Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 6 - Témoignages du 19 mai 2005


OTTAWA, le jeudi 19 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 53 pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous. En 2004, le comité a été mandaté pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Nous continuons à entendre les témoins ce matin afin de remplir ce mandat.

Nous accueillons les représentants de la British Columbia Aboriginal Fisheries Commission créée en 1984 pour protéger et promouvoir les droits de pêche aux Autochtones des Premières nations de la Colombie-Britannique. La Commission sert de tribune au niveau provincial pour la discussion de préoccupations communes des Premières nations et leur permet de parler d'une seule voix au sujet des questions touchant les pêches autochtones.

Nous accueillons le président de la Commission, M. Arnie Narcisse et M. Edwin Newman qui est le coprésident côtier.

Bienvenue messieurs. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.

M. Arnie Narcisse, président et porte-parole, British Columbia Aboriginal Fisheries Commission : Nous remercions le comité de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de la région du Pacifique sur les questions et les préoccupations liées aux Premières nations.

La Commission a pour tâche principale de faciliter et de coordonner les questions de politique au nom de ses membres. Récemment, nous avons examiné la politique concernant le saumon sauvage, l'établissement des quotas et d'autres questions de ce genre dans la région du Pacifique.

Nous avons regroupé nos questions en 14 points que je vais vous présenter, puis M. Newman en parlera en détail. Nous serons heureux de répondre à vos questions concernant la situation dans la région du Pacifique.

Notre premier point est la réponse au rapport du panel des Premières Nations, rapport qui a été présenté au ministère des Pêches et des Océans et aux Premières nations en mai 2004. À ce jour, il n'y a pas eu de réponse formelle de la part du Canada et les Premières nations n'ont pas pu se servir du rapport pour défendre leurs intérêts. Si vous n'avez pas ce rapport, nous vous le ferons parvenir. Le ministère et son personnel l'ont et nous attendons que des mesures soient prises à cet égard.

Le deuxième point est la réponse au rapport Pearce-McRae qui a été présenté au gouvernement du Canada et à la Colombie-Britannique en avril dernier. Le ministre des Pêches et des Océans a annoncé que certains des changements recommandés dans le rapport seront apportés, notamment la question des quotas transférables, une question qui nous préoccupe particulièrement. Des projets pilotes et des essais seront menés en 2005 et il y aura une plus grande mise en vigueur en 2006.

Le troisième point est la privatisation des pêches du saumon par le biais des quotas et son effet sur les possibilités économiques, dans le cadre de traités, etc. Cette privatisation de la pêche du saumon éliminera les Autochtones qui travaillent dans la pêche commerciale du saumon, comme ce fût le cas avec les quotas pour la pêche du flétan et du hareng, et augmentera le coût du transfert des répartitions aux Premières nations. Il y a déjà des conjectures en Colombie-Britannique sur le coût de ce transfert des traités des non-Autochtones aux Autochtones.

Le quatrième point est la politique concernant le saumon sauvage qui, selon le ministre, sera mise en place à la fin de ce mois. La mise en vigueur de la politique changera fondamentalement la gestion du saumon. Ces changements pourraient avoir des répercussions positives ou négatives sur les Premières nations, selon, entre autres, qu'elles vivent sur la côte ou à l'intérieur.

La Loi sur les espèces en péril qui peut avoir des effets considérables sur les Premières nations constitue le cinquième point. Selon les premières indications, elle ne sera pas appliquée pour le saumon du Pacifique. Nous sommes particulièrement inquiets du fait que le saumon du lac Cultus et le saumon chinook du lac Okanagan soient exclus de la liste des espèces en péril alors que le COSEPAC a recommandé qu'ils soient inclus dans la liste.

Nous croyons savoir que le ministre hésite à donner son accord sur ce point, surtout si cela va à l'encontre de la pêche commerciale. Les stocks du lac Cultus n'apparaissent pas sur la liste sous le prétexte des répercussions sur la pêche commerciale qui pourraient s'élever jusqu'à 125 millions de dollars au cours des prochaines années. En fait, ces pêches n'ont pas rapporté plus de 7 millions de dollars par an, nous nous demandons donc l'origine cette somme. C'est un sujet de préoccupations pour les Premières nations qui vivent dans les zones de frai des stocks en péril. Je crois que la prochaine cible sera la remonte précoce dans la rivière Stuart.

La dégradation de l'environnement est notre sixième point. La protection de l'habitat demeure une préoccupation majeure pour les Premières nations en ce qui a trait aux ressources de la pêche. La réduction à leur simple expression des organismes de protection de l'environnement en Colombie-Britannique nous inquiète vivement.

Le rapport de Brian Williams est notre point suivant. C'était une enquête sur les saumons rouges manquants dans le fleuve Fraser en 2004. Il implique les Premières nations dans la pêche illégale ou le braconnage. M. Newman vous rapportera une conversation qu'il a eue à ce sujet dans l'avion la nuit dernière.

Puis, il y a le rapport du comité parlementaire qui encore une fois accuse les Premières nations, surtout les Stalos et un certain nombre de mes grands amis de la partie inférieure du fleuve Fraser.

Notre neuvième point concerne les consultations, comme pour Haida/Taku. Je suis sûr que vous connaissez tous la décision de la Cour suprême. Il semble que les consultations sur les plans de gestion de la pêche et d'autres initiatives au DPO sont moins fréquentes et moins approfondies depuis les décisions de la Cour suprême. Nous sommes extrêmement frustrés par le fait que le ministère des Pêches et des Océans de la région Pacifique continue à fonctionner comme si la Cour suprême n'avait pas pris de décision demandant des arrangements particuliers et des consultations. Vous devez dire au ministère de prêter attention à cette décision.

Notre dixième point concerne les effets de l'aquaculture du saumon sur l'environnement. C'est un sujet qui demeure très préoccupant pour les Premières nations des zones côtières et de l'intérieur. Pour la plupart des collectivités des Premières nations, les incidences environnementales observées et possibles excèdent les avantages économiques. Certains d'entre vous ne le savent pas peut-être.

