajournement.
Le sénateur Harb : Pouvons-nous entendre le sénateur?
Le sénateur Tkachuk : Je viens de déposer une motion d'ajournement. Qui est en faveur?
Le président : Que tous ceux qui sont d'accord disent « oui ». Pas d'accord?
Le sénateur Harb : Nous n'avons pas mis la motion aux voix. Je voulais que mon collègue nous explique pourquoi il veut faire ajourner le débat. Si vous ne voulez pas voter sur le projet de loi, rien ne vous en empêche. Je trouve cela étrange.
Nous sommes sur le point d'entendre d'éminents témoins qui vont nous parler d'un projet de loi très important et voilà que nous envisagerions d'ajourner le débat. Le sénateur envisage-t-il de prendre tout de suite des vacances? Nous sommes ici pour travailler.
Le sénateur Stratton : Il n'y a pas assez de sénateurs de votre côté. C'est pour cela que je lance cet appel, je voulais que vous vous réveilliez.
Le sénateur Harb : Mes collègues sont aux toilettes. Est-ce une raison suffisante pour ajourner?
Le sénateur Day : Je l'ai dit au président.
Le sénateur Harb : Quand faut y aller, faut y aller!
Le sénateur Day : Monsieur le président, il n'est pas habituel, à ce comité, de d'autoriser ce genre de chinoiserie quand vous savez très bien que je vous ai demandé l'autorisation de m'absenter pour un instant.
Le sénateur Harb : Nous devrons adopter des règles pour aller aux toilettes.
Le sénateur Day : Ce n'est habituellement pas ainsi que l'on agit. C'est comme cela que vous faites. Nous, nous n'agissons pas ainsi. Vous mettez le président dans l'embarras, même s'il appartient à votre parti, et ce n'est pas amusant.
Le président : Le sénateur Trenholme Counsell a demandé la parole.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'estime que le Sénat est une institution très digne et je suis vraiment choqué de voir ce genre de comportement en présence d'éminents représentants du gouvernement qui nous ont rendu visite.
Vous étiez en train de lire des biographies de MM. St-Jean et Morgan et tout ce cirque est un véritable manque de respect envers eux. Ce genre d'outrecuidance est inacceptable.
Le sénateur Tkachuk : Si nous devons avoir cette discussion, il est toujours possible de proposer l'ajournement. C'est l'une des règles qui nous régit.
Le sénateur Harb : Changez-les, les règles.
Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez y aller si vous le désirez, sénateur Harb. Je n'ai fait que proposer une motion tout à fait admissible. Ce n'était pas un manque de respect envers qui que ce soit.
Je ne veux pas que nous adoptions le projet de loi C-48. Je suis opposé à ce projet de loi. Il n'y a aucune raison pour laquelle je me trouve ici si ce n'est pour jouer mon rôle de membre de l'opposition et veiller, autant que faire se peut dans ce Parlement, à ce que nous puissions examiner le projet de loi. Vous ne voyiez pas de problème à nous demander de faire l'étude article par article aujourd'hui, mais vous ne nous avez pas donné la possibilité, pendant plusieurs jours, de débattre de ce projet de loi. Tout cela est parfait, mais dès l'instant que je propose une motion d'ajournement, quelqu'un dit que je manque de respect au témoin.
Quoi qu'il en soit, allons-y. Je suis certain que notre témoin n'est pas trop perturbé et il s'est peut-être même délecté de tout cela.
Le président : Sénateur Tkachuk, nous avons été saisis d'une motion. Est-ce que vous la retirez?
Le sénateur Tkachuk : Je pensais que nous étions passé au vote.
Le sénateur Day : Oui, et vous avez perdu.
Le sénateur Tkachuk : Eh bien, je ne retire pas ma motion, mais je pensais que nous avions voté.
Le sénateur Day : Je pense qu'il est important de préciser une chose pour la retranscription. Après avoir passé 2 h 15 ici, j'ai demandé au président s'il pouvait m'accorder un peu de temps pour m'absenter et je lui ai demandé de ne pas reprendre la séance avant mon retour. Or, quand je reprends ma place, je me rends compte que non seulement la réunion a commencé, mais que le comité a été saisi d'une motion. Je ne sais pas comment tout cela a commencé, mais je ne me suis absenté que pour un bref instant et je puis même vous dire dans quelle toilette j'étais.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez huit membres qui siègent à ce comité.
Le sénateur Day : Peu importe combien de membres se trouvent de ce côté-ci. Je suis le vice-président de ce comité et j'ai demandé au président de ne pas commencer avant que je sois de retour.
Le sénateur Tkachuk : Où voulez-vous en venir?
Le sénateur Day : Ce que je veux dire, c'est que vous n'auriez pas dû accepter cette motion avant mon retour, parce que je me trouvais simplement dans le couloir.
Le sénateur Tkachuk : Je me ferai un devoir de vous attendre tout le temps, sénateur Day.
Le sénateur Day : Ah bon?
Le sénateur Tkachuk : J'en ferai un principe.
Le sénateur Day : On aura tout entendu! Je suis désolé que vous vous soyez retrouvé dans ce tir croisé, monsieur le président, mais vous savez que c'est ce que j'ai dit, n'est-ce pas? Passons donc au vote.
Le président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion lèvent la main droite.
Que ceux qui sont contre lèvent la main droite.
La motion est rejetée.
Monsieur St-Jean, je vous invite à faire votre exposé. Nous souhaitons que vous nous fassiez cet exposé après quoi les honorables sénateurs vous poseront des questions sur votre analyse et sur l'examen de ce projet de loi au Parlement, de même que sur les dimensions responsabilité et transparence et sur les procédures que vous comptez adopter sur ces plans. Vous avez la parole.
M. Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant les membres de ce comité pour répondre à leurs questions sur le projet de loi C-48.
Comme vous l'avez indiqué, je suis accompagné de mon collaborateur, John Morgan, qui est sous-contrôleur adjoint, Secteur de la gestion et de l'analyse financière qui relève de mon bureau.
[Français]
Comme vous le savez peut-être, mon mandat consiste à renforcer la gestion financière et la vérification interne à l'échelle du gouvernement fédéral. Puisqu'une de mes responsabilités est de superviser les nouvelles initiatives en matière des dépenses, c'est avec beaucoup d'intérêt que je veille à ce que les mécanismes appropriés soient mis en place conformément aux propositions formulées dans ce projet de loi.
[Traduction]
Comme votre projet de loi de crédits, le projet de loi C-48 accorde aux ministres le pouvoir législatif de faire des paiements à des fins précises approuvées par le Parlement.
Le président : Monsieur St-Jean, je vous invite à ralentir. Tout ce que vous dites et interprété, de l'anglais au français ou du français à l'anglais et nous devons être justes envers les interprètes.
M. St-Jean : Le projet de loi C-48 est unique puisque, pour la première fois, ce pouvoir de dépenser est assujetti à l'obtention d'un excédent financier minimal en 2005-2006 et 2006-2007. Il s'agit d'une démarche prudente en matière de gestion financière puisque ces dividendes financiers seraient uniquement autorisés dans la mesure où un excédent de 2 milliards de dollars sera réalisé au cours de ces deux exercices. De plus, cette démarche prévoit le plafonnement des propositions de dépenses contenues dans le projet de loi à 4,5 milliards de dollars au cours de la période de deux ans.
[Français]
L'approbation de ce projet de loi, bien avant la fin de l'exercice, laisse davantage de temps pour déterminer le cadre de gestion particulier à ces programmes.
[Traduction]
Avant que ces paiements ne soient faits, l'approbation du Conseil du Trésor serait requise en vertu de certaines modalités. Ces modalités présenteraient en détail les paramètres plus précis des programmes, de même que le niveau approprié de vérification et d'évaluation et les dispositions sur la présentation de rapports et la reddition de comptes. Mon bureau examine ces propositions avant leur présentation au Conseil du Trésor aux fins d'approbation.
Après l'approbation du Conseil du Trésor, des ententes devraient alors être conclues avec les bénéficiaires avant le 31 mars pour décrire les modalités des paiements et leur assujettissement à la détermination de l'excédent financier.
[Français]
Une fois les résultats financiers déterminés, les montants dus aux bénéficiaires en vertu de ces ententes devraient alors être confirmés, imputés sur l'excédent et vérifiés par le vérificateur général conformément aux politiques comptables du gouvernement.
[Traduction]
Dans la mesure où un excédent financier de plus de 2 milliards de dollars est confirmé plus tôt dans l'année, les montants payables en vertu des ententes pourraient être déterminés avant la fin de l'exercice. Les montants payables pourraient alors être versés, selon les besoins, conformément aux modalités des ententes.
Au même titre que les rapports spécifiques qui peuvent avoir lieu en ce qui a trait à l'ensemble des mesures contenues dans le projet de loi C-48, il est prévu que les documents portant sur le budget principal des dépenses et les Comptes publics du Canada mettront en évidence les ministres responsables et les ministères, les bénéficiaires, les détails relatifs à l'intention d'utilisation de ces fonds et, par la suite, la façon dont ils ont été utilisés.
[Français]
Monsieur le président, cela conclut mes observations préliminaires. Je serais heureux de répondre à toutes les questions que peuvent se poser les membres de votre comité.
[Traduction]
Le président : Merci. Au point huit de vos observations préliminaires, vous dites ceci :
Avant que ces paiements ne soient faits, l'approbation du Conseil du Trésor serait requise en vertu de certaines modalités.
J'aimerais savoir quel rôle vous-même ou votre bureau allez jouer dans l'établissement de ces modalités. Deuxièmement, est-ce que ces modalités ont déjà été fixées et où en est-on à cet égard?
M. St-Jean : Pour tous les nouveaux programmes de paiement de transfert, il faut énoncer un ensemble de modalités décrivant la nature de l'activité, c'est ce que nous appelons le cadre redditionnel axé sur les résultats, et nos documents techniques précisent la façon dont les fonds seront déboursés et contrôlés. Les modalités qui décrivent tout cela sont examinées par mon bureau dès qu'elles sont émises ou dès que de nouveaux programmes sont adoptés.
Le président : Avez-vous examiné les modalités relatives au projet de loi C-48?
M. St-Jean : Nous ne l'avons pas encore fait pour le projet de loi C-48, parce que les programmes n'ont pas encore été définis. Le gouvernement a annoncé son intention de consacrer certains fonds dans les domaines mentionnés. Une fois que les programmes auront été précisés, et que l'on saura d'où viennent les fonds prévus au projet de loi C-48, des modalités précises seront établies et nous les examinerons à ce moment-là.
Le président : Ainsi, à l'heure où nous nous parlons, il n'existe encore aucune modalité relativement aux quatre catégories de dépense mentionnées dans le projet de loi C-48, du moins aucune qui ait été soumise à l'examen de votre bureau?
M. John Morgan, sous-contrôleur adjoint, secteur de la gestion et de l'analyse financière, Bureau du contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Monsieur le président, cela n'a pas été spécifiquement fait pour le projet de loi C-48, toutefois, pour le transfert des sommes relatives aux recettes de la taxe sur l'essence, les modalités de ce programme, dont une partie concerne le transport en commun, ont été soumises au bureau qui a fait part de ses réactions à cet égard. Cependant, l'élément transport en commun du projet de loi C-48 ne nous a pas encore été soumis.
Le président : Pour ce qui est de l'éducation et de l'aide à l'étranger, on ne vous a encore soumis aucune modalité.
M. St-Jean : Effectivement pas.
Le président : Quand devriez-vous avoir cela? On nous a donné deux dates. D'abord, on nous a dit que l'excédent réel ne serait pas connu avant août et, ensuite, on nous a parlé de septembre de cette année. Quand pensez-vous recevoir les modalités relatives à ces programmes?
