Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 3 - Témoignages du 17 février 2005
OTTAWA, le jeudi 17 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des pêches et océans se réunit aujourd'hui à 10 h 53 pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous continuons d'examiner aujourd'hui, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Nous sommes heureux d'accueillir le professeur Parzival Copes, professeur émérite de sciences économiques de l'Université Simon Fraser.
M. Copes est un spécialiste de renommée nationale et internationale en matière d'économie, de gestion et de politique des pêches. Le professeur Copes compte une très vaste expérience à titre de consultant et de conseiller auprès d'organismes gouvernementaux, d'organisations internationales et non gouvernementales, d'entreprises et de cabinets d'avocats au Canada et dans de nombreux pays d'Amérique du Nord et du Sud, d'Europe, d'Asie et d'Océanie. Il a publié de nombreux ouvrages sur les pêches et a souvent été invité à faire des commentaires à la radio, à la télévision et dans les journaux, ainsi qu'à prononcer des conférences.
M. Copes, soyez le bienvenu. Nous avons bien hâte d'entendre votre exposé et de participer à une matinée fort intéressante.
M. Parzival Copes, professeur émérite de sciences économiques, Institute of Fisheries Analysis and Centre for Coastal Studies, Université Simon Fraser : Je suis très heureux que vous m'ayez invité à vous adresser la parole sur un sujet qui me tient à cœur : les pêches. À vrai dire, j'ai l'impression que je parle toujours du même sujet.
J'ai critiqué et je critique encore ce qui est devenu une méthode privilégiée de gestion des pêches : l'utilisation des quotas individuels transférables. Dès le départ, lorsque cette méthode a été proposée, je m'y suis opposé, invoquant le fait que ces quotas individuels transférables n'avaient pas que des avantages. J'ai donc critiqué l'utilisation de tels quotas. Non pas que je considère qu'ils ne devraient jamais être utilisés, mais je crois que dans bien des cas, l'utilisation des quotas individuels transférables comporte des risques considérables. C'est toujours ce que j'ai soutenu. Si vous envisagez de recourir aux quotas individuels transférables, examinez bien la situation pour voir si c'est effectivement le système qui devrait être utilisé dans un cas en particulier, car l'utilisation des quotas individuels transférables comporte des risques.
D'abord, en ce qui concerne les pêches, il faut tenir compte du fait que l'on applique ainsi une politique à une industrie importante du pays. La politique des pêches compte trois composantes essentielles que vous voyez ici à l'écran : la question de la durabilité assurée grâce à la conservation biologique, la question de la rentabilité et du volet économique de l'efficacité, et la question sociale d'équité. Quand on songe à utiliser les quotas individuels transférables, il faut tenir compte des conséquences biologiques, économiques et sociales d'une telle mesure.
Je suis un peu sceptique quant à l'utilisation des quotas individuels transférables parce que cette méthode peut provoquer bien des effets néfastes. J'ai toujours soutenu qu'il faut examiner les risques que comporte l'utilisation des QIT avant de les appliquer.
Nous pouvons systématiser l'analyse des effets négatifs potentiels de l'utilisation des QIT. Permettez-moi de vous montrer ici à l'écran le genre de problèmes que provoque l'utilisation des quotas individuels transférables.
Les risques reposent sur deux considérations majeures. Premièrement, les exigences relatives à la gestion. En ce qui concerne la gestion des pêches, quels sont les effets néfastes que peut provoquer l'utilisation des QIT? La première série de problèmes porte sur le manque de souplesse relatif de la méthode dite du total autorisé des captures ou TAC. Si on utilise un système de quotas individuels transférables, à l'avance, on accorde à divers intervenants de l'industrie de la pêche un nombre fixe de prises.
Cela veut dire que l'on perd une certaine souplesse pour ce qui est de la gestion des pêches. Pour protéger les stocks, durant la saison de la pêche, il est important de faire une première estimation du nombre de poissons à prendre sans porter atteinte à l'état des stocks. Vous réaliserez peut-être au milieu de la saison que les stocks de poisson ne sont pas aussi importants que vous ne le croyiez. Si cela se produit et que l'on utilise un système de quotas individuels transférables, qui accorde à l'avance aux pêcheurs le nombre de prises possibles, vous constaterez peut-être que les prises ont été effectuées au début de la saison, que le poisson est peut-être parti, et que vous avez donc fait de la surpêche. Ainsi, vous vous privez d'une certaine souplesse en utilisant un système de QIT qui détermine le nombre de prises avant le début de la saison. Une fois la promesse faite, vous devez la respecter. C'est ce manque de souplesse relative dans le nombre total de prises autorisées qui caractérise le système de QIT.
Deuxièmement, il y a les engagements inhérents quasi irréversibles à ce système. Si vous utilisez un système de QIT et que vous dites aux pêcheurs au début de la saison quelles sont les prises autorisées, vous n'avez plus de marge de manœuvre si les prises ont été attribuées avant le début de la pêche. Les quotas individuels transférables sont déterminés par espèce de sorte que les prises autorisées précisent le nombre de morues ou d'aiglefins qu'on peut prendre. Cependant, le pourcentage de vos prises ne sera peut-être pas le même que celui qui aura été déterminé dans le quota, créant ainsi un problème de prises accessoires. Comment alors régler ce problème? Vous me direz que le poisson doit être remis à la mer, mais bien sûr, la plupart de ces poissons vont mourir et on encourage ainsi le gaspillage.
L'utilisation d'un système de QIT pose le problème du rejet des prises accessoires parce que l'on accorde un quota pour chaque espèce. Le seul moyen de respecter les quotas est d'exiger que les prises accessoires soient remises à l'eau. Si le pêcheur est autorisé à garder les prises accessoires d'une autre espèce pour laquelle il n'a pas de quota, alors les prises accessoires seront ciblées et on ne pourra pas respecter le système de gestion. Tous les pêcheurs voudront faire des prises accessoires parce qu'ils peuvent garder les poissons, ce qui augmentera considérablement le nombre de prises accessoires. Dans un système de quotas, on ne peut jamais accorder les quotas en proportion des autres prises des pêcheurs. Il y a toujours un problème de prises accessoires quand on utilise un système de QIT.