Notre préoccupation suivante concerne la gestion et la conservation du hareng et le respect de la décision Gladstone. On s'inquiète que la récolte des œufs de hareng menace la durabilité des stocks de harengs sur la zone côtière. Le droit des Autochtones sur la pêche commerciale des œufs de hareng sur le varech, reconnu dans la décision Gladstone, n'a pas été appliqué de manière appropriée et la récolte des œufs de hareng continue de porter atteinte aux stocks nécessaires à la récolte de œufs sur le varech. M. Newman vous en parlera plus en détail.

La vente de quotas de flétan pour de l'argent liquide est un sujet particulièrement préoccupant et consternant. Le quota de flétans réparti à la pêche récréative est environ le double selon la recommandation d'un médiateur indépendant. Le compte des prises a révélé que la pêche récréative n'allait pas atteindre la totalité de sa répartition aussi le reste du quota a été transféré au secteur commercial en échange du produit net de la vente. Ces fonds vont être utilisés pour aider les organisations de pêche sportive. Pour nous, cela équivaut à autoriser la vente des poissons de la pêche sportive. On ne nous a pas offert cette possibilité, elle a pourtant été offerte à la pêche récréative.

Ensuite, les gouvernements provinciaux et fédéral projettent d'établir beaucoup de zones de protection marine ou d'aires marines de conservation dans nos territoires. Les Premières nations veulent qu'il y ait des consultations et des arrangements appropriés. Elles s'inquiètent aussi que ces zones protégées portent atteinte aux activités de chasse et de pêche traditionnelles.

Finalement, en ce qui concerne le pétrole et le gaz extracôtiers, beaucoup de Premières nations s'inquiètent des effets de l'exploration et du développement à grande échelle du pétrole et du gaz extracôtiers sur l'environnement.

Inutile de dire que cette liste de questions et de préoccupations n'est pas exhaustive. Nous pourrions rester deux jours avec vous si on nous donnait l'occasion et le temps.

M. Edwin Newman, coprésident côtier, British Columbia Aboriginal Fisheries Commission : Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous venons de délivrer le même message que la dernière fois que nous sommes venus ici. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les documents que vous nous avez envoyés et qui décrivaient ce que vous faites. J'espère que vous ferez de même.

Je vous ai fait parvenir un résumé du plan d'action 2004 du DPO. Le système des quotas nous inquiète beaucoup. Je vais vous lire la lettre adressée à M. Steven Joudry, directeur régional des Affaires indiennes de Colombie-Britannique.

Elle se lit comme suit :

Objet : Plan de renouvellement du ministère des Pêches et des Océans »

Le 14 avril 2005, le ministre des Pêches et des Océans, Geoff Regan, a annoncé un plan d'action visant à réformer la pêche du Pacifique, notamment la pêche du saumon. Le plan du ministère des Pêches et des Océans (DPO) est conçu pour mettre en vigueur les recommandations de Pearse-McRae visant à l'établissement d'un système de quotas pour la pêche commerciale du saumon.

Ce plan de gestion du DPO ressemble à tous les autres plans que ce ministère a mis en place, l'accès limité, les systèmes de quotas, les permis par secteur, les programmes de rachat des permis, qui sont tous conçus pour éliminer les plus faibles acteurs de l'industrie de la pêche et les pêcheurs commerciaux autochtones ont été les victimes. Ce plan est conçu pour exterminer les pêcheurs commerciaux autochtones et tuer le processus des traités.

Le ministère Regan a déclaré que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Andy Scott, a donné son aval au plan d'action du DPO pour la pêche. Le ministère Scott aurait déclaré « Que le plan aidera à créer des possibilités économiques pour les Premières Nations en Colombie-Britannique ».

Nous ne partageons pas l'avis du ministre Scott. Le ministère des Affaires indiennes n'a jamais fait d'étude sur les effets des plans de gestion du DPO sur les collectivités côtières autochtones et sur le processus des traités. Le ministère des Affaires indiennes n'a rien fait alors que les plans de gestion du DPO ont éliminé les possibilités économiques qui s'offraient à nous dans la pêche commerciale.

  • Ces plans de gestion du DPO ont abouti aux graves problèmes sociaux qui existent aujourd'hui dans toutes les collectivités côtières autochtones.

  • Nous avons le taux de chômage le plus élevé en Colombie-Britannique — entre 80 et 90 p. 100.

  • Nous avons le taux de suicide le plus élevé en Colombie-Britannique — des études faites à l'Université de la Colombie-Britannique le prouvent.

  • L'avenir est incertain pour notre jeunesse.

  • Nos réserves connaissent de graves problèmes de logements.

  • Il n'y a aucune certitude pour nos collectivités côtières à cause de la perte des possibilités économiques dans la pêche commerciale.

Monsieur Joudry, ce sont des problèmes très graves que vous et votre ministère devez commencer à résoudre. Vous ne pouvez pas continuer à ignorer ces problèmes et prétendre qu'ils n'existent pas.

Une copie de notre résumé du plan d'action 2005 du DPO et des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à des renseignements secrets sont joints, ils montrent que le DPO et les Affaires autochtones étaient au courant depuis 1994 des effets que les systèmes de quotas auront sur les collectivités côtières autochtones et sur le processus des traités.

La Native Fishing Association aimerait vous rencontrer afin d'établir un moyen de collaborer avec votre ministère pour régler ces problèmes.

Les deux paliers de gouvernement ont ignoré ces problèmes depuis l'introduction, il y a 20 ans, du plan Davis sur l'accès limité.

La situation des collectivités côtières s'est aggravée et tout le monde veut l'ignorer. Nous avons écrit au ministre des Pêches et des Océans et au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le ministre des Pêches a déclaré qu'il n'est pas responsable des Indiens et nous recommande de parler au ministre de Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette façon de se renvoyer la balle dure depuis 20 ans. Il faut faire quelque chose.

L'étude sur la privatisation et le régime de licence avec contingent dans les pêches canadiennes que vous avez faite en 1998 et celle sur l'Islande et la Nouvelle-Zélande m'ont beaucoup intéressés.

Votre rapport contient dix recommandations au gouvernement. Vous avez recommandé l'évaluation complète des collectivités côtières, des Autochtones et d'autres besoins liés aux effets sociaux économiques de la privatisation et une répartition plus équitable des ressources de la pêche afin d'offrir de meilleures possibilités aux petits pêcheurs. Les deux recommandations que vous avez faites au gouvernement du Canada lui demandant d'examiner les effets des plans de gestion sur les collectivités autochtones et sur le processus des traités sont importantes.

