Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 6 - Témoignages du 5 mai 2005
OTTAWA, le jeudi 5 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 52, pour examiner, et en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte. Nous poursuivons notre examen des questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Comme les membres le savent, nous nous concentrons surtout sur les incidences qu'ont les politiques gouvernementales en matière de pêche sur les collectivités.
Ce matin, nous avons la chance de recevoir deux messieurs de la Nouvelle-Écosse qui ont d'illustres carrières de longue date en politique municipale. Le premier est le maire de Lunenburg, il s'agit de monsieur le maire Laurence Mawhinney.
Pour ceux qui ne le savent pas, Lunenburg est synonyme de pêche, de goélettes et de construction navale. Vous devez aussi savoir que Lunenburg a été désigné site du patrimoine mondial en 1995. Il y figure avec des endroits comme Stonehenge, les pyramides d'Égypte et les îles Galápagos. Par conséquent, l'endroit vaut le détour pour tous les Canadiens et les étrangers.
Monsieur le maire Laurence Mawhinney est devenu conseiller en 1976 et maire, en 1979, donc il a une longue expérience à partager avec nous.
Monsieur le maire Ray White, maire de Canso, se bat avec acharnement pour sa ville depuis de nombreuses années. Il est maire depuis les années 1980. Canso est le plus ancien port de pêche de l'Amérique du Nord. Il existe depuis 1504, bien que le maire risque de nous dire qu'il existait déjà bien avant cette date. C'est l'une des plus anciennes villes constituées au Canada.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous nous réjouissons à l'idée d'entendre vos exposés et d'échanger quelques questions et réponses avec vous, parce que nous savons que vous avez une riche histoire à nous raconter et que vous pouvez nous faire des propositions qui aideront notre comité dans son étude.
Monsieur le maire Ray White, maire, Ville de Canso, Nouvelle-Écosse : C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour représenter le conseil et les citoyens de Canso. Les observations que je vais partager avec vous aujourd'hui sont tirées de consultations que nous avons menées avec divers groupes que je remercie à la fin de mon mémoire. Je tiens à dresser un bref portrait de notre collectivité, depuis ses débuts jusqu'à nos jours; de l'incidence que certaines décisions concernant la politique sur les pêches ont sur notre collectivité; ainsi que des efforts que nous déployons pour diversifier notre économie.
Les premiers explorateurs ont visité les eaux au large de Canso avant le XVIIIe siècle. Marc Lescarbot, l'un des contemporains de Champlain et l'auteur de l'ouvrage Histoire de la Nouvelle-France, a croisé un bateau de pêche basque au large de White Haven, tout près de Canso, en 1697. Le capitaine Savalet du bateau basque lui a dit qu'il avait déjà fait 42 voyages dans la région de Canso avant de le rencontrer.
Nous savons de notre histoire que le gouvernement s'intéresse à Canso depuis le tout début, parce que les Anglais et les Français se sont battus pour la propriété des îles au large de Canso en raison du potentiel de pêche lucrative. Le gouvernement est présent depuis longtemps dans notre collectivité.
Canso a été l'une des premières collectivités à congeler du poisson, ce qui a permis de diversifier les exportations de produits. La présence au large de Canso remonte aux années 1900, et les premières utilisations de vapeur à bord des bateaux ont commencé dans ce port. Nous sommes devenus très présents dans les eaux extracôtières du Canada atlantique. Nous avions entre 13 et 18 bateaux. L'une des particularités de nos bateaux, c'est qu'ils accostaient une semaine à Terre-Neuve et une semaine à Canso. Par conséquent, notre présence ne se limitait pas à la Nouvelle-Écosse, mais s'étendait à tout l'Atlantique, créant là une histoire dans la région qui n'a pas été reconnue par la suite dans les politiques gouvernementales. Il importe de savoir que la pêche hauturière s'est développée très tôt à Canso. Nous pêchons jusque dans la zone O entre le Groenland et le Labrador.
Pour la pêche dans l'Atlantique Nord, Canso jouit d'un avantage de taille : le site, le site, le site. Les espèces actuelles de crabe des neiges, de crevette, de thon, de hareng et de maquereau vivent juste au large de chez nous. C'est à la fois une chance et un irritant, je vais vous expliquer pourquoi.
Au fil des ans, les politiques gouvernementales nous ont amenés à concentrer nos efforts sur la pêche hauturière. Notre territoire est devenu le lieu de prédilection des crevettiers et des thoniers, entre autres. Bien qu'elle soit très active, notre flottille continentale navigue la plupart du temps près des côtes, où l'on pêche le homard, la crevette (au casier et au chalut), le thon (en quantité limitée) et le crabe. D'autres collectivités de la Nouvelle-Écosse ont développé de grandes flottilles hauturières très efficaces, qui alimentent des usines plus petites, mais plus efficaces.
Canso est tout sauf dépourvu d'une flottille mobile, et c'est important de le souligner, parce que cela a des conséquences. D'autres ont accès à des centaines de permis. Dans le comté de Guysborough, nous en avons moins de dix, et il y en a encore moins à Canso, au total.
Par exemple, lorsque la pêche de la crevette a commencé dans l'est de la Nouvelle-Écosse, le stock était attribué presque exclusivement aux titulaires de permis des flottilles mobiles du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et du golfe, qui se trouvent au Nouveau-Brunswick. Rien ne restait pour les intérêts adjacents. Nos pêcheurs n'ont pas eu le temps de renouveler leur équipement ni n'ont reçu d'allocation pour développer une flottille mobile à l'échelle locale. Encore une fois, le gouvernement s'est penché sur notre dépendance envers la flottille hauturière.
Alors que d'autres pêcheurs de thon pouvaient considérer Canso comme leur port d'attache, nous ne pouvions pas nous procurer de permis pour la pêche du thon, en raison des conditions de permis, et nous avons passé une bonne partie des six ou sept dernières années à travailler avec le MPO et l'industrie afin de regagner accès à cette pêche lucrative. Tous les bateaux représentés sur la photo qui se trouve à la page 5 de mon mémoire viennent d'ailleurs. Ils pêchent le thon tout près de chez nous, pourtant notre attachement historique à la pêche hauturière empêche nos pêcheurs locaux d'acheter des permis de pêche pour le thon. Par conséquent, les deux ou trois titulaires de permis que nous avons pêchent au large de Canso. Il est irritant que tout se trouve au large de Canso, mais que nous n'y ayons pas accès pour une raison ou une autre.
Je vais prendre mon document sur l'interférence du gouvernement dans le marché. En 1989-1990, National Sea Products (NatSea) a décidé de fermer son usine de Canso. L'entreprise a annoncé à l'automne 1999 qu'elle quitterait la ville. L'effort déployé par la collectivité à ce moment-là est bien documenté. On m'a dit lors d'une conférence de presse que notre histoire était la troisième histoire la plus suivie par les médias en 1989-1990 après celles du Lac Meech et d'Oka, ce qui m'a étonné. Nous jouissions d'un droit historique d'être là et nous pouvions prouver qu'il y avait un quota rattaché à cette usine, qui devait rester au sein de la collectivité plutôt que de déménager vers un autre endroit. Nous avons réussi à trouver un acheteur et avec la collaboration du gouvernement fédéral, nous avons conclu un marché que certains ont appelé le « marché de Canso ».
Je vais vous raconter ce qui est arrivé ensuite, parce que les gens s'imaginent parfois que nous avons toujours un quota nous permettant d'exploiter l'usine existante, donc ces chiffres entrent en jeu.
En 1990, le MPO a attribué à Seafreez Foods Inc. approximativement 127 000 tonnes de poisson, 100 000 tonnes de plus pour privilèges de troc de quotas et 27 000 tonnes en espèces sous-exploitées. Seafreez Foods Inc. a acheté 20 000 tonnes d'allocations aux entreprises (AE) à National Sea Products. Cela a permis de rebâtir et de rouvrir l'usine. Trois ans plus tard, le MPO annulait ou retirait le quota pour les espèces sous-exploitées et les privilèges de troc. Pourquoi? Seafreez nous a dit que c'était en raison d'un fort lobbying injustifié de certaines factions de l'industrie et qu'il ne devrait pas y avoir de marché spécial. La vaste majorité des quotas achetés de NatSea ont été assujettis à un moratoire pendant cette période de trois ans, laissant ainsi 2 800 tonnes à l'entreprise. De ces 2 800 tonnes, environ 2 200 seulement se trouvent dans la région de Scotia Fundy et elles se composent de petites quantités de diverses espèces qu'on trouve à une distance considérable de l'usine de Canso, ce qui compromet la viabilité économique de l'usine de transformation.
À l'époque, les représentants du gouvernement affirmaient que Seafreez avait suffisamment d'allocations d'entreprise pour exploiter l'usine de Canso. Nous avons effectué en 1989 une étude que nous n'avons jamais publiée. Nous la mentionnions sans cesse, et le gouvernement se demandait de quoi il s'agissait. Nous disions que l'usine pouvait demeurer viable à certaines conditions. Selon cette étude, il nous fallait 18 000 tonnes. Vous pouvez constater que les quotas qui nous restaient n'étaient pas suffisants pour exploiter une usine. Vers la moitié des années 1990, Seafreez s'est retrouvée sans poisson, avec une usine vieillissante et inefficace et une flottille de bateaux d'au moins 30 ans. L'équipe de Seafreez s'est réorganisée et a lancé un programme de diversification énergique. Une chaîne de production de crabe a été installée pour transformer le crabe des neiges, qui semblait de plus en plus abondant dans notre région, et nous avons ouvert une usine de décortication à la fine pointe de la technologie pour transformer les crevettes, dont la population semblait stable dans l'est de la Nouvelle-Écosse.
Seafreez a réussi à utiliser les petites allocations de poissons de fond qui lui restaient pour stimuler l'essor de sa production de crevettes grâce à une entente avec la flottille de crevettiers mobile du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. On a offert un juste prix aux titulaires de permis de pêche de la crevette pour leurs ressources en crevettes et en échange, on leur a cédé des droits garantis par la Charte aux allocations de poisson de fond divers qui n'étaient pas rentables pour l'usine de Canso.
Les quotas que j'ai mentionnés ont été répartis dans toute la Nouvelle-Écosse, et on a réussi à convaincre les flottilles mobiles de pêcher ces poissons et de laisser leurs quotas de pêche à Canso. Cette entente de troc a très bien fonctionné et a permis à la flottille mobile d'avoir accès à des ressources qui ne seraient pas récoltées par Seafreez sinon, en raison de leur éloignement. L'usine a ainsi pu obtenir des quotas de crevettes importants. De plus, l'entreprise a installé de la machinerie pour transformer les poissons pélagiques et en 2001, nous exploitions quatre usines séparées dans le complexe de Seafreez. Nous transformions des crevettes, des mollusques et des poissons pélagiques dans cette même usine, donc l'avenir semblait prometteur. L'entreprise a fait un investissement et la collectivité l'a appuyée.
Honorables sénateurs, la prochaine série de chiffres est importante. En novembre 1990, nos efforts ont produit 268 équivalents temps plein à l'usine. En novembre 1992, ce chiffre est passé à 217, donc nous avions environ 200 équivalents temps plein. Comme je l'ai déjà dit, nos privilèges de troc de poisson nous ont été retirés, donc l'entreprise s'est mise à acheter du poisson congelé en mer, comme beaucoup d'autres groupes dans l'Est du Canada. Le nombre d'équivalents temps plein est passé de 136 à 153. Encore une fois, la collectivité devait chercher de nouvelles ressources. En 1998-1999, comme tout le monde achetait du poisson congelé en mer, les coûts sont devenus prohibitifs et ce n'était plus viable. En même temps, nous étions confrontés au problème du tri des poissons de fond. Nous sommes passés de 268 équivalents temps plein à 57 et à 97 à l'usine. Plutôt que d'abandonner la collectivité, Seafreez s'est réorganisée et a installé de nouvelles chaînes de production pour le crabe et la crevette, comme je l'ai déjà dit, ce qui représentait un investissement d'environ 8 millions de dollars. Le nombre d'équivalents temps plein est alors remonté à 163.