Voici maintenant une autre série de problèmes que pose le système de QIT : les comportements que provoque ce système. Comment vont se comporter les pêcheurs lorsqu'ils utilisent un système de quotas individuels transférables? S'ils ont un quota pour une espèce recherchée, mais qu'ils pêchent dans un secteur peu contrôlé où l'on trouve des espèces intéressantes, les pêcheurs vont masquer leur pêche et en faire ce qu'ils voudront. C'est ce que l'on appelle le « dépassement de quotas ». Le nombre de prises est plus grand que le nombre indiqué dans le quota. Selon la nature de la pêche, il est plus facile ou plus difficile de s'en tirer.
Vient ensuite le problème de la valeur élevée. Si vous pêchez une espèce pour laquelle vous avez un quota et qu'on vous offre un prix beaucoup plus élevé pour des poissons d'une certaine taille de cette espèce, vous serez alors tenté de rejeter les poissons de la taille qui ont une moins grande valeur. Lorsque les pêcheurs arrivent au port, les poissons de l'espèce prévue par le quota sont pesés. Ils ont donc avantage à n'avoir que les poissons de la taille la plus payante et ils maximisent la valeur — ils rejettent à la mer le poisson qui ne leur donne pas le prix le plus élevé la livre.
Il y a ensuite le problème du dumping des prix, qui peut être extrêmement coûteux pour certaines pêches. On lit parfois des articles où dans diverses pêches, quelqu'un tombe sur tout un chargement de poisson qui a été rejeté par un pêcheur. C'est peut-être que le pêcheur s'est rendu compte, après avoir pêché dans un secteur et avant de revenir au quai, que le prix de la prise qu'il recevra ce jour-là sera inférieur à cause d'un surplus. Le pêcheur cédera-t-il une partie de son quota de pêche pour un poisson qui ne lui rapportera que le tiers du prix attendu? Non. Le poisson est donc rejeté par-dessus bord. Le problème du dumping des prix intervient quand on essaie d'administrer la pêche à l'aide de quotas.
Ensuite, on a le problème du gonflage des quotas. Les pêcheurs ont le tour de persuader les politiques de convaincre le Ministère de leur accorder un quota un peu plus élevé. Il y aura toujours un homme ou une femme politique qui écoutera les pêcheurs de sa circonscription. Les pêcheurs lui diront qu'il y a beaucoup plus de morue que ne le pensaient les gestionnaires, et qu'on devrait donc leur accorder un quota plus important. Ils exercent des pressions sur les politiques pour accroître la taille des quotas qu'ils reçoivent. Très souvent, cela se traduit par une surpêche de diverses espèces.
Il y a aussi le problème de l'épuisement des stocks. Les pêcheurs préfèrent se faire allouer tant de tonnes de poisson pour cette année que de se faire promettre un quota plus important l'année suivante. Le vieil adage « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » s'applique aux pêches et il est infiniment préférable de se voir accorder un plus grand quota cette année que la promesse d'un quota plus important l'année suivante sans savoir si le poisson sera au rendez-vous à ce moment-là. On est toujours porté à offrir plus de poisson aujourd'hui qu'il n'est vraiment nécessaire.
Il y a aussi le problème de la manipulation des données. Beaucoup de pêcheurs, s'ils arrivent à s'en tirer, vont rapporter des prises supplémentaires sans en rendre compte et déclareront seulement la quantité qu'ils ont le droit de prendre. Cela veut dire que les gestionnaires des pêches ont une idée des prises déclarées bien inférieure à la réalité. Cela veut dire également que les données qu'ils utilisent pour estimer l'importance des stocks sont biaisées et leur donnent une fausse impression de la réduction effective des stocks si une grande partie des prises ne sont pas déclarées.
Voilà nombre des problèmes que peut provoquer un système qui repose sur les quotas. Le système ne fonctionne pas aussi bien qu'on le prévoit en théorie.
Je pense vous avoir exposé les principales raisons pour lesquelles je suis un peu sceptique au sujet de la gestion de la pêche à l'aide du système de quotas individuels transférables.
Le président : Vous êtes prêt à passer aux questions, monsieur?
M. Copes : Tout à fait.
Le président : Nous allons commencer avec le sénateur Phalen.
Sénateur Phalen : Dans votre exposé, je ne vous ai pas entendu parler de quotas individuels ou de quotas des collectivités. Avez-vous une opinion au sujet de ces deux types de quotas ou si vous les englobez tous ensemble?
M. Copes : Si vous utilisez un système de quotas individuels, il peut être beaucoup plus difficile de tenter de ne pas vous faire prendre si vous pêchez du poisson que vous ne déclarez pas. Il est difficile de surveiller l'utilisation de milliers de quotas individuels plutôt que d'examiner le volume total de poissons qui sont ramenés à un port, ou quelque chose du genre.
Si vous parlez des quotas des collectivités, on obtient une estimation plus approximative du nombre de poissons qui sont pêchés, mais les gens ont moins la possibilité de cacher les quantités de poissons qu'ils prennent individuellement. Il est beaucoup plus difficile d'essayer de suivre toutes les personnes qui prennent du poisson que d'avoir une estimation approximative, qui n'est peut-être pas tout à fait exacte, mais une estimation approximative du nombre de poissons qui vont être déclarés.
Le sénateur Phalen : Dans la région de l'Atlantique, on s'inquiète au sujet des accords de fiducie. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Copes : Comme ça, non. J'aimerais examiner la situation attentivement avant de faire quelque observation que ce soit.
Le sénateur Phalen : À votre avis, y a-t-il des flottes de pêche sur la côte Est qui sont encore trop grandes pour les ressources disponibles?
M. Copes : Je n'ai pas étudié la question ces derniers temps. Je l'ai déjà fait, et je dois dire que la capacité excédentaire était certainement considérable. Je dirais qu'elle l'est encore peut-être un peu trop, mais je n'ai pas une idée exacte de la situation actuellement.