Les documents que nous avons reçus en vertu de la Loi sur l'accès aux renseignements secrets montrent que, depuis 1994, le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien étaient au courant des effets du système de quotas sur les collectivités autochtones et sur le processus des traités. Et pourtant, ils ont décidé de continuer malgré les effets négatifs.

Il y a beaucoup de questions que nous n'avons pas soulevées aujourd'hui et qui nous préoccupent et qui se rapportent à l'effet des plans de gestion mis en place sans une consultation complète avec les peuples autochtones.

Voilà les problèmes que nous vous présentons. Nous n'avons pas d'autre endroit où aller. Personne ne veut entendre parler des problèmes des Indiens. Chaque fois que nous vous rencontrons, nous vous racontons la même histoire, car personne ne veut prêter attention. Jamais le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ni celui des Pêches et des Océans ne sont venus dans les collectivités pour voir les effets de leur plan de gestion. Tout le monde veut prétendre que cette situation n'existe pas.

Le président : Merci beaucoup. C'est toujours un plaisir de vous entendre.

Vous avez mentionné notre rapport de 1998 intitulé La privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes. Nous sommes fiers de ce rapport. Nous espérons qu'il a influencé la politique du gouvernement dans les années qui ont suivi, même s'il ne l'a pas fait peut-être autant que nous l'aurions souhaité. Notre étude actuelle est un suivi de ce rapport de 1998 et vise à mesurer les effets des contingents individuels transférables et des contingents individuels sur les collectivités côtières et les groupes d'Autochtones.

Cet après-midi, nous déposerons au Sénat un rapport provisoire sur le travail que nous avons fait sur cette question depuis octobre 2004. Bien que ce ne soit pas le rapport définitif, il fera publiquement le point de certaines de nos idées qui pourraient vous intéresser. Il inclura aussi un résumé des témoignages entendus à ce jour et des recommandations que formulera le comité.

Le huitième point que M. Narcisse a soulevé portait sur un rapport du comité permanent parlementaire accusant les Premières nations, notamment dans la vallée du Bas-Fraser. Je tiens à préciser que c'était un rapport du comité de la Chambre des communes et pas du Sénat.

Votre troisième point concernait la privatisation du saumon par des quotas et l'effet sur les possibilités économiques dans le cadre des traités, etc. M. Newman a soulevé la question dans la lettre qu'il a adressée à M. Joudry concernant l'effet de la privatisation sur l'élimination des Premières nations dans le secteur de la pêche.

Je crois savoir que même l'éventualité d'une pêche en fonction des contingents individuels transférables augmente presque automatiquement le prix des permis et créent des problèmes pour ceux qui n'ont pas beaucoup de moyens financiers. Ils sont écartés ou empêchés d'avoir accès à la pêche. Je suppose que c'est ce que vous voulez dire.

Est-ce que quelqu'un, que ce soit vous-même, le ministère ou quelqu'un d'autre, a fait une évaluation sur le nombre de personnes qui seraient éliminées alors qu'elles auraient pu avoir accès à la pêche?

M. Narcisse : M. Newman a une longue expérience dans la pêche commerciale, donc je le laisserai répondre.

M. Newman : La Native Fishing Association a fait une étude sur les effets du rachat aux Autochtones de leurs permis de pêche du saumon. Nous avons examiné les effets de la mise en place des plans de gestion sur notre peuple.

La limite du nombre de permis a été le premier programme mis en place et les répercussions sur les Indiens ont été négatives à cette époque. Puis les systèmes de quotas sont arrivés. Leur effet a également été négatif sur les Autochtones. Puis il y a eu le permis par secteur et les Autochtones ont essayé d'empiler afin de pouvoir pêcher le long de la côte et cela a créé des problèmes. Le prix du poisson est tombé, ils ont dû vendre et un grand nombre a fait faillite.

Aujourd'hui, un système de quotas sur le saumon va être mis en place et cela inquiète nos gens. Cette étude montre que très peu d'entre nous continuent à pêcher. Elle indique aussi que le plus grand nombre de permis achetés proviennent des Autochtones par comparaison aux permis détenus par des non Autochtones. Cela ne devait pas se passer ainsi.

Cette étude a bien montré l'effet de ces programmes de gestion sur les collectivités autochtones. Nous avons présenté cette étude au ministère des Pêches et des Océans, au ministère des Affaires indiennes et au Comité des pêches et des océans de la Chambre des communes. Personne ne s'y est intéressé.

La Native Fishing Association a un contrat pour revoir toutes les ventes de permis dans le cadre du programme autochtone de transfert. Nous avons remarqué que dès qu'il a été question de quotas, la valeur des permis de saumon a augmenté, car les spéculateurs veulent gagner de l'argent aux dépens du gouvernement et des Indiens.

Le président : Lorsqu'une pêche se fait selon les contingents individuels transférables, les quotas du TAC sont habituellement établis en se fondant sur l'histoire des prises. Quand les pêcheurs commerciaux se voient accorder un pourcentage du TAC, ils veulent augmenter ces pourcentages, n'est-ce pas? L'éventualité que le DPO introduise un contingent individuel transférable pour le saumon pousse probablement les pêcheurs commerciaux à augmenter leurs pourcentages, car quand les pourcentages sont répartis, ceux qui ont traditionnellement les plus grandes prises obtiendront les plus grands pourcentages.

Est-ce que cela n'exerce pas de pression sur la pêche et ne menace pas la préservation des stocks?

M. Newman : Votre étude montre que le système de quotas n'améliore aucunement la préservation. En fait, le système a un effet négatif sur la préservation. Les systèmes de quotas mettent la pêche entre les mains des investisseurs et des grandes entreprises, comme l'a montré votre étude. Nous le constatons déjà en Colombie-Britannique où les entreprises contrôlent une grande partie de la pêche.

La pêche du panope est rentable sur la côte. C'est une industrie de 60 millions de dollars par an et elle est contrôlée par environ 35 personnes. Les permis coûtent 5 millions de dollars chaque et il n'y a jamais de permis de pêche du panope en vente sur le marché. Si vous voulez passer à l'aquaculture pour élever le panope, ils essaieront d'en avoir le contrôle. Ils ne veulent personne d'autre.