J'aimerais maintenant vous parler de la production à Canso et de l'incidence que l'arrêt Marshall a eue sur nous. Je vais le répéter, notre collectivité croit au droit des collectivités autochtones d'exploiter la ressource. La première chose que je vais vous dire, c'est que ce qui nous dérange n'est pas tant la décision Marshall elle-même, ni les droits à la ressource dont jouissent les collectivités autochtones, mais la façon dont le gouvernement fédéral a mis en œuvre les recommandations de l'arrêt Marshall. C'est là où nous voyons un problème. Je tiens à le souligner dès le départ.
Notre position et nos observations sur le sujet n'ont rien à voir avec une mauvaise volonté envers les diverses collectivités des Premières nations qui tirent parti du regroupement de quotas dans la zone d'Arichat, de l'autre côté de la baie où vit notre collectivité. Ce sont nos voisins et nos collègues pêcheurs. Nous leur souhaitons du bien. De même, nous n'avons pas de rancœur contre la décision de la Cour suprême dans l'affaire Marshall. Cependant, nous sommes d'avis que Canso et les collectivités des Premières nations auraient tous deux été mieux servis si la ressource acquise pour la pêche autochtone avaient été tirée de diverses zones de gestion, et en ce qui concerne la crevette et le crabe, si elle n'avait pas été retirée à l'est de la Nouvelle-Écosse.
Il y a trois régions autour de notre ville : celle de Terre-Neuve, celle du Golfe et celle de Scotia Fundy. Les chiffres que je vais vous donner vont vous montrer que c'est la région de Scotia Fundy qui a le plus petit quota de crevettes. Cependant, lorsque le gouvernement est intervenu et a réservé les permis nécessaires pour respecter les recommandations de l'arrêt Marshall, il a pris tous ces permis dans l'est de la Nouvelle-Écosse, où nous vivons. Je vais vous citer deux chiffres seulement : le quota était de 30 000 tonnes dans le Golfe, alors qu'il n'était que de 5 500 tonnes au mieux dans l'est de la Nouvelle-Écosse. Cependant, pour réserver assez de permis, le MPO en a réservé six pour la bande Eskasoni, alors qu'il s'était engagé à en réserver dix. Plutôt que de répartir le tout et d'en prendre trois dans chaque région ou trois, trois et quatre, ce qui aurait été le plus juste selon nous, il a pris toutes ces ressources dans notre région. Quelles en sont les incidences? Que cela peut-il signifier?
Nous avons examiné comment le gouvernement fédéral envisageait l'accès et les allocations pour les collectivités des Premières nations. Des négociateurs fédéraux ont été nommés à Affaires indiennes et du Nord Canada et à Pêches et Océans Canada. Ces négociateurs ont reçu des directives faisant état de leur mandat, de leurs objectifs et des principaux principes de négociation. Je ne sais pas si j'ai besoin de citer tout le jugement de R. c. Gladstone, parce que je suis sûr que le comité en a déjà discuté. Cependant, ce jugement établit certains principes importants qui doivent être pris en considération.
D'abord, nous devons tenir compte de la conservation; ensuite, nous devons nous interroger sur l'importance du fait que les collectivités des Premières nations font partie d'une plus grande collectivité, dont nous faisons tous partie. Ces considérations sont importantes pour la mise en œuvre de toute mesure découlant du jugement Marshall. Dans mémoire, j'ai mis en italique le facteur qui touche notre collectivité et d'autres, à notre avis.
En ce qui concerne la répartition de ressources halieutiques données, une fois que les objectifs de conservation ont été respectés, les objectifs tels que la poursuite de l'équité sur les plans économique et régional ainsi que la reconnaissance du fait que, historiquement, des groupes non autochtones comptent sur ces ressources et participent à leur exploitation, sont le genre d'objectifs susceptibles (du moins dans les circonstances appropriées) de satisfaire à cette norme.
Il est important pour nous tous que les principes énoncés ici tiennent compte de la conservation, de l'équité raisonnable et de la reconnaissance du fait que, historiquement, des groupes non autochtones comptent sur ces ressources halieutiques et qu'ils soient pris en considération.
Le mandat conféré au négociateur fédéral sur les pêches se fonde sur ces aspects de la pertinence et de la sensibilité historique :
Le respect de la conservation — personne ne le conteste.
Le respect des traités et des obligations fédérales — personne ne le conteste.
Les ententes locales, sans préjudice aux positions avancées dans les négociations générales menées par le MAINC.
L'élaboration d'ententes de cogestion avec les Autochtones.
La sensibilité aux besoins des collectivités de pêche établies.
Ce sont tous des objectifs importants que nous pouvons tous appuyer. Cependant, ces lignes directrices, qui commandent une certaine sensibilité, n'ont peut-être pas été suivies. Cela a eu de grandes répercussions sur notre comité.
La réponse du gouvernement a été énergique. Compte tenu des principaux principes donnés par les négociateurs, la véritable question porte aujourd'hui sur le rendement. Les négociateurs ont-ils réussi à tenir compte des points que j'ai soulevés? Est-ce que les modalités de mise en œuvre de l'arrêt Marshall vont assez loin? Est-ce que les effets de ces mesures sur les collectivités de transformation ont bien été prises en compte?
Dans notre région, les groupes de pêcheurs côtiers et extracôtiers de toute la Nouvelle-Écosse parlent des mesures offensives qu'a prises le MPO pour acheter des permis, ce qui a fait grimper le coût des permis ou des quotas pour le particulier moyen ou les collectivités aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il l'a fait à dessein. L'intention du MPO était de respecter les obligations contenues dans l'arrêt Marshall, c'est-à-dire de donner aux collectivités autochtones l'accès aux pêches auxquelles elles ont droit. Lorsqu'il se procure des permis dans le cadre de son mandat, le gouvernement fédéral a parfois les poches plus pleines que les particuliers et les collectivités.
Il faut se questionner aussi sur les incidences de tout cela sur les transformateurs. J'y arrive justement. Y a-t-il eu des rencontres ou des consultations avec les transformateurs et les collectivités qui en dépendent sur la mise en œuvre du plan Marshall? Nous n'avons participé à aucune rencontre. Notre transformateur de produits hauturiers n'a jamais entendu parler d'une telle rencontre, mais on serait porté à croire que si vous respectez les principes des lignes directrices, la suite logique serait de vous assurer que tous ces principes sont respectés : la conservation, l'équité et le reste, mais quelles sont donc les incidences de ces décisions sur les collectivités qui dépendent depuis longtemps de la transformation?
Je n'ai pas besoin de vous lire tout cela, vous voyez que le gouvernement aurait pu aller vers les zones de gestion, acquérir certains permis et les réserver pour respecter les recommandations du jugement Marshall. À la place, il les a tous pris dans notre région.
A-t-il évalué si cela aurait une incidence sur les collectivités? Pas à ma connaissance. Quel en est le résultat direct? Évidemment, nous savons quelles en ont été les incidences sur notre collectivité. Cela s'est traduit par la fermeture de l'usine de transformation de crevettes la plus moderne au Canada et a rendu la transformation de crabes non rentable dans l'usine de transformation de crabes la troisième plus ancienne de la Nouvelle-Écosse. La récolte de crevettes et de crabes a échappé à notre usine et a été transférée à une vingtaine de kilomètres de l'autre côté de la baie, dans la région de Arichat/Petit de Grat. Les crevettiers qui débarquaient à Canso depuis plus de 20 ans ont été achetés par la bande Eskasoni et transférés à Petit de Grat. Le tableau de la page suivante montre clairement l'incidence de ce transfert sur notre collectivité.
Seafreez s'était rééquipée d'une chaîne de transformation de crabes et de crevettes. Nous avions 163 employés avant la mise en œuvre du plan Marshall, et il n'y en a plus que 25. Il y a deux semaines, 55 travailleurs de notre usine sont partis pour Surrey, à l'Île-du-Prince-Édouard, pour trouver assez de travail pour subvenir aux besoins de leurs familles. Ils auraient préféré rester à Canso et y travailler, mais ils ne le pouvaient pas. Heureusement, ils ont réussi à trouver du travail ailleurs.
Si nous ne pouvions pas acheter de crabe des neiges du Golfe, notre usine serait déjà fermée. L'arrêt Marshall et la mise en œuvre du plan du gouvernement fédéral ont eu de graves conséquences sur notre collectivité. Je le répète, ce n'est pas de la faute des collectivités autochtones ni de ceux qui tirent profit de ces mesures. Je pense que personne n'a jamais eu l'intention de créer cette situation. La grande faiblesse a été l'oubli de consulter les transformateurs, qui ne sont pas pris en compte, et les collectivités les plus directement touchées. Votre comité pourrait certainement se pencher sur la question.
À Canso, 60 p. 100 des travailleurs habituellement employés à l'usine de transformation viennent du bassin de population des municipalités de White Head et Port Felix. Il y a des gens qui viennent d'aussi loin que Monastery, qui se trouve à 83 kilomètres de Canso, pour travailler à l'usine. Le bassin de population touché comprend plus de 3 000 personnes.
Notre secteur de la vente au détail a connu une baisse importante. Nos besoins en eau ont diminué, ce qui a des incidences sur nos services publics. Cela a des incidences sur l'infrastructure de notre collectivité. Certaines familles sont déménagées. Nous allons vous dire ce que nous faisons pour contenir ce mouvement, mais cela impose un stress économique considérable sur notre collectivité. L'entreprise a investi plus de 8 millions de dollars pour se diversifier, et tout s'est effondré.
Encore une fois, nous ne blâmons pas nos voisins, qu'ils soient autochtones ou non, pour les avantages qu'ils ont gagné sur le plan de la récolte et de la transformation. Cependant, nous sommes d'avis qu'on a fait complètement abstraction des concepts d'équité économique et régionale évoqués par la Cour suprême. Ce scénario ne se serait jamais réalisé si tous les quotas avaient été pris dans le Golfe ou le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Comme notre région est toute petite et que notre voix n'est pas très forte, quelqu'un s'est peut-être dit qu'il était plus simple de le faire dans notre région.
À la page 12, les photos montrent les volumes en jeu. Il s'agit de l'usine de transformation à la fine pointe de la technologie qui a été établie à Canso lorsque la grande usine a été divisée en quatre sections. Elle a été fermée, faute de ressources. L'ironie, c'est qu'il y a des ressources tout près. Je me rappelle d'avoir rencontré l'ancien ministre Robert Thibault, lorsque nous essayions d'obtenir des quotas. Il m'a dit : « Je ne vais pas prendre un quota d'une collectivité pour le donner à une autre », ce qui est juste. C'est toutefois ce qui est arrivé incidemment dans notre région.
Laissez-moi vous parler un peu de l'industrie du crabe des neiges. Récemment, le ministre Regan a annoncé un nouveau plan de gestion s'inspirant des recommandations d'un comité indépendant chargé de se demander comment allouer les quotas de crabe des neiges aux titulaires de permis ordinaires ou temporaires. Ces quotas sont répartis également entre tous les joueurs.
Ce qu'il faut dire, c'est que 20 p. 100 de ces quotas viennent des eaux au large de l'île de Sable. Il existe dans notre ville un groupe qu'on appelle la Canso Trawlermen's Co-op. Il s'agit d'un groupe chalutiers qui pêchaient au large de Terre-Neuve, mais qui ont été déplacés. Cela revient à ce que je viens de vous dire. Ils ont constitué une coopérative, et leur seule façon de travailler avec le gouvernement était de participer à un projet pilote.
En même temps, d'autres pêcheurs de Terre-Neuve qui ont été déplacés ont reçu ces quotas, qu'ils ont pu rapporter dans leur collectivité après l'effondrement de la pêche de poisson de fond.
Les chiffres cités dans notre rapport indiquent comment les allocations de crabe seront réparties. Dans le cadre de ce projet pilote, ces pêcheurs ont pêché au large de l'île de Sable pendant des années. Il y a une histoire longue d'une trentaine d'années. Ils pensaient qu'il y avait des ressources là-bas. L'essentiel de la pêche du crabe se faisait sur le littoral et près des côtes. Ils sont allés voir les gens du MPO pour leur dire qu'ils croyaient qu'il y avait une ressource pouvant être exploitée là-bas si on le faisait adéquatement et qu'on veillait à sa conservation.
