Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 3 - Témoignages du 10 février 2005
OTTAWA, le jeudi 10 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Bienvenue à tout le monde. Sénateur Merchant, je crois que c'est la première fois que vous êtes ici.
Le sénateur Merchant : C'est mon baptême du feu.
Le président : Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux que vous fassiez partie du comité.
Honorables sénateurs, en octobre 2004, le Sénat a donné au comité un ordre de renvoi pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Nous sommes très heureux d'accueillir M. Daniel MacInnes ce matin. M. MacInnes est un professeur bien connu du département de sociologie-anthropologie de la Saint Francis Xavier University. Il enseigne depuis 35 ans et a consacré sa vie professionnelle à étudier le caractère traditionnel unique des provinces Atlantiques du Canada.
Il a été chercheur principal ou cochercheur dans le cadre de plusieurs subventions décernées par le Conseil de recherches en sciences humaines. Toutes ces études traitaient en partie de la pêche et des collectivités. L'expertise de M. MacInnes couvre aussi les pêches régionales comparatives, ce qui sera particulièrement utile au comité dans l'examen des juridictions qui y ont travaillé et dans l'étude des décisions dont est saisi le gouvernement du Canada concernant la question de la répartition des poissons et le régime de gestion.
Monsieur MacInnes, je vous souhaite la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre votre exposé qui sera suivi par une série de questions et de réponses.
M. Daniel MacInnes, professeur, Département de sociologie-d'anthropologie, Université Saint Francis Xavier : Merci, sénateur Comeau. C'est un vrai plaisir et un honneur d'être ici en tant que citoyen du Canada et d'universitaire. C'est assez satisfaisant de pouvoir présente son propre travail à un organisme lié au pouvoir, et c'est justement sur cela que je veux mettre l'accent.
Pour me préparer pour cette journée, j'ai consulté les précédents témoignages présentés au comité sur cette question et j'ai revu vos travaux sur la question du QIT. J'ai relu le travail d'élaboration des politiques fait par le ministère des Pêches et des Océans en 1977 quand des représentants de ce ministère ont rencontré des collectivités et leur ont prétendument présenté une série de propositions sur le besoin de changer les politiques.
Puis, j'ai passé un peu de temps à consulter la politique en vigueur. Je ne devrais pas utiliser le mot « consulté ». Les notes sont assez éloquentes à ce sujet. À ce moment, j'ai consulté le rapport Pearse-McRae intitulé « Traités et transition : Vers une pêche durable sur la côte du Pacifique du Canada ». J'ai lu les parties pertinentes, celles du début. J'ai lu la réponse faite dans le rapport Ecotrust intitulé « Catch 22 : Conservation, Communities and the Privatization of BC Fisheries, » un excellent rapport qui répond pertinemment et en détail aux positions présentées par le professeur Pearse.
J'ai ensuite lu les commentaires du groupe Fundy impliqué dans toute la question de la cogestion.
Après avoir lu tout cela, commencé ce travail en 1968 et voyagé autour du monde en réfléchissant à ces questions et en faisant des recherches, je me suis demandé ce que je devrais dire. Je n'ai pas écrit ma réponse, surtout parce que l'écriture m'occupe beaucoup en ce moment même.
Je vais présenter mon exposé en me fondant sur des notes que j'ai prises et je ferai quelques commentaires.
Je pense que pour les Canadiens, la vie rurale a une importance particulière. Je pense que depuis trop longtemps nous avons accepté l'idée que les impératifs économiques videront les zones rurales. En fait, aujourd'hui même, il y a une course entre la Saskatchewan et Terre-Neuve, une dans l'agriculture, l'autre dans les pêches, alors que des gens quittent ces provinces en raison du manque de travail ou de la nature du développement agricole ou de celui de la pêche est telle qu'il y a moins de travail.
Je pense que les collectivités côtières sont un cas particulier, car la différence dans nos modes de vie imposés par l'exclusion est quelque chose que nous devons comprendre en tant qu'êtres humains. Il est curieux que d'une part, nous comprenons la différence linguistique, évidente ici à Ottawa. C'est la raison pour laquelle, une visite de cette ville est un vrai plaisir, voir le français et l'anglais utilisés partout et si facilement. La différence non seulement linguistique, mais aussi culturelle est globalement perçue comme quelque chose de très positif. Pourtant, d'autre part, nous permettons à notre système économique de diminuer la différence aux niveaux professionnel et culturel.
Les régions à ressources économiques restreintes ont une capacité de conservation de la culture, de conserver des façons de faire les choses n'allant pas de paire avec l'efficacité offerte aux secteurs de la production industrielle et des industries de services évolués qui sont très numérisés, informatisés, etc.
Je crois que nous devons garder cela à l'esprit : nous parlons d'une possibilité à ce moment de l'histoire de faire valoir les habitants des zones rurales par le biais des collectivités côtières. C'est une occasion importante, car nous pouvons réaffirmer la démocratie d'une nouvelle façon. La démocratie doit être réinventée. On en parle beaucoup au sein de la Communauté européenne. Partout dans le monde, on parle de la représentation proportionnelle. Toutes ces discussions visent à renouveler la démocratie. Cette question, quand elle concerne les zones rurales, constitue une occasion magnifique.
Je tiens à souligner que les collectivités rurales ne sont pas à l'abri du problème de la mondialisation; les collectivités rurales ont, entre elles, plus de points communs qu'avec les métropoles. Je crois vraiment que l'Islande a beaucoup plus de points communs avec les petits villages isolés de Terre-Neuve que les Terre-neuviens en ont avec des gens d'Ottawa ou de Toronto, même si leurs langues sont différentes. Leur réalité et leur culture sont différentes, tout comme leur vie économique. Il faut comprendre cela.
J'ai lu que le MPO juge que 136 ans de Loi sur les pêches ou une série de lois sur les pêches sont désuètes et doivent être modernisées. Ce n'est pas les politiques sur les pêches qu'il faut moderniser; il faut plutôt moderniser le MPO. Il constitue un anachronisme et existe depuis que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a été édicté pour la première fois.
Quand le Canada est devenu une nation en 1867, les océans indiquaient nos frontières et formaient le maillon fort de nos liens avec la Grande-Bretagne et les Antilles avec, par exemple, le commerce du poisson. Le commerce du poisson était le fondement de notre richesse.
Ce n'est plus le cas depuis très longtemps. Les pêches ont été placées sous l'autorité du gouvernement fédéral à cause de leur importance capitale comme source de richesse pour la nouvelle nation. Mais, puisque ce n'est plus le cas, nous avons aujourd'hui un ministère sous l'autorité du gouvernement fédéral et qui est très éloigné des collectivités avec lesquelles il fait le plus affaire. Le problème, c'est que le ministère n'a pas de comptes à rendre.
La reddition de comptes au Canada existe dans d'autres édifices aux alentours. Par exemple, l'affaire entourant le scandale dont M. Chrétien parlait hier. Cette question est très importante ainsi que l'indiquent les journaux; tout le monde en parle parce qu'elle est liée à la question du Québec et de la Confédération. On en parle énormément. Mais, la disparition des poissons dans l'océan Atlantique ne ferait pas la une des journaux. Voilà ce que je veux dire quand je déclare que le MPO n'a pratiquement pas de comptes à rendre. Le pouvoir de faire de la politique existe et pourtant il n'y a pas de pouvoir législatif pour contrôler le MPO. Le pouvoir législatif visant à contrôler d'autres ministères est très fort, on le voit bien dans le discours de la nation. J'estime que le MPO est anachronique parce qu'il reflète la mentalité de 1867, pas celle d'aujourd'hui. C'est mon premier point.
Mon deuxième point, c'est que la mentalité économique au sein du MPO est désuète. Pendant longtemps, les habitants du Canada Atlantique ont été insultés par l'idée présentée à maintes reprises par le MPO que nous avons une pêche associée à l'aide sociale. J'ai été choqué l'autre jour par les propos de M. Bevan déclarant au comité que l'assurance-chômage est encore une question majeure dans la pêche. Est-il au courant de la situation? Les pêcheurs de homard gagnent 50 000 dollars en quelques semaines. Les pêcheurs de crabe peuvent faire 100 000 dollars en dix jours. Ils ne s'inquiètent pas de leur assurance-chômage. Ce n'est pas cela dont il s'agit du tout. On ne peut plus utiliser les vieilles questions sociales. Cet argument est mort. Il y a une nouvelle pêche dans le Canada Atlantique.
L'autre argument que l'on nous répète constamment, c'est que les QIT sont la solution miracle et qu'ils règleront tous les problèmes. C'est un argument strictement économique, pas un argument de préservation. Nous avons constaté maintes fois que cet argument est économique.
C'est la réponse à toute une série de mesures qui ont échoué. Je les énumérerai brièvement. La première, c'est la réinstallation. Je ai rencontré ce problème à Terre-Neuve quand j'étais étudiant de troisième cycle en 1968. C'est là que j'ai fait mes premières armes en sociologie rurale. J'aime Terre-Neuve. J'avais environ vingt ans et je venais de terminer deux années d'enseignement d'école secondaire à St Johns et je pensais que les Terre-neuviens étaient les meilleures personnes au monde à l'exception des Cap Bretonnais.
Terre-Neuve avait quelque chose de très captivant car c'était si différent. Déjà à l'époque, j'avais vécu dans plusieurs villes du Canada et des États-Unis. J'ai vu grandir l'idée que les gens quitteraient Terre-Neuve parce que les collectivités n'étaient pas économiquement rentables. Nous nous souvenons tous de ce genre d'expérience. Je pense que beaucoup d'entre nous pourrons s'en rappeler, au moins sous la forme d'un gros titre de journal.
Il y a eu ensuite toute la question du régime général de droit de permis. Ce qui signifiait en gros que nous allions licencier tous les employés à temps partiel. J'étais membre d'un comité à cette époque. J'étais le représentant universitaire auprès des pêcheurs pour retirer des permis de catégorie B.