M. Narcisse : Beaucoup de personnes mentionnent les avantages des quotas sur le flétan, le panope et d'autres pêches plus rentables. Le flétan et le panope sont des poissons plus sédentaires que le saumon, qui est un poisson très migrateur. C'est tout à fait différent.

Pour les Premières nations, cette situation crée un droit pour les non-Autochtones avant même que nous allions à la table de négociations des traités pour régler nos problèmes. Je suis content que vous ayez parlé des contingents individuels transférables qui sont calculés sur les prises historiques. Dans ces discussions, personne n'examine notre histoire dans le domaine de la pêche. C'est un sujet qui est complètement ignoré.

Ces discussions sur les quotas ont abouti à une spéculation omniprésente dans la région du Pacifique. Avant de venir ici ce matin, j'ai averti le ministre Murray de ne pas se précipiter, de s'assurer qu'il rende justice aux Indiens avant de s'occuper du reste de la société.

Je vous rappelle à nouveau les priorités : la préservation, puis les Indiens, la pêche commerciale et la pêche sportive. Dans la région du Pacifique, les priorités sont la pêche sportive, commerciale, la préservation et les Indiens. Il faut que cela change.

Le sénateur Hubley : Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à tous les deux. Merci d'avoir présenté votre situation au comité. Comme vous le savez probablement, nous étudions l'effet de la politique des pêches sur les collectivités côtières.

Je voudrais étoffer cela un peu. L'élaboration des politiques peut parfois avoir des dommages irréparables si tous les intervenants n'ont été consultés de manière appropriée. C'est ce que nous voyons dans les collectivités côtières de nos deux côtes.

Vous avez dit que vous avez des problèmes sociaux. Vous avez mentionné le chômage, les suicides et les problèmes de logement. Est-ce que des membres quittent vos collectivités? Y avait-il un autre secteur de la pêche, les usines de transformation par exemple, qui apportait des avantages économiques à vos collectivités et qui a décliné ou n'existe plus? Il arrive que d'autres industries dérivent de la pêche.

Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet afin de décrire la situation dans laquelle se trouvent les gens?

M. Narcisse : Il faut savoir que les politiques sur la pêche ne touchent pas seulement les collectivités côtières, mais aussi celles de l'intérieur. Je pêche à Lillooet, à 300 milles en amont de Vancouver. C'est là que je sèche le saumon. Il y a beaucoup de gens qui sont plus en amont que moi et qui attendent le saumon. Il faut tenir donc compte de l'intérieur.

Vous avez mentionné les intervenants. Nous travaillons sur trois niveaux dans la région du Pacifique. Niveau un : rapports entre Premières nations; niveau deux : rapports entre les Premières nations et le gouvernement, fédéral ou provincial; niveau trois : rapports avec d'autres groupes d'intérêt. Nous préférons nous considérer comme un palier de gouvernement dans le niveau un. Quand nous travaillons avec le gouvernement fédéral, il s'agit du niveau deux. Nous sommes profondément offensés d'être qualifiés « d'intervenants », car nous considérons que le reste de la société est l'intervenant. Nous sommes les détenteurs de droits compte tenu du fait que nous sommes ici depuis plus longtemps que tous les autres.

Le fait que cela ne soit ni reconnu ni représenté dans les divers forums de discussions et processus, tels que les processus et comités de plan de gestion intégrée de la pêche et de planification intégrée de la pêche, et le fait que nous devons passer par des organismes tels que le Conseil consultatif sur la pêche commerciale des salmonidés pour avoir un accès équitable aux perspectives économiques dans le domaine de la pêche nous préoccupent. Ces questions et ces préoccupations sont toujours présentes. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné le statu quo dans la région du Pacifique. Cette mentalité est toujours présente et nous essayons de la changer au vu de Haida/Taku.

M. Newman : L'océan est vaste et très riche et les peuples autochtones n'ont plus accès à cette richesse. Il fut un temps où nous avions accès à cette richesse et nous étions très riches. Nous ne dépendions pas des subsides du gouvernement. Quelqu'un a refusé les possibilités économiques à nos peuples et a créé les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

Nos jeunes restent dans nos réserves, car il n'ont pas d'endroit où aller. Près de 60 p. 100 de la population de nos réserves ont moins de 20 ans. Ils n'ont pas d'endroit où aller pour travailler. À l'âge de 14 ans, je travaillais déjà sur un bateau de pêche. Nos jeunes n'ont pas cette possibilité, car la pêche en Colombie-Britannique est contrôlée par un nombre très restreint de gens. On ne nous pas offert de possibilités économiques.

Le sénateur Hubley : Pensez-vous que les peuples autochtones doivent avoir la priorité dans la pêche ou qu'il devrait y avoir une répartition pour aider votre collectivité? Est-ce qu'une répartition empièterait sur ce que vous croyez être votre droit à la pêche?

M. Newman : Il faut considérer en premier lieu les besoins des gens qui vivent dans ces régions. Les possibilités de pêche dans ces régions ne devraient pas être données à quelqu'un qui est seulement un investisseur, qui reste chez lui assis dans son fauteuil et qui loue ses permis et s'enrichit. La priorité pour pêcher doit être accordée aux membres des collectivités stables de ces régions.

Le sénateur Hubley : Est-ce qu'un quota communautaire répondrait à vos besoins?

M. Narcisse : Le premier point soulevé dans notre exposé porte sur le rapport du panel des Premières nations, un très grand travail que nous avons entrepris après avoir rencontré le ministre. Le rapport Pearse-MacRae se fondait sur l'examen, fait en commun par le Canada et la Colombie-Britannique, de la situation postérieure aux traités. Les Indiens estiment que le processus devrait être tripartite et inclure les Premières nations, la Colombie-Britannique et le Canada. Nous voulions avoir la possibilité de nous exprimer.

Un certain nombre de nos représentants ont rencontré le ministre Regan et l'ont convaincu d'écouter notre point de vue. Nous avions demandé à trois personnes cultivées de le faire. Elles ont proposé une série de recommandations et de commencer par assurer une part juste de pêche vivrière afin que nous puissions nous nourrir. Les tribus qui vivent plus en amont des rivières et des fleuves n'ont pas pu se nourrir à cause de la gestion moderne de la pêche.