Le MPO a répondu qu'il n'y avait pas de stock là, qu'il n'y avait pas de pêche et que ce qu'il y avait là, s'il y avait quelque chose, était négligeable et ne pourrait pas constituer une ressource durable. Les chalutiers ont obtenu la permission d'effectuer des recherches, qu'ils ont financées eux-mêmes. Ils ont fait les recherches nécessaires pour explorer ces eaux et ont constaté qu'il y avait un stock viable, qui représente maintenant 20 p. 100 du quota. Ce groupe n'a pas été traité de la même façon que les pêcheurs de Terre-Neuve qui se sont vu attribuer ces quotas, parce qu'ils n'étaient pas tous des pêcheurs désignés, même s'ils étaient liés à cette pêche depuis des dizaines d'années. Ils finiront probablement par obtenir un permis et très peu de poisson malgré tous leurs efforts.
Ils sont quatorze. S'ils avaient tous le statut désigné, ils auraient trois permis pour exploiter le stock qu'ils ont découvert, dont les gens du MPO disaient qu'il n'existait pas et que s'il existait, il n'était pas viable. Le concept d'équité nous porte à nous demander pourquoi. S'ils avaient eu ces permis, nous aurions une exploitation de crabe viable à Canso. Grâce à ce groupe de chalutiers hauturiers, tout le produit aurait été débarqué et transformé à Canso.
Je vous demanderais d'examiner la documentation et de tenir compte du fait qu'elle a de graves conséquences. Nous sommes confrontés à deux situations. Le déploiement du plan Marshall a eu des répercussions négatives sur notre collectivité. De plus, les principes de répartition du crabe des neiges dictent que si l'on effectue des recherches et qu'on découvre une ressource, on peut obtenir des permis. Ce n'est pas ce qui est arrivé.
J'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de ce que la collectivité de Canso fait. Nous sommes du type à nous battre et nous ne baissons pas les bras, malgré les grands obstacles devant nous. Nous avons l'impression de tomber complètement dans l'oubli. D'autres collectivités et groupes d'intérêt minoritaires reçoivent l'attention du ministère des Pêches et des Océans. St. Anthony's Basin et Charlottetown, au Labrador, sont deux exemples de collectivités que l'accès aux ressources et l'allocation de ressources permet de prospérer. Je viens tout juste de vous parler du groupe de chalutiers. La situation est comparable dans notre collectivité. Il faut que quelqu'un reconnaisse le fait que nous avons souffert des allocations aux entreprises (AE), de la politique de désignation des pêcheurs, sans parler des mesures découlant de l'arrêt Marshall.
Où l'observation de la Cour suprême sur la pêche non autochtone s'applique-t-elle mieux qu'à Canso, où la pêche existe depuis plus de 400 ans? Nous pensons qu'il faut revoir ce principe. Comment pouvons-nous veiller à ce que les politiques du MPO qui touchent notre collectivité ou d'autres collectivités dépendant de la pêche depuis longtemps soient équitables à notre endroit? Pourrions-nous revoir le déploiement du plan Marshall pour garantir son équité et sa transparence pour toutes les collectivités, parce qu'elles ont toutes des droits? Les collectivités autochtones devraient avoir le droit de pêcher. Les collectivités comme Canso, qui dépendent de la pêche depuis longtemps, devraient elles aussi avoir le droit de pêcher.
Je vais vous dire ce que notre collectivité fait. Avant Noël 1999, lorsqu'il a été annoncé que National Sea Products (NatSea) quitterait Canso, le gouvernement fédéral est arrivé ironiquement, le même jour, et nous a dit : « Nous avons des programmes pour vous. » À ce moment-là, nous l'avons trouvé plutôt insultant. Il a fait des promesses et a créé des programmes, qui se sont rapidement évaporés. Lorsque la pêche s'est effondrée, on a présenté aux collectivités le programme LSPA. Vous vous rappelez de l'histoire de ce programme? On nous a fait des promesses, mais au bout de quelque temps, elles se sont évaporées.
Les collectivités comme celles de Canso ont besoin d'un engagement à long terme envers le développement économique. Je suis certain, honorables sénateurs, que quiconque d'entre vous travaille au développement économique sait que tout ne se fait pas du jour au lendemain. Si l'on n'alloue pas de ressources à une collectivité qui veut se développer et diversifier son économie, elle n'y arrivera pas.
Je vais vous donner un exemple de ce qu'on a fait en Nouvelle-Écosse. Lorsque j'étais au gouvernement provincial, nous avons établi un groupe appelé « l'équipe de Guysborough ». Il s'agissait d'un groupe de hauts fonctionnaires dont le travail consistait à réduire la paperasserie, à travailler au développement économique avec les collectivités et à favoriser les résultats concrets. Le vieil adage qui dit que les citoyens locaux savent où se trouve le terrain dangereux en développement est vrai. Ils savent ce qui va fonctionner dans leur coin. Dans les petits villages, si on ne donne pas aux gens les outils, les ressources et le soutien financier nécessaires, rien n'arrivera. Cette initiative a créé de l'emploi et a amené des ressources à Canso, et en deux ans, plus de deux millions de dollars ont été dépensés en développement à Canso. Puis, le programme est tombé à l'eau ou a été réduit.
Lorsque la population locale a les outils nécessaires et le pouvoir de travailler, bien des choses sont possibles. Grâce à l'initiative de l'équipe de Guysborough, il y a maintenant dans notre collectivité ce qu'on appelle le Stan Rogers Folk Festival, qui s'en va vers sa neuvième édition. Ce festival attire plus de 10 000 personnes dans notre ville en une semaine. Nous avons plus de 500 bénévoles qui s'occupent de ce festival. Cela donne de la visibilité à notre collectivité.
Après cette première initiative, nous avons mis sur pied un centre d'appels à Canso. Il y avait 25 employés au début; maintenant, il y en a 73. Dans une grande ville, ce n'est pas un chiffre important, mais ce l'est dans une petite collectivité. Nous avons revitalisé ce qu'on appelle la Eastern Counties Development Association et nous travaillons en collaboration avec le département de l'enseignement postscolaire de l'Université St. Francis Xavier, afin d'entreprendre des consultations de deux mois auprès des gens de notre collectivité pour trouver des projets viables. Il y a des études en cours pour analyser le potentiel d'aquaculture côtière à Canso. Je pense que nous avons les ressources qu'il faut; nous avons l'eau et la terre. J'ai visité plusieurs fermes aquacoles en Norvège lorsque j'étais président du comité des ressources de la province de la Nouvelle-Écosse. La technologie est dorénavant assez avancée pour que ce soit possible.
Ce que j'essaie de vous dire, honorables sénateurs, c'est que la politique et les stratégies peuvent avoir beaucoup d'avantages. Ils habilitent les groupes les plus directement dépendants de la pêche à voir à leurs besoins. Au fil des années, il y a des décisions qui ont été prises sans qu'on tienne compte des collectivités qu'il faut protéger. Il faut faire participer les collectivités et ne pas négliger le secteur de la transformation.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministre des Pêches actuel, et il a trouvé des solutions à certaines de nos préoccupations, mais je pense qu'il est important que le comité se penche sur la question. Il y a environ un an, le ministre des Services de la Nouvelle-Écosse a confié un mandat à notre collectivité, parce que si nous n'équilibrions pas notre budget, nous allions disparaître. Nous avons reçu de l'aide de partout en Amérique du Nord, c'est intéressant. Nous allons réussir. Nous allons réussir parce que nous avons mis sur pied un groupe de personnes qui veulent travailler au développement économique. Nous avons créé un groupe de personnes qui croient que nous ne devons pas aller quémander l'aide du gouvernement. Nous devons nous aider nous-mêmes. Nous avons des choses à offrir.
Nous avons été parmi les premières collectivités de la Nouvelle-Écosse à utiliser la télémédecine. De même, nous avons conçu un cours pour apprendre aux infirmières auxiliaires autorisées de Canso à utiliser cette technologie. Nous faisons de la numérisation de cartes pour des organismes gouvernementaux. Nous avons la volonté de le faire et la technologie d'aujourd'hui permet bien des choses dans les Canso du Canada et de la Nouvelle-Écosse.
Il faut revoir certaines de ces politiques, pour déterminer comment elles touchent les collectivités et comment elles peuvent répondre aux besoins non seulement des collectivités autochtones, mais de toutes les collectivités qui font partie de la population générale que nous appelons la Nouvelle-Écosse et le Canada.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le maire. C'est toute une histoire; c'est très intéressant. Avant de poursuivre, je tiens à mentionner que si quiconque souhaite visiter Canso à loisir, il n'a pas nécessairement besoin de se rendre là-bas. Je vais vous donner l'adresse du site web de la ville. C'est www.friendsofcanso.com. Je vous le recommande, sinon pour les paysages, à tout le moins pour la musique. Carl Vaughan, un résidant de votre collectivité, chante à merveille sur la ville de Canso. J'invite tout le monde à consulter ce site.
M. White : Si vous me permettez d'ajouter un mot, ce site a été conçu par des gens des Maritimes qui sont déménagés dans l'Ouest canadien et qui ont entendu parler des efforts de survie de Canso. Nous avons tenu un plébiscite, et 82 p. 100 des gens ont voté pour l'on donne à notre conseil le mandat de faire tout en son pouvoir pour que la collectivité et la ville demeurent. Cette histoire a fait le tour du Canada, et ces personnes nous ont gracieusement offert temps et effort pour créer le site Web qui raconte notre histoire. Ce site n'est en ligne que depuis trois mois, mais plus de 6 000 personnes l'ont déjà consulté. Il a eu une retombée très intéressante, puisque nous avons reçu plus de 17 000 dollars en dons pour garder notre ville en vie. Ce n'est pas la façon habituelle d'équilibrer un budget.
Le président : Le site vaut tout à fait la visite. J'espère que les gens vont aller le voir. Il ne s'agit pas d'une annonce payée; je pense simplement qu'il vaut la peine de le consulter.
J'invite maintenant monsieur le maire Mawhinney à prendre la parole.
Monsieur le maire D. Laurence Mawhinney, maire, Ville de Lunenburg, Nouvelle-Écosse : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je suis ici pour vous raconter l'histoire d'une autre collectivité de la côte atlantique touchée par le déclin de la pêche depuis 15 ans. Lorsque nous parlons de notre ville, de notre collectivité et de la province dans laquelle nous vivons, la plupart d'entre nous parlons avec énormément de fierté et de passion. Si vous me dites que vous vivez dans la meilleure partie du Canada, je vais vous croire, parce que je vous fais confiance pour me croire aussi lorsque je parle en ces termes de ma collectivité.
Je parle avec passion de cette collectivité fondée il y a plus de 250 ans. Les premières personnes à s'installer ici ont été des Mi'kmaq et des colons français, c'était avant 1753, mais la première colonie officielle était sous l'égide de la couronne britannique et se composait d'Allemands, de Suisses et de Français venus s'établir à Lunenburg. Ce peuplement permanent s'est inspiré du modèle quadrillé des rues britanniques, comme il y en a probablement une quinzaine en Amérique du Nord; cependant, selon les recherches effectuées par le gouvernement du Canada, c'est le modèle de ville coloniale le mieux préservé qui existe encore sur ce continent. C'est l'une des raisons pour lesquelles la ville a été reconnue à l'échelle internationale par l'UNESCO.
Les changements qui ont bouleversé la pêche remontent à cette époque. Les premiers colons n'étaient pas des pêcheurs, c'étaient des agriculteurs. Ils ont appris à pêcher lorsqu'ils sont arrivés en Amérique du Nord, et c'est peut- être pour cette raison qu'ils ont développé leur propre style et leurs propres méthodes. Il y a une centaine d'années, il y avait une centaine de goélettes dans le port de Lunenburg. On pouvait aussi se promener d'un côté à l'autre du port pour observer les divers types de bateaux accostés dans la baie à cette époque. Les goélettes sont presque toutes disparues, sauf une ou deux, qui restent pour nous rappeler l'heure de gloire de cette pêche.
