Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 27 - Témoignages du 12 juillet 2005 (Séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 12 juillet 2005
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, saisi du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements, se réunit aujourd'hui à 14 heures pour faire l'étude article par article dudit projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je voudrais reprendre les audiences que nous avons entamées plus tôt aujourd'hui. Nos premiers témoins sont de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Je voudrais donc souhaiter la bienvenue à Mme Flumian, avec qui j'ai déjeuné la semaine dernière. Elle est sous-ministre du Travail, sous-ministre déléguée de RHDCC et sous-ministre déléguée de Développement social Canada, et a également d'autres responsabilités.
Nous accueillons également Mme Kolk, sous-ministre adjointe déléguée, Logement et sans-abri, et M. Smith, vice- président, Aide au logement.
Conformément à notre pratique, nous vous invitons maintenant à faire des remarques liminaires, et par la suite, les honorables sénateurs auront des questions à vous poser au sujet du projet de loi C-48 et votre exposé à ce sujet. Je vous cède donc la parole, et je souhaite la bienvenue à vous tous.
Mme Maryantonett Flumian, sous-ministre du Travail, sous-ministre déléguée de RHDCC et sous-ministre déléguée de DSC, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Merci, honorables sénateurs. Je voudrais tout d'abord présenter les excuses du ministre, M. Joe Fontana, qui aurait voulu être présent aujourd'hui, mais a été empêché. Le fait est qu'il assiste aujourd'hui aux obsèques de sa mère. Mais il vous salue, et je suis donc là à sa place pour discuter des éléments du projet de loi C-48 qui concerne le logement et les sans-abri.
Comme vous le savez, nous prévoyons d'utiliser 1,6 milliard de dollars pour régler les questions relatives au logement abordable et à l'itinérance au Canada, notamment de logements pour les Autochtones. Cette somme nous permettra d'aider de nombreux Canadiens et Canadiennes et de nous rapprocher de notre but qui consiste à fournir un logement sécuritaire et abordable aux personnes dans le besoin.
[Français]
Pour la population canadienne, avoir un toit constitue une préoccupation fondamentale. Il s'agit d'un point de départ duquel nous pouvons grandir et évoluer en tant qu'individus et cet aspect est au cœur de notre avenir en tant que pays.
[Traduction]
Je suis fière d'habiter dans un pays où la plupart des citoyens sont bien logés. En effet, environ 80 p. 100 des Canadiens vivent dans de bonnes conditions : leur logement est abordable, d'une grandeur acceptable et en bon état. Cependant, de nombreux Canadiens, soit environ 1,7 million, ne disposent pas d'un logement sécuritaire et abordable et, malheureusement, risquent de devenir sans-abri. D'autres mesures s'imposent, et la somme de 1,6 milliard de dollars que prévoit ce projet de loi permettra d'accélérer ce processus.
Le ministre du Logement déploie beaucoup d'efforts pour traiter les questions du logement et de l'itinérance dans un continuum qui permet d'offrir divers services, du refuge d'urgence au logement abordable, en passant par le logement de transition et le logement supervisé, et d'autres types de logement encore.
[Français]
Les Canadiens et les Canadiennes, qui ont besoin de ce type de services, ont différents visages. On trouve des jeunes, de nouveaux immigrants, des mères sans conjoint et des femmes qui fuient la violence, ainsi que des aînés, des personnes handicapées et des Autochtones. Toutes ces personnes ont des besoins très variés.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les personnes deviennent sans-abri ou se trouvent dans une situation à risque, dont la plupart sont complexes. Nous devons prendre en considération les dimensions sociales et économiques, de même que les nombreux champs de compétence. Certains sont pris au piège du cercle vicieux de la pauvreté après la perte de leur emploi; pour d'autres, cette situation malheureuse est liée à un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie. Ils sont nombreux à avoir des problèmes de santé mentale et aucun logement assorti de services de soutien n'est prévu pour eux. La violence familiale est une autre triste réalité qui les touche.
On voit également de nombreux cas de jeunes qui partent de petites localités rurales pour aller vers de grands centres urbains mais qui n'ont pas les ressources nécessaires pour réussir.
[Traduction]
Peu importe la raison, l'itinérance et le manque de logements abordables sont des problèmes qui appellent une solution collective. Comme le ministre Fontana le répète souvent, habiter dans un endroit stable constitue la pierre angulaire qui détermine la réussite dans presque tous les autres aspects de la vie : éducation, santé, environnement et économie. C'est un investissement qui en vaut la peine.
Le gouvernement du Canada doit fournir des solutions en matière de logement et d'itinérance pour nos citoyens. Et les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fédéral joue effectivement un rôle majeur dans ce domaine. C'est pourquoi, en suscitant la collaboration de tous nos partenaires — collectivités, gouvernements, organisations non gouvernementales et secteurs à but non lucratif et privé — nous espérons pouvoir améliorer le quotidien des citoyens et bâtir des collectivités plus solides.
Déjà, notre travail dans ce dossier prend appui sur une bonne base. Les succès obtenus dans les grandes et petites villes du Canada dans le cadre de nos programmes en place, notamment l'Initiative de partenariats en action communautaire (IPAC), le Programme d'aide à la remise en état des logements (PAREL) et l'Initiative en matière de logement abordable, ont démontré notre capacité à amener des partenaires de différents secteurs à collaborer et à trouver des solutions en matière de logement et d'itinérance pour la population canadienne. Toutes ces initiatives témoignent de la différence positive que nous apportons dans le quotidien des Canadiens et démontrent que le gouvernement prend les moyens pour tenir sa promesse, qui consiste à faire en sorte que tous nos citoyens aient accès à un logement abordable et sécuritaire.
[Français]
En plus des investissements du gouvernement fédéral, les partenariats que nous avons établis par l'initiative nationale pour les sans-abri nous ont permis de tirer partie d'importantes contributions d'autres sources, soit plus d'un milliard de dollars depuis 1999.
L'initiative en matière de logement abordable nous a permis d'obtenir encore plus de fonds. Bien que la somme proposée de 1,6 milliard de dollars pour le logement abordable ne dépende pas d'un financement de contrepartie provenant d'autres ordres de gouvernement, nous espérons pouvoir continuer de tirer partie de fonds additionnels afin que nos investissements atteignent des résultats encore plus appréciables.
[Traduction]
Les réalisations enregistrées dans le cadre des programmes du gouvernement du Canada en matière de logement et consacrés aux sans-abri constituent le fondement à partir duquel nous avons décidé de susciter la collaboration des Canadiens quant aux éléments qui permettront d'élaborer une nouvelle politique sur le logement. Il s'agit du nouveau Cadre de référence en matière de logement au Canada. Ce cadre nous permettra d'orienter nos nouveaux investissements. Il tiendra compte des besoins en matière de logement de toute la population canadienne par rapport au continuum de services et il s'appuiera sur la collaboration et les succès que nous avons connus jusqu'à maintenant.
Depuis décembre dernier, nous avons tenu des consultations dans 13 collectivités du Canada et nous avons organisé cinq tables rondes d'experts sur des sujets comme les causes sociales de l'itinérance, les approches horizontales là où d'autres mesures de soutien au logement sont nécessaires, l'abordabilité, de même que la multiplication et l'amélioration des outils et instruments financiers qui permettront de définir de meilleures mesures d'intervention. Nous avons amené les parlementaires, les experts en logement, les fournisseurs de services, et les Canadiens, notamment les Autochtones, à prendre part à cette initiative.
Les consultations ont permis aux Canadiens d'exprimer leurs points de vue et leurs idées et j'aimerais vous faire part aujourd'hui de certains thèmes communs qui sont ressortis de ces consultations, étant donné qu'ils contribuent à orienter nos plans de dépenses relativement au montant de 1,6 milliard de dollars que prévoit le projet de loi.
[Français]
De nombreuses présentations effectuées par les collectivités portaient sur la nécessité d'adopter une approche locale et de disposer d'un éventail de programmes et de services pouvant être adaptés afin de répondre aux besoins locaux.
[Traduction]
Nous avons été informés du fait que le secteur à but non lucratif connaît des difficultés pour ce qui est de réaliser les projets et de respecter les exigences en matière d'administration et de responsabilisation des programmes actuellement en vigueur. En outre, les fournisseurs de services, qui travaillent auprès des sans-abri dans tout le Canada, ont souligné la nécessité de combiner les services liés au logement avec des services de soutien pour les personnes souffrant de maladies mentales, de problèmes de toxicomanie ou d'incapacités physiques, afin de les aider à trouver et à conserver un logement stable.
Le Cadre de référence en matière de logement que nous élaborons de concert avec nos partenaires permettra au gouvernement fédéral d'utiliser de manière stratégique les ressources affectées, notamment les fonds découlant du projet de loi C-48. Par exemple, nous avons l'intention d'utiliser une partie du 1,6 milliard de dollars pour transformer le système relatif au logement des Autochtones afin de soutenir les Autochtones qui habitent dans les réserves et en dehors. Au cours des derniers mois, nous nous sommes beaucoup consacrés à l'élaboration de politiques en matière de logement autochtone dans le cadre de la Table ronde Canada-Autochtones. Dans un premier temps, des discussions fructueuses ont eu lieu lors de la séance de suivi sur le logement dirigée par le ministre Fontana en novembre; puis une journée de réflexion sur les politiques autochtones s'est tenue le 31 mai. C'est un processus très intéressant qui a des conséquences historiques. Il s'agit d'un système que des Canadiens d'origine autochtone sont en train d'élaborer et qui sera mis en oeuvre par eux.
Nous continuons de travailler régulièrement avec d'autres ministères et des intervenants autochtones pour mettre au point une approche transformative en matière de logement autochtone. Il est important de relier notre travail dans le domaine du logement aux possibilités de développement économique et de formation de la main-d'oeuvre afin de maximiser les effets positifs et les avantages. Nous travaillons en vue d'atteindre des objectifs qui seront annoncés lors de la réunion des premiers ministres, qui aura lieu à l'automne.
[Français]
Parmi nos priorités, nous souhaitons également nous concentrer sur les initiatives de revitalisation des quartiers, le renforcement des capacités communautaires dans les localités qui sont aux prises avec les défis les plus importants, comme le Downtown Eastside de Vancouver, le Regent Park à Toronto, le centre-nord de Regina et le Canada atlantique où les logements sont les plus anciens en Amérique du Nord.
Ce qui est encore plus important, c'est que nous devons continuer à créer de nouveaux partenariats avec divers secteurs afin d'affronter les enjeux communs liés au logement et à répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes qui sont vulnérables. Avec le nouveau cadre national en matière de logement, nous visons à élaborer une vision stratégique et à long terme pour ce qui est de l'orientation de notre pays dans ce domaine. Si nous souhaitons bâtir des collectivités durables et dynamiques, nous devons élaborer des politiques qui appuient le principe de développement durable et d'inclusion. Le nouveau cadre national en matière de logement prend appui sur nos initiatives actuelles liées au logement et à l'itinérance, ce qui nous permettra de relever les lacunes dans les services relatifs au logement et de les combler.
[Traduction]
Le suivi et la surveillance constituent un élément clé de notre approche. Vous pouvez être assurés que notre travail prend appui sur une base solide. Nous respecterons l'ensemble des lois, des règlements et des politiques en vigueur, dont la Loi sur la gestion des finances publiques et les lignes directrices du Conseil du Trésor. Nous observons déjà ces lois, règlements et politiques pour orienter les programmes en place qui sont gérés par le Secrétariat national pour les sans-abri et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, et nous continuerons de nous y conformer pour les initiatives futures. Nous prenons ces engagements très au sérieux.
Pour terminer, j'aimerais mentionner de nouveau que la somme de 1,6 milliard de dollars prévue pour le logement abordable dans le projet de loi C-48 contribuera grandement à appuyer les projets de revitalisation ciblés et à renforcer notre modèle de partenariat, de façon à bâtir un réseau de partenaires qui sont concernés par les dossiers relatifs au logement et à l'itinérance. Les fonds proposés permettront également d'élaborer une approche de transformation pour ce qui est des questions de logement chez les Autochtones, ce qui favorisera l'adoption d'approches axées sur le marché et permettra d'offrir des services aux personnes qui sont les plus démunies.
[Français]
Les citoyens de notre pays sont vraiment choyés et nous devons être fiers du fait qu'ils comptent parmi les mieux logés au monde. Cependant, nous devons poursuivre notre travail pour que chacun d'entre eux ait accès au logement. Il est important de vivre dans un endroit sécuritaire et nous sommes résolus à nous attaquer au problème de l'itinérance et à fournir aux Canadiens des services relatifs au logement tel que promis.
[Traduction]
Monsieur le président, mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci de m'avoir donné l'occasion de faire ces questions remarques liminaires.
Le président : Je vous remercie pour cet exposé. Comme vous venez de l'indiquer, ce projet de loi prévoit, pour les fins du logement abordable, et notamment les logements pour les Autochtones, l'engagement d'une somme qui ne doit dépasser 1,6 milliard de dollars. Vous nous avez dit que vous avez parfaitement l'intention de suivre toutes les règles et toutes les lois, y compris la Loi sur la gestion des finances publiques et les lignes directrices du Conseil du Trésor. J'aimerais savoir, par rapport à ce projet de loi, ce que vous avez fait jusqu'à présent en ce qui concerne la préparation de votre présentation au Conseil du Trésor, et dans quelle mesure vous avez préparé des documents qui indiquent clairement de quelle façon la somme en question sera utilisée pour les trois types d'initiatives dont vous avez parlé dans votre exposé. Autrement dit, le travail de préparation des documents qui devront être soumis à l'examen du Conseil du Trésor avant que vous ne puissiez faire approuver les dépenses est-il bien avancé?
Mme Flumian : Je vais commencer, et je vais demander ensuite à mes collègues de vous donner d'autres détails.
M. Fontana a lancé les consultations sur le Cadre de référence en matière de logement en décembre dernier. Nous avons terminé les consultations vers la fin de l'hiver et nous avons commencé à définir les mesures qu'il faudra prendre dans les mois qui viennent pour donner suite à certains éléments de l'accord qui a été conclu. Je vais demander à Mme Kolk et à M. Smith de vous donner d'autres détails à ce sujet.
En même temps, nous préparons tout particulièrement les mesures touchant le logement des Autochtones. Dans ces deux cas, notre réflexion est bien avancée. Nous comptons soumettre des propositions au Cabinet au début de l'automne en vue d'arrêter l'orientation précise que nous prendrons en fonction des différentes options qui auront été soumises à l'examen du gouvernement. Dès que ces décisions auront été prises, nous serons bien positionnés pour agir.
Je vais maintenant demander à Mme Kolk de vous parler de la nature de nos consultations au sujet de l'itinérance et le logement, ainsi que des tables rondes autochtones, et ensuite M. Smith vous expliquera où en est la SCHL dans tout ce processus et les différents outils et instruments que cette dernière compte créer.
Mme Bayla Kolk, sous-ministre adjointe déléguée, Logement et sans-abri, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Comme Mme Flumian vous l'a dit dans son exposé, et en réponse à vos questions, nous avons tenu des consultations dans toutes les régions du pays au niveau communautaire, consultations qui étaient dirigées par le ministre Fontana. Le fait que la même perspective soit ressortie de ces consultations était tout à fait convaincant. Tout le monde nous a parlé, c'est-à-dire des gens représentant tous les éléments de la gamme des services actuellement assurés : ceux qui s'occupent des abris d'urgence et des gens qui vivent dans la rue, d'autres qui ont de l'expérience de solutions durables à plus long terme, les responsables de programmes d'aide au logement et de logements subventionnés, et même des représentants du marché du logement. Nous étions très contents que certains entrepreneurs de Toronto, de Vancouver et d'autres villes aient été présents et aient réfléchi à la possibilité d'investir dans la construction de logements abordables et surtout de mobiliser les entreprises privées pour les faire adhérer à notre partenariat.
En nous fondant sur les résultats des consultations et les rapports écrits, nous nous sommes adressés de nouveau aux intervenants clés, ayant retenu les idées les plus intéressantes, pour voir comment nous pourrions prendre un certain nombre d'initiatives intéressantes dans le délai qui avait été fixé — et là tout d'un coup il y a eu l'octroi de 1,6 milliard de dollars. En y songeant, nous nous sommes dit qu'il faudrait s'assurer de la participation du secteur privé. Nous avons donc examiné un certain nombre de grands projets d'un bout à l'autre du pays, tels que Regent's Park à Toronto et celui du centre-ville est de Vancouver, en nous demandant comment nous pourrions mobiliser nos partenaires pour aller au-delà de la solution des abris d'urgence pour vraiment redynamiser les quartiers.
Le président : S'agissant de Regent's Park, dont vous venez de parler, quelle documentation avez-vous rédigée ou quelle préparation avez-vous faite en vue de la présentation au Conseil du Trésor qui vous permettra de faire autoriser l'engagement d'une partie de ce 1,6 milliard de dollars?
Mme Kolk : Nous devons présenter notre proposition au comité du Cabinet approprié avant de nous adresser au Conseil du Trésor. Nous avons déjà soumis à l'examen du comité du Cabinet un certain nombre de propositions concernant la conception et la finalité des mesures qui seront envisagées. Nous nous sommes récemment présentés devant ce dernier pour obtenir l'autorisation d'en discuter avec les provinces et territoires, et ces discussions débuteront cette semaine. Ensuite nous ferons notre présentation au Cabinet sur ce qui est prévu pour le projet de Regent's Park, c'est-à-dire des logements s'adressant à des familles ayant différents niveaux de revenu, plutôt qu'un projet qui aura pour résultat de stigmatiser et de ghettoïser les résidents. Nous envisageons donc de comparaître devant le comité du Cabinet en septembre ou octobre, et ensuite notre présentation au Conseil du Trésor définira le plan de mise en oeuvre qui devrait être lancé dans les mois qui suivent, soit au début de l'hiver.
Le président : Monsieur Smith, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Bill Smith, vice-président, Aide au logement, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Je pourrais vous donner certains détails au sujet de la participation de la SCHL. Nous avons également participé à ces discussions. On m'a demandé de vous parler d'outils et d'instruments. Jusqu'à présent, la SCHL s'est surtout appliquée à fournir des outils d'offre et de financement des logements, et donc dans le cadre de notre préparation, le comité de direction s'est réuni pour discuter de toute la gamme des interventions potentielles qui pourraient intéresser le gouvernement. Nous les avons présentés à notre conseil et en avons discuté avec ce dernier vers la fin mai, et nous comptons revenir plus tard pour lui parler de projets à plus long terme.
Premièrement, il est prévu que nous ayons une série de propositions que nous puissions soumettre à l'examen à la fois de notre conseil et du ministère, et ces propositions concerneront principalement ces deux domaines. S'agissant d'offres de logement, il pourrait s'agir de la construction de logements et de la conversion d'initiatives de suppléments de loyer qui sont envisagées ou qui sont déjà en vigueur en vertu de l'Initiative en matière de logement abordable.
S'agissant de responsabilisation et de contrôle, le meilleur exemple que je puisse vous citer concernant notre préparation pour la réunion du comité du Cabinet et la présentation au Conseil du Trésor est celui du logement des Autochtones. Nous avons effectivement élaboré un cadre de responsabilisation qui touche l'offre actuelle en prévoyant certains critères pour garantir sa viabilité à long terme; il s'agit entre autres de critères relatifs au transfert des responsabilités et ce en vue de nous assurer que les logements en question continuent de répondre aux besoins des membres des Premières nations et d'autres Autochtones pendant de nombreuses années.
Le président : Et quel pourcentage du montant de 1,6 milliard de dollars sera affecté au logement des Autochtones?
M. Smith : Je vais permettre à Mme Flumian de vous répondre.
Mme Flumian : Cela n'a pas encore été déterminé de façon définitive, mais je peux vous garantir qu'il s'agira d'une portion importante de ce 1,6 milliard de dollars.
Le sénateur Stratton : Voilà 40 et quelques années que je visite les régions du Nord et les réserves autochtones, et je n'ai vraiment pas l'impression que l'état des logements autochtones ait vraiment changé. On dirait que quoi que fassent les gouvernements, la situation reste inchangée. On dirait qu'il y a constamment des besoins qui ne peuvent être satisfaits, ou disons qui ne sont pas satisfaits. Y a-t-il une solution, ou faudra-t-il simplement continuer à composer avec la situation actuelle?
Mme Flumian : Si vous permettez, j'aurais deux éléments de réponse à votre question. Le projet de loi C-48 permettra de répondre aux besoins les plus immédiats. Comme vous le savez certainement, 295 millions de dollars ont été réservés, dont 200 millions devront être utilisés au cours des deux prochaines années pour répondre aux besoins les plus immédiats en facilitant la construction de nouveaux logements. La SCHL engagera une dépense de 83 millions de dollars pour faciliter la construction d'environ 4 400 nouvelles unités de logement à but non lucratif. De plus, la SCHL facilitera, grâce à un autre investissement de 20 millions de dollars, la rénovation d'environ 1 100 unités qui sont déjà en service, ce qui fait en tout un investissement de 103 millions de dollars. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien assurera, lui aussi, un certain financement, pour permettre la construction d'environ 2 000 nouvelles unités additionnelles de logement. Voilà qui devrait permettre de répondre aux besoins les plus immédiats.
Dans le domaine du logement des Autochtones, nous cherchons également à démarquer les approches axées sur le marché de celles qui sont vraiment axées sur les besoins. Ainsi, selon les propositions que nous préparons de concert avec tous les intervenants qui participent aux discussions avec les Autochtones, il serait possible de traiter l'avoir propre de la même manière que pour d'autres Canadiens de la classe moyenne. De plus, cette approche nous permettrait, sans avoir à apporter de nombreux changements à la loi, de trouver des mandataires, de concert avec les institutions financières et d'autres partenaires, qui détermineraient les conditions à prévoir, dans certains cas, pour les Autochtones dans la réserve, afin de faciliter la création d'une approche de logement davantage axée sur le marché. Ainsi les gouvernements pourraient se concentrer sur l'élaboration de solutions pour les Autochtones vivant dans la réserve et en dehors, où une approche axée sur les besoins s'impose.
Bon nombre des démarches que nous essayons de définir en fonction du continuum de besoins du Cadre de référence en matière de logement sont fondées sur des modèles de marché. C'est d'autant plus positif en ce sens que si l'on arrive à établir ces conditions, les gouvernements n'auraient plus à régler les problèmes qui se présentent tout seuls. S'il était possible de créer des conditions de marché de sorte que le financement soit plus facile à obtenir, nous pourrions profiter non seulement de tout ce que peut apporter le gouvernement, mais aussi d'investissements individuels, d'investissements par les banques et les autres institutions financières, et d'investissements potentiels de la part de certaines caisses de retraite. La création de conditions de marché pourrait effectivement rendre possibles de tels investissements. Dans les collectivités du Nord et autochtones, les besoins sont très importants.
Le sénateur Stratton : Savez-vous combien d'unités sont requises? Pourriez-vous donner ces chiffres au comité? J'ai entendu dire qu'en ce qui concerne les besoins les plus urgents, il faut quelque 3 550 unités, dont 2 000 pour les Autochtones. J'ai entendu parler de cette approche de privatisation, mais vous ne m'avez pas dit comment vous comptez combler les lacunes actuelles, de sorte que le nombre soit jugé acceptable par les Autochtones, d'autres qui vivent dans ces logements, et nous-mêmes.
M. Smith : J'ai quelques observations à faire à ce sujet. La pénurie actuelle de logements dans les réserves correspond à environ 20 000 unités. L'offre d'unités combinées, c'est-à-dire celles relevant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de la SCHL, est de l'ordre de 2 200 unités. Il faudrait que je vérifie pour déterminer dans quelle mesure l'écart se creuse, mais je peux vous dire que les interventions prévues dans l'immédiat, soit pour une période de trois ans, grâce aux 295 millions de dollars qui sont affectés à cette fin permettra de produire 4 400 unités. Cet investissement au cours des deux prochaines années a pour objet d'empêcher que l'arriéré continue à augmenter, l'augmentation actuelle étant surtout due au profil démographique des membres des Premières nations. En dehors des réserves, il est plus difficile de déterminer les besoins, notamment en fonction des différents groupes concernés. Mais nous pourrions préparer ces chiffres et vous faire parvenir nos estimations par la suite, si vous voulez.
Le sénateur Stratton : J'aimerais bien connaître les chiffres. Vous nous parlez d'une pénurie d'environ 20 000 unités et d'une mesure d'urgence qui permettra d'en construire seulement 4 400; mais connaissez-vous la demande de logements dans les réserve chaque année? Ces mesures d'urgence permettront-elles au moins de répondre aux besoins actuels au cours des deux prochaines années, et quelle sera l'incidence de ces mesures sur les chiffres?
M. Smith : Oui, les 4 400 unités nous permettront de répondre aux besoins actuels et même un peu plus, mais il faudra que je vérifie le pourcentage précis. Je pense que c'est environ 2 000 par année.
Le sénateur Stratton : La demande correspond à 2 000 unités par année? Et le nombre de base resterait à 20 000 unités d'après ce que vous venez de dire?
M. Smith : Nous devrions être à même de réduire ce nombre un petit peu au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Stratton : Si vous comptez offrir à ces personnes la possibilités d'être propriétaires de leur propre maison, il faudra que vous soyez en mesure de leur dire à quel moment ce sera possible. Elles voudront savoir combien de temps elles devront attendre, que ce soit deux ans ou dix ans. J'aimerais bien en savoir plus long et je vous remercie donc de bien vouloir nous faire parvenir cette information.
Mme Flumian : L'écart sera de 6 400 maisons au cours de cette période de deux ans. En plus des 6 400 maisons, nous ajouterons quelque 5 400 terrains aménagés et nous assurerons la rénovation d'environ 1 500 maisons. Il faut tenir compte de l'action des deux ministères, puisque nous parlons d'Autochtones vivant dans la réserve et en dehors.
Sénateur, votre question concerne en réalité la mesure dans laquelle nous pourrons faire face à la demande et l'opportunité des mesures prévues. La réponse succincte à votre question est que tout le monde estime qu'il nous sera impossible de faire face à la demande, et par conséquent nous nous efforçons pour l'instant à répondre aux besoins immédiats. Par conséquent, l'engagement du projet de loi C-43 s'étend sur deux ans.
De concert avec les groupes autochtones, nous nous efforçons de modifier certains programmes, en retenant les meilleurs éléments de ces programmes, et sachant que le problème est en partie un problème d'argent et en partie un problème de propriété. Nous avons examiné de nombreux modèles, dont celui dévoilé par le gouvernement britannique il y a quelque temps, et qui prévoit la possibilité pour ceux qui vivent dans les logements sociaux d'y investir des fonds propres. Nous explorons aussi des modèles qui ont été appliqués dans d'autres pays en vue de déterminer quelle est la meilleure solution. Nos ressources financières sont limitées mais les priorités resteront les mêmes, et par conséquent, il importe de voir ce que nous pouvons faire pour multiplier les sources de financement, de façon à avoir accès à des crédits supplémentaires et à faire participer plus de joueurs pour que les personnes qui vivent dans ces maisons aient l'impression que ces maisons leur appartiennent et pour qu'elles y soient vraiment attachées. Le processus est donc plus compliqué, par rapport aux instruments financiers que nous avons à notre disposition. Voilà pourquoi nous essayons de trouver une façon de travailler avec les groupes autochtones de façon à tenir compte de leurs besoins tout en essayant de bien les positionner, afin qu'ils puissent administrer leur propre système de logement.
