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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages du 10 mars 2005


OTTAWA, le jeudi 10 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 48 pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous. En octobre 2004, le Sénat a donné au comité un ordre de renvoi pour examiner les questions relatives au nouveau cadre stratégique du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans.

[Traduction]

Nous sommes heureux d'accueillir ce matin le chef Simon Lucas, de la tribu Hesquiaht. Le chef Lucas détient un doctorat honorifique de l'Université de la Colombie-Britannique. Il est coprésident de l'Aboriginal Fisheries Commission depuis 16 ans, et il est également membre du West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board.

Le chef Lucas est accompagné de M. Andrew Day, directeur exécutif du Aquatic Management Board, un conseil de gestion, qui a été créé il y a trois ans de cela, en février 2002. Le conseil a pour mandat d'assurer la gestion intégrée des ressources aquatiques de la côte ouest de l'île de Vancouver selon une approche axée sur les écosystèmes.

Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Je crois savoir que vous avez pour coutume de dire une courte prière avant le début d'une réunion. Je vous invite à faire cette prière.

[M. Lucas s'exprime dans une langue autochtone.]

M. Andrew Day, directeur exécutif, West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board : Nous sommes heureux d'avoir été invités ici. Le sénateur Comeau a expliqué en quoi consiste le conseil de gestion aquatique, et je crois savoir que vous avez des documents à ce sujet. Il s'agit d'un conseil unique en son genre au Canada, dont la création a été autorisée par le ministre des Pêches et des Océans aux termes de la Loi sur les océans. Le conseil exerce son activité depuis trois ans, et la période d'essai se termine cette année, à la fin mars.

J'ai deux messages clés à vous transmettre. Premièrement, le conseil est un instrument efficace pour assurer la mise en oeuvre de la Loi sur les océans et, deuxièmement, il constitue un bon placement pour le Canada pour ce qui est de l'accomplissement de son mandat relativement aux pêches et aux océans. Nous demandons au gouvernement fédéral de reconduire le conseil et de continuer à en assurer le financement au-delà de la période d'essai de trois ans.

Le conseil est important pour le Canada pour diverses raisons. Tout d'abord, il s'agit du seul organisme officiel qui ait réalisé des progrès en vertu de la Loi sur les océans et de la Stratégie sur les océans du Canada. La Loi sur les océans est entrée en vigueur en 1997. C'est le ministère des Pêches et des Océans qui en est le principal responsable. La Loi sur les océans stipule la façon dont le ministre doit s'y prendre pour gérer les pêches et les océans et décrit en détail les paramètres de la collaboration avec les intervenants et les collectivités des Premières nations. Elle précise également que les ressources doivent être gérées de façon intégrée selon une approche axée sur les écosystèmes. Il s'agit là d'un modèle très différent du modèle de gestion classique des pêches et des océans qui se caractérise par le cloisonnement et l'exclusivité.

Le problème auquel se heurte le conseil dans ses efforts pour aider le Canada à mettre en oeuvre la loi et la Stratégie sur les océans tient au fait que le modèle de gestion intégrée axé sur les écosystèmes s'harmonise difficilement avec la démarche cloisonnée et exclusive qui caractérise les structures existantes des organismes et des intervenants.

Le conseil est aussi important pour le Canada parce qu'il joue un rôle de chef de file dans l'élaboration d'une stratégie novatrice visant la diversification et le développement d'une des régions côtières les plus importantes du Canada. J'expliquerai plus tard tout l'intérêt que présente cette région. Le conseil génère diverses activités économiques dans les collectivités côtières et ce développement produit des emplois et des recettes fiscales pour le Canada. En permettant aux habitants de gagner un revenu d'emploi, le conseil contribue à réduire les coûts sociaux, notamment les coûts liés aux soins de santé et à l'aide sociale, et à éviter les conflits qui sont source de pressions politiques. Il déleste également le Canada de certains coûts grâce aux fonds et aux ressources qu'il réussit à obtenir d'une multitude de sources et grâce aussi à ses efforts conscients en vue d'éliminer le double emploi et l'inefficience parmi les organismes et les gouvernements.

Enfin, le conseil établit des ponts entre les Premières nations Nuu-chah-nulth, les autorités fédérales, provinciales et locales ainsi que les entreprises. Les décisions rendues récemment dans des affaires mettant en cause la Première nation Haida et la Première nation de la rivière Taku montrent à quel point sa contribution peut aider le Canada et les entreprises à améliorer leurs relations avec les Premières nations sans que cela ne coûte trop cher. L'importance du rôle que joue le conseil est mise en lumière par les négociations qui se poursuivent actuellement en vue d'en arriver à des traités et les poursuites d'envergure intentées par certaines des Premières nations Nuu-chah-nulth relativement à l'accès aux pêches, dont le chef Lucas va vous parler.

La zone océanique en question est d'un intérêt indéniable. Les diverses activités qui s'y déroulent produisent pour environ 500 millions de dollars chaque année. Les mesures de conservation dont elle fait l'objet donnent d'excellents résultats, comme l'ont signalé la Commission de coopération environnementale de l'ALENA et un symposium international qui a eu lieu en mai dernier. Il s'agit d'une des plus importantes zones de convergence pour le transport maritime et la navigation. La sécurité est une préoccupation primordiale pour la communauté internationale et le secteur du transport maritime a un rôle à jouer à cet égard. La zone abrite des réserves prouvées d'hydrocarbures et dispose aussi d'autres sources d'énergie, comme le vent, les marées, l'hydroélectricité et le méthane.

Les ressources aquatiques prennent de plus en plus d'importance dans le contexte du développement économique et de la sécurité. La région vient au premier rang au Canada pour les précipitations, qui atteignent neuf mètres en un endroit, d'où son rôle primordial dans la gestion et l'utilisation de l'eau.

Le tourisme y est très important, puisqu'elle accueille chaque année plus d'un million de visiteurs. Elle arrive au deuxième rang pour la pêche commerciale et sportive dans toute l'Amérique du Nord, immédiatement après le banc de Georges.

L'aquaculture et la biotechnologie y sont les nouveaux secteurs émergents. La technologie et la recherche océanographiques y jouent également un rôle clé, avec la mise en place du Bamfield Marine Science Centre et du projet NEPTUNE, initiative canado-américaine de plusieurs milliards de dollars visant la surveillance des fonds marins.

La région présente par ailleurs un détail océanographique unique en son genre, le remous du détroit de Juan de Fuca entre l'État de Washington et le Canada. Le remous envoie des nutriants en amont tout le long de la côte et transporte également des espèces exotiques, du pétrole et d'autres polluants tout le long de la côte ouest de l'île de Vancouver et même plus au nord du Canada.

Il est crucial que cette zone si riche et si importante sur le plan économique, écologique et social soit bien gérée afin que le Canada puisse continuer à profiter des avantages qu'elle offre. Le conseil est un exemple de mécanisme de gouvernance novateur qui peut contribuer à la réalisation de cet objectif.