M. St-Jean : J'ai parlé de prudence pour décrire cette approche en matière de gestion financière. Les modalités pourraient nous être soumises n'importe quand en cours d'année, mais de toute façon avant le 31 mars. Celui qui m'a précédé à cette table vous a dit que toutes les ententes devraient être en place, signées et acceptées avant le 31 mars. Je m'attends donc à ce que les modalités nous soient soumises en cours d'année, bien avant la fin de l'exercice financier. Il ne faut pas oublier qu'une disposition précise que les sommes ne peuvent être déboursées ni engagées à moins que l'excédent ne soit confirmé.
La nature prudente de ce projet de loi nous donnera suffisamment de temps pour mettre en œuvre tous les instruments et appliquer la diligence raisonnable vis-à-vis de la conception des programmes en sorte que nous pourrons accomplir tout ce travail suffisamment à l'avance. Grâce à ce projet de loi, nous pourrons faire tout cela plus tôt, ce qui est plutôt bien.
Le sénateur Tkachuk : À entendre M. McKay, j'ai eu l'impression que cet argent pourrait être dépensé soit en totalité dès la première année, soit sur deux années, soit uniquement la deuxième année de l'entente. Ce n'est pas ce que je crois vous avoir entendu dire et j'aimerais que vous m'apportiez une précision à cet égard. Même si tout est parfaitement organisé, cela ne veut pas dire que les sommes indiquées seront effectivement dépensées. Comment est-ce que tout cela va fonctionner? Comment les autorisations vont-elles être données?
M. St-Jean : Les modalités seront énoncées dans la proposition envoyée au Conseil du Trésor. C'est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui approuve les dépenses. D'ailleurs, quand on parle de dépenses, il faut employer ce terme et ne pas parler de décaissement ou de sortie de fonds.
Le sénateur Tkachuk : Quelle est la différence?
M. St-Jean : Il y a une grosse différence en ce sens que la nature prudente de la gestion financière exige, autant que faire ce peut, que l'on ne débourse les fonds qu'au fur et à mesure des besoins. Ici, il serait question d'engager les fonds, de les inscrire au passif dans les livres du gouvernement du Canada, mais le déboursement, la sortie effective des fonds, ne se ferait que sur un an, deux ans ou trois ans, selon les besoins de l'organisation. C'est une approche un peu plus prudente.
Le sénateur Tkachuk : En réalité, en vertu du projet de loi C-48, il ne sera pas nécessaire de dépenser tous ces fonds sur une période de deux ans. Est-ce qu'il pourrait être dépensé sur cinq ou six ans?
M. St-Jean : Les fonds sont engagés. D'un point de vue comptable, ils sont inscrits dans les comptes du gouvernement du Canada sur une période de deux ans, mais il sera toujours possible de débourser les liquidités dans le temps, au fur et à mesure des besoins, ce qui conférera davantage au Parlement la possibilité d'exercer sa surveillance sur ces activités.
Le sénateur Tkachuk : Par exemple, est-ce que les sommes destinées au logement ou à l'aide à l'étranger pourraient être glissées dans le budget de l'année prochaine? Les sommes sont annoncées dans le projet de loi C-48, mais elles pourraient très bien être inscrites au budget de l'année prochaine. M. McKay nous a indiqué qu'il ne serait pas nécessaire de dépenser ces montants cette année. En fait, il s'est même fait un devoir d'insister sur le fait que le gouvernement pourrait faire ce qu'il veut avec cet argent. Il pourrait attendre l'année prochaine avant de le dépenser.
Si vous réduisez les dépenses prévues en aide à l'étranger l'année prochaine, parce que les 900 millions de dollars sont prévus cette année, il n'y aura pas d'autres fonds pour autre chose. Ces fonds pourraient se retrouver dans le budget et il ne serait pas nécessaire d'inscrire ce projet de loi au budget de l'année prochaine. N'est-ce pas?
M. Morgan : Je m'attendrais à ce que le budget de l'année prochaine fasse état des dépenses énoncées dans le projet de loi C-48. Toutefois, ce n'est qu'en fonction de l'excédent constaté, que l'on connaîtra l'ampleur des dépenses.
Le sénateur Tkachuk : Il ne sera pas possible pour le NPD de savoir s'il s'agit de fonds nouveaux ou pas. Comme le NPD ne sait pas quelles dépenses sont prévues pour l'année prochaine, le gouvernement pourrait très bien glisser ces 900 millions de dollars dans le budget de l'aide à l'étranger de l'année prochaine. Comment le NPD pourra-t-il savoir s'il s'agit bien de fonds additionnels? Il ne pourra pas en être certain.
M. Morgan : Je crois que le budget de 2005 porte sur trois années de dépenses prévues. Je crois qu'il sera tout de même possible de déterminer s'il s'agit de fonds nouveaux ou pas, mais je ne sais pas dans quelle mesure les différents programmes seront détaillés.
Le sénateur Tkachuk : Au cours des sept ou huit dernières années, le gouvernement a précisé son calendrier de dépense à termes de trois, cinq et 10 ans. Quelqu'un, quelque part, en sait-il davantage, surtout les Canadiennes et les Canadiens?
M. St-Jean : Comme mon collègue vient de vous le dire, ces chiffres sont publics, comme les dépenses prévues pour les trois prochaines années. Ces dépenses constitueront le niveau de référence en fonction duquel n'importe quel parlementaire pourra déterminer s'il y a effectivement eu des dépenses supplémentaires, parce qu'il lui suffira de consulter ce qui s'est fait l'année précédente.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais peut-être revenir sur cela.
Le sénateur Harb : Il ne m'a pas été donné de voir l'entente conclue entre le NDP et le gouvernement. Toutefois, à l'examen du projet de loi, je ne peux m'empêcher de penser que, soit le NPD est vraiment naïf, soit le gouvernement est vraiment malin. Qu'en pensez-vous?
Vous, qui êtes au Conseil du Trésor, vous avez dû rester dubitatif face à ce projet de loi qui propose des dépenses pour les trois prochaines années parce que, comme vous le savez et comme nous le savons tous, le Parlement ne peut contraindre aucun gouvernement futur à faire ce qu'un gouvernement précédent aura décidé de faire. N'est-ce pas?
M. St-Jean : J'ai eu cette discussion avec la Vérificatrice générale la semaine dernière. Pour ce qui est de l'approche adoptée par le gouvernement en matière de dépenses sur trois ans, celle-ci consiste à indiquer longtemps à l'avance ce qu'il a l'intention de faire de l'excédent. C'est une façon prudente de gérer les finances de l'État, parce qu'elle permet aux différents ministères d'avoir suffisamment de temps pour réfléchir à leurs dépenses. Par le passé, tout cela intervenait à la dernière minute, à l'approche de la fin de l'année financière, alors même qu'il fallait éventuellement affiner les ententes conclues.
Cette planification sur trois ans nous donne amplement de temps de choisir et d'élaborer des instruments appropriés, de rédiger les modalités qui permettront d'effectuer des vérifications et de mettre en place le cadre de gestion approprié. La Vérificatrice générale a reconnu que mon raisonnement présente une certaine validité, même s'il n'est pas parfait.
Le sénateur Harb : C'est fantastique de voir que le Parlement et les Canadiens sont saisis d'un plan qui comporte deux éléments : des dépenses d'immobilisation sur cinq à 10 ans et des fonds de fonctionnement pour les programmes de dotation et les programmes sociaux. Toutefois, il y a quelque chose qui m'interpelle, parce que nous n'avons ici qu'une partie de la réalité. Le gouvernement se propose d'engager 4,5 milliards de dollars en plus de tout excédent de 2 milliards de dollars. Savez-vous ce que le gouvernement entend dépenser pour ces mêmes postes dans les années financières suivantes?
M. St-Jean : Le projet de loi C-48 ne porte que sur deux ans. Voilà la limite des pouvoirs réclamés dans ce projet de loi.
Le sénateur Harb : En un sens, on peut imaginer que le gouvernement va dépenser ces sommes sans injecter de nouveaux fonds dans ces programmes.
M. St-Jean : Le projet de loi ne va pas au-delà des deux ans prévus.
Le sénateur Harb : On peut imaginer que le gouvernement va respecter son engagement de dépenser 4,5 milliards de dollars sur deux ans, mais cela pourrait vouloir dire aussi qu'il n'est pas tenu d'utiliser cet argent.
M. St-Jean : On peut effectivement imaginer, dans la mesure où le projet de loi stipule qu'il « peut » dépenser cet argent, qu'il n'aura pas l'occasion de le faire et que les dépenses pourront intervenir dans le courant de l'année, s'il a la certitude de dégager un excédent de 2 milliards de dollars. Le gouvernement pourrait décider d'alimenter certains programmes s'il a la garantie d'un excédent suffisant. Le projet de loi autorise le gouvernement à effectuer ce genre de dépenses, mais sans plus.
Le sénateur Harb : Mon autre question concerne la capacité de débourser l'argent. Par exemple, vous pouvez décider de consacrer 50 milliards de dollars à l'enseignement, mais si vous n'avez pas la capacité de dépenser cet argent, rien ne se fera.
Est-ce que le Conseil du Trésor a examiné la capacité du gouvernement de dépenser cet argent, si celui-ci décidait d'aller de l'avant? J'ai récemment posé cette question à un fonctionnaire du Conseil du Trésor qui était venu témoigner au comité. Cette question concernait la réaffectation des ressources et l'affectation des fonds au sein des ministères et entre les ministères. Comment ce programme sera-t-il administré par rapport à d'autres programmes du gouvernement? Va-t-on mettre sur pied un secrétariat spécial qui sera chargé de veiller à ce que l'argent soit déboursé en fonction des engagements pris, engagements qui sont politiques par nature mais parlementaires dans le fond? Nous voulons nous assurer que tout aille bien et que le gouvernement s'acquitte de ses obligations. Est-ce que vous allez procéder ainsi ou est-ce que vous allez appliquer une autre formule?
Je ne sais pas si vous avez lu l'entente conclue entre le NPD et le gouvernement. Il y a peut-être quelque chose dans cette entente qui lie le Conseil du Trésor relativement à l'administration du programme?
M. Morgan : Je ne suis pas au courant des détails de l'entente conclue avec le NPD. L'autorisation législative sera donnée par le truchement du projet de loi C-48. Il incombera au gouvernement de décider de la façon dont il va précisément affecter les fonds dans les limites prévues au projet de loi. Ce dernier a un caractère très particulier sur deux plans : son exécution est conditionnée à la réalisation d'un excédent de 2 milliards de dollars; de plus, si l'excédent total n'est pas suffisant pour dégager les 4,5 milliards de dollars requis sur deux ans, il faudra adopter un mécanisme pour déterminer la répartition des fonds en fonction des différents bénéficiaires mentionnés dans le projet de loi, dans la limite énoncée des deux ans. Cela, c'est tout à fait unique.
Sinon, pour ce qui est des paramètres, je pense qu'un certain nombre de ces mesures viendront s'ajouter aux programmes existants. Reste à voir ce que seront ces programmes dans le détail, mais nous avons cru comprendre qu'ils viendraient s'ajouter aux programmes existant. À cet égard, cela devrait permettre d'accélérer l'établissement des modalités.
Le sénateur Harb : C'est un excellent précédent. C'est fantastique de voir que le gouvernement présente des plans à long terme qui énoncent ses intentions quant à ce qu'il entend dépenser au titre de ces programmes et à la façon dont il veut le faire.