Le sénateur St. Germain : Merci, monsieur Copes. Après avoir écouté attentivement votre exposé, professeur, comment peut-on légiférer ou réglementer l'intégrité? Avez-vous des suggestions à faire? Vous avez fait ressortir les écueils qui existent dans chaque type de système. Il y a la valeur élevée, le dépassement des quotas, le rejet des prises accessoires. Il y a toujours des gens qui vont tricher, et il y a moins de personnes sur place pour faire respecter la loi. Tout ce que font les tribunaux, c'est d'accueillir ces gens par la porte avant pour les faire ressortir par la porte arrière. En réalité, il n'y a pas de sanctions. Les tribunaux ne saisissent pas les engins de pêche comme ils devraient le faire. Avez-vous des suggestions?
M. Copes : Votre question est une question difficile. Si vous avez un système hautement individualisé de droits d'accès, vous allez devoir surveiller bien des gens pour savoir combien de poissons ils prennent. C'est là une tâche plutôt difficile. Si on adopte un système dans lequel on dit qu'on ne va pas vérifier les particuliers, mais qu'on veut simplement s'assurer que le total des prises n'est pas trop grand, il sera un peu plus difficile d'avoir une estimation exacte des quantités de poisson qui sont prises. Mais si on ne dit pas aux gens qu'on ne veut pas qu'ils trichent et qu'ils pêchent quand on ne connaît pas la teneur des prises, on adopte alors un système moins précis permettant de voir combien de poissons passent par divers systèmes. Vous dites : « Je pense que l'on prend trop de poissons de cette espèce », et vous interdisez la pêche. C'est un système plus difficile parce que vous n'essayez pas de mesurer chaque quantité de poisson qui est prise par chaque pêcheur, mais vous ne donnez pas non plus autant de possibilités à chaque pêcheur de cacher des prises. Vous obtenez alors une estimation plus approximative du nombre de poissons qui transitent par les ports, mais peut-être que c'est une meilleure estimation à long terme parce que personne n'essaie de cacher ses prises. C'est le choix que vous devrez peut-être faire, à savoir, allons-nous tenter d'individualiser la quantité de prises que les gens ont le droit de rapporter, ou si nous allons adopter un système plus rigoureux permettant de voir combien de poissons transitent par les ports pour ensuite dire : « Nous allons fermer la pêche parce qu'il y a suffisamment de prises pour cette année. »
C'est une décision difficile, il faut décider quel système nous donnera les meilleurs résultats, parce que dans les deux cas, il est possible que l'on obtienne des estimations erronées, est-ce qu'il faudra un système individualisé ou un système qui permet seulement de voir ce qui transite par les ports? Vous allez devoir examiner attentivement lequel des systèmes vous donnera les meilleurs résultats dans certains cas particuliers.
Le sénateur St. Germain : J'aimerais vous poser une question au sujet de la pêche sur la côte Ouest. J'aimerais avoir votre opinion. Au fur et à mesure que la menace contre les migrations de saumon en Colombie-Britannique se concrétise, certains disent que nous devrions suspendre la pêche commerciale et garder le saumon pour la pêche sportive parce que, pour ainsi dire, la pêche sportive est beaucoup plus payante.
Avez-vous une opinion à ce sujet, monsieur?
M. Copes : Votre question est une question difficile. En général, j'ai l'impression qu'il y a de la place pour les deux. Il faut déterminer s'il est facile de gérer les pêches et d'obtenir une estimation exacte du nombre de prises, et il faut aussi contrôler les quantités de poissons qui sont pêchées, selon les quantités qui sont prises dans le cadre de la pêche sportive, et les quantités qui sont attribuées à la pêche commerciale. Tout compte fait, je suppose que l'on peut exercer un meilleur contrôle sur la pêche commerciale parce que l'on peut faire des vérifications dans différents circuits plus facilement qu'on peut le faire auprès de particuliers qui sont répartis un peu partout et qui s'adonnent à la pêche.
Il faut aussi se demander ce que les Canadiens veulent faire de leurs stocks de poisson. Est-ce qu'on veut permettre davantage la pêche sportive? Veut-on avoir une pêche commerciale plus saine? En dernière analyse, ce sont les politiques qui décident, dans quelle mesure nous accorderons des prises pour la pêche sportive par opposition à la pêche commerciale. Je n'ai pas d'opinion arrêtée là-dessus.
Le sénateur St. Germain : Vous dites que c'est une décision des politiques, mais en réalité, je dirais qu'il s'agit de déterminer quelle méthode met le plus l'espèce en danger. Je chasse assez souvent et dans le domaine, les chasseurs s'autoréglementent. Si quelqu'un contrevient à un règlement là où je chasse tous les ans dans les Rocheuses, je peux vous dire que cela ne sera tout simplement pas accepté. Personne n'est autorisé à chasser avant l'ouverture de la saison et si quelqu'un le fait, il est déclaré.
À votre connaissance, existe-t-il une certaine autoréglementation dans l'industrie de la pêche, ou pourrions-nous élaborer un tel système qui serait appliqué plus concrètement dans ce domaine? Comme vous le savez, la technologie étant ce qu'elle est, la vitesse des embarcations, tout s'est tellement amélioré que si les pêcheurs ne s'autoréglementent pas, il est pratiquement impossible de le faire à leur place. C'est comme dans la chasse sportive. Si nous, chasseurs, ne facilitons pas le respect des lois, les chasseurs vont éliminer les populations de wapitis et d'orignaux, pour ne nommer que celles-là.
Avez-vous déjà envisagé l'aspect exécution du point de vue de l'autoréglementation de l'industrie ou si le fouillis est tel qu'un tel système n'existe pas?
M. Copes : C'est là une question importante et intéressante à laquelle je n'ai pas de réponse toute prête parce que je n'y ai pas beaucoup réfléchi, mais c'est là un sujet qu'il vaudrait la peine d'étudier.