Il a fallu environ six ans pour créer le conseil. Il y a d'abord eu plusieurs années de travail dans la région, qui ont été suivies de plusieurs années de négociation avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Le conseil a un certain nombre de réalisations à son actif. Il a contribué au développement économique de la région, en créant un certain nombre d'emplois et en stimulant directement l'activité économique. Il a joué un rôle de catalyseur en matière d'entrepreneurship, d'établissement de partenariats et de renforcement de la capacité. Il a mis sur pied une infrastructure qui fait mieux connaître la région de même que les enjeux relatifs aux océans. Le conseil est un bon placement, puisqu'il a recueilli quelque 600 000 $ pour des projets, qu'il a su s'assurer une participation financière supplémentaire de 186 000 $, qu'il a réuni pour 208 000 $ d'éléments d'actif et qu'il a réussi à obtenir environ 200 000 $ de contributions en nature. Le conseil a aussi contribué à faire avancer le dossier des océans dans la région, collaboré aux efforts pour assurer la viabilité des habitats et des espèces grâce à une multitude de projets, autant de réalisations dont vous pourrez prendre connaissance dans le livret que nous vous avons remis.

Nous nous sommes dotés d'un certain nombre d'orientations stratégiques, et nous avons cerné cinq piliers de notre action future : premièrement, un régime de gestion participatif, responsable et transparent destiné à améliorer la gouvernance aquatique et à favoriser le développement; deuxièmement, un développement économique caractérisé par le marketing de la région dans son ensemble, la création d'une image de marque pour la région et la découverte de nouvelles possibilités économiques; troisièmement, un regroupement scientifique et technologique d'industries aquatiques, d'établissements d'enseignement, de collectivités et de Premières nations, d'entreprises technologiques et de gouvernements et de possibilités d'enseignement appliqué et d'apprentissages sur le terrain; quatrièmement, de meilleures relations de gouvernement à gouvernement entre les Premières nations, le Canada et la Colombie- Britannique, de même que le renforcement de la capacité des collectivités des Premières nations; et cinquièmement, un système et un réseau d'information neutre favorisant l'accès à des renseignements de toutes sortes et leur communication en fonction des besoins des usagers.

Au cours des cinq années à venir, ce seront là les cinq grands domaines où le conseil va poursuivre son activité.

Le conseil représente en quelque sorte le pilier clé, c'est-à-dire le premier pilier, celui d'un régime de gestion participatif, responsable et transparent. Sans ce noyau fondamental qui permet aux divers groupes de travailler ensemble et d'orienter leurs efforts, les résultats concrets tardent généralement à se produire.

Dans le modèle plus cloisonné, il n'y a personne qui s'occupe de l'ensemble et qui pilote le développement en fonction d'une vision de l'avenir.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons deux messages clés à vous livrer. Premièrement, le conseil est un instrument efficace pour assurer la mise en œuvre de la Loi sur les océans, cette mesure législative cruciale pour l'avenir du Canada — les océans prennent de plus en plus d'importance sur le plan économique, puisqu'ils sont considérés comme un nouvel espace encore inexploré, et on est de plus en plus sensibilisé au rôle qu'ils jouent dans la régulation du climat et dans l'approvisionnement en eau.

Deuxièmement, il s'agit d'un moyen rentable pour le Canada de s'acquitter de son mandat. Le conseil a montré qu'il peut contribuer à réduire les sommes que le Canada consacre à ses organismes et qu'il peut attirer des fonds et des ressources d'une multitude de parties intéressées afin de permettre au Canada de faire plus avec moins.

Je m'arrête là, puisque je préférerais passer plus de temps à répondre aux questions qu'à continuer à discourir. Je crois savoir que vous vous intéressez tout particulièrement à la question des quotas individuels transférables. Le conseil a fait un certain nombre de recommandations à cet égard, dont je pourrai vous parler pendant la période de questions, si vous le voulez.

M. Simon Lucas, chef, tribu Hesquiaht et membre du West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board :

[M. Lucas s'exprime dans une langue autochtone.]

Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de nous donner l'occasion de nous adresser au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Nous venons ici pleins de bons sentiments à votre endroit.

Nos ancêtres nous disent que nous sommes les descendants des premiers habitants de nos terres.

Nous sommes les descendants de ceux qui parlaient la langue dans laquelle je m'exprime aujourd'hui, et nous pensions qu'il était important que le comité sache que cette langue nous est toujours très chère.

Je sais que les chefs hesquiahts voudraient que je vous remercie d'avoir écouté les nôtres quand ils sont venus vous rencontrer ici en 1998. Depuis, le comité sénatorial, nous le savons bien, a fait des recommandations. Malheureusement, ce qui s'est produit dans notre coin du monde, c'est qu'il ne reste plus du tout de chair sur les os. Il ne nous reste que les squelettes.

Nous venons ici dans l'espoir que quelqu'un va écouter le peuple nuu-cha-nulth. Pour une quelconque raison, le ministère des Pêches a tendance à écouter davantage les investisseurs que ceux qui sont nés et qui ont grandi dans notre région, ceux qui vivent dans notre territoire depuis la nuit des temps.

Je tiens à vous dire que des fouilles archéologiques ont été effectuées sur notre territoire, le territoire de la tribu Hesquiaht, dans les années 1970. Ces fouilles ont révélé que, où qu'ils soient enterrés, dans des grottes ou ailleurs, nos ancêtres étaient invariablement enterrés avec des coquilles de palourde et des carapaces de crabe; ces fouilles ont révélé la présence de 35 espèces de poisson ayant vécu il y a 5 000 ans. On a finalement décidé de mettre fin aux fouilles parce qu'elles aboutissaient toujours à la même conclusion. Les nôtres mangent de ces ressources aquatiques depuis qu'ils se sont installés ici. Deux autres tribus ont fait faire des fouilles archéologiques semblables.

On était intrigué par le cas de l'albacore. Une de nos réserves a découvert que cette espèce faisait son apparition à certains moments lorsque les eaux chaudes arrivaient sur notre côte. Je crois qu'il est important qu'on le sache.

Quand vous lirez ce livre, vous apprendrez, d'après les recherches que nous faisons — et c'est quelque chose que nous savons depuis toujours — ce qui s'est passé. Le ministère des Pêches et des Océans ne voulait pas écouter nos plaintes au sujet des pêches, alors nous avons décidé de nous-mêmes de faire des recherches. Les chercheurs que notre tribu a fait venir ont pu découvrir, par exemple, ce qu'il en était de la goberge.

À une époque reculée — et c'était encore le cas pas plus tard qu'il y a 50 ans — nos femmes se servaient de bouillon de goberge pour enrichir leur lait maternel. Nous avons toujours utilisé ainsi les ressources aquatiques à cause de leurs propriétés thérapeutiques. Il est important qu'on le sache.

Les entreprises de pêche, c'est autre chose : Nelson Brothers, Canadian Fishing Compagny et BC Packers. J'ai grandi dans une conserverie appelée CPC, qui était exploitée par Nelson Brothers; et je suis né dans une conserverie à Nootka, qui était exploitée par la Canadian Fishing Company. J'ai pu constater en grandissant qu'il n'y avait que deux groupes qui travaillaient dans les conserveries, les Chinois et les gens de notre peuple. Ce sont nous qui avons permis à ces entreprises de grandir et d'être ce qu'elles sont aujourd'hui. Les nôtres ont joué un rôle important dans le développement de ces entreprises.