Avez-vous effectué des études en vue de préparer un plan d'action pour le gouvernement du Canada, pour que cela ne soit pas l'exception mais plutôt la norme. Ainsi, les municipalités, les provinces et l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens sauraient ce qui s'annonce à terme de trois ou de cinq ans et pourraient planifier en conséquence.
Si un hôpital envisageait d'acheter du matériel, il trouverait intéressant de savoir que de l'argent est prévu à ce titre dans les 24 ou 48 mois suivants.
M. St-Jean : Nous avons dit à tous ces gens-là qu'ils pourraient espérer des fonds si nous réalisions d'abord un excédent. Tout cela appartient au domaine des possibilités, le tout étant lié à la position financière du gouvernement. On se demandera toujours s'il est prudent d'effectuer ce genre de versements.
Le sénateur Harb : Êtes-vous en train de nous dire que cela pourrait devenir la norme? Recommandez-vous qu'en cas d'excédent, nous dépensions l'argent dégagé? Les parlementaires aimeraient pouvoir donner leur avis au sujet des dépenses et les Canadiens aimeraient voir la façon dont le gouvernement entend dépenser leur argent dans l'avenir.
M. St-Jean : Comme je l'ai dit à mon collègue, j'estime que c'est une façon très prudente d'agir dans le domaine financier, c'est-à-dire de donner un long préavis. Quand le gouvernement dégage des excédents, il peut dire ce qu'il entend faire des fonds et les fonctionnaires ont le temps de discuter avec les différents échelons du gouvernement et les autres partenaires de l'État. Grâce à ce genre de préavis, les gouvernements peuvent trouver le type de partenariat qui présente la meilleure configuration possible pour offrir certains programmes.
Personnellement, j'aime ce genre d'approche. Elle a toutefois une portée limitée. Elle ne peut s'appliquer qu'à un petit pourcentage des dépenses globales, mais elle permet d'avertir suffisamment à l'avance toutes les parties concernées.
Le président : C'est la deuxième fois que vous employez le terme « prudent ». Vous l'avez utilisé en parlant de « démarche prudente en matière de gestion financière » dans l'aperçu de votre présentation.
Que trouvez-vous de prudent dans le fait de faire adopter un projet de loi au Parlement qui stipule que, si nous dépassons le seuil de 2 milliards de dollars et réalisons un excédent, nous pourrons éventuellement dépenser le surplus dans quatre catégories de dépenses? Que voyez-vous de si prudent dans le fait de dire que l'on pourra, éventuellement, agir ainsi? Le gouvernement ne sera pas obligé d'investir dans ces quatre types de programmes et je ne vois donc pas ce qu'il y a de prudent là-dedans.
M. St-Jean : Ce qui est prudent, c'est que ce projet de loi confère un temps de planification supplémentaire. Ce n'est pas une tâche aisée que de déterminer la position financière du gouvernement du Canada. Les choses évoluent. Il peut y avoir des recettes ou des dépenses supplémentaires et il est difficile de bien cerner la position financière du gouvernement du Canada dans les deux ou trois derniers mois d'une année financière.
Avec ce projet de loi, on reconnaît qu'il est complexe de déterminer la position financière du gouvernement et qu'il ne faut pas attendre à la dernière minute pour trouver des programmes auxquels destiner les excédents. Les bénéficiaires pourront nous dire d'avance ce qu'ils entendent faire, leur position financière étant relativement assurée. Ce projet de loi leur permettra d'entamer des discussions avec leurs différents partenaires potentiels bien avant janvier, février ou mars de chaque année.
Le président : Ce projet de loi n'a rien de contraignant, le gouvernement pouvant faire ce qu'il veut. Cette approche prudente pourrait donner lieu à de faux espoirs chez les bénéficiaires éventuels, comme les étudiants à faible revenu, les personnes résidant dans des logements sociaux et les Autochtones. Si l'argent est disponible mais qu'il ne peut être utilisé, est-ce que nous ne sommes pas en train de susciter de faux espoirs? Que voyez-vous de prudent dans tout cela? Est-ce que vous comprenez ma question?
M. St-Jean : Je comprends. Je pense que votre question commande une réponse davantage politique. Personnellement, je ne m'occupe que des gens qui essaient d'élaborer des programmes complexes. Il y a de nombreux acteurs et nous devons nous appuyer sur des ententes contractuelles assorties de lignes directrices claires. Les gens qui exécutent ces programmes disposent ainsi de plus de temps.
Je comprends le risque de créer de faux espoirs. Si les excédents financiers ne sont pas réalisés, certains seront déçus.
Le président : Même en cas d'excédent, celui-ci ne sera pas forcément utilisé.
M. St-Jean : Je le comprends bien. Même si ce n'est pas là, à la façon dont le projet de loi est rédigé, il y a toujours une possibilité.
Le président : Exactement.
M. St-Jean : Il incombera davantage au Parlement d'exercer son rôle à cet égard, de décider ce qu'il veut faire sur ce plan. Il demeure que ce projet de loi donne aux fonctionnaires et aux partenaires concernés une idée de ce qu'il faut faire et ainsi il sera possible de se poser des questions d'avance sur certains domaines.
Le président : Ce pourrait être un gaspillage de temps et d'effort si les sommes ne suivent pas. Je pense m'être fait comprendre. En revanche, je ne sais pas si vous avez compris.
Le sénateur Stratton : Vous avez parlé des mécanismes d'approbation par le Conseil du Trésor comme un exemple de contrôle exercé sur le gouvernement et de reddition de comptes. Or, n'est-ce pas ce même mécanisme d'approbation du Conseil du Trésor qui a permis les programmes de commandites et le détournement des fonds à DRHC, de même que le gaspillage au titre du registre des armes à feu?
Partant, si nous avons eu l'enquête Gomery au sujet du scandale des commandites, s'il y a eu le scandale de DRHC et le scandale du registre des armes à feu, comment peut-on penser que les Canadiens vont s'attendre à ce que les choses changent dans ce cas-ci quand on affirme, par exemple, que les sommes destinées à l'aide à l'étranger ne devront pas dépasser 500 millions de dollars?
Je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante à la question que j'ai posée à M. McKay. Rien ne dit comment ces dépenses seront effectuées, ni comment elles seront contrôlées.
Je vous cite le paragraphe 2(2) du projet de loi :
Le gouverneur en conseil peut préciser les fins particulières auxquelles les versements visés au paragraphe (1) peuvent être faits et le montant de ces versements pour l'exercice en question.
De même que l'article 3 :
Pour l'application de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, selon les modalités qu'il juge indiquées, autoriser tout ministre :
Comment peut-on espérer un changement et garantir aux Canadiennes et aux Canadiens que nous ne connaîtrons pas un autre scandale du type programme de commandites, DRHC ou registre des armes à feu?
M. St-Jean : À cet égard, j'aimerais pouvoir vous garantir à 100 p. 100 que cela ne se reproduira plus jamais. Mais je ne le peux pas. Malheureusement, ce genre de chose arrive, c'est la vie!
En revanche, nous pouvons essayer de réduire au minimum les risques qu'une telle chose se reproduise dans l'avenir. C'est ce à quoi nous travaillons très fort.
Je pense à deux choses qui ont changé certaines des conditions à cause desquelles de tels événements se sont produits. D'abord, il y a le renouvellement de toutes les politiques relatives au paiement de transferts au cours des deux ou trois dernières années, et surtout de la dernière année. Nous avons fait un gros effort de révision de toutes les modalités concernant les actuels programmes de paiement des transferts. Comme il en existe environ 750, nous avons dressé un inventaire exhaustif qui porte sur plus de 25 milliards de dollars de transferts par an.
Nous sommes également en train d'examiner de nombreux instruments complexes. Ceux-ci ont été remis en question et ils sont désormais assortis de modalités plus strictes. Nous avons adopté un cadre redditionnel, un cadre de vérification et un cadre d'évaluation. Le Conseil du Trésor et le Bureau du contrôleur général, de même que les autres ministères, sont en train de plancher sur les modalités en question. Tout cela nous permet de penser que nous allons disposer de meilleurs contrôles.
Nous sommes en train de revoir en profondeur et de modifier également la politique sur la vérification interne et allons mettre en place le modèle du directeur des opérations financières pour en arriver à des vérifications internes qui soient meilleures et davantage indépendantes. Nous sommes en train de parler de toutes ces questions et nous examinons la façon d'appliquer de meilleurs clapets de sécurité. C'est un travail qui se poursuit.
Le ministre est tout à fait favorable à cette approche, tout comme le milieu en général. Nous allons assister à certains changements fondamentaux dans les prochains mois grâce auxquels nous pourrons réduire les risques.
Le gouvernement a annoncé que, d'ici le 31 mars 2009, la plupart des états financiers des ministères devront être vérifiés et nous sommes en train de faire en sorte que cela devienne réalité. Nous commencerons par vérifier l'état de préparation des ministères à l'automne en commençant par deux séries de ministères. Nous adopterons un certain nombre de mesures pour renforcer la gestion et le contrôle financier.
Le sénateur Stratton : Prenez, par exemple, le dossier des armes à feu. Dans les années passées, ce comité a été destinataire de rapports complémentaires de la part du ministère des Finances. Année après année, nous nous sommes plaints parce que le ministère demandait des fonds supplémentaires pour le registre des armes à feu. Le problème n'a cessé de s'aggraver au fil des ans. Nous nous sommes plaints, mais rien n'a changé.
Comment allez-vous éviter qu'une telle chose se produise? Le gouvernement s'était engagé à mettre en place un registre des armes à feu qui, au départ, était censé ne presque rien coûter aux contribuables canadiens, disons à peu près 85 millions de dollars, mais la facture a dépassé le milliard de dollars. Comment pouvez-vous nous dire combien va coûter un programme si vous ne savez pas ce à quoi il ressemblera au bout du compte? Comment pouvez-vous garantir aux Canadiennes et aux Canadiens et à ce comité que ce genre de situation ne se reproduira plus?
M. St-Jean : Je ne peux pas vous parler de ce qui s'est produit dans le passé, parce que j'ai pris mon poste il y a un an à peu près. Nous cherchons à améliorer les rapports au Parlement. Nous sommes en train d'améliorer les RPP, c'est-à- dire les rapports sur les plans et priorités, de même que les DPR, les rapports sur le rendement ministériel, sur les plans du contenu et de la qualité.
Dans le années à venir, nous demanderons à tous les ministères de nous remettre leurs états financiers dans le cadre du RRM, quelques années après que les ministères auront été vérifiés. Nous demandons à ce que les RRM soient davantage détaillés et le comité de la vérification réclamera beaucoup plus de détails également.
Dans le secteur privé, il existe ce qu'on appelle l'analyse de divulgation de gestion. J'aimerais que ce genre de document soit beaucoup mieux étayé et que l'information soit plus transparente. Nous sommes en train de travailler sur différentes choses pour améliorer notre travail dans l'avenir.
Le sénateur Stratton : Quant à moi, vous ne nous avez pas dit en quoi cela allait changer ce qui s'est fait dans le cas du registre des armes à feu. Le gouvernement a continué d'alimenter ce registre, même si nous savions combien il nous coûtait à l'occasion de chaque budget supplémentaire des dépenses et si, au fil des ans, les sommes investies ont progressé de façon exponentielle.
En qualité de contrôleur général vous pouvez tirer la sonnette d'alarme, mais si le gouvernement décide de foncer de toute façon, rien ne l'en empêchera.
Le président : Monsieur St-Jean, voulez-vous réagir?