Le sénateur Hubley : Merci, et soyez le bienvenu ce matin, professeur Copes. J'ai l'impression qu'on ne peut pas discuter de la pêche sans examiner les collectivités côtières canadiennes des deux extrémités du pays et dans le Nord, et s'il y a un changement dans la pêche, quelles répercussions ce changement aura sur ces collectivités. Ma question se rapporte aux quotas des collectivités. Vous en avez déjà parlé, mais la viabilité économique dans le domaine des pêches ne semble pas vouloir dire la même chose pour tout le monde. Pour certains, la viabilité économique des entreprises de pêche est primordiale, alors que d'autres sont davantage préoccupés par la viabilité des collectivités côtières et appuient une gestion des pêches axée sur les collectivités, qui repose sur le principe que les pêcheurs et les autres résidents des collectivités côtières qui vivent plus près de la ressource devraient assumer des responsabilités et exercer un contrôle plus grands au sujet de sa gestion.
D'après votre expérience, je me demande si vous pourriez faire des commentaires sur d'autres industries de la pêche en Islande, en Écosse, en Nouvelle-Zélande ou en Norvège, et en quoi ces industries se comparent-elles à l'industrie de la pêche dans l'Atlantique, au Canada? Y a-t-il des similitudes ou des différences? Est-ce que ces pays pratiquent la cogestion?
M. Copes : Je crois que ce sont là des questions fort à propos et intéressantes. Bien honnêtement, je n'ai pas de réponse toute prête. J'ai étudié les pêches dans de nombreux pays et nous pourrions peut-être tirer certaines conclusions de ces études, mais je n'ai pas fait d'étude précise et je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Il vaudrait la peine de faire un peu de recherche pour répondre à ces questions.
Le sénateur Hubley : Le Canada compte une communauté autochtone, comme la Nouvelle-Zélande. Nous aimerions bien savoir comment les QIT ou le système de QI fonctionne dans ce pays parce que nous croyons que peu importe le système que nous adopterons au Canada, il devra répondre aux besoins de notre communauté autochtone.
M. Copes : Je pense qu'il faut faire beaucoup plus d'études sur les systèmes de quotas, pas seulement les quotas individuels, mais les quotas des collectivités, et qu'il faut examiner les moyens que nous avons d'établir un système de quotas qui soit efficace et rentable. Il faut faire beaucoup de travail avant de donner des réponses à ces questions.
Le sénateur Adams : Merci, professeur. Je vis la plupart du temps dans une collectivité sur la côte de l'Arctique. Vous êtes de la Colombie-Britannique. Avez-vous étudié la pêche au saumon pratiquée par les Autochtones avant qu'on adopte le système d'écloserie? Avez-vous étudié ce qui distingue les pêcheurs autochtones? Avez-vous étudié la différence entre les quotas des collectivités et l'utilisation du quota commercial reconnu par le MPO?
M. Copes : Voilà des questions intéressantes, mais je ne peux pas vous répondre immédiatement. Certes, je pense qu'il faudrait faire des recherches pour obtenir des réponses à ces questions. Je n'ai pas eu l'occasion de me pencher sur le sujet.
Le sénateur Adams : Entre-temps, depuis que nous avons réglé la question des revendications territoriales, le ministre des Pêches et des Océans nous a attribué quelques régions, 10A et 10B, et selon lui, c'est ce que l'on appelle les quotas du Nunavut. Au cours des quatre ou cinq dernières années, trois ou quatre collectivités ont accepté un quota ponctuel dans la collectivité. Maintenant, la politique a changé. Une autre entreprise de l'Europe est en train de prendre la majeure partie du quota. La politique devrait être modifiée. Puisque nous avons réglé les revendications territoriales, nous devrions être capables de contrôler le quota pour notre collectivité.
M. Copes : Il vaudrait certainement la peine de se pencher sur la question pour établir une politique raisonnable. Cette politique devrait porter sur la nature du problème dans différentes régions du pays. Dans le Nord, soit dans la région qui vous intéresse, la situation pourrait très bien exiger un système différent de celui qui existe dans les autres régions du pays. Il vaudrait vraiment la peine de se pencher sur les règlements spécifiques aux conditions qui existent dans différentes régions du pays.
Le sénateur Adams : Une autre question. Elle concerne principalement les grandes entreprises. Certaines de ces entreprises sont à la recherche d'une main-d'œuvre bon marché. Nous vivons dans l'Arctique, nous ne pouvons faire concurrence à d'autres entreprises. Nous sommes là depuis des milliers d'années, nous savons où aller. Nous vivons à la fois des fruits de la terre et de la pêche. Les gens doivent dépendre des phoques, des baleines et du caribou. Aujourd'hui, le gouvernement dit qu'il faut apprendre comment monter dans un bateau. Nous avons déjà navigué. Nous avons déjà embarqué dans des bateaux. Avec la politique qui existe actuellement, le gouvernement dit qu'il faut apprendre à pêcher. Les gens pêchent et chassent depuis des temps immémoriaux. Nous ne sommes pas des agriculteurs, alors ce qui devrait être dans la politique c'est ce qui ne se rapporte pas à la chasse ou à la pêche. La politique doit reconnaître ce qui existe dans notre culture comparativement à l'aspect commercial.
M. Copes : Je crois certainement que les politiques devraient être spécifiques à la culture et à la situation des régions du pays qui, en fait, sont différentes de par leurs besoins.
Je suis tout à fait d'accord que l'on devrait examiner les règlements spécifiques à une culture qui doivent être pris en compte, particulièrement dans le Grand Nord où la situation est très différente de celle de la côte Est ou de la côte Ouest du pays.
Le président : Merci beaucoup, nous allons maintenant passer au sénateur Watt du Nord du Québec.
Le sénateur Watt : Merci, professeur, et soyez le bienvenu. Je vais tenter d'aborder deux questions. L'une concerne, dans le système actuel, la façon dont la pêche se fait dans l'océan. Ensuite, je vais revenir au bon vieux temps.
Nous savons effectivement qu'il y a des inspecteurs à bord des chalutiers. Avec le temps, nous avons appris qu'ils n'assument pas véritablement leurs responsabilités et qu'ils ne font pas les déclarations nécessaires. Ça, nous le savons depuis un certain nombre d'années. Je sais de quoi je parle pour avoir eu des chalutiers en mer ayant des inspecteurs à leur bord. Normalement, ce sont des inspecteurs désignés par Pêches et Océans.
Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que les inspecteurs ne font pas leur travail. Au fil des ans nous avons appris qu'ils ne font pas leur travail, qu'ils se laissent acheter par les pêcheurs. Autrement dit, ils ne déclarent pas ce qu'ils devraient déclarer quant aux prises et aux poissons rejetés dans l'océan.