Au bout du compte, les investisseurs sont devenus l'ennemi quand nous avons entamé des pourparlers en vue d'en arriver à un traité. Ce qui est malheureux, c'est que le Canada dit au monde que les ressources aquatiques lui appartiennent, mais ce sont les investisseurs qu'on indemnise. Notre message est le suivant : « Il nous faut revenir à l'économie qui nous permettait autrefois de bien vivre, et ce, pour que notre communauté soit viable. »

C'est mon ancêtre qu'on voit sur le document ici. Il n'y a qu'à regarder la photo pour savoir à quelle époque elle a été prise. Voyez comme mon jeune ancêtre sourit. La situation est très différente aujourd'hui à cause du niveau élevé de stress que nous ressentons relativement à la place que nous occuperons.

Dans les années 1970, j'ai participé à une étude. Déjà à cette époque, nous nous inquiétions du sort des nôtres au fur et à mesure que les conserveries fermaient leurs portes. Beaucoup de ceux qui ont été les premiers à être mis à pied étaient, bien sûr, nos femmes. Une fois que les entreprises ont commencé à centraliser leurs activités, les nôtres ont été mis à pied.

Quant au MPO, comme vous le savez, il a créé un site web où il a affiché l'étude Pearse. Mais il n'a pas affiché sur ce site web, et cela me consterne au plus haut point, l'étude que nous avons réalisée. Nous estimons qu'il est on ne peut plus injuste que le ministère des Pêches et des Océans agisse ainsi. Nous, en tant que membres des Premières nations, avons pris la peine de venir des quatre coins de la province pour nous réunir et formuler des recommandations, mais le ministère n'en a pas du tout tenu compte.

Nous savons que la population du territoire Nuu-chah-nulth est composée de plusieurs communautés, qui ne sont pas toutes des communautés des Premières nations. Nous savons bien qu'il y a des divergences d'opinions et que chacun tient beaucoup à son opinion, à tel point qu'on s'est même querellé par l'intermédiaire des médias à un moment donné. Nos ancêtres ont dit qu'il nous fallait un endroit où nous pouvions discuter entre humains, sans que les discussions ne soient empreintes de cette haine qui a semblé très vite s'emparer des participants, surtout quand il était question de négociation de traités.

Je vous donne un exemple que vous avez peut-être déjà entendu. Quand nous avons engagé pour la première fois les discussions en vue d'en arriver à un traité, le flétan se vendait 8 $ la livre. Il se vend maintenant 45 $ la livre. La goberge se vendait 11 $ la livre, et elle est maintenant hors de prix à 85 $ la livre. Pour que nous puissions continuer à soutenir la concurrence dans la pêche commerciale, alors que nous pouvions assurer notre subsistance à même les ressources aquatiques sans qu'il nous en coûte rien, et pour que ma communauté puisse vivre aux côtés des autres communautés, cela va nous coûter 25 millions de dollars. À la table où nous négocions le traité, on nous dit qu'on va nous prêter 1 million de dollars pour que nous puissions participer à la pêche commerciale. Nous ne pouvons pas soutenir la concurrence avec 1 million de dollars. Nous avons vraiment besoin qu'on écoute ce que nous avons à proposer à cet égard.

Il est devenu très clair pour nous, des tribus Nuu-chah-nulth, que le conseil de gestion aquatique nous permet de discuter de questions comme celles-là avec les communautés autres que celles des Premières nations. Le conseil est devenu un instrument de communication primordial, qui permet à chacune des communautés du territoire Nuu-chah- nulth de se renseigner sur les activités des autres.

Nous nous opposons catégoriquement aux quotas de pêche. Nous avons vu les conséquences de ces quotas dans d'autres régions du monde. Dans certaines régions, l'environnement en a été détruit.

Nous avons examiné vos recommandations. Nous parlons ici de notre relation avec la gestion aquatique. Cette relation, nous nous y sommes engagés dans le plein respect de ceux contre qui nous nous battions littéralement. Nous parlons de [le témoin s'exprime dans une langue autochtone]. Nous sommes prêts à partager notre territoire avec tous ceux qui y vivent. Les chefs ont dit que nos terres sont ouvertes à tous. Nous ne voulons pas faire fuir qui que ce soit.

J'espère vous avoir donné une idée de la situation.

Le président : Vous nous en avez donné une très bonne idée, et nous avons amplement matière à discussion avec vous et avec M. Day.

Je voudrais donner d'abord la parole à notre vice-présidente, le sénateur Hubley, qui sait très bien représenter l'Île- du-Prince-Édouard. Elle s'intéresse pour l'heure à ce qui se passe sur la côte ouest.

Le sénateur Hubley : Je tiens à accueillir chaleureusement nos deux témoins ici ce matin, et je remercie le chef Lucas pour la prière qu'il a récitée pour marquer le début de notre réunion. C'est quelque chose dont nous n'avons pas l'habitude ici, mais c'était très aimable à vous de nous faire partager cette prière.

Nous attachons une très grande importance à votre témoignage à cette étape-ci de nos travaux puisque nous étudions l'évolution ainsi que l'incidence des QIT. Vous êtes une véritable mine d'information pour nous. Vous nous avez parlé de votre histoire et de votre culture qui sont étroitement liées à l'industrie de la pêche. Vous avez expliqué l'évolution de cette industrie qui se composait au départ, je suppose, de petits bateaux. Puisqu'il est question de modifier le mode d'attribution des permis de pêche et d'innover dans ce domaine, nous voulons nous assurer qu'on tienne compte non seulement des besoins des gens, mais aussi de la protection de l'environnement et de la viabilité de l'industrie. J'insiste donc sur la grande importance des propos que vous avez tenus devant nous aujourd'hui.

J'aimerais que nous revenions en arrière et que vous nous expliquiez comment le conseil de gestion aquatique a été formé. Pourquoi a-t-il d'ailleurs été formé? Était-ce pour défendre les intérêts des Autochtones ou pour des raisons liées à la protection de l'environnement dans le domaine des pêches? Qu'est-ce qui explique la création du conseil de gestion aquatique?

M. Lucas : M. Day vous expliquera ce qu'il en est aujourd'hui, mais lors des discussions qui ont précédé les négociations en vue de la conclusion d'un traité, nous avons abordé la question de nos grandes divergences avec l'industrie de la pêche sportive. Nous nous inquiétions des conséquences de la pêche au chalut pour le plancher océanique, pêche qui avait cours le long de la côte bordant notre territoire. Nous nous inquiétions aussi de l'attitude adoptée par les écologistes, qui faisaient des affirmations sans d'abord consulter nos gens. Nous nous inquiétions aussi des districts régionaux et des propos qu'ils tenaient sur la répartition équitable des ressources aquatiques compte tenu des conséquences que cela aurait pour la viabilité de nos collectivités.

Nous avons expliqué ce qui, à notre avis, nous semblait nécessaire pour que nos collectivités continuent d'être aussi prospères que par le passé.

Nous étions en colère les uns contre les autres. Nos chefs patrimoniaux se sont réunis. Ils ont discuté du territoire Nuu-chah-nulth et de tous les territoires confondus. Nos chefs patrimoniaux ont déclaré que ce territoire nous appartenait, mais que nous devions tenir compte du fait que nous le partagions avec d'autres personnes que des membres des Premières nations. Ces collectivités se composent de différents groupes de personnes. Nos chefs patrimoniaux ont ensuite affirmé que sur l'ensemble du territoire Nuu-chah-nulth, nous devions nous préoccuper du sort de tous ceux qui vivent sur le territoire.