Cette pêche était prospère au siècle dernier. Les pêcheurs tiraient parti de la diversité des espèces dans l'océan Atlantique et pendant un certain temps, ils ont profité de la prohibition aux États-Unis, qui favorisait les échanges de morue salée contre du rhum. Le commerce du rhum a été lucratif pendant de longues années, jusqu'à la fin de la prohibition. Beaucoup de collectivités côtières de l'Atlantique en ont retiré une stabilité financière qui leur a permis de rester bien vivantes jusqu'aujourd'hui. À cette époque, ils vendaient des parts pour construire leurs goélettes. Ils pouvaient vendre 64 parts.
À ce qu'on raconte, tout cela remonte à la première reine Élizabeth et à sir Francis Drake, qui avaient 100 parts par bateau pour construire une flottille destinée à protéger Sa Majesté; la Couronne prenait les 36 premières parts puis vendait les 64 autres par souscription publique. C'est la façon dont ils construisaient ces bateaux. Le capitaine avait une part pour en être l'administrateur. Il vendait des parts à ses amis et voisins, et le bateau devenait une entreprise locale à laquelle participait activement la collectivité. Si la saison était bonne, la collectivité en profitait; si elle était mauvaise, toute la collectivité en souffrait. Habituellement, cela suffisait pour permettre aux gens de passer l'hiver.
Bien sûr, les choses ont changé. La flottille de pêche d'il y a 100 ans n'est plus. Ce qui était encore une flottille importante de plus de 30 bateaux de pêche hauturière il y a à peine 10 ans est pratiquement disparu. Il reste une entreprise qui exploite encore trois dragueurs à pétoncles au large de Lunenburg. Elle possède 9,77 p. 100 des quotas. L'essentiel des quotas qui reste, presque 50 p. 100, appartient à l'un des grands acteurs de la côte Est.
Il reste à Lunenburg et à proximité une grande pêche côtière. Le homard est une composante importante de la pêche le long des côtes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, cela ne fait aucun doute. Cependant, nous sommes victimes des changements radicaux et de la mondialisation. Autrefois, les jeunes du Canada atlantique avaient l'habitude de « descendre vers le sud ». Nous parlions d'aller « au sud », alors qu'aujourd'hui, les jeunes partent pratiquement « autour du monde ». Nous sommes touchés par ce qui se passe de l'autre côté de la planète; ce qui se passe en Chine a des effets directs sur bon nombre de producteurs de l'Amérique du Nord, et la pêche ne fait pas exception.
Nous sommes victimes du changement, et par conséquent, nos jeunes doivent partir, bien souvent, pour se trouver du travail. Notre population vieillit. C'est une grande inquiétude.
Au début des années 1990, il y a environ 15 ans, nous reconnaissions que la pêche de poisson de fond était en déclin dans l'Atlantique. Nous avons examiné ce que nous pouvions faire pour remédier à la situation. Nous étions bien conscients que nous ne pouvions pas renvoyer des poissons à la mer et que nous n'avions pas les compétences requises dans notre personnel ou conseil à l'époque pour participer aussi activement à la réglementation de la pêche, avec le ministère des Pêches et des Océans, que d'autres collectivités.
Nous avons donc adopté une stratégie visant à miser sur nos forces. Nous avons analysé les forces de notre collectivité et nous nous sommes rendu compte que l'une d'elles était notre histoire et notre patrimoine, puisque l'architecture de nos rues et la disposition de notre ville avaient été préservées depuis 200 ou 250 ans, soit depuis sa fondation. Nous avons donc commencé à suivre cette stratégie. En 1992, les vieux quartiers de Lunenburg ont été désignés lieu historique national. Nous avons ensuite entrepris des démarches pour que le gouvernement du Canada présente une demande à l'UNESCO, l'organisme de l'ONU à vocation éducative, scientifique et culturelle. En décembre 1995, le Vieux Lunenburg a été inscrit à la liste du patrimoine mondial de la convention de l'UNESCO concernant la protection du patrimoine culturel et naturel. Le gouvernement du Canada a obtenu ce statut grâce au travail de Parcs Canada. Je dois souligner l'immense appui que diverses personnes et divers employés ont témoigné à Parcs Canada dans la plupart des initiatives que nous avons entreprises depuis dix ans.
La documentation produite par le gouvernement du Canada parle des treize lieux canadiens extraordinaires qui figurent à la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Certains sont de propriété provinciale. Beaucoup relèvent du gouvernement du Canada et constituent des parcs nationaux. Il y en a deux qui appartiennent au moins partiellement à des administrations municipales, c'est-à-dire le Vieux-Québec et le Vieux Lunenburg.
On dit aussi dans la documentation qu'il revient à l'État où le lieu se trouve de s'occuper de ses joyaux et de les protéger pour que le reste du monde en profite. De fait, il existe des lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention sur le patrimoine mondial. Le Canada a été l'un des premiers pays à la signer dans les années 1970. Ce règlement contient une disposition sur les pays signataires concernant les nominations à la liste. Elle dicte très clairement que la participation de la population locale au processus de nomination est essentielle pour qu'elle sente qu'elle partage la responsabilité de l'entretien du lieu avec le pays signataire.
Il ne reste absolument aucune présence fédérale sur ces lieux très spéciaux que sont ceux de la ville de Lunenburg. Le bureau de poste, la dernière possession fédérale, a été vendu. Il n'y a pas de subventions tenant lieu d'impôt. Il n'y a pas de revenus fiscaux. Il n'y a pas de contributions régulières à l'entretien des lieux. Il revient aux 2 568 résidents de la ville de les préserver. À mon avis, on contrevient à l'essence, sinon à la lettre, de la convention de l'UNESCO, et je crois que le gouvernement du Canada devrait respecter cette convention et participer à l'entretien de ces lieux avec nous, parce qu'il n'est pas juste de demander aux résidents de notre collectivité et à nos entreprises de le faire. Nous voudrions que le gouvernement du Canada réexamine la question, parce qu'il est essentiel pour certaines activités de la collectivité de préserver ces lieux uniques.
Il serait négligeant de ma part de ne pas dire qu'il y a de bonnes nouvelles à Lunenburg concernant la pêche et les autres industries. Nous développons activement de nouvelles industries compatibles avec notre ville. Nous avons une petite entreprise qui s'appelle Composites Atlantic, qui est une division d'une entreprise fabriquant des composantes de la cabine des nouveaux Boeing Jumbo de ligne, qui ont volé pour la première fois la semaine dernière. Il y a 250 personnes qui travaillent dans cette industrie.
En bas de la côte où se trouve l'usine, qui continue d'agrandir chaque année, il y a une autre entreprise du nom de HB Studios, qui conçoit des jeux pour le Playstation, que mes petits-enfants utilisent pour jouer au hockey, au baseball, au football, au tennis, à la crosse et à d'autres jeux communs en Amérique du Nord, mais aussi au cricket en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il y a probablement 40 ou 50 cracks d'informatique qui créent ici la prochaine génération de programmation pour ces jeux d'intérêt commun. Nous comptons quelques autres entreprises qui sont très versées dans la nouvelle technologie et les nouvelles avancées. Nous sommes bien chanceux à cet égard.
Les parts qui étaient vendues pour construire les goélettes sont la clé du succès des coopératives de l'avenir dans beaucoup de petites villes du Canada atlantique, dont la nôtre. La collectivité d'aujourd'hui tire évidemment beaucoup de fierté de ce qu'elle essaie de faire aujourd'hui, tout comme la collectivité d'antan était fière de la construction de ces goélettes.
Il y a environ 15 mois, Clearwater Seafoods a annoncé qu'elle allait se retirer de toutes ses entreprises dans la ville de Lunenburg. Elle a mis toutes ses propriétés sur le marché, c'est-à-dire 24 édifices et 8 quais, un ensemble qu'on peut acquérir pour la somme de 9,7 millions de dollars. Ces propriétés sont sur le marché depuis quelque temps.
Qu'a fait la collectivité en apprenant la nouvelle? Les gens ont dit : « Que pouvons-nous faire, quelles mesures pouvons-nous prendre? » Nous avons initialement créé un comité sur l'avenir de notre front de mer, le port et le bassin. La première phase du plan directeur du front de mer a été présentée lundi soir à la collectivité. Ce n'est que la première étape d'un processus de revitalisation, qui révèle toutefois que le front de mer de Lunenburg peut toujours fonctionner activement et accepter notamment le débarquement des prises de nouvelles espèces de poissons par des sociétés étrangères qui souhaitent s'implanter en Amérique du Nord. Nous les accueillerons si elles se joignent à nous. C'est la première étape.
La collectivité a ensuite pris une autre mesure, sans aucune aide de quelque ordre de gouvernement que ce soit, la création de la Lunenburg Maritime Heritage Foundation, qui nous permet de dire : « Nous allons acheter toutes les propriétés à vendre et tous les quais. » De combien d'argent dispose-t-on? De pas un sou. À combien peut se chiffrer l'esprit d'initiative? À 99,9 p. 100, et ce n'est qu'un début. Des mesures ont été prises, tout un éventail de programmes a été proposé, on a pris contact avec de nombreuses personnes et on a ainsi uni la collectivité, comme jamais, pour savoir en premier lieu ce que l'on veut faire de notre collectivité. Nous voulons que son front de mer reste actif, continue de transformer le poisson, s'occupe des bateaux, qu'il s'agisse de bateaux de plaisance, de grands voiliers ou d'autres genres de nouveaux bateaux d'aujourd'hui. C'est ce qui va arriver.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est en partie pour vous dire que nous espérons que le gouvernement du Canada participera en tant qu'actionnaire et partenaire à l'achat d'un nouveau bateau qui sera lancé par cette fondation, de la même façon que les goélettes l'ont été. Les gens de Lunenburg ne viennent pas simplement vous demander des ressources financières, et je ne suis pas là pour mendier; nous voulons simplement encourager ceux qui ont une responsabilité dans certains domaines à être nos partenaires.
Notre conseil a déterminé plusieurs domaines auxquels il serait intéressant que le gouvernement du Canada participe. J'en ai dressé la liste dans le dossier ci-joint. Il s'agit, selon nous, de respecter le partage des responsabilités, selon la convention de l'UNESCO, qui vise aujourd'hui 179 pays. Les 13 sites du Canada sont non seulement importants pour nous, Canadiens, mais aussi extrêmement importants pour d'autres.
Au fil des ans, nous avons bénéficié de l'appui du gouvernement du Canada dans le cadre de plusieurs initiatives dont des programmes d'infrastructure qui ont porté fruit. Nous avons procédé à l'assainissement de notre port, après 246 ou 247 années de déversement d'eaux d'égout brutes et c'est grâce à ce programme d'infrastructure que l'usine de traitement fonctionne maintenant depuis quelques années. La restauration de la St. John's Anglican Church, pratiquement détruite par un incendie il y a quatre ans, touche maintenant à sa fin. Ce projet, de 6 à 7 millions de dollars, a été également réalisé grâce à l'appui du gouvernement du Canada.
Les habitants de Lunenburg sont à l'origine de cette initiative et nous souhaitons pouvoir être les maîtres de notre destin à l'instar de n'importe quelle autre petite collectivité de notre pays. En ce qui concerne ces initiatives, nous espérons que le gouvernement du Canada, par exemple, puisse prévoir chaque année un poste budgétaire pour répondre aux besoins des sites du patrimoine mondial qui n'appartiennent pas au peuple canadien. Beaucoup de ressources sont affectées aux sites qui appartiennent au peuple canadien. Il est important que dans le budget de cette année, même s'il n'est pas encore adopté, il soit prévu une somme de 310 millions de dollars pour Parcs Canada en vue de la revitalisation de beaucoup de nos sites patrimoniaux qui témoignent de l'usure du temps et qui doivent être restaurés. On les retrouve à l'échelle de notre pays, dans chaque province et territoire.
Nous disons depuis le début que les budgets fédéraux devraient prévoir un poste afin de témoigner du partage des responsabilités et des résultats tangibles de la part du gouvernement du Canada à l'égard des sites qui ne lui appartiennent pas et pour lesquels il ne joue aucun rôle. Nous pensons également qu'il faudrait prévoir une petite filiale d'un bureau fédéral ici même. Nous avons pu persuader la province de la Nouvelle-Écosse de bâtir un nouvel édifice provincial dans notre collectivité, ce qui va se faire d'ici les 12 prochains mois et permettra de créer de 40 à 50 emplois dans notre collectivité; la province montre ainsi qu'elle considère que nous avons besoin de quelque chose de nouveau pour revitaliser la vie des petites villes.