Le fait que vous ayez souligné certains scénarios, les problèmes que vous constatez, tout cela correspond aux connaissances que j'ai acquises au cours des années pour avoir participé à des activités de pêche à l'échelle internationale.
À votre avis, que doit faire notre comité si nous voulons formuler des recommandations tangibles au ministère des Pêches et des Océans, et donner davantage de pouvoirs aux inspecteurs pour qu'ils puissent vraiment faire leur travail? Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions y parvenir, soit à l'aide d'une mesure législative, soit par un autre moyen?
Mon autre question est qu'il semble y avoir concurrence entre l'ancienne façon et la nouvelle façon de faire de la pêche. Ce que je veux dire, c'est que Pêches et Océans tente actuellement de faire assumer ses responsabilités par le secteur privé. Vous l'avez souligné, et je pense que vous remettez en question cet aspect aussi.
Le comité devrait-il faire des recommandations, à savoir qu'il y a très peu de poissons dans l'océan, que les océans sont en difficulté, que nous devrions faire de notre mieux — je sais que l'on ne peut pas revenir en arrière, mais à tout le moins tenter de le faire — et dire que certaines pratiques qui ont cours dans l'océan ne sont plus acceptables? Autrement dit, les nouvelles méthodes et la technologie qui sont utilisées aujourd'hui sont tellement impressionnantes qu'elles pourraient vider l'océan sans crier gare. C'est dans cette direction que nous orientons nos travaux depuis quelques années.
Le gouvernement devrait-il assumer ces responsabilités, plutôt que de les privatiser, et dire que assez, c'est assez, que c'est ce que nous devons faire maintenant, nous concentrer sur la collectivité, sur les gens qui vivent sur les côtes? Comme l'a souligné le sénateur Hubley tout à l'heure, on s'inquiète du gagne-pain des habitants des côtes, y compris des Autochtones. Ces choses ont une influence sur notre économie, c'est notre vie de tous les jours. Nous en subissons les contrecoups.
Si Pêches et Océans va de l'avant, ce sera la fin de ces collectivités. En même temps, à ce que je sache, le gouvernement ne tente pas de trouver des solutions de rechange pour que ces gens puissent gagner leur vie.
Je m'arrête là et vais attendre votre réponse.
M. Copes : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Dans un pays aussi diversifié, un pays de la taille du Canada, qui compte des régions éloignées vivant une situation bien différente de celle des autres régions, il nous faut des règlements spécifiques aux différentes situations qui règnent dans le pays. Certes, dans les régions du Nord qui vous préoccupent, dans bien des cas, il nous faut adopter des règlements qui soient spécifiques aux conditions de ces gens.
Cela ne sera pas facile parce qu'il faudra faire beaucoup de travail supplémentaire pour s'intéresser aux régions éloignées et à leur situation très difficile. Cela nécessitera probablement une approche totalement différente en matière de gestion, mais il faut qu'on s'y attelle.
Le sénateur Watt : Merci. On passe maintenant à la deuxième ronde de questions.
Le président : Oui, la parole est au sénateur Johnson du Manitoba.
Le sénateur Johnson : Soyez le bienvenu, professeur. À votre avis, est-ce que les pêches fondées sur les droits de propriété — par exemple les quotas privés, les QIT — encouragent une bonne gestion de la ressource?
M. Copes : Peut-être bien. Cela pourrait être aussi le contraire. Si on laisse les gens s'occuper de la pêche sans autre contrôle que celui qu'ils exercent eux-mêmes, cela dépend des attitudes de bonne gestion de ces gens, qu'ils soient fortunés ou non. Est-ce que ce sont des gens qui veulent s'enrichir rapidement et qui pourraient, en fait, détruire les stocks, ou sont-ils très responsables?
Il faut examiner très attentivement les circonstances particulières et dire que oui, il nous faut un régime différent dans cette région, et que nous pouvons laisser le soin aux autorités locales de trouver les bonnes réponses dans leur contexte; ou encore, que tel n'est pas le cas, et qu'ils ne sont pas suffisamment responsables pour adopter une saine gestion des pêches. Les circonstances pourraient bien être différentes selon les régions du pays.
Le sénateur Johnson : Est-ce que les pêches fondées sur les droits de propriété ont donné une pêche plus durable en Nouvelle-Zélande et en Islande? Est-ce que les systèmes de gestion des pêches dans ces pays sont un succès du point de vue de la conservation? Comme vous le savez, l'Islande est le premier pays à avoir adopté la gestion des quotas individuels.
M. Copes : Je sais que dans des pays comme l'Islande, on a fait de l'expérience de certaines approches de gestion. Je ne sais pas exactement dans quelle mesure ces approches ont été un succès. J'en ai entendu parler, et je suis allé en Islande et dans plusieurs autres pays qui ont adopté leurs propres approches. Dans certains cas, je suis un peu sceptique, mais je suis disposé à me laisser persuader.
Je n'ai pas étudié suffisamment ces approches pour pouvoir vous donner une réponse très précise.
Le sénateur Johnson : Une autre question, professeur. Quelles sont les lacunes les plus graves des QI et des QIT? Est- ce qu'ils provoquent des problèmes nouveaux et différents? Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Copes : Il peut y avoir deux types de lacunes. Dans un cas, ;e système peut accorder des avantages à certains groupes qui ont droit à un accès privilégié, et c'est peut-être injuste. Quant à savoir si c'est bon pour la gestion des pêches, cela dépend du niveau de responsabilisation des gens qui gèrent les pêches. Cela pourrait aussi vouloir dire une très bonne gestion, si les collectivités envisagent la question à long terme; ou une mauvaise gestion, si les gens veulent s'enrichir rapidement. Donc, si on laisse les autorités locales autoriser les gens à s'occuper de leurs propres pêches, les résultats peuvent être très bons ou très mauvais. On peut obtenir les deux types de résultats — très bons et très mauvais. Avant d'accorder ce droit aux autorités locales, je prévoirais le mieux possible les résultats escomptés en ce qui concerne l'attitude des gens intéressés. Dans une large mesure, cela dépend de la façon dont ils sont responsables à l'égard de leur collectivité, plutôt que de simplement favoriser leur intérêt personnel.