Comment pouvions-nous le faire? Le peuple Nuu-chah-nulth s'est penché sur la question de la ressource aquatique. Nous avons commencé par nous pencher sur les points les plus difficiles. Nous nous sommes dits que nous devions d'abord discuter des questions qui revêtaient pour nous le plus d'importance, soit nos océans, nos rivières et nos lacs, lieux de convergence de toutes nos ressources. Tout cela s'est passé avant que nous ne créions un organisme appelé RAMS, Regional Aquatic Management Society.

Voilà un résumé d'une longue série de discussions qui ont eu lieu sur ces questions. Au cours des premières réunions, personne ne parlait calmement. Tous les intervenants criaient.

Dans ce livre, il est dit que notre peuple a pour adage que tout ne fait qu'un. Nous nous sommes dits que nous devions nous fonder là-dessus et concerter nos efforts.

Le sénateur Hubley : Vous constituiez l'un des quatre partenaires au sein du conseil. Je crois que ce conseil compte des représentants du ministère des Pêches et des Océans, de la province de la Colombie-Britannique, des districts régionaux ainsi que du conseil tribal Nuu-chah-nulth.

Chacun de ces paliers de gouvernement contribue-t-il au financement du conseil?

M. Day : La formule de financement est la suivante : 50 p. 100 du gouvernement fédéral, 25 p. 100 du gouvernement provincial, 20 p. 100 du gouvernement Nuu-chah-nulth et 5 p. 100 du gouvernement local.

Cette formule a été convenue avant la création du conseil. La quote-part de chaque palier de gouvernement a fluctué, mais il s'agit là de la formule générale.

Le sénateur Hubley : Participez-vous à part entière au processus décisionnel fondé sur la recherche d'un consensus?

M. Lucas : Cette question est devenue très épineuse parce qu'au départ, le ministère des Pêches et des Océans voulait être l'autorité décisionnelle suprême. Nous sommes cependant parvenus à un consensus après plusieurs réunions et nous avons convenu que tous les intervenants devaient être des partenaires à part entière. Il faut parfois une réunion et parfois deux réunions pour atteindre un consensus, mais jusqu'ici le processus a donné de bons résultats.

Le sénateur Johnson : Comme je viens de Winnipeg, je ne suis pas une spécialiste de la pêche en haute mer, mais je m'intéresse à l'étude que vous avez faite sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande — et j'ai tendance à poser des questions sur ce qui se passe dans le reste du monde parce qu'il est souvent possible de tirer des enseignements de ce qui se fait ailleurs — en ce qui touche les pêches, la participation à l'industrie de la pêche des Maoris et le système de gestion des quotas pour les Premières nations ainsi que le groupe d'étude sur les pêches. En Nouvelle-Zélande, un système de quotas a été mis en place en 1986 aux termes de la Fisheries Amendment Act. À l'époque, le système de gestion des quotas a été appliqué à 32 espèces de poisson, l'intention étant que des QIT finissent par s'appliquer à toutes les pêcheries commerciales. La mise en œuvre de ce système a cependant été suspendue en raison des réclamations présentées par les Maoris dans le domaine des pêches, réclamations se fondant sur le traité de Waitangi datant de 1840. Étant donné que cette loi ne tenait pas compte des réclamations découlant des traités, on a eu recours au système de gestion des quotas pour régler les réclamations.

Peut-on tracer des parallèles entre l'expérience de la Nouvelle-Zélande en ce qui touche les QIT et les revendications issues des traités présentées par les Maoris et la situation actuelle dans le domaine des pêches en Colombie- Britannique? À votre avis, le rapport Pearse-McRae s'est-il fondé sur l'expérience du système de gestion des quotas en Nouvelle-Zélande pour proposer l'adoption de QIT dans le secteur de la pêche au saumon?

M. Day : Je dois d'abord préciser que je réponds maintenant comme consultant indépendant et non comme directeur exécutif du conseil.

Je crois qu'il existe effectivement de grands parallèles. Tant au Canada qu'en Nouvelle-Zélande, le gouvernement, la fonction publique et certaines parties de l'industrie souhaitent l'imposition de quotas tandis que les gouvernements doivent respecter les droits et les titres des Premières nations et souhaitent le faire et doivent prendre des décisions en conséquence. En Colombie-Britannique, certains traités n'ont pas encore été conclus. L'adoption de tout régime d'attribution des permis ou de répartition des quotas créant un certain type de droits de propriété ne peut qu'avoir une incidence sur la négociation de ces traités. Comme cela a été le cas en Nouvelle-Zélande, je crois que nous sommes placés en Colombie-Britannique dans la situation où ce régime, qui ne peut qu'avoir une grande incidence sur les Premières nations, crée beaucoup de tensions et est susceptible de donner lieu à une injonction. Comme le chef Lucas l'a expliqué, cette situation a déjà poussé sa Première nation à recourir aux tribunaux étant donné que le régime proposé la privait de l'accès à la ressource, accès qu'il lui faudrait par la suite recouvrer. On peut faire de grands parallèles avec la situation de la Nouvelle-Zélande. Après la promulgation de l'injonction, le groupe d'experts nommés par le gouvernement a présenté un ensemble de recommandations qui ont été rejetées par les Premières nations, lesquelles ont alors constitué leur propre groupe d'experts qui a présenté des recommandations très semblables à celles qu'ont présentées le comité Pearse-McRae et le groupe d'experts des Premières nations. Je crois que les parallèles qui peuvent être établis sont frappants.

Le sénateur Johnson : Pensez-vous qu'il soit raisonnable de faire cette comparaison ou d'établir ces parallèles? Comment les revendications des Maoris ont-elles été réglées?

M. Day : Les négociations en vue du règlement de ces revendications se sont échelonnées sur des années. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a adopté une loi à laquelle les Maoris ont répliqué et les parties sont ensuite retournées à la table de négociation. Elles sont finalement parvenues à un règlement, ce qui a été en partie possible en raison de la vente d'une grande société, la Sealord, société dont le gouvernement a racheté les actifs pour les céder aux Maoris, ce qui a beaucoup accru leur accès aux ressources aquatiques. Il s'en est suivi d'autres négociations et le règlement d'autres revendications.

Le sénateur Johnson : Pensez-vous qu'il soit raisonnable que nous nous penchions sur ces modèles mis en œuvre dans d'autres pays ou pensez-vous que la Nouvelle-Zélande soit un chef de file mondial dans le domaine de la gestion des pêches?

M. Day : Je crois qu'il vaut vraiment la peine de se pencher sur ce qui se fait dans le reste du monde. L'Organisation de coopération et de développement économiques a étudié le système des quotas individuels dans le monde entier. Un autre comité s'est penché sur la mise en œuvre du système de quotas individuels aux États-Unis. Il s'agit d'organismes comptant des représentants de tous les milieux qui n'ont pas tendance à se laisser dominer par des considérations idéologiques. Je ne peux pas vraiment dire si la Nouvelle-Zélande est un chef de file dans le domaine de la gestion des pêches à l'échelle internationale. Je crois que chaque pays est confronté à un ensemble de circonstances qui lui sont propres et ce serait porter un jugement idéologique de dire qu'un pays est un chef de file dans ce domaine.