Même si la régionalisation a été adoptée dans le pays et qu'un gouvernement régional a été mis en place dans de nombreuses provinces, je n'ai jamais été en faveur de la régionalisation. Selon moi, la force de notre pays provient des petites collectivités qui sont en mesure de prendre leur destinée en main. Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est un appui afin que nous puissions continuer sur cette voie. Nous faisons également des propositions. La Lunenburg Maritime Heritage Foundation organise samedi prochain un symposium auquel sont invités plusieurs intervenants clés qui viendront parler des questions dont ils s'occupent, alors que nous essayons de recueillir 9,7 millions de dollars, ou un peu moins, pour acheter toutes les propriétés qui sont maintenant à vendre.
C'est en raison des politiques fédérales instaurées au cours des 10 dernières années environ que nous en sommes arrivés là; les sociétés qui réussissent dans les domaines de la pêche et de l'industrie des pétoncles s'en sortent bien, car elles utilisent la ressource objectivement par rapport à la collectivité dans laquelle elles se trouvent. Lorsque l'on devient trop gros, qu'il s'agisse d'un gouvernement régional ou d'une grande société, on perd le contact avec les gens, qui sont à l'origine du succès. La politique n'a pas été à l'avantage des petites collectivités de notre pays. Je sais que l'on peut dire la même chose de nombreuses collectivités agricoles, du nord, autochtones et vivant de l'exploitation forestière; c'est la même histoire partout. On ne peut pas centraliser toute la population dans les grands centres. Je sais que c'est la tendance dans le monde d'aujourd'hui, mais ce n'est pas pour autant que l'on vit mieux.
Ceux qui viennent vivre dans notre collectivité font face à des coûts très élevés — problème différent de celui de Canso. L'un de nos plus gros problèmes, c'est sans doute le prix exorbitant des habitations; nous sommes pratiquement victimes de notre propre succès. Certaines résidences affichent des prix de vente de 600 000 $, tout simplement parce que notre collectivité est considérée comme un lieu où il fait bon vivre et prendre sa retraite. Ce n'est pas exactement ce que nous voulons. Nous voulons attirer les jeunes, si bien que nous avons besoin d'ensembles résidentiels avec le concours de la province et du secteur privé, ce qui nous permettra de progresser.
Nous essayons de rebâtir notre collectivité à l'instar de Canso, en tenant compte des gens tels qu'ils sont, de leur esprit et de leur force. Nous voulons simplement que le gouvernement du Canada soit un actionnaire et un partenaire afin de pouvoir réaliser notre projet. Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous.
Le président : Je pense que tout le monde peut comprendre pourquoi vous êtes constamment élus maires de vos villes. Vous parlez avec beaucoup d'éloquence et de passion au nom de vos collectivités. Nous vous remercions de l'expérience que vous partagez avec nous ce matin.
Le sénateur Hubley : Bienvenue à vous deux dont nous avons attendu avec impatience la comparution. Je peux vous dire que les renseignements que vous nous donnez revêtent beaucoup d'importance en ce qui concerne notre mandat relatif à l'industrie de la pêche.
J'aimerais une précision, monsieur Mawhinney, y a-t-il une usine de transformation à Lunenburg pour le poisson pêché dans votre secteur?
M. Mawhinney : La société Highliner Foods est toujours un élément actif et dynamique de la région de Lunenburg et se trouve juste à l'extérieur de notre ville.
Il s'agit maintenant d'une usine de transformation de produits alimentaires. Elle ne s'occupe plus de pêcher le poisson, alors que c'était l'une des plus grandes composantes de l'industrie de la pêche il y a 10 ans, qui n'existe plus aujourd'hui. La matière première vient du marché mondial, de l'Alaska, de la mer de Béring et de Chine.
Le poisson et les fruits de mer arrivent congelés et c'est là qu'ils sont transformés, qu'ils reçoivent une valeur ajoutée avant d'être expédiés dans tout le continent.
Le sénateur Hubley : Si vous aviez un quota calculé en fonction de votre collectivité, ce à quoi pense notre comité en quelque sorte, comment le géreriez-vous? Auriez-vous besoin de directives quant au lieu où les prises pourraient être transformées? Quel genre d'infrastructure et d'organisme faudrait-il pour gérer cette industrie de la pêche et répartir le quota? De nouveau, on en reviendrait à la répartition au sein de l'industrie. Comment l'envisageriez-vous dans votre collectivité? Nous essayons de mettre au point un modèle qui, d'après nous, pourrait fonctionner. Je vais poser cette question à monsieur White.
M. White : Madame le sénateur, on pourrait sans doute envisager deux scénarios. Dans mon exposé, j'ai dit qu'un groupe d'anciens pêcheurs sur chalutier de Terre-Neuve avaient reçu un quota qu'ils ont partagé en partenariat avec une entreprise locale pour que la collectivité continue d'en bénéficier. C'est un scénario possible. Le second consisterait à avoir peut-être une commission locale qui serait en fait chargée de la gestion du quota en vue de maximiser l'intrant pour la collectivité. On pourrait aussi combiner les deux, car alors, le quota pourrait permettre d'avoir d'autres espèces. À cause du coût de la transformation, il faudrait prévoir suffisamment de ressources financières pour que le quota soit effectivement transformé dans la collectivité à laquelle reviendraient les avantages. Pour que le quota reste dans la collectivité, il faut envisager non seulement une méthode, mais d'éventuels partenariats avec la collectivité pour maximiser l'avantage de tout quota établi.
Le sénateur Hubley : Monsieur Mawhinney, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Mawhinney : C'est une question complexe, madame le sénateur, dont on a souvent débattu. À l'échelle locale, on a l'impression, à cause de l'accumulation de quotas de sociétés plus petites, que l'intervenant le plus important est devenu trop gros pour un port donné et a dû aller ailleurs pour des raisons économiques, selon ses dires, ainsi que pour soutenir la concurrence avec les intérêts asiatiques.
C'est intéressant, car à Lunenburg, nous avons toujours une société qui, comme je l'ai dit plus haut, reçoit 97,7 p. 100 du quota de pétoncles et s'en sort extrêmement bien, et ce, depuis plus de 100 ans. Les quotas accordés aux collectivités peuvent donner de bons résultats.
Le sénateur Hubley : Pensez-vous que ce soit la meilleure approche? Si nous devions faire des recommandations, vaut-il mieux répartir le quota à la collectivité? En d'autres termes, pour que la pêche soit viable dans votre collectivité, la répartition du quota de poisson à cette collectivité en est-elle un élément important, ou vaut-il mieux opter pour une répartition partagée ou encore, divers intervenants devraient-ils jouer des rôles différents en matière de répartition?
M. White : Je crois qu'il faut que cela fasse partie d'un plan plus vaste. Ce n'est pas la seule solution qui va fonctionner, étant donné la complexité de l'industrie elle-même. Si le quota peut servir d'élément de base pour assurer la viabilité d'une usine de transformation susceptible de créer des emplois, ce serait une solution et ce pourrait être le point de départ. Il ne faudrait pas assujettir les vendeurs du produit à quelque régime que ce soit, mais leur donner également la flexibilité de compléter tout quota éventuel.
J'ai parlé des pêcheurs sur chalutier qui ont choisi une ressource. Selon eux, s'ils recevaient une partie de ce quota, la transformation se ferait alors à l'usine. Certaines sociétés ont indiqué que si nous recevons un quota, il faudrait imposer certaines conditions : ce serait à nous de pêcher et de transformer la ressource. Pour s'assurer que les collectivités en tirent avantage, il faudrait déterminer de nouveaux quotas, de nouvelles espèces; il faudrait alors se demander comment en faire la répartition. Quelles collectivités choisir et comment répartir ce quota? Il faudrait alors revenir aux principes essentiels que sont la continuité, l'histoire et la tradition.
Par exemple, lorsque la crevette était pêchée en quantité au large de Terre-Neuve, si on s'en était tenu à notre histoire, c'est notre collectivité qui aurait dû vendre ce quota, ce qui n'a jamais été le cas. Il faut prévoir les principes selon lesquels vous souhaitez répartir le quota et il faut envisager toutes sortes de facteurs en tenant compte de leur impact sur les collectivités. On ne peut prendre d'une main et donner de l'autre. Ce sont les collectivités où la tradition et l'histoire sont bien ancrées qui devraient l'emporter, selon moi.
Le sénateur Hubley : Est-ce que le poisson capturé dans les eaux canadiennes devrait être transformé au Canada?
M. White : Je vais vous raconter une histoire. À une certaine époque, le flétan noir était capturé et congelé en mer. La technologie visant à dégeler ce flétan a été mise au point à Canso. Selon nous, même si ce poisson était capturé par des chalutiers de fond étrangers, 100 p. 100 du produit était transformé au Canada. Nous avons pensé qu'il serait bon de canadianiser ces bateaux. Au bout du compte, c'est ce qui a été fait, mais comme le produit était vendu à l'étranger, toute l'entreprise s'est déplacée vers l'étranger. Il faut donc être prudent. Il y a des moments où à cause des enjeux économiques, on ne peut pas transformer ce poisson au Canada, mais lorsque c'est possible, il faudrait alors le faire.
Le sénateur Merchant : Je vous remercie aussi beaucoup du dynamisme de vos collectivités dont vous nous faites part ce matin. Je vous ai dit il y a quelques instants, avant le début de la séance, que je viens des Prairies. Nous avons là-bas le même problème au niveau des petites collectivités. Tout le monde déménage dans les villes et les petites collectivités trouvent difficile de garder leurs jeunes, leurs écoles, leurs médecins et leur hôpital. Je suis sûre que vous avez le même problème.
Quelle est la taille de votre collectivité, monsieur White?
M. White : Nous avons une population de près de 1 000 personnes. Nous avons le Festival folklorique et près de 700 de nos habitants servent de bénévoles à cette occasion. C'est intéressant. Nous pourrions avoir une importante centrale d'éoliennes. Nous travaillons avec la FCN. Comme je l'ai déjà dit, compte tenu des télécommunications disponibles aujourd'hui, diverses options s'offrent aux collectivités, qui n'existaient pas auparavant. Il faut sortir de chez soi et convaincre les autres que vous avez l'expertise et que vous avez telle ou telle réalisation à votre actif.
L'écotourisme dans notre région offre de grandes possibilités grâce aux îles préservées au large de Canso. C'est la raison pour laquelle notre région est recherchée pour des terres agricoles en rive. Lorsque l'usine de poisson a été installée, Canso a eu la bonne idée de prévoir une usine de traitement de l'eau et des eaux d'égout, opérationnelle depuis des années, si bien que les eaux au large de notre côte sont pures. Nous devons amener l'eau de mer pour l'aquaculture continentale et disposons du potentiel pour ce faire.
Notre collectivité a adopté une double approche. Nous considérons que la pêche offre toujours un potentiel pour notre collectivité et peut servir de pierre angulaire, mais certains de nos résidents souhaitent diversifier notre économie au-delà de l'industrie de la pêche. Les collectivités doivent examiner ce dont elles disposent actuellement, quelles possibilités s'offrent à elles et ce qu'elles peuvent faire.
Je vous ai dit un peu plus tôt que nous avons eu un échange avec les leaders de la Saskatchewan. En parcourant leurs collectivités, ils nous ont dit qu'une perte de quota pour nous est sans doute équivalente à la perte de leurs silos à grains, qui étaient le centre d'activité de la collectivité, qui attiraient les gens. Le regroupement nécessaire pour avoir les silos à grains est semblable au regroupement que nous observons parfois dans l'industrie de la pêche sans parler de l'impact qu'il peut avoir sur les collectivités.
Le sénateur Merchant : Avec les 1 000 habitants que compte votre communauté, pouvez-vous nous dire dans quelle situation se trouvent vos jeunes?