Le sénateur Stratton : Nous attendons depuis fort longtemps ce genre d'initiative, et il a fallu l'intervention du Nouveau Parti démocratique pour qu'elle se concrétise.
Mme Flumian : Nous y travaillons depuis longtemps, sénateur.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de 80 p. 100, en disant que 1,7 million de personnes n'ont pas de logement sécuritaire et abordable. Sur ce nombre, combien sont des Canadiens autochtones, selon la définition officielle?
Mme Flumian : Au pied levé je ne peux pas vous donner le chiffre exact, mais peut-être pourrions-nous...
M. Smith : Nous avons les chiffres pour les différents groupes. Je n'ai pas de chiffre global, et je n'ai pas non plus ce chiffre sous les yeux. Cela varie énormément d'un endroit à l'autre.
Le sénateur Tkachuk : Ma question concerne les 80 p. 100 : sur les 1,7 million de personnes que vous avez mentionnées, combien sont des Canadiens autochtones?
Mme Flumian : Je n'ai pas cette information avec moi. Nous allons vous la faire parvenir. Si parmi mes collaborateurs, il y a quelqu'un qui connaît le chiffre, je l'invite à nous le donner.
Le sénateur Tkachuk : Et ce chiffre servira-t-il de guide pour l'octroi du 1,6 milliard de dollars?
Mme Flumian : Pour la distribution des crédits, oui. Bon nombre des Canadiens autochtones qui relèvent de notre responsabilité sont ceux qui sont les plus nécessiteux, et je crois que les chiffres définitifs traduiront cette réalité.
Le sénateur Tkachuk : Quand vous parlez de « mauvaises conditions de logement », parlez-vous des maisons ou est- ce que cela comprend aussi les logements locatifs?
Mme Flumian : Oui. C'est pour cette raison que nous parlons d'un continuum.
Le sénateur Tkachuk : Et quelle est votre définition de « mauvaises conditions de logement »? Comment les déterminez-vous? Et comment obtenez-vous vos chiffres?
Mme Flumian : Le chiffre global de 1,7 million de Canadiens qui ont besoin de bons logements correspond au nombre de personnes qui consacrent plus de 30 p. 100 de leur revenu disponible à l'habitation. Le fait est que bon nombre de Canadiens consacrent 50 p. 100 de leur revenu disponible à l'habitation.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire, je suppose, qu'ils pourraient avoir un bon logement, mais à ce moment-là ils n'auraient pas assez à manger, ou quelque chose du genre.
Mme Flumian : C'est un peu improbable, mais c'est possible.
M. Smith : C'est une mesure plutôt technique.
Le sénateur Tkachuk : Je vous demande sur quoi repose cette mesure. Vous engagez des dépenses pour le logement. Je voudrais m'assurer que c'est bien là qu'il convient d'engager ces dépenses.
M. Smith : Il. y a 1,7 million de ménages canadiens qui ont un besoin impérieux de logement. Cette catégorie de besoins est fonction de trois choses : la condition de leur logement — a-t-il besoin de réparations importantes ou non? Est-il assez grand pour le nombre de personnes qui y vivent, selon les normes nationales d'occupation? La condition principale est celle mentionnée par Mme Flumian, à savoir dans quelle mesure le ménage concerné a les moyens de vivre dans un logement suffisant et approprié en y consacrant 30 p. 100 de son revenu dans la localité concernée. C'est une mesure élaborée à partir des données de recensement tous les deux ans environs. Donc, les trois éléments sont les suivants : le logement est-il abordable et le ménage peut-il se permettre d'y consacrer 30 p. 100 de son revenu brut? Est- il assez grand — et les normes nationales d'occupation comportent toutes sortes de détails, y compris le nombre de personnes qui peuvent dormir dans une chambre et à quel âge — et troisièmement, a-t-il besoin de réparations importantes?
Le sénateur Tkachuk : Il y a dix ans, quel était le nombre? Était-il plus élevé ou moins élevé?
M. Smith : Il a baissé au cours des cinq dernières années... j'ai cette information quelque part dans mes documents. En 1996, c'était 17,9 p. 100; en 2001, la proportion avait baissé à 15,8 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : C'était quoi en 1996?
M. Smith : C'était 17,9 p. 100 des ménages canadiens; maintenant, c'est-à-dire en 2001, c'était 15,8 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : Donc, après un investissement de 2 milliards de dollars au cours des 12 dernières années — soit environ 22 milliards de dollars — c'est ça le résultat que vous avez obtenu?
M. Smith : Les 2 milliards de dollars ne sont pas vraiment compris dans ce chiffre, parce que ce chiffre concerne surtout les personnes dont les besoins ont été satisfaits grâce à cet investissement. Quand Mme Flumian parle des 20 p. 100 des Canadiens, ou quand je vous parle des 1,7 million ou 14 p. 100 des ménages qui ont un besoin impérieux de logement, eh bien, il faut se rendre compte qu'il y a une certaine proportion de personnes qui sont déjà prises en charge grâce aux investissements que nous avons faits dans les logements sociaux. Selon nos estimations, environ 630 000 ménages reçoivent actuellement une subvention grâce à ce financement de 2 milliards de dollars. C'est en bonne partie grâce à ces subventions que ces personnes ne sont plus dans la catégorie des gens qui ont un besoin impérieux de logement, et ce qui reste donc, ce sont les autres.
Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous en train de me dire que presque la moitié des habitants du Canada n'ont pas les moyens de se payer un logement? De quoi parle-t-on?
M. Smith : Nous vous disons que 14 p. 100 des Canadiens correspondent à cette norme, c'est-à-dire aux 30 p. 100 ou à ces autres facteurs.
Mme Flumian : Plus de 80 p. 100 des Canadiens ont de très bonnes conditions de logement.
Le sénateur Tkachuk : Je dirais que c'est une interprétation très positive de la situation actuelle.
Mme Flumian : C'est justement cela que j'ai dit.
Le sénateur Tkachuk : On peut d'ailleurs espérer qu'il en soit ainsi, après un investissement de 22 milliards de dollars. Le chef du NPD, M. Layton, a parlé des sans-abri. En fait, il voudrait que ce 1,6 milliard de dollars profite surtout aux sans-abri.
Dans le cadre du programme de logement proprement, y a-t-il une composante spéciale qui concerne les sans-abri? Et dans l'affirmative, de quel genre de programme s'agit-il, et quel pourcentage de ces 80 p. 100 n'ont pas de logement du tout et peuvent donc être considérés comme des sans-abri?
Mme Kolk : Notre programmation comprend un programme important intitulé Initiative de partenariats en action communautaire, qui a été mis sur pied en 1999. Ce programme est actuellement en vigueur dans 61 collectivités. La grande priorité de ces collectivités a été l'établissement de nouveaux refuges d'urgence. Nous pouvons donc affirmer qu'environ 4 000 lits dans de nouveaux abris d'urgence ont été créés d'un bout à l'autre du Canada. De plus, des centaines de nouveaux projets d'habitation ont été créés, et là il s'agit d'initiatives d'aide au logement, de logements de transition, et de logements avec services de soutien.
Il est difficile de déterminer le nombre de sans-abri. Depuis 1999, nous avons une base de données que nous appelons la SISA, soit le Système d'information sur les personnes et les familles sans abri. Nous avons eu recours aux technologies de l'information pour installer ce système dans les refuges d'urgence, pour être en mesure de rassembler des données sur les personnes qui sont sans abri, la nature de leurs problèmes — c'est-à-dire, est-ce un problème de moyens insuffisants, de santé mentale, de toxicomanie, ou de jeunesse marginale? Comme vous pouvez l'imaginer, tous ces problèmes sont présents, mais si nous avons voulu rassembler ces renseignements, c'est pour avoir une meilleure idée de la proportion de personnes qui vivent ainsi afin que nos programmes puissent mieux les cibler.
L'Initiative de partenariats en action communautaire repose sur le principe selon lequel le gouvernement fédéral a un rôle de chef de file à jouer dans ce domaine, mais que c'est aux collectivités de mobiliser leur secteur à but non lucratif, leurs partenaires du secteur privé, et ceux qui savent assurer des services sociaux à la population, d'adopter une approche holistique en ce qui concerne l'aide qu'il faut fournir aux personnes se trouvant dans un refuge, et de s'assurer que ces personnes n'en font pas un mode de vie et qu'elles peuvent accéder à des services de counseling en matière de toxicomanie et à des programmes de formation professionnelle. La pierre angulaire de notre initiative destinée aux sans-abri a été la mise en oeuvre du programme dans 61 collectivités. Ce programme devra être renouvelé l'année prochaine. Dans ce que nous allons proposer au Cabinet dès l'automne, nous présenterons certaines mesures visant à rendre ce programme encore plus efficace. Il s'agira surtout de faire sortir les gens des abris et de leur donner des logements abordables qu'ils peuvent garder à long terme.
Le sénateur Tkachuk : Quel est le budget du programme de logement pour l'exercice en cours? Est-ce 200 millions de dollars?
M. Smith : Des crédits d'environ 2 milliards de dollars sont affectés à la SCHL. Je ne suis pas sûr...
Mme Flumian : Oui, ça c'est du côté de la SCHL. Mais combien dépensons-nous pour les programmes destinés aux sans-abri?
Mme Kolk : Pour la phase actuelle de l'Initiative destinée aux sans-abri, il est prévu que nous dépensions 400 millions de dollars sur trois ans.
Mme Flumian : Comme je vous le disais tout à l'heure, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a des crédits pour le logement dans les réserves.
Le sénateur Tkachuk : Donc, nous avons les 2 milliards de dollars, plus les 400 millions de dollars sur trois ans, plus ce qui est consacré au logement des Autochtones.
M. Smith : Ensemble le ministère des Affaires indiennes et la SCHL consacrent environ 260 millions de dollars par an au logement dans les réserves. Pour nous, c'est environ 130 millions de dollars par rapport à ce moment. Par contre, une bonne partie des dépenses engagées par la SCHL prennent la forme de subventions à long terme permettant de rembourser des prêts obtenus pour construire des logements. Par conséquent, vous ne verrez pas le même montant chaque année; c'est réparti sur un grand nombre d'années.
Le sénateur Tkachuk : En plus il y aura les 800 millions de dollars par an pour les deux prochaines années, à condition que l'excédent budgétaire soit suffisant. C'est bien ça? En plus de ces sommes-là, nous aurons aussi les 800 millions de dollars par an.
Mme Flumian : Je ne sais pas s'il a encore été décidé comment l'argent en question sera affecté, ni combien sera affecté. L'affectation ne sera pas nécessairement la même pour chacun des deux exercices financiers. Tout dépendra de l'importance de l'excédent, comme vous le savez.
Le sénateur Tkachuk : Dans ce cas, sur combien d'exercices financiers l'argent sera-t-il affecté?
Mme Flumian : Ce sera sur deux exercices, mais nous ne savons pas si ce sera une somme égale pour chacun des deux exercices; c'est ça que j'essaie de vous dire. Voilà pourquoi nous prévoyons des utilisations souples pour ces différents instruments.
Le sénateur Tkachuk : M. Fontana a dit que les crédits prévus pour cinq ans seraient versés sur une période de deux ans. Le sénateur Carstairs a dit la même chose à la Chambre, à savoir que cinq ans de crédits seront payés sur deux ans. Donc, la somme n'est pas plus importante en réalité; elle sera engagée sur une base accélérée, c'est tout.
Mme Flumian : Si, c'est une somme plus importante. Le montant de 1,6 milliard de dollars correspond à une augmentation.
Le sénateur Tkachuk : Tous les chiffres budgétaires que vous avez maintenant seront les mêmes. Ils ne sont donc pas comprimés. Mais selon M. Fontana et le sénateur Carstairs, les sommes prévues pour cinq ans seront payées sur une base accélérée, soit en deux ans.
Le sénateur Eggleton : C'est une question d'interprétation.
Le sénateur Tkachuk : Vous n'avez qu'à le lire vous-même, n'est-ce pas?
Le sénateur Eggleton : Je l'ai déjà lu. Ce qui vous dites est une déformation.
Le sénateur Tkachuk : Ah, bon? Voulez-vous que je le relise à haute voix pour les fins du compte rendu? Peut-être préférez-vous vous asseoir à la place du témoin? Pourquoi ne pas poser vos questions quand j'aurai fini, et vous pourrez à ce moment-là obtenir des éclaircissements?
Le sénateur Eggleton : Je demande simplement de ne pas déformer la réalité.
Le sénateur Tkachuk : Je ne déforme rien du tout. Je vous dis simplement ce que M. Fontana a annoncé devant le comité de la Chambre, et ce que le sénateur Carstairs a annoncé au Sénat. Le budget prévu sur cinq ans sera comprimé de façon à ce que les dépenses soient engagées sur deux ans. Elle a beaucoup insisté là-dessus. Vous étiez présent. Qu'a- t-elle dit au juste?
Le sénateur Eggleton : Rappelez-vous le contexte.
Mme Flumian : Tout ce que je peux vous dire, c'est que les chiffres que nous vous avons cités correspondent à des dépenses réelles sur une base annuelle. Ainsi le montant de 1,6 milliard de dollars correspond à de l'argent frais en ce qui nous concerne, et vient donc s'ajouter aux sommes budgétaires que nous vous avons annoncées. Comme j'ai déjà entendu les propos de M. Fontana à ce sujet, j'ai l'impression — je ne suis pas sûre de savoir exactement de quoi vous parlez, mais ce petit renseignement sera peut-être utile pour les fins de la discussion — qu'il parlait peut-être d'un engagement qui remonte à la campagne électorale et qui faisait partie de la plate-forme de son parti, et que plutôt que d'engager cette somme sur cinq ans, comme le prévoyait la plate-forme, elle sera engagée sur deux ans, comme le propose le projet de loi C-48.
Le sénateur Tkachuk : Peut-être pourrions-nous faire annexer les remarques de M. Fontana au compte rendu du comité, car ce n'est pas ça qu'il a dit.
Le sénateur Eggleton : Voulez-vous qu'on compare nos notes à ce sujet?
Le sénateur Tkachuk : J'ai le document devant moi.
Le sénateur Eggleton : Je me ferais un grand plaisir de bien renseigner le sénateur.
Le président : Je vais vous revenir. C'est maintenant au sénateur Murray.
Le sénateur Murray : Je suis très content de vous revoir, madame Flumian.
Mme Flumian : Pareillement, sénateur.
Le sénateur Murray : Si je ne m'abuse, la dernière fois que nous nous sommes vus en comité, vous étiez là pour parler du registre des armes à feu.
Mme Flumian : On me confie toujours les meilleurs dossiers, vous savez. Avant cela, c'était la fermeture de diverses pêches.
Le sénateur Murray : Vous êtes bien courageuse. Je suis loin d'être aussi bien informé que je devrais l'être en ce qui concerne l'activité du gouvernement fédéral dans le secteur du logement, mais le fait est que là, tout d'un coup, les crédits potentiellement disponibles pour financer l'activité fédérale dans ce secteur ont augmenté de 1,6 milliard de dollars. Vous avez déjà vos budgets, vos programmes, et cetera. Quand vous vous retrouvez tout d'un coup avec ces sommes inattendues, que faites-vous? J'ai entendu ce que vous avez dit. D'après ce que j'ai compris, vous nous dites : « Nous allons continuer à faire ce que nous faisons déjà, sauf que nous allons faire plus. Et nous allons aussi faire mieux. » En écoutant la discussion, je me suis rappelé qu'il existe encore un ministre d'État à l'itinérance, n'est-ce pas?
Mme Flumian : M. Fontana est le ministre responsable de toutes ces questions.
Le sénateur Murray : Mais il existe bien un Secrétariat national, n'est-ce pas?
Mme Flumian : C'est la boîte de Mme Kolk.
Le sénateur Murray : N'êtes-vous pas le ministre responsable?
Mme Kolk : RHDCC est le ministère responsable, et c'est Mme Flumian, qui relève du ministre Fontana, qui est chargée de ce dossier.
Le sénateur Murray : En sa qualité de...?
Mme Flumian : De ministre du Travail et du Logement.
Le sénateur Murray : Mais je suppose qu'il ne s'agit pas d'un seul portefeuille?
Mme Flumian : Pour lui et pour moi, ça l'est, et nous avons également la SCHL et le Secrétariat national pour les sans-abri.
Le sénateur Murray : Il y a le dossier de l'itinérance, et le dossier du logement. Et le ministère des Affaires indiennes participe aussi?
Mme Flumian : C'est exact.
Le sénateur Murray : Et tout d'un coup vous avez à votre disposition la somme de 1,6 milliard de dollars, et je suppose que le ministère des Affaires indiennes a dû vous dire : « Entendons-nous sur le principe selon lequel nous allons, nous aussi, toucher une certaine proportion de ce financement », et vous, madame Kolk, vous dites : « L'Initiative pour les sans-abri bénéficiera d'un certain pourcentage. » La plupart des programmes d'habitation sont-ils exécutés par la SCHL?
Mme Flumian : Oui, à part ceux destinés aux sans-abri et les programmes du ministère des Affaires indiennes.
Le sénateur Murray : La SCHL ne va-t-elle pas toucher une partie des crédits?
Mme Flumian : Je n'ai pas beaucoup parlé du continuum dans mon exposé, et je voudrais donc vous donner d'autres détails à ce sujet maintenant. Il ne fait aucun doute que le premier ministre, en décidant de créer un nouveau portefeuille au niveau fédéral combinant les dossiers de l'itinérance et du logement et de confier cette responsabilité à M. Fontana, avait à l'esprit l'époque de l'examen des programmes et la décision du gouvernement à ce moment-là de se retirer du secteur du logement, à part dans le contexte d'un partenariat avec les provinces en vertu desquelles le fédéral ne paierait que 50 p. 100 des frais. C'est pour cette raison, en ce qui nous concerne, qu'il ne s'agira absolument pas dépenser ce 1,6 milliard de dollars de la même manière, et c'est aussi pour cette raison, en ce qui nous concerne, qu'il ne s'agit pas simplement d'un montant supplémentaire à consacrer aux programmes déjà en vigueur.
Depuis un an ou deux, nous avions reçu comme instructions d'examiner l'ensemble du secteur du logement, et pas seulement le rôle fédéral, et d'entamer des discussions avec nos partenaires provinciaux, le secteur à but non lucratif et d'autres intervenants clés du marché du logement — les banques, les compagnies d'assurances et d'autres encore — en vue de revoir le continuum complet des services et programmes de logement au Canada.
Par exemple, étaient-ils efficaces? Il est clair que, étant donné que plus de 80 p. 100 des Canadiens ont des conditions de logement que la plupart des gens jugeraient plus qu'acceptables, selon toutes les normes mesurables, nous avons tout à fait lieu d'être fiers au Canada. Cependant, pour les 20 p. 100 qui se trouvent à l'autre extrême du continuum, les lacunes sont importantes. Il y a aussi un déséquilibre régional. Comme les programmes sont exécutés surtout par la SCHL, qui participe au financement à raison de 50 p. 100 des coûts, certaines provinces n'avaient pas la même capacité financière, le coût des programmes étant partagé équitablement, et n'ont donc pas pu nécessairement profiter de toutes les possibilités. En vertu de l'Initiative en matière de logement abordable, 1 milliard de dollars a été réservé pour le financement de logement abordable. Mais pendant une certaine période, une bonne partie de ce financement n'a pas été utilisée, soit parce que les provinces n'avaient pas une capacité financière suffisante, soit parce que le logement n'était pas parmi leurs plus grandes priorités. Par conséquent, ces crédits restaient inutilisés.
De plus, depuis que nous avons connu des problèmes d'itinérance au Canada, et qu'un programme distinct a été établi à cette fin, toutes sortes de mesures de soutien étaient en place pour permettre de créer des refuges d'urgence. La question est donc celle-ci : Qu'arrive-t-il quand une personne quitte l'abri d'urgence pour continuer sa vie?
Donc, nous avions reçu comme instructions de prendre du recul et de réexaminer tout le continuum des services de logement, non pas dans l'idée que le gouvernement fédéral devrait redevenir actif dans tous les secteurs, mais plutôt pour bien comprendre les caractéristiques de ce continuum, et ce grâce à nos discussions avec des collègues provinciaux et territoriaux et d'autres intervenants clés dont je vous parlais tout à l'heure; il s'agissait de déterminer si nous avions bien compris le continuum et dans quelle mesure les structures d'incitation étaient bien conçues, pour que nous ayons les bons intervenants au bon endroit. Ensuite nous devions commencer à définir une nouvelle génération de programmes en vue de contribuer à améliorer la situation dans ce domaine.
Permettez-moi de prendre l'exemple du logement des Autochtones. Les besoins sont très importants, et certains diraient que les efforts déployés pour s'attaquer directement aux problèmes n'ont pas été suffisants, et le profil démographique des Autochtones étant ce qu'il est, les besoins continuent à augmenter.
Le sénateur Murray : Je vais y revenir.
Mme Flumian : Il y a deux acteurs dans ce secteur. La vérificatrice générale a déjà dit...
Le président : Pourrais-je vous demander de faire des réponses un peu plus courte? Quatre autres sénateurs ont demandé la parole, alors qu'il ne nous reste plus que 10 minutes.
Mme Flumian : Permettez-moi de conclure rapidement sur la question du logement des Autochtones. Certains observateurs, entre autres la vérificatrice générale, nous ont demandé pourquoi nous ne pourrions pas créer un guichet unique pour le logement des Autochtones. Mais pour créer un guichet unique, il faut bien comprendre les besoins, et puisque nous parlons des Autochtones, nous parlons nécessairement des Autochtones vivant dans la réserve et hors réserve. Nous en discutons avec les différents groupes concernés, mais le fait est qu'il y a au moins trois acteurs au niveau fédéral. Il s'agit donc de voir comment nous pourrions exécuter des programmes qui leur soient disponibles sur une base plus continue, et auxquels ils pourraient accéder à partir d'un seul guichet? Autrement dit, comment pourrions-nous gérer nos activités de façon à ce que nos interventions soient plus souples et qu'ils soient tenus de remplir les exigences en matière de responsabilisation une seule fois, au lieu d'avoir à le faire à répétition pour de nombreux programmes et dans de nombreux dossiers.
Le sénateur Murray : Quel est le rapport avec ce montant de 1,6 milliard de dollars qui, d'après vous, ne correspond pas à du financement supplémentaire? On vous a demandé d'examiner le continuum, comme vous dites, mais on ne vous a pas fourni un budget à cette fin.
Mme Flumian : On nous a dit de faire l'analyse stratégique et de revenir avec des recommandations. Avant cela, le gouvernement s'était engagé, dans sa plate-forme électorale, à engager des dépenses dans le domaine du logement sur une période de cinq ans, ce qui correspond à ce que nous disions tout à l'heure au sujet du 1,6 milliard de dollars.
Le sénateur Murray : Donc, vous dites que ce montant de 1,6 milliard de dollars faisait déjà partie du programme gouvernementale?
Mme Flumian : Non. Nous faisons une distinction entre l'engagement pris par le gouvernement dans sa plate-forme et l'engagement que reflète le projet de loi budgétaire, qui donne suite à l'engagement qu'on retrouve dans la plate- forme du gouvernement. Nous n'avions pas le 1,6 milliard de dollars.
Le sénateur Murray : Vous parlez du projet de loi C-48?
Mme Flumian : Oui. Notre niveau de référence ne comprenait pas le 1,6 milliard de dollars.
Le sénateur Murray : Et selon vous, ce n'est pas un financement additionnel.
Mme Flumian : Non. Il y a un an, on nous a demandé d'élaborer de nouveaux plans et de nouvelles politiques.
Le sénateur Murray : Dans ce cas, vous savez comment vous allez employer le 1,6 milliard de dollars?
Mme Flumian : Nous allons nous adresser au Cabinet à l'automne, comme je vous l'expliquais tout à l'heure. Nous allons également en discuter avec les sénateurs, après quoi nous pourrons vous fournir tous les détails.
Le sénateur Murray : S'agissant des Autochtones vivant hors réserve, quel est le rôle du gouvernement fédéral dans le secteur du logement?
M. Smith : Le rôle direct du gouvernement est très limité, mais sa stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain comprend le logement de même que 14 centres d'un bout à l'autre du Canada qui travaillent avec les Autochtones.
Le sénateur Murray : Est-ce financé par le ministère des Affaires indiennes? D'où vient le financement? C'est une bonne question.
Mme Flumian : Les crédits sont répartis entre plusieurs ministères qui jouent un rôle dans ce domaine. La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain n'est pas prescriptive et il n'est donc pas prévu qu'il en résulte un seul programme. Par exemple, les besoins à Regina sont très différents des besoins ailleurs. De plus, plusieurs budgets ministériels permettent d'exécuter ce programme. Les 14 centres en question ont conclu des accords qui font que plusieurs ministères agissent dans le secteur qui les concerne spécifiquement, et tous participent donc au financement.
Le sénateur Murray : Je suppose que les provinces y participent, et que vous n'êtes pas obligés de vous adresser aux provinces pour leur demander de le faire?
Mme Flumian : Non. Nous travaillons aussi avec les municipalités et d'autres fournisseurs à but non lucratif.
Le sénateur Murray : À l'heure actuelle, certains logements sont fournis. Envisagez-vous de mettre sur pied un nouveau programme de logement destiné aux Autochtones vivant en dehors de la réserve?
Mme Flumian : Nous préférons ne pas établir des programmes prescriptifs. Autrement dit, nous ne voulons pas concevoir un programme qui dira à chacun ce qu'il doit faire, étant donné que les besoins sont tellement variables. Nous préférons miser sur certains instruments et outils, comme ceux dont vous parlait tout à l'heure M. Smith. Ainsi quelqu'un au niveau local peut définir un programme bien adapté aux besoins du groupe concerné. Et de notre côté, nous mettons à sa disposition une gamme d'instruments et de moyens de financement et nous répondons à d'autres besoins sociaux importants, parce qu'avoir un toit n'est qu'un élément de la solution.
Le sénateur Murray : Vous faites ça avec les provinces?
Mme Flumian : Oui, et avec d'autres groupes à but non lucratif. Nous serions très heureux de revenir à l'automne pour vous donner d'autres détails à ce sujet.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit que le montant de 1,6 milliard de dollars faisait partie de la plate-forme libérale en matière de logement. Est-ce que la somme inscrite au budget de 2005, déposé en février par le ministre, faisait partie du 1,5 milliard de dollars?
Mme Flumian : Les seuls crédits additionnels accordés aux termes du projet de loi C-43 étaient la somme de 295 millions de dollars pour le logement des Autochtones sur deux ans — ce dont je vous parlais tout à l'heure.
Le sénateur Tkachuk : Pour les Autochtones dans la réserve?
Mme Flumian : Oui, ce montant était prévu spécifiquement pour les Autochtones vivant dans les réserves.