Le sénateur Johnson : Avec quels autres pays pouvons-nous nous comparer? Nous pêchons tous dans les mêmes océans. Le monde est très petit et nous devons collaborer. J'aimerais savoir quelle forme prend cette collaboration et si nous tirons des enseignements de la façon dont d'autres pays gèrent leurs ressources aquatiques. Ces ressources ne sont pas inépuisables. Les mers n'appartiennent à personne. J'aimerais donc savoir comment non seulement notre pays, mais tous les pays veillent au respect de l'écosystème.

M. Day : Dans le domaine des pêches, la plupart des pays réglementent la délivrance des permis et se sont dotés de mécanismes visant à atténuer les conséquences négatives des systèmes de quotas individuels tout en en préservant les avantages. Ce régime s'applique sur la côte est du Canada. Il s'applique dans une moindre mesure sur la côte Ouest. En ayant adopté la Loi sur les océans, qui est une loi passablement musclée, le Canada est un chef de file dans le domaine des pêches, mais exception faite du conseil de gestion aquatique, je ne pense pas qu'on puisse dire que le Canada s'est doté du mécanisme essentiel, soit un organisme multipartite qui ressemblerait à un conseil de gestion coopératif pour assurer la protection des régions écologiques du Canada. Comme je le disais plus tôt, notre régime de gestion est encore très compartimenté alors que les océans ne le sont pas. Bon nombre de problèmes qui se posent à l'égard de la gestion des océans ne peuvent pas être réglés de cette façon. Il faut vraiment que les interventions soient mieux coordonnées. Si nous ne consentons pas ces efforts et si nous ne restructurons pas la façon dont nous intervenons dans le domaine de la gestion et de la gouvernance des océans, le Canada prendra du retard par rapport à d'autres pays qui commencent à tenir compte de la façon dont les océans fonctionnent.

Le sénateur Johnson : C'est bon à savoir. Que nous faudrait-il, à votre avis, pour rattraper le retard que nous avons pris par rapport à d'autres pays? Faudrait-il faire ce que vous venez d'expliquer à l'égard de l'intervention du gouvernement et de la concertation des interventions? Comment prendrons-nous du retard par rapport à d'autres pays? L'avons-nous déjà fait?

M. Day : Je crois que le Canada est très bien placé pour devenir un chef de file mondial en créant des structures comme le conseil de gestion aquatique qui pourraient concevoir des programmes de gestion coopérative des océans et créer une structure qui permettrait aux divers intervenants de régler leurs divergences et de mettre l'accent sur leurs points communs. En l'absence de ces structures, personne ne prendra la tête du peloton ou, lorsque plusieurs ministères et groupes se partagent des responsabilités, il n'existera aucun organisme au sein duquel ils pourront discuter du partage de ces responsabilités.

Au lieu que la collaboration, la confiance et la concertation des efforts caractérisent notre système de gestion des pêches, chacun cherche pour l'instant à blâmer l'autre et à se défiler.

Le sénateur Johnson : Quelle proportion des problèmes auxquels vous êtes maintenant confrontés est attribuable à ce genre de situation, c'est-à-dire à cette confusion entourant la répartition des responsabilités?

M. Day : Une bonne partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés est attribuable à l'attitude ou à la culture — que ce soit parmi les entreprises, la fonction publique ou les diverses collectivités — qu'on n'a pas à tenir compte des intérêts de qui que ce soit d'autre que les siens quand il s'agit de répartir les ressources. Tant que ce genre d'attitude sera encouragé par la façon dont les organismes sont structurés, nous n'apprendrons jamais comment adopter l'approche globale nécessaire pour assurer une bonne gestion des océans. Cette attitude est assez répandue. Je répète qu'il faut créer un organisme qui s'efforcera de faire changer cette attitude et de faire comprendre aux gens l'importance de la collaboration.

Le président : Je suis heureux que vous ayez posé des questions sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande. Ce comité souhaitait étudier ce qui se fait dans d'autres pays, mais il n'est pas considéré comme un comité prioritaire par ceux qui établissent les budgets.

Je ne devrais peut-être pas critiquer mes collègues du Sénat à ce sujet, mais je vais le faire. Peu importe quel parti était au pouvoir, il a toujours été difficile au Comité sénatorial des pêches de convaincre ceux qui établissent les budgets de l'importance de ses travaux. Ces décisionnaires changent tous les deux ans et ils ont tendance à voir le poisson comme quelque chose qu'on jette dans un bateau et qu'on mange ensuite au dîner. Ils ne se rendent pas compte que le poisson est une ressource sur laquelle ont compté des collectivités pendant des milliers d'années et qu'il s'agit non pas seulement d'un moteur économique, mais d'une culture et d'un mode de vie pour de nombreuses personnes tant autochtones que non autochtones.

Nous vous avons posé des questions sur le travail que vous avez accompli parce qu'il nous est difficile de faire ce même travail nous-mêmes. Nous cherchons à nous renseigner sur ce qui se fait dans d'autres pays par des moyens détournés.

D'autres pays ont déjà fait l'expérience de la privatisation qui est proposée au Canada. Si nous pouvions voir les résultats de la privatisation dans d'autres pays, cela nous permettrait d'en prévoir l'impact au Canada.

Revenons à la Loi sur les océans. Ce comité a été l'un des plus ardents défenseurs de la Loi sur les océans. Nous avons adopté ce projet de loi dans un temps record parce que nous étions convaincus de son importance. Bien que je sois fort heureux que cette loi ait donné lieu à la création du conseil de gestion aquatique, je crois que bien davantage pourrait être fait dans le cadre de cette loi. Il devrait exister davantage de conseil de gestion aquatique. La difficulté en ce qui touche le Conseil de gestion aquatique, c'est que tout n'est pas aussi simple pour les personnes qui prennent les décisions. Il est très facile de comprendre comment fonctionne un QIT. Il suffit de prendre les prises totales admissibles, de les diviser en diverses parts et de répartir ces parts entre chaque propriétaire de navire. Il appartient ensuite à ces propriétaires de navire de trouver le poisson. S'ils ne peuvent pas trouver suffisamment de poisson pour que le quota soit rentable, ils peuvent le vendre à quelqu'un d'autre. Il s'agit d'un modèle que tout économiste peut expliquer à des étudiants de première année. Une approche en matière de gestion des ressources qui est fondée sur la protection de l'écosystème et qui tient compte des transports, du tourisme, de divers secteurs de la pêche et de l'interrelation entre les diverses espèces de poisson, est beaucoup plus difficile à comprendre.

Depuis un certain temps déjà, ce comité cherche un moyen d'expliquer facilement la raison d'être du conseil de gestion aquatique. Vous êtes-vous attaqués à ce problème également?

M. Day : La façon la plus facile de régler ce problème, c'est de fournir des exemples. Voilà la façon de motiver les gens et de leur expliquer une nouvelle approche. Nous avons essayé de fournir plusieurs exemples au cours de nos premières années d'activité qui montrent bien les résultats qui peuvent être obtenus grâce à cette approche. Cette approche est fondamentalement relativement simple. Un organisme comptant des représentants des diverses parties intéressées doit se réunir pour discuter des points d'intérêt commun. Il s'agirait notamment de questions comme la qualité de l'eau qui revêtent de l'importance pour tous les intervenants et qui exigent une concertation des efforts. Le conseil a reconnu que des problèmes de qualité de l'eau se posaient sur la côte ouest. Il faut donc étudier la situation et proposer des recommandations. On pourrait créer un partenariat avec l'université en vue de faire des recherches sur certains aspects de ce problème. Nous pourrions concevoir de nouvelles technologies et créer de nouvelles entreprises dans le but de régler ce problème et il nous faudrait faire participer tous les intéressés à l'élaboration des stratégies devant être mises en œuvre à cette fin. Il nous faudrait établir un système d'information régional auquel contribueraient les gouvernements fédéral, provincial et Nuu-chah-nulth local ainsi que tous les usagers.