Je n'oublierai jamais une interview avec un vieil homme à Antigonish. Il est décédé depuis. Il disait « j'ai quitté la ferme aujourd'hui. J'avais trois vaches. J'avais quatre garçons. Deux sont morts à la guerre. Je pêche des maquereaux pour m'en servir d'appât et ils veulent me retirer mon permis parce que je ne suis pas pêcheur à temps plein. Si je ne peux pas avoir du maquereau pour mon appât, je dois acheter l'appât et puis ce ne sera plus rentable pour moi d'aller pêcher le homard. Et si je ne peux pas faire cela, je n'aurai pas d'argent. Je pense avoir apporté ma contribution au Canada. Pour quelle raison le Canada veut-il me retirer ce permis? »
À mon avis, à cette époque comme aujourd'hui, il y a une attaque inlassable contre l'idée que si la pêche fait partie de votre vie, vous n'êtes pas un pêcheur professionnel et vous ne devriez pas travailler dans la pêche. Puisqu'il y a trop de personnes qui pêchent trop de poisson, essayons d'éliminer le nombre de personnes qui pêchent.
Je ne peux pas m'étendre trop longtemps là-dessus. Je me presse, car je viens de penser à d'autres genres d'attaques lancées à la même époque. Permettez-moi de résumer.
La mentalité économique du MPO est très bien établie et ses effets sont très négatifs sur les collectivités rurales, sur les collectivités côtières.
Le MPO est en train de renaître. Depuis 1992, il a perdu la morue sur la côte Est. Il est en train de perdre le saumon sur la côte Ouest. Il n'y a plus de recherches scientifiques au MPO. À l'époque, les recherches au MPO étaient toutes d'abord axées sur les poissons à nageoires. Les homards et des crabes ne faisaient l'objet d'aucune recherche. Il n'y avait que des études sur les poissons à nageoires. On s'est rendu compte, au MPO, que faire des études sur une seule espèce était stupide. Ils auraient dû le savoir. Ils le savaient. Il y a longtemps, nous les avons traités d'idiots. Le monde ne fonctionne pas de cette façon. On ne peut pas s'arrêter à une seule espèce. Ce serait comme étudier le hockey et ne voir que trois choses — le patinage, l'anticipation et quelque chose d'autre — et passer tout le temps à parler de l'anticipation. À quoi servirait l'anticipation si vous ne pouvez pas patiner.
Il ne sert à rien d'étudier des poissons à nageoires et d'ignorer le reste de l'écosystème; il est particulièrement inutile d'étudier la morue et l'aiglefin comme s'ils n'avaient aucun lien avec le reste de l'océan. Ces études n'ont mené à rien. Elle ont lamentablement échoué; pas parce que les scientifiques n'ont pas fait leur travail, mais seulement à cause du contexte, à cause de la volonté d'opérationnaliser une étude qui passait à côté des éléments pertinents.
Les études scientifiques ont cessé. Le MPO les a abandonnées. Que vont-ils faire? Ils se tournent vers des spécialistes comme moi. C'est très dangereux. Car des spécialistes, il y en a. Je suis un spécialiste de gauche. Il y a des spécialistes de droite, des spécialistes du milieu rural. Il existe toutes sortes de spécialistes, à vous de choisir. Et le pire, ce dont vous a avertis celui qui se tient face à vous, c'est que les spécialistes comptent parmi les retraités du MPO. Ils ont, non seulement, eu un premier essai, mais en revenant ils ont en droit à un second. C'est incroyable.
En outre, on s'intéresse aux crustacés parce qu'il y moins de poissons à nageoires et avec les crustacés, la question des zones côtières réapparaît. Quel changement. La politique précédente avait divisé les zones côtières, voilà qu'elles renaissent de leurs cendres. Pour quelle raison? Parce que les poissons à nageoires ne mangent plus les petits homards, les crabes et les crevettes; au contraire, ces espèces se multiplient dans le nouvel environnement. Par conséquent, les crustacés ont pris de la valeur.
Est-ce une histoire qui finit bien? Non. Que va faire le MPO? Il veut contrôler ces gens et les réorganiser. Pour quelle raison? À cause de l'échec — pas assez d'argent pour la surveillance ni pour autre chose — et ils prétendent que les gens sont pour cette réorganisation.
Bien sûr, il y en a qui sont pour — ceux qui se sont enrichis, ceux qui, à mon avis, détiennent des permis, les ont collectionnés grâce à la politique du MPO. Ces gens-là ne veulent pas que d'autres pêcheurs viennent s'ajouter à leurs rangs.
Je terminerai par la mise en vigueur de la RPPA — la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. La lecture que j'en ai faite m'a vivement inquiété. Si je ne devais dire qu'une seule chose aujourd'hui, ce serait que vous mettiez fin à ce processus.
Au nom de beaucoup de personnes avec lesquelles j'ai travaillé au fil des ans, j'apprécierai beaucoup que vous ne ménagiez aucun effort pour empêcher l'application de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, car on parle de l'appliquer. Comme le souligne le rapport « Catch 22 », dans les années 90, beaucoup de réformes importantes apportées dans la pêche en Colombie-Britannique constituaient un obstacle pour les collectivités; en effet, les solutions devinrent une partie du problème. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Quand j'étais en Nouvelle-Zélande en 1986-1987 lors de l'application des QIT. Je suis allé dans l'île du sud et à mon retour dans l'île du nord, ils étaient prêts à appliquer les QIT. Je me suis rendu compte que le ministère de l'Agriculture et des Forêts faisait du pêcheur néo-zélandais un élément dans un mode de la théorie des jeux.
Cela signifie que les pêcheurs doivent respecter un TAC, un total autorisé des captures, déterminé une fois que la décision de l'allocation des quotas sera prise. Les pêcheurs devaient choisir : soit ils continuaient à pêcher soit ils acceptaient une indemnité forfaitaire. S'ils continuaient à pêcher, si tout le monde faisait de même et si le TAC diminuait de beaucoup, on se retrouvait avec rien du tout. Il était donc préférable de ne pas dévoiler ses intentions à son voisin, car si tous les autres abandonnaient la pêche, la personne qui continuait à pêcher se retrouverait avec un bon TAC.
Ils ont appliqué à fond la théorie des jeux pour se débarrasser de pêcheurs. Ils espéraient que les pêcheurs seraient pris de panique, abandonneraient la pêche et accepteraient la récompense, car dès qu'ils acceptent la récompense, ils ne pêchent plus.
Nous affrontons une situation similaire dans nos collectivités. Si l'examen de la politique est adopté, les détenteurs de permis de pêche de crabes, qui envoient aujourd'hui d'anciens fonctionnaires du MPO aux audiences sur la délivrance de nouveaux permis, essaieront de limiter le nombre des nouveaux permis parce qu'ils ne savent pas s'ils devront assumer les coûts de la recherche ou des quais — vue que le MPO ne s'en occupe plus; tout cela devra fait par les pêcheurs.
Par conséquent, je pense que, comme en Nouvelle-Zélande, les pêcheurs seront pris de panique. Ils penseront que les personnes, qui négocient ou les bénéficiaires de permis gratuits et d'allocations valant aujourd'hui des millions, seront très inquiètes.
Finalement, je vais dire un mot sur l'Islande. Je suis allé en Islande en 1992 pour assister à des conférences pendant deux ou trois semaines. Nous avons eu un très bon aperçu de la situation. C'était vraiment terrible, car en Islande, à cause du prix très élevé des boissons alcoolisées, les gens sortent aux alentours de minuit et ont déjà beaucoup but.
Ce qui était si merveilleux et si triste à la fois, c'est que quand les Islandais chantent — et ils chantent beaucoup, ils ne sont pas pires que les Galois mais ils chantent beaucoup — ils commencent par tout vous raconter sur les collectivités. Ils nous ont dit, aux séances du lendemain, que ces collectivités n'ont plus de moyens de subsistance. Quand les QIT ont été appliqués, les collectivités avaient le choix entre le chalutier-usine frigorifique ou les petits navires individuels. Ces derniers étaient souvent en concurrence avec les chalutiers-usines frigorifiques dans les fjords où ils avaient des droits de pêche, car les résidents des fjords voisins avaient décidé de plus pêcher et remis toutes leurs allocations aux chalutiers-usines frigorifiques afin que ceux-ci pêchent pour eux.
Donc, il y a une concurrence entre des petits pêcheurs et des grandes sociétés, une situation que nous connaissons bien dans le Canada atlantique. C'est ce qui s'est passé chez nous. Nous avions en quelque sorte deux flottes, mais nous ne faisions pas de différence entre les transformateurs et les pêcheurs. Donc, les transformateurs enregistraient des pertes sur les prises et transféraient les bénéfices dans d'autres secteurs afin de maintenir le prix du poisson à un niveau bas.
Cette situation a mené à ce que je considère être une très mauvaise raison d'appliquer, vu les circonstances présentes, l'examen de la politique dans le Canada atlantique. Je pense que pour beaucoup de communautés rurales ce sera le coup de grâce qui s'ajoutera à toutes les crises de ces dernières années. Je vous prie de m'excuser d'avoir dépassé mon temps de parole.
Le président : Professeur, ce fut un plaisir de vous écouter et je pense que nous aurions pu continuer. Nous allons tenter de le faire en vous posant des questions.
Vous avez mentionné tout à l'heure que les Terre-Neuviens et les Cap-Bretonnais étaient des gens merveilleux. Je vous présente notre prochain questionneur, le sénateur Hubley, originaire de la grande province de l'Île-du-Prince- Édouard où les gens sont aussi très sympathiques.
Le sénateur Hubley : Merci beaucoup, monsieur le président. J'espère ne pas avoir interrompu vos louanges de l'Île- du-Prince-Édouard. Si vous voulez continuez, je vous prie de ne pas hésiter.
Au nom de beaucoup de membres du comité qui, non seulement s'intéressent à la pêche, mais qui défendent beaucoup de régions, dont ils sont originaires, confrontées à des problèmes qui nous semblent peut-être injustes, pouvez-vous nous dire ce qui se passe quand des personnes d'une collectivité perdent le contrôle de leurs moyens de subsistance. Comment réagissent les gens lorsque quelqu'un d'autre leur dit quand et comment ils doivent pêcher et quelle espèce de poissons ils doivent pêcher? Et quand ils ne travaillent pas, on les pénalise une fois de plus. Qu'on le veuille ou non, ils sont stigmatisés par l'assurance-emploi.