M. White : Je crois que garder ses jeunes est un défi que doit relever chaque communauté. Trois de nos principales forces en matière de développement économique sont de jeunes gens revenus vivre dans la collectivité. Toutefois, il y en a encore qui partent s'établir à Antigonish et à Halifax. C'est donc un gros problème pour nous.
Le sénateur Merchant : Monsieur Mawhinney, je m'intéresse à la ville de Lunenburg comme site du patrimoine mondial. Recevez-vous des fonds de l'UNESCO que vous pourriez utiliser à votre avantage?
M. Mawhinney : Non, autant que je sache, l'UNESCO n'accorde pas d'aide financière aux sites du patrimoine mondial qui se trouvent au Canada, ni à aucun autre site, d'ailleurs. L'UNESCO est seulement prête à fournir un soutien financier aux sites en danger. Certains l'ont été, et plusieurs ont même subi de graves dommages — comme, notamment, ceux ravagés par le tsunami en décembre dernier ou frappés par d'autres catastrophes ailleurs dans le monde. En Afghanistan, par exemple, il y a eu des événements dévastateurs, mais l'UNESCO n'a accordé aucune aide directe à ce pays. En ce qui nous concerne, nous avons reçu des fonds pour la restauration de l'église St. John's, parce que celle-ci a été pendant un temps sur la liste des 100 sites menacés étant donné qu'elle avait subi d'énormes dégâts suite à un incendie. On a donc obtenu une petite contribution d'une autre organisation pour faire les travaux.
Le sénateur Merchant : La communauté que vous représentez est une ville, et vous avez dit que la plupart des sites étaient des parcs nationaux, mais vous avez aussi parlé de la ville de Québec. Selon vous, y a-t-il un site comparable au vôtre qui obtient une autre forme d'aide du gouvernement fédéral?
M. Mawhinney : La ville de Québec a reçu des contributions substantielles de la part d'Ottawa, que ce soit directement ou indirectement. Le gouvernement fédéral possède de grands terrains et sites qu'il entretient dans le vieux Québec. Les secteurs allant du front d'eau aux installations de la Garde côtière et de Transports Canada ont été réhabilités. Il est difficile d'évaluer réellement les sommes qu'a obtenues la ville de Québec à cet effet. Je ne critique pas du tout cela car je considère que c'est précisément ce qu'il faut faire; je dis simplement qu'à Lunenburg, nous aimerions aussi avoir notre part du gâteau.
Le sénateur Johnson : Quelque chose m'intrigue beaucoup, et vous pourrez peut-être m'éclairer. Vous devez énormément d'argent à la province. Le ministre a réclamé le remboursement de la dette. S'en est suivie la tenue d'un référendum inusité. Que pense faire votre communauté pour s'en sortir, étant donné les circonstances? J'ai entendu votre témoignage, qui retient toute ma sympathie, évidemment. Moi-même, je viens des Prairies. N'auriez-vous pas intérêt, pour dynamiser votre secteur des pêches et diversifier vos activités à faire partie d'une municipalité plus grande?
M. White : Nous avons organisé une réunion publique en novembre-décembre, à laquelle ont assisté 1 000 personnes — soit tous les habitants du village et d'autres encore. Nous avons expliqué à ces gens qu'ils pourraient réaliser des économies nettes d'impôt s'ils s'unissaient au comté. En tant que conseil, nous voulions obtenir un mandat. Serions- nous chargés de négocier la transition pour faire partie du comté ou devrions-nous trouver une façon d'assurer la viabilité de la municipalité? À ce moment-là, nous avons proposé de faire des coupes assez sombres dans notre budget, et je crois que nous réussirons à satisfaire aux exigences du ministre à la fin de ce mois-ci.
Au-delà des questions de fierté, que nous avons demandé aux gens de laisser de côté, nous avons cherché des solutions logiques pour assurer le développement économique. Les gens ont estimé que le développement économique devait émaner de la communauté elle-même et ne pas être insufflé par quelqu'un d'autre. Les priorités de la communauté de Canso se classeraient peut-être au huitième ou au neuvième rang sur la liste d'une autre communauté.
Au fil des ans, nous avons fait preuve de plus d'initiative que nos municipalités voisines dans le secteur des pêches. La communauté a estimé que l'expertise qu'elle avait acquise dans ce domaine lui serait utile. Ce n'est pas juste moi; regardez la liste des gens que je cite, à la fin de mon exposé. Cela nous aiderait de tirer parti de cette expérience.
Canso s'est toujours fait dire : « Vous ne pouvez pas faire ceci ni cela. » Mais nous, à Canso, nous avons banni le mot « impossible » de notre vocabulaire. On nous a dit que nous n'aurions jamais de centre médical. Les gens de la communauté se sont mobilisés, tout le monde a donné 100 $, et nous bénéficions maintenant des services de trois médecins et d'un dentiste. On nous a aussi dit que nous ne pourrions jamais construire de complexe sportif. Nous avons pris un lac de glace, qui servait normalement à approvisionner les chalutiers, et nous y avons aménagé un complexe sportif de 14 acres comprenant un stade, que nous avons ouvert sans contracter la moindre dette. Nous avons l'habitude de nous battre pour obtenir ce que nous croyons bon pour nous. Nous avons redonné vie à un comité de développement économique, qui s'était associé à l'Université St. Francis Xavier pour nous aider dans le développement économique de notre collectivité.
La communauté peut faire des choix. Pendant plusieurs années, nous ne faisions qu'envoyer des messages négatifs, mais maintenant, nous sommes prêts à faire des affaires. Notre attitude a changé. Je suis sorti de ma retraite pour me présenter comme maire, tout comme l'ont fait le maire adjoint, qui avait lui-même été maire il y a 25 ans, ainsi qu'un de mes conseillers, parce que les gens estiment que si nous ne donnons pas le meilleur de nous-mêmes, c'est un peu comme si nous baissions les bras et que nous abandonnions. Notre communauté n'est pas ainsi.
Si je puis me permettre, je dirais que de l'eau salée coule dans nos veines. Cela nous donne la force et l'envie de nous battre. Le maire Mawhinney et les membres de sa communauté ressentent la même chose. Pour pouvoir effacer 420 000 $ de notre dette, je pense qu'avec un peu de chance, nous équilibrerons notre budget d'ici quelques semaines, et nous pourrons tirer profit d'un important parc éolien qui ouvrira à Canso. Cela nous permettra de profiter d'autres occasions qui s'offrent à nous.
Le sénateur Johnson : C'est une bonne nouvelle. Qu'en est-il du groupe de résidents qui a demandé au Nova Scotia Utility and Review Board que Canso soit fusionnée avec Guysborough? Y a-t-il une possibilité que cela donne lieu à des audiences?
M. White : Oui. Dans n'importe quelle municipalité de Nouvelle-Écosse, les résidents ont le droit de s'adresser au ministre pour demander une fusion s'ils le considèrent opportun. Au départ, ce groupe devait présenter une demande. Il a reporté son projet au 15 mai et j'ignore si cela va encore être retardé. Tout ce que je sais, c'est que ces gens attendent peut-être de voir ce que donnera notre budget, et j'espère que nous leur donnerons suffisamment de raisons pour ne pas aller de l'avant.
Le sénateur Johnson : Je sais que vous aimez votre ville et je vous en félicite. J'ai lu quelques articles au sujet de ces plébiscites. Il est bien sûr essentiel que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir.
M. White : Comme nous l'avons dit à nos concitoyens, au bout du compte, si nous échouons, nous devrons convoquer une réunion pour leur présenter les alternatives qui s'offrent à nous. Nous serons francs et transparents car nous estimons que c'est important.
Le sénateur Johnson : Je vous souhaite la meilleure des chances. J'aimerais vous poser une question. Je pourrais parler du patrimoine de Lunenburg et de l'UNESCO toute la journée. Monsieur le maire, pourquoi notre gouvernement n'aide pas une ville comme Lunenburg? C'est un lieu fantastique. C'est un endroit fabuleux et c'est merveilleux qu'il ait été désigné site du patrimoine mondial.
M. Mawhinney : Effectivement, c'est merveilleux. Mais je ne crois pas que nous en ayons tous pris pleinement conscience, même à l'échelle locale.
Je ne pense pas que le gouvernement savait exactement ce que cela impliquait. À l'époque, c'était comme se lancer dans une nouvelle aventure. En fait, lors de la première nomination, vers 1993, on craignait qu'il faille attendre entre cinq et dix ans avant d'être sur la liste d'admissibilité. Le processus a été beaucoup plus rapide que quiconque aurait pu l'imaginer. Lorsque l'annonce a été faite et que nous avons obtenu la désignation, tout le monde a dit — et c'est peut- être aussi vrai pour certains représentants du gouvernement de l'époque — : « Et ensuite, quoi? »
Immédiatement après, nous avons décidé d'attendre et de nous demander ce que nous devrions faire. Nous avons entrepris une grande étude au sein de la communauté pour déterminer quelles seraient les prochaines étapes à franchir. L'étude était excellente et nous nous en servons encore aujourd'hui à l'appui des décisions que nous prenons. La création de la nouvelle fondation fait partie des recommandations qui émanaient de cette étude.
Jamais le gouvernement du Canada ne nous a dit que nous obtiendrions de l'argent parce que nous allions être désignés site du patrimoine mondial ou faire partie de cette liste. D'ailleurs, à ce propos, nous n'avons pas réussi à convaincre nos élus de la pertinence de cet élément, mais nous poursuivrons nos efforts dans ce sens.
Le sénateur Johnson : Est-ce que d'autres sites reçoivent de l'argent?
M. Mawhinney : Oui, et beaucoup, particulièrement ceux qui font partie du réseau de Parcs Canada.
Le sénateur Johnson : Et qu'en est-il du site de la ville de Québec?
M. Mawhinney : Lui aussi, il devrait recevoir énormément de fonds fédéraux.
Le sénateur Johnson : Qu'allez-vous faire? À Clearwater, il y a 24 propriétés sur le bord de l'eau à vendre. Il se peut que des gens veuillent les acheter et développer ce secteur. Êtes-vous en train de dire que l'aide fédérale est la seule chose qui pourrait régler vos problèmes?
M. Mawhinney : L'aide fédérale serait effectivement utile, mais je crois que la solution viendra de la communauté, de gens créatifs dont je vous ai parlé plus tôt qui ont des idées au sujet des grands voiliers. Le port d'attache du Picton Castle est Lunenburg. Ce voilier a déjà fait trois fois le tour du monde. Le 14 mai prochain, il entreprendra son quatrième périple autour du globe. Les gens payent 35 000 $ américains pour travailler à bord d'un grand voilier. Ces bateaux sont complets longtemps à l'avance. Cela montre que l'esprit marin est toujours vivant et bien présent et que les gens sont prêts à payer pour ce genre de chose.
L'autre problème que nous avons, c'est que nous recevons probablement autour de 300 000 à 400 000 visiteurs par année qui, même s'ils profitent de l'endroit, ne dépensent pas un sou dans la région. Ils n'ont rien à payer pour venir sur le site et s'ils apportent leur repas, il se peut même qu'ils n'achètent absolument rien pendant leur séjour. Le musée reçoit plus de 100 000 visiteurs par an qui payent leur entrée, mais il y en a d'autres qui ne payent rien. Nous cherchons des solutions créatives et le « poste » du budget fédéral nous semblait être la meilleure solution. La première fois que nous avons fait cette proposition, c'était il y a sept ou huit ans, mais nous continuerons à le faire tous les ans jusqu'à ce que quelqu'un entende et comprenne notre message.
Le sénateur Johnson : Actuellement, savez-vous si vous allez obtenir une aide financière quelconque du gouvernement fédéral?
M. Mawhinney : Rien ne l'indique; ce n'est pas dans le budget de cette année.
Le sénateur Johnson : Je ne voudrais pas revenir encore là-dessus, mais avec une communauté aussi diversifiée que la vôtre, et compte tenu du statut dont vous jouissez, je ne comprends pas pourquoi cette initiative n'est pas appuyée, d'autant plus que Canso essaye de se lancer dans le même type de projet. C'est quelque chose dont notre comité pourrait parler dans son rapport, dans la mesure où il s'agit d'un modèle, d'une entreprise dans laquelle les gens essaient de se lancer, pas seulement dans les Maritimes, mais aussi dans d'autres régions du Canada qui connaissent le même sort.