Le sénateur Johnson : Puis-je simplement conclure? À quel moment étiez-vous à l'Université Memorial de Terre- Neuve?
M. Copes : J'étais là de la fin des années 1950 au début des années 1960.
Le sénateur Johnson : Pouvez-vous nous dire ce que vous y avez constaté? Avez-vous été témoin de la situation de la morue ou si les choses n'allaient pas si mal à l'époque?
M. Copes : À l'époque, le développement des pêches nécessitait encore beaucoup de travail, beaucoup plus que ce qui a été fait, beaucoup plus que les progrès réalisés. À cette époque, il fallait encore faire beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, sénateur Johnson. Signalons en passant que l'Université Memorial vous a décerné un doctorat honorifique en 1994.
M. Copes : Oui, c'est un petit peu plus récent que cela.
Le président : Oui, en 2004. Je suis mêlé dans mes dates. Le sénateur Merchant vient tout juste de devenir membre du comité, nous lui souhaitons donc la bienvenue aujourd'hui.
Le sénateur Merchant : Merci beaucoup, professeur, merci à vous également, monsieur le président.
Professeur, la Loi sur les pêches accorde au ministre de très vastes pouvoirs discrétionnaires pour répartir la richesse grâce aux permis de pêche et aux quotas. L'article 7 de la Loi sur les pêches autorise le ministre à délivrer des permis de pêche à sa discrétion absolue. Le cadre stratégique de 2004 sur les pêches de l'Atlantique fait état de la nécessité de modifier peut-être la Loi sur les pêches. Le Ministère utilise souvent le terme « modernisation » quand il parle de la Loi sur les pêches. Selon le cadre stratégique, le Ministère indique que les flottes de pêche pourraient proposer des mécanismes d'autoajustement comme la délivrance de permis et de quotas par l'entremise de conseils de planification des flottes.
Est-ce que la Loi sur les pêches compte des lacunes graves à votre avis et pouvez-vous nous donner plus de détails?
M. Copes : Je suis désolé de ne pouvoir vous donner une réponse rapide. Il faudrait que j'examine la Loi plus attentivement.
Le sénateur Merchant : Préféreriez-vous que le ministre des Pêches et des Océans n'exerce pas un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui concerne la délivrance des permis et les quotas? Le MPO devrait-il se retirer et ne plus prendre de décisions concernant les quotas de pêche?
M. Copes : Là encore, je n'ai pas de réponse toute prête. Il faudrait que j'examine la situation pour regarder ce qui se passe actuellement et déterminer s'il y a des lacunes dans l'exercice du pouvoir relatif aux pêches pour voir ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses. Je n'ai pas de réponse toute prête à vous donner.
Le sénateur Merchant : De ce que vous savez de la gestion des pêches en Nouvelle-Zélande, croyez-vous qu'il y a eu consensus social avant que le système de QIT ne soit mis en place là-bas?
M. Copes : Je doute qu'il y ait eu consensus social complet. Je ne connais pas suffisamment bien la portée du consensus qui peut s'être dégagé et qui ait justifié la mise en place du système. Sans aucun doute, certaines personnes étaient très en faveur, mais c'était peut-être parce que le système allait les favoriser.
Le sénateur Merchant : Enfin, je vais vous poser une dernière question au sujet de la Nouvelle-Zélande, peut-être que vous pourrez y répondre.
Quelles ont été les conséquences sur les collectivités et sur la société de la mise en place des QIT là-bas?
M. Copes : Je n'ai pas étudié cette question attentivement. Je ne pense pas que je puisse vous donner une bonne réponse sans faire une étude plus poussée.
Je me suis rendu en Nouvelle-Zélande à quelques reprises, mais je n'ai pas fait d'étude spécifique sur l'efficacité du système là-bas. Il serait téméraire de ma part de faire des commentaires à ce sujet maintenant.
Le sénateur Merchant : Il serait bien que notre comité compare certains des autres systèmes existant en Nouvelle- Zélande, en Grande-Bretagne ou en Islande.
M. Copes : C'est là une étude qu'il vaudrait la peine de faire. Je ne l'ai pas faite, je ne veux donc pas vous donner une opinion comme ça.
Le président : J'aimerais poser quelques questions avant que nous passions au deuxième tour, professeur.
Pour donner suite à cette question, les fonctionnaires du MPO ont dit que la Nouvelle-Zélande et l'Islande avaient adopté pratiquement une panacée, l'outil ultime de gestion qui réglerait tous les problèmes du déficit, et ainsi de suite.
J'exagère peut-être un peu, mais le système a été décrit comme la panacée. Est-ce que vous savez si des études sérieuses et objectives ont été faites par des chercheurs sur les grands avantages et les grandes lacunes du système des pêches de l'Islande et de la Nouvelle-Zélande?
M. Copes : C'est là une question intéressante et j'ai une bande dessinée tirée d'un journal de l'Islande. Je pense que je l'ai ici. J'aimerais vous la montrer pour vous donner une indication des commentaires qui ont été faits. Il s'agit de la « Chambre des QIT » en Islande commentée par l'auteur du dessin animé du grand journal de ce pays. Voici comment il perçoit la situation.
Le président : Très intéressant. C'est peut-être là une des études que nous pourrions vouloir envisager.
M. Copes : Cette bande dessinée a été publiée dans le Morgunbladid, qui est le grand quotidien de l'Islande.
Le président : Une image vaut mille mots. Dans mes temps libres, j'essaie de lire les journaux d'autres pays. Voici un article tiré du journal The New Zealand Herald du 17 février. C'est le journal d'aujourd'hui en Nouvelle-Zélande.