`Vous avez fait une belle description des gens de Terre-Neuve, de leur résistance, leur force et leur caractère. Combien de temps cela va-t-il durer? Pendant combien de temps encore nos collectivités côtières pourront continuer à ne pas recevoir une part de la richesse du Canada?
M. MacInnes : En fait, je voulais apporter aujourd'hui le travail que nous faisons sur les communautés côtières dans la province de la Nouvelle-Écosse au sujet de l'épuisement sur les quais que nous essayons de mesurer. Depuis que les quais sont administrés par les collectivités — quel beau cadeau — et administrés bénévolement, elles souffrent d'épuisement.
Votre question soulève toute une gamme d'autres relations qui ont disparu. Il existe probablement une phase d'autodestruction des communautés avant qu'elles ne disparaissent. Canso, en Nouvelle-Écosse, est le cas type et ce n'est pas le seul. L'autre jour, j'ai vu les chiffres pour avoir une idée du rapport de dépendance. Je ne vois pas comment ces collectivités peuvent survivre si ce rapport continue à augmenter. Je peux le constater dans les parcs pour caravanes autour d'Antigonish. Ils sont remplis de personnes âgées venant du comté de Guysborough et de mères célibataires, cela est en grande partie dû à la centralisation des services sociaux. Tout est centralisé, même les chasse-neige. Il n'y a pas suffisamment de fonds pour tout cela. Une personne des îles Shetland avait comparé l'économie rurale à un tabouret à trois pieds, si vous retirez un pied, vous ne pouvez plus asseoir.
Nous sommes plus fragiles du point de vue économique. Il y a des années que les gens utilisent toutes sortes de stratégies, y compris le déménagement, mais les collectivités se désintègrent parce qu'il faut quand même un minimum de gens; le niveau des services est au minimum. Comme vous le savez, nous n'avons plus de bureaux de poste. Vous êtes au fait des services qui ont été supprimés dans l'Île-du-Prince-Édouard.
Notre sujet de discussion dépasse le domaine de la pêche, mais les pêches sont la raison pour laquelle nous devons être présents là-bas. Si nous n'avions pas commis d'erreur, il y aurait encore des poissons à nageoires. En fait, cette ressource aurait été toujours présente. Durant le vol pour venir ici hier, un passager qui travaille pour le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire se déplaçait de Halifax à Ottawa à la demande du MPO pour parler de la qualité de la transformation. La qualité de la transformation du poisson est un sujet dont on aurait dû parler il y a longtemps.
Si nous avions utilisé les morues dans une pêche côtière, au lieu de les laisser mourir et pourrir au fond d'un bateau puis de les vendre sous forme de bâtonnets à Boston, nous aurions du poisson et des ressources aujourd'hui. Je ne suis pas tout à fait certain que notre gouvernement n'a pas bradé nos droits de pêcher ces poissons à d'autres pays.
Je me demande pourquoi ces pays sont restés si longtemps là-bas à pêcher autant de poissons. Je me le demande vraiment. Je crois mentionner, dans l'un des documents que j'ai envoyé au comité, qu'ils disaient, il y a 100 ans, qu'il serait impossible d'épuiser les stocks de ces poissons. Je répondrais que c'est possible, les gens des zones rurales sont en train de disparaître et disparaîtront plus rapidement. Le facteur démographique est quelque chose qui existe. Le point de non-retour existe aussi. Il n'y a pas de renouvellement de la population aujourd'hui au Canada et la situation est pire dans les zones rurales. Vous devez étudier cette question.
Le sénateur St. Germain : Bienvenue, monsieur le professeur. Je suis tout à fait avec votre appréciation de Terre- Neuve. J'ai été président national d'un parti politique national et j'ai toujours eu l'occasion de rencontrer, lors de mes déplacements à Terre-Neuve, les gens les plus sympathiques au monde. J'ai passé quelque temps à Frenchman's Cove et dans d'autres petites communautés. Les gens sont vraiment intéressants et sincères.
Vous vous êtes décrit comme étant de gauche, quant à moi je suis de droite. Comment pouvons-nous ignorer l'économie? C'est impossible, car il y a de jeunes enfants dans ces collectivités. Nous avons, de notre propre aveu, commis des erreurs au sujet des poissons à nageoires. Comment pouvons-nous conserver ces collectivités rurales? Je suis originaire du Manitoba et je vis en Colombie-Britannique à présent. Je vois la situation en Saskatchewan, comme vous l'avez si bien décrite. L'économie ne peut pas être ignorée. L'assurance-chômage et toute forme d'aide du gouvernement ont un effet abrutissant sur les individus. En tant que membre du Comité des affaires autochtones, j'ai pu voir toute une société pratiquement être obligée de recevoir l'aide sociale suite à une politique gouvernementale non partisane puisqu'elle demeure la même d'un gouvernement à l'autre.
Comment pouvons-nous sauvegarder ces collectivités rurales en tant que besoin fondamental au bien-être du pays si nous ne pouvons pas nous appuyer sur des fondements économiques? À moins que j'ai mal compris, comment survivent-elles?
M. MacInnes : C'est une excellente question. Il faut aborder cette question de deux façons. D'une part, je conviens qu'au sein d'une société, des générations qui reçoivent de l'aide sociale peuvent avoir toutes sortes de répercussions négatives. Le facteur économique est évident. D'autre part, la situation que nous traversons aujourd'hui n'est pas nécessairement permanente. En examinant notre situation économique, il faut dire que les chalutiers-usines frigorifiques sont de merveilleux outils de productivité; la productivité est toujours concentrée et la richesse est toujours concentrée. C'est la règle générale — Marx avait raison. Vous ne pouvez pas réfuter Marx sur ce point. Tout le monde s'accorde à dire que la richesse est concentrée. Cependant, les chalutiers-usines frigorifiques servent difficilement à permettre au fonds de se reproduire. Malheureusement, le MPO n'a pas fait d'études à ce sujet. Le gouvernement canadien a prohibé la pêche par chalutier pendant dix ans de 1928 à 1938, après la Commission royale MacLean, et nous n'avons même pas étudié cette question.
Quelque chose d'efficace au point de vue économique peut être catastrophique au point de vue environnemental. Cela est souvent le cas. Ma question est la suivante : à quel degré les zones rurales sont-elles les garantes de façons de vivre qui pourraient redevenir nécessaires? Prenez l'exemple de ce qui s'est passé dans l'ouest du Canada avec l'ESB.
Il paraît parfaitement logique de nourrir des vaches avec des vaches mortes pour les engraisser rapidement. Ça paraît logique au point de vue économique. Toutefois, l'ESB se manifeste et tout change soudainement.
Les gens qui vivent dans les zones rurales ont des modes de vie et d'autres activités qui vaudraient la peine d'être envisagées pour déterminer comment ajouter de la valeur au poisson et comment élaborer d'autres stratégies efficaces. Je ne pense pas que ces éléments aient été considérés. La seule question était de savoir comment attraper le poisson et le commercialiser quelle que soit la qualité, tant que c'était fait aussi vite que possible avec le plus de profit possible à court terme.
En outre, les autres questions difficiles n'ont pas été posées. Par exemple, dans le document que j'ai remis au comité, je mentionne dans la dernière partie qu'une plus grosse somme d'argent doit être dépensée pour renforcer les capacités dans ces régions. Le renforcement des capacités dans les collectivités est étroitement lié à d'autres questions. Je demande une tolérance ou un créneau dans le capitalisme. Tout ne doit pas être taillé de la même façon.
Le sénateur St. Germain : En tant qu'homme de droite, je suis d'accord avec un homme de gauche. Je n'ai qu'à regarder les senneurs en Colombie-Britannique, où la prise fortuite est toute simplement horrible, pour me rendre compte à quel point c'est mauvais. Ils grattent carrément le fond de l'océan. Au sujet de la pêche du hareng, beaucoup de gens m'ont dit que l'épuisement des stocks du saumon sauvage est dû au fait que leur alimentation a été gravement perturbée. À une époque, il y avait énormément de harengs dans le détroit de Georgie. Certains prétendent qu'il y en a encore beaucoup. Toutefois, il n'y en a plus où il y en avait, tous les pêcheurs sportifs le savent. Je conviens que les études scientifiques ont échoué lamentablement. Pensez-vous que les études sur les crabes et les homards sont menées de la même façon que pour les poissons à nageoires? C'est important, car, comme vous l'avez indiqué, des revenus de 50 000 $ ou de 100 000 $ par an ne représentent rien du tout. Il faut seulement de deux semaines à un mois pour gagner ce genre de revenu dans la pêche du homard et du crabe.
M. MacInnes : Il y a quelques études sur les crustacés à carapace molle. Ils ne savent pas si c'est à cause des chiffres, mais la population pourrait être faible. La question de crustacés à carapace molle est fort importante. Il y a le problème du taux de morbidité résultant de nouvelles conditions de l'océan. Ce genre de problème préoccupe les scientifiques — les chiffres et la méthode à suivre pour calculer le nombre de crabes.
Les compagnies pétrolières leur disent ce qu'il y a là-bas aujourd'hui, car ils n'ont pas de scientifiques qu'ils pourraient envoyer sur le terrain. Les compagnies pétrolières vont là-bas pour recueillir toutes les données de base. Elles disent aux scientifiques qu'il y a beaucoup de crabes autour des plates-formes de forage. Ces chiffres proviennent des gens qui travaillent sur les plates-formes et qui collectent ces renseignements à des fins de forage.
Le sénateur St. Germain : Peut-on comparer la privatisation de la pêche entre les côte Est et la côte Ouest?
M. MacInnes : Je suis allé en Colombie-Britannique en 1990 pour parler au syndicat. On m'avait invité à parler des QIT en Nouvelle-Zélande. J'ai été franchement surpris. Je ne suis pas très au courant de ce qui se passe sur la côte Ouest et je me suis rendu compte de mon ignorance de leurs problèmes qui sont très différents.