Cela me rappelle ce que m'a raconté Simon Lucas sur les premiers agents des Affaires indiennes qui venaient dans nos collectivités. Lors d'une visite à la collectivité de Simon sur la côte ouest de l'île de Vancouver, un agent a dit en regardant une étagère : « Vous pauvres Indiens. Il n'y a que du poisson à manger. Je suis ici pour vous donner quelque chose de meilleur. » Il a présenté de la mortadelle et des macaronis, c'était la première fois que les Indiens en voyaient. Nous en voyons aujourd'hui les effets sur notre santé. Comparez cela aux avantages nutritifs d'oméga-3. Les gens qui vendent de l'oméga-3 deviennent millionnaires.

Nous remarquons qu'il existe un lien entre un accès approprié à la pêche et notre santé. Nous avons constaté une dégradation de la santé dans nos collectivités, notamment celles de la côte. Mon bon ami, Simon Lucas est diabétique comme beaucoup de ses contemporains. C'est un problème qui doit être résolu.

Le président : Le chef Lucas a comparu devant nous le 10 mars et sa déclaration était exceptionnelle.

Le sénateur Watt : Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez dit que vous attendez une réponse au rapport. Je suppose que vos déclarations comportent un grand nombre de questions présentées dans le rapport.

M. Narcisse : Oui. Nous avons demandé que l'on nous transfère 50 p. 100 des ressources de la pêche afin que nous puissions nous implanter dans l'économie et nous nourrir.

La pêche moderne dans la région du Pacifique est une industrie de 2 milliards de dollars par an. Nous en demandons la moitié. Nous croyons que ce montant permettra de régler un grand nombre de nos problèmes. Vous avez parlé des usines de transformation du poisson qui existaient. Elles pourraient exister de nouveau. C'était la première recommandation du rapport du panel. Nous allons demander au bureau de l'APN de vous envoyer immédiatement des copies.

M. Newman : Le résumé que nous avons indique que le plan d'action du ministre ignore complètement le rapport du panel des Premières nations et ne donne suite qu'aux recommandations Pearse-McRae.

Le sénateur Watt : Est-ce que les problèmes liés au manque d'accès à la pêche commerciale existent aussi pour la pêche vivrière?

M. Narcisse : En théorie, nous avons une exemption de 400 000 poissons. Je suis commissaire canadien au sein de la Commission du saumon du Pacifique, alors je suis au courant de ces détails. Cette situation est restée la même au cours des 20 dernières années.

Le sénateur Watt : Malgré vos tentatives de négociation avec le MPO?

M. Narcisse : Nous avons essayé d'augmenter la répartition dans tous les forums de discussion que vous pouvez imaginer et personne n'a écouté.

Le sénateur Watt : Non seulement vous estimez que vous avez droit à 50 p. 100 des prises admissibles, mais aussi que ces 50 p. 100 vous appartiennent?

M. Narcisse : Oui.

Le sénateur Watt : Je le comprends très bien. Est-ce que ces 50 p. 100 englobent les deux pêches, vivrière et commerciale?

M. Narcisse : Oui, les deux pêches.

Le sénateur Watt : Si ces 50 p. 100 vous étaient répartis, vous chargeriez-vous de votre propre gestion?

M. Narcisse : Oui.

Le sénateur Watt : Envisageriez-vous de fixer un niveau de pêche?

M. Narcisse : Oui.

Le sénateur Watt : Est-ce que chaque collectivité contrôlerait, à des fins de préservation, le volume de la pêche vivrière et celui de la pêche commerciale?

M. Narcisse : Oui. Nous avons déjà les moyens de le faire. Le problème repose sur le processus de planification de gestion intégrée de la pêche auquel on nous demande de participer. Le problème, c'est que nous sommes moins nombreux que les autres dans toutes les phases de ce processus, y compris dans le Comité de planification intégrée de la pêche et dans le Conseil consultatif sur la pêche commerciale des salmonidés qui prennent la décision définitive sur l'accès et la répartition.

Nous avons demandé la mise en place d'un processus parallèle. Depuis plusieurs années, nous travaillons sur une initiative appelée le cadre de pêche intertribal qui réunirait les 202 Premières nations en Colombie-Britannique. La priorité sera donnée à la gestion en commun des stocks de poissons grands migrateurs.

En 1996, nous l'avons fait. En 1996, la remonte précoce de la rivière Stuart était très menacée. Nous avons inversé le mécanisme. Nous avons donné la part du lion de cette pêche aux Carrier-Sekani, car c'est dans leur territoire que ces poissons fraient. Nous leur avons donné 1 000 poissons. Nous avons donné 1 000 poissons à la nation Chilcotin. La nation suivante en aval a reçu 500 et les Stalo ont reçu 250. Les nations qui vivent sur la côte n'ont pas eu de part car elles ont accès à un certain nombre d'autres stocks de saumon.

Voilà les préoccupations que nous avons à ce sujet et aussi le fait que nous sommes dépassés de beaucoup en nombre. Nous sommes principalement préoccupés par la représentation dans ces organismes. C'est la raison pour laquelle nous demandons la mise en place d'un processus parallèle sous l'égide d'un cadre de pêche intertribal.

M. Newman : Le flétan illustre bien la situation faisant suite à une augmentation de la répartition dans un secteur. Le ministère des Pêches et des Océans a augmenté de 20 p. 100 le contingent alloué à la pêche récréative. L'effet sur la pêche vivrière du flétan par les bandes côtières a été grave. Leur quota n'a pas été augmenté, nous avons eu du mal à obtenir notre part de flétan pour la pêche vivrière. Pourtant, les pêcheurs récréatifs ne pouvaient pas atteindre leurs quotas, ils les ont alors vendus à des pêcheurs commerciaux. Les collectivités côtières jugent que c'est inacceptable. Nous n'avons jamais été consultés à ce sujet.

M. Narcisse : Cela est contraire au paragraphe 35(1) de la Constitution. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé du renversement de la priorité dans la région du Pacifique.

Le sénateur Watt : Dans votre réponse au sénateur Hubley, vous avez dit que vous ne vouliez pas être considérés comme des intervenants. En tant que détenteurs de droits, vous avez dit que si la nouvelle politique des pêches et des océans concernant les contingents individuels était mise en vigueur, vous n'aurez aucun rôle à jouer et les répercussions sur vos collectivités seront considérables, car vous n'avez pas d'autre moyen de gagner un revenu et de nourrir vos familles. Les peuples autochtones vivant sur les côtes seraient tellement désavantagés qu'ils pourraient ne plus être en mesure de se relever, car il n'y a pas d'autre moyen de gagner sa vie.