Le sénateur Tkachuk : Et cela faisait partie du 1,5 milliard de dollars?
Mme Flumian : Ce n'était pas comptabilisé, d'après ce que j'ai pu comprendre.
Le sénateur Tkachuk : Au budget de 2005?
Mme Flumian : Sur les deux ou trois prochaines années, 295 millions de dollars seront engagés pour des logements destinés aux Autochtones vivant dans la réserve.
Le sénateur Tkachuk : Donc, d'après ce que vous avez pu comprendre, aucune portion du 1,5 milliard de dollars ne fait partie de l'actuel budget affecté au logement?
Mme Flumian : C'est exact.
Le sénateur Day : Est-ce que le 1,5 million de dollars correspond au 1,6 million de dollars dont nous parlons depuis un moment? Pour les fins du compte rendu, il convient de préciser qu'il s'agit de 1,6 million de dollars.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vais être brève. J'étais très intéressée par l'expression que vous avez employée en parlant d'une « approche transformative en matière de logement autochtone », et je voudrais avoir d'autres renseignements à ce sujet. Les fonds fédéraux sont-ils affectés à des programmes qui s'appuient sur le modèle de Habitat pour l'humanité, c'est-à-dire qui aident les gens à garder un logement et à bien s'en occuper? Ce n'est pas tout le monde qui reçoit une aide financière par l'entremise d'initiatives en matière de logement. Y a-t-il des programmes ou initiatives gouvernementaux prévoyant une participation tant fédérale que provinciale?
Mme Flumian : Oui, nous avons le Programme d'aide à la remise en état des logements, qui est un de nos programmes les plus réussis. M. Smith pourra vous parler brièvement des sommes que nous y consacrons et de ce à quoi elles servent.
M. Smith : Il s'agit d'une série de programmes qui figurent au budget. Cette dernière aide à réparer entre 20 000 et 23 000 maisons par an. Les principaux bénéficiaires en sont des propriétaires de maison. Il y a aussi une composante du programme qui s'adresse aux locataires, pour aider, d'une part, les refuges, et d'autre part, les personnes âgées qui veulent rester plus longtemps dans leur logement. Le budget du programme pour trois ans est de 384 millions de dollars, et pour cet exercice, je crois que c'est 128 millions de dollars. Ce programme doit être reconduit l'année prochaine.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce programme permet donc de réparer les maisons. Il y a des gens qui se trouvent à vivre dans une maison neuve sans vraiment savoir comment s'en occuper ni être en mesure de le faire. Voilà pourquoi j'ai parlé d'Habitat pour l'humanité, et du genre de soutien dont certaines personnes peuvent avoir besoin pour s'en sortir. Le gouvernement fédéral finance-t-il ce genre d'initiative?
M. Smith : Sénateur, parlez-vous d'aide financière ou plutôt de conseils ou d'autres formes d'aide pour savoir comment faire certaines choses?
Le sénateur Trenholme Counsell : Les propriétaires de maison peuvent-ils se faire conseiller, ce qui voudrait dire qu'il faut des crédits pour engager des conseillers? Bien sûr, Habitat pour l'humanité mène ses activités grâce au travail de bénévoles. Les services de soutien et de counseling représentent un élément très important de son programme. Dans ce cas-ci, nous ne parlons pas de bénévoles, mais cela pourrait être envisagé. Le gouvernement fédéral consacre-t-il des produits à un programme de ce genre?
Mme Kolk : Nous passons surtout par nos différents partenaires pour assurer ce genre de services. Par exemple, nous menons un projet pilote en Colombie-Britannique qui s'appelle le Family Self-sufficiency Project. Il arrive que les gens accèdent à un meilleur logement, si bien qu'ils deviennent locataires ou propriétaires d'une maison. Mais on ne peut s'attendre à ce que ces gens sachent du jour au lendemain comment respecter un budget et bien entretenir une maison, et il peut aussi s'agir pour eux d'acquérir de bonnes compétences parentales, pour s'assurer que leurs enfants savent quelles sont les écoles locales. Nous n'avons donc pas un programme de grande envergure que nous exécutons, car nous préférons travailler en partenariat avec Habitat pour l'humanité ou, dans l'exemple que je viens de citer, avec les responsables du Family Self-sufficiency Project en Colombie-Britannique.
Nous envisageons de faire de plus en plus de collaboration de ce genre, et par conséquent nous sommes partenaires dans l'exécution du projet « Home Save », qui est axé sur l'autosuffisance financière liée au logement. Ce genre d'initiative est un élément important de notre orientation future. Nous avons commencé à faire ce genre de choses progressivement, grâce à un certain nombre de projets pilotes dans différentes régions du pays.
Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur le président, je voudrais simplement ajouter que j'ose espérer que de temps en temps, quand de l'argent frais sera disponible, vous envisagerez d'assurer ce genre de services, parce qu'il y a des gens qui ont de gros problèmes. C'est toujours triste de voir qu'une famille qui n'a jamais eu de maison auparavant ne sache pas quoi faire pour l'entretenir sans que ce soit de leur faute, au moment d'en acquérir une. D'une génération à l'autre, ces personnes n'ont jamais appris à bien entretenir une propriété.
Mme Flumian : À mesure que nous mettrons davantage l'accent sur la redynamisation des quartiers et la mise sur pied de programmes visant à permettre à de plus en plus de Canadiens d'augmenter leur avoir propre financier et d'accéder à la propriété, vous verrez que cette composante sera probablement de plus en plus prépondérante.
Le sénateur Harb : De l'extérieur, on pourrait croire que nous avons en vous trois femmes qui sont ministres ou plutôt sous-ministres déléguées. Est-ce qu'on vous paie pour tous ces différents portefeuilles?
Mme Flumian : Si seulement c'était vrai! C'est comme ça qu'ils ont trouvé le 1,6 milliard de dollars.
Le sénateur Harb : Je sais que vous le méritez.
Je voudrais vous poser une question au sujet de ce 1,6 milliard de dollars que le gouvernement s'engage à consacrer à un programme de logement abordable, y compris pour les Canadiens autochtones. Je sais qu'il y a eu beaucoup de discussions dans votre ministère au sujet du transfert du portefeuille du logement aux provinces. Aujourd'hui, vous avez parlé du fait que vous avez pris un peu de recul en vue d'essayer d'analyser les besoins en matière de logement, et de consulter le secteur privé, les groupes d'intérêt, et cetera, et c'est une bonne idée à mon avis.
Cependant, vu qu'aucune décision n'a encore été prise, que devrait faire votre ministère, à votre avis, pour éviter qu'on se trouve dans une situation difficile, si nous devions remettre ce 1,6 milliard de dollars aux provinces sans savoir comment elles vont l'utiliser? Si votre ministère s'adressait au gouvernement du Canada en disant : « Écoutez, nous avons un ministère qui s'appelle la SCHL; donnez-nous l'argent. Nous allons le détenir en fiducie jusqu'au moment de savoir comment les crédits seront utilisés, l'idée étant de garantir que ceux qui ont besoin de logements abordables puissent les avoir, et comment ils seront administrés, et nous ferons ensuite rapport au Parlement sur l'utilisation de ces crédits. »
Je sais qu'elles ne vous ont sans doute pas encore pressentis, mais j'ai déjà entendu parler de propositions non sollicitées qui sont faites de temps en temps directement au gouvernement. Vos fonctionnaires sont-ils en train de préparer une proposition non sollicitée que vous pourriez adresser au Conseil du Trésor ou au ministre des Finances? Avez-vous préparé quelque chose qui dirait essentiellement au gouvernement : « Nous savons que vous continuez à faire une analyse approfondie de la situation. Dans l'éventualité où cet excédent se concrétiserait, nous sommes déjà prêts et en mesure d'assurer l'exécution et la gestion de tels programmes ou initiatives? »
Mme Flumian : D'abord, je voudrais préciser une chose : nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues provinciaux et territoriaux dans l'exécution des programmes déjà en place. Dans certains domaines, nous exécutons les programmes directement, mais dans la plupart des cas, nous partageons les frais équitablement avec les provinces. Pour ce 1,6 milliard de dollars, c'est différent. Il doit s'agir de dépenses fédérales. Ceci dit, à cause de toutes les complexités que je vous décrivais dans mes réponses précédentes — qui étaient trop longues pour certains sénateurs, mais c'est tout de même un domaine très complexe — nous voulons créer un effet multiplicateur autour de ce 1,6 milliard de dollars et faire participer autant de régions du monde que possible à nos efforts. Ainsi nous voudrons voir s'il est possible de grossir ce montant de 1,6 milliard de dollars en convainquant les provinces d'investir dans certains secteurs — pas forcément les mêmes, mais dans un secteur particulier du continuum. Nous voudrons également voir dans quelle mesure nous pouvons obtenir des crédits d'ailleurs. Si nous réussissons à le faire, voilà qui nous amènerait à élaborer une proposition non sollicitée, si je peux l'appeler ainsi, qui consisterait à définir des méthodes différentes d'administration des fonds, en passant par une fiducie de logement ou d'autres arrangements prévoyant que d'autres parties investissent également, les collectivités ou les personnes concernées ayant ensuite la possibilité d'accéder à ces fonds.
Nous explorons par conséquent plusieurs options de ce genre pour les Autochtones, de même que pour d'autres programmes que nous pourrions exécuter. Donc, nous faisons ce travail, sans savoir laquelle des diverses options sera jugée la plus appropriée en fin de compte, mais je peux vous dire que celle-là en est une qui fait activement l'objet d'analyse. Nous avons recours à toutes sortes d'experts et de personnes très compétentes qui nous aideront à définir un modèle qui pourrait donner un bon résultat, modèle appliqué déjà dans d'autres pays ou par d'autres administrations, et qui conduirait à de meilleurs résultats que ceux que nous obtenons actuellement.
Le sénateur Eggleton : Comme vous n'avez pas encore reçu ce 1,6 milliard de dollars, on peut supposer que vous ne l'avez pas non plus dépensé.
Mme Flumian : C'est exact.
Le sénateur Eggleton : Vous avez parlé aujourd'hui de plusieurs programmes que vous exécutez. N'est-il pas vrai que ces programmes constitueront la base des initiatives que vous définirez par la suite pour le 1,6 milliard de dollars, au lieu de créer quelque chose de complètement nouveau qui ne s'appuie sur rien?
Mme Flumian : Nous allons évidemment miser sur les assises de notre programmation actuelle, et nous devrons aussi inventer de nouveaux programmes, parce qu'il existe des lacunes en ce qui concerne le continuum actuel.
Le sénateur Day : Je n'ai qu'une observation à faire, à savoir que je suis très heureux que vous soyez là aujourd'hui et que vous nous ayez donné certains détails au sujet du logement des Autochtones vivant dans la réserve et en dehors. Votre offre de revenir nous voir quand vous aurez soumis vos propositions à l'examen du Cabinet et reçu ses instructions est tout à fait bienvenue. J'espère que mes collègues accepteront aussi de le faire.
Le président : Si je peux me faire l'écho des souhaits du sénateur Day, nous serions ravis que vous reveniez nous voir quand vous aurez soumis vos propositions initiales à l'examen du Cabinet et du Conseil du Trésor.
Au nom de tous les membres du comité, je voudrais vous remercier de votre présence aujourd'hui et de nous avoir expliqué la situation en ce qui concerne ce 1,6 milliard de dollars.
Honorables sénateurs, nos derniers témoins représentent le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Je suis ravi d'accueillir M. Stewart-Patterson et M. Boutziouvis. Il s'agit d'un conseil à but non lucratif et non partisan composé des PDG des plus grandes entreprises canadiennes. Le Conseil a un programme actif de recherche, de consultation et de défense d'intérêt public.
M. Stewart-Patterson s'est joint au CCCE en 1996 après 15 ans de travail dans le secteur des médias à titre de journaliste, de rédacteur et de cadre supérieur. Il a été entre autres le correspondant parlementaire à Ottawa du Report on Business du Globe and Mail, rédacteur en chef pour la chaîne de journaux Robinson-Blackmore à Terre-Neuve-et- Labrador et chroniqueur économique pour l'émission Canada AM sur CTV.
Ancien président de la Ottawa Economics Association, M. Boutziouvis a fait ses études à l'University of Western Ontario, ainsi qu'à l'Université d'Ottawa et à l'Université Carleton. En plus d'avoir réussi au programme de formation des cadres de direction de l'Université Western, il détient une maîtrise en administration publique et un baccalauréat en sciences économiques et biochimie.
Monsieur David-Patterson, monsieur Boutziouvis, bienvenue au comité. Nous essayons de comprendre les complexités du projet de loi C-48 et vos observations à ce sujet sont donc les bienvenues. Je vous cède la parole pour faire votre exposé liminaire et par la suite, les honorables sénateurs auront des questions à vous poser.
M. David Stewart-Patterson, vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Monsieur le président, je vous remercie pour vos aimables propos, et je remercie également tous les honorables sénateurs de l'occasion qui nous est donnée cet après-midi de vous faire part de nos vues. Le projet de loi C-48 soulève effectivement un certain nombre de questions complexes, mais c'est un projet de loi qui n'est pas très long, et par conséquent, mes remarques liminaires ne le seront pas non plus. Par contre, la discussion qui suivra pourra être aussi complexe que vous le voudrez.
Pour commencer, je devrais préciser que les chefs d'entreprise au Canada comprennent les réalités politiques d'un gouvernement minoritaire. La politique, c'est l'art du possible et par conséquent, il faut parfois faire des choses qui sont moins que parfaites. Rétrospectivement, on pourrait dire que le principal projet de loi d'exécution du budget, soit le projet de loi C-43, aurait peut-être pu être adopté sans qu'il soit nécessaire de conclure cet accord parallèle avec le Nouveau Parti démocratique. Il y a eu des indications, par moments, à partir du jour où le budget a été déposé, selon lesquelles les Conservateurs étaient prêts à voter en faveur dans sa forme originale. Quoi qu'il en soit, c'est de la pure spéculation. L'accord a été conclu, et même si le projet de loi C-48 était nécessaire pour des raisons d'opportunisme politique, nous sommes convaincus pour notre part que les mesures qui le sous-tendent ne sont pas dans l'intérêt du public.
Je tiens à préciser que ce ne sont pas les objectifs stratégiques du projet de loi qui inquiètent le plus le Conseil canadien des chefs d'entreprise. L'environnement, la formation et l'éducation postsecondaire, le logement abordable et l'aide étrangère correspondent dans tous les cas à de bonnes causes et à des secteurs où le gouvernement non seulement peut prendre, mais prend déjà, des mesures positives. J'accepte aussi les assurances du ministre des Finances selon lequel ce projet de loi ne fera pas augmenter le risque que le gouvernement enregistre un déficit. Les dépenses qu'il prévoit sont subordonnées à l'enregistrement d'un excédent d'au moins 2 milliards de dollars dans chaque exercice.
Cependant, nous estimons que ce projet de loi a deux très graves défauts. Le premier est surtout un défaut de principe. Ce projet de loi réserve quelque 4,6 milliards de dollars pour des dépenses qui doivent être engagées dans quatre secteurs différents, sans indiquer comment ces crédits seront utilisés. Il ne présente aucun objectif — il n'est même pas vaguement question des résultats que nous essayons d'obtenir en dépensant cet argent. D'ailleurs, ce que j'ai retenu de la discussion précédente en est une bonne illustration, à mon avis. Les gens peuvent toujours trouver différents moyens de dépenser de l'argent si vous le leur donnez, mais nous constatons que l'on a très peu réfléchi jusqu'à présent à l'utilité des dépenses qui seront engagées.
De plus, ce projet de loi ne tient aucun compte des autres possibilités qu'il y aurait peut-être lieu d'explorer pour atteindre ces objectifs, au lieu de dépenser les deniers publics. Le secteur qui illustre le mieux cet argument est celui de l'aide extérieure. Le gouvernement a déjà pris l'engagement d'augmenter considérablement le montant qu'il consacre à l'aide étrangère, notamment pour des régions comme l'Afrique. Il a annoncé, dans le contexte de son Énoncé de politique internationale, la révision complète de son programme de dépenses, de façon à concentrer l'aide dans un nombre de pays moins importants en vue d'utiliser plus efficacement les crédits disponibles. C'est une orientation que nous jugeons positive, même si c'est une toute nouvelle orientation en ce qui concerne la façon dont le Canada dépense son argent à l'étranger. Il convient par conséquent d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle approche. Entre-temps, alors que nous avons déjà décidé de dépenser plus dans ce domaine et de faire d'autres types de dépenses, convient-il vraiment d'essayer de régler un problème à coups de millions alors que nous ne savons même pas dans quelle mesure cette nouvelle approche permettra réellement d'obtenir les résultats escomptés?
Qui plus est, il faut reconnaître que le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs ne consiste pas nécessairement à engager des dépenses publiques. Toujours s'agissant de l'aide étrangère, les gens sont généralement d'accord pour reconnaître — et c'est ce qui est ressorti des discussions du G-8 la semaine dernière — que la meilleure chose que le Canada et d'autres pays industrialisés puissent faire pour aider les agriculteurs les plus pauvres des pays les moins développés serait de libéraliser le commerce agricole par l'entremise de l'OMC. Or le texte plutôt bref du projet de loi n'aborde aucunement la possibilité d'explorer d'autres options en vue d'atteindre ces objectifs stratégiques.
Si je peux me permettre de définir le fond du problème, à notre sens, le projet de loi C-48 n'a même pas la prétention de démontrer ce que je considère comme étant la principale responsabilité de tout gouvernement, à savoir de s'assurer que les deniers publics sont employés aussi efficacement que possible pour des initiatives jugées valables par les contribuables. Ce sont peut-être des objectifs louables, mais il n'y a dans ce projet de loi aucune indication de la valeur des initiatives qui seront financées par les fonds ainsi réservés.
Voilà donc qui m'amène à vous parler de ce que je considère comme le deuxième défaut grave de ce projet de loi, à savoir le manque de respect des principes fondamentaux d'une saine gestion publique. Devant les députés de l'autre Chambre, j'ai indiqué que le projet de loi C-48 est pour moi comme un chèque en blanc postdaté. Il donne à un futur Cabinet le pouvoir d'engager toutes ces dépenses comme bon lui semblera, y compris pour de nouveaux programmes, des accords avec d'autres gouvernements, des subventions et contributions, et même pour la création de nouvelles sociétés d'État. À une époque où les Canadiens revendiquent une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation en ce qui concerne les deniers publics, ce projet de loi propose d'occulter l'utilisation de plus de 4,5 milliards de dollars. Ainsi le gouvernement au pouvoir pourra prendre des décisions politiques sur les secteurs où il investira et la manière d'utiliser ces fonds sans être tenu d'obtenir d'autres approbations parlementaires. Il est peut-être vrai de dire que ce projet de loi n'augmente pas le risque que le gouvernement reprenne la méthode du financement déficitaire, mais j'estime qu'il augmente le déficit démocratique, au lieu de le diminuer.
En conclusion, ce projet de loi symbolise l'extrême myopie du Parlement actuel et le fait qu'il a abandonné la responsabilité de songer aux besoins du pays à plus long terme. D'ailleurs, les chefs d'entreprise du Canada n'ont pas mâché leurs mots à ce sujet il y a quelques semaines, au moment de lancer l'initiative Canada Premier! Nous avons distribué des copies du document en question aux membres du comité. Le fait est que lorsque l'économie est forte et que les gouvernements enregistrent excédent après excédent, même s'il est facile de se reposer sur ses lauriers, il y a actuellement certains signes de danger. Tous les jours, la concurrence des autres pays du monde devient plus vive.
À mon avis, si nous voulons conserver et rehausser la qualité de vie que nous, Canadiens, tenons pour acquise, il est grand temps que nous tous laissions de côté les politiques myopes que nous avons subies ces derniers mois et que nous commencions dès maintenant à songer plus sérieusement aux objectifs que nous voulons réaliser au cours des 10 prochaines années, et aux mesures qu'il faudra prendre pour les concrétiser.
Voici qui termine mon bref exposé. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des honorables sénateurs.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Downe : Monsieur Stewart-Patterson, je présume que s'il n'y a pas d'alternative, votre association serait favorable au maintien du statu quo, qui pour certains signifie que le ministère des Finances continuera à sous-estimer l'excédent année après année, de sorte que cet argent serve automatiquement à réduire la dette. Est-ce bien la position de votre association?
M. Stewart-Patterson : S'agissant de l'utilisation des excédents, j'ai fait valoir à maintes reprises par le passé que, premièrement, il importe que le gouvernement se demande en permanence comment il peut mieux utiliser les deniers publics, et qu'il réaffecte les crédits qui ne sont pas optimisés à des utilisations plus intéressantes. Dans ce contexte, la pire utilisation qu'on puisse faire des deniers publics consiste à payer des intérêts sur la dette publique, si bien que la réduction de la dette est le moyen le plus efficace de réaffecter les crédits en vue d'optimiser les ressources. La réduction de la dette correspond à une excellente politique générale et garantit la capacité du gouvernement de maintenir et d'augmenter les dépenses dans certains secteurs en vue de rehausser progressivement la qualité de vie des Canadiens. J'accepte donc volontiers, comme nos autres membres, d'ailleurs, que les deniers publics servent à rembourser la dette. Il y a peut-être d'autres mesures qui nous semblent désirables, mais la réduction de la dette n'est pas une mauvaise chose en soi.
Le sénateur Downe : Merci pour cette réponse. C'est vraiment autour de cette question que s'articule le débat. D'une part, le ministère des Finances, selon moi et selon beaucoup d'autres personnes, sous-estime l'excédent si bien que ce dernier sert automatiquement à rembourser la dette. D'autre part, selon certains, nous sommes témoins de l'absence totale d'une politique gouvernementale à ce sujet, étant donné qu'il n'y a pas eu de débat au Canada sur l'utilisation de l'excédent.
Ce projet de loi a certes certaines faiblesses, comme on nous l'a fait savoir aujourd'hui, mais il établit un processus qui conduira à une discussion sur le sujet. Si nous enregistrons un excédent chaque année au cours des 10 prochaines années, comment allons-nous utiliser cet argent? Nous pouvons nous en servir pour réduire la dette et les impôts, ou pour financer des initiatives touchant les transports en commun, l'environnement, l'éducation et le logement. Ce projet de loi ouvre le débat sur la question. C'est plutôt un commentaire qu'une question.
M. Stewart-Patterson : Je ne suis pas en désaccord avec vous sur la nécessité de réfléchir au long terme et d'examiner les différentes options, mais malheureusement ce projet de loi tue dans l'oeuf ce débat, au lieu de l'ouvrir. Il précise que toute somme dépassant les 2 milliards de dollars au cours des deux prochains exercices devra servir à financer des initiatives dans ces quatre domaines. Nous ne savons aucunement ce qui sera financé ni quel en sera le résultat, mais l'argent en question servira à financer ces initiatives-là, et rien d'autre. Ainsi il n'est plus question de déterminer, si cet argent se concrétise, dans quelle mesure il aurait lieu de l'utiliser pour autre chose, pour réduire le fardeau fiscal ou encore pour rembourser la dette. Pour moi ce projet de loi limite le débat, au lieu de l'élargir.
Le sénateur Downe : Je ne suis pas d'accord. Au moins ce projet de loi fixe certains objectifs. Ce n'est pas à moi de défendre le NPD, mais à mon sens, le gouvernement a fait ce qu'il fallait faire. Sans ce projet de loi, la totalité de l'excédent servirait automatiquement à rembourser la dette.
M. Stewart-Patterson : En l'absence de ce projet de loi, il y aurait selon moi plus de discussions dans les mois qui viennent sur les priorités du prochain budget, la façon d'utiliser les ressources disponibles, de les optimiser ou de les affecter à d'autres programmes — au lieu de prendre des décisions à la hâte et d'annoncer : « Voici quatre secteurs. Voici les 4,6 milliards de dollars. Attelez-vous à la tâche et présentez-nous des propositions pour les utiliser. »
Le sénateur Downe : Pour moi il est clair, si on s'appuie sur ce qui est arrivé au cours des trois dernières années, que ce n'est pas du tout ça qui se produit. Il n'y a pas eu de débat au Canada. Quand nous avons enregistré un excédent massif, cet argent a automatiquement servi à rembourser la dette. Avant que cela se produise, le ministère des Finances n'arrêtait pas de dire aux citoyens que l'excédent serait minime et qu'il n'y aurait pas de fonds pour prendre les nombreuses mesures qui avaient été recommandées. Ensuite, six mois après la clôture des comptes, le ministère s'est rendu compte qu'il avait fait une erreur, et que l'excédent se monterait au contraire à plusieurs milliards de dollars. C'est une somme considérable. Les professionnels du ministère se sont trompés et par conséquent l'argent a servi à rembourser la dette.
Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais il aurait fallu qu'on débatte de la question auparavant, et ce projet de loi nous aidera justement à préparer ce débat.
Le président : Le sénateur Stratton voudrait poser une question complémentaire, et M. Boutziouvis aimerait également intervenir.
M. Sam Boutziouvis, vice-président de la politique et directeur des recherches, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Merci. J'aimerais faire une petite mise en garde, sénateur Downe : d'abord, en ce qui nous concerne, ce projet de loi réduira la marge de manoeuvre financière du gouvernement, alors que nous avons besoin d'une plus grande marge de manoeuvre dans les mois et les années qui viennent. S'agissant du remboursement de la dette, nous avons beaucoup appuyé les paramètres budgétaires du gouvernement au cours des 10 dernières années. En fait, depuis 1994-1995, nous faisons valoir avec énergie la nécessité d'équilibrer les livres. Les paramètres budgétaires du gouvernement ont été jusqu'à présent un budget équilibré, une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars qui peut ensuite être affectée au remboursement de la dette et, plus récemment, l'objectif d'un rapport dette-PIB de 25 p. 100. À notre avis, ces excellents paramètres budgétaires ont bien servi la population canadienne au cours des 10 dernières années.
Or il y a lieu de penser que le projet de loi C-48 influera sur ces paramètres budgétaires. M. Don Drummond de la Banque Toronto-Dominion, et ancien sous-ministre adjoint du ministère des Finances, a justement sonné l'alarme hier en déclarant que, pour assurer une certaine protection contre la possibilité d'enregistrer un déficit, le gouvernement libéral avait annoncé que les dépenses prévues en vertu du projet de loi C-48 ne seraient engagées que si l'excédent dépassait les 2 milliards de dollars au cours de cet exercice et du prochain exercice financiers. Il a aussi déclaré que cette mesure marque la disparition de la politique suivie par le gouvernement fédéral depuis 10 ans, selon laquelle la réserve annuelle pour éventualités de 3 milliards de dollars devait être affectée au remboursement de la dette si elle n'était pas utilisée.
Il y a donc lieu de se demander si les 3 milliards de dollars en question continueront d'être affectés au remboursement de la dette. M. Drummond a soulevé cette question et je me permets, moi aussi, de faire une mise en garde à ce sujet, comme l'a fait M. Stewart-Patterson dans son exposé liminaire.