Le président : L'une des merveilleuses choses dans ce comité, c'est que les personnes de droite peuvent être d'accord avec celles de gauche et aussi avec celles du centre. Il semble que pour une certaine raison, nous soyons sur la même longueur d'onde.
Le sénateur Phalen : Il y aura un chevauchement au sujet de ces questions, mais j'aimerais citer quelques phrases relevées dans l'exposé que vous nous avez remis, monsieur MacInnes : Il est écrit qu'en 1895, l'un des premiers rapports scientifiques sur les stocks de morue des Grands Bancs de l'Atlantique indiquait qu'en dépit de quelques mauvaises années de pêche au début des années 1890, il serait physiquement impossible de surexploiter les stocks. C'était il y a 100 ans. Nous savons aujourd'hui que cela n'est pas vrai. Vous avez dit qu'il y avait trop de pêcheurs qui recherchaient trop peu de poisson. Je suppose que cela veut dire qu'un nombre trop élevé de pêcheurs menacent pour la viabilité de la pêche. J'ai l'impression que vous n'êtes pas en faveur des quotas.
M. MacInnes : Je ne suis pas pour les quotas individuels transférables, QIT.
Le sénateur Phalen : Serez-vous en faveur d'un quota non transférable. C'est cela que vous êtes en train de nous dire?
M. MacInnes : Il y a des conditions d'établissement des quotas — le nombre de prises autorisées, pour ne donner qu'un exemple. Il faut avoir ce genre d'arrangement. J'ai pensé à la pêche au homard. Le contrôle de cette pêche était tel que les gens auraient 300 pièges et qu'ils pêcheraient durant une saison. Toutefois, personne ne croyait à l'époque que quelqu'un pêcherait 24 heures par jour, sept jours par semaine. Ils font cela parce qu'ils ne sont pas propriétaires exploitants et parce que le MPO le permet.
Le MPO prétend qu'il ne peut rien faire parce qu'il est occupé à poursuivre les gens en justice. C'est la raison pour laquelle il y a des tribunaux : si les gens violent les lois, vous les poursuivez en justice. Pourtant, le MPO répond par la négative, il a trop de gens à poursuivre en justice. C'est ce que quelqu'un du MPO a dit au comité. Je l'ai lu.
Le sénateur Phalen : Est-ce que les quotas municipaux fonctionnent bien?
M. MacInnes : Voilà un secteur où, à mon avis, les quotas peuvent fonctionner. Est-ce que les collectivités devraient jouer un rôle dans la pêche? Ma réponse est un oui catégorique. De quelle façon fonctionneraient-elle? Il faudrait une forme différente de démocratie. Il faudrait que les collectivités de pêcheurs soient au centre de l'industrie de la pêche, car il faudrait qu'elles soient d'une certaine façon liées entre elles afin de pouvoir régler ces problèmes et de pouvoir, même sans mécanisme d'application de la loi, contrôler la quantité de poisson. C'est totalement différent que d'essayer de centraliser toutes les pêches.
Le sénateur Phalen : Je vous ai posé cette question pour une raison. Que faire s'il y a trop de pêcheurs pour trop peu de poisson? Il faudra donc que nous envisagions de réduire le nombre de pêcheurs. Ma première question est la suivante : comment allons-nous le faire? Ma deuxième question : quand allons-nous le faire, où en sommes-nous et que nous reste-t-il? Quelle est la réponse? Nous avons tous ces problèmes et ils sont tous sur la table. Comment allons-nous les résoudre? Qu'en pensez-vous?
M. MacInnes : Nous avons résolu la question de la pêche au homard en disant qu'il n'y avait pas de pêche en dehors de la saison allant du 1er mai au 30 juin et que la limite était de 300 pièges. Cela a résolu le problème, car le homard était préservé. Le stock de homards était pratiquement épuisé en 1939. Ils sont réapparus et se sont bien multipliés grâce aux règlements mis en vigueur ultérieurement dans ces régions.
Quelquefois, ces problèmes peuvent être résolus. Dans une certaine mesure, cela a été fait pour des raisons économiques, car cela permettait l'envoi du poisson au marché sur une période continue. Cependant, ils se sont fondés sur des conditions locales pour déterminer la région qui devait pêcher et à quel moment.
Ces décisions sont meilleures quand les collectivités ont une autorité. La solution est de conférer des pouvoirs aux collectivités. C'est la façon de changer les mentalités. On pourrait dire que trop de gens pêchent trop peu de poissons et on peut imposer des QIT comme si cela règlerait le problème. Cependant, nous savons qu'ils n'ont pas réglé le problème dans beaucoup de pays. L'hoplostète orange a disparu en Nouvelle-Zélande.
Pourquoi ne pas essayer de décentraliser les prises de décisions sur ces questions et faire participer les gens de la collectivité? C'est ce que décideront en dernier ressort les autorités compétentes : elles disent que nous devons transférer les décisions au niveau de la communauté, car nous n'avons plus de ressources ni le pouvoir de prise de décisions par le biais des QIT et d'autres sortes d'arguments quasi juridiques; passons cette responsabilité aux gens et laissez-les se débrouiller. En même temps, elles veulent garder le contrôle de la situation. Et, malheureusement, elles ont déjà créé des géants, des montres à l'affût là-bas, dans l'attente de cette situation très injuste.
Le sénateur Phalen : Permettez-moi de vous interrompre. Parlez-vous de la pêche côtière?
M. MacInnes : J'estime que la pêche côtière devrait bénéficier d'un traitement préférentiel.
Le sénateur Phalen : Est-ce possible?
M. MacInnes : Oui.
Le sénateur Phalen : Que faites-vous de la zone extracôtière?
M. MacInnes : La zone extracôtière ne m'inquiète pas, car pour l'instant il n'y a pas beaucoup de ressources là-bas. Il n'y a pas de poissons. Je suis plus préoccupé par la côte que par la zone extracôtière.
La zone extracôtière m'a suffisamment inquiété. De plus, aujourd'hui National Sea Products vend de la pizza. C'est ce qu'il y a de bien avec la concentration du capital : si vous n'avez plus de poissons, vous pouvez passer à la pizza. Seulement les gens qui vivent dans la zone côtière ne le peuvent pas. Je vous prie de m'excuser si je parais désinvolte, sénateur, mais la zone extracôtière ne préoccupe pas particulièrement. Je pense que Fishery Products International s'en tirera bien.
Le sénateur Phalen : Est-ce que c'est ce qu'ils font dans d'autres pays, comme en Nouvelle-Zélande, en Islande et en Norvège?
M. MacInnes : Le problème avec la Nouvelle-Zélande, c'est...
Le sénateur Phalen : Je demande s'il existe un modèle pour cela?
M. MacInnes : Oui et non. La Norvège fait de bonnes choses. L'Islande aussi pendant un moment et puis elle a échoué.
Je ne sais même pas par où commencer avec la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande a traversé une crise très grave. C'était une société agricole qui a perdu son seul marché. Quand la Grande-Bretagne a rejoint la Communauté européenne, tous les produits laitiers que la Nouvelle-Zélande envoyait à la Grande-Bretagne en traitement préférentiel ont été annulés. Du jour au lendemain, toute la structure économique de la Nouvelle-Zélande a été compromise. La Nouvelle-Zélande n'avait pas de marché dans le reste du monde. Elle a dû lutter. La pêche était si peu importante en Nouvelle-Zélande. Il n'y a pas de plate-forme continentale. Les côtes de la Nouvelle-Zélande chutent d'un seul coup au fond de l'océan. Il y a deux ou trois petites plates-formes continentales et l'hoplostète s'est reproduit un certain temps où il y avait des montagnes. Les chalutiers allaient assez profondément qu'ils ont tout simplement nettoyé le sommet des montagnes. Leur pêche n'est pas aussi importante que la nôtre.
Quand j'étais en Nouvelle-Zélande, un Canadien, un étudiant de Peter Pearse — Rick Boyd, je crois — dirigeait le projet de mise en application de la TPS et des politiques sur la pêche. C'était en octobre 1986. Tout le monde utilisait des cartes de crédit; pour la première fois de ma vie, j'avais utilisé une carte de crédit pour tous mes achats. Il était possible d'acheter un cornet de crème glacée en payant avec une carte de crédit parce qu'ils étaient en train de l'essayer en Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande voulait montrer qu'elle était prête à affronter le monde avec une mentalité tout à fait nouvelle.
L'Islande était très semblable. Quelqu'un en Islande m'a dit : « Vous voyez ces deux salles là-bas? C'est là que tout le programme des CIT a vu le jour, ces deux salles, ce café et ces trois restaurants ». Ils ont dit que les gens qui ont créé le programme CIT croyaient fermement que l'Islande devait montrer au reste du monde qu'elle avait de toutes nouvelles idées, fini avec les idioties de la saga des Vikings, fini avec les vieillies idées des zones rurales. Tous ces gens pouvaient aller paître. Ils allaient montrer la nouvelle Islande, l'Islande dans le vent, l'Islande de Reykjavik. Il s'agissait vraiment de personnes tournées vers l'avenir.
Il y a des situations dans le contexte politique qui font que ce genre de choses peut survenir. Les gens en ont profité en Nouvelle-Zélande et ils en ont profité en Islande. Nous pouvons en profiter au Canada en créant une nouvelle forme de démocratie commençant par les communautés côtières en renversant certaines de ces politiques. Mais il faudra beaucoup d'influence.
Le sénateur Watt : Il s'agit d'un sujet intéressant.
Dans la même veine que la question du sénateur Phalen, que faisons-nous de cette situation fâcheuse dans laquelle se trouve maintenant notre pays? Le MPO semble croire que la seule façon d'envisager la situation est sous l'angle strictement économique. En d'autres mots, le ministère préconise de privatiser les pêches et de laisser les structures appropriées s'occuper de la gestion et du contrôle de ces activités et d'en tirer un profit. On s'éloigne beaucoup du modèle communautaire, et cela a déjà un effet sur les collectivités côtières et cet effet ne fera que s'accroître avec les années.