M. St-Jean : Mon rôle est de faire rapport et de veiller à cela. C'est ce que je compte faire.
[Français]
Le sénateur Murray : Monsieur St-Jean, vous dites qu'il y a un plafonnement de 4,5 milliards de dollars. Rien n'empêche le gouvernement de dépenser, outre ce projet de loi, tout excédant de 6,5 milliards de dollars.
En principe, on parle d'un montant de 6,5 milliards de dollars, soit, au minimum, 2 milliards de dollars en surplus et 4,5 milliards de dollars de dépenses. Au-delà de ce montant, rien n'empêche le gouvernement de dépenser tout excédant. Confirmez-vous cela?
M. St-Jean : Le gouvernement annonce ce qu'il veut faire par les budgets, par les estimés.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Chacun a sa propre idée de la prudence. J'ai en main le communiqué de décembre 2003 annonçant l'assermentation du gouvernement Martin et un autre communiqué mentionnant votre nomination. Ces communiqués parlent du rétablissement de votre bureau en tant que bureau indépendant. Or, vous êtes venu nous rencontrer à plusieurs reprises en compagnie de M. Alcock.
J'aurais espéré, mais il s'avère que cela n'était qu'illusion, que le retour à l'indépendance de votre bureau vous transformerait en allié du Parlement cherchant à renforcer le contrôle parlementaire en matière de dépenses publiques. Mais ce n'est peut-être pas votre travail.
Vous avez dit certaines bonnes choses à propos de ce projet de loi et je veux comprendre quel est votre point de vue à ce sujet. Je suppose qu'il est vrai que le fait de préciser certains domaines d'investissement va vous donner, à vous- même et à d'autres intervenants à l'extérieur du gouvernement, une meilleure idée de la destination de l'excédent de 4,5 milliards de dollars. Ce faisant vous aurez l'occasion de vous concentrer, de façon générale, sur ce qui devrait être fait. Toutefois, du point de vue des parlementaires, ce projet de loi est une abomination. C'est un autre coup porté à la surveillance que doit exercer le Parlement sur les fonds publics.
Monsieur le président, le comité voudra peut-être reconvoquer M. St-Jean dans six, 12 ou 18 mois d'ici pour reparler de tout cela. Pour l'heure, il n'a pas grand chose à nous dire, si ce n'est qu'il s'en remet, comme nous tous, à l'article 3. Tout est là. Cet article stipule que le gouverneur en conseil peut autoriser un ministre à dépenser les sommes prévues dans certains domaines. C'est tout ce que M. St-Jean peut nous dire aujourd'hui et il est injuste d'essayer d'obtenir davantage de lui, si ce n'est que le Conseil du Trésor devra approuver les modalités et qu'avant cela, avant même que le Conseil du Trésor ne soit saisi de ces propositions, son bureau aura la possibilité de les examiner. C'est tout ce qu'il y a. C'est ce que vous êtes venu nous dire.
Le président : Cela et le fait que c'est une approche prudente.
Le sénateur Murray : Je comprends bien, mais pour l'instant, je ne pense pas qu'il puisse nous en dire davantage.
Le président : Voulez-vous en dire davantage au comité, monsieur St-Jean?
Le sénateur Murray : Je ne pense pas que vous en sachiez beaucoup plus que nous.
M. St-Jean : Comme je le disais, tout est question de procédure.
Le sénateur Murray : Nous parlons de deux procédures différentes : votre procédure, à l'interne, et notre procédure, au Parlement.
M. St-Jean : J'apprécie la différence.
M. Morgan : Comme nous l'avons dit plus tôt, pour ce qui est de la nature législative des dépenses, le projet de loi C- 48 est semblable à n'importe quel autre projet de loi budgétaire, notamment au projet de loi C-43. Le total prévu est de 4,5 milliards de dollars, sous réserve qu'un excédent de 2 milliards de dollars soit d'abord dégagé. Les autres dispositions du projet de loi C-43 portent sur le financement du transfert dans les fiducies des recettes de la taxe sur l'essence, pour les provinces et pour les garderies. Les projets de loi budgétaires antérieurs prévoyaient des sommes globale qui devaient être transférées dans les fiducies à l'intention des provinces. Ce projet de loi n'est pas inhabituel quant à son niveau de détail, mais il est unique parce qu'il est conditionné à la réalisation d'un excédent de 2 milliards de dollars.
Le sénateur Eggleton : Un peu plus tôt, vous avez dit que ce projet de loi permettrait au Parlement — pas au Conseil du Trésor ni à la branche exécutive, d'exercer un meilleur contrôle sur les dépenses. Je vous ai entendu le dire et j'aimerais que nous voyions un peu ce à quoi ressemblera l'exercice de cette surveillance.
S'il n'y avait pas de projet de loi C-48 et si le gouvernement voulait utiliser l'excédent éventuel constaté à l'automne à d'autres dépenses, en plus de la réduction de la dette, selon la pratique habituelle, il déciderait des programmes destinataires et inscrirait les dépenses aux livres avant la fin du mois de mars prochain. Par exemple, cet argent pourrait aboutir dans une fondation. Ce serait la façon habituelle de procéder, on prendrait ensuite une décision et l'on dépenserait l'argent. C'est cela?
M. St-Jean : Tout à fait. La totalité de l'excédent budgétaire doit être consacré au remboursement de la dette, à moins que vous n'ayez un instrument comme ce projet de loi. Dans ce cas, le Parlement dispose d'une certaine souplesse pour recommander certaines dépenses si l'excédent le permet, parce qu'il ne disposera pas des détails à temps avant le 31 mars. Plutôt que de consacrer la totalité de la somme au remboursement de la dette accumulée, le Parlement peut autoriser une dépense, mais celle-ci ne sera inscrite qu'au 31 mars. De ce point de vue-là, la souplesse est accrue.
Le sénateur Eggleton : Nous savons à présent, ce que nous n'aurions pas su avant le projet de loi C-48, soit que des enveloppes budgétaires de 4,5 milliards de dollars seront utilisées en fonction de la formule applicable.
M. St-Jean : C'est effectivement nouveau.
Le sénateur Eggleton : Plus important encore, si, au 31 mars, on constatait que des recettes supplémentaires sont rentrées dans les caisses de l'État, il serait possible de les consacrer à ces programmes de dépense. Les ententes seraient déjà en place et il ne resterait plus qu'à déterminer comment utiliser l'excédent budgétaire constaté dont le montant ne sera connu que vers le mois d'août ou de septembre. C'est cela?
M. St-Jean : Oui!
Le sénateur Eggleton : Autrement dit, le gouvernement pourrait bloquer cet argent à la fin du mois de mars, mais ne rien dépenser avant cinq ou six mois. C'est exact?
M. St-Jean : Oui!
Le sénateur Eggleton : En cinq ou six mois, le Parlement aura amplement le temps et l'occasion de convoquer les ministres et les fonctionnaires pour analyser tout cela en détail.
M. St-Jean : Je me dois de vous corriger sur ce point. Si l'on est à peu près certains que l'on va dégager un excédent supérieur à 2 milliards de dollars, il sera possible d'effectuer une partie des dépenses prévues avant le 31 mars à ce titre. De façon générale, les dépenses pourront être engagées dès que l'excédent aura été constaté et confirmé.
Le sénateur Eggleton : Mais cela pourrait survenir cinq à six mois après la fin de l'année financière, le 31 mars.
M. St-Jean : Effectivement, cela pourrait se produire vers septembre.
Le sénateur Eggleton : C'est très différent étant donné la période découlant de cette condition. Le Parlement pourrait examiner les dépenses proposées avant que l'argent ne soit dépensé. Les comités parlementaires pourraient faire des recommandations relativement à ces dépenses avant qu'elles ne soient effectuées. Tout cela est nouveau.
Le sénateur Murray : Lisez l'article 3.
Le sénateur Eggleton : Les dépenses devront être inscrites aux livres avant le 31 mars, mais l'argent ne sera pas dépensé tant que l'excédent n'aura pas été constaté et vérifié.
Le sénateur Murray : Quand ces programmes et ces projets nous seront-ils soumis? Lisez l'article 3.
Le sénateur Eggleton : N'importe quand entre la fin mars et la fin septembre.
Le président : M. Morgan va nous répondre.
M. Morgan : Je vais essayer de vous apporter quelques précisions. Étant donné que les ententes devront être signées avant le 31 mars, nous allons essayer de préciser ce que seront ces programmes en vue de préparer les ententes en question. Sans doute en 2006-2007, les ministères pourraient inclure les modalités, négocier ces modalités et établir les orientations les concernant dans leurs RPP. Je crois que nous pourrions avoir la possibilité d'examiner ces documents dans le cadre du processus d'examen du budget des dépenses. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit de déboursements législatifs qui apparaissent toutefois dans les budgets des dépenses et qui doivent être soumis à l'examen du Parlement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Que tout cela est intéressant. Je vais vous poser une question au sujet de la version imprimée de vos remarques préliminaires, parce qu'elles semblent contredire ce qui nous a été indiqué plus tôt, autrement dit que non seulement tout cela est très prudent mais incroyablement détaillé quant à ce qu'on exigera des ministres et des ministères avant et après les dépenses. Tout cela est très détaillé et implique le strict respect des paramètres des divers programmes, l'application de niveaux de vérification appropriés, la signature d'ententes, le respect des politiques comptables et ainsi de suite. Je songe plus précisément à votre point 14 où l'on dit que les documents du budget mettront en évidence les « détails relatifs à l'intention d'utilisation de ces fonds et, par la suite, la façon dont ils seront utilisés ».
Faites-vous preuve de plus de rigueur dans l'application de vos compétences, de vos intérêts et de vos préoccupations avec ce projet de loi? Il est unique, comme on nous l'a dit, et il prête aussi à une certaine interprétation. Est-ce que l'on peut considérer que c'est là quelque chose de courant, en 2005, pour ce qui est du niveau d'exigence imposé aux ministres et à leurs ministères?
M. St-Jean : Comme je le disais, nous avons fait de gros efforts pour renouveler les modalités de quelque 740 programmes de transfert. Je pense qu'il nous en reste 100 à faire. Nous avons mis en œuvre toutes ces normes pour nous assurer que nous disposerons de conditions très claires au moment où nous effectuerons ces versements.
Les RRM et les RPP sont renforcés année après année parce que nous voulons obtenir des rapports beaucoup plus solides de la part des ministères. Il nous faudra plus d'un an pour mener cette procédure à terme, mais nous progressons dans le sens d'une divulgation plus complète visant à permettre au Parlement d'examiner les dépenses.
Si vous voulez convoquer des représentants d'un ministère pour qu'ils expliquent un certain programme, sachez que tous les renseignements concernant ce ministère se trouvent dans son RRM. Cela vous donnera toutes les informations dont vous avez besoin pour poser des questions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pensez-vous, étant donné le caractère unique de ce projet de loi, que vous allez faire face à des défis particuliers?
M. St-Jean : Je pense que divers intervenants pourront voir la chose de façon différente. Le fonctionnement d'un gouvernement est loin d'être linéaire, à cause des nombreuses ententes conclues régulièrement et de toutes les discussions qui se déroulent en permanence.
Ce projet de loi va nous donner le temps nécessaire pour mettre en place des ententes plus fortes et mieux définies, qui préciseront davantage ce à quoi nous devrons nous attendre. Nous pourrons effectuer de meilleures recherches et ce document nous donne effectivement le temps d'agir comme il se doit.
C'est cela la grande différence, si non le reste est pareil.
[Français]
Le sénateur Day : Ce n'est pas encore clair, pour moi, le rôle de votre bureau et le rôle du secrétariat du Conseil du Trésor. J'aimerais comprendre spécifiquement les ententes dont vous avez discuté. Il faut avoir les ententes pour les bénéficiaires avant le 31 mars. Est-ce votre bureau qui négocie ces ententes?