M. Mawhinney : Absolument. Ce serait grandement apprécié. Je n'en ai pas fait mention plus tôt, mais nous avons aussi travaillé sur un autre modèle, même s'il n'a pas vraiment donné de résultats : je fais référence au plan d'intervention en cas d'urgence pour les catastrophes naturelles et autres désastres. Beaucoup de grandes villes n'ont pas ou n'avaient pas intégré de mécanismes d'intervention entre les différents intervenants. Si, par exemple, il y a un incendie au Louvres, à Paris, qu'est-ce qu'on évacue en premier, à part la Joconde? Personne n'avait élaboré de plan. C'était aussi vrai dans beaucoup de grandes villes, partout au pays. Mais nous nous sommes maintenant dotés d'un plan nous permettant de savoir ce que les premiers intervenants doivent faire en priorité. C'est un exemple simple de la façon dont nous pouvons conseiller d'autres communautés, grandes et petites, sur les mesures à prendre pour préserver leur patrimoine.
Le sénateur Johnson : C'est un excellent modèle pour les communautés. Peut-être pourriez-vous nous donner des informations là-dessus pour les fins de notre étude.
Le sénateur Adams : Monsieur le président, j'aimerais poser une question à Son Honneur. Vous avez fait allusion à plusieurs reprises à l'affaire Marshall. J'aimerais savoir où ça se trouve exactement. Est-ce dans le secteur de Burnt Church? Est-ce à l'endroit où il y avait eu des incidents entre les Autochtones et le MPO, il y a environ cinq ou six ans? Est-ce au même endroit où il y a eu le différend avec les Autochtones au sujet des quotas qui visait aussi la région de Canso?
M. White : Non, sénateur. Je crois que c'étaient deux situations différentes. La première portait probablement sur la façon dont les quotas étaient gérés dans ce secteur. Je crois que la décision Marshall, si ma mémoire est bonne, est venue peu de temps après. Ce qui nous intéresse, c'est de voir comment le MPO a appliqué la décision Marshall, particulièrement dans notre région, en ce qui concerne l'attribution des quotas, etc.
Le sénateur Adams : À l'époque, c'était au MPO et au ministère des Affaires indiennes d'établir les quotas dans ce secteur pour les Autochtones. Est-ce maintenant le ministère des Affaires indiennes qui négocie entre les pêcheurs blancs et les Autochtones? Est-ce que quelque chose a changé, comme la politique, ou bien est-ce qu'on a isolé ce secteur du territoire et imposé des limites sur la zone où les quotas de pêche s'appliquent?
M. White : Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Il y a essentiellement dans notre secteur trois zones auxquelles je fais référence. Pour en revenir à la pêche à la crevette, à laquelle j'ai fait allusion, si, au lieu de tout concentrer dans le même secteur, nous avions étendu nos activités, nous aurions réussi à satisfaire aux exigences prévues dans la décision Marshall, mais cela n'aurait pas eu une incidence aussi directe sur les communautés. C'était la proposition que nous avions mise de l'avant.
Le sénateur Adams : À l'époque, ça a commencé avec les Autochtones. En vertu d'une entente avec le gouvernement du Canada, aucune saison de pêche n'avait été spécifiée. Est-ce que cela a un effet sur les gens de votre communauté et de votre ville et est-ce à partir de ce moment-là que les usines de transformation du poisson ont commencé à péricliter? Je voulais m'en assurer parce que c'est passé de 268 à 25. Quelle en est la cause? Sont-ce les Autochtones ou les grosses compagnies qui se sont emparé des quotas? Qu'est-il arrivé?
M. White : C'est une combinaison des deux. D'abord, certaines des prises provenant des quotas achetés par le MPO étaient normalement envoyées à l'usine de Canso. Mais depuis les changements de quotas pour la bande Eskasoni, les membres de cette communauté ont la prérogative d'envoyer leurs prises où ils veulent. Ils ont donc décidé de les envoyer à Arichat. Il y a donc eu un transfert de quotas d'une communauté à l'autre. Ce n'était pas prévu. C'était à cause de tous les permis qu'on avait retirés. Si plusieurs régions avaient été touchées, ils auraient aussi pu continuer à Arichat. Toutefois, il en serait resté un peu pour l'usine de Canso et les collectivités autochtones. Comme je l'ai dit, ils essayent d'obtenir jusqu'à 10 permis pour une région où les quotas sont parmi les plus faibles. S'ils étaient allés jusqu'au golfe du Saint-Laurent, ou encore dans certaines régions au large des côtes de Terre-Neuve où les quotas sont beaucoup plus élevés, l'impact aurait été plus étendu.
Le sénateur Adams : C'est à l'époque de l'affaire Marshall qu'il y a une diminution. Je voulais savoir pourquoi c'est arrivé à 25 parce qu'à un certain moment, les quotas des pêcheurs appartenaient à la collectivité, mais le MPO les a retirés de la collectivité pour les donné à d'autres sociétés. Était-ce votre quota avant 1990?
M. White : Il y a deux ou trois facteurs à considérer. Si vous vous en souvenez, tout à l'heure, j'ai mentionné Seafreez. Cette usine avait quelques privilèges et son propre quota. Quand il a été retiré ou perdu, une partie de l'influence avait disparu. En outre, du fait que certains permis avaient été transférés, les fournisseurs qui envoyaient normalement des crevettes à l'usine Canso n'étaient plus là. Donc, il ne s'agit pas seulement des crevettes, bien qu'elles soient l'un des plus importants éléments.
Le sénateur Adams : Est-ce que d'autres sociétés sont intervenues et ont acheté ces quotas de ces Autochtones ou est- ce que ces Autochtones avaient un équipement suffisamment gros pour atteindre leurs propres quotas? Que s'est-il vraiment passé?
M. White : Il semblerait qu'une autre usine de crevettes va être construite dans la région. Une partie des produits, comme partout ailleurs au Canada Atlantique, peut être achetée et envoyée par camion vers d'autres régions. Les crevettes pourraient donc être dans l'un de ces deux cas de figure.
Le sénateur Adams : Je veux revenir sur ce point : l'effectif de l'usine est passé de 268 employés à 25. Je suppose que d'autres employés sont allés dans d'autres usines, mais le gouvernement connaissait-il à cette époque la raison de cette diminution?Je veux être sûr de bien comprendre ce qui s'est réellement passé, car les poissons n'ont pas disparu. Les quotas continuent à être atteints tous les ans.
M. White : Cela est lié à ce que j'essayais de dire tout à l'heure. Tous les principes régissant la répartition des quotas établissent que les collectivités de traitement et les collectivités touchées doivent être consultées. Il faut faire une analyse; quels sont les causes et les effets? C'est l'élément manquant qui pourrait répondre à votre question qui est la même que nous, la collectivité, posons : le lancement a-t-il été juste pour toutes les collectivités et que faire pour s'assurer que tout le monde en tire le plus grand avantage.
Le sénateur Adams : À la page 4, vous dites que votre collectivité est entourée par toutes sortes de pêches, l'image est belle. De combien ont-elles diminué à ce jour?
M. White : Vous voulez dire les pêches, le thon?
Le sénateur Adams : Oui.
M. White : Le thon est un poisson migrateur. Il y a des années où les thoniers mouillent à Canso, d'autres années, ils se déplacent le long de la côte. On pourrait revoir cet été une grande flotte, mais cela dépend de l'emplacement des thons. À l'époque, Canso était la ville hôte de la Coupe du thon du Canada, c'est l'Île-du-Prince-Édouard qui l'accueille de nouveau. Nous voulions que vous le sachiez. Comparativement, le nombre de permis encore détenus dans notre région est très petit. Quand le thon a commencé à devenir un facteur, nous avons essayé de convaincre le gouvernement de nous laisser acheter, mais la politique en vigueur ne favorisait pas cette démarche. Le prix, aujourd'hui, trop élevé ne nous permet de revenir à la pêche. En fait, nous pouvons à partir du quai et voir les thoniers pêcher assez près de la côte.
Le sénateur Adams : Ces quotas de thon n'étaient pas non plus attribués à la collectivité. Quelqu'un d'autre les obtiendrait et les vendrait aux pêcheurs de Canso. Est-ce ainsi que ça se passe?
M. White : Le quota de thon est différent. Il y a un quota d'ensemble qui doit être pêché dans les régions. Ces pêcheurs sont titulaires d'un permis pour pêcher du poisson dans le Golfe et aussi au large de Canso. C'est la raison pour laquelle quand le thon est au large de Canso, ils pêchent ici. Si les thons vont à l'Île du Prince Édouard, ils peuvent se permettre d'y aller et de les pêcher là-bas.
Le sénateur Watt : Je suis un peu stressé parce que j'ai beaucoup de questions à poser. Je vais essayer de les condenser vu la limite de temps.
Reste-t-il suffisamment de poissons dans l'océan, si nous allons continuer à pêcher comme nous le faisons depuis des années? C'est la première question.
M. Mawhinney : Je pense que si la gestion des ressources est efficace, des espèces peuvent être pêchées à des fins alimentaires ou commerciales. Par exemple les pétoncles, car c'est un mollusque que je connais un peu mieux à Lunenburg. Il me semble qu'ils ont commencé à autoréglementer les prises en 1976 et ont, ainsi, pu maintenir les stocks de jeunes pétoncles. Des pêcheurs qui ont pêché dans le Banc Georges au printemps m'ont dit qu'il y a beaucoup de semence de pétoncles et que l'avenir s'annonce prometteur. La récolte peut ne pas paraître importante aujourd'hui, mais l'avenir s'annonce prometteur, si la pêche et la gestion sont adéquates. La même chose est vraie pour les homards et les autres espèces du littoral. Si l'on pêche tout ce qui se trouve dans l'océan, il ne restera plus aucune espèce.
M. White : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose à cette réponse, monsieur le sénateur, il faut tenir compte d'un point. Il y a des quotas pour des poissons qui ne sont pas pêchés. Aux termes de l'ALENA, si les Canadiens n'atteignent pas ces quotas, ils perdraient cette ressource. Il existe des moyens de s'assurer que les quotas que nous avons et qui sont écologiquement durables soient atteints dans l'intérêt des Canadiens, sinon nous pouvons perdre ces quotas.
Le sénateur Watt : Les perdre à qui?
M. White : Nous pouvons les perdre par manquement à certains pays européens. Nous devons en être conscients. Bien qu'une société puisse avoir une répartition d'entreprise, si elle n'atteint que 40 p. 100 de cette répartition, cela veut dire que 60 p. 100 seront enregistrés comme n'ayant pas été pêchés. Selon des accords internationaux, si quelqu'un n'atteint pas ses quotas de pêche, ils peuvent être attribués à quelqu'un d'autre. Ce quelqu'un d'autre peut ne pas être un Canadien.
Je partage l'avis du maire Mawhinney, si la préservation est faite de manière appropriée — n'importe qui dans les pêches vous dira que tout le monde est en faveur de la préservation; ils savent que leur moyen de subsistance à long terme est en jeu — si elle est bien répartie elle peut créer un plus grand nombre d'emplois.
Si nous autorisons la surpêche et nous ne faisons de la préservation, le jour viendra où il n'y aura plus rien à pêcher. Les pêcheurs côtiers et extracôtiers pensent que même dans nos eaux, la gestion de la préservation pourrait être améliorée afin de s'assurer le respect des règlements pertinents, puis il y aura des règles du jeu équitables pour tout le monde. Les pêcheurs veulent des règles du jeu équitables.
Le sénateur Watt : D'une certaine façon, vous contestez la politique du MPO, les nouvelles mesures prises par le MPO préconisant une voie corporative complètement viable du point de vue économique. Il semble que ce soit la voie suivie par le ministère des Pêches et Océans. D'après votre témoignage, il semble que cela ne soit pas nécessairement la bonne voie, car il faut tenir compte de la préservation.
En supposant que ce soit fondé plus sur la préservation que sur l'économie, croyez-vous que les stocks resteraient importants et que les stocks de poissons qui se sont effondrés commenceraient à se rétablir? Est-ce l'une des raisons pour laquelle vous dites qu'il est plus important de le considérer du point de vue de la collectivité que de celui de la région, sans parler du gouvernement fédéral qui prendrait toutes les décisions pour vous? Êtes-vous en train de dire que les décisions devraient être prises au niveau de la collectivité?