Je ne suis pas nécessairement dans le même esprit que le MPO. Le ministère n'a pas adopté la bonne approche pour ce qui est de la conservation du poisson et de la façon de rendre la pêche profitable pour les gens. En un sens, le gouvernement permet aux entreprises de prendre le contrôle et d'enlever la pêche aux gens. Je crois que nous aurons à faire face à une crise. Je crois que c'est déjà le cas dans certaines collectivités le long de la côte, à cause du fait qu'il n'y a plus rien à pêcher.
Comment pouvons-nous revenir à la pêche axée sur la collectivité? Je sais que nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais nous pouvons certainement essayer de corriger les erreurs du passé et, ensuite, prendre une nouvelle direction. Peut-être qu'il y a une solution. Cela peut prendre du temps avant que le poisson revienne, mais le fait de permettre aux communautés d'avoir un plus grand contrôle aurait pour effet d'habiliter les collectivités.
Comment pouvons-nous empêcher le gouvernement de faire ce qu'il fait à l'heure actuelle? Comment pouvons-nous faire connaître cette question assez bien pour que le public canadien s'inquiète et force le gouvernement à prendre les bonnes mesures, même si à l'heure actuelle notre ministère semble s'égarer? Je me demande si vous ne pourriez pas en dire davantage sur cette question.
M. MacInnes : Merci, sénateur Watt. Je pense que la solution, c'est ce que vous appelez la pêche de subsistance. Une pêche de subsistance signifie que vous comprenez que vous êtes devant une ressource qui pourrait et devrait être utilisée pour assurer la subsistance des gens.
Cela nous amène à parler de la question soulevée par l'enquête Marshall au sujet d'un revenu modeste. Il est ahurissant que le MPO ait entrepris la mise en application de la décision Marshall. S'il y avait quelqu'un qui était incompétent pour traiter avec les collectivités rurales, c'était bien le ministère des Pêches et des Océans. Il n'y a rien dans les antécédents de ce ministère qui indique qu'il a la compétence nécessaire pour traiter de cette question.
Si vous prenez l'idée de la pêche à subsistance sérieusement, vous vous demandez ce que subsistance signifie. À quoi ressemble une pêche de subsistance et pourquoi avoir une pêche de subsistance? Si vous vivez dans le Nord, je dirais pour la souveraineté. Si vous êtes dans le Canada atlantique, je dirais aussi pour la souveraineté.
À part la question de la diversité, pourquoi ne voudriez-vous pas que des gens vivent le long de la côte? Pourquoi ne voudriez-vous pas que les gens soient des sentinelles de l'environnement? Pourquoi ne penseriez-vous pas que les gens des régions rurales puissent être comme les canaris dans les mines de charbon? Nous apportions des canaris dans les mines pour savoir où il y avait du méthane. Pourquoi les gens des régions rurales n'auraient-ils pas une sensiblilité assez grande à l'égard de ce qui se passe dans les océans?
Regardez ce qui se discute aux Nations Unies à l'heure actuelle et toute la documentation scientifique sur les océans et les idées de prévention. Cet ensemble de données donne à entendre que nous devrions être inquiets, non pas parce que les gens qui utilisent les océans font moins attention — ils font plus attention —, mais parce qu'ils utilisent tellement les océans aujourd'hui. La probabilité d'un désastre est beaucoup plus grande.
Je défendrais l'idée d'une pêche de subsistance en partie parce qu'il y a des collectivités qui vivent dans ces endroits et que ces collectivités représentent une valeur nette pour le Canada à bien d'autres égards.
Comment y arriver? Le MPO ne peut le faire. Il ne peut régler la situation. Il ne peut régler la situation des Autochtones. En fait, je dirais qu'il est en train de faire un beau gâchis de cette question.
Je m'inquiète du fait que les communautés autochtones pourraient choisir de faire pêcher le poisson par quelqu'un d'autre et qu'ensuite, dans trois ans, le MPO intervienne et dise au gouvernement qu'il n'a pas à dépenser autant d'argent en vertu de la Loi sur les Indiens parce que les Autochtones ont le poisson. Quel beau gâchis nous aurions alors.
Qu'y a-t-il dans les antécédents de ce ministère qui indique qu'il ne prendrait pas cette direction? L'idée, c'est qu'il s'agit là d'une occasion pour les collectivités autochtones d'obtenir des emplois. Comment allez-vous faire face à cette question? Est-ce que cela signifie qu'il faut donner des bateaux aux collectivités assortis de quelques programmes? Je crois que la dernière fois, cela s'appelait la temporisation dans votre exposé.
Le sénateur Watt : Pour en revenir à la pêche axée sur la communauté, je sais qu'il y a des raisons pour pêcher. Une des raisons, c'est pour l'économie et l'autre, c'est pour nourrir les gens. Les pêcheurs qui le font pour des raisons économiques gagnent bien leur vie et font beaucoup d'argent avec cette activité; nous le savons. Si les choses étaient bien pensées, bien structurées et bien organisées, si nous commencions à nous concentrer sur les collectivités et si la production provenait de la collectivité plutôt que des chalutiers congélateurs en haute mer et ainsi de suite, croyez-vous qu'un jour, on parviendrait à nourrir le monde?
M. MacInnes : Nourrir le monde est une grande...
Le sénateur Watt : En d'autres mots, avez-vous examiné la façon dont la pêche se pratique actuellement, en comparant la pêche par les chalutiers et la pêche axée sur la collectivité? Avez-vous fait des études de faisabilité économique pour voir s'il y a des avantages et des inconvénients dans les deux cas? Avez-vous examiné cet aspect?
M. MacInnes : Cette question commence à aller au-delà — non, je n'ai pas examiné la question sous cet angle.
Le sénateur Watt : À moins d'avoir cette information, nous pourrions avoir du mal à convaincre les autorités de voir les choses de la même manière que nous, dans une perspective de pêche axée sur la collectivité. C'est pourquoi je pose la question. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un domaine auquel nous devrions accorder une attention particulière?
M. MacInnes : Je pense que le sénateur St. Germain a bien raison lorsqu'il dit qu'on finira bien par arrivera là. Je ne peux imaginer le comité du Sénat ou qui que ce soit d'autres parler de cette question sans soulever les aspects économiques qui y sont liés. Le sénateur Phalen a raison également à cet égard. Vous aurez une opposition assez forte, comme l'a signalé le sénateur Phalen; les gens qui pratiquent la pêche hauturière vous diront : « Et nous? »
C'est là que vous en arrivez à la question de faire confiance aux gens. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'indications que l'on a fait confiance aux gens de Terre-Neuve, aux gens de la Colombie-Britannique, ou aux Autochtones jusqu'ici dans le processus de prise de décisions. En bout de ligne, quelqu'un au Canada devrait dire que nous pensons que les gens qui vivent dans les collectivités rurales devraient avoir leur mot à dire — un mot important à dire, non pas un mot fabriqué; à l'heure actuelle, leurs choix sont très limités. Élargir ce débat pour introduire une véritable démocratie sera difficile.
Le sénateur Watt : Je crois que les collectivités aujourd'hui sont très découragées par les mesures prises par le gouvernement en ce qui concerne la privatisation; et il ne leur restera plus de moyen d'assurer leur subsistance. Nous devons trouver des idées novatrices pour relever leur moral. Fermer les villes et déplacer les gens et ne pas leur trouver un autre emploi, comme cela se fait à l'heure actuelle, cela fait très peur.
Je vais laisser cette question entre vos mains.
Le président : Avant de donner la parole à quelqu'un d'autre, je veux traiter d'un point qui a été soulevé par le sénateur Watt. Le MPO nous talonne depuis un certain nombre d'années pour adopter des modifications à la Loi sur les pêches. Il a dû faire face à une résistance de la part des parlementaires des deux chambres — tant de la Chambre des communes que du Sénat — parce que de nombreux parlementaires ne croient pas que le MPO nous demande de changer la législation pour les bonnes raisons. En d'autres mots, si nous pensions que le ministre a véritablement besoin des outils pour faire ce qui est dans le meilleur intérêt de nos collectivités, ces modifications législatives auraient été adoptées il y a belle lurette. Il y a de la résistance parce qu'on se méfie de la façon dont la loi sera utilisée. Je voulais relayer cette information.
Je pense que la réponse à la question du sénateur Watt à propos de ce que nous pouvons faire en tant que parlementaires, c'est que nous avons fait quelque chose au cours des dernières années en refusant d'adopter les modifications législatives proposées.
Nous cédons maintenant la parole au sénateur Adams.
Le sénateur Adams : Merci. Professeur MacInnes, je viens d'une petite collectivité du Nunavut. Nous avons 26 collectivités et une seule d'entre elles n'est pas située sur la côte.
Le gouvernement fédéral a signé l'entente du Nunavut il y a environ 13 ans; le gouvernement du Nunavut a procédé à une élection en 1999 et ce gouvernement fonctionne depuis ce temps. Au cours des quatre ou cinq dernières années, le MPO a remis à certaines des collectivités les zones OA et OB de l'Arctique jusqu'à la limite des 200 milles. Nous savons que tout cela appartient au Canada. Depuis que les activités ont commencé concernant ces contingents, au cours des trois ou quatre dernières années, une partie de ces contingents n'est pas entrée au Canada, mais s'est retrouvée en Europe. Je ne pouvais pas comprendre ce qui est arrivé, alors, j'ai posé la question au ministère des Pêches et des Océans. Chaque fois que des contingents étaient attribués, il n'y avait rien pour les zones OA ou OB. On parlait des contingents du Nunavut. Que cela signifie-t-il? La zone OA est maintenant dite expérimentale et personne n'a le droit d'y aller. Personne de la collectivité n'a le droit de prendre ce contingent, parce qu'il s'agit d'un contingent expérimental. Une partie de la zone OB a été attribuée à certaines des collectivités pour les contingents. Au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons dû nous battre contre le gouvernement ici à Ottawa. Comment pouvons- nous tirer un meilleur profit économique de ces contingents pour la collectivité?