M. St-Jean : Non, ces ententes sont négociées par les différents ministères responsables de ces différents programmes en collaboration avec le secrétariat du Conseil du Trésor qui exerce, à ce moment, un rôle de superviseur pour s'assurer que ces accords soient conformes aux politiques et aux objectifs du gouvernement et avec les us et coutumes des meilleurs pratiques.
Par la suite, une fois que mon bureau et mes collègues sommes impliqués dans la revue des termes et conditions, on doit s'assurer que le cadre de gestion de ces ententes est approprié. Mais la nature de ces ententes et toutes les négociations sont faites par les ministères, dans certains cas le ministre des Finances lui-même, dépendamment des accords, et en collaboration avec le Conseil du Trésor. Nous, on est là seulement pour la gestion.
Le sénateur Day : Disons que notre comité veuille étudier ces ententes avant que les fonds ne soient dispersés. Doit- on aller au secrétariat du Conseil du Trésor? Est-ce préférable, à l'avenir, que vous étudiez ces ententes avant nous?
M. St-Jean : D'après ma compréhension du système de gouvernance, je crois qu'il serait plus approprié de demander au ministère responsable de cet accord, de ce programme ou de cette initiative, de venir partager avec vous les approches, les mécanismes, les partenariats et les mécanismes de contrôle proposés. On pourrait venir, par la suite, vous donner notre opinion. Mais, avant tout, c'est le ministère qui agit.
Le sénateur Day : C'est notre intention de faire cela avant que ces fonds ne soient dispersés. Peut-on le faire?
[Traduction]
M. Morgan : Je pense que les ministres seraient disponibles. À partir des détails qui seraient bien sûr connus, des ententes de financement qui auraient été signées et des rapports sur les plans et priorités, les parlementaires auraient la possibilité de demander des précisions au ministre. À partir du moment où l'on aurait la garantie des excédents, les fonds pourraient être débloqués en fonction des ententes signées, mais cela pourrait n'intervenir qu'après le mois de septembre de l'année suivante.
Le sénateur Day : Je veux m'assurer que, jusqu'à ce que l'entente soit en place, le vérificateur que vous êtes veillera à ce que les fonds ne soient pas déboursés. C'est une des étapes qui doit être mise en place.
[Français]
M. St-Jean : Tous les nouveaux accords et programmes doivent être revus par mon bureau pour s'assurer que les termes et conditions répondent aux normes. Pour faire suite au commentaire de mon collègue, je dirais que c'est le RPP qui vous donnerait le signal des initiatives prévues au cours de la prochaine année. En se basant sur les initiatives divulguées à ce moment, vous pourriez les inviter à venir partager leur plan.
[Traduction]
Le sénateur Banks : Merci pour votre indulgence, monsieur St-Jean. Je ne siège habituellement pas à ce comité, mais cela m'était arrivé une fois dans le passé et je viens de me rendre compte à quel point ce comité m'a manqué.
Je voudrais obtenir une précision. Est-ce que votre bureau examine normalement les modalités relatives aux dépenses de programme avant l'adoption d'un projet de loi budgétaire autorisant l'engagement de fonds?
M. St-Jean : Cela fait un an que je suis en poste. Je ne pense pas.
Le président : Monsieur Morgan, voulez-vous répondre?
M. Morgan : Pour cela, il faudrait examiner l'entente de financement afin de s'assurer que les fonds ont été inscrits au passif le 31 mars. Nous serions au courant de cela et nous veillerions à inscrire les fonds en question.
Le sénateur Banks : Est-ce que ce sera le cas si ce projet de loi est adopté?
M. Morgan : Oui, au 31 mars.
Le sénateur Banks : Merci.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le budget ne permet normalement pas de faire ce que vous dites que nous allons faire avec le projet de loi C-48? Est-ce que le budget n'énonce pas les paramètres des dépenses?
M. St-Jean : Ce qu'il y a de nouveau avec ce projet de loi, c'est qu'il nous donne un préavis d'un an.
Le sénateur Tkachuk : N'est-ce pas ce que fait le budget? J'ai entendu le ministre des Finances parler de dépenses sur 10 ans. Est-ce qu'on aurait oublié le budget dans ce cas ou comment les choses fonctionnent-elles?
M. St-Jean : Comme je l'ai dit, à moins que ce genre de mécanisme ne soit en place avec ce projet de loi ou dans tout autre budget à venir, la totalité de l'excédent devra être consacrée au remboursement de la dette accumulée. Ici, vous avez la possibilité de récupérer des dividendes budgétaires et de les attribuer avant de fermer vos livres. C'est cela, l'approche nouvelle. Dans le passé, tout excédent devait automatiquement aller au remboursement de la dette accumulée. Grâce à ce projet de loi, vous aurez la possibilité de garder vos livres ouverts, même après le 31 mars, et décider d'engager les fonds ou de les conserver, selon la position financière du gouvernement à l'époque. Cela, c'est nouveau.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qui va empêcher un gouvernement de faire la même chose pour tous les ministères? Qu'est-ce qui va empêcher le gouvernement de dire qu'il a un budget et, un mois plus tard, de déposer un autre projet de loi indiquant qu'il a un surplus d'argent, mais qu'il ne va pas dire comment il entend le dépenser, qu'il le dépensera comme bon lui semble?
M. St-Jean : Si j'ai parlé de nature prudente au sujet de l'approche de cette année, c'est rapport à ce que nous avons vu dans les budgets passés. Quand vous comparez 4,5 milliards de dollars aux excédents des années passées, nous ne sommes pas très loin du compte.
Personnellement, je ne serais pas d'accord avec un projet de loi portant sur des sommes plus importantes.
Le sénateur Tkachuk : Quelle est la différence, si vous partez du principe que cela convient? Vous êtes le contrôleur. Vous rassurez le gouvernement en lui disant que tout va bien avec ce projet de loi. Eh bien, si les choses vont bien pour ces 4,5 milliards de dollars, elles pourraient aller tout aussi bien pour 10 ou 15 milliards de dollars.
M. St-Jean : Je dis que les choses vont bien parce que nous disposons d'une certaine marge de précision par rapport à ce que nous avons connu dans le passé, parce que ce n'est pas disproportionné en regard de l'excédent envisageable. Somme toute, c'est un budget modeste par rapport au budget global de 200 milliards de dollars. Cela représente 2 p. 100 de ce budget.
Le président : Merci pour votre présentation, monsieur St-Jean.
J'invite à présent MM. Stanley Hartt et Finn Poschmann à prendre place. Honorables sénateurs, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Finn Poschmann, du C.D. Howe Institute, organisme national apolitique sans but lucratif qui fait la promotion de l'application de la recherche et de l'analyse indépendante aux grandes questions économiques et sociales.
M. Poschmann, quant à lui, est directeur associé de la recherche et analyste de politiques principales au C.D. Howe Institute où il travaille depuis janvier 1998. Pendant plus d'une décennie, avant cela, il a travaillé à la direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement. Il a travaillé dans différents domaines de l'économie, mais surtout dans ceux des finances publiques, de la fiscalité et des relations fédérales-provinciales.
M. Stanley Hartt comparaît aujourd'hui à titre individuel. M. Hartt est diplômé de droit de McGill. Il a été associé au sein du cabinet d'avocats Stikeman Elliott jusqu'en 1985. De 1985 à 1988, il a été sous-ministre au ministère des Finances. De 1989 à 1990, il a été chef de cabinet du premier ministre Brian Mulroney. Il est actuellement président de Citygroup Global Markets Canada. Comme il doit comparaître devant un autre comité, nous pourrions peut-être le laisser commencer.
M. Stanley Hartt, à titre personnel : Merci. J'aurai trois remarques à faire.
Premièrement, il y a lieu que les sénateurs s'alarment du précédent qu'est en train de créer le projet de loi C-48 quant à la façon dont les législateurs sont invités à utiliser ou, plus exactement dans ce cas, à ne pas utiliser les pouvoirs traditionnels du Parlement en matière de contrôle des dépenses publiques. Ces pouvoirs ont été durement gagnés. Certes, nous n'avons pas versé de sang au Canada pour acquérir ce droit de contrôle, mais nos ancêtres britanniques, dont nous avons hérité le système parlementaire, ont versé le leur. La suprématie du Parlement en matière de dépense est une tradition très importante que nous ne devons pas prendre à la légère.
J'ai vu comment mes ex-collègues du ministère et comment les nouveaux du Conseil du Trésor ont essayé de nous faire passer des vessies pour des lanternes ce matin. On a voulu nous faire avaler le principe selon lequel les dépenses ne doivent pas être autorisées parce que « le ministre des Finances a le pouvoir de dépenser de l'argent pour ceci ou pour cela », après quoi on rajoute quatre mots à la fin de la phrase. Tout cela est très bien, c'est rassurant, et ce sont des programmes fantastiques dans lesquels il conviendrait d'investir, mais il faudrait d'abord connaître les paramètres de ces programmes et savoir comment l'argent sera dépensé, sans perdre de vue que le gouvernement se sentira obligé de dépenser les sommes prévues aux termes de cet engagement légal avant le 31 mars. À ce moment là, le gouvernement vous dira « Honorables sénateurs, vous savez, après le 31 mars, une fois que les ententes conditionnelles ont été signées et que les entités ont été mises en place pour nous débarrasser de cet argent maudit, encombrant, gênant, vous pourrez tout de même convoquer des gens pour leur poser des questions ». C'est bien sûr ce que vous ferez, mais vous aurez déjà autorisé les dépenses en question, que vous le vouliez ou non, ce qui est épouvantable sur le plan de nos traditions parlementaires.
Nous dépensons habituellement l'argent à partir de recettes budgétées ou même d'emprunts prévus. D'aucuns ont dit qu'il allait de l'intérêt national de préserver la notion de péremption des crédits. Le principe de la péremption n'a pas inventé pour menotter les gouvernements ou entraver les législateurs dans leurs tentatives de réaliser les choses fantastiques qu'ils essaient honnêtement de faire à longueur de journée. Non, le principe de la péremption a été inventé précisément pour l'inverse. Si, à la fin d'une année financière, tout l'argent n'est pas dépensé, eh bien, il sert à réduire la dette. Cela ne veut dire qu'il est perdu à jamais. Si une priorité survient en cours de route et si vous voulez y répondre, mais qu'il n'y a pas assez d'argent dans le courant de l'exercice entamé, vous pouvez toujours réemprunter en fonction de ce que vous avez payé. La péremption a été inventée pour donner au Parlement une autre possibilité de dire si les fonds publics doivent ou non être dépensés. Je ne trouve rien de rassurant, de prudent ni de souhaitable pour nos traditions parlementaires que d'utiliser les soldes périmés pour le confier à une entité, une société dotée ou non d'un capital commun, ou encore une fondation quelconque en se disant qu'on pourra toujours poser des questions une fois que l'argent aura été placé là.
Je veux aussi vous parler des changements de priorité. En ma qualité de ministre des Finances, j'ai eu à faire à bien des pressions. Il nous fallait attendre longtemps pour obtenir des ministères le genre de choses que nous jugions importantes.
Il est intéressant de penser que le Canada n'est pas à court de bonnes causes. Nous manquons de ressources, mais les bonnes causes abondent. Les pressions sont toujours là.
Je n'ai rien contre les quatre catégories de programme mentionnées, parce qu'elles sont toutes très bien. En revanche, pourquoi voudrions-nous prendre 4,5 milliards de dollars pour ces choses-là en nous disant que nous pourrons poser des questions plus tard et que le contrôleur général reviendra devant le comité pour nous parler des détails des ententes conclues?