Ce serait utopique de croire que ces paramètres budgétaires très importants continueront d'être respectés. Au Conseil, nous avons proposé qu'il y ait un paramètre budgétaire additionnel, soit la réduction des dépenses, dans les mois qui viennent. Nous avons fait beaucoup de travail dans ce domaine et nous sommes contents que le gouvernement ait proposé, dans son budget de 2005, une importante série de règles relatives à la compression des dépenses.
Qu'arrivera-t-il à ces règles quand le projet de loi C-48 sera en vigueur? Nous ne pouvons nous empêcher, par conséquent, de faire cette mise en garde en ce qui concerne la disparition des paramètres budgétaires qui nous ont si bien servis jusqu'à présent.
Le sénateur Downe : J'ai lu quelque part qu'un ancien économiste de la Banque de Montréal avait déclaré que le fait d'enregistrer un déficit ne pose pas problème. Votre association est-elle en désaccord avec cela?
M. Stewart-Patterson : Les déficits sont toujours possibles, même lorsqu'on est prudent et qu'on fait une bonne planification. La résolution du gouvernement à éviter le financement déficitaire a bien servi le Canada et la population canadienne. Les excédents que nous avons enregistrés jusqu'à présent sont le résultat d'importantes décisions prises pendant les années 1990 dans l'intérêt du public : l'élimination du déficit, la création de la marge de prudence, et le respect de ces principes, quoi qu'il arrive. Or j'observe en ce moment un affaiblissement de cette résolution, ce qui risque à mon avis de mettre en danger l'atteinte de bon nombre des objectifs dont nous reconnaissons tous l'importance pour l'avenir du pays.
À n'importe quelle époque, la prudence n'est jamais une mauvaise chose. Quand je regarde ce qui se passe aux États- Unis, en Inde, en Chine et dans d'autres régions du monde, j'entrevois de grands défis auxquels nous risquons d'être confrontés et pour lesquels nous devons nous préparer. Ce n'est pas le moment maintenant de faire preuve de moins de prudence en ce qui concerne l'utilisation des deniers publics.
Le sénateur Stratton : Selon certains, si l'on ne cherchait aucunement à rembourser la dette au cours des 10 prochaines années, la croissance économique serait suffisante pour ramener le rapport dette-PIB à 25 p. 100. Est-ce vrai?
M. Stewart-Patterson : Si l'économie prend de l'expansion et la dette reste constante en chiffres absolus, ce rapport finira par diminuer en tant que part de l'économie. La rapidité avec laquelle il diminuera dépendra du rythme de la croissance économique. Voilà pourquoi nous parlons tant des politiques qui favoriseront et accéléreront la croissance au Canada, car c'est cette croissance économique qui sera à l'origine de tout accroissement des recettes et d'une véritable qualité de la vie au Canada.
En ce qui me concerne, le remboursement de la dette permet de ramener le rapport à un niveau inférieur plus tôt, de telle sorte que les gouvernements ont à affecter moins d'argent à cette activité-là et peuvent consacrer cet argent à d'autres initiatives qui sont, par définition, plus valables. Il y a aussi la question des dollars absolus. Si vous ne remboursez pas la dette, vous payez forcément des intérêts. Combien de Canadiens sont d'avis qu'il convient de payer des intérêts uniquement sur leur hypothèque? Pour les familles et pour le pays dans son ensemble, il est normal de rembourser progressivement une dette. Plus vite vous finissez de rembourser votre dette, plus vite vous aurez une marge de manoeuvre accrue pour dépenser votre argent ailleurs.
Le sénateur Stratton : Je suis entièrement d'accord avec vous. J'étais surtout curieux de savoir quel chiffre vous semble le plus approprié. M. Boutziouvis nous disait que lorsque le rapport sera de 25 p. 100, nous serons à l'aise. Je suis d'accord pour dire qu'il faut continuer à rembourser la dette de 3 milliards de dollars à chaque fois. Cela nous laissera tout de même une bonne marge budgétaire, vu les excédents qui sont prévus, et le gouvernement fédéral pourra donc prendre certaines mesures sociales. Qu'en pensez-vous?
M. Stewart-Patterson : Je pense qu'il est juste de dire que le Canada a connu une période exceptionnelle d'excellents résultats économiques — c'est le cas depuis sept ans, et cela continue. Mais chaque fois qu'il est question de ce succès économique, je ne peux m'empêcher de songer à ma mère, qui est pasteur à l'Église presbytérienne, qui me disait toujours que sept années grasses sont toujours suivies de sept années maigres. L'équivalent moderne serait de dire que le cycle économique n'est pas fini, et que les risques économiques n'ont donc pas disparu. Le fait que nous ayons connu sept bonnes années ne signifie pas que nous aurons encore sept bonnes années, et que nous pouvons y compter. L'importance du rapport dette-PIB et de la réserve pour éventualités sont le fait de décisions arbitraires. Il n'existe pas de chiffre magique correspondant à la situation optimale. Il s'agit d'être prudent et d'avoir à l'esprit l'intérêt des Canadiens, car ce que nous voulons faire, c'est préserver et améliorer la situation, pour être sûrs d'élargir notre capacité avec le temps, plutôt que d'accepter ce que nous avons maintenant, voire même de mettre en danger nos acquis.
Le sénateur Tkachuk : Il ne faut pas chercher à réécrire l'histoire, mais dans les années 1990, quelque chose de positif s'est produit au Canada, lorsque tous les partis politiques à la Chambre, à l'exception du NPD, ont décidé qu'il fallait maîtriser le déficit. Il ne fait aucun doute que M. Martin et le gouvernement font preuve de leadership à cet égard, mais ils avaient bien l'appui de tous les partis politiques, sauf le NPD, et il ne faudrait jamais l'oublier.
Il est intéressant de noter que, dans le contexte de cette discussion, le ministre des Finances a bel et bien parlé de son plan. Son plan consistait à s'attaquer au problème de la productivité et à faire passer l'impôt sur les sociétés de 22,9 p. 100 à 19 p. 100 afin d'être plus concurrentiel, par rapport aux autres pays du G-8. Tel était son plan et telle était son intention.
Monsieur le président, je suis membre du comité, et j'ai travaillé dans le secteur bancaire. Nous entendons sans arrêt les affirmations des responsables du ministère des Finances; ils nous ressortent leur petit livre sur les dépenses fiscales. Pour ma part, je suis convaincu que si vous réduisez les impôts, vous créez plus de liquidités au sein de l'économie, mais ces gens-là ne sont pas d'accord. Ils y voient toujours un coût potentiel. Si vous réduisez tel impôt d'autant, voilà ce que ça va coûter. C'est l'argument qu'ils ont avancé devant de comité et au ministère, et telle a toujours été leur position.
Il faut se souvenir du fond de la discussion et de l'annonce faite par le NPD et le gouvernement lorsqu'ils se sont entendus sur ces 4,5 milliards de dollars. L'argument qu'ils ont avancé — c'était plutôt l'argument du NPD — c'est qu'en éliminant cette réduction de l'impôt sur les sociétés, nous pourrions nous permettre de payer ces programmes sociaux. Voilà ce qui est arrivé. Il reste que le ministre des Finances a déclaré qu'il déposera un autre projet de loi pour faire adopter les réductions d'impôt en question.
Le président : C'est ce qu'il nous a dit quand il était là.
Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas combien coûtera ce projet de loi distinct, d'après les responsables du ministères des Finances. J'espère qu'il va le faire, parce que j'estime que c'est important.
Êtes-vous convaincu qu'il va vraiment déposer ce projet de loi et que ce dernier comprendra les réductions d'impôt promises au projet de loi C-43?
M. Stewart-Patterson : J'accepte la parole du ministre des Finances, qui nous dit que les réductions d'impôt annoncées à l'origine vont bel et bien être appliquées, et qu'il s'agit simplement de savoir comment il sera possible, sur le plan législatif, de tenir cette promesse.
Le sénateur Tkachuk : Craignez-vous qu'il décide d'attendre deux ans pour le faire, afin de satisfaire le ministère des Finances, selon lequel ces 4,5 milliards de dollars doivent déjà être payés?
M. Stewart-Patterson : Le fait est — et le ministre l'a d'ailleurs rappelé — que ces réductions d'impôt ne devaient pas entrer en vigueur avant 2008 au plus tôt. D'un point de vue pratique, peu importe le moment, d'ici là, où la loi sera adoptée. S'il y a un danger, c'est que plus on attend pour déposer le projet de loi et l'adopter, plus la situation demeure incertaine du point de vue du marché.
C'est maintenant que les gens prennent des décisions sur les investissements à faire, et s'ils envisagent d'investir dans une usine ou une grande opération dont la période d'amortissement sera de 10 ans, de 20 ans ou même plus, le taux d'imposition qui s'appliquera dans trois ans est certainement un facteur dans la décision d'aller de l'avant ou non.
Pour le pays dans son ensemble, ce sera positif pour le Canada si on peut faire adopter cette mesure législative dans les plus brefs délais. Le ministre des Finances a été catégorique à ce que sujet, déclarant que cette mesure sera adoptée quoi qu'il en soit, ce qui prouve que la réduction de l'impôt sur les sociétés n'avait rien à voir avec le financement du projet de loi C-48. Les crédits qui sous-tendent les mesures du projet de loi C-48 découleront des excédents qui sont prévus pour les deux prochains exercices financiers, c'est-à-dire avant que la première série de réductions ne devait entrer en vigueur. Ne serait-ce qu'à cause de la valeur temporelle de l'argent, on peut supposer que ce n'est pas l'annulation des réductions d'impôt qui permettra de payer ce que prévoit le projet de loi.
Deuxièmement, comme le ministre a promis d'appliquer ces réductions d'impôt quoi qu'il arrive, rien n'a changé, si bien que les revenus prévus à cette fin ne peuvent absolument pas être la source de financement des mesures du projet de loi C-48.
Or, comme vous l'avez vous-même signalé, il y a eu au cours des cinq dernières années une série d'importantes réductions du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt sur les sociétés, et malgré tout les recettes fédérales tirées de l'impôt sur les sociétés sont maintenant plus importantes qu'elles ne l'ont jamais été. Pour moi, c'est une bonne illustration du fait que les réductions d'impôt ont un effet dynamique et ne correspondent pas simplement à une dépense statique. Je dirais que déjà, le Trésor a plus que récupéré le manque à gagner en recettes fiscales découlant des réductions d'impôt annoncées dans le mini-budget d'octobre 2000, si on peut encore l'appeler ainsi.
Et le Canada n'est pas seul. Presque tous les pays de l'OCDE ont compris que la meilleure façon de stimuler la croissance économique consiste à diminuer l'impôt sur les sociétés, au lieu de le relever. Le ministre des Finances a dit que nous allons appliquer les réductions aux dates prévues, ce qui signifie qu'il reconnaît au moins qu'il est indispensable que le Canada demeure concurrentiel sur le plan fiscal.
Par contre, ce sur quoi nous aimerions insister, c'est que si le gouvernement veut faire plus pour les Canadiens sur le plan social, il aurait sans doute avantage à accélérer l'application des mesures de réduction de l'impôt sur les sociétés, au lieu d'attendre.
Le sénateur Tkachuk : C'était justement le sujet de ma deuxième question. Mais vous y avez déjà répondu.
Le sénateur Eggleton : Il va sans dire que toutes les dispositions du projet de loi C-43 relatives aux réductions d'impôt seraient déjà en vigueur maintenant si les Conservateurs n'avaient pas fait volte-face pour décider tout d'un coup d'essayer de renverser le gouvernement lors du vote sur le projet de loi C-43, au lieu de l'appuyer, conformément à ce qu'ils avaient dit au début. S'ils avaient fait ce qu'ils devaient faire au départ, nous n'aurions pas eu besoin du projet de loi C-48.
Mes questions portent sur les deux éléments qui vous préoccupent : premièrement, la ligne de conduite du gouvernement, et deuxièmement, la saine gestion publique. S'agissant du premier, vous dites qu'il n'est aucunement question dans le projet de loi C-48 des objectifs à atteindre, des résultats escomptés, et cetera. Mais j'ai moi-même épluché beaucoup de budgets, et je ne me rappelle pas d'y avoir vu beaucoup de détails ni une longue liste de postes budgétaires détaillés. Si je regarde les dispositions du projet de loi C-43, auquel vous n'étiez pas opposé, je vois qu'il y a une énumération de toutes sortes de programmes — soit 398 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour améliorer les programmes d'établissement et d'intégration; 5 milliards de dollars pour les programmes de garde d'enfants; 1 milliard de dollars pour la création du fonds EcoNet; 171 millions de dollars sur cinq ans pour célébrer le Canada, et pour permettre à la diversité canadienne de s'exprimer dans les collectivités du Canada entier.
Et, il y a, bien sûr, deux sommes importantes qui découlent des négociations tenues au niveau fédéral-provincial- territorial : l'ensemble de mesures touchant le système de soins, pour lesquelles la somme de 41,3 milliards de dollars est prévue sur 10 ans, et la formule de péréquation et territoriale, pour laquelle la somme de 33,4 milliards de dollars est prévue. Vous parlez de responsabilisation, mais je vous fais remarquer que tous ces accords ont été conclus avant que les députés, à part ceux de la majorité, aient pu en prendre connaissance.
Je me demande donc en quoi le projet de loi C-48 se démarque de nombreux autres budgets, qui contiennent généralement un minimum d'information. Je ne me rappelle pas d'avoir vu très souvent des budgets où on précisait les objectifs à atteindre, et les résultats escomptés.
M. Stewart-Patterson : Si vous me permettez, sénateur, si vous dites que des budgets proposant l'engagement de dépenses très importantes sont régulièrement proposés sans que l'on ait fait les bonnes analyses au préalable, eh bien, je dirais que nous avons un problème de gestion financière qui est beaucoup plus grave que je ne le croyais. Si je me fonde sur ce que je sais de la façon de faire du ministère des Finances et d'autres ministères, je dirais que ce n'est pas du tout la méthode normale.
Si vous me permettez de parler de ma propre expérience — encore une fois je ne peux pas me prononcer sur chaque poste budgétaire, étant donné que je ne sais pas quel travail ou quelle analyse sous-tendent les différents postes. Par contre, je siège à titre de bénévole au conseil d'administration de la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs, qui coordonne des programmes de micro-prêts et d'encadrement destinés aux jeunes entrepreneurs de l'ensemble du pays. Ce sont des donateurs du secteur privé qui ont lancé la Fondation. Industrie Canada est devenu un partenaire important à compter du budget de 2001. Par suite de l'accord intervenu entre nous, nous avons fait l'objet d'une évaluation à mi-mandat qui a conclu, entre autres, que non seulement nous faisions du bon travail puisque l'argent était utilisé à bon escient mais que le gouvernement — et des expériences internationales en plus de la nôtre permettaient de tirer cette conclusion — devrait participer en permanence à des activités de ce genre.
De plus, je sais que quand nous avons dû nous adresser au gouvernement pour le convaincre d'élargir et de renouveler notre financement, un certain nombre d'administrateurs bénévoles, de même que les cadres supérieurs de la Fondation, ont dû rencontrer des hauts fonctionnaires et des ministres, et si je cite cet exemple, c'est parce que nous avons dû justement avancer des arguments très précis et très convaincants afin de justifier que la Fondation, par opposition à tous les autres qui s'adressent au gouvernement pour obtenir de l'argent, continue à recevoir l'argent des contribuables.
Il était très important que je puisse dire au ministre de l'Industrie, en le regardant dans le blanc des yeux : « Nous avons mené un sondage auprès de tous nos clients qui ont reçu un prêt depuis qu'Industrie Canada participe au programme, et les résultats indiquent que pour un prêt moyen de 12 000 $, dont 87 p. 100 sont remboursés avec intérêt, ces jeunes Canadiens créent six emplois en moyenne. Existe-t-il d'autres programmes au ministère de l'Industrie dont les résultats seraient meilleurs? Sinon, je dirais que nous méritons que le gouvernement continue à nous faire confiance. »
C'était une explication assez longue et tortueuse, je l'avoue, et je m'en excuse. Mais là où je voulais en venir, c'était que mon expérience personnelle du processus budgétaire officiel laisse supposer que chaque poste budgétaire, chaque année, fait l'objet d'énormément de réflexion et d'analyse.
Cela ne veut pas dire que certaines mesures ne sont pas conçues un peu à la dernière minute. Cela ne veut pas dire non plus qu'il n'y a pas des sommes assez considérables. L'accord relatif au système de soins dont vous avez parlé était un accord négocié. Qu'est-ce qui s'est passé pendant les négociations? Je n'étais pas présent, et je ne peux donc pas parler de l'intention de l'analyse, mais ce qu'il faut surtout comprendre, c'est qu'il s'agissait d'un accord négocié. Le budget a permis de mettre en oeuvre l'accord en question, mais il y a eu d'abord les négociations.
Ce que j'essaie de vous dire au sujet du projet de loi C-48, c'est que nous savons, d'après le contexte politique, que l'argent prévu correspond à un montant négocié. Les secteurs retenus ont fait l'objet d'un commun accord. Vous pouvez me dire ce que d'autres témoins qui participent à l'élaboration des programmes vous auront déjà dit à ce sujet, mais d'après ce que j'ai entendu au cours de la séance qui a précédé celle-ci, l'argent a d'abord été affecté, et maintenant on demande aux responsables de trouver des façons utiles de le dépenser, alors qu'à mon avis, c'est exactement l'inverse qu'il faudrait faire.
Le sénateur Eggleton : L'argent ne sera affecté que si nous dépassons les 2 milliards de dollars.
M. Stewart-Patterson : Cela veut donc dire que nous demandons aux fonctionnaires de passer beaucoup de temps à planifier des programmes qui ne vont peut-être même pas se réaliser.
M. Boutziouvis : Sénateur, vous-même avez énuméré un certain nombre des projets et programmes auxquels les crédits prévus au projet de loi C-43 seront affectés. Sans vouloir vous contredire, ce projet de loi prévoit que, pour les fins d'autorisation, le gouverneur en conseil pourra recourir à différents mécanismes pour verser les crédits en question, alors qu'on ne fournit aucun détail au sujet du mécanisme qui servira à faire ces versements. Le projet de loi contient très peu de renseignements précis à ce sujet, ce qui laisse entendre, en ce qui nous concerne, qu'il y a lieu de poser un certain nombre de questions.
Le sénateur Eggleton : Mais le projet de loi C-43 ne comporte pas non plus bon nombre de détails que vous cherchez à avoir.
M. Stewart-Patterson : Je dois vous dire, sénateur, que nous n'étions pas non plus en faveur du projet de loi C-43 à 100 p. 100.
M. Boutziouvis : Vous-même avez laissé entendre tout à l'heure que dans bien des cas, les crédits seront affectés à des fonds particuliers. Comme le dit M. Stewart-Patterson, l'article 3 donne essentiellement carte blanche au gouvernement pour déterminer les fins particulières pour lesquelles les crédits pourront être affectés. Quand seront-ils affectés? Ce matin, plusieurs questions ont été posées concernant le calendrier prévu pour l'affectation des fonds au cours des deux prochaines années. Je ne suis toujours pas sûr quand ce sera fait, si je me fonde sur les discussions de ce matin. Je ne sais toujours pas quand les fonds seront affectés.
Le sénateur Eggleton : Pourrais-je vous poser une question au sujet de la saine gestion publique? Vous avez évoqué la notion de chèques en blanc postdatés en disant que vous avez des inquiétudes en matière de responsabilisation. Le contrôleur général a comparu devant nous plus tôt aujourd'hui et a déclaré qu'il s'agit là d'une approche prudente. Il l'a répété à plusieurs reprises. Il nous a dit que cela va au contraire conduire à une plus grande responsabilisation.
Je sais que vous aimeriez avoir plus de renseignements, et qu'en ce qui vous concerne, il s'agit d'un chèque en blanc postdaté, mais si les pratiques antérieures devaient être maintenues, et s'il n'y avait pas eu de projet de loi Bill C-48, à l'automne, si nous constations que l'excédent était plus important — ce qui n'est pas inhabituel — le gouvernement pourrait décider, comme il l'a déjà fait par le passé, quelle proportion de l'excédent sera affectée à la réduction de la dette et quelle proportion sera comptabilisée avant le 31 mars, qu'il s'agisse de financer des fondations ou d'autres véhicules que nous avons connus par le passé. C'est le gouvernement qui a toujours pris la décision pour l'annoncer par la suite.
Je voudrais revenir sur le point soulevé par le sénateur Downe. Le gouvernement nous dit maintenant, pour ces 4,5 milliards de dollars, voilà à quelles activités ou programmes nous comptons affecter les crédits. C'est déjà plus d'information qu'on nous a jamais fournie jusqu'à présent. Elle est peut-être insuffisante, en ce qui vous concerne. Mais s'agissant de saine gestion publique, comme le contrôleur général l'a lui-même affirmé, c'est tout de même une pratique qui contribuera à rehausser la responsabilisation.
Pour ce qui est maintenant de la dette et de la possibilité que ces 3 milliards de dollars ne soient pas affectés à la réduction de la dette, je suis d'accord avec vous pour dire que pour la première fois, cela ne va peut-être pas se faire automatiquement, mais cela pourrait finir par se produire si l'excédent se trouve à être bien supérieur aux 4,5 milliards de dollars, de sorte qu'il reste de l'argent à affecter à la réduction de la dette — ce qui n'est pas inhabituel, d'ailleurs. Cela cadrerait tout à fait avec l'engagement pris par M. Goodale concernant la réduction du rapport dette-PIB à 25 p. 100 d'ici 2015.
Donc, en ce qui concerne le principe de la saine gestion publique, êtes-vous d'accord avec le contrôleur général?
M. Stewart-Patterson : Écoutez, le contrôleur général a probablement tout à fait raison de dire que les contrôles prévus selon les règles qu'applique la fonction publique au nom du gouvernement seront suffisants. À ce sujet, je disais simplement qu'en préapprouvant ces dépenses avec seulement une vague idée des politiques qui les sous-tendent, les sénateurs et les députés renoncent en réalité à un resserrement du contrôle parlementaire et de la responsabilisation vis- à-vis du Parlement. Je ne prétends pas que le gouvernement n'auront pas de comptes à rendre selon la procédure d'approbation normale du Conseil du Trésor, ni du point de vue de l'administration publique. Je laisse entendre tout simplement qu'il n'y aura pas plus de contrôle en ce qui concerne les décisions politiques qui seront prises au sujet de la façon d'utiliser les crédits, des programmes auxquels il convient d'affecter les crédits, de la forme que doivent prendre les dépenses — c'est-à-dire s'il doit s'agir de subventions et de contributions, ou s'il convient de créer une nouvelle fondation ou société d'État. Une fois que ce projet de loi aura été adopté, il appartiendra au Cabinet, et seulement au Cabinet, de prendre cette décision.
Le sénateur Eggleton : Et qu'en est-il donc du rapport annuel sur la planification et les priorités que tous les ministères doivent soumettre à l'examen du Parlement?
M. Stewart-Patterson : Je ne dis pas que du jour au lendemain, le gouvernement n'aura plus du tout de comptes à rendre à qui que ce soit. Je vous dis simplement que ce projet de loi prévoit une autorisation générale au préalable, ce qui donne énormément de pouvoir au Cabinet et, ce faisant, enlève beaucoup de pouvoir décisionnel au Sénat.
Le sénateur Eggleton : Mais le gouvernement aurait cette autorisation générale sans le projet de loi C-48, parce qu'il pourrait tout simplement décider d'agir comme bon lui semble.
M. Stewart-Patterson : Nous avons déjà reçu notre invitation à participer aux consultations prébudgétaires du Comité des finances de la Chambre des communes. Je sais, comme j'ai une certaine expérience de la chose, que des dizaines de groupes dans tout le Canada demandent à participer à l'élaboration du budget. Or notre opinion n'a pas du tout été sollicitée à propos du projet de loi C-48.
Le sénateur Eggleton : Je voudrais vous parler de la compression des dépenses. Vous avez dit que cette question vous inquiète. Mais les responsables du ministère des Finances qui ont comparu devant le comité nous ont dit que le projet de loi C-48 fait passer le niveau des dépenses à 0,1 ou 0,2 p. 100 de plus, par rapport à ce qu'il aurait été autrement, ce qui ne me semble pas très élevé. Cela voudrait dire que les dépenses gouvernementales correspondent à environ 12 p. 100 du PIB. Cela me paraît assez favorable comparativement au niveau des dépenses pendant les années où les Conservateurs étaient au pouvoir, quand ce niveau a atteint 18 p. 100. En tout cas, quand nous avons de nouveau formé le gouvernement, c'était de l'ordre de 16 p. 100. Comment donc peut-on dire qu'il s'agit là de dépenses incontrôlées et imprudentes?
M. Stewart-Patterson : Eh bien, quand les dépenses augmentent de presque 15 p. 100 en une seule année, et lorsqu'elles ont augmenté de plus de 40 p. 100 au cours des cinq dernières années. Je vous parle de la progression des dépenses au cours des cinq dernières années. Je ne pense pas que le montant du chèque de paie de bon nombre des Canadiens ait augmenté aussi rapidement. C'est plutôt le rythme de croissance des dépenses qui nous inquiète, plutôt que le niveau absolu des dépenses.
Pour revenir maintenant sur la question de la politique fiscale, il convient de rappeler que plus le rôle du gouvernement est important, plus son rôle coûte cher au sein de l'économie, et plus on doit s'intéresser à la structure du régime fiscal. Si vous regardez la situation dans les économies d'Europe où les impôts sont plus élevés, vous verrez que leur régime fiscal est davantage axé sur les taxes de consommation que sur l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu des particuliers. Or il n'y a jamais eu de débat à ce sujet au Canada. Depuis les années 1990, il n'y a pas eu de discussion sérieuse au Canada au sujet de notre structure fiscale, ni même en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés.
Enfin, en réponse à ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que la somme de 4,6 milliards de dollars correspond à une fraction des dépenses totales du gouvernement, eh bien, cela me ramène à ce que disait C.D. Howe. Si on parle de 4,6 milliards de dollars ici, et 4,6 milliards de dollars là-bas, quand on additionne tout cela, cela finit par correspondre à des sommes considérables.
Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec vous, mais on ne peut certainement pas prétendre qu'il s'agit de dépenses incontrôlées ou imprudentes. Je suis d'accord avec vous pour dire que ce sont des sommes considérables.
M. Stewart-Patterson : Et comment définissez-vous le terme « incontrôlées »? Quinze pour cent en un an n'est pas suffisant?
Le sénateur Eggleton : Les dépenses à l'époque des Conservateurs étaient certainement incontrôlées. Elles représentaient une proportion beaucoup plus importante du PIB que ce n'est le cas actuellement.
M. Boutziouvis : Il y a eu d'autres augmentations des dépenses depuis le budget de 2005. Il faut tenir compte de toutes les augmentations. Il y a l'accord entre le gouvernement fédéral et l'Ontario, qui fait ajouter environ 700 millions de dollars au total, de même que toutes sortes d'autres mesures qui ont été ajoutées depuis le budget de février. Tout cela fait partie du projet de loi C-43. On parle donc d'une augmentation des dépenses d'au moins 3,5 p. 100 pour l'exercice financier en cours, en plus de l'augmentation qui était déjà prévue au budget de 2005.