À Terre-Neuve, 11 personnes ont été élues dans la Baffin Fisheries Coalition. Le gouvernement n'attribue pas de contingents à la collectivité. Il en a attribué certains à Terre-Neuve. L'an dernier, 11 capitaines canadiens ont demandé ces contingents et ils n'étaient pas admissibles. On a plutôt embauché des pêcheurs du Danemark et de l'Islande pour faire la pêche.
Le gouvernement a dépensé 6 millions de dollars pour former des Inuits. Ces pêcheurs en provenance d'Islande et du Danemark ne pouvaient même pas parler anglais pour former les Inuits sur les bateaux. Pendant ce temps, le gouvernement dit qu'il va former 25 Inuits par année. Savez-vous combien de gens ont été formés l'an dernier? Environ neuf sont montés à bord de ces bateaux. Cette année, je leur ai demandé s'ils avaient l'intention de retourner à bord des navires. Ils ont répondu : « Pas question. Nous ne n'arrivons pas à comprendre ce qu'ils font. Ils ne nous traitent pas très bien. » Le MPO ne fera rien. Pourquoi avoir une politique comme celle-là au Canada qui donne le contrôle à des étrangers? Ils ne font que hisser un drapeau sur le bateau et font ce qu'ils veulent.
Comment allons-nous développer l'économie pour les gens dans la collectivité? Le MPO n'aide pas la collectivité. Il n'attribue pas de contingents à la collectivité, mais en même temps, il attribue des contingents à l'extérieur de la collectivité. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question.
M. MacInnes : Sénateur Adams, vous soulevez un problème très important qu'il faudra régler à un moment donné. Il s'agit du problème de la mondialisation. J'ai dit plus tôt qu'en Islande, lorsque j'ai quitté Isafjordur par la route, qui est situé dans la partie nord-ouest de l'île, pour me rendre dans une autre collectivité, j'ai été abasourdi d'entendre le maire de cet endroit dire que des millions de dollars avaient été dépensés pour construire une tunnel de 9 kilomètres dans la montagne pour relier les collectivités de sorte qu'elles puissent avoir des pratiques de soccer et de chorale en hiver. Le tunnel forme un Y au milieu de la montagne et une branche mène dans une collectivité et l'autre branche à une autre.
Tout le monde à bord de l'autobus a été abasourdi, parce qu'il s'agit de collectivités de 500 à 1 000 personnes. Je ne peux penser à un endroit au Canada où on construirait un tunnel de neuf kilomètres dans une montagne pour pouvoir avoir des pratiques de soccer et de chorale. Nous n'avons tout simplement pas ce genre de tolérance pour la culture ou le sport.
Il était intéressant de constater que la première usine là-bas ne comptait que des femmes originaires des Philippines. Sur 15 personnes, pas un seul Islandais ne travaillait à l'usine. Dans l'autre usine, il n'y avait que des gens originaires du Kosovo. Ils emballaient le poisson et il y avait trois qualités de poisson. Il s'agissait de la même usine, qui avait trois emballages différents pour les différentes qualités de poisson.
Tout le poisson était vendu en Angleterre. Voilà la réalité dont vous parliez, que la pêche soit faite à l'aide de chalutiers congélateurs ou par des gens de l'endroit. Il s'agit aujourd'hui d'une industrie mondiale. Dans ma communication, j'ai indiqué que c'est pourquoi je crois que les gens des régions rurales du nord du Canada devraient se réunir avec les gens des régions rurales des Maritimes et avec les gens des régions rurales de Scandinavie. En fait, je trouve épouvantable que dans le cadre des visites organisées pour les enfants, nous envoyons tellement d'enfants des régions rurales à Ottawa et à Toronto. Pourquoi ne pas les envoyer au Nunavut? Quel message donnons-nous aux enfants en les envoyant dans la ville pour voir Mama Mia? Nous dépensons beaucoup d'argent pour les envoyer à Toronto pour qu'ils puissent voir quelque chose comme cela, plutôt que de les envoyer à l'Île-du-Prince-Édouard ou ailleurs.
Les gens des régions rurales partout dans le monde doivent comprendre qu'il y a des problèmes et qu'ils doivent se parler. Il pourrait y avoir des parlements ou quelque chose de ce genre entre les peuples ruraux. En Écosse, il y avait le Parlement de Saint-Kilda; c'est un rassemblement d'hommes âgés qui s'assoient sur les marches et qui discutent. L'Islande utilise également cette idée.
Le sénateur Adams : Peut-être que nous pourrions étudier la question. Le ministre a attribué ces quotas au Nunavut. Il n'y a pas d'avantages pour la collectivité. Il devrait y avoir une façon que nous puissions comprendre ce que veut dire le ministre. Les contingents ne viennent pas dans la collectivité et ne profitent pas à la collectivité. Pourquoi attribuent- ils des contingents là-bas et que les gens dans la communauté n'en profitent pas? Le gouvernement du Canada devrait avoir un mot à dire. Il devrait y avoir un certain pourcentage pour le Nunavut. Ils devraient s'informer chaque année avant que des pêcheurs se rendent là-bas. Est-ce que cela appartient au Canada ou à l'Europe ou aux gens de la collectivité? Je ne peux pas le comprendre. Des étrangers prennent ces contingents là-bas. Cela rend les choses très difficiles pour vous. Peut-être que le MPO ne fait pas son travail.
Le président : La discussion que vous avez eu concernant l'idée que les collectivités côtières devraient être capables de communiquer entre elles davantage m'amène à penser à la résistance à laquelle notre propre comité s'est heurté lorsqu'il a demandé d'aller à l'extérieur du pays pour examiner les répercussions de la privatisation sur les collectivités. Nous avions parlé à l'époque de la Nouvelle-Zélande. Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a rapidement mis un terme à ce projet, alors nous devons maintenant faire notre travail depuis Ottawa, mais c'est une autre histoire.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur MacInnes, vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande et de la privatisation et vous avez eu des observations très négatives. D'après ce que j'ai entendu, beaucoup de gens parlent de manière très positive de ce qui se fait en Nouvelle-Zélande dans ce domaine. Je suis d'accord avec vous pour dire que notre pays est différent dans ce sens que nous avons des fleuves et des rivières que la Nouvelle-Zélande n'en a pas et que nos poissons remontent ces rivières. Je suis d'accord pour dire que nous devrions faire les choses différemment. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous rendre en Nouvelle-Zélande pour voir de nos propres yeux ce qu'il en est vraiment. J'ai été des plus intéressés de vous entendre dire que vous n'aviez pas une très haute opinion de l'orientation des pêches dans ce pays. Vous avez également dit que ce modèle ne fonctionnerait pas ici parce que notre pays est beaucoup plus grand et plus étendu. Vaut-il la peine que nous nous rendions en Nouvelle-Zélande pour étudier le système qui est en place là-bas?
M. MacInnes : Il y a une réponse courte à cette question. J'ai fait deux très longs voyages, qui étaient terriblement ennuyants. Je suis parti de San Francisco à Los Angeles par la route à l'intérieur des terres pour pouvoir voir la vallée de Saint-Joachin et une rivière de béton et 250 milles de vide. C'est de là que proviennent tous les aliments de la côte Ouest. Il s'agit d'une production massive et il faut le voir pour le croire.
Dans l'autre voyage, je me suis rendu de Nerja à Alicante en Espagne. Je voulais voir ce que l'Europe faisait pour transformer le désert en serres, et tout est en plastique; on trouve des huttes Quonset en plastique. J'ai vu l'agriculture scientifique poussée à son extrême. Je peux voir à quel point notre économie industrielle est fragile. Ayant vu les avions traverser la route et ayant vu d'autres choses en Espagne, j'ai maintenant peur pour l'avenir de nos villes. Les pesticides, les herbicides et même la génétique; vous devez le voir de vos propres yeux, parce que cela vous marque pour toujours.
Il est possible que des désastres surviennent dans la chaîne alimentaire. La Nouvelle-Zélande est un petit pays, à peine plus grand que la Nouvelle-Écosse. Il n'y a pas de port. Sur sa côte Ouest, des vagues de 20 pieds frappent la terre en permanence. L'industrie de la pêche est de petite taille, davantage à l'échelle expérimentale qu'à l'échelle industrielle. Vous entendez tellement de choses à son sujet. On la vante comme une grande réalisation, mais ce n'est pas ce que j'ai vu. L'hoplostète orange et de vivaneau campèche ont disparu. Si seulement ils avaient pu garder quelques vivaneaux vivants, parce que cela vaut environ 37 $ la livre; quelque chose dont on ne peut que rêver. Ils tuent le poisson avec une gaffe et il y a un conseiller japonais à bord qui leur montre comment faire. C'est un endroit tout à fait étrange par rapport au genre de pêche que nous pratiquons au Canada.
Une chose merveilleuse, c'est que la Nouvelle-Zélande ressemble à Terre-Neuve en 1966. Elle est tellement accessible. Vous pouvez voir une telle variété en si peu de temps, y compris les paysages. Il y a beaucoup d'avantages à la vie en Nouvelle-Zélande. Je pense que nous avons mis à l'épreuve nos idées canadiennes là-bas.
Si vous allez en Nouvelle-Zélande, vous devriez aller en Islande. Vous devriez avoir deux lieux de référence. L'Islande est également très petite, mais ce qui est bien à son sujet, c'est que vous pouvez rencontrer beaucoup de gens en très peu de temps. Vous ne pouvez pas aller aux États-Unis et rencontrer autant de gens en une seule visite. Vous vous perdez plutôt dans les corridors de Washington. En Nouvelle-Zélande, au contraire, ils considèrent votre visite comme un hommage. C'est comme dans les collectivités rurales ou dans les petites villes qui ne sont pas célèbres. Il y a un milieu agréable que vous pouvez en fait utiliser. Elle compte 70 millions de moutons et quatre millions d'habitants, et 1,8 million de ces habitants vivent à Auckland, à Wellington ou à Christ Church. Reykjavik est en Islande, laquelle ressemble à Terre-Neuve. Dans de tels endroits, vous pouvez avoir des idées sur les politiques parce que vous avez tellement de variété en si peu de temps. C'est un avantage. Vous allez être en mesure de trouver des gens qui vous parleront de privatisation ou des audiences des tribunaux. Vous pouvez trouver quelqu'un en moitié moins de temps qu'il en faudrait ailleurs. Ce serait un avantage pour un comité du Sénat et l'expérience et la formation tirées de ce voyage seraient une expérience collective.