Je vais vous donner un exemple qui découle du travail du Sénat. J'ai eu l'honneur de représenter une dizaine de vos collègues dans la cause Chaoulli devant la Cour suprême. Le comité du sénateur Kirby, qui était alors coprésidé par le sénateur LeBreton et qui l'est maintenant par le sénateur Keon, avait publié un rapport incroyable intitulé « La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral ». Ce rapport recommandait que l'on garantisse des soins de santé afin d'éviter que des Canadiens ne soient oubliés par le système de santé et qu'ils n'obtiennent pas les services médicaux nécessaires dans des délais médicalement raisonnables. Comme ce rapport était révolutionnaire, les sénateurs — 10 plus précisément, parce que n'était pas le comité tout entier étant donné qu'un ou deux s'étaient abstenus — ont décidé d'engager un avocat et de se présenter devant la Cour suprême. Ils ont obtenu les droits recherchés. C'est sur le contenu de leur mémoire que la plupart des tribunaux se fondés pour rendre des décisions.
La Cour a statué qu'il n'appartenait plus au gouvernement, au Cabinet, au Premier ministre, avec ou sans l'aide du NPD, de décider combien il fallait consacrer aux soins de santé. Comme suite à cette décision, le gouvernement est tenu de consacrer 41 millions de dollars sur 10 ans, ce qui semble énorme. Les provinces se sont dites d'accord avec ce montant et tout le monde a applaudi à la signature de l'accord sur les soins de santé. Le problème, c'est que si les gens n'obtiennent pas les traitements nécessaires dans des délais jugés maximums par la science médicale, le gouvernement sera exposé à des poursuites qui pourraient en fait nous priver de notre système de soins de santé.
Le Premier ministre affirme que le Canada n'aura pas de système médical à deux vitesses, mais il sillonne le pays pour distribuer des subventions asymétriques uniques, négociées sur la base du projet de loi C-43 et il parle même de certains des aspects qui pourraient être réalisés en vertu de ce projet de loi-ci.
Pourquoi donc le Parlement devrait-il s'engager envers certaines priorités pour les deux prochaines années financières, avant qu'il sache ce qu'elles seront? Nous avons un exemple de priorités absolues. Si les Canadiens comprenaient ce qui se passe, ils diraient « Oui, donnez de l'argent pour cette priorité-là ».
Le NPD devrait rougir de honte de ne pas avoir retiré ce projet de loi budgétaire en suggérant que l'argent soit investi dans le système de santé, à la suite de ce jugement. La garantie de soins de santé ne s'appliquera pas uniquement à des soins dispensés par un système de santé universel, financé par les deniers publics provenant de l'État. Mais cette garantie s'inscrit dans le sens des droits constitutionnels des Canadiens parce qu'elle prévoit que le secteur privé permettra de désengorger le système public. Toutefois, le Parlement n'a pas encore pris de décision à cet égard. Quand il aura décidé, il lui faudra peut-être disposé de ces précieux excédents.
Je terminerai en vous parlant du mécanisme d'application du projet de loi C-48. Je me suis déjà objecté à l'idée des fondations comme moyen d'éviter la péremption. La Vérificatrice générale a dit qu'il était difficile de déterminer où aboutit l'argent, ce qui nous amène à nous poser la question suivante : en avons-nous eu pour notre argent? Il faut déterminer ce que l'on veut avant de savoir si les ressources seront bien employées.
L'article 3 mise sur la mécanique des fondations, parce qu'il prévoit la création de personnes morales avec ou sans capital-actions, par le biais de subventions et de versements divers. Il est simplement question ici de retirer une partie de l'argent des livres. Je ne suis pas certain que cela soit prudent ni que cela améliore la prévisibilité.
La Commission Gomery déposera son rapport le 15 décembre si elle s'en tient à l'échéancier annoncé et, 30 jours plus tard, s'il tient parole, le Premier ministre déclenchera une élection. Si l'on ajoute à cela la période suivant le déclenchement des élections, nous aurons une nouvelle législature avant le 31 mars.
Ce projet de loi ne semble être rien d'autre qu'une tentative visant à sauver la peau d'un parti politique en attendant la prochaine élection. Loin de moi l'idée de laisser entendre que le fait de vouloir sauver sa peau sur le plan politique est quelque chose de mal, surtout pas étant donné le genre de fonctions que j'ai assumées dans le passé. Appelons un chat un chat et arrêtons d'essayer de qualifier ce projet de loi de mesure prudente et de modèle pour l'avenir. L'ancien sous- ministre que je suis estime que si c'est cela le modèle d'avenir, eh bien ça ne va pas.
M. Finn Poschmann, directeur associé de la recherche et analyste de politiques principal, C.D. Howe Institute : Merci, sénateurs. J'ai eu du mal à préparer mes notes d'intervention au sujet du projet de loi C-48, mais j'ai trouvé un bon titre : le projet de loi C-48 est très bref. La brièveté peut être quelque chose de bien dans la vie en général comme dans la vie parlementaire. Il est peut-être bon que le projet de loi soit bref, parce que chaque mot qu'il contient représente une dépense de 11,25 millions de dollars. Et c'est là que je vais cesser d'être gentil.
Le projet de loi C-48 fait problème pour bien des raisons dont certaines ont été mentionnées par M. Hartt. Ce texte se place à l'extérieur de l'exercice budgétaire en sorte qu'il échappe complètement au genre de compromis auquel on assiste normalement dans la constitution d'un budget. Les budgets sont normalement destinés à réaliser l'équilibre entre des priorités concurrentes, celles des politiques et celles de la politique. Le projet de loi C-48 fait exception à cela.
Par ailleurs, il est entièrement consacré aux sommes à affecter mais passe sous silence la nature des dépenses, pourtant importante. Il représente le triomphe de la politique sur les politiques et affirme que l'argent devrait être dépensé dans cinq catégories, peu importe ce qu'elles sont. Il s'agit d'un projet de loi de crédits, d'un projet de loi donnant un pouvoir de dépenser. Pire encore, il ne s'accompagne d'aucun cadre permettant d'établir des priorités entre les différentes catégories. Le budget fédéral est censé être un document qui énonce les choix du gouvernement par rapport aux priorités de dépenses. On envisage ici d'ajouter, peut-on penser, 1,5 milliard de dollars aux dépenses effectuées au titre de l'enseignement postsecondaire et du logement à prix modique. Normalement, ce genre de compromis n'est dévoilé qu'au moment du dépôt du budget, mais le projet de loi C-48 se trouve à précipiter ce type de décision dans le bourbier politique en même temps que le pouvoir de dépenser 4,5 milliards de dollars.
Ce projet de loi n'explique pas ce qu'il vise à réaliser. Il n'est assorti d'aucun objectif, en sorte qu'on ne peut pas dire ce qu'il va permettre de réaliser. La précipitation à dépenser va saper les efforts que le personnel de nombreux ministères déploie en vue de contrôler les coûts et de juguler les dépenses. Le processus d'examen des dépenses que le gouvernement vient tout juste d'entreprendre vient de se retrouver dans le fossé et d'être remplacé par un brouillon d'une demie page.
Le projet de loi C-48 vise à injecter des fonds dans des domaines qui pourraient absorber énormément d'argent, presque à fonds perdu. Le fait que ce projet de loi n'énonce pas les intentions visées ne fait rien pour améliorer la situation. Il comporte un mécanisme rétrograde d'établissement des sommes à dépenser qui n'a rien à voir avec l'exercice budgétaire. Ce n'est pas ainsi qu'on prépare un budget et la Vérificatrice générale aura de la difficulté quand elle essaiera d'interpréter tout cela à la fin de l'année.
Ce mécanisme vient saper les efforts des gestionnaires de la fonction publique qui veulent rester dans les limites des budgets établis à l'approche de la fin de l'année financière. Je ne pense pas que cela va améliorer quoi que ce soit. Les décideurs et les gestionnaires de la fonction publique savent que l'argent qui n'est pas dépensé au 31 mars est investi dans un autre programme. Si vous ne vous retrouvez pas dans l'une des quatre catégories de dépenses énoncées ici, vous pouvez être certain que l'argent que vous n'aurez pas dépensé ira ailleurs. Je ne vois pas en quoi nous allons atténuer le problème du délestage du mois de mars grâce à ce processus.
En y réfléchissant, le gouvernement de l'heure pourrait se rendre compte qu'il existe une porte de sortie et qu'il n'a pas à dépenser un seul sou dans les domaines mentionnés dans le projet de loi C-48. Le Parlement pourrait voter une autorisation de dépenser supplémentaire qui permettrait d'absorber la totalité de l'excédent. Imaginez le budget de février 2006. Il pourrait jeter de nouvelles bases, créer de nouvelles fondations et créer de nouvelles dépenses pour utiliser les fonds disponibles avant le 31 mars. Cela pourrait se faire dans n'importe quel domaine décidé par le gouvernement, parce qu'il s'agirait d'un nouveau budget et qu'il n'y aurait aucune contrainte. Le projet de loi C-48 ne contribue pas à orienter les dépenses et il empêche le Parlement de contrôler la façon dont le gouvernement établi ses priorités.
Il ne sera pas aisé de corriger le projet de loi C-48 parce qu'il est défaillant au niveau de sa conception même. Je suppose que ce projet de loi sera adopté, mais j'espère que, dans l'avenir, l'autre Chambre vous soumettra des projets de loi qui vous permettront davantage d'exercer votre contrôle.
Le sénateur Tkachuk : Si l'excédent allait à des fondations ou à d'autres organisations mentionnées dans le budget et si ces sommes restaient là, est-ce qu'on répondrait aux exigences du projet de loi C-48?
M. Hartt : Oui, en ce sens que vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux. Si vous devez créer un mécanisme pour décréter que l'argent a été dépensé, à ce moment-là il faut parler de « dépenses ». Il y a une obligation de dépenser parce que les fonds sont engagés et qu'ils échappent dès lors au contrôle du Parlement. Il serait toujours possible de demander à la fondation de dépenser ou au contraire de ne pas dépenser ces sommes.
Je ne suis pas en train de dire que ce projet de loi obéit à des visées mal saines, mais je crains que l'on prenne pour habitude de se lancer dans des orgies dépensières et que l'on continue d'agir ainsi durant des périodes où ne disposerons pas d'autant de ressources. Les bénéficiaires de ce genre de dépenses ne cesseront pas de réclamer de l'argent demain au prétexte qu'il n'y aura plus d'excédent. S'ils reçoivent de l'argent quand il y a un excédent, que feront-ils quand il n'y aura plus d'excédent? Eh bien, ils continueront d'espérer de tels fonds, ils les réclameront et s'adresseront aux parlementaires.
Les orgies dépensières ne sont jamais bonnes et, quand elles ont pour seul objet de prolonger la vie d'un gouvernement d'une semaine ou de quelques mois, c'est encore pire.
Le sénateur Eggleton : On peut penser aux folies dépensières des années conservatrices.
Le sénateur Tkachuk : Le sénateur Eggleton vient de me voler ma question.
Le sénateur Eggleton : C'était mon intention.
Le sénateur Tkachuk : C'est vite revenu. D'ailleurs, j'ai demandé à M. St-Jean si cet argent pouvait se retrouver dans le budget de l'année prochaine. M. McKay a dit que ces sommes ne devaient pas forcément être dépensées cette année, qu'elles pourraient l'être l'année prochaine, que rien n'oblige le gouvernement à dépenser ces fonds cette année et qu'il pourra décider de ne jamais les dépenser.