M. Stewart-Patterson : C'est pour cela qu'il y a tant de confusion. Certains prétendent que, depuis le dépôt du budget, le gouvernement a annoncé des dépenses de plus de 20 milliards de dollars. Le ministre dit que non, qu'il s'agit en réalité de seulement 9 milliards, parce que certaines dépenses ont été comptées deux fois et trois fois. Eh bien, tout cela contribue à embrouiller la situation, au lieu de l'élucider, et c'est justement ça que nous essayons de vous dire.
Le sénateur Murray : Je suis content de vous voir. J'aimerais discuter avec vous de quelques questions générales qui découlent de notre discussion ici et du document que vous nous avez remis. Premièrement, je ne peux m'empêcher de dire que bon nombre des réactions à l'observation de Tim O'Neill selon laquelle il ne convient pas d'être doctrinaire en ce qui concerne le financement déficitaire relèvent de l'hystérie, à mon avis. Bien sûr, je comprends ce que vous dites et je reconnais qu'il ne faut pas agir avec insouciance ou complaisance, vu les déficits que nous avons connus par le passé. Mais il arrivera peut-être un jour que le gouvernement devra opter pour le financement déficitaire pour certaines raisons, et dans certaines circonstances, parce que c'est dans l'intérêt national de le faire. J'estime donc que lorsque les circonstances le justifient, il ne faut pas chercher à éviter cela à tout prix par pure dogmatisme.
Il faut surtout éviter de faire ce qui a donné lieu à cette réaction hystérique : prendre l'habitude d'enregistrer des déficits de plus en plus importants, année après année, que les conditions soient bonnes ou mauvaises, comme ce fut le cas pendant presque toutes les années 1970, et pas seulement à l'époque où les Conservateurs étaient au pouvoir. Pendant un grand nombre d'années, le gouvernement fédéral pratiquait le financement déficitaire de ses opérations. Au moins nous, nous avons réussi à redresser la situation sur ce plan-là quand nous étions au pouvoir. Presque chaque année, nous enregistrions un excédent sur les dépenses opérationnelles. C'est évidemment les intérêts sur la dette qui ont créé un déficit faramineux.
Voilà qui m'amène à un autre point que je voulais soulever. J'espère que nous avons tiré les bons enseignements des expériences des années 1960 et 1970 et que nous savons à présent que prendre des engagements financiers à long terme en se basant sur des projections de la croissance économique et des ressources gouvernementales qui se révèlent moins favorables avec le temps peut être tout à fait catastrophique, notamment dans un pays comme le Canada, dont l'économie est tellement exposée et vulnérable. Nous nous leurrons si nous croyons qu'il n'y aura plus jamais de récession au Canada. J'espère qu'il n'y en aura plus, mais il est fort probable qu'il y en ait. J'aimerais donc vous demander si vous croyez que la réserve pour éventualités et les autres réserves, constituent une protection suffisante contre une éventuelle récession.
J'ai demandé aux fonctionnaires du ministère des Finances ce matin de nous parler des scénarios qu'ils utilisent dans leur analyse pour déterminer l'effet sur l'économie et sur la situation financière du gouvernement fédéral de différents prix du pétrole. J'espère que nous aurons l'occasion de les examiner.
Je suis d'accord avec la réponse que vous avez faite au sénateur Downe concernant le fait que le projet de loi C-48 exclut d'office un débat sur les différentes possibilités à explorer pour l'utilisation des excédents, au lieu de l'ouvrir. Mais s'agissant de ce débat, que pensez-vous de cette formule arbitraire consistant à prévoir un tiers, un tiers, et un tiers? Vous vous souviendrez à ce sujet qu'un tiers de tout excédent doit être affecté à la réduction de la dette, un tiers à la réduction des impôts, et un tiers aux nouvelles initiatives.
Si nous avons de l'argent à notre disposition, nous ne pouvons ignorer le fait que nous avons encore beaucoup de rattrapage à faire au Canada, en raison des importantes réductions des années 1990. Dans un de vos documents, vous dites qu'il y a vraiment lieu de s'inquiéter de l'état actuel de notre infrastructure. Une partie de cette infrastructure est directement liée à des questions comme le commerce, le réseau des communications et les échanges avec notre plus grand client. D'autres concernent la facilité avec laquelle on peut vivre dans nos grandes villes, sans parler du fait qu'il faut faire des dépenses dans le domaine de la défense et de la sécurité, car là aussi il y a beaucoup de rattrapage à faire. Laissant de côté pour l'instant le système de soins de santé, ce secteur-là en est un où nous sommes maintenant confrontés à de graves difficultés. Donc, dans tous ces domaines, il y a beaucoup de rattrapage à faire, et vous pourriez sans doute en nommer d'autres; disons que je suis plus favorable à l'idée d'investir dans l'infrastructure que de consacrer obligatoirement un tiers ou une autre proportion des sommes disponibles à des réductions d'impôt qui vont bénéficier à vos membres.
M. Stewart-Patterson : Les réductions d'impôt bénéficient aux particuliers, si je ne m'abuse.
Le président : Le sénateur Murray vous a posé trois questions distinctes, et je vous invite à répondre à chacune, tour à tour.
M. Stewart-Patterson : Premièrement, pour ce qui est de savoir jusqu'où il faut aller pour essayer d'éviter d'enregistrer un déficit, j'estime que le chiffre qu'on choisira sera toujours arbitraire. Il s'agit plutôt de savoir comment nous allons gérer ce risque et dans quelle mesure ce risque nous semble sérieux. Quel que soit le chiffre qu'on choisit, on ne pourra parler que de la probabilité d'éviter un déficit, et non pas de la certitude de l'éviter. La démarche générale du ministre des Finances jusqu'à présent a été de faire preuve d'une prudence suffisante pour éviter la possibilité d'un déficit si le Canada connaît une récession qu'on pourrait qualifier de légère ou normale, tout en reconnaissant que si nous connaissons le genre de grave récession comme celle qui nous a touchés en 1981-1982, nous risquerions d'enregistrer un déficit; et ce risque est acceptable.
Donc, c'est une décision arbitraire, mais si nous avons à choisir un penchant, il est préférable d'être plus prudents, et non pas moins. Nous avons toujours dit que nous acceptons volontiers la notion d'une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars, plus la marge de prudence, qui tend à être moins importante pendant l'exercice en cours mais progresse avec le temps, de même que l'incertitude, si bien que la marge de prudence au cours des exercices ultérieures est plus importante.
Je suis d'accord avec vous, sénateur, pour dire que l'on ne peut se fier à des projections établies sur cinq ans. Des ministres des Finances conservateurs ont été confrontés à cette réalité-là, et le fait est que les projections ne correspondent jamais à la réalité. En ce qui concerne les observations de M. O'Neill, comme il l'a dit, ce n'est pas un déficit qui va entraîner la ruine du Canada. Le problème, c'est que les déficits sont un peu comme les chips : un ne suffit jamais. Telle a été notre expérience par le passé, et c'est pour cette raison que la réaction du public, des élus et du milieu des affaires a été si vive.
Le sénateur Murray : C'est le cas depuis les années 1970; mais il n'en a pas toujours été ainsi.
M. Stewart-Patterson : De plus, il faut également tenir compte des répondants à qui s'adresse le sondeur et sur quoi se fondent les réactions des Canadiens. Il a fallu longtemps pour dégager un consensus dans les années 90 concernant la nécessité de s'attaquer au déficit. Il a fallu que notre situation déficitaire s'aggrave beaucoup avant que les gens se rallient autour de cette idée, ce qui veut dire que cette conviction était profondément enracinée. Les Canadiens acceptent la notion selon laquelle il est préférable d'être prudent que de prendre plus de risques.
Nous ne sommes pas vraiment partisans des formules arbitraires qui ont été établies pour l'utilisation de l'excédent, mais quand c'était 50-50, au moins on avait la certitude que l'action du gouvernement en matière économique serait équilibrée. Vous parlez du fait qu'il y a du rattrapage à faire, et le fait est que pour faire reculer le déficit, nous avons dû prendre des mesures draconiennes dans beaucoup de secteurs de dépense. Nous avons également été obligés d'augmenter les impôts, et ce n'est que maintenant, dans certains cas, que ces impôts commencent à diminuer.
Mais le point le plus critique est celui de savoir ce qu'on fait de cet argent. Les gouvernements prennent des mesures qui influent sur la capacité d'accélérer la croissance économique et donc d'élargir l'assiette fiscale. C'est certainement le cas de mesures qui touchent l'infrastructure économique, étant donné que l'état des routes, des aéroports et des systèmes de transport en commun dans les villes affecte la capacité de cette ville d'attirer des investisseurs et de s'assurer que les gens ont envie de vivre et de travailler dans ces collectivités. L'éducation est un autre secteur qui influe nettement sur l'économie.
Les gouvernements redistribuent les revenus afin d'améliorer la vie des Canadiens en ce moment, mais cela ne contribue pas tellement à générer plus de revenus ni plus de recettes pour les gouvernements futurs. C'est un continuum. Beaucoup de mesures gouvernementales bénéficient aux Canadiens maintenant et ont une incidence sur la croissance économique.
Nous avons toujours estimé que les politiques gouvernementales doivent permettre d'atteindre un équilibre entre ce qui est fait pour répondre aux besoins des Canadiens à l'heure actuelle et ce qui doit être fait pour améliorer la vie des Canadiens au fil des années, en faisant progresser l'économie. La formule de 50-50 est arbitraire; de même, la formule des trois tiers l'est aussi, mais au moins elles ont l'avantage de s'appuyer sur le principe de l'équilibre.
Selon nous, et cela rejoint ce que disait le sénateur Eggleton, cet équilibre n'est plus. Nous sommes trop enclins maintenant à dire : « Nous avons plein d'argent, alors dépensons-le », et pas assez enclins à suivre une bonne politique économique et à nous demander ce qu'il faut pour renforcer l'économie et élargir l'assiette fiscale de sorte que les gouvernements pourront au fil des ans continuer à répondre à différents besoins tels que les soins de santé qui, comme nous le savons déjà, vont coûter de plus en plus cher, et non l'inverse.
Le sénateur Trenholme Counsell : Il est clair d'après vos observations érudites que vous êtes contre toute cette démarche. Je comprends les critiques que vous formulez au sujet de cette démarche. Mais si on peut laisser de côté la démarche pour parler des choix qui ont été faits, et des valeurs qui sous-tendent ces quatre choix, peut-être aimeriez- vous vous prononcer sur l'opportunité de ces choix pour renforcer la capacité au Canada — c'est-à-dire le choix de l'éducation, du logement, de l'environnement et, bien entendu, de l'aide étrangère? Selon vous, y a-t-il un rapport entre le renforcement des capacités et les trois secteurs que je viens de mentionner?
M. Stewart-Patterson : Je suis d'accord. Comme je l'ai déjà dit, nous ne sommes pas opposés à l'idée que le gouvernement mène des activités dans ces différents secteurs, car il s'agit de secteurs où les gouvernements ont justement un rôle légitime et constructif à jouer. La question est plutôt de savoir quelle sera la nature de leurs activités, et quelle valeur elles auront du point de la progression future de notre économie, ou encore quelle valeur elles auront du point de vue des avantages qu'elles procureront directement à la population canadienne actuelle?
S'agissant d'aide étrangère, par exemple, j'ai indiqué qu'il y a plus d'une façon d'aider les habitants des pays les moins développés du monde. L'aide public au développement n'est pas la seule façon, et peut ne pas être la façon la plus efficace de leur venir en aide.
En ce qui concerne la politique environnementale, il ne fait aucun doute que la qualité de vie dans les collectivités du Canada est un facteur important pour attirer les gens, et que c'est grâce aux gens qu'on peut attirer des investissements. À mesure que notre économie s'appuie de plus en plus sur le savoir, les gens ont plus de liberté pour choisir où ils veulent vivre et travailler, et les emplois se créeront là où les personnes ayant les bonnes compétences sont disponibles pour faire le travail qu'il y a à faire.
Les activités dans le secteur environnemental peuvent être importantes du point de vue de notre qualité de vie. De quel genre d'activités s'agit-il? Les réseaux de transport en commun ont un impact dans les grands centres, mais même là il y a d'autres options qu'on peut examiner. De qui relève cette responsabilité? Comment l'argent sera-t-il utilisé? S'agit-il d'une activité fédérale? Quelles sont les meilleures mesures que le gouvernement fédéral peut prendre directement, ou encore les crédits devraient-ils être transférés à d'autres paliers de gouvernement, et si oui, dans quelles conditions, en vue d'atteindre quels résultats, et quelles restrictions sont appropriées? Voilà des questions auxquelles je n'ai pas encore de réponses, et c'est ça que je trouve inquiétant.
L'éducation est un domaine où nous savons que les résultats sont positifs. Nous savons que le fait d'améliorer la formation au travail et l'éducation des enfants, de la petite enfance jusqu'au niveau postsecondaire, a une incidence positive sur les gens, et une incidence positive sur la compétitivité du Canada et sur sa croissance économique. Mais chaque dollar que nous consacrons à l'éducation n'a pas nécessairement le même impact. Que faisons-nous au juste, et comment nos activités se comparent-elles à d'autres initiatives que nous pourrions prendre dans le domaine de l'éducation, et avons-nous cherché à déterminer ce que donne l'investissement d'un dollar de plus dans le secteur de l'éducation, par opposition au système de soins? C'est le vague du projet de loi qui pause problème.
Nous savons fort bien qu'il y a des mesures positives à prendre dans ces quatre domaines, mais que nous dit le gouvernement dans ce projet de loi au sujet des résultats qu'il va obtenir grâce à l'investissement de ces crédits, et comment ferons-nous pour l'obliger à nous rendre des comptes?
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous avons déjà appris beaucoup de choses au sujet de questions comme l'importance des possibilités d'instruction pour les enfants venant de familles à faible revenu et du logement en général. Énormément d'études ont déjà été menées dans ce domaine. Par conséquent, les gens nous disent maintenant : « Ne faites plus d'analyses ou d'études. Attaquez-vous directement au problème. » Le gouvernement sera néanmoins très heureux de connaître vos vues sur la façon de dépenser cet argent dans ces quatre secteurs différents. Le gouvernement est toujours désireux de connaître les vues de la population. S'il a retenu ces quatre secteurs, c'est parce qu'il estime qu'ils correspondent à des valeurs canadiennes. Mais la porte n'est pas fermée à ceux et celles qui ont des commentaires intéressants et valables à nous faire.
Croyez-vous que vous n'aurez pas l'occasion de vous prononcer sur la façon dont cet argent devrait être utilisé?
M. Stewart-Patterson : Eh bien, d'après la structure du projet de loi, il est clair que les commentaires seront sollicités à la fin du processus, plutôt qu'au début. Mais nous, et n'importe qui d'autre, auront évidemment la possibilité de faire part de nos vues sur la meilleure utilisation des crédits disponibles dans chacun de ces secteurs.
Ce qui est automatiquement exclu, c'est un débat sur la proportion des nouvelles dépenses, et sur les dépenses additionnelles à engager dans chacun de ces secteurs, par opposition à d'autres possibilités. D'une part, le fait d'affecter autant d'argent à des secteurs désignés d'avance nous empêche d'office de parler d'autres possibilités du côté du régime fiscal ou dans d'autres secteurs de dépense zéro. Or, comme nous l'indiquons clairement dans notre document Canada Premier!>, créer une économie plus forte ne passe pas uniquement par la réglementation intelligente et un bon régime d'impôt sur les sociétés. Le contexte commercial repose sur autre chose que simplement les facteurs concrets qui influent sur les décisions en matière d'investissement.
Voilà pourquoi nous avons abordé toute une gamme de questions, y compris la façon dont les deniers publics sont utilisés, la gestion publique, la gestion des sociétés, et des questions importantes comme les politiques en matière d'éducation, de formation et d'immigration. Notre société multiculturelle, avec une proportion élevée d'immigrants, constitue potentiellement un de nos plus grands atouts alors que nous ne faisons pas assez pour la développer. Encore une fois, on pourrait arguer que certaines des mesures qui s'imposent pour améliorer la capacité des immigrants de s'intégrer dans l'économie canadienne sont sous la rubrique de l'éducation.
Le sénateur Trenholme Counsell : Et celle des compétences professionnelles.
M. Stewart-Patterson : Quelles options seront examinées?
M. Boutziouvis : Je n'ai rien contre les quatre secteurs de dépense qui ont été retenus, mais il y a une question importante à soulever à cet égard, parce qu'il en est question dans les documents du ministre des Finances. Après deux ans, le financement prévu prend fin, alors qu'il s'agit de quatre secteurs de dépense jugés prioritaires par les parties concernées, qui ont pris l'engagement de faire ces dépenses. Les fonds seront affectés à différents services gouvernementaux, et peut-être même aux localités elles-mêmes, mais qu'arrivera-t-il quand il n'y aura plus d'argent? Voilà le problème que pose ce projet de loi.
À notre bureau, nous avons discuté par le passé, en ce qui concerne l'excédent, par exemple, de la possibilité d'appliquer des réductions d'impôt ponctuelles. À notre avis, ce ne serait pas une bonne idée, parce que les réductions d'impôt ne sont pas garanties. Par conséquent, un entrepreneur, une entreprise ou une institution canadienne n'a pas la certitude que les réductions d'impôt continueront de s'appliquer. Quand ce projet de loi aura été adopté, quelle garantie les institutions, les différents paliers de gouvernement et les responsables des fonds concernés ont-ils que lorsque ces crédits auront été épuisés, dans deux ans ou dans cinq ans, ils continueront de recevoir de l'argent? Vu le débat qui s'est tenu ce matin, je ne suis pas sûr de savoir combien d'argent va être affecté sur quelle période, mais à un moment donné, les 4,5 milliards de dollars auront été dépensés.
Le président : Ils ne vont peut-être pas en recevoir du tout.
Le sénateur Harb : Je dois avouer que j'ai beaucoup aimé l'énoncé intitulé Canada Premier! que vous avez rendu public le 28 juin 2005. C'est un document qui est très bien rédigé et audacieux; les arguments sont parfaitement justes.
Vous dites à un moment donné que le Canada affiche maintenant le troisième plus haut taux effectif marginal d'imposition à l'égard de l'investissement des entreprises du monde industrialisé. Ensuite, au troisième paragraphe de la page 10, aux deux dernières lignes avant le troisième paragraphe, nous voyons le titre « Premier au chapitre de la fiscalité et de la réglementation ». Et j'ai aussi lu ce que vous dites à la page 14, où il est question de l'environnement très peu favorable, au Canada, aux investissements étrangers directs. En fait, vous comparez le Canada à d'autres membres de l'OCDE, et vous dites qu'à l'exception de l'Islande, le Canada est le pays le plus restrictif en ce qui concerne l'investissement étranger direct.
Ma question est donc la suivante : Cette réalité-là est-elle liée, à votre avis, au fait que notre taux effectif marginal d'imposition à l'égard des investissements commerciaux est le troisième plus élevé du monde? Est-ce la raison pour laquelle les gens nous fuient ou est-ce plutôt une combinaison de facteurs, c'est-à-dire un régime de réglementation qui limite les investissements ainsi que des taux d'imposition extrêmement élevés, et un manque de ressources humaines aptes à ajouter de la valeur à ce que nous produisons? Le Canada s'en tire très bien dans le domaine de l'enseignement postsecondaire. Je pense que nous sommes au premier rang des pays de l'OCDE en ce qui concerne le nombre de personnes qui ont fait des études postsecondaires, mais nous sommes au dernier rang en raison du nombre de personnes se trouvant au bas de l'échelle de production, c'est-à-dire que nous manquons de travailleurs ayant une bonne formation et de bonnes compétences techniques. Donc, j'ai du mal à voir lequel de ces trois facteurs peut être le plus en cause, et je me dis qu'il y a donc des raisons pour lesquelles la situation n'est pas optimale.
M. Stewart-Patterson : Vous avez raison de dire que c'est une combinaison de facteurs. Au cours des prochains mois, nous comptons justement parler à nos membres de leur expérience sur la première ligne. Nous voulons savoir comment ils évaluent la situation au Canada à l'heure actuelle, qu'ils aient à obtenir qu'une grande multinationale basée ailleurs investisse ici, ou qu'ils soient dirigeants d'une grande multinationale basée au Canada. Nous voulons savoir quels facteurs sont importants pour aider le Canada à attirer des investissements et à créer des emplois, et ce qui nous fait du tort.
Vous avez raison en ce qui concerne le taux d'imposition. Nous sommes convaincus que le taux d'imposition est un facteur important dans la décision d'investir, mais nous savons également que ce n'est pas le seul facteur. Les gens voudront toujours savoir quel taux de rendement ils sont susceptibles d'obtenir. Les impôts font diminuer le rendement au niveau de la marge et des bénéfices après impôt, mais si l'on arrive à générer suffisamment de bénéfices avant impôt, on peut contrebalancer l'effet des impôts. Mais quels autres facteurs influencent les résultats? La qualité de la population active, car nous savons que les ressources humaines sont importantes, à la fois pour leurs connaissances et pour leurs compétences. La qualité de la population active est importante. À bien des égards, c'est un avantage concurrentiel, mais réussirons-nous à le garder? Si vous regardez le nombre de scientifiques et d'ingénieurs que nous produisons au Canada, comparativement à la Chine et à l'Inde, vous comprendrez que même les États-Unis sont dépassés sur ce plan-là. Alors, cela nous laisse où?
Le régime de réglementation peut être à la fois un avantage et un inconvénient. Un bon régime de réglementation peut constituer un avantage concurrentiel. Des normes élevées peuvent aussi constituer un avantage concurrentiel si elles permettent de rehausser votre réputation et de dire que le Canada est un chef de file dans tel domaine, que ce soit les technologies environnementales ou les technologies énergétiques. Par contre, si le processus réglementaire est fragmenté, coûteux et imprévisibles — et à notre avis, c'est trop souvent le cas au Canada, comme en témoigne l'initiative relative à la réglementation intelligente lancée par le gouvernement — cela doit nécessairement nous nuire quelque part.
Vous avez aussi parlé d'investissement étranger. Encore une fois, il y a une différence entre le fait d'avoir l'environnement le plus restrictif ou encore le moins favorable. C'est un peu nuancé. Pour moi, la comparaison des pays de l'OCDE indique que le Canada applique plus de restrictions que tous les autres pays de l'OCDE à l'exception de l'Islande, ce qui nous place derrière la Turquie. Et si c'est le cas, c'est parce que nous avons un grand nombre de secteurs où, pour une raison historique, nous avons toujours voulu nous assurer que le contrôle de ces secteurs restait entre des mains canadiennes. Que ce soit les transports ou les industries culturelles, nous préférons appliquer des restrictions réglementaires pour que le contrôle reste entre des mains canadiennes. Serait-il avantageux pour la population canadienne que ces restrictions soient réduites? Quel serait l'effet d'une telle réduction? Voilà des questions que nous devons examiner. Cela ne veut pas forcément dire que c'est négatif pour les Canadiens.
L'expérience d'un certain nombre d'autres pays a amené ces derniers à conclure qu'il est préférable d'avoir moins de restrictions, plutôt que plus de restrictions. Il nous incombe donc d'examiner nos règles et les restrictions qui sont actuellement en vigueur. Ces dernières continuent-elles de constituer un avantage net pour les Canadiens ou non? Quels changements pourraient éventuellement être plus avantageux? Voilà des questions que nous nous sommes posées nous- mêmes en prévision du lancement de cette initiative Canada Premier! Ce sont des éléments que nous comptons examiner et peut-être pourrons-nous parler par la suite des conclusions que nous aurons tirées.
M. Boutziouvis : Je voudrais soulever un point un peu ésotérique. M. Stewart-Patterson est le co-auteur d'un livre dont tout un chapitre est consacré à une discussion de ce qu'il faut faire pour promouvoir l'image de marque du Canada. Nous devons justement promouvoir le Canada comme étant une société ouverte et tolérante, et c'est ce que nous faisons déjà, mais il convient aussi de parler d'investissement. Annoncer des réductions d'impôt en février, les éliminer en mars, et les rétablir en avril ne correspond pas, à mon avis, à la bonne ligne de conduite si l'on veut promouvoir l'image de marque du Canada et faire comprendre aux entreprises que nous allons les accueillir à bras ouverts et que nous voulons qu'elles viennent investir chez nous. Je suis désolé, mais ce n'est pas ainsi qu'on réussira à rehausser l'image de marque du Canada.
L'exemple de l'Irlande nous a appris qu'une stratégie de marchés ouverts appliquée depuis 20 ou 30 ans et la répétition constante du fait que l'Irlande présente un milieu favorable aux affaires expliquent certainement en partie le succès retentissant qu'a connu ce pays, ainsi que d'autres pays, y compris les Pays-Bas et la Suède. En fait, la liste est assez longue. Voilà pourquoi Canada Premier! est si fantastique.
Le sénateur Harb : Je crois savoir que vous avez certaines préoccupations au sujet du projet de loi. Vous êtes des cadres compétents, et je vous propose donc de saisir l'occasion d'aller voir le gouvernement et de lui faire une proposition sérieuse. Vous pourriez lui dire : « Écoutez, nous souhaitons que vous investissiez une partie des crédits prévus pour l'éducation dans un fonds de dotation ayant pour objet d'aider les gens à acquérir les compétences requises pour travailler comme électriciens, mécaniciens, plombiers, et cetera. » À mon avis, c'est là que nos concurrents à l'étranger ont une bonne longueur d'avance sur nous. Nous produisons beaucoup de scientifiques. Nous avons aussi beaucoup d'ingénieurs — le sénateur Day en est un. Mais il nous faut plus de travailleurs techniques hautement qualifiés.
Est-ce quelque chose que votre conseil envisage de faire? Comptez-vous vous adresser au gouvernement pour lui dire : « Écoutez, vous devez investir dans le secteur de l'éducation, et voilà à quoi vous devriez, selon nous, consacrer cet argent »?
M. Stewart-Patterson : Il est possible que nous soumettions une proposition. Je vous fais remarquer, cependant, que le secteur privé est déjà actif dans certains de ces domaines. Un ex-président du conseil était directeur de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, qui menait des activités de ce genre. De plus, le secteur privé a aussi pris un certain nombre d'initiatives dans d'autres domaines, tels que les programmes d'apprentissage.
Le programme intitulé Careers Next Generation a été lancé dans l'industrie du pétrole et a fini par faire partie intégrante du programme d'études de la province. Ce programme a été couronné de succès dans une région du Canada qui a grandement besoin de travailleurs qualifiés dans les métiers spécialisés. Il a permis à un plus grand nombre d'étudiants sortant des écoles secondaires d'accéder à une carrière dans ce domaine en Alberta, et c'est un modèle qui intéresse d'autres administrations. Pour revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure, c'est un programme très pertinent par rapport à d'autres points qui ont été soulevés à ce sujet.