Le sénateur Mahovlich : Où allons-nous avec l'aquaculture? S'agira-t-il d'un problème important dans l'avenir? Elle a commencé en Norvège et elle s'est répandue dans l'hémisphère sud. Nous nous sommes inquiétés parce que nous perdions le marché.
M. MacInnes : Le problème, ce sont les maladies. Peut-être maîtrisent-ils les maladies et tous les autres problèmes qui apparaissent.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce qu'elle touche nos autres poissons?
M. MacInnes : C'est une grande question. Nous ne savons pas où en est rendu la science à ce sujet. Ce n'est pas mon domaine d'expertise. Je ne peux parler que de ce que j'ai vu en Écosse et je n'ai pas été impressionné. Vous pouvez perdre beaucoup d'argent en très peu de temps en aquaculture.
Le sénateur Mahovlich : Je connais de nombreuses personnes qui n'étaient pas des pêcheurs et qui ont fait des fortunes à Toronto sur les pêches de la côte Ouest en vendant leur entreprise.
M. MacInnes : Cela rapporte gros, il n'y a aucun doute, mais les collectivités ne peuvent le faire. Vous devez avoir une main-d'œuvre syndiquée. Ce sont eux qui le font en Écosse. En Norvège, le tout a commencé par de petites entreprises, mais maintenant, leur taille est assez importante.
Le sénateur Mahovlich : Y aura-t-il jamais une organisation mondiale de la pêche, comme nous avons une Organisation mondiale de la Santé? Les poissons nagent partout dans le monde, surtout les baleines.
M. MacInnes : Le thon, par exemple, est partout. Généralement, cependant, il est plus localisé. Je me souviens de la grande bataille qui a eu lieu à Rimouski, au Québec, entre les scientifiques qui essayaient de décider s'il existait ce qui s'appelle un stock local de morue du Nord et s'il y avait des stocks de la baie. Après une bataille qui a duré deux jours, un petit homme est entré et leur a dit de cesser la querelle et de lui donner le total autorisé des captures. C'est de cette façon, je pense, que la discussion des universitaires s'est terminée. L'homme a dit qu'il n'avait rien à faire de tout cela et de tout simplement lui donner le TAC. Les scientifiques étaient loin d'avoir fait l'unanimité sur la définition du stock parce qu'un groupe d'entre eux avaient quitté le MPO à cause des disputes sur la question des stocks.
Je ne peux pas répondre à votre question, à savoir s'il y aura une organisation mondiale de la pêche. Est-ce que cela arrivera?
Je suis allé à une conférence sur les pêches en Grèce. Il y avait 5 000 participants. Peter Pearse a attiré 1 200 personnes; et ma présentation en a attiré 20. Essayez donc de comprendre.
Il y a beaucoup de scientifiques des pêches. Est-ce que les Nations Unies sont intéressées? Oui. Est-ce que d'autres personnes s'organisent? À notre université, dont vous êtes titulaire d'un diplôme honorifique, John Carney travaille avec des gens en Inde. Il y a un million de personnes dans le syndicat côtier en Inde. Partout dans le monde, on voit des efforts dans ce sens.
Le sénateur Mahovlich : Devrions-nous essayer de faire de la pêche et de l'agriculture des priorités importantes dans notre gouvernement? Croyez-vous que ces questions l'emportent sur la défense et d'autres ministères?
M. MacInnes : Je pense qu'elles sont dans la même catégorie que la défense, sauf que tout le monde parle de défense. On parle de ce qui arrive à notre défense, mais on ne parle pas de ce qui arrive à nos collectivités rurales de la même manière. Les gens pensent que c'est une chose épouvantable si les hélicoptères ne fonctionnent pas, mais si les collectivités rurales ne fonctionnent pas, cela n'est pas épouvantable. Nous avons un hélicoptère âgé de 30 ans et cela prend tant de personnes-heures pour le maintenir en service. J'ai un camion comme cela.
Le président : Un certain nombre de sénateurs ont des questions très courtes. J'aimerais parler de quelques sujets.
Dans votre discussion avec le sénateur Mahovlich, vous parliez de l'expérience de la Nouvelle-Zélande. Il se trouve que j'ai devant moi un journal daté du 3 février 2005; il est très récent. Je vais lire un certain nombre d'observations qui ont été soulevées au Parlement ce jour-là par le premier ministre de la Nouvelle-Zélande. Je ne vais pas tout lire, seulement quelques citations.
« Il y a actuellement environ 3 000 travailleurs étrangers à bon marché — ils sont tous ici aux dépens des travailleurs de la Nouvelle-Zélande ». Ce sont des choses dites au Parlement. « C'est une honte — et certains de ces travailleurs étrangers vivent dans des anciens conteneurs au bord de l'eau... comment cela est-il possible? Pourquoi le poisson de la Nouvelle-Zélande est-il traité en Thaïlande?... Ce n'est pas la façon de faire de la Nouvelle-Zélande. »
Dans un autre article, daté du 14 décembre 2004, on peut lire : « Cela arrive au milieu de révélations indiquant que 152 pêcheurs étrangers ont quitté illégalement leur navire en Nouvelle-Zélande au cours de la dernière année. Soixante- deux d'entre eux, surtout des Vietnamiens et des Indonésiens, ont déserté leurs bateaux. » Alors les Vietnamiens et les Indonésiens pêchent les contingents de la Nouvelle-Zélande. Je pourrais continuer ainsi. Les citations sont là.
Avez-vous regardé cela et ce qui passe aux yeux du MPO comme le modèle d'avenir pour le Canada? Quelles seront les répercussions de tout cela? Est-ce que les mêmes choses pourraient arriver ici au Canada si nous suivions le modèle de la Nouvelle-Zélande comme le préconise le MPO?
M. MacInnes : La première conséquence du contingent individuel transférable, c'est la concentration des contingents et la concentration continue des contingents. Les gens ont prévu cela en Nouvelle-Zélande et ils ont dit qu'aucune entreprise ne pouvait posséder plus de 20 p. 100 du contingent. Comment empêchez-vous les entreprises de faire signer une entente fiduciaire aux gens? Vous ne pouvez pas le faire. Et c'est exactement ce qui est arrivé.
Si vous suivez cette voie, comment faites-vous la différence entre une entreprise de Nouvelle-Zélande et une entreprise étrangère? Je penserais qu'en vertu de l'ALENA et de tout le reste, nous pourrions peut-être empêcher une entreprise américaine d'acheter le contingent. Mais je ne vois pas comment cela pourrait se faire.
De plus en plus, dans un marché mondialisé, vous ne serez pas capables d'empêcher quelqu'un d'avoir un contingent ou d'empêcher n'importe quel autre pays de faire une soumission pour votre contingent. Voilà quel est le problème de la Nouvelle-Zélande à l'heure actuelle.
Il y a beaucoup de questions mondiales qui interviennent dans cette situation. D'une certaine façon, parce que la pêche n'est pas aussi importante que d'autres questions au Canada et parce que nous ne sommes pas là-haut à côté de la défense, il est possible d'être plus créatif.
La mondialisation touchera l'Ontario, par exemple. C'est déjà le cas. Elle touche très sérieusement le Québec dans l'industrie du textile, et les conséquences des ententes récentes se feront sentir au cours des prochains mois, des prochaines années. Le fait de regarder les pêches vous donne une occasion de penser à ces questions et c'est pourquoi il devrait y avoir un rejet très vigoureux de la tentative du MPO d'aller de l'avant avec une politique qui apportera ce degré de privatisation et de refus de participer sans avoir exploré certaines des répercussions sur les collectivités, sur notre souveraineté, pour la question même que vous venez juste de soulever.
Le président : De temps à autre, j'essaie de suivre ce qui se passe dans d'autres pays, comme je l'ai fait pour la Nouvelle-Zélande.
Je vais maintenant parler du Royaume-Uni et d'une partie d'un témoignage devant le Sous-comité de l'avenir des pêches au Royaume-Uni. La citation est datée du 18 janvier 2005. Je ne vais pas citer de noms, mais voici une observation faite par un des témoins devant le comité :
Vous vous faites massivement des illusions si, en tant que comité, vous pensez que le système de contingent a quelque chose à voir avec la conservation, parce qu'il ne fait qu'encourager le rejet en mer des prises qui nous feraient dépasser notre contingent et le rejet des prises plus petites au profit des prises plus grosses qui se vendent à un meilleur prix, mais le poisson est quand même mort.
C'est là une des citations. Une autre citation durant le même témoignage se lit comme suit : « Si nous pouvions retourner le poisson qui est entre des mains privées, les capitaines en pantoufles, à l'industrie, alors les contingents eux- mêmes ne seraient pas trop faibles ». Il fait allusion aux « back-pocket fishermen ». Au Royaume-Uni, on les appelle les capitaines en pantoufles
J'aimerais donner une autre citation. Celle-ci provient d'un partisan du système de CIT :
Si vous désirez instaurer des CIT, vous devez examiner toutes les erreurs qui ont été commises. De plus, rappelez- vous que CIT est un nom générique. Les CIT ont vu le jour en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Islande, mais toutes ces pêches sont différentes.
Il fait allusion aux craintes que les contingents se retrouvent entre les mains d'entreprises étrangères. Vous devez regarder comment l'allocation est partagée. Peut-on entourer les CIT d'une clôture? Est-il possible, du point de vue légal, d'entourer les CIT d'une clôture dans un contexte de gestion régionale ou de gestion des bons de commande? Il faut se faufiler à travers un champ de mines.