Lorsqu'on crée un tel système d'information commun, on peut cerner les régions qui présentent une grande valeur de conservation ainsi qu'une grande valeur économique. On peut commencer à établir des plans d'aménagement côtier semblables aux plans d'aménagement urbain ou d'aménagement du territoire. On peut établir des indicateurs de la qualité de l'environnement marin pour établir la variation dans le niveau de salinité des océans, dans le niveau de pollution ainsi que dans le niveau d'acidité. À partir de ces renseignements, on peut commencer à comprendre comment ces changements influent sur les différentes industries. Quand on sait qu'il y a un lien entre la température de l'eau et la croissance des algues, on peut établir des indicateurs pour être en mesure de gérer efficacement les opérations aquicoles.

Le président : Tout cela est des plus logiques, mais je reviens à ce que je disais au départ. Il est beaucoup plus facile à un gestionnaire des pêches dont les ressources sont limitées d'opter pour le modèle des QIT puisque ce modèle se fonde sur la loi du plus fort, modèle qu'appuient les grands journaux nationaux — dont les sièges sociaux se trouvent évidemment à Toronto — ainsi que de d'importants groupes de réflexion de droite. Le modèle que vous proposez est tout à fait logique, mais il faut dix minutes pour l'expliquer.

Voilà l'un des dilemmes auxquels ce comité est confronté. Comment faire accepter ce concept? Un modèle logique peut être un petit peu plus complexe que ce que l'on peut expliquer en deux lignes dans un journal qui se dit national et qui est censé parler au nom de tous les Canadiens.

M. Day : Le problème est en partie attribuable au fait que ce modèle est censé permettre de répartir les ressources. Il ne vise pas à protéger ces ressources ni à tenir compte d'autres ressources. Il s'agit d'un outil très précis conçu à des fins très précises alors que le conseil est un outil permettant de gérer tout un ensemble de questions.

Le président : Je présume que l'un des rôles du conseil est de répartir les ressources. Le conseil de gestion aquatique est chargé de répartir les ressources, n'est-ce pas?

M. Day : Cette question a fait l'objet de grandes discussions lors des négociations qui ont mené à la création du Conseil. Certains groupes estiment que le conseil a un rôle important à jouer dans ce domaine puisque, comme le chef Lucas l'a dit, ce genre de décisions a des conséquences importantes pour la viabilité économique des collectivités et de leurs résidents.

Le président : Si vous comptez vous pencher sur une approche à la gestion des ressources qui soit fondée sur la protection de l'écosystème, il faudra évidemment qu'un organisme extérieur détermine qui obtiendra 10 p. 100 du quota de pêche au hareng et qui obtiendra X p. 100 du quota de pêche au poisson de fond. Or, il y interaction entre ces deux espèces de poisson. Il est impossible de prendre des décisions à la pièce sur le hareng, le poisson de fond et d'autres espèces de poisson parce que toutes ces espèces font partie d'un écosystème intégré. Les décisions prises à l'égard d'une espèce doivent donc tenir compte des décisions prises à l'égard d'autres espèces.

Voilà pourquoi je présume que le conseil de gestion aquatique a sans doute réclamé sinon de participer à la décision ultime quant à la répartition des quotas du moins de fournir des conseils à cet égard. Ce rôle ne lui a donc pas été accordé, si je ne m'abuse?

M. Day : Non, et j'aimerais bien que d'autres personnes comprennent la situation comme vous parce que ce rôle cadrerait avec une approche axée sur la protection de l'écosystème.

Le président : Tout à fait. Voilà le genre de modèle sur lequel nous aimerions nous pencher. Nous croyons comprendre que c'est le modèle qu'ont adopté d'autres pays et nous examinerons de près quels en ont été les résultats. Il s'agit d'un système qui a été proposé par des personnes qui ont vraiment étudié l'approche fondée sur la protection de l'écosystème. C'est vraiment l'approche qui s'impose.

J'aimerais revenir à la situation qui existe depuis plusieurs années. Comme vous l'avez fait remarquer, chef Lucas, je veux parler des ressources auxquelles ont eu accès vos collectivités ces dernières années. À votre connaissance, le gouvernement a-t-il évalué les conséquences sociales, économiques et culturelles de cette situation pour vos collectivités?

M. Lucas : Le ministère des Pêches et des Océans, pas plus que le ministère des Affaires indiennes, n'a évalué ces conséquences. Comme je l'ai dit, dans les années 1970, nous nous inquiétions déjà du sort de nos collectivités dans la mesure où le peuple Nuu-chah-nulth n'avait plus que 175 permis de pêche. À l'époque, outre ces permis, il y avait encore environ 100 pêcheurs qui pêchaient dans des canots.

L'aspect le plus déplorable de la politique de rachat des permis de pêche, c'est que cette politique a été adoptée sans avoir consulté les Premières nations. Les investisseurs ont cependant joué un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de cette politique. L'un de nos membres a vendu son permis de pêche à la traîne pour la somme de 90 000 $, mais il devait 80 000 $ à l'entreprise de pêche. Un autre de nos membres a vendu son permis de pêche à la senne pour quelque 400 000 $, mais il devait toujours 200 000 $. Tout cela n'a pas été pris en compte.

Après le rachat des permis de pêche, le nombre d'assistés sociaux dans nos collectivités a beaucoup augmenté parce que beaucoup de matelots de pont et d'autres travailleurs ont perdu leur emploi. Notre budget d'aide sociale a dû augmenter de plus de 25 p. 100.

Le président : Vous avez fait votre propre étude.

M. Lucas : Oui.

Le président : Voici le titre de cette étude : « The Effects of ITQs and Fisheries Policy Regimes » (Conséquences des QIT et des systèmes de gestion des pêches). Le sous-titre de cette étude est : « The Destruction of Nuu-chah-nulth Fishing Communities » (Destruction des collectivités de pêche Nuu-chah-nulth). Je vois qu'en 1950, vos collectivités possédaient environ 225 bateaux et qu'en 2005, vous n'en avez plus que 16. J'ai lu quelque part — et je ne peux pas retrouver la page maintenant, mais il s'agissait d'un chiffre important — que plusieurs quotas appartiennent à des résidents de la ville de Vancouver.

M. Lucas : De l'extérieur de la ville de Vancouver, oui.

Le président : Ces quotas n'appartiennent pas à des personnes qui résident sur le territoire traditionnel Nuu-chah- nulth. Comment peut-on expliquer que tous ces quotas aient été accordés à des personnes vivant à Vancouver? On ne peut pas s'adonner à la pêche dans la ville de Vancouver.

M. Lucas : Le grand problème, malheureusement, c'est que le Canada est doté d'un système de libre entreprise. Ce système ne vise pas à protéger les moins nantis de notre société.