Je vais citer l'agent administratif de la Fishing Industry Guild South Island, Louis Hart. Je ne vais pas passer tout le journal en revue. Je vais faire simplement une citation ici : « Je pense que l'on peut dire sans risque de se tromper qu'en Nouvelle-Zélande, la pêche intérieure est en chute libre. »
Peut-être devrions-nous chercher à comprendre ce que le journaliste voulait dire. Il s'explique à la deuxième ligne. « La prétendue restructuration de notre industrie semble être simplement un code pour mettre des travailleurs néo- zélandais à pied afin d'accroître les profits. »
Là encore, cela fait peut-être ressortir la grande nécessité de voir quelle a été l'expérience de ce pays qui percevait ce système comme une panacée et de voir si ces commentaires sont une indication des résultats de cette solution économique classique.
M. Copes : Oui, j'ai lu des articles très dérangeants sur la Nouvelle-Zélande également, des critiques contre les effets de ce système là-bas. Je n'ai pas suffisamment de détails sur le bout des doigts pour donner une bonne évaluation de la situation actuelle.
Le président : Nous pourrions peut-être vous encourager à faire l'une de vos futures études sur ce sujet.
Le sénateur Saint-Germain a parlé de l'expérience de la Colombie-Britannique. Comme vous le savez, les professeurs Pearse et McRae ont publié récemment un rapport intitulé « Les traités et la transition », ce qu'on a appelé le rapport Pearse-McRae. L'une des recommandations du rapport est que le saumon devrait être assujetti à un système de QIT.
Il y a cinq, six ou sept ans à peine, même le MPO disait qu'il n'était pas possible d'assujettir le saumon à un programme de QIT. Entre autres raisons, on disait que ces poissons voyagent en compagnie d'autres salmonidés et qu'en visant l'un on attrape l'autre. Par conséquent, ce système était inapplicable compte tenu également des modèles migratoires.
Est-ce que l'idée d'inclure le saumon dans un programme de QIT a du sens?
M. Copes : Cela n'en a jamais eu pour moi. Même les grands protagonistes des QIT disent depuis longtemps qu'on ne peut pas vraiment assujettir le saumon à ce système. Ils veulent tellement un système de QIT adapté à toutes les situations qu'ils cherchent par tous les moyens à imposer ce système au saumon également. Je pense que ce serait probablement désastreux, certainement très malheureux.
Le président : Peut-être se sont-ils dit que le saumon avait maintenant changé ses habitudes, que les saumons nagent maintenant en famille homogène et que l'on peut s'attaquer au salmonidé de son choix de sorte que quelqu'un qui a un permis de pêche au saumon quinnat ne prendra que ce type de saumon et ainsi de suite. C'est l'une des choses que nous devrons regarder.
Compte tenu de votre vaste expérience, et tout le monde ou presque reconnaît que vous avez passé la plus grande partie de votre vie à vous intéresser à la gestion des pêches et à l'impact des décisions sur les pêches, est-ce que ce groupe de travail vous a demandé votre avis sur le rapport qu'il a publié?
M. Copes : Non.
Le président : La plupart des intervenants de l'industrie reconnaissent que vous êtes l'un des plus grands spécialistes de la question. Et on ne vous a pas demandé votre opinion?
M. Copes : Non, mais je suis aussi critique de beaucoup de choses qui ont été mises de l'avant par d'autres, de sorte que les gens ne sont pas enclins à me demander mon opinion.
Le président : C'est Marshall McLuhan qui dit que le médium est le message. Je me demande ce qu'aurait été le message si le MPO avait choisi Parzival Copes pour faire un rapport et si ce rapport aurait été perçu comme différent.
M. Copes : Sans aucun doute, tout à fait.
Le président : Les gens m'ont formulé des commentaires sur le fait que c'est le rapport du professeur Pearse, et je ne le démolis pas du tout ici. Le professeur Pearse est un spécialiste reconnu sur la question et il a ses opinions et ses idées. Beaucoup ont dit à ce moment-là que les conclusions étaient pipées. Par conclusion, le médium devient le message dans ce cas, à savoir que le MPO a choisi un médium pour faire passer son message.
M. Copes : Oui, sans aucun doute.
Le président : On vous a demandé tout à l'heure si vous saviez si des études économiques et sociales avaient été faites en Nouvelle-Zélande ou en Islande avant la mise en œuvre du régime de privatisation. Saviez-vous qu'on avait évalué les répercussions de cette mesure?
M. Copes : Je ne suis au courant d'aucune étude officielle. Sans aucun doute, certaines personnes avaient des opinions différentes, certaines d'entre elles m'ont consulté et elles n'aimaient pas l'approche adoptée par le gouvernement.
Le gouvernement n'a pas envisagé bien des solutions de rechange. Il a choisi celle qu'il aimait et il a fait faire des études pour favoriser cette approche.
Le président : C'est ce qui se fait dans certains secteurs au Canada actuellement. Certains laissent entendre que c'est effectivement ce qui se produit. Il n'y a pas d'analyse objective détaillée des impacts de l'orientation adoptée et on poursuit le chemin quand même.
M. Copes : Nous n'examinons pas les solutions de rechange.
Le président : Encore quelques questions. Savez-vous que des fonctionnaires du MPO du Canada sont allés dans d'autres pays pour faire connaître les avantages des programmes de QIT malgré certaines des lacunes que vous avez vous-même établies pour nous aujourd'hui, et savez-vous si ces fonctionnaires du MPO que nous connaissons pour ce faire dans des pays étrangers le font dans des pays sous-développés, ou si nous devrions chercher à savoir si cela se produit?
M. Copes : Je ne sais pas s'ils sont allés dans des pays sous-développés pour promouvoir le même système là-bas. À mon avis, ce système serait plutôt difficile à appliquer dans les pays en voie de développement. Il y a des gens qui ont une telle estime de leur propre système qu'ils aimeraient le voir appliqué partout, je suppose.
Le président : Vous seriez étonné. Si on tente de l'appliquer au saumon, on peut l'essayer pour n'importe quoi d'autre. Peut-être même pour l'anguille et les poissons arc-en-ciel, actuellement.
Le MPO considère les quotas comme un contrat entre le Ministère, le gouvernement, et le détenteur du permis. Il s'agit des deux seules parties au contrat lorsque les quotas sont accordés.