Certaines des observations ici ressemblent à des témoignages que nous pourrions entendre devant le comité. Plus loin un témoin dit :
Nous avons commandé un rapport d'un type appelé David Thompson, un spécialiste des pêches de partout dans le monde, et il a examiné un certain nombre de régimes de gestion différents au Canada, en Islande, en Nouvelle- Zélande, et cetera, et dans chacun de ces pays, le système des CIT s'est traduit par des difficultés considérables pour les petites collectivités côtières et les petits exploitants lorsque le pouvoir a été canalisé vers les gros exploitants.
Le même message que vous essayez de faire passer ici aujourd'hui se fait entendre ailleurs, dans d'autres pays.
M. MacInnes : Simplement sur la question des prises accessoires, vous obtenez un contingent, disons, de deux tonnes de vivaneau. Le premier jour de l'entrée en vigueur des CIT en Nouvelle-Zélande, les plaisanciers dans le golfe d'Hauraki, à Auckland, ont cru qu'il y avait eu un tremblement de terre souterrain à cause de tous les poissons morts qui flottaient dans l'eau. Il y avait tous ces nombreux poissons morts dans l'eau parce que si vous pêchiez du vivaneau, alors, toute votre pêche accessoire est rejetée à l'eau.
Ils font cela depuis un certain temps, mais dans n'importe quel système de contingent, c'est un problème. La difficulté avec les prises accessoires devient un problème énorme dans un système de CIT, alors il vous faut de la surveillance. Je ne sais pas comment le MPO peut dire que nous allons avoir uniquement le CIT. Je suppose qu'il croit que d'une façon quelconque, nous aurons un système de surveillance qui permettra de faire ces constatations.
Le deuxième point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'il y a quelques années, nous sommes allés parler à des gens en Écosse au sujet des pêches là-bas. L'Université d'Aberdeen faisait des travaux sur l'effondrement de la pêche dans cette région. Nous sommes allés à l'emplacement du hareng, et nous sommes allés dans les musées où il y avait des documents visuels montrant ce qu'était la situation du hareng. Il n'y a plus de hareng maintenant; il a été entièrement pêché.
Le problème, c'est qu'ils ne pouvaient pas empêcher personne de pêcher au-delà de la limite de six milles. Tout le monde venait pêcher à leur porte et tout le poisson a été capturé.
Il est douloureux de les vois capturer des homards. Ils ont des centaines de cages pour attraper un homard. Je ne pouvais pas le croire. Pourquoi quelqu'un exploiterait-il toutes ces cages pour un ou deux homards? Ils croient que c'est fantastique de capturer six homards.
Ce sont des exemples qui montrent à quel point les choses peuvent devenir pitoyables. Vous ne voulez rien savoir de l'expérience britannique. Ils ont essayé certaines de ces stratégies, mais que je sache, ils n'ont jamais essayé le système de CIT. Il se pourrait que ce système existe dans les pêches de poissons à nageoires quelque part dans le sud; je l'ignore. Je connais uniquement l'Écosse.
Le sénateur Merchant : Je viens de la Saskatchewan, alors je vais parler des gens. Au milieu des années 70, j'ai sillonné la province au nom d'un certain parti politique et nous sommes allés de ferme en ferme. À cette époque, j'ai rencontré beaucoup de célibataires sur les fermes. On m'a dit que les jeunes femmes n'étaient pas vraiment préparées à vivre sur la ferme de nos jours; elles devenaient infirmières ou enseignantes et migraient dans les plus grands centres. Alors, ces hommes restaient seuls pour gérer la ferme.
Aujourd'hui, en Saskatchewan, nous parlons de nos jeunes et nous avons de la difficulté à les garder. Un grand nombre d'entre eux vont en Alberta, par exemple, parce qu'ils y voient plus d'occasions. Dans les collectivités côtières que vous décrivez dans le Canada atlantique, êtes-vous capables de recruter des jeunes? Est-ce que la pêche est encore la base permettant à la communauté de prospérer? Qu'arrive-t-il là-bas?
M. MacInnes : Je dois sourire à propos des célibataires, parce que j'ai une communication complète sur les célibataires. Nous en avons créés beaucoup dans les années 30 jusque dans les années 50, époques où les femmes étaient autorisées à travailler aux États-Unis, mais pas les hommes. Nous avons vraiment ramassé beaucoup de célibataires. C'est également une des traditions de l'arrière-pays. Cela a beaucoup à voir avec la possession des terres et des choses de cette nature. Mais je digresse.
Votre principale question se trouvait dans la deuxième partie. Je l'ai oubliée.
Le sénateur Merchant : Que faites-vous pour garder vos jeunes? Parce que si les jeunes ne restent pas et qu'ils ne travaillent pas dans ces pêches pratiquées avec des petits bateaux...
M. MacInnes : En fait, vous avez préparé le terrain pour me faire parler d'un élément très révélateur dans la politique du MPO. Ces gens ont créé le pire des cauchemars à cause des permis et de la façon dont ce système fonctionne. La façon dont ils ont amené les collectivités autochtones à participer à la pêche a fait grimper le coût des permis à un tel point que nous avons maintenant un sérieux problème de relève.
Nous ne savons pas comment la prochaine génération héritera des parents, parce que les attentes sont que si vous avez un bateau et que vous pouvez en obtenir 500 000 $ et que vous n'avez pas de régime de retraite, vous allez chercher quelqu'un pour vous remplacer, mais pas votre fils.
Dans le passé, votre pêche était toujours transmise à votre fils. Mon père a hérité du bateau de son père et son père avait hérité du bateau de son père. Mon autre oncle n'avais pas de fils, mais son neveu a eu son bateau. Il a obtenu un assez bon prix pour ce dernier. Il n'a pas obtenu un bras pour son bateau, mais à l'heure actuelle, cela coûterait un bras. Les jeunes ne peuvent entrer dans cette industrie. Nous avons un problème parce que l'âge moyen augmente et qui assurera la relève? Eh bien, c'est ce que la politique du MPO envisage et je pense que ceux qui peuvent se permettre d'empiler les permis vont prendre la relève.
Ils vont mettre quatre ou cinq licences pour un bateau et pêcher jour et nuit avec deux bateaux. Vous pouvez faire cela peu importe d'où vous venez. Vous n'avez pas besoin de vivre dans la collectivité. Vous pouvez même le faire avec un travailleur vietnamien, un non-Canadien.
Il s'agit d'un problème sérieux, comment allons-nous faire en sorte que la prochaine génération participe à l'industrie de la pêche. Le MPO dit que c'est son problème, mais je ne pense pas qu'il a la solution.
Le sénateur Merchant : Nous avons le même problème en Saskatchewan avec les fermes. Maintenant, de nombreux agriculteurs disent qu'ils ne voudraient pas que leurs fils restent sur la terre du fait qu'il est trop difficile d'y gagner sa vie. J'encouragerais mes enfants à partir et à devenir médecin ou avocat ou quelque chose d'autre.
Vous dites la même chose, qu'il n'y a pas beaucoup d'encouragement pour que les jeunes vivent dans les petites collectivités. Pensez-vous que les petites collectivités peuvent attirer les jeunes?
M. MacInnes : Il y a eu des périodes dans notre histoire au cours desquelles la terre ne coûtait pas cher. Dans les années 50, vous pouviez acheter une ferme pour les taxes. Aujourd'hui, vous ne pouvez même pas regarder la région côtière du Cap-Breton, la terre que les gens ont acheté à cette époque. Dans les années 50, des Américains, pour la plupart, sont venus acheter des terres dans la zone côtière de la Nouvelle-Écosse parce que c'était une telle aubaine, et ensuite les Allemands sont venus en faire autant. Les gens de la région aimeraient avoir les terres maintenant, mais ils ne le peuvent pas. L'Île-du-Prince-Édouard a adopté une loi de manière qu'il y ait deux sortes de régimes fiscaux pour empêcher que cela se produise. C'est un mouvement de balancier.
Il y a des terres pour les maisons de campagne. Et il y a une population plus âgée au Canada. Est-ce que la population plus âgée déménagera dans les régions rurales? Certaines personnes croient qu'il y aura un déplacement vers les régions rurales; nous le voyons à l'heure actuelle en Nouvelle-Écosse. Nous voyons cela à Annapolis Royal; nous voyons cela dans les régions de Bridgewater et de Chester. Un grand nombre de personnes reviennent dans ces régions rurales pour y prendre leur retraite.
Il s'agit d'une question intéressante. Il y a des tendances que nous devrons examiner.
Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Je pense que nous devrions revenir à la question du poisson.
Le sénateur Hubley : J'aimerais souligner que l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard possède un Institut des études insulaires. Il pourrait être intéressant que l'Université Saint Francis Xavier aient un institut des collectivités côtières.
M. MacInnes : Oui, Harry Baglole et David Milne ont fait un excellent travail en créant cet institut. J'ai toujours été un admirateur du groupe d'études insulaire. Ma communication sur les îles Féroé a été faite dans un de ses forums.
Le président : Ce fut un véritable plaisir que de vous avoir ici aujourd'hui. Il est toujours agréable de vous revoir. Si l'on en juge par le nombre de questions et tout le temps que les membres du comité ont voulu passer avec vous, il y avait beaucoup d'intérêt.
J'espère que vous allez transmettre nos salutations au professeur Kearney. Il a déjà témoigné devant le comité et nous voulons lui souhaiter bonne chance dans son travail sur les collectivités côtières partout dans le monde. Je pense qu'il a eu beaucoup de succès avec cette question. Veuillez transmettre mes salutations à votre épouse, Judy; je la connais très bien, une bonne Comeau.
Encore une fois, merci beaucoup, professeur. Y a-t-il une dernière observation avant la clôture de la séance?
M. MacInnes : Non. Ce fut très intéressant. J'ai eu beaucoup de plaisir à vous rencontrer et je suis très heureux de cette merveilleuse occasion de vous parler.
Le président : Honorables sénateurs, la prochaine réunion aura lieu jeudi le 17 février à 10 h 45 dans la présente salle. Je vous encourage à être présents et nous en saurons encore davantage sur la façon d'améliorer le sort des collectivités côtières.
La séance est levée.