Le président : Plusieurs témoins nous ont dit que certains proposent deux visions du Canada. La première vision repose sur le principe voulant que ce soit l'entreprise privée, le marché, qui doit déterminer quelles sont les façons les plus efficaces d'exploiter les ressources. La seconde vision part du principe que ce sont les collectivités dont l'économie a toujours été fondée sur l'exploitation des ressources qui devraient d'abord avoir accès à ces ressources. Ce sont ces collectivités qui devraient prendre les décisions notamment quant à l'endroit où le poisson devrait être débarqué et quant à la façon dont il devrait être transformé. J'estime qu'il est très logique que la collectivité locale participe à ce genre de décision.

Est-ce le genre de message que vous voulez que nous transmettions et est-ce la vision que vous nous proposez?

M. Lucas : Oui. Lorsque nous discutons avec les deux paliers de gouvernement et qu'il est question de signer un traité qui ne pourra pas être abrogé, nous nous demandons ce que tout cela signifie pour nos collectivités. Notre population est celle qui croît le plus rapidement au Canada et nous nous demandons quels seront ses besoins dans 50 ans. Nous nous demandons aussi quelle sera notre assise économique dans le monde des ressources aquatiques. Nous devons songer à ce que sera l'avenir de nos collectivités dans 50 ou dans 100 ans.

Il y a une autre chose qui me préoccupe vraiment au sujet des quotas. Il y a plusieurs années, j'ai pris la parole devant des Autochtones de Tasmanie. En Tasmanie, on a malheureusement établi des zones où seuls les pêcheurs ayant un quota pouvaient pêcher. Les Autochtones ne pouvaient pas s'adonner à une pêche de subsistance ni à des activités rituelles dans ces zones de pêche.

C'est cela qui nous effraie, si des quotas sont introduits et s'ils peuvent dire que nous ne pouvons plus pêcher ici parce que ce poisson appartient à ceux qui ont les quotas. C'est cela qui s'est passé, nous l'avons découvert, pour la goberge et le flétan. Nous sommes un groupe de pêcheurs des Premières nations qui ont pêché le flétan toute leur vie, mais pour finir nous n'avons pas de permis pour nos eaux parce qu'ils nous ont dit que nous avions, pendant toutes ces années, pris 5 000 livres. Jamais un seul instant n'avons-nous pensé qu'on allait littéralement nous exclure de cette industrie. Par conséquent, la goberge et le flétan sont des exemples parfaits. Par contre, ils ne se sont jamais demandés quel impact cela aurait sur la collectivité d'Hesquiaht. Qu'est-ce que cela signifie? Malheureusement, lorsque les conserveries ont fermé, ils n'ont pas réfléchi aux conséquences que cela aurait pour ma famille. Ils ne se sont pas attardés à réfléchir à ce qui allait advenir de ma mère lorsqu'elle a perdu son emploi à la conserverie. Ils ne se sont pas attardés à se demander ce que cela aurait comme conséquence pour la famille au sens large et pour la collectivité. Cela n'avait jamais été fait auparavant. Maintenant, il y a des gens qui, depuis lors, dépendent de l'assistance sociale faute d'autres possibilités d'emploi. Ce que nous disons, c'est que nous voulons notre part de ce qui peut être exploité. Nous ne voulons pas tout, nous voulons simplement une part.

Le président : Moi je pense que le ministre Regan est un homme juste. Je le connais depuis plusieurs années et je crois sincèrement qu'il veut prendre la bonne décision pour les collectivités côtières et celles qui dépendent de la pêche.

Si vous avez un message à nous donner, nous voulons le transmettre au ministre, pas au ministère, parce que le ministre et le ministère sont deux choses tout à fait différentes. J'ai toujours eu le sentiment que le ministère avait son propre dessein et qu'il n'en faisait qu'à sa guise. Par contre, j'ai toujours estimé que les ministres se retrouvaient coincés par ce que faisaient leurs ministères. Il y a tous ces gens qui se livrent à ces petits jeux et il est impossible que le ministre sache ce qui se dit, ce qui se fait, comment cela est dit ou comment cela est fait, de sorte que nous aimerions lui transmettre un message en votre nom. Que devrions-nous lui dire?

M. Lucas : Vous devriez lui dire que les chefs patrimoniaux du Nuu-chah-nulth voient qu'il y a une potentialité, qu'ils ont besoin d'aide, tout comme les autres collectivités, pour créer un organisme du nom de conseil de gestion aquatique, organisme qui permettrait aux gens de tous les secteurs d'activité du territoire Nuu-chah-nulth de travailler ensemble et de discuter des problèmes qui se posent. Je pense que cela ne s'est jamais fait. Il faut absolument que les nôtres reconnaissent que nous nous sommes isolés pendant tellement longtemps que nous avons oublié les autres qui vivent dans le territoire Nuu-chah-nulth.

Le président : J'aurais une dernière question à poser à M. Day, après quoi nous pourrions, je pense, boucler la séance par un dernier tour.

Nous avons entendu, c'était en février, un témoin, un certain professeur Daniel MacInnes, et je vais vous lire ce qu'il a dit à la fin de son exposé : « Si je dois vous dire quelque chose aujourd'hui, c'est ceci : je veux que vous mettiez fin à cela. » Il parlait des QIT, de la privatisation. Êtes-vous d'accord avec lui pour dire qu'il faut faire disparaître les QIT?

M. Day : Je ne pense pas que ce soit blanc ou noir, comme le scénario dont vous venez de parler. Je pense qu'il y a toujours moyen d'améliorer le rendement économique d'une pêcherie tout en trouvant une solution aux problèmes sociaux, environnementaux et économiques des collectivités. Les exemples et les outils ne manquent pas dans le monde. Il y en a certains qui sont proposés par le conseil de gestion aquatique et qui pourraient améliorer encore les avantages des différentes solutions de gestion halieutique, qu'il s'agisse de quotas, d'utilisation de zones de pêche ou de limitation de l'effort de pêche. C'est possible ainsi de profiter des avantages de ces formules tout en apportant une solution au problème des coûts. Mais l'imposition purement idéologique d'une formule de gestion unique, qu'il s'agisse de quota ou d'une autre formule, là où ce n'est pas justifié est tout à fait malcommode. Par contre, il faudrait également jeter un bon coup d'œil sur ce qu'il en coûte d'essayer de faire passer une formule quelle qu'elle soit sans tenir compte des autres éléments du problème comme les intérêts des Premières nations parce que je peux facilement concevoir que, du point de vue juridique, il pourrait en coûter énormément de faire ce genre de chose, à tel point que cela battrait probablement en brèche ce qui pourrait être accompli si on se contentait de s'asseoir ensemble et de regarder les choses sous un angle pratique, si l'on convoquait tous les groupes intéressés pour essayer de négocier quelque chose.

Le sénateur Hubley : Je serai aussi brève que possible. En janvier 2005, le conseil de gestion aquatique a recommandé que les propositions concernant la redynamisation des pêcheries, notamment le rapport Pearse-McRae et les formules préconisées par le comité des Premières nations pour la pêche au saumon, contiennent tous les détails nécessaires au sujet de leur mise en œuvre complète. À vous entendre aujourd'hui, je pense qu'il faut aller plus loin encore. Il faudrait envisager de reconnaître la pêche traditionnelle, ce qui comprendrait les Premières nations, et aussi consulter tous les intervenants. Je reviens à ce que disait le chef Lucas, c'est-à-dire que ces études n'ont peut-être pas été intégrées, que les positions correspondantes ont peut-être mal été comprises par les décideurs. Vous avez également parlé de la pérennité et de l'écosystème. Si vous formulez des recommandations, il faut en parler afin que cela fasse partie du dialogue, que cela fasse partie des dossiers qui doivent être discutés avant qu'on change quoi que ce soit à une pêcherie, pas seulement à une pêcherie de la côte est ou de la côte ouest.