Il n'y a pas qu'une seule façon de relever les défis auxquels nous sommes confrontés comme pays. Comme M. Boutziouvis vient de le dire, l'Irlande s'est engagée à créer des marchés ouverts et à garantir une bonne collaboration entre les entreprises et les travailleurs. Elle a investi dans les systèmes d'éducation et l'infrastructure et, bien sûr, elle avait les taux d'imposition les plus intéressants de toute l'Europe. Mais les Irlandais viennent de terminer une étude en profondeur de leur situation concurrentielle, et ils sont inquiets. Si eux sont inquiets, où est-ce que cela nous laisse, nous?
Le président : Nous venons d'entendre les derniers témoins que le comité recevra au sujet du projet de loi C-48. Au nom du comité, je voudrais vous remercier de votre présence et d'avoir autant stimulé la réflexion au sein du comité. Il est clair d'après la réaction des membres à bon nombre de vos arguments que vous leur avez justement donné matière à réflexion. Vous avez donné de bonnes idées au comité.
Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk voudrait proposer une motion.
Le sénateur Tkachuk : À 8 h 30 ce matin, lors d'un moment de civilité, nous avons convenu de permettre aux membres de l'opposition d'annexer des observations au rapport qui sera déposé au Sénat après l'étude article par article du projet de loi. Par conséquent, je propose :
Que les observations des sénateurs conservateurs soient remises au président du comité au plus tard le vendredi 15 juillet à midi, en vue de les annexer au rapport que déposera le président lorsqu'il fera rapport au Sénat du projet de loi C-48.
Je croyais qu'on avait convenu de faire cela.
Des voix : Non, non.
Le sénateur Tkachuk : Ah, bon. Comme c'est intéressant.
Le sénateur Day : Il a été dit simplement que ce serait une éventuelle méthode novatrice à envisager. Peut-être n'avez-vous pas entendu ces observations-là.
Le sénateur Harb : J'ai parlé de cette possibilité tout simplement parce que cela se fait souvent à la Chambre des communes. En fait, quand j'étais président de comité, à plusieurs reprises, nous avons déposé un rapport à la Chambre des communes qui avait l'appui unanime des membres, mais auquel étaient annexées les observations de certains membres ou de certains partis. Mais cela n'enlève absolument rien au rapport qui est déposé au Parlement.
Dans ce cas-ci, à condition qu'on fasse rapport du projet de loi non modifié au Sénat, on peut annexer des observations au rapport ou encore mon collègue pourrait faire connaître ses observations lors du débat en troisième lecture au Sénat. En ce qui me concerne, cela n'enlève rien à notre travail. Cela n'occasionne non plus aucun retard. Ce n'est pas une question qui doit faire l'objet d'un vote; c'est une simple observation. Comme nos collègues ont été si coopératifs ce matin, je me disais qu'on pourrait peut-être leur donner cette possibilité. Les sénateurs ont été très positifs.
Le sénateur Day : J'ai indiqué pendant le débat que nous voulons procéder à l'étude article par article du projet de loi, comme prévu. Pour moi, ce genre d'observations doit être fait à l'étape de la troisième lecture, et mes collègues auront la possibilité de le faire à ce moment-là. S'ils ont un document à déposer, il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas le faire. Cependant, il faudra que cela se fasse par suite d'un vote tenu au comité, et non seulement nous n'avons pas vu ce document, mais nous ne l'aurons pas avant deux jours. Par conséquent, nous pourrions donner au président la consigne de faire rapport du projet de loi sans amendement, comme nous pourrons le faire, je l'espère.
Le sénateur Harb : Rien ne peut nous empêcher de faire rapport du projet de loi sans amendement.
Le sénateur Day : Si nous acceptons de faire rapport du projet de loi sans amendement après l'étude article par article, quelle est la prochaine étape?
Le sénateur Harb : Je pense que les observations de tous les membres du comité pourraient être annexées au rapport.
Le sénateur Day : Cela doit se faire à l'étape de la troisième lecture.
Le président : Certains comités sénatoriaux font cela de temps à autre. Je sais que cela a été fait par plusieurs comités auxquels j'ai siégé.
Le sénateur Harb : Le greffier du comité peut peut-être nous conseiller à ce sujet?
Le sénateur Day : Si nous optons pour cette solution-là, nous ne pourrons conclure notre étude aujourd'hui. Il faudra revenir.
Le sénateur Harb : Si, nous pouvons conclure notre étude aujourd'hui. On fera rapport du projet de loi sans amendement, ou non. Nous allons conclure tout ce processus et les observations seront ensuite remises au président. Quand le président fera son rapport, il le fera sans amendement, et nous aurons fini. En même temps, il indiquera qu'il a reçu les observations de certains de nos collègues, qui pourront alors les lire pour les fins du compte rendu.
Cela n'a rien à voir avec le projet de loi. Peut-être le greffier pourra-t-il éclairer notre lanterne à ce sujet.
Le sénateur Banks : Si je me fonde sur mon expérience limitée, nous n'avons jamais jusqu'à présent annexé des rapports minoritaires ou des observations à nos rapports. Ou alors le comité présente des observations, ou alors il ne le fait pas. La situation que décrit le sénateur Harb s'applique moins au Sénat.
Sénateur Harb, avez-vous dit qu'à la Chambre des communes, les observations des membres de l'opposition sont annexées au rapport lorsque le projet de loi a l'appui unanime du comité?
Le sénateur Harb : Disons que ce serait ma préférence. Si notre rapport n'est pas unanime, cela va peut-être susciter certaines questions. Je voudrais que l'inclusion en annexe des observations en question soit conditionnelle au dépôt d'un rapport unanime. L'un n'empêche pas l'autre.
Peut-être le greffier pourra-t-il éclairer notre lanterne à ce sujet.
Le président : Il n'est pas normal de demander au greffier de conseiller officiellement les comités. Pour moi, ce serait tout à fait nouveau.
Le sénateur Eggleton : Je voudrais que le sénateur Tkachuk nous explique un peu plus ce dont il retourne. Il me semble que nous parlons surtout d'observations individuelles, alors que le sénateur Harb parle du fait que le projet de loi devra faire l'objet d'un appui unanime. Mais cela me surprendrait, vu le débat sur le projet de loi qu'il y a eu à l'étape de la deuxième lecture. Le sénateur pourrait-il nous donner d'autres éclaircissements à ce sujet? Est-ce l'intention des sénateurs conservateurs d'appuyer le projet de loi s'ils ont la possibilité d'annexer leurs observations au rapport?
Au départ, je pensais qu'il parlait d'un rapport minoritaire, mais on dirait qu'il s'agit maintenant d'observations individuelles. Si tel est le cas, pourquoi ne pas faire ces observations à l'étape de la troisième lecture? À quoi servent des observations individuelles après l'adoption du projet de loi? Les sénateurs auront la possibilité de nous faire part de leurs observations individuelles à l'étape de la troisième lecture.
J'aimerais donc obtenir des éclaircissements à ce sujet.
Le sénateur Stratton : Il ne s'agirait pas d'observations individuelles; il s'agirait des observations de l'opposition officielle, qui seraient ensuite annexées au rapport.
Le sénateur Eggleton : Pourquoi cela ne pourrait-il pas se faire à l'étape de la troisième lecture?
Le sénateur Stratton : Nous avons fait la demande, et nous demandons d'être autorisés à le faire.
Le sénateur Eggleton : Avez-vous l'intention de voter en faveur du projet de loi à l'étape de l'étude article par article?
Le sénateur Stratton : Non, nous ne pouvons faire cela.
Le sénateur Eggleton : Donc, il s'agit d'un rapport minoritaire.
Le sénateur Stratton : Nous ne l'appelons pas ainsi.
Le sénateur Day : Nous n'avons pas l'habitude de faire cela ici.
Le sénateur Tkachuk : Pour en revenir à ma motion, je n'ai pas parlé de rapport minoritaire; j'ai parlé d'« observations ».
Le président : Voulez-vous relire votre motion, sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : Je propose :
Que les observations des sénateurs conservateurs soient remises au président du comité au plus tard le vendredi 15 juillet à midi, en vue de les annexer au rapport que déposera le président lorsqu'il fera rapport au Sénat du projet de loi C-48.
Je crois savoir que l'on fera rapport du projet de loi à la prochaine séance du Sénat.
Le président : Le greffier vient de me passer un document relatif aux Règlements du Sénat. On dit ici que des observations peuvent être annexées à un rapport sur un projet de loi. Ces observations doivent émaner d'un seul groupe de sénateurs. Le comité doit convenir d'annexer les observations en question. Voilà les trois principes énoncés par le sénateur Harb au début.
Le sénateur Harb : Disons qu'il s'agit de faire savoir publiquement que certains ont exprimé certaines opinions sur la question.
Le sénateur Eggleton : Mais cela peut se faire à l'étape de la troisième lecture. Cela a été fait à l'étape de la deuxième lecture.
Le sénateur Harb : Oui, bien sûr. Les gens ont toujours eu raison de vouloir faire certaines choses. Peut-être veulent- ils simplement déclarer publiquement leurs vues sur la question.
Le sénateur Eggleton : Je voudrais m'assurer de comprendre ces raisons, et me convaincre qu'ils n'ont pas des intentions cachées.
Le sénateur Harb : De mauvaises intentions? Non, aucune.
Le sénateur Cowan : Et est-ce qu'on dirait clairement que ce sont les observations des membres de l'opposition?
Le sénateur Tkachuk : Oui, les observations des sénateurs conservateurs.
Le sénateur Cowan : Et qui ne seraient pas censées correspondre aux vues des autres membres du comité?
Le sénateur Tkachuk : Non.
Le président : Le sénateur Al Graham me faisait le coup systématiquement lorsque j'étais président du Comité des transports.
Le sénateur Banks : Pourriez-vous demander au greffier de nous réexpliquer ce règlement, et de nous dire où cela se trouve dans le Règlement du Sénat? On m'a dit que ce règlement n'existe pas.
Le sénateur Day : Je suis là depuis quatre ans. On m'a toujours donné à entendre que les observations à annexer doivent être acceptées par le comité dans son ensemble, de telle sorte qu'elles deviennent les observations du comité. Mais vous nous dites que vous souhaitez faire annexer des observations au rapport pour indiquer les raisons pour lesquelles vous n'appuyez pas le projet de loi, je suppose?
Le sénateur Tkachuk : C'est exact. Nous aimerions que nos observations soient annexées au rapport. Nous estimons que c'est une question suffisamment importante pour que cela soit fait.
Le sénateur Day : Nous devons nous assurer que le Règlement l'autorise. S'il était possible de trouver le passage pertinent, ce serait bien utile.
Le président : Voici ce que prévoit le paragraphe 96(1) :
Toute question dont est saisi un comité particulier se décide à la majorité des voix, y compris celle du président. S'il y a égalité des voix, le résultat est considéré comme négatif.
Le paragraphe (2) se lit ainsi :
Le rapport d'un comité particulier doit comporter des conclusions approuvées par la majorité des membres.
Il y a donc plusieurs volets. Comme je vous l'ai déjà dit, le sénateur Al Graham faisait systématiquement annexer ses observations aux rapports lorsque j'étais président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Là nous en avons un du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en date du 20 juin 1995, où l'on dit ceci : « Certains membres du comité ne sont pas convaincus que ce qu'on appelle la présomption de renvoi devant un tribunal ordinaire... », et ces observations ont bel et bien été annexées au rapport sur le projet de loi.
Le sénateur Banks : Je crois comprendre qu'un comité a le droit de décider de faire cela. Or ce que j'avais compris tout à l'heure, c'est que nous étions obligés de faire cela.
Le président : Non, permettez-moi de relire le document que je vous citais tout à l'heure. Je n'ai jamais dit cela.
Le sénateur Banks : Quand vous expliquiez ce que le greffier avait dit, il me semble que vous avez dit qu'on ne peut s'opposer à l'inclusion d'observations et que...
Le président : Permettez-moi de relire le texte que je vous ai cité tout à l'heure. Je l'ai par écrit. « Des observations peuvent » — le mot clé est « peuvent » — « être annexées au rapport » — c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas du rapport proprement dit, mais plutôt d'une annexe au rapport — « sur un projet de loi » — et il s'agit bien d'un projet de loi. « Ces observations peuvent » — encore une fois, ce n'est pas obligatoire — « émaner d'un seul groupe de sénateurs » — c'est-à-dire non pas de tous les sénateurs, de tous les partis, et non pas des membres indépendants. « Le comité doit accepter d'annexer les observations en question ».
Le sénateur Banks : S'agit-il d'un article du Règlement du Sénat?
Le sénateur Day : De quel article s'agit-il?
Le président : C'est le paragraphe (2) de l'article 96.
Le sénateur Banks : Et on y dit que le comité doit annexer...?
Le président : Il se lit ainsi :
Le rapport d'un comité particulier doit comporter des conclusions approuvées par la majorité des membres.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce que vous nous dites est un peu contradictoire.
Le sénateur Banks : Je me pose des questions au sujet de la phrase où on dit « doit ».
Le sénateur Eggleton : S'il est prévu que le comité doit l'approuver, n'est-il pas vrai que nous devons avoir le document en question sous les yeux pour pouvoir l'approuver? Le Règlement prévoit-il la possibilité d'annexer des observations si on les reçoit avant une certaine date, sans que le comité soit tenu de se réunir de nouveaux pour les approuver? Peut-il préapprouver les observations? Y a-t-il un article qui nous permet de faire cela?
Et je voudrais savoir autre chose : si les observations sont annexées au rapport et que le rapport est déposé et ensuite adopté par le Sénat, cela veut-il dire que nous aurons adopté également les observations?
Le président : Non, pas du tout.
Le sénateur Eggleton : Je veux en être sûr. Et je voudrais savoir notamment si le comité doit se réunir pour examiner lesdites observations? On dit ici que le comité doit les approuver, mais nous ne pouvons les approuver; nous ne les avons pas sous les yeux.
Le sénateur Tkachuk : Nous sommes maîtres chez nous. Si nous décidons de procéder ainsi, c'est ainsi que nous procéderons. Cela ne pose aucun problème. Nous ne sommes pas obligés...
Le sénateur Eggleton : J'essaie simplement de savoir quelles sont les conséquences éventuelles d'une telle ligne de conduite, si conséquences il y a.
Le sénateur Trenholme Counsell : Concernant le texte que vous nous avez lu, fait-il partie du Règlement?
Le président : Non, c'est un résumé du Règlement du Sénat préparé par le greffier du comité — concernant les règles et les pratiques du Sénat.
Le sénateur Banks : Excusez-moi de revenir là-dessus, monsieur le président, mais c'était justement l'objet de ma question. Dans le dernier extrait que vous nous avez lu, il était question d'observations qui doivent être annexées au rapport, et c'est là-dessus que porte ma question; cela veut dire que les observations sont annexées si le comité est d'accord?
Le président : Oui, si le comité est d'accord.
Le sénateur Banks : Merci.
Le sénateur Tkachuk : C'est justement ce que je demande dans cette motion — l'accord du comité pour annexer les observations. C'est tout. Cela n'a rien de compliqué. Je croyais que nous étions déjà d'accord là-dessus.
Le sénateur Day : Si je comprends bien, ce que demande l'honorable sénateur Tkachuk, c'est que lui et son collègue, le sénateur Stratton, soient autorisés à annexer leurs propres observations au rapport, mais ils doivent avoir la permission de tout le comité pour le faire. Il reste que ces observations seront les leurs exclusivement, et non les observations du comité dans son ensemble.
Le président : C'est exact.
Le sénateur Day : Par conséquent, nous ne sommes pas obligés de les voir. Il s'agit simplement de leur donner la permission de les annexer au rapport.
Le président : Et je précise, sénateur Day, que ces observations n'influent aucunement sur la validité du rapport qui sera déposé sans amendement.
Le sénateur Banks : Excusez-moi, monsieur le président, le sénateur Tkachuk a raison; les comités peuvent faire ce qu'ils veulent, mais le paragraphe 96(2) dit bien ceci :
Le rapport d'un comité particulier doit comporter...
— peut-être pas exclusivement —
... des conclusions approuvées par la majorité des membres.
Le président : En l'occurrence, les conclusions seront que le comité a convenu de faire rapport du projet de loi sans amendement; voilà en quoi consistera le rapport de la majorité des membres du comité.
Le sénateur Banks : De plus, le comité aura convenu d'y inclure des observations.
Le président : Oui, mais seulement en annexe. Le rapport d'un comité particulier doit comporter des conclusions approuvées par la majorité des membres, et la conclusion de la majorité des membres en l'occurrence serait de faire rapport au Sénat du projet de loi sans amendement.
Le sénateur Cowan : C'est ça la conclusion, et ce que demande le sénateur Tkachuk...
Le président : Oui, mais on peut inclure des observations en annexe.
Le sénateur Cowan : ... qui deviennent donc les conclusions de la minorité — dans ce cas, des membres conservateurs.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que la dernière fois que cela a été fait remonte à 1995?
Le président : Non, cela se fait couramment.
Le sénateur Day : Cela se fait couramment, mais ce n'est pas prévu au Règlement. Dans le texte du règlement qu'on vient de nous faire distribuer, il n'est aucunement question de cette possibilité. Ce que vous nous dites maintenant, c'est que le règlement a été un peu modifié à cause de la pratique de certains comités, mais pour ma part, je suis un peu réticent à accepter ce qu'on nous demande. Depuis quatre ans que je siège au comité, nous n'avons jamais fait cela.
Le sénateur Tkachuk : Je vous dis simplement qu'il n'est pas inhabituel que le rapport déposé sur un projet de loi, que ce soit par ce comité ou d'autres comités, comprenne des observations.
Le sénateur Day : Je suis d'accord, sénateur Tkachuk. Je ne veux pas vous interrompre, mais nous ne parlons pas d'observations. Nous parlons de la possibilité que le comité accepte des observations minoritaires sans les voir au préalable et qu'il accepte de les annexer au rapport, et ce n'est pas la même chose que de dire qu'il est normal que des observations soient annexées à un rapport.
Le sénateur Tkachuk : Nous ne vous demandons pas d'approuver notre opinion au sujet du projet de loi. Il s'agira de nos observations. Sénateur Day, vous pourrez faire toutes les observations que vous voudrez. Vous pouvez présenter les observations de la majorité au nom du comité dans son ensemble.
Le sénateur Day : Monsieur le président, nous devrions suivre le Règlement. Je ne vois aucune mention de cette pratique au Règlement, et je suis réticent à l'accepter, si bien que je demande à mes collègues de voter contre la motion. Je demande la mise aux voix.
Le président : Honorables sénateurs, il est proposé par l'honorable sénateur Tkachuk :
Que les observations des sénateurs conservateurs soient remises au président du comité au plus tard le vendredi 15 juillet à midi, en vue de les annexer au rapport que déposera le président lorsqu'il fera rapport au Sénat du projet de loi C-48.
Les avis favorables, levez la main droite.
Les avis contraires, levez la main droite. La motion est rejetée.
Le sénateur Harb : Je voudrais proposer une motion. Elle se lit ainsi :
Que tout éventuel vote sur une motion concernant la décision du comité relative à un projet de loi ne soit tenu avant que le comité ait fini d'entendre les témoins.
Cela concerne ce dont nous avons été témoins ce matin. Je respecte mon collègue et je sais qu'il respecte les règles. Ce qu'il a fait ce matin ne donne aucunement matière à critique. Cependant, il est parfaitement normal que nous établissions une règle claire au sujet des audiences tenues par le comité et des témoins que reçoit ce dernier, surtout que certains sont venus de loin pour être parmi vous. Nous ne devrions jamais nous trouver dans une situation où le débat doit être interrompu. Si quelqu'un souhaite proposer une motion d'ajournement, il pourra le faire à n'importe quel moment après que nous aurons entendu nos témoins, mais tant que nous aurons des témoins à entendre, j'estime que ce ne serait absolument pas approprié d'interrompre le débat. Ma motion ne vise que la législature actuelle, étant donné que nous ne pouvons obliger des législatures futures à adopter ce que je propose; mais d'ici la fin de cette législature, j'aimerais que l'on accepte d'appliquer cette règle, par respect pour nos témoins.
Le président : Je vais vous la relire. J'ai une copie de la motion devant moi.
Que tout éventuel vote sur une motion concernant la décision du comité relative à un projet de loi ne soit tenu avant que le comité ait fini d'entendre les témoins.
Le sénateur Tkachuk : Vous ne pouvez enlever à quelqu'un le droit de lever la séance. Ce serait un acte assez autoritaire. Cela me surprendrait que d'autres sénateurs acceptent une telle chose.
Le sénateur Day : Je comprends le raisonnement de cette motion. Peut-être le sénateur Harb accepterait-il de déposer sa motion, afin que le comité directeur puisse l'examiner eu égard au Règlement.
Le sénateur Harb : Oui, absolument. C'est une excellente idée qui nous fera gagner du temps.
Le sénateur Stratton : Pour injecter une petite note d'humour, je précise que nous voulons simplement nous assurer que les sénateurs sont présents en nombre suffisant. Il arrive souvent que les sénateurs s'en aillent, et tout d'un coup les membres de la majorité au comité se rendent compte qu'ils ne sont plus que deux, alors que de notre côté, nous sommes trois ou quatre. C'est un petit rappel, voilà tout. Ce n'est pas vindicatif. Nous voulons simplement faire un petit rappel aux sénateurs de l'autre parti.
Le sénateur Day : Monsieur le président, je propose que nous passions tout de suite à l'étude article par article du projet de loi.
Le président : Sénateur Harb, acceptez-vous de retirer votre motion?
Le sénateur Harb : Oui, et je vais la déposer auprès du comité.
Le président : Nous passons donc immédiatement à l'étude article par article du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements. Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour procéder tout de suite à l'étude article par article du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements?
Des voix : D'accord.
Le président : C'est adopté. Le titre est-il reporté à plus tard?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais proposer un amendement.
Que le projet de loi C-48 soit modifié, à l'article 1, à la page 1 :
par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :
« 4 milliards de dollars. »;
b) par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :
« 5 milliards de dollars. ».
Le président : Avez-vous une copie de l'amendement?
Le sénateur Tkachuk : Oui, vous pouvez en faire faire des copies. Il y a une version française et une version anglaise.
Le sénateur Day : Monsieur le président, je demande à mes collègues de ne pas appuyer cet amendement.
Le président : Nous sommes en train de faire faire des copies afin que tous aient le texte de l'amendement sous les yeux. Souhaitez-vous présenter la motion?
Le sénateur Tkachuk : Oui, absolument.
Le président : Pourriez-vous attendre deux minutes que nous ayons tous une copie? Voilà. Les copies sont arrivées. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Il s'agit simplement de faire passer la base de 2 milliards de dollars à 4 milliards de dollars, et de 2 milliards de dollars à 5 milliards de dollars, qui sont les montants prévus par le gouvernement au départ, et c'est pour cette raison que je propose cet amendement. J'aimerais vous expliquer mon raisonnement.
Permettez-moi de reprendre l'énoncé du Comité exécutif du Conseil canadien des chefs d'entreprise, que j'ai trouvé excellent. Comme le témoin ne l'a pas lu pour les fins du compte rendu, je voudrais, pour appuyer ma motion, lire l'énoncé à haute voix, pour que nous comprenions mieux pour quelles raisons cette motion est nécessaire.
Je commence donc par la page titre.
Canada Premier! Prendre les devants dans une économie mondiale en transformation
Une déclaration du Comité exécutif Conseil canadien des chefs d'entreprise Ottawa Le 28 juin 2005
Il est venu nous présenter cette déclaration. Elle commence au haut de la page 1 :
Canada Premier! Prendre les devants dans une économie mondiale en transformation
Une déclaration du Comité exécutif Conseil canadien des chefs d'entreprise Ottawa Le 28 juin 2005
Je vais lire lentement afin que les interprètes puissent assurer la traduction et que les sténographes puissent faire leur travail.
En tant que leaders de l'entreprise canadienne...
— et je présente cette déclaration en leur nom —
... nous nous soucions de l'avenir de notre pays. Nous connaissons l'importance d'une bonne gouvernance, d'une gestion financière rigoureuse, du développement continu des personnes...
Je veux m'assurer que l'information est exacte, pour les fins du compte rendu
... et des idées et, par-dessus tout, d'une stratégie solide que nécessite la croissance soutenue de nos entreprises. Nous savons que le Canada ne peut se suffire de moins.
Aujourd'hui, en tant qu'économie, le Canada semble bénéficier d'une position très favorable. Il est le seul pays industrialisé d'importance à afficher régulièrement des surplus dans ses budgets fédéraux et dans ses comptes commerciaux et courants. Il a connu la meilleure croissance économique parmi les pays du G-7 au cours des cinq dernières années, portant son taux de chômage à son niveau le plus bas depuis les années 1970 et affichant d'impressionnants gains au chapitre des revenus familiaux, des bénéfices et des recettes fiscales.
En tant que société, le Canada reste un pays phare pour le reste du monde. Grâce aux services sociaux qu'il offre, personne ne souffre de pauvreté extrême et chacun a des possibilités de prospérer. Son engagement de propager les valeurs de la paix et de la démocratie partout dans le monde s'allie à une ouverture sans égale à l'immigration. Aucun autre pays n'a aussi bien réussi à établir des collectivités au sein desquelles des gens de tous les coins du monde peuvent se sentir chez eux.
Ce texte est tellement intéressant que je suis même un peu déçu que les auteurs n'aient pas voulu vous lire cela à haute voix :
En tant qu'entité politique, toutefois, le Canada est un pays à la dérive. Un gouvernement fédéral minoritaire est en voie de dilapider les fruits d'années de sacrifices. Les gouvernements provinciaux et municipaux accentuent le problème en exigeant de multiples ententes spéciales qui leur accordent une part plus importante des impôts payés par tous les Canadiens sans avoir à rendre de comptes à tous les Canadiens. Sur la scène politique, l'idée même d'élaboration de politiques stratégiques est éclipsée par la recherche éperdue d'avantages tactiques momentanés.
Voilà donc qui marque la fin de la première page. Nous passons maintenant à la page 2. Cela ne devrait pas être trop long, comme il n'y a en tout que 15 pages.
Des pratiques répréhensibles ont porté la confiance du public à son niveau le plus bas. À la Chambre des communes, la civilité et la coopération ont disparu. La fonction publique est paralysée et démoralisée. Des millions de Canadiens sont frustrés et consternés par ce spectacle.
Comme je me suis laissé un peu emporté, j'ai oublié qu'il y a un point après « démoralisée » et après « spectacle ».
Ce qui manque douloureusement aujourd'hui, c'est une vision ambitieuse de ce que le Canada pourrait accomplir au cours des cinq à dix prochaines années et une stratégie cohérente qui permettrait de concrétiser cette vision de manière à mobiliser le soutien de toute la société canadienne.
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE) est une organisation non partisane formée d'individus ayant à cœur de bâtir un Canada plus fort et un monde meilleur. Depuis longtemps, nous contribuons avec fierté à l'évolution des débats nationaux importants, qu'il s'agisse du libre-échange ou de la réforme de la Constitution, ou encore de la lutte à l'inflation et aux déficits gouvernementaux.