En fait, ces fonds ne répondent à rien d'essentiel. En théorie — et je ne dis pas que c'est le cas, parce que je ne crois pas que le gouvernement ferait quelque chose comme cela — tous ces programmes pourraient se retrouver dans le budget et tout cet exercice pourrait n'être qu'une imposture. Tout cela pourrait se retrouver dans le budget de l'année prochaine. Autrement dit, les sommes affectées au départ ne le seraient plus et l'on remplacerait cet argent par d'autres fonds.
M. Poschmann : On pourrait qualifier ces sommes de montants illusoires. Au 31 mars, il faudra qu'une entente soit en place — qu'il y ait une fondation, une entente conclue avec une localité ou peu importe — et il pourra s'agir d'à peu près n'importe quoi, mais il faudra qu'une entente soit en place au 31 mars pour confirmer l'engagement. Toutefois, cet engagement est conditionnel parce que, comme on nous l'a dit ce matin, on ne sait pas s'il sera possible, en vertu du projet de loi C-48, de donner suite à cet engagement conditionnel.
Ainsi, les fonds prévus sont dépensés sans l'être. On ne saura pas ce qui se passera tant que, cinq mois plus tard, on apprendra si le programme peut être ou non activé. C'est vraiment très étrange comme situation. Il peut être difficile de comprendre, avec les yeux de l'observateur extérieur, qui va vouloir examiner les plans de dépense et obtenir les preuves quant à ce qui a été réalisé cette année et à ce qui sera réalisé l'an prochain et pourquoi le gouvernement n'a pas de problème à mobiliser les fonds pour cela. Il est bien difficile de trouver des preuves au sujet de toutes ces priorités.
Le sénateur Tkachuk : À la façon dont je comprends le projet de loi, les fonds en question viendront en sus d'un excédent de 2 milliards de dollars. Autrement dit, les deux premiers milliards de dollars iront au remboursement de la dette. Supposons que l'on réalise un excédent supplémentaire de 1 milliard de dollars chaque année en sorte qu'on ne parvienne à dégager que 2 milliards sur les 4,5 milliards de dollars recherchés. Ce projet de loi prendra-t-il effet à ce moment-là ou faudra-t-il attendre que toute la somme soit disponible?
M. Hartt : J'ai l'impression qu'un montant partiel pourra suffire.
Le sénateur Tkachuk : Donc, des fonds partiels suffiront.
M. Hartt : C'est cela.
Le sénateur Tkachuk : Le Cabinet décidera ensuite de la répartition de ces fonds partiels. Il se dira qu'il ne dispose que de 2 milliards de dollars et qu'il va les dépenser de telle ou telle façon. Voilà pourquoi je voulais que l'on nous remette l'entente conclue avec le NPD afin de savoir ce que ce parti voulait voir couvert dans toute cette procédure. Il est de notoriété publique que c'est le NPD qui est à la base de cette entente.
Est-ce que le NPD pourrait avoir son mot à dire sans disposer de cette information, qui devrait être rendue publique, sur la façon dont les fonds seront utilisés dans l'avenir? Est-ce que le NDP et les Libéraux pourront s'asseoir ensemble pour décider de la façon dont ils vont dépenser les 2 milliards de dollars en fonction des quatre catégories énoncées?
M. Poschmann : Je vais être prudent dans ce que je vais dire. Je n'ai pas entendu que cette entente, si elle existe, pourrait influencer légalement la façon dont les fonds seront répartis en vertu de ce projet de loi.
Cela pourrait se faire à la faveur d'un processus occulte au niveau du Cabinet, mais ce serait alors entièrement politique. Une fois la loi adoptée, si elle l'est, la Chambre n'aura plus son mot à dire.
Le sénateur Tkachuk : Il s'agit d'un projet de loi politique et pas d'un document légal. Autrement dit, si le NPD estime que les promesses ne sont pas tenues, il ne pourra se retourner contre personne, il ne pourra poursuivre qui que ce soit, pas plus le gouvernement que le ministre des Finances au motif qu'un accord signé avec un ministre de la Couronne n'a pas été respecté.
M. Poschmann : C'est exact. Le gouvernement en place conserve un pouvoir discrétionnaire énorme sur la façon d'affecter les sommes prévues dans ce projet de loi, notamment en proposant une autre loi de dépense qui supprimerait toute la marge de manœuvre dont ce projet de loi a besoin.
M. Hartt : N'oubliez pas que les témoins qui vous ont précédé, du ministère des Finances et du Bureau du contrôleur général, nous ont bien précisé que personne n'aura le genre de certitude dont vous parlez, notamment pas le Cabinet, avant le mois de septembre de l'année prochaine. S'il veut tenir la promesse qu'il vous a faite, le premier ministre aura déclenché des élections avant cela. Vous parliez de la réaction éventuelle du NPD. Eh bien, celle-ci sera politique, à la Chambre, mais lors de la prochaine législature.
Le sénateur Tkachuk : Merci, monsieur le président.
Le président : Comme l'avocat du ministère des Finances nous l'a indiqué, le paragraphe 1(1) de ce projet de loi nous dit :
[...] le ministre des Finances peut faire des versements, à prélever sur le Trésor
Un peu plus bas, à propos de l'autorisation, c'est-à-dire l'article 3, on peut lire :
Pour l'application de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, selon les modalités qu'il juge indiquées, autoriser tout ministre :
Suit une longue liste de modalités dont aucune ne prévoit la surveillance par le Parlement.
Auriez-vous quoi que ce soit à recommander à notre comité parlementaire en vue d'améliorer ce projet de loi pour permettre au Parlement d'exercer un certain contrôle afin que nous fassions respecter les principes de la transparence et de reddition de comptes?
M. Hartt : À deux reprises, avec les témoins précédents, le sénateur Eggleton a souligné le fait que le Parlement peut exercer un contrôle après la fin de l'année financière, quand on sait avec plus de certitude si de l'argent sera disponible et ce sur quoi il faudra le dépenser, parce qu'à ce moment-là le Parlement pourra convoquer des gens pour leur demander des explications. Voilà le genre de contrôle que peut exercer le gouvernement, mais ce n'est pas le rôle de surveillance que j'associe traditionnellement au Parlement en matière de pouvoir de dépenser. Autrement dit, le Parlement pourra intervenir une fois que la dépense aura été faite et, comme les gens sont gentils, ils accepteront de se rendre à votre invitation et de s'asseoir dans cette chaise pour vous expliquer où est passé l'argent.
M. Poschmann : Je ne crois pas pouvoir ajouter quoi que ce soit à cela. La liste des utilisations et des versements possibles, d'après l'article 3, n'est pas différente des autres projets de loi qui donnent un pouvoir de dépenser. Ce qui est étrange à cause de ce projet de loi, c'est qu'il est déconnecté du processus d'établissement des priorités.
Le sénateur Harb : Messieurs, les commentaires que vous avez faits tous deux au sujet du contrôle parlementaire m'ont impressionné. Je ne suis pas dans les chaussures du gouvernement, mais je crois qu'en rédigeant ce projet de loi ainsi, c'est précisément ce que pensait le gouvernement.
Je vais vous dire pourquoi. D'abord, au chapitre de l'autorisation, on retrouve les paragraphes 3e) et 3f). Je soupçonne que c'est sur ces plans que le gouvernement envisage de contourner le contrôle parlementaire. Il pourrait prendre l'argent, le confier à une personne morale récemment crée ou acheter des parts dans une personne morale existante et dire qu'il s'est acquitté de l'engagement pris dans l'entente. Il pourrait ensuite dire qu'il veut examiner d'autres possibilités pour dépenser les fonds en concluant des ententes avec les provinces ou les municipalités ou en obtenant la capacité de dépenser l'argent.
Tout à l'heure, j'ai demandé aux représentants du Conseil du Trésor si le système pourrait dépenser l'argent confié à une personne morale. Si vous n'avez pas la capacité de dépenser, aucun fonds ne sortira.
Je disais que le gouvernement s'est montré incroyablement malin en proposant un instrument aussi souple que le projet de loi C-48 pour répondre aux désirs et aux aspirations des Canadiens.
Nous aurions, certes, préféré que ce projet de loi ne se présente pas sous cette forme. Toutefois, dans les circonstances, vous avez vous-même déclaré, monsieur Hartt, qu'il n'y a rien de mal à conclure de tels accords politiques. Je pense qu'il est très bien que le gouvernement réponde au désir des Canadiens qui ne veulent pas d'élections. Ils voulaient, par-dessus tout, que le gouvernement mette en œuvre une partie des engagements qu'il avait pris dans les projets de loi et les budgets précédents. Des deux maux, il a choisi le moindre, mais cela revient aussi à pactiser avec le diable. Je pense que ce n'est pas si mal que cela. Qu'en pensez-vous?
M. Hartt : Je l'ai dit, sénateur Harb, je n'ai rien contre les catégories de dépense indiquées ici. Personne ne peut avoir quoi que ce soit contre elles, parce qu'elles sont bonnes.
Qui va se déclarer contre le logement abordable, l'aide à l'étranger, l'environnement ou la formation et l'éducation?
Le problème c'est qu'habituellement, dans un budget, on soumet non seulement une liste de domaines de dépense au Parlement, mais on propose aussi des solutions de repli, des paramètres de programmes préliminaires et on précise quelque peu l'intention visée par les dépenses envisagées.
Les documents budgétaires — et je le sais, parce que je les préparais — sont particulièrement épais, ils sont accompagnés de documents et ils vont jusqu'à proposer des voies et des moyens. Les fonctionnaires déploient beaucoup d'énergie et d'efforts pour les préparer et expliquer aux Canadiens en général et aux groupes d'intérêt en particulier, du moins ceux qui parlent pour certains Canadiens, comment tout cet argent va être dépensé.
Ce qui est inquiétant avec ce projet de loi, c'est qu'il est le résultat de pressions qui ont été exercées dans une chambre d'hôtel ou ailleurs, car je ne sais pas où tout cela s'est passé, et qu'on en est arrivé à produire une liste de bonnes choses. Les fonds ont été affectés.
Je suis d'accord avec vous quand vous dites que certains efforts ont été déployés, par le truchement du Conseil du Trésor, pour veiller à ce que les mécanismes d'examen des dépenses soient en place avant la sortie des fonds. Une certaine responsabilité a été exercée, mais nous sommes si loin du processus budgétaire habituel que je ne peux que vous exhorter, même si vous devez appuyer ce projet de loi à contrecoeur et l'adopter, à ne pas vous en tenir à ce discours voulant que c'est une bonne idée et que c'est ainsi que nous devrions procéder dans l'avenir. Ce n'est certainement pas une grande innovation.
M. Poschmann : Monsieur le président, il y a une différence entre le fait de parler du Parlement et le fait de parler du gouvernement. Ce projet de loi invite le Parlement à autoriser a priori des dépenses conditionnelles pour tout un ensemble de projets intéressants dont les bénéficiaires seront nommés plus tard. C'est tout à fait nouveau pour le processus budgétaire. Je pense que M. Hartt a raison de s'inquiéter des lendemains possibles de tout cela.
Le sénateur Harb : Il y a une attrape. C'est précisément ce que la Vérificatrice générale n'a eu de cesse de répéter. Avant que le gouvernement ne puisse dépenser un seul sou, il doit se présenter devant le Parlement et demander l'autorisation de dépenser des fonds, après quoi il peut mettre sur pied des corporations, des agences ou des fondations et faire toutes les bonnes choses qu'il doit faire. Le gouvernement fait exactement ce que la Vérificatrice générale lui a demandé de faire, après quoi il nous appartiendra de lui tirer les oreilles.