Mais ma question concerne une autre proposition, dans laquelle vous affirmez qu'il faudrait, pour toutes les pêcheries, un registre public des permis de pêche assorti d'un registre des quotas pour les pêcheries contingentées. Donnez-nous une idée de ce que vous espérez obtenir en suivant ainsi ces permis de pêche.

M. Day : Il y a notamment le fait que cela améliorerait la reddition de comptes en ce qui concerne la répartition des ressources du Canada, à savoir, où elles s'effectuent et à qui elles profitent. Dans le cas d'un régime de quotas individuels transférables, les ressources sont distribuées sans véritable base géographique, de sorte que n'importe quelle compagnie n'importe où au monde peut en recevoir. La Loi sur les océans est très claire en disant que les ressources du Canada doivent profiter aux Canadiens, et surtout aux collectivités côtières. C'est ainsi qu'on peut assurer la reddition de comptes voulue et savoir vraiment si c'est bien cela qui se passe. Cela serait également un outil très utile pour l'industrie qui, de toute manière, a tendance à procéder de son côté en ayant elle-même un registre qui lui permet d'échanger des quotas, ou encore d'acheter et de vendre des permis de pêche.

Le sénateur Johnson : Pouvez-vous me dire combien il y a d'habitants dans les 14 collectivités nuu-chah-nulth?

M. Lucas : Pour ce qui est du territoire Nuu-chah-nulth, si nous tenons compte des 14 tribus, nous sommes environ 7 000. Mais en réalité, nous ne sommes qu'environ 5 050 car certains des nôtres vivent en ville pour des raisons économiques ou encore pour suivre des études.

Le sénateur Johnson : Et en ce qui concerne ceux qui vivent dans les collectivités autochtones, combien y en a-t-il qui pratiquent la pêche?

M. Lucas : Je vais vous donner l'exemple de ma propre tribu. Chez nous, nous sommes un peu moins de 700. Il nous reste trois chalutiers, et encore, ceux-ci ne sont pas basés chez nous. Dans la collectivité d'Hesquiaht, il n'y a pratiquement personne qui pratique la pêche. Par conséquent, la seule pêche que nous pratiquons est destinée aux activités sociales et aux cérémonies.

Le sénateur Johnson : Qu'aimeriez-vous avoir que vous n'avez pas actuellement?

M. Lucas : Dans les années 1970, il y avait 30 bateaux de pêche commerciale chez nous, dans notre tribu, et à l'époque, la collectivité se portait bien. L'assistance sociale n'existait pratiquement pas. Nous voulons une collectivité qui se porte bien, nous voulons que les nôtres puissent participer à l'économie pour profiter aux autres. Nous voulons une richesse d'un genre différent; nous voulons que ce soit la collectivité qui soit riche. Lorsque je pratiquais moi-même la pêche commerciale, beaucoup de membres de ma famille profitaient de ce que je faisais.

Le sénateur Johnson : Comment décririez-vous la condition actuelle de votre collectivité?

M. Lucas : À l'heure actuelle, elle est au désespoir. Il est difficile de vivre dans une collectivité où chaque jour, lorsque vous vous levez, vous vous inquiétez de ce que pensent les autres.

Je vais vous donner un exemple du sentiment des nôtres. Après le tsunami qui a détruit des milliers d'existences en Asie, nous avons ressenti la douleur de ces gens. Au Canada, on a recueilli des millions de dollars en réponse à la crise, et nous nous sommes demandés quelle était notre place dans tout cela. Chez nous, le taux de chômage est supérieur à 80 p. 100. Où nous situons-nous dans la trame sociale du Canada? Au Canada, les gens ne comprennent pas la trame sociale de notre collectivité, et parfois, nous en sommes très profondément chagrinés.

Le sénateur Johnson : Étant donné votre histoire empreinte de fierté et le fait aussi que vous dépendez plus des ressources de la mer que d'autres, j'imagine fort bien à quel point cela pouvait être pénible. Ce sentiment a-t-il été exacerbé par l'attitude du comité Pearse-McRae? On peut voir ici qu'il a refusé de venir dans vos collectivités, que cela aurait coûté trop cher de passer une heure et demie sur le traversier pour aller jusqu'à l'île de Vancouver.

Suite au rapport Pearse-McRae, un comité a été constitué qui est arrivé à des propositions différentes. Vous vous êtes rendus dans des localités éloignées et vous avez parlé aux gens qui dépendaient de la pêche pour leur subsistance.

Étant donné votre condition, je ne parviens pas à comprendre ce genre d'attitude.

M. Lucas : Je faisais partie de la délégation qui est venue ici pour négocier avec le MPO. Nous avions craint que MM. Pearse et McRae n'aillent pas du tout dans les collectivités locales. Nous sommes donc revenus ici et nous avons négocié pour obtenir 300 000 $ afin de conduire notre propre étude. La Colombie-Britannique est tellement vaste que même ceux d'entre nous qui travaillaient sur ce document n'ont pas pu rejoindre toutes ces collectivités. Avant cela, nous avions invité M. Pearse à venir dans les collectivités les plus durement touchées. Chez nous, il est impossible de demander un travail dans un grand magasin ou dans une station-service parce qu'il n'y en a pas. Nous n'avons rien. Il n'y a que la collectivité. Vancouver ne ressemble absolument pas du tout à Hot Springs Cove et aux autres localités qui n'ont rien du tout pour les faire vivre. Dans une grande ville, il est toujours possible de faire des demandes d'emploi mais chez nous, ce n'est pas possible.

Le sénateur Johnson : Et pourtant, vous voulez pouvoir continuer à vivre là-bas.

M. Lucas : Comme jadis, nous voulons continuer à vivre là où sont nos foyers. Comme le dit notre ancien, nous respectons nos chefs héréditaires en raison de notre territoire. Jadis, nous étions le peuple le plus riche au Canada.

Le sénateur Johnson : Je suis très heureuse d'entendre votre histoire.

Monsieur le président, j'espère que notre rapport en fera état avec beaucoup d'insistance.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins qui nous ont été extrêmement utiles et qui ont rendu notre réunion des plus intéressantes. Merci pour vos compliments au sujet de notre étude de 1998. Mon attaché de recherche m'a dit que pour cette étude-là non plus, nous n'avions pas voyagé. J'imagine qu'il est toujours possible de travailler depuis Ottawa si on le veut vraiment.

Nous espérons pouvoir nous rendre sur la côte ouest dans le courant de l'automne. Nous avons déjà essayé plusieurs fois de le faire, et nous allons essayer une nouvelle fois. Nous aimerions beaucoup visiter vos collectivités et parler aux vôtres. Faire ce genre de travail dans une collectivité ou le faire à Ottawa, ce sont deux choses très différentes comme vous le savez fort bien.

Encore une fois, merci d'être venus nous faire part de votre savoir et de vos suggestions.

M. Lucas : Au nom de nos chefs héréditaires, je voudrais remercier les membres du comité d'avoir bien voulu nous écouter.

La séance est levée.


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