M. Narcisse : C'est exact, monsieur le sénateur. Ce qui est encore plus triste, c'est la dissociation culturelle qui peut se produire. Quand je donne des allocutions, je mentionne souvent que je suis d'origine Stlatlimx-Pied-Noir. Mon père est originaire de l'État du Montana et je pense souvent à la puissance des Pieds-Noirs quand les bisons étaient nombreux. Au fur et à mesure de la diminution du nombre de bisons, la puissance de notre peuple a aussi diminué. Je ne voudrais pas voir cela se produire dans la région du Pacifique.

Je pense aussi à la pêche du saumon séché que je pratique. Mon grand-père m'a appris à sécher le poisson et je communique ce savoir à mon petit-fils âgé de six ans. La semaine dernière, on m'a demandé pourquoi je luttais tant pour garder ce genre de pêche. C'est parce que c'est un droit de culture vivante. Et pour que cette culture survive, les saumons doivent être sains. Je ne veux pas que mon petit-fils admire une photo dans un livre en disant: « Mon grand- père et moi faisions cela. » Je veux qu'il dise: « C'est ce que mon grand-père m'a appris et c'est ce que je vais enseigner à mon petit-fils. » C'est un droit à un mode de vie qui ne doit pas disparaître. Je pense que cette possibilité de dissociation culturelle est beaucoup plus grave que l'économie. Sans vouloir diminuer l'importance de l'élément économique, je veux souligner l'importance de cet aspect culturel.

M. Newman : Un incident en Colombie-Britannique a attiré l'attention des médias. Un pêcheur vietnamien a fait sauter son automobile devant l'Hôtel de ville de Vancouver. Il fait la grève de la faim en protestation contre les droits de pêche exclusifs des Autochtones. Le député John Cummins était présent et allait attirer l'attention du gouvernement du Canada sur cette question. Personne n'a jamais agi ainsi pour défendre les Indiens. Personne n'est jamais venu dans ma collectivité pour voir les effets de la gestion du MPO. John Cummins n'est jamais venu voir ce qui se passait chez nous. Pourtant, quand un Vietnamien attire l'attention sur un problème, on l'écoute.

Le sénateur Watt : Il serait utile que vous renseignez le comité sur la structure de votre organisation. Est-ce une entreprise sans but lucratif? Est-ce une entité juridique utilisée en commun par les gens?

M. Narcisse : La B.C. Aboriginal Fisheries Commission existe depuis 1984 comme l'a indiqué le président. Nous existions avant Aboriginal Strategies Fishery. Dans leurs discussions, les leaders de la contrée indienne ont reconnu la nécessité d'une telle commission. Ils voulaient un organisme qui faciliterait et coordonnerait les discussions portant sur les questions politiques.

Nous faisons de notre mieux pour présenter les questions et les préoccupations des 202 Premières nations de la région du Pacifique, y compris le respect de nos droits, une part juste de l'accès aux ressources et la possibilité d'une gestion en commun. Ce sont nos aspirations dans la région du Pacifique et nous les avons présentées plusieurs fois dans le rapport du panel et dans nos réponses aux divers comités et à d'autres organisations.

M. Newman : Notre organisation dans le secteur de la pêche commerciale sur la côte de la Colombie-Britannique comprend la Native Brotherhood of B.C., Aboriginal Fishing Vessel Owners Association, Northern Native Fishing Corporation et Native Fishing Association. Nous avons décidé au terme d'un protocole d'entente de nous regrouper et d'aborder en commun les problèmes.

Le sénateur Watt : C'est une organisation sans but lucratif. Je suppose que vous n'avez pas de lien de dépendance avec les entreprises de pêche individuelles. Est-ce que la structure est la même que celle de l'organisation de la région sud?

M. Newman : Les quatre organisations sont des sociétés de pêcheurs commerciaux.

Le sénateur Watt : Est-ce que votre organisation s'occupe des pêcheurs commerciaux individuels?

M. Newman : Oui.

M. Narcisse : Ma clientèle est composée de détenteurs de droits. Nos représentons des organismes différents.

Le sénateur Watt : J'essaie d'établir la distinction entre les deux.

M. Narcisse : La British Columbia Aboriginal Fisheries Commission représente les détenteurs de droits, c'est-à-dire les collectivités des Premières nations. L'organisation de M. Newman représente les entités commerciales.

M. Newman : Nous avons le droit de pratiquer la pêche commerciale.

Le sénateur Watt : Qu'en est-il de la pêche vivrière?

M. Narcisse : C'est l'exemption des 400 000 poissons dont j'ai parlé tout à l'heure et théoriquement, ce doit être partagé entre nous tous.

Le sénateur Watt : Nous devons comprendre clairement ce que cela signifie.

M. Narcisse : Le premier point demande que nous augmentions la répartition pour assurer une juste part pour la nourriture. Les possibilités économiques sont exprimées dans le rapport sur la pêche du panel des Premières nations qui demande le transfert de 50 p. 100 de toute les pêches.

Le sénateur Watt : Si le MPO procède aux privatisations, les petites gens n'obtiendront rien. Les quelques personnes propriétaires de bateaux gagneront de l'argent alors que les gens de la collectivité meurent de faim. En cas de privatisation, que croyez-vous qu'il se passera dans vos collectivités dans quelques années?

M. Newman : Comme nous l'avons indiqué dans notre lettre à M. Joudry, il n'y a aucune sécurité de travail pour les peuples autochtones vivant sur la côte. Même le processus des traités n'offre aucune certitude, car dans la pêche commerciale nous perdons plus de terrain que nous n'en gagnons. Les permis communautaires qui seront émis ne répondront pas aux besoins des collectivités.

Le sénateur Adams : Je voudrais présenter des excuses pour les trois annulations de la visite de notre comité aux communautés tribales de la Colombie-Britannique. Des affaires urgentes surgissent quelquefois au Sénat et notre whip et nos dirigeants nous disent que nous ne pouvons pas partir. Nous avions projeté de vous rendre visite et soudainement nous ne pouvions pas le faire. Nous savons que vous êtes déçus, mais ce n'est pas notre faute. Nous devons quelquefois écouter nos dirigeants au Sénat.