M. White : Il y a dans le cadre stratégique de très importantes considérations sur la préservation. Il est fait mention que les intervenants devraient participer au processus décisionnel lié au cadre stratégique. J'ai mentionné tout à l'heure que l'un des décideurs, c'est-à-dire la collectivité, n'a pas participé autant qu'elle devrait et aussi peut-être certains transformateurs. Le mandat du MPO dit que c'est pour gérer le stock, s'assurer que la ressource soit gérée de façon à avoir une préservation et que les intervenants aient leur mot à dire. Dans ce cadre et avec la participation des collectivités et peut-être des transformateurs, cela est possible.
Le sénateur Watt : Il serait donc logique si un organisme telle une municipalité, par exemple, joue un plus grand rôle dans l'élaboration des méthodes de préservation et l'établissement des perspectives économiques. Autrement dit, il faut planifier; si vous allez préparer une bonne planification, les municipalités devront alors jouer un rôle et influencer le MPO si ce ministre est encore impliqué.
M. White : Plus il y a d'intervenants, monsieur le sénateur, meilleur sera le produit final. Ceux qui ont des liens historiques et qui peuvent contribuer de manière importante devraient être consultés et aussi d'autres intervenants dans les pêches.
Le sénateur Watt : Je vous pose cette question, car ce sujet m'intéresse particulièrement. Établissez-vous le montant de votre prise en l'enregistrant au niveau de la collectivité, que ce soit à des fins de subsistance ou commerciales?
M. White : Pas directement, mais ces renseignements sont normalement disponibles auprès de diverses sources.
Par exemple, nous savons que des produits d'une valeur de plus de 1 million de dollars sont débarqués dans les quais de Canso. Nous avons pu obtenir ce montant, mais la plus grande partie est expédiée ailleurs, il s'agit de homards vivants pour lesquels il y a un marché. Il arrive que les poissons soient envoyés directement, car les lois du marché le demandent. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Le ministère des Pêches et Océans donne des renseignements très précis sur ce qui est débarqué dans les différents ports canadiens.
Le sénateur Watt : Est-ce qu'une société peut encore jouer un grand rôle? Il pourrait s'agir d'une personne et cette personne pourrait aller où elle veut. Elle aurait le pouvoir et serait l'intervenant. Qu'en pensez-vous? Devrions-nous continuer dans cette voie?
M. Mawhinney : Monsieur le sénateur, je n'ai jamais été de l'avis que plus c'est gros, mieux c'est, et cela s'applique aussi bien dans le monde des affaires que dans la collectivité locale.
Le sénateur Mahovlich : Merci, vos Honneurs, pour une excellente déclaration. Nous avons beaucoup appris. Quand je pense à Lunenburg, je pense au Bluenose. Vous donnez l'impression que le gouvernement fédéral n'accorde pas de soutien financier au Bluenose, qu'il s'occupe pas de cela et qu'il ne soutien pas notre patrimoine. Le Bluenose, au Canada, c'est un symbole de notre identité comme nos Autochtones, comme le hockey. Pensez-vous que le gouvernement ne contribue pas et qu'il n'aide pas du tout à restaurer ce bateau? Je suis sûr qu'il faut de l'aide avec le front de mer et pour s'assurer du bon fonctionnement du bateau.
M. Mawhinney : Merci, monsieur le sénateur. Le Bluenose fait sans aucun doute partie de Lunenburg, de notre histoire et de notre patrimoine, donc je pense que tous les Canadiens en sont fiers lorsqu'ils y pensent. C'est certainement l'une des principales attractions de notre front de mer en été. Le Bluenose II appartient à la province de la Nouvelle-Écosse. Il est géré par la province dans le cadre d'un contrat avec le Musée des pêches de l'Atlantique. En 1967, une société privée d'habitants de Lunenburg a ouvert ce musée sur les conseils de John Fisher, c'était l'année du centenaire de la confédération canadienne. Il est arrivé à Lunenburg et a dit : « Vous devez faire quelque chose pour sauvegarder l'histoire des pêches de l'Atlantique. » Ils ont suivi ce conseil et ont construit le Musée des pêches de l'Atlantique qui compte aujourd'hui plus de 100 000 visiteurs par an. Le Bluenose est amarré à côté et il fait des sorties, tous les ans, et accoste dans divers ports de la région atlantique. Je pense qu'il était à Canso à l'occasion de certains événements historiques. À ma connaissance, le gouvernement du Canada ne contribue pas directement à cette opération.
Le sénateur Mahovlich : Je crois que le gouvernement devrait fournir une aide. Il y a des années qu'il est sur notre pièce de dix sous.
M. Mawhinney : Depuis 1937.
M. White : L'île Grassy, situé au large de Canso, a joué un rôle important dans l'attaque de Louisbourg. Les Américains y étaient tellement intéressés que John Paul Jones l'a attaquée deux fois. Parcs Canada a nommé le site « la colonie oubliée ». Cela illustre probablement la philosophie de ce ministère pour développer les sites historiques dans le Canada Atlantique. Nous avons le même problème quand nous demandons des fonds pour montrer notre part de la mosaïque canadienne comme tous les autres. Cela veut tout dire.
Le sénateur Mahovlich : Je vous que le sénateur Moore est bien informé sur le Bluenose. Je pense que je vais parler avec le sénateur Moore. Je crois que le gouvernement devrait s'impliquer un peu plus.
M. Mawhinney : Le sénateur a de très bonnes connaissances du Bluenose et a participé très activement pendant plusieurs années.
Le sénateur Mahovlich : C'est important pour le Canada.
Le président : Je sais qu'il se fait très tard et je vais lever la séance très vite, mais d'abord quelques points.
Premièrement, je crois que nous avons déterminé que le MPO ne fait pas d'études socio-économiques sur l'effet et les conséquences de ces décisions sur les collectivités côtières. Le MPO le reconnaît. Je crois que vous serez en mesure de le confirmer.
L'autre sujet qui préoccupe le comité, c'est de savoir si vous l'on vous a consulté ou non. Je voudrais en parler pendant deux ou trois minutes. Le gouvernement a présenté l'année dernière un cadre stratégique. Est-ce que l'on a consulté vos collectivités ou est-ce que le MPO s'est conduit comme il le fait habituellement en ne consultant que les intervenants? Bien sûr, pour le MPO, les intervenants sont les détenteurs de permis ou les détenteurs de quotas. Habituellement, le MPO ne considère pas les collectivités comme des intervenants. Autrement dit, ils ne se tiennent pour responsables des effets. Vous a-t-on consulté au sujet du cadre stratégique?
M. Mawhinney : La réponse est non. Je crois que la dernière fois que j'ai été directement consulté au sujet d'un problème par le MPO, c'était il y a quelques années quand on a parlé du projet de forage pétrolier à Banc Georges.
Le président : Il y a longtemps de cela. J'étais député à cette époque. Vous en souvenez-vous, monsieur White?
M. White : Non. C'est seulement lorsque nous amorçons des discussions pour présenter nos préoccupations qu'il y a consultation.
Le président : Cela confirme ma théorie.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et je renvoie à l'affaire Marshall, est en charge aujourd'hui. Les collectivités autochtones de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral ont entamé des discussions sur l'effet à long terme de la décision Marshall, car ils ont pris le relais du MPO. Le MPO était chargé de la distribution et de la répartition des permis. C'est le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui en est chargé aujourd'hui. Est- ce que ce groupe a consulté vos collectivités?
M. White : Non.
Le président : Réalisez-vous, et je crois que vous l'avez souligné dans votre témoignage, que la décision Marshall notait qu'il fallait consulter les collectivités côtières ayant un lien historique à la pêche et malgré tout on ne vous a toujours pas consulté?
M. White : Non, on ne nous a pas consultés. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné aux honorables sénateurs que c'est l'un des groupes qui, à mon avis, devrait faire partie du processus global de consultation.
Le président : Mettons de côté la décision Marshall, c'est quelque chose que vous pourriez considérer en écrivant au processus de l'AINC, le processus du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je crois comprendre qu'ils étaient supposés le faire. Si on ne vous a pas consulté, vous devriez le faire remarquer officiellement afin que de pouvoir contester les décisions prises ultérieurement.
Pour revenir aux intervenants, est-ce que les collectivités côtières et particulièrement le conseil élu, devraient être considérées comme étant des intervenant?
M. Mawhinney : Je répondrai absolument. Oui, nous devons être consultés. Lorsque les pêches s'effondrent ou que la collectivité subit les répercussions, ce sera à nous de trouver les solutions aux problèmes locaux.
Je me souviens de l'époque où il y avait un bureau du ministère des Pêches et Océans dans des collectivités côtières et dans notre collectivité. Il y a quelques années, ce bureau a été transféré dans une autre collectivité de l'intérieur au nom de la régionalisation. Je crois que le MPO devrait être tenu d'avoir des bureaux dans les collectivités côtières et aussi de consulter ces collectivités.
Le président : Clearwater quitte Lunenburg. Où vont-ils? Deuxièmement, si vous pouviez retourner quelques années en arrière, à l'époque de la concentration de ces permis au nom de la marque Clearwater — il s'agit des quotas débarqués par Clearwater et par un grand nombre de petits bateaux, interdiriez-vous cette décision de concentrer ces permis chez un seul individu?
M. Mawhinney : Je souhaiterais qu'elle soit réexaminée, si possible. Nous ressentons aujourd'hui les conséquences de ces décisions. Nous sommes toujours un peu plus sages avec le recul. En tout cas, j'aimerais qu'elle fasse l'objet d'un examen plus approfondi avec les collectivités concernées avant sa mise en vigueur. Il y a beaucoup de choses qui se passent et que nous n'apprenons qu'après coup ce qui fait que nous réagissons au lieu d'avoir une approche proactive.
Clearwater opère encore à partir de Lunenburg d'où elle gère ses entreprises situées dans d'autres régions du monde. Shelburne ne sert qu'au débarquement, à la place de Lunenburg, de leur prise de pétoncles en raison de sa proximité au lieu de pêche des pétoncles.
Le président : Avec le recul, nous avons une vision de 20/20, mais si nous pouvions revenir en arrière déciderions- nous autrement? C'est ce que le comité examine. Des décisions sont prises à ce moment même sur la concentration des permis chez un nombre de plus en plus réduit d'individus. C'est pour cela que nous estimons que nous pourrions peut- être prendre des décisions aujourd'hui et ne pas avoir à dire dans 15 ou 20 ans : « Aurions-nous dû prendre d'autres décisions? » C'est ce qu'essaie de faire le comité.
M. Mawhinney : Je pense qu'il serait très utile que le comité recommande au MPO que des consultations soient tenues aujourd'hui. Il me semble qu'il y a 15 ou 25 ans, les collectivités étaient beaucoup plus consultées. J'ai assisté à beaucoup de réunion avec des gens travaillant dans les pêches, ce pouvait être des gestionnaires ou des pêcheurs. Parfois, les échanges étaient vifs, mais au moins il y avait des consultations, ce qui ne semble pas être toujours le cas aujourd'hui.
Le président : Messieurs, nous vous remercions de nous avoir consacré cette matinée. Nous avons dépassé la limite de temps, mais cela prouve l'intérêt des membres du comité pour cette question. Avez-vous quelque chose à dire avant de partir?
M. White : Monsieur le président, au nom des habitants de Canso, je veux féliciter les sénateurs. Leurs questions prouvent qu'ils ont étudié et qu'ils comprennent les éléments du dossier qui fait l'objet de notre comparution, celle du maire Mawhinney et la mienne, et cela est tout à leur honneur. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations.
L'année dernière, Canso a célébré le 400e anniversaire de sa fondation. Permettez-moi de vous offrir à la fin de la réunion un livret relatant l'histoire de notre ville, surtout en ce qui concerne les pêches. J'espère que vous trouverez un endroit approprié où le ranger afin que les honorables sénateurs puissent le consulter.
Le président : Merci beaucoup. Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être venus.
La séance est levée.