En 1999, nous avons lancé l'Initiative pour le leadership mondial du Canada, qui a mené à la présentation, en 2000, d'une déclaration intitulée Champion mondial ou héros d'un jour ? Le choix qui s'impose au Canada. Dans cette déclaration, qui faisait suite à plusieurs mois de consultations et de recherches, nous avons traité d'un large éventail d'enjeux reliés à la compétitivité et nous avons établi la nécessité d'importantes réductions d'impôt à titre de première mesure essentielle. En octobre 2000, le gouvernement fédéral annonçait un plan de cinq ans de réduction des taux d'imposition des particuliers et des sociétés, dont les Canadiens ont, depuis, profité des avantages.
Mais l'économie canadienne ne fonctionne pas en vase clos et le reste du monde se transforme rapidement. C'est pourquoi nous lançons aujourd'hui l'étape suivante de notre démarche en cours en vue d'accroître la compétitivité et d'assurer la prospérité future du Canada.
Au moment où les dirigeants politiques du pays s'apprêtent à mettre fin à leurs travaux pour la pause de l'été et à s'éloigner de la frénésie partisane des dernières semaines, le temps est venu de mettre de l'avant les intérêts du Canada. Il est temps de mettre de côté les injures et les accusations et de penser à ce qui est bon pour le pays. Il est temps de considérer ce qui arrivera aux emplois et aux investissements dans chacun des secteurs de l'économie en l'absence d'une action nationale concertée, et de discuter de l'immense potentiel que nous avons en tant que pays si nous y allons de plein fouet. Le temps est venu pour les canadiens de travailler ensemble pour façonner des stratégies nationales et des choix de politiques publiques qui sont nécessaires si le Canada est pour prendre les devants dans une économie mondiale en transformation.
Nous ne prétendons avoir aucun mandat des citoyens du Canada, ni aucun monopole sur les bonnes idées. Tous les citoyens ont néanmoins le devoir de se lever et de prendre position, de présenter leurs meilleures idées pour l'avancement de l'intérêt national et de s'efforcer le plus possible de faire progresser ces idées. En lançant l'initiative Canada Premier!, nous espérons compter parmi de nombreuses voix qui contribueront à insuffler un sentiment renouvelé d'idéal national.
Au cours des prochains mois, nous voulons mettre à contribution notre savoir-faire pour réfléchir stratégiquement sur la compétitivité et la productivité en fonction du défi plus large de dessiner un avenir plus prospère pour le Canada. Nous solliciterons également les compétences et les points de vue d'autres intervenants qui partagent notre passion de bâtir un Canada meilleur. Notre but est d'articuler pour le pays une vision stratégique et un plan d'action qui seront en mesure de susciter un appui large dans tous les secteurs et les régions, et ce, avant la prochaine élection fédérale.
Nous nous appuyons sur deux prémisses fondamentales : une économie forte et concurrentielle sur la scène mondiale offre les fondements nécessaires à l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens; une bonne gouvernance et des politiques publiques judicieuses sont des conditions essentielles à une croissance économique vigoureuse et durable. Le Canada possède des atouts et des faiblesses au plan de la compétitivité de son secteur privé et au plan de sa gouvernance et de son cadre de politiques publiques. Dans le contexte du lancement de notre initiative, nous proposons six enjeux critiques à résoudre pour hisser le Canada au premier rang.
LES DÉFIS ET POSSIBILITÉS DU CANADA
Le Canada a fait d'immenses progrès au cours de la dernière décennie, s'adaptant à un commerce libéralisé ainsi qu'à une inflation et à des taux d'intérêt réduits; il a aussi transformé les énormes déficits du solde budgétaire fédéral en surplus répétés. Il reste néanmoins un pays dont l'identité et la prospérité sont liées à son engagement à l'égard du monde. Mais le reste du monde se transforme. Il faut donc nous adapter; et nous devrions anticiper les possibilités qu'il offre et forger nos stratégies en fonction de celles-ci.
Au plan économique, notre monde est en voie d'être transformé par l'évolution rapide des économies asiatiques, en particulier la Chine et l'Inde. Cette transformation a été jusqu'à maintenant bénéfique pour le secteur des ressources du Canada, mais elle comporte des défis pour les autres entreprises, qu'elles oeuvrent dans la fabrication ou les services. Dans chacun des secteurs de l'économie, le Canada doit faire face à la nécessité de se spécialiser et de se tourner vers des activités à valeur ajoutée supérieure.
Malgré notre économie fortement axée sur le commerce, trop peu de sociétés canadiennes, en particulier parmi nos petites et moyennes entreprises, exportent leurs produits, investissent à l'étranger ou font appel à des partenaires internationaux. Notre expérience et une grande quantité de faits économiques laissent croire que, peu importe leur appartenance, les entreprises qui ont des opérations au Canada et qui sont présentes sur la scène mondiale sont davantage susceptibles de former des partenariats avec des universités, de développer des produits destinés à l'exportation, d'adopter de nouvelles technologies et d'investir dans la formation du personnel. Pour assurer la prospérité de nos entreprises et de notre pays, nous devons intensifier encore davantage que dans le passé notre présence sur la scène mondiale.
Pendant ce temps, le monde est aux prises avec une menace très différente, celle du terrorisme international. Le Canada n'a jamais limité son engagement mondial aux enjeux du commerce et de l'investissement et nos intérêts économiques et valeurs démocratiques exigent que nous soyons des partenaires actifs dans le combat qui doit être constamment mené contre ce fléau. La menace directe qui pèse sur les intérêts du Canada réside dans la capacité du terrorisme de nuire à la circulation efficace des biens et des individus à la frontière qui nous sépare de notre principal partenaire commercial, les États-Unis. Mais la menace la plus fondamentale porte sur l'économie mondiale libre, sur laquelle repose notre prospérité, ainsi que sur les valeurs qui sont au cœur de notre société. Aucune stratégie nationale destinée à résoudre les défis économiques ne réussira si elle ne contribue pas aussi à la paix et à la sécurité du monde.
LES ATOUTS ET LES FAIBLESSES DU CANADA
Pour l'élaboration du parcours qu'il compte emprunter, le Canada dispose au départ d'avantages importants, qui sont toutefois atténués par de grandes faiblesses. L'assise financière du pays reste forte, mais elle est menacée par une croissance effrénée des dépenses. La baisse des taux d'imposition a stimulé la croissance économique, mais notre structure fiscale défavorise l'investissement et notre fardeau fiscal global reste plus élevé que celui de la plupart de nos principaux partenaires commerciaux et concurrents pour ce qui est des investissements nouveaux. Le Canada bénéficie de normes élevées d'application de sa réglementation, mais la structure fragmentée de celle- ci et ses processus sont trop complexes, lents, coûteux et incertains. Notre main-d'œuvre compte parmi les plus qualifiées au monde, mais encore trop de jeunes ne réussissent pas à compléter leurs études secondaires. Le Canada est un leader mondial au plan de la bonne gouvernance des pouvoirs publics et des entreprises, bien que la confiance du public à l'égard de ces deux composantes ait décliné.
Derrière l'apparence de santé de l'économie canadienne, nous constatons certains signaux inquiétants. À court terme, même si la montée de l'Asie en tant que puissance économique a procuré d'importants gains aux producteurs de ressources du Canada, elle a entraîné la hausse de la devise canadienne, en particulier par rapport à celle de notre plus important client étranger, les États-Unis. Les investissements des entreprises dans de nouveaux matériels et équipements augmentent à des taux dépassant les deux chiffres, mais l'effet combiné de la hausse de notre devise et de l'intensification de la concurrence exercée par l'Asie et d'autres régions reste une menace grave pour l'avenir de l'assise manufacturière du Canada.
L'envergure et la rapidité des changements qui touchent le marché mondial signifient que les entreprises canadiennes de tous les secteurs doivent envisager toutes les options de localisation de leurs activités et que les gouvernements et collectivités du Canada doivent faire tout leur possible pour favoriser leur compétitivité et les inciter à croître à partir du Canada. Les principaux indicateurs économiques laissent croire que, malgré ses atouts passés, le Canada a commencé à perdre du terrain.
Ainsi, la productivité de la main-d'œuvre canadienne a connu une croissance moyenne de 1,7 pour cent par an depuis 1997. Il s'agit de la deuxième meilleure performance parmi les pays du G-7, mais cette performance est en deçà du taux de croissance moyen de 2 pour cent que nous devrons afficher au cours des trente prochaines années pour payer les coûts prévus des soins de santé et des rentes ainsi que les autres coûts liés au vieillissement de la population. Pis encore, la production moyenne par heure a augmenté au total de seulement 0,1 pour cent en 2003 et en 2004. En d'autres mots, malgré les investissements des entreprises, à un rythme frénétique, dans du nouveau matériel et équipement, la croissance de notre productivité a été pour l'essentiel nulle au cours des deux dernières années.
Autre indice inquiétant : la mauvaise performance du Canada quant à sa capacité d'attirer l'investissement étranger, un élément qui joue un rôle essentiel au chapitre de la création d'emplois et de l'innovation en affaires. L'investissement étranger direct au Canada a augmenté à une cadence moyenne de neuf pour cent par année au cours des années 1990. Il n'a pas progressé du tout en 2003, ce qui représente la plus mauvaise performance du pays depuis les années 1930 et sa hausse n'a été que de trois pour cent l'an dernier.
Pour soutenir des programmes sociaux de premier ordre, il faut une économie de premier ordre et le Canada a désespérément besoin d'une stratégie économique cohérente pour préserver ces deux acquis. Si les Canadiens veulent que la situation favorable dont ils bénéficient aujourd'hui se poursuive, les leaders du gouvernement, du monde des affaires et des collectivités doivent mettre de côté leurs différends à court terme et travailler ensemble pour bâtir un avenir dans lequel le Canada n'aura pas son pareil.
SIX MOYENS DE HISSER LE CANADA AU PREMIER RANG
Pour établir un consensus sur une stratégie nationale, nous devons faire davantage que de placer les intérêts du pays devant les intérêts particuliers des citoyens, des entreprises, des groupes d'intérêts et des gouvernements. Nous devons nous entendre pour faire preuve d'audace dans notre vision du pays et viser à hisser le Canada au premier rang des nations du monde dans les domaines qui sont des catalyseurs de la prospérité nationale.
1. Premier au chapitre de la bonne gouvernance
La bonne gouvernance n'est pas en soi un avantage concurrentiel, mais plutôt le fondement d'une croissance économique saine et soutenue et pour l'avancement social. La bonne gouvernance est aussi importante au succès d'un pays qu'elle l'est au succès des entreprises.
La pluie de scandales d'entreprises hautement médiatisés à laquelle nous avons assisté ces dernières années a fait en sorte que des nouvelles règles et une exécution plus rigoureuse de la loi sont de toutes parts exigées. Les forces du marché ont également joué leur rôle à cet égard, forçant souvent le changement plus rapidement que les gouvernements. En tant que dirigeants d'entreprise, nous sommes les premiers à admettre que le travail de rétablissement de la confiance du public à l'égard de l'entreprise privée est loin d'être terminé. Mais en se concertant, les gouvernements, les organismes de réglementation, les investisseurs institutionnels, les ordres professionnels, les marchés financiers ainsi que les administrateurs et dirigeants d'entreprise ont réussi à transformer les pratiques de gouvernance des sociétés canadiennes dans un délai remarquablement court. Ces pratiques sont parmi les meilleures au monde.
Le scandale fédéral des commandites est par ailleurs devenu le symbole de la nécessité d'une transformation aussi importante de la gouvernance publique. Ce que le Premier ministre Paul Martin a appelé le « déficit démocratique » du Canada exige des interventions sur au moins deux plans.
Tout d'abord, la réforme de la gouvernance publique doit prendre exemple sur celle qui a été instaurée dans le secteur privé au chapitre du renforcement de la transparence et de la responsabilisation. Dans le secteur privé, les chefs de la direction et directeurs financiers doivent désormais certifier que chaque rapport qu'ils produisent reflète de manière juste l'état des activités de l'entreprise, que tout ce qui est mentionné dans le rapport est vrai, que rien n'a été omis qui pourrait rendre trompeur ce qui a été dit et qu'ils connaissent tous les faits pertinents. Nous suggérons que les gouvernements envisagent de recourir à des moyens semblables de renforcer la responsabilité personnelle des ministres et sous-ministres.
En deuxième lieu, il est nécessaire de réorganiser d'urgence les relations entre les gouvernements du Canada. La souplesse d'une structure de gouvernance fédérale peut constituer un avantage concurrentiel, mais les relations intergouvernementales au Canada sont maintenant dominées par le débat interminable entourant ce qu'on appelle le déséquilibre fiscal : les surplus répétés enregistrés par le gouvernement fédéral au moment où plusieurs provinces luttent contre l'augmentation effrénée des coûts liés aux soins de santé. Cette situation a mené à la conclusion d'un enchevêtrement d'ententes ponctuelles et asymétriques qui ont entraîné une explosion des dépenses publiques tout en réduisant l'obligation de rendre des comptes aux contribuables.
C'est une preuve d'autant plus convaincante des raisons pour lesquelles il faut que ce soit 4 milliards de dollars et 5 milliards de dollars, plutôt que 2 milliards de dollars et 2 milliards de dollars. Peut-être pensiez-vous que je ne faisais pas attention.
Pour que le Canada soit en mesure d'exercer une concurrence plus efficace dans l'économie mondiale, il est vital que nous nous occupions de la structure de notre fédération. Nous devons pour ce faire non pas procéder à des changements constitutionnels, mais plutôt examiner de manière systématique et pragmatique ce que les Canadiens souhaitent de la part de leurs gouvernements, déterminer les ordres de gouvernement pouvant assurer la valeur la plus avantageuse dans chaque cas et trouver la manière de faire en sorte que chaque gouvernement puisse encaisser les recettes dont il a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités.
2. Premier au chapitre des services et de l'infrastructure publics
Ce que les gouvernements font et leur manière de procéder ont des répercussions fondamentales sur la compétitivité et la réussite économique du Canada. La réputation de disposer d'une règle de droit rigoureuse, de services de police efficaces, d'un pouvoir judiciaire indépendant et de fonctionnaires honnêtes et compétents constitue le fondement essentiel de toute économie concurrentielle. Une politique fiscale et monétaire solide constitue par ailleurs l'assise d'une croissance économique durable. Des services publics efficaces, qu'il s'agisse des infrastructures, du système d'éducation, des activités culturelles ou de la défense nationale, peuvent s'appuyer sur cette assise pour contribuer à rendre notre économie plus concurrentielle et productive.
L'enjeu le plus important de l'action des gouvernements n'est pas l'envergure de leurs activités, mais plutôt la valeur qu'ils sont en mesure de produire avec l'argent qu'ils dépensent. Les gouvernements doivent veiller à s'assurer que leurs activités contribuent à la croissance économique future plutôt que de strictement redistribuer la richesse pour des besoins de consommation courante. Ils doivent aussi déterminer comment le mieux livrer les services qu'ils jugent importants et s'assurer de ne pas ignorer les possibilités de partenariats avec le secteur privé s'ils peuvent constituer des moyens plus concurrentiels et efficaces d'atteindre des objectifs de politiques publiques importants. Peu importe ce que font les gouvernements, ils doivent bien le faire et faire mieux que ce que le pays pourrait faire par d'autres moyens.
3. Premier au chapitre de la fiscalité et de la réglementation
Comme cette question intéressait le sénateur Harb, je vais vous lire ce passage lentement.
La fiscalité et la réglementation sont les deux instruments les plus efficaces dont disposent les gouvernements pour influer sur le contexte commercial sans engager de dépenses publiques.
La politique fiscale est une question d'équilibre. Les gouvernements doivent percevoir suffisamment de taxes et d'impôts pour s'acquitter de leurs activités courantes tout en nuisant le moins possible à la croissance économique, qui déterminera leur assise fiscale future. L'impôt sur le revenu et sur l'investissement des entreprises est plus nuisible à la croissance économique que ne le sont les taxes à la consommation.
C'est pourquoi les pays européens qui imposent un fardeau fiscal élevé et offrent des programmes sociaux d'envergure comptent fortement sur les taxes à la valeur ajoutée, comme la TPS, tout en limitant leurs taux d'imposition des sociétés et des particuliers à des niveaux relativement bas.
À l'échelle mondiale, on constate une tendance plus forte à un abaissement des taux d'imposition des sociétés. Depuis 1997, 25 des 30 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, dont le Japon, l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, ont diminué de façon importante les impôts des sociétés. Le Canada affiche maintenant le troisième plus haut taux effectif marginal d'imposition à l'égard de l'investissement des entreprises du monde industrialisé.
Pour bien insister sur l'importance de cette notion, je me permets de répéter cette phrase.
Le Canada affiche maintenant le troisième plus haut taux effectif marginal d'imposition à l'égard de l'investissement des entreprises du monde industrialisé.
Contrairement à la fiscalité, la réglementation peut servir à améliorer la compétitivité sans produire de coûts financiers directs. Une réglementation solide contribue à renforcer l'image d'un pays et assure un cadre attrayant pour l'investissement des entreprises. Une réglementation déficiente nuit à la croissance en imposant des coûts et des retards excessifs, en alimentant l'incertitude et en causant de l'incohérence et des dédoublements.
4. Premier au chapitre de l'investissement et de la productivité
Récemment, le ministre des Finances, Ralph Goodale, soulignait qu'une fiscalité concurrentielle et une réglementation intelligente avaient pour but d'encourager les entreprises canadiennes à accroître leur productivité et leur rendement. Compte tenu du vieillissement de la population, a-t-il déclaré, « nous devons accroître la capacité de production de notre économie si nous voulons continuer de bénéficier des avantages qu'offre l'une des sociétés les plus compatissantes et les plus équitables du monde, et bâtir une économie encore meilleure pour la prochaine génération de Canadiens, et même au-delà ».
La productivité par heure de travail du Canada dans le secteur des entreprises se chiffrait à 82 pour cent de la moyenne enregistrée aux États-Unis en 1999. Dans les domaines des produits du bois, du papier, des mines, des métaux de première fusion, des véhicules automobiles et autres produits de transport, de la construction, de l'imprimerie et de l'édition, la productivité du Canada est plus élevée que celle des États-Unis. Mais dans 19 secteurs industriels sur 28, elle accuse du retard avec des implications dangereuses concernant le futur des emplois canadiens.
Il y a de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles.
Des études réalisées par le McKinsey Global Institute laissent croire que les politiques gouvernementales jouent un rôle de premier plan à l'égard de la limitation de la productivité. Les restrictions touchant l'investissement étranger, par exemple, nuisent à la productivité en réduisant la concurrence et les incitatifs à l'innovation; or, le Canada est à cet égard plus restrictif que chacun des autres membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à l'exception de l'Islande. De même, les barrières non tarifaires, comme les offices de commercialisation, limitent la productivité de l'agriculture canadienne, alors que les obstacles au commerce intérieur agissent comme un frein dans des secteurs comme celui des services personnels. La fragmentation et le dédoublement de la réglementation ajoutent à ces obstacles. Le maintien de treize organismes de réglementation des valeurs mobilières distincts, par exemple, fait augmenter le coût du capital et freine l'investissement et la productivité des entreprises partout au pays.
Peu importe le cadre commercial créé par les gouvernements, le secteur privé du Canada doit s'efforcer davantage...
Le sénateur Eggleton : Monsieur le président, voulez-vous rappeler le sénateur à l'ordre, s'il vous plaît?
Le président : Sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : Me permettez-vous de terminer ce paragraphe?
Le sénateur Eggleton : Non.
Une voix : Il manque de respect envers le président.
Le sénateur Tkachuk : Le paragraphe continue ainsi :
— d'améliorer la productivité et d'exercer une concurrence vigoureuse au pays et à l'étranger. Il nous incombe, en tant dirigeants des entreprises du pays les plus importantes et les plus présentes sur la scène mondiale, de faire notre part, non seulement en assurant l'expansion de nos propres entreprises, mais aussi en encourageant les autres à élever leurs ambitions et à explorer de manière plus audacieuse les possibilités d'un marché mondial.
Vous pouvez maintenant faire votre rappel au Règlement. J'ai encore une bonne partie du document à vous lire, et cela me semble bien important.
Le sénateur Eggleton : Monsieur le président, le paragraphe 96(7) du Règlement du Sénat prévoit ce qui suit :
Sauf si le présent Règlement le prévoit, un comité particulier ne doit pas, sans l'approbation du Sénat, adopter une procédure ou une pratique spéciale incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat lui-même.
Le paragraphe 37(4) du Règlement prévoit ce qui suit :
Sauf dans les cas prévus aux paragraphes (2) et (3) ci-dessus, aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.
Je soumets, monsieur le président, que le sénateur Tkachuk a déjà bien dépassé les 15 minutes qui lui étaient imparties. Il a commencé à lire à 16 h 47. D'après ce paragraphe du Règlement, un sénateur ne peut parler pendant plus de 15 minutes.
Le sénateur Tkachuk : Si je ne m'abuse, en tant qu'auteur de l'amendement, j'ai le droit de parler pendant 45 minutes.
Le président : C'est 45 minutes.
Le sénateur Eggleton : Je suis assez nouveau ici, et j'aimerais connaître le point de vue des fonctionnaires à ce sujet. Le sénateur Tkachuk n'est pas le motionnaire du projet de loi proprement dit. Je crois savoir que la disposition relative aux 45 minutes ne s'applique qu'aux étapes de la deuxième et de la troisième lectures et non pas aux délibérations des comités. Dans ce cas-ci, je pense que c'est la règle des 15 minutes qui s'applique.
Le sénateur Stratton : Je propose que nous suspendions la séance pour obtenir une interprétation du Règlement. Nous n'avons pas la réponse. Si le sénateur Tkachuk ne peut continuer parce qu'aucune décision claire n'a été rendue à ce sujet, nous devrions suspendre nos travaux en vue d'obtenir une telle décision.
Le sénateur Eggleton : Je suis convaincu que le président pourra rendre une décision claire à ce sujet, en s'appuyant sur le Règlement.
Le sénateur Tkachuk : Le président peut faire ce qu'il veut. Il peut suspendre les travaux pendant quelques minutes.
Le sénateur Day : Il peut aussi vous demander de cesser de parler, alors qu'il n'a pas encore fait cela.
Monsieur le président, c'est à vous de diriger cette réunion.
Le président : Le président a le pouvoir de suspendre les travaux du comité afin de demander conseil au sujet du Règlement, et c'est justement ce que le président compte faire. La séance est donc suspendue pendant 15 minutes pour nous permettre de nous faire conseiller.
Le sénateur Eggleton : Quinze minutes à partir de 17 h 20?
Le président : C'est exact.
Le comité suspend ses travaux.
Le comité reprend ses travaux.
Le président : Honorables sénateurs, les 15 minutes sont maintenant écoulées et j'ai eu l'occasion de me renseigner.
La sixième édition de Jurisprudence parlementaire de Beauchesne précise que — et tous les sénateurs le savent déjà — le Président de la Chambre a plus d'une fois expliqué qu'il n'a pas compétence pour statuer en matière de procédure des comités, ceux-ci étant et devant être parfaitement libres de mener leurs délibérations à leur guise.
Par contre, il faut interpréter cette règle de concert avec le paragraphe 96(7) du Règlement du Sénat, cité tout à l'heure par le sénateur Eggleton :
Sauf si le présent Règlement le prévoit, un comité particulier...
— et c'est le cas du présent comité —
... ne doit pas...
— le mot « doit » indiquant que c'est une obligation —
... sans l'approbation du Sénat...
— et nous n'avons pas l'approbation du Sénat —
... adopter une procédure ou une pratique spéciale incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat lui- même.
Il est donc clair que même si nous sommes libres de mener nos délibérations à notre guise, nous ne pouvons faire quoi que ce soit, au comité, qui soit incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat.
Le sénateur Tkachuk avait la parole pour se prononcer sur une motion relative à l'étude article par article du projet de loi. La question est de savoir de combien de temps il a disposé jusqu'à présent. Il parle depuis 33 minutes. Le paragraphe 37(3) du Règlement prévoit ce qui suit :
Le parrain d'un projet de loi et le premier sénateur qui prend la parole immédiatement après lui peuvent parler pendant au plus 40 minutes chacun. Cette période comprend les questions ou commentaires d'autres sénateurs qu'ils acceptent au cours de leur intervention.
(4) Sauf dans les cas prévus aux paragraphes (2) et (3) ci-dessus, aucun sénateur ne parle pendant plus de quinze minutes, y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.
D'après ce que nous avons pu trouver, ce sont les seules règles qui s'appliquent à la durée des interventions des sénateurs. Le sénateur Tkachuk a parlé pendant plus de 15 minutes, mais personne ne s'est opposé à ce qu'il ait la parole pendant plus de 15 minutes.
Quant à savoir si cette façon de faire est incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat, le sénateur Tkachuk est le porte-parole de l'opposition officielle au sujet de ce projet de loi et il a donc le droit de parler pendant 45 minutes. Il en a déjà eu 33, ce qui veut dire qu'il lui reste 12 minutes. À la conclusion de cette période — et ce temps de parole comprendra les questions qui lui auront été posées et ses éventuels commentaires — il ne pourra plus continuer à parler au sujet de la motion.
Il n'y a pas de précédent courant au Sénat qui justifierait qu'on impose une limite à la durée des débats en comité. Par conséquent, nous devons suivre la procédure appliquée au Sénat. Ma décision est donc que le sénateur Tkachuk pourra parler pendant encore 12 minutes au sujet de cette motion.
Le sénateur Eggleton : Je conteste la décision du président, car ce règlement vise le parrain d'un projet de loi et le premier sénateur qui prend la parole immédiatement après au Sénat. Or, ce n'est pas du tout le cas ici; le sénateur Tkachuk parle d'un amendement qu'il a proposé en comité. Je conteste donc la décision, et lorsqu'il y a contestation d'une décision, il ne peut y avoir de débat, selon le paragraphe 18(4) du Règlement, qui se lit ainsi :
Sauf dans les cas prévus au paragraphe 37(5) du Règlement, on peut en appeler au Sénat de toutes les décisions du Président. Le Sénat se prononce alors sur ces appels sur le champ, sans débat.
Le sénateur Tkachuk : Il en va de même pour une motion d'ajournement. Peut-être disposerons-nous alors de quelques minutes de plus pour en parler.
Le président : La décision du président est contestée.
Je demande donc à tous ceux qui soutienne la décision du président de lever la main droite.
Tous ceux qui sont contre, veuillez lever la main droite.
L'appel est accueilli.
Le sénateur Eggleton : Je demande la mise aux voix.
Le sénateur Tkachuk : D'autres sénateurs ont demandé la parole.
Le sénateur Eggleton : C'est moi qui ai la parole. Je demande la mise aux voix. Le président m'a donné la parole, et je demande maintenant qu'on mette l'amendement aux voix.
Le président : Le sénateur Eggleton a demandé que l'amendement proposé à l'article 1 soit mis aux voix. Il est donc proposé par le sénateur Tkachuk :
Que le projet de loi C-48 soit modifié, à l'article 1, à la page 1 :
a) par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :
« 4 milliards de dollars »;
b) par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :
« 5 milliards de dollars. ».
Je demande maintenant aux avis favorables de...
Le sénateur Stratton : Cette motion doit faire l'objet d'un débat.