Il y a quelques années que je fais partie de ce comité et j'y étais lors de l'effondrement de la pêche au saumon en Colombie-Britannique. David Anderson était ministre des Pêches et des Océans à l'époque. Vous avez mentionné tout à l'heure que certains de vos membres ne pouvaient pas se débarrasser de filets droits et de toutes sortes de matériel quand la pêche s'est effondrée. Quel est le nombre de personnes de votre collectivité touchées par cela?

Vous avez dit que le ministère devait acheter certains de ces filets droits pour aider les gens à rembourser une partie de l'argent qu'ils avaient emprunté à des banques. Certains avaient du matériel d'une valeur de 300 000 ou 500 000 $ quand la pêche au saumon s'est effondrée. Nous sommes au courant des effets conséquences de la situation sur les gens des collectivités, y compris des suicides.

Pouvez-vous nous dire ce que le ministère a fait quand la pêche au saumon s'est effondrée en Colombie-Britannique?

M. Newman : Il serait souhaitable que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans étudie l'effet sur les collectivités autochtones de tous les plans de gestion élaborés et mis en application par le MPO. Personne ne l'a jamais fait. Ce serait intéressant que nous allions et constations la gravité de l'effet. M. Dhaliwal est venu à la baie Alert quand il était ministre, mais il ne s'est pas prononcé sur ce qu'il a vu.

Le sénateur Adams : Nous avons entendu des déclarations des représentants de syndicats de pêcheurs de saumon en Colombie-Britannique. Je crois que certains étrangers ont pu obtenir des permis pour élever le saumon. Les représentants des syndicats ont dit que des décisions prises au MPO ont abouti à l'achat de certaines entreprises. Nous avons entendu dire que le MPO décide des quotas et de ce genre de choses qui affectent beaucoup d'entreprises.

Pendant trois ans, j'ai fait enquête sur la pêche de Nunavut et j'ai découvert que certaines entreprises ont beaucoup d'argent dans les quotas. Il est question d'environ 60 millions de dollars par an dans la pêche au saumon en Colombie- Britannique. C'est la même chose pour la pêche au turbot au Nunavut. Les étrangers arrivent et créent des entreprises. Les quotas supposés être au Nunavut partent pour l'Europe.

Est-ce que ce type de situation existe dans la pêche du saumon, du flétan ou de tout autre poisson de votre région?

M. Newman : Les grandes entreprises de pêche comme Canadian Fishing Company, qui appartient à Jimmy Pattison, déploient beaucoup d'efforts pour le système de quotas. Elles veulent diminuer le nombre de leurs bateaux de pêche. Elles disent : « Pourquoi envoyer 140 bateaux si 40 bateaux suffisent à faire le travail? » Cela créera des problèmes pour les peuples autochtones car la majorité des bateaux des entreprises sont opérés par des Indiens qui risquent de perdre leur emploi si le système de quotas est appliqué.

Le sénateur Adams a soulevé la question de la pisciculture en Colombie-Britannique. Cela a également eu des répercussions sur la pêche commerciale. Il y a beaucoup d'argent dans cette industrie et la plus grande partie de cette pêche appartient à des entreprises étrangères. Les contributions financières de ces entreprises aux élections tenues cette semaine en Colombie-Britannique ont été importantes, car Gordon Campbell réclamait avec beaucoup de persistance l'expansion des piscicultures.

Le paysage politique de la Colombie-Britannique a radicalement changé depuis avant hier. Le NPD a remporté la majorité des sièges sur la côte et les députés provinciaux qui soutenaient l'industrie de la pisciculture sont partis. Je ne sais pas de quelle manière cela va affecter les projets de Gordon Campbell pour l'expansion de la pisciculture.

J'y suis allé moi-même pour voir les effets du pou du saumon car je n'avais vu que des photos. Ce que j'ai vu m'a presque fait pleuré. J'ai vu un alevin de saumon Kéta entièrement recouvert de poux, il bougeait à peine. Pourtant, le ministère des Pêches et des Océans continue à dire qu'il n'y a pas de problème.

J'ai découpé un article du Vancouver Sun le jour précédant les élections en Colombie-Britannique. Il était dit dans cet article que Geoff Regan, le ministre des Pêches et des Océans, n'avait pas voulu publié l'étude sur le pou du poisson, car il pensait que cela aurait un effet sur les élections en Colombie-Britannique. Il allait publier cette étude après les élections. Ce genre de comportement est préoccupant.

Il semble que les ministres réclament une politique du saumon sauvage. Comment le ministère des Pêches et des Océans peut-il dire qu'il protège le saumon sauvage alors qu'il fait la promotion de la pisciculture?

Le sénateur Adams : Vous avez parlé dans votre déclaration des pêcheurs sportifs. Est-ce que des gens riches viennent pêcher le saumon dans votre collectivité, et ce faisant injectent de l'argent dans la collectivité? Est-ce que des gens de la ville établissent des camps de pêche? Ils le font au Nunavut.

Il y a deux ou trois ans, j'étais en déplacement au nord de Yellowknife avec quelques personnes de Ivanhoe Mines près de Toronto. Nous avons visité un camp de chasse au caribou. L'entreprise a le droit de chasser annuellement 200 caribous du troupeau de Nunavut dans la région de Copper Mine. Ils font venir des chasseurs sportifs non autochtones de l'extérieur, y compris des États-Unis, qui paient 10 000 $ pour un caribou. Si vous multipliez cela par 200, ça fait beaucoup d'argent dont ne bénéficient pas les Inuks de Nunavut.

Parfois, il est difficile de comprendre comment fonctionne le gouvernement. Nous sommes censés créer des emplois pour les Autochtones et pourtant on autorise des non-Autochtones à avoir ce genre d'entreprise.

Avez-vous des expériences semblables dans votre collectivité en ce qui concerne les camps de pêche? Que fait le ministère des Pêches à ce propos?

M. Narcisse : Dans la région du Pacifique, nous ne nous entendons pas très bien. Nous avons fait des efforts concertés en 1998 pour tisser des liens avec le Sport Fish Advisory Board pour examiner ces occasions dont vous parlez en termes de pêche sportive, bien que toute cette notion de pêche sportive aille à l'encontre de tout ce qui est sacré pour nous, les Amérindiens, surtout lorsque le saumon rouge est en migration et qu'il ne se nourrit même pas en cours de route. Cela nous préoccupe beaucoup.