Seriez-vous d'accord avec l'hypothèse soumise par certains selon laquelle, en fait, il y a une troisième partie au contrat, en ce sens que les collectivités qui ont investi dans l'infrastructure, les fabriques de glace, les usines de transformation, les hôpitaux, les écoles et ainsi de suite, construits autour de la collectivité qui dépendait de la pêche, et que ces personnes, lorsqu'une décision est prise au sujet de leur avenir ou pour savoir si les quotas de poisson seront accordés, si ces personnes n'ont pas aussi leur mot à dire dans le contrat?
M. Copes : Moi je suis d'accord qu'elles devraient avoir leur mot à dire.
Le président : Actuellement, le MPO ne considère pas ça comme pertinent et ces collectivités ne sont pas parties au contrat.
M. Copes : Apparemment, oui.
Le président : Une dernière série de questions. Savez-vous si des études ont été menées sur la question de la concentration des permis, parce que l'expression même « quota individuel transférable » signifie qu'il peut y avoir, et on en a eu des preuves, concentration des stocks chez de moins en moins de personnes.
M. Copes : Sans aucun doute, c'est l'un des objectifs du QIT de favoriser la concentration.
Le président : Savez-vous si l'on progresse parce qu'il y a ici continuum qui part d'une ressource communautaire et aboutit à une ressource fondée sur le droit de propriété? Quelque part en chemin, cela devient de la propriété privée. Lorsque le permis, ou le poisson, devient une propriété privée, le problème devient alors un problème de compétence provinciale et non fédérale parce que la propriété privée est de compétence provinciale.
M. Copes : C'est là une question intéressante. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi mais cela vaudrait la peine de le faire.
Le président : Une dernière question. Vous avez dit, dans votre déclaration d'ouverture, que le système de QIT comportait des lacunes et que la manipulation des données signifie qu'on ne déclare pas les prises. Certains poissons sont rejetés à la mer. Certains ne sont pas déclarés, et les gestionnaires et les scientifiques doivent avoir les bons chiffres pour évaluer ce qui a été retiré de la biomasse. Il existe une biomasse de certaines espèces et si les pêcheurs déclarent qu'ils en ont pris un certain nombre de livres ou de tonnes, mais qu'ils ne déclarent pas qu'il y a eu rejet à la mer, valeur élevée ou fausse déclaration, cela peut vouloir dire que les scientifiques eux-mêmes n'ont pas les bons chiffres. Ils sont en train d'établir leur TAC pour les prochaines années à partir de chiffres erronés. J'aimerais savoir si c'est effectivement ce qui se produit.
Ne pourrait-on pas encourager les pêcheurs à délibérément omettre un pourcentage de tout cela si le MPO sait qu'il y a dumping, parce qu'il serait gênant pour le MPO de l'admettre?
M. Copes : Cela est tout à fait possible, et ça m'inquiète. Le terme « manipulation des données » est un terme que j'ai introduit dans les documents parce que je craignais que ce phénomène existe et que l'on ferme les yeux là-dessus. J'ai ajouté un certain nombre de termes à la documentation en me fondant sur mon point de vue et sur ce sur quoi, à mon avis, on fermait les yeux en ce qui a trait à la réalité de la pêche.
Le sénateur Hubley : Les systèmes de QI et de QIT nous ont été décrits comme une approche purement économique à l'égard des pêches. Certes, vous en avez fait la preuve en décrivant très clairement les impacts négatifs de ces systèmes sur la productivité de la pêche et sur la conservation des stocks. Cela soulève la question de la réglementation, du contrôle et de la surveillance. Dans l'industrie de la pêche, je pense que cela est une composante importante si, en fait, ce système de quotas et l'application de ce système aux pêches étaient mis en œuvre.
Savez-vous si d'autres pays ont établi un lien entre les coûts d'une saine gestion de la ressource et le coût des QIT? À votre avis, le Canada devra-t-il se doter d'un système de surveillance beaucoup plus rigoureux si on adopte les QI ou le système de QIT?
M. Copes : Je pense que oui. Les QIT posent tellement de problèmes et nous ne sommes pas en mesure d'en évaluer l'ampleur. Les QIT proposent leur propre approche à l'égard des pêches, peu importe les lacunes. Les tenants du système n'aiment pas entendre parler de ces lacunes, si bien qu'ils ferment les yeux sur celles-ci.
Le sénateur Hubley : C'est peut-être une question sur laquelle devrait se pencher notre comité, surtout si nous devons faire face à la réalité, qui est de savoir que certaines de nos pêches vont être effectuées selon le système de QI et de QIT.
M. Copes : Oui, nous avons le problème sur les bras maintenant.
Le sénateur Hubley : Monsieur Copes, où cela se produit-il actuellement? Sur la côte Ouest? Pour une espèce particulière de poisson?
M. Copes : Eh bien, le système semble être utilisé davantage sur la côte Est que sur la côte Ouest, cela dépend des pêches. La pêche au saumon est plutôt difficile à assujettir aux QIT, même si on tente actuellement de le faire. Cela est difficile parce qu'on doit composer avec des migrations bien particulières, il faut voir combien de poissons passent par le système. C'est beaucoup plus difficile d'appliquer le système de QIT à la pêche au saumon où l'espèce a un comportement migratoire et pour lequel on ne connaît pas les forces jusqu'à ce qu'il revienne de l'océan.
Les tenants du QIT ont pris beaucoup plus de temps à trouver une façon de forcer l'application du système à la pêche au saumon, et on n'y est pas encore parvenu, que pour d'autres pêches.
Le président : Monsieur Copes, nous sommes heureux de vous avoir accueilli à nouveau aujourd'hui. Vous êtes venu nous rencontrer la dernière fois en 1998 lorsque nous étudiions la question de la privatisation et de la délivrance de permis et de quotas pour les pêches du Canada. Vous aviez alors fourni un témoignage extrêmement utile, et contribué de façon remarquable à notre étude. Vous avez été très utile à nouveau aujourd'hui. Nous tenons à encourager un débat public sur cette importante question. Le comité estime que de telles politiques gouvernementales devraient être établies à la condition que le public donne son opinion. Vous nous avez donné un bon point de départ pour entreprendre ce débat public.
M. Copes : C'est un plaisir. Je suis content d'avoir eu l'occasion de m'adresser à vous, sénateurs.
La séance est levée.