Monsieur Hartt, sachant ce que nous savons et puisque nous sommes saisis de ce projet de loi, que recommanderiez- vous au gouvernement si vous étiez son conseiller? Est-ce que vous lui recommanderiez de mettre sur pied une personne morale, de mettre l'argent de côté et de fixer ensuite les paramètres des programmes en fonction desquels vous dépenseriez cet argent ou est-ce que vous verseriez simplement les fonds aux provinces, sous la forme d'un chèque, en les invitant à le dépenser comme bon leur semble?
M. Hartt : Je suis heureux que vous me demandiez ce que je dirais si je conseillais le gouvernement. Si tel était le cas, vous n'aimeriez pas la réponse que je donnerais à une telle question non étayée.
Si la Vérificatrice générale se trouvait à ma place, elle vous dirait « Sénateur, ne me dites pas que c'est ce que je voulais que vous fassiez. Effectivement, je veux que le Parlement soit au courant des dépenses avant qu'elles ne soient engagées. Effectivement, avant que l'argent ne disparaisse dans une fondation avant le 31 mars, je veux avoir la certitude que je pourrai faire une vérification sur ce qui a été dépensé afin que je puisse vous dire si vous en avez eu pour argent. »
Je ne pense pas que la Vérificatrice générale applaudisse à cette mesure. Je ne sais pas si vous avez prévu de la faire venir, mais je ne peux imaginer qu'elle veuille qu'on rajoute un simple mot à la fin d'une phrase qui commence ainsi « Le ministre des Finances peut faire des versements... ». Elle veut pouvoir s'appuyer sur des paramètres de programmes qui lui permettront plus tard de dire que le Parlement avait l'intention de réaliser ceci ou cela avec l'argent qu'il a consenti par le biais d'un crédit, et voilà ce qui s'est passé. C'est cela qu'un vérificateur peut faire. Un vérificateur ne peut pas inventer ce qui vous est passé par l'esprit au moment où vous avez autorisé les fonds. Très honnêtement, je ne suis pas certain que tout cela ait été bien réfléchi.
Le président : La Vérificatrice générale est intéressée par l'optimisation des ressources. Je ne me rappelle pas l'avoir entendu dire qu'elle voulait que le gouvernement mette sur pied un ensemble de fondations autonomes échappant au contrôle du Parlement.
M. Hartt : Elle a dit l'opposé.
Le président : Précisément.
Le sénateur Murray : J'ai déjà dit à quel point j'étais opposé à ce projet de loi. M. Hartt, je me demande si vous n'êtes pas trop strict si vous n'adoptez pas une approche trop classique quant à l'utilisation de l'excédent. Je comprends que, selon vous, l'excédent doit être destiné à rembourser la dette et que, si l'on a besoin d'argent pour quelque chose d'autre, il faut l'emprunter sur les sommes utilisées afin de rembourser la dette.
Vous êtes sans doute assez vieux pour vous rappeler l'époque du gouvernement St. Laurent. Eh bien, M. St. Laurent a vu un jour une manne descendre sur lui sous la forme d'un héritage que lui avait laissé un couple de Canadiens décédés, mourant ou récemment morts; son gouvernement a décidé de se servir de cet argent pour doter le Conseil des arts du Canada.
On pourrait dire que c'est ce qui se passe avec ce projet de loi. Le gouvernement pourrait prétendre qu'il va dépenser 4,5 milliards de dollars pour faire ceci ou cela.
Chaque fois que le gouvernement a créé une fondation, je m'y suis opposé. Cependant, je l'ai fait parce qu'un grand nombre de ces fondations avaient été crées sous le coup de la Loi sur les corporations canadiennes parce que, comme plusieurs l'avaient constaté, ces sociétés échappaient au contrôle du Parlement. Une fois qu'il se retrouvait dans les caisses de ces personnes morales, nous n'entendions plus parler de la façon dont l'argent était dépensé par ces organismes non gouvernementaux, bien que ce fut à des fins de politique publique. C'est à cela que je m'objectais. Nous progressons parce que nous sommes en train de les ramener peu à peu dans notre giron.
J'ai tendance à penser que le gouvernement a raison d'utiliser les excédents non prévus. S'il décide de ne pas consacrer cet argent, en totalité ou en partie, à la réduction des taxes et des impôts ou s'il ne veut pas l'utiliser en totalité à la réduction de la dette, il pourra l'utiliser à d'autres fins.
Le problème que je vois dans ce projet de loi, c'est que le Parlement n'a pas vraiment voix au chapitre, au-delà d'une autorisation à caractère général. Par rapport à cette formule, je trouve que les fondations ne sont pas si mal. L'idée des fondations, à condition qu'elles soient soumises à un contrôle parlementaire et qu'elles soient tenues de rendre des comptes, n'est pas trop mauvaise.
M. Hartt : Sénateur Murray, je me rappelle effectivement M. St. Laurent. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises. Mon père a été membre de son parti et de son gouvernement. Je me rappelle très bien cette époque. Eh bien, je suis prêt à parier que vous ne trouverez aucun projet de loi indiquant que les excédents non prévus, provenant de l'héritage de personnes, devront uniquement servir à la mise sur pied du Conseil des arts du Canada. Je vous parie que quelqu'un connaissait le mandat du Conseil des arts du Canada et qu'une loi a créé le rôle du conseil et en a nommé les membres.
C'est ce qui ne va pas avec ce projet de loi. Je n'ai rien contre le Conseil des arts du Canada. Vous auriez pu fort bien ne pas destiner ces fonds aux quatre catégories mentionnées pour les donner en totalité au Conseil des arts du Canada. Mon problème ce n'est pas le fait que l'on dépense des excédents budgétaires, mais qu'on le fasse dans le cadre d'une procédure novatrice, qui échappe au processus budgétaire, sans repli, sans que l'on connaisse les paramètres des programmes et sans se fonder sur un précédent.
Le sénateur Murray : Vous estimez que les excédents devraient uniquement servir à rembourser la dette?
M. Hartt : Cela dépend des circonstances, parce que selon les époques, je dirais que oui, mais pas toujours. Ainsi, il aurait été bien mieux si, dans le budget originel, on avait donné une liste des postes de dépenses et énoncé les recettes correspondantes, si l'on avait donné une estimation de l'excédent, une liste des dépenses supplémentaires envisagées à partir d'un excédent qui serait supérieur à celui prévu et si l'on avait énoncé des paramètres précis comme pour n'importe quel autre programme financé par le budget.
Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Hartt, j'aimerais savoir pourquoi vous avez consacré la moitié de votre présentation à la décision de la Cour suprême. Je sais que vous vous en êtes servi pour donner un exemple des besoins qui peuvent être comblés par une source non prévue. Est-ce que la seule raison pour laquelle vous avez tant insisté sur la décision de la Cour suprême ou y en a-t-il une autre?
M. Hartt : J'ai utilisé cet exemple, parce qu'il est excellent. Il est très rare qu'un événement, une pression politique ou même une décision judiciaire retire au ministère des Finances, au ministre des Finances, à tout le Cabinet, au Parlement et au gouvernement la discrétion de décider de l'importance relative d'un objectif ou d'un programme. Dans ce cas, il y a une obligation de résultat. Si le gouvernement décide de maintenir le monopole d'un système de prestation de soins de santé administré par l'État, payé par l'État et universel, eh bien il n'aura d'autre choix que de veiller à ce qu'aucun Canadien ayant accès à un avocat ne soit laissé pour compte et ne bénéficie pas des traitements médicalement nécessaires dans des délais jugés opportuns par la science médicale. Un Canadien qui serait oublié pourrait entamer des poursuites contre le gouvernement qui pourraient déboucher sur une décision allant beaucoup plus loin que l'invalidation de deux articles de la loi québécoise selon lesquelles la source privée est illégale.
Je m'en sers comme exemple par excellence. Je dois vous avouer que c'est aussi parce que les sénateurs du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont trouvé, eux-mêmes, un remède constitutionnel parfait et complet pour lequel je pensais que les sénateurs éprouveraient quelque sympathie.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne sais pas s'il vaut la peine de s'attarder sur cette question. Vous semblez très avisé et vous avez représenté les sénateurs dans cette décision. N'y aurait-il pas quelque manœuvre politicienne derrière tout cela? Où se trouve l'intégrité dans tout cela? Je suis étonnée par toute l'attention que l'on accorde à cela aujourd'hui.
M. Hartt : Afin que tous les conflits d'intérêts soient bien connus, sachez que j'ai rédigé un article en 2002 pour le C.D. Howe Institute qui servi de base à l'argument voulant que la Charte garantisse aux Canadiens un accès aux soins de santé offerts par le gouvernement, dans des délais raisonnables. Ce dossier s'est retrouvé devant les tribunaux, mais cela avait débuté au Québec, et il a été cité non seulement par les sénateurs dans le rapport du comité mais aussi dans tous les mémoires soumis à la Cour suprême, celui de l'Association médicale canadienne, ceux des différentes cliniques de la Colombie-Britannique et ceux des deux parties qui avaient entamé cette poursuite.
Je suis à l'origine de ce raisonnement et je ne suis pas ici pour encenser les sénateurs, mais plutôt pour encenser mon article, le C.D. Howe Institute, l'action brillante du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et la sagesse de la Cour suprême.
Le sénateur Banks : Je vais revenir sur la deuxième question du sénateur Murray à propos de l'examen du Parlement des dépenses importantes effectuées, en grande partie, grâce à des crédits parlementaires et pas uniquement grâce à des héritages dont le sénateur Murray a parlé.
La Loi sur l'administration financière, qui a créé le Conseil des arts du Canada, exclut spécifiquement ce conseil des dispositions de l'article 17 qui autorisent la conduite de vérifications poussées grâce auxquelles la Vérificatrice générale peut déterminer si les fonds ont été judicieusement utilisés.
La vérificatrice générale vérifie les dossiers du Conseil des arts du Canada, mais uniquement pour déterminer si les livres sont en bon ordre. Toutefois, la vérificatrice générale, dans ce cas et dans d'autres, comme avec certaines fondations, n'est pas appelée à déterminer si les sommes qu'on lui confie ont été dépensées autrement qu'aux fins générales énoncées, un peu à la façon dont le précise ce projet de loi. Les politiques de dépense du Conseil des arts du Canada, qui peuvent évoluer, ne font pas l'objet de demandes particulières au Parlement ou ailleurs. Cela tient en partie à la façon dont on évolue dans le domaine des arts, à l'adjudication des fonds et à la façon dont fonctionne le Conseil de recherches en sciences humaines de même que l'Institut des fondations du Canada qui estiment que ces personnes sont mieux placées que des politiciens ou même des bureaucrates pour prendre ce genre de décision. N'êtes- vous pas d'accord avec ce raisonnement?
M. Hartt : Tout à fait, sénateur. L'indépendance des conseils subventionnaires et des organismes est très importante. Imaginez, après les scandales auxquels il nous a été donné d'assister récemment, que nous découvrions qu'une ballerine a reçu une subvention après avoir travaillé pour le candidat d'un parti? Ce serait terrible.
En revanche, j'espère que vous n'êtes pas en train de me dire qu'il faut y voir un précédent et qu'il faudrait créer un conseil de l'environnement, un conseil de l'enseignement postsecondaire, un conseil du logement et un conseil de l'aide à l'étranger qui seraient tous des conseils subventionnaires indépendants. Le genre de dépenses dont il est question ici est de nature complètement différente.
Le président : Je vous remercie, messieurs Hartt et Poschmann, d'avoir trouvé un peu de temps par une chaude journée du mois de juillet pour venir nous aider dans nos délibérations sur ce projet de loi délicat et important.
La séance est levée.