Le sénateur Tkachuk : Et pour cette raison, je crois bien disposer encore de 15 minutes. Je vais donc continuer mon intervention.
Le sénateur Day : Monsieur le président...
Le président : Avez-vous un rappel au Règlement?
Le sénateur Day : Non, ce n'est pas un rappel au Règlement. Je voudrais parler d'autres choses.
Le sénateur Tkachuk : Voulez-vous parler de l'amendement?
Le président : Nous sommes maintenant saisis de l'amendement qui est proposé à l'article 1, à la page 1 du projet de loi C-48.
Le sénateur Day : C'est exact, et vous avez demandé les avis favorables.
Le sénateur Stratton : Cette motion est sujette à débat.
Le sénateur Eggleton : Le président a déjà décidé que la question...
Le sénateur Stratton : Une fois que le président du comité met la question aux voix, comme c'est le cas pour le Président du Sénat, la motion peut faire l'objet d'un débat.
Le sénateur Eggleton : Maintenant nous allons justement voter.
Le sénateur Stratton : Non, la question est sujette à débat.
Le sénateur Day : Nous avons déjà débattu de la question et maintenant nous allons voter.
Le sénateur Stratton : Non, nous ne débattons pas de l'amendement, nous débattons plutôt de la motion proposant que l'amendement soit mis aux voix. C'est cette dernière qui est sujette à débat.
Le sénateur Cowan : Conformément à l'article 33(2) du Règlement, je propose qu'on donne immédiatement la parole au sénateur Day pour qu'il fasse son intervention.
Le sénateur Stratton : Mais nous sommes déjà saisis d'une motion. Il faut d'abord traiter cette motion-là, qui peut faire l'objet d'un débat.
Le président : Attendez que je trouve la règle. Le sénateur Cowan a proposé une motion conformément au paragraphe 33(2) du Règlement, et je voudrais donc lire le texte intégral du paragraphe, qui prévoit ce qui suit :
33(1) Lorsque deux sénateurs ou plus se lèvent en même temps pour parler, le Président donne la parole à celui qu'il juge s'être levé le premier.
(2) Dans les circonstances prévues au paragraphe (1) ci-dessus, avant que le sénateur à qui le Président a donné la parole ne commence à parler, un troisième sénateur peut invoquer le Règlement et proposer une motion désignant un autre sénateur qui s'était levé comme celui qui doit « être entendu » ou « avoir droit de parole » sur le champ. Cette motion est alors mise aux voix aussitôt, sans débat ni amendement.
Le sénateur Cowan : C'était le sujet de mon rappel au Règlement, et j'ai donc proposé cette motion.
Le président : Je voudrais passer en revue avec vous ce qui s'est produit. Premièrement, j'ai annoncé ma décision concernant la limite s'appliquant à l'intervention du sénateur Tkachuk au sujet de son amendement. Le sénateur Eggleton a contesté la décision du président, et son appel a été accueilli, c'est-à-dire que la décision du président selon laquelle le sénateur Tkachuk n'avait plus que 12 minutes pour faire son intervention a été rejetée par les membres. Ensuite, on a demandé la mise aux voix. C'est l'amendement proposé par le sénateur Tkachuk en vue de modifier l'article 1, à la page 1, du projet de loi C-48, et cetera, qui devait être mis aux voix. Ensuite, le sénateur Stratton est intervenu pour dire que cette motion pouvait faire l'objet d'un débat, et voilà où nous en sommes maintenant.
Sénateur Cowan, je ne vois pas la pertinence de votre rappel au Règlement, étant donné tout ce qui a précédé.
Le sénateur Cowan : Quelle est votre décision au sujet du point soulevé par le sénateur Stratton? La motion du sénateur Eggleton doit-elle ou non faire l'objet d'un débat?
Le sénateur Tkachuk : S'il est question de débattre de ce point, je me permets de vous faire remarquer que j'ai commencé à parler avant que le sénateur Eggleton ne propose sa motion. Par conséquent, j'estime que sa motion était irrecevable. C'est moi qui ai le droit de parler. Le sénateur Stratton a commencé à parler, et il était donc prêt à faire son intervention.
Le président : Pour le moment le comité est saisi d'une seule question, à savoir si le sénateur Stratton a raison de dire que cette motion peut faire l'objet d'un débat. Si c'est le cas, cette question peut automatiquement faire l'objet d'un débat. Sénateur Stratton, voulez-vous ajouter quelque chose?
Le sénateur Stratton : Où en sommes-nous? J'aimerais que vous nous disiez où nous en sommes maintenant. Je n'ai pas besoin d'une autre interprétation.
Le président : Il faut d'abord conclure le débat sur l'amendement. Sénateur Eggleton, selon Beauchesne, il n'est pas permis de poser la question préalable en comité plénier, ni en quelque comité que ce soit, et le débat doit prendre fin avant que vous ne puissiez proposer une motion de mise aux voix.
Le sénateur Stratton a déclaré que votre motion peut faire l'objet d'un débat. Si tel est le cas, je suppose qu'il va vous demander de vous reporter à ce commentaire de la jurisprudence parlementaire de Beauchesne.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que la motion proposant la mise aux voix peut faire l'objet d'un débat?
Le président : Il a posé la question préalable.
Le sénateur Eggleton : J'ai demandé la mise aux voix.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cette motion peut-elle faire l'objet d'un débat?
Le président : Comme vous le voyez, le débat n'est pas encore terminé.
Le sénateur Eggleton : Le temps de parole du sénateur Tkachuk était écoulé. Comme votre décision a été modifiée par le comité, je soumets que la limite de 15 minutes s'applique, et le fait est que ses 15 minutes sont déjà écoulées depuis longtemps.
Le sénateur Trenholme Counsell : Et quelle est la règle concernant...
Le président : Le sénateur Stratton a demandé la parole.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'était longtemps après. Nous n'avons pas encore fini de discuter de la motion du sénateur Eggleton.
Le sénateur Stratton : Nous sommes maintenant à la page 12.
Le président : Sénateur Stratton, vous avez...
Le sénateur Stratton : Quand j'aurai commencé à parler, vous pourrez commencer à chronométrer mes 15 minutes :
5. Premier au chapitre de l'éducation et du savoir-faire
Les représentants de la génération du baby-boom étant au seuil de la retraite, une main-d'œuvre qui représentera une partie moins importante de la population devra soutenir une population croissante de personnes âgées qui devront davantage compter sur les soins de santé publics, sur les régimes de retraite et sur d'autres programmes sociaux. Compte tenu de cette réalité, nous devons veiller à ce que chaque Canadien soit en mesure de réaliser son plein potentiel.
Parmi les pays du G-7, le Canada compte la plus forte proportion de citoyens ayant une formation post- secondaire. Mais nous affichons aussi des faiblesses importantes, notamment un taux excessif d'abandon des études secondaires, en particulier parmi les garçons et les jeunes autochtones, un faible taux d'embauchage d'apprentis dans les métiers spécialisés, des problèmes persistants d'accès à l'éducation post-secondaire et une performance inégale parmi les employeurs des secteurs public et privé en ce qui concerne l'encouragement et le financement de l'apprentissage continu.
Au niveau post-secondaire, le gouvernement a priorisé le financement accru de la recherche-développement au cours des dernières années, ce qui aide les établissements d'enseignement post-secondaire à attirer et à retenir des professeurs et des chercheurs de valeur. Cependant, le Canada a connu moins de succès jusqu'à maintenant pour ce qui est de l'accroissement du taux de commercialisation des résultats de ses recherches.
Ce que feront les compagnies et les secteurs d'industries existants avec les résultats des recherches canadiennes jouera un rôle important afin de déterminer ceux qui grandiront et ceux qui diminueront dans les décennies à venir. Afin d'assurer une croissance saine de notre économie dans son ensemble, le Canada doit aussi être plus créatif et plus déterminé à encourager de nouvelles entreprises du savoir et le développement de nouveaux secteurs d'affaires.
6. Premier au chapitre de l'immigration et de l'intégration
Exploiter au maximum notre bassin de compétences actuel ne suffit pas. L'économie canadienne a toujours su compter fortement sur l'immigration, ce qu'elle continuera de faire pour la totalité de la croissance nette de sa main-d'œuvre au cours des prochaines années. Entre-temps, d'autres pays commencent à fournir une concurrence plus vigoureuse à ce chapitre.
Le Canada doit veiller davantage à inciter les personnes de talent à s'établir ici et à permettre aux immigrants de réaliser leur plein potentiel au sein de notre économie. La société ouverte et diversifiée que nous avons bâtie procure au Canada un avantage concurrentiel réel au sein de l'économie mondiale, mais nous ne devons pas prendre cet avantage pour acquis.
Nous devons offrir davantage que des portes ouvertes. Nous devons faire du Canada la destination de prédilection des gens de talent ayant des compétences, de l'énergie et de la motivation. En tant que dirigeants d'entreprises canadiennes, nous sommes déterminés à faire notre part pour solidifier notre réputation en tant que pays comme étant un endroit de grandes possibilités.
VERS UNE NOUVELLE STRATÉGIE NATIONALE
La mondialisation a été bonne pour le Canada. Dans les années 1980 et 1990, la volonté de notre pays d'ouvrir son économie a entraîné une vague d'innovation et de créativité dans le secteur privé.
C'est ce qu'on appelait le libre-échange.
L'engagement simultané d'observer une politique financière et monétaire rationnelle a favorisé une croissance plus rapide et durable; cette tendance a été accentuée par la diminution des taux d'imposition au cours des cinq dernières années.
La poursuite de l'évolution de l'économie mondiale, cependant, pose de nouveaux défis pour chacune de nos industries. L'abondance de ses ressources naturelles, son assise technologique avancée, sa main-d'œuvre hautement qualifiée et sa société diversifiée et ouverte font que le Canada peut être un modèle de réussite post- industrielle. Sous plusieurs aspects, nous faisons déjà l'envie du reste du monde, mais nous ne pouvons prendre cette situation ou ses avantages pour acquis.
Pour réaliser son potentiel, le Canada doit dépasser de manière décisive le stade actuel de suffisance et de manque de direction dont il fait preuve. Nous devons, collectivement, élaborer une vision de ce nous voulons que le Canada soit d'ici 2010 et 2015, établir un consensus large à l'égard de cette vision et mettre en œuvre une stratégie cohérente en vue de la concrétiser.
Ce qui importe vraiment pour les Canadiens, ce n'est pas la position des partis politiques dans les sondages d'opinion dans les cinq prochaines minutes, mais plutôt le genre de pays dont hériteront les enfants de la prochaine génération, quel genre de travail feront-ils et quelle sorte de vie auront-ils. Il y a cinq ans, le Conseil canadien des chefs d'entreprise s'est donné comme but incontournable de faire du Canada « le meilleur endroit au monde où vivre, travailler, investir et prospérer ». À l'aube de la prochaine étape de nos efforts constants en vue de réaliser ce but, nous espérons que d'autres intervenants se joindront à nous afin de hisser le Canada au premier rang.
Ce document est signé par le Comité exécutif du Conseil canadien des chefs d'entreprise en date du 28 juin 2005, soit Richard L. George, président du Conseil d'administration; Dominic D'Alessandro, vice-président; Paul Desmarais, Jr, vice-président; Jacques Lamarre, vice-président; Thomas d'Aquino, chef de la direction et président; Gwyn Morgan, vice-président; et Gordon Nixon, vice-président.
Me reste-t-il du temps? Oui, il m'en reste. Merci.
Et voici les dépenses annoncées depuis l'allocution du premier ministre prononcée devant la nation. Le ministère de l'APECA, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Emploi des jeunes, le montant est de... Excusez-moi. APECA, Entreprise Restigouche, 22 000 883 $ annoncé le 21 avril. Ressources humaines et Développement des compétences, Emploi des jeunes, 49 millions de dollars, annoncé le 21 avril. APECA, Nouveau- Brunswick, 30 millions de dollars, annoncé le 21 avril. APECA, usine au Nouveau-Brunswick, 100 millions de dollars, annoncé le 21 avril. Travail et Logement, logement pour les Autochtones, 40 300 000 $, annoncé le 21 avril. Variety, Windsor-Detroit Gateway, 129 millions de dollars, annoncé le 21 avril. Ministère du Patrimoine canadien, traduction d'oeuvres littéraires canadiennes, 500 000 $, annoncé le 21 avril. APECA, Centre de congrès à Summerside, Île-du- Prince-Édouard, 1 500 000 $, annoncé le 22 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, South Dundas, 75 497 $, annoncé le 22 avril. APECA, Restigouche, 22 883 $, annoncé le 22 avril. APECA, parc dans la circonscription de Kings-Hants, 67 397 $, annoncé le 22 avril. Travail et Logement, réduction des taux d'intérêt, SCHL, 200 millions de dollars, annoncé le 22 avril. Patrimoine canadien, Productions Igloolik Isuma, 50 000 $, annoncé le 22 avril.
Le président : Il y a un rappel au Règlement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne sais pas si le sénateur Stratton parle du bon projet de loi, parce qu'il mentionne toutes sortes de postes budgétaires qui concernent l'APECA et qui ne semblent donc pas être pertinents dans le contexte du projet de loi C-48. Il a énuméré une longue liste de dépenses qui seront engagées par l'APECA.
Le sénateur Stratton : À mesure que j'énumère les différentes dépenses, je constate qu'il y en a qui sont tout à fait appropriées. Par exemple, nous parlons d'emploi des jeunes et de formation professionnelle. Nous parlons aussi de logement pour les Autochtones. Donc, ces dépenses sont tout à fait appropriées. Il est aussi question de Travail et Logement, et d'une réduction des taux d'intérêt, par exemple. Ce sont des dépenses tout à fait appropriées à mentionner.
Le sénateur Harb : Certaines le sont.
Le sénateur Stratton : Certaines dépenses sont directement rattachées à ce projet de loi.
APECA, Cornerbrook Economic Development Corporation, 42 555 $, annoncé le 22 avril. Environnement, Parcs Canada, 315 millions de dollars, annoncé le 22 avril. Travail et Logement, Banque alimentaire de London, 45 000 $. Industrie Canada, Programme des chaires de recherche du Canada, 99 millions de dollars, annoncé le 22 avril. APECA, Initiative de marketing du tourisme en Atlantique, 4 millions de dollars, annoncé le 25 avril. APECA, sector de l'écotourisme à St. Stephen, 223 000 $, annoncé le 25 avril. APECA, Parc des arts et de la culture (Quispamsis), 488 284 $, annoncé le 25 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, programmes d'aide à l'emploi, 269 045 $. APECA, Centre de loisirs régional de Port George, 27 945 $. Développement social Canada, 24 projets d'aînés en Alberta, 398 716 $, annoncé le 25 avril. Développement social Canada, Canadiens ayant des incapacités, 7 224 608 $, annoncé le 25 avril. Industrie Canada, Chaire de recherche industrielle, 1 million de dollars, annoncé le 25 avril. Fonds sur l'infrastructure municipale rurale Canada-Ontario, financement pour l'ensemble de l'Ontario, 249 millions de dollars, annoncé le 25 avril. ACDI, Croix-Rouge canadienne, en vue de l'établissement d'un programme multi-pays de prévention de la malaria en Afrique subsaharienne, 20 millions de dollars, annoncé le 25 avril. Développement social Canada, projets d'aînés au Manitoba, 219 376 $, annoncé le 25 avril. Développement social Canada, Nouveaux horizons pour les aînés, 25 000 $, annoncé le 25 avril. APECA, projet d'aménagement du quai et du secteur riverain, 127 087 $. APECA, Club nautique d'Oromocto, 42 231 $, annoncé le 25 avril. Immigration Canada, nouveaux projets de reconnaissance des titres de compétences étrangers, 68 millions de dollars, annoncé le 25 avril. APECA, Centre des marins de Yarmouth, 500 000 $, annoncé le 25 avril. APECA, remise en état de l'ancienne gare ferroviaire de Canadien-Pacifique, 529 048 $, annoncé le 25 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, initiative visant à s'attaquer à la pénurie de professionnels de la santé, 75 millions de dollars, annoncé le 25 avril. APECA, Entreprise Restigouche, 22 883 $, annoncé le 21 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Emploi des jeunes, 49 970 $, annoncé le 21 avril.
Je veux vérifier quelque chose. Je veux m'assurer d'avoir raison. Oui, c'est une répétition.
Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Se rendre au Canada, portail Internet sur l'immigration, 100 000 $.
Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Initiative des cours de langue de niveau avancé. Je me suis trompé, c'était 100 millions de dollars précédemment. Là il s'agit de 20 millions de dollars; cela a été annoncé le 25 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Plan d'action contre le racisme; 56 millions de dollars, annoncé le 25 avril. APECA, marché fermier à Dieppe; 1 250 000 $; annoncé le 25 avril. APECA, emplois d'été pour étudiants, 318 930 $. Santé Canada, Centres nationaux de collaboration, 10 millions de dollars, annoncé le 25 avril. Travail et Logement, Street Connection; 149 563 $. APECA, Centre collégial des technologies industrielles Holland, 750 000 $, annoncé le 26 avril. APECA, Village de Chipman; 219 153 $, annoncé le 26 avril. Patrimoine canadien, Festival de film de Toronto; 25 millions de dollars, annoncé le 26 avril. Environnement Canada, Parcs Canada, 60 millions de dollars, annoncé le 26 avril. APECA, encourager les jeunes à choisir l'entreprenariat comme carrière, 64 387 $. Patrimoine canadien, Société nationale de l'Acadie, 65 000 $, annoncé le 26 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2 750 personnes sans emploi à Peterborough, 770 979 $, annoncé le 26 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada; 65 personnes sans emploi à Peterborough, 93 083 $, annoncé le 26 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Saint John, YMCA/YWCA, 228 014 $, annoncé le 26 avril. Développement social, Nouveaux horizons pour les aînés, 10 000 $, annoncé le 26 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Personnes ayant des incapacités à North Bay, 202 908 $, annoncé le 26 avril. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, collectivités de Terrace Bay et Marathon; 100 188 $.
Le président : Sénateur Stratton, j'ai le regret de vous informer que vos 15 minutes sont maintenant écoulées.
Y a-t-il d'autres sénateurs qui voudraient se prononcer sur l'amendement?
Puisqu'il n'y en a pas, il est proposé par le sénateur Tkachuk :
Que le projet de loi C-48 soit modifié, à l'article 1, à la page 1 :
a) par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :
« 4 milliards de dollars. »;
b) par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :
« 5 milliards de dollars. ».
Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à voter sur l'amendement?
Des voix : Mise aux voix.
Le président : Je demande aux avis favorables de bien vouloir lever la main droite.
Je demande maintenant aux avis contraires de bien vouloir lever la main droite.
L'amendement est rejeté.
Le sénateur Cowan : Je demande la mise aux voix.
Le sénateur Tkachuk : J'ai un autre amendement à proposer à l'article 1, à la page 1. Je propose :
Que le projet de loi C-48 soit modifié...
Le sénateur Cowan : J'ai demandé la mise aux voix.
Le sénateur Tkachuk :
... à l'article 1, à la page 1, par adjonction après la ligne 26, de ce qui suit...
Le président : Sénateur Tkachuk, on a demandé la mise aux voix sur l'article 1.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais proposer un amendement à l'article 1.
Le président : Vous avez un autre amendement à proposer à l'article 1?
Le sénateur Trenholme Counsell : Il a demandé la mise aux voix d'abord.
Le sénateur Tkachuk : J'ai demandé la parole pour proposer un amendement à l'article 1. À moins que le processus démocratique ne fonctionne plus de la même manière, j'ai le droit de proposer un amendement. Nous sommes en comité.
Le président : Je ne savais pas que le sénateur Tkachuk voulait proposer un autre amendement à l'article 1. Un premier amendement a été proposé à l'article 1, nous en avons débattu, et nous avons ensuite voté. Mais je ne savais pas que le sénateur voulait proposer un deuxième amendement.
Vous avez donc un deuxième amendement à proposer au même article?
Le sénateur Tkachuk : Oui, j'ai un deuxième amendement à proposer à l'article 1, et je voudrais le proposer maintenant.
Le sénateur Ringuette : J'invoque le Règlement. Normalement les sénateurs qui veulent proposer des amendements informent le président du nombre d'amendements qu'ils comptent proposer à chaque article, pour qu'il soit au courant. Telle est la pratique suivie par ce comité au cours des deux dernières années, et je pense que nous devrions la maintenir. Peut-être le sénateur Tkachuk voudrait-il nous dire combien d'amendement il souhaite proposer à l'article 1?
Le sénateur Tkachuk : J'ai un autre amendement à proposer à l'article 1.
Le sénateur Ringuette : Donc, nous avons encore un amendement à l'article 1.
Le sénateur Tkachuk : Merci, sénateur Ringuette.
Le sénateur Eggleton : J'invoque le Règlement. On a demandé la mise aux voix, et vous étiez justement en train de mettre l'amendement aux voix. Si le sénateur Tkachuk voudrait entamer un débat sur l'opportunité de la mise aux voix, ça c'est une autre question.
Le président : Je ne veux pas être injuste envers les honorables sénateurs. Je ne savais pas du tout que le sénateur comptait proposer un deuxième amendement à l'article 1. N'étant pas au courant, et puisque le premier amendement qu'il avait proposé à l'article 1 avait été rejeté, je voulais savoir si les sénateurs voulaient adopter l'article 1. C'est pour cela que j'ai proposé la motion. Je ne savais pas qu'il avait un deuxième amendement.
Le sénateur Tkachuk : J'ai un deuxième amendement.
Le président : Je demande donc au sénateur Tkachuk de proposer son deuxième amendement.
Le sénateur Tkachuk : Merci. Je propose :
Que le projet de loi C-48 soit modifié à l'article 1, à la page 1...
Le sénateur Stratton : Pourrions-nous nous arrêter pendant quelque temps?
Le sénateur Day : Serait-il possible de parler pendant quelques minutes?
Le président : Nous allons suspendre nos travaux pendant trois minutes.
Le comité suspend ses travaux.
Le comité reprend ses travaux.
Le président : Je rouvre la séance, et je donne tout de suite la parole au sénateur Day.
Le sénateur Day : Je voudrais proposer un compromis qui va peut-être permettre d'obtenir les résultats recherchés par mes collègues d'en face en ce qui concerne leurs observations minoritaires. Je vais vous annoncer ma proposition maintenant, et je présume que nous allons ensuite voter sur les divers articles du projet de loi.
Le président : Pourriez-vous nous faire votre proposition?
Le sénateur Day : Je propose que les observations soient remises au comité directeur pour examen d'ici midi vendredi. Le comité directeur les examinerait aussitôt après pour s'assurer qu'elles prennent bien la forme d'observations normales. Nous n'avons pas l'intention d'y ajouter des remarques subjectives, mais nous avons l'intention de nous assurer qu'il s'agit bien d'observations normales, étant donné qu'il est fort peu probable qu'elles soient particulièrement favorables à ce projet de loi. Nous en sommes tout à fait conscients. La question n'est pas là. La question est plutôt que les sénateurs de l'opposition demandent au comité d'accepter quelque chose que les sénateurs de la majorité n'ont encore jamais vu. Il nous faut donc avoir la possibilité de faire cette vérification.
Si les observations n'ont pas été reçues au plus tard à midi vendredi, aucune observation ne sera annexée au rapport. Si elles sont présentées selon le format approprié, sans l'ajout de commentaires partisans, elles seront incorporées dans le rapport en annexe à titre d'observations minoritaires, et le comité fera rapport du projet de loi sans amendement.
Le président : J'ai pris bonne note de tout ce que vous avez dit, sénateur Day. Que voulez-vous dire au juste en parlant « d'observations normales »?
Le sénateur Day : C'est-à-dire que nous allons les examiner pour nous assurer qu'elles suivent bien la présentation normalement prévue pour les observations. Nous avons de nombreux exemples des formules employées pour de telles observations, par exemple « L'opposition fait remarquer ce qui suit » ou encore « Nous nous opposons au projet de loi pour les raisons suivantes », par opposition à d'éventuels commentaires incendiaires.
Le sénateur Banks : Le comité directeur est-il composé de vous-même, monsieur le président, et du sénateur Day?
Le président : Et du sénateur Downe.
Le sénateur Day a fait une proposition, et le sénateur Tkachuk voudrait peut-être réagir.
Le sénateur Tkachuk : Je crois savoir que nous accepterons cette motion après avoir terminé. Est-ce bien cela qui va se produire quand nous aurons procédé de bonne foi à l'étude article par article du projet de loi?
Je propose que les observations préparées par les sénateurs conservateurs soient remises au président du comité au plus tard le vendredi 15 juillet à midi, en vue de les annexer au rapport que déposera le président lorsqu'il fera rapport au Sénat du projet de loi C-48.
Le président : Vous avez proposé cette motion plus tôt et elle a été rejetée.
Le sénateur Tkachuk : Oui, je le sais.
Le sénateur Day : Il faudrait y mentionner que vous allez agir de bonne foi.
Le sénateur Tkachuk : Je veux justement préciser que nous allons agir de bonne foi. Nous n'accepterons aucune insinuation qui aurait pour effet de causer l'inclusion d'observations jugées non parlementaires dans ce rapport.
Le président : Ni des commentaires incendiaires.
Le sénateur Tkachuk : Non, rien qui pourrait être jugé carrément non parlementaire ou abusif. Nous ne voudrions jamais abuser — en tout cas, ne parlons pas de cela.
Le sénateur Day : Je crois que tout le monde comprend ce qu'il faut faire. Étant donné qu'il s'agit d'un rapport du Comité des finances nationales, le comité devra maintenant voter pour autoriser l'inclusion en annexe des observations en question.
Le président : C'est exact.
Le sénateur Day : Le comité indiquera, dans l'annexe, qu'il s'agit des observations d'une minorité des membres.
Le sénateur Tkachuk : Voilà. Le comité directeur aura les mêmes pouvoir que le comité plénier pour prendre des décisions à ce sujet.
Le président : Nous allons préciser qu'il ne s'agit pas des observations du comité dans son ensemble.
Le sénateur Day : Monsieur le président, si je comprends bien le Règlement — et voilà pourquoi j'ai voté contre cette motion tout à l'heure — le comité doit d'abord accepter d'annexer ces observations à son rapport.
Le président : C'est exact.
Le sénateur Banks : Les auteurs du rapport préciseront-ils qu'il s'agit des observations d'une minorité, ou encore des membres de la loyale opposition qui sont membres du comité?
Le sénateur Tkachuk : Il est préférable de parler simplement des membres de l'« opposition ».
Le président : Y a-t-il d'autres questions au sujet de la proposition du sénateur Day? Les sénateurs acceptent-ils cette proposition?
Des voix : D'accord.
Le président : C'est adopté.
Souhaitez-vous procéder maintenant à l'étude article par article du projet de loi C-48?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence dans tous les cas.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, à la prochaine séance du Sénat, dois-je faire rapport du projet de loi sans amendement, mais avec des observations en annexe?
Des voix : D'accord.
Le président : C'est adopté.
Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence. Honorables sénateurs, le comité a-t-il d'autres questions à examiner?
La séance est levée.