Une partie de la solution pourrait se trouver dans notre recommandation selon laquelle 50 p. 100 de la ressource halieutique nous soient transférés. Nous pourrions attribuer une partie de ces 50 p. 100 à des activités de pêche sportive. Cependant, cette discussion n'a pas encore eu lieu, parce que nous devons d'abord avoir accès à ces 50 p. 100.

Il y a des possibilités pour la pêche sportive. Un certain nombre de tribus ont manifesté un certain intérêt pour la chose. Malheureusement, un homme du nom de Bob Wright contrôle actuellement la pêche sportive dans les collectivités côtières. Il y a un certain nombre d'autres propriétaires de pourvoiries avec service de guides, le long du fleuve Fraser en particulier, qui ne s'entendent pas avec nos pêcheurs. Vous avez entendu parler des confrontations qui ont eu lieu sur le territoire de Stalo près de Chilliwack. Cette situation est causée par la concurrence face à une ressource qui va en diminuant et par la non-reconnaissance de notre priorité par rapport à ces autres personnes.

Le sénateur Adams : Est-ce que des députés qui représentent votre région à Ottawa sont des membres des Premières nations? S'agit-il de députés conservateurs ou néo-démocrates? Je crois que les libéraux proviennent principalement de la région de Vancouver.

M. Narcisse : Stockwell Day est mon député.

M. Newman : Et il était un réformiste également.

En réponse à votre question précédente, je viens de la partie centrale de la côte de la Colombie-Britannique, qui est la dernière frontière de la côte de la Colombie-Britannique. Pourtant, c'est devenu une des régions de prédilection des pêcheurs sportifs. Une bonne partie de notre région a été fermée pour permettre la pêche récréative. Le détroit Milbanke a été fermé à la pêche commerciale, ce qui a fait disparaître 75 p. 100 de la capacité bénéficiaire de certains de nos gens. Cette mesure a complètement décimé notre flotte de bateaux de pêche à la traîne avant l'entrée en vigueur du programme de rachat des permis de pêche.

Nous avons une petite piste d'atterrissage pour desservir notre population, que nous avons payée nous-mêmes. Le gouvernement en a pris le contrôle et il y a trois ans, il a dépensé 3 millions de dollars pour agrandir l'espace de stationnement à côté de cette piste d'atterrissage. Ce n'était pas pour répondre aux besoins des gens de la place, mais plutôt pour répondre aux besoins du grand nombre de pêcheurs sportifs qui viennent chaque année. Ce petit aéroport est congestionné tous les jours pendant l'été.

Nous avons des camps de pêche dans le détroit Milbanke pour accueillir les pêcheurs sportifs. Ils n'apportent aucune richesse à nos collectivités. Ils passent tout droit sans s'arrêter. Pourtant, ils influent sur la situation économique de notre peuple et sur notre pêche de consommation. Ils ont des répercussions énormes sur nous et il n'y a aucun contrôle.

Le président : Monsieur Newman, vous avez parlé de la salmoniculture. Nous avons rédigé un rapport en 2001 que vous aimeriez peut-être lire. Dans ce rapport, nous avons parlé de la salmoniculture et de la pisciculture. Ce rapport se trouve sur notre site Web. Il s'agit d'un excellent rapport.

Le sénateur Mahovlich : Messieurs, merci d'être venus.

Je sais que les remontes de poisson s'améliorent dans le fleuve Fraser.

Vous avez fait allusion dans votre présentation au rapport Williams de 2004, qui condamnait les Premières nations pour la pêche illégale et le braconnage. Pourtant, les Premières nations ont le droit de pêcher en vertu de la Constitution. S'agit-il d'un problème majeur pour vous et est-ce que le problème a été réglé?

M. Narcisse : La question du poisson manquant n'est pas nouvelle pour nous. La question a été soulevée pour la première fois en 1994, lorsque John Fraser a été chargé d'examiner la situation.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce que John Fraser travaillait pour le ministère provincial des Pêches?

M. Narcisse : Il était le précédent président du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique et il est maintenant président du Pacific Salmon Forum. Il a été acheté par la province de la Colombie-Britannique pour diriger son forum.

Malheureusement, la Colombie-Britannique et le Canada n'ont pu s'entendre en vertu de l'accord Colombie- Britannique-Canada pour mettre en place complètement le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique. Le but était d'amener le Canada et la Colombie-Britannique ensemble pour examiner la situation en collaboration. Je suis membre d'office de la CCRHP et John Fraser a quitté le bateau pour aller travailler pour la province au Pacific Salmon Forum.

M. Newman : Je raconte aux gens la première fois que j'ai vu le sénateur Mahovlich au comité. J'ai pensé : « Qu'est- ce qu'un joueur de hockey connaît à la pêche? »

Le rapport Williams a fait beaucoup de tort, non seulement aux gens du fleuve Fraser, mais à tous les Autochtones de la Colombie-Britannique. La personne qui était assise à côté de moi dans l'avion hier soir m'a demandé le but de mon voyage. Je lui ai dit que je m'occupais de politique et que je venais faire un exposé devant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Elle a dit que les Amérindiens vendaient du poisson illégalement. Tout ce qu'elle savait au sujet des Premières nations, c'est que nous vendons du poisson illégalement. Voilà le résultat de l'enquête Williams. Cela a fait beaucoup de tort à nos gens. On ne parle pas des autres qui pêchent illégalement en Colombie- Britannique ou du pourcentage de personnes non autochtones qui participent à la pêche illégale en Colombie- Britannique.

Il y a eu une opération à Musqueam il y a quelques années qui était assez controversée. On a constaté que 85 p. 100 de la pêche illégale sur le fleuve Fraser était le fait de non-Autochtones et que seulement 15 p. 100 des gens qui pêchaient illégalement sur le fleuve étaient des Autochtones, mais personne n'en parle. Sur la côte de la Colombie- Britannique, 100 p. 100 du braconnage de l'oreille de mer est le fait de non-Autochtones et 100 p. 100 de la pêche illégale au panope du Pacifique et au flétan est le fait de non-Autochtones. Personne ne soulève cette question et pourtant, c'est quelque chose de bien connu. L'enquête Williams a fait beaucoup de tort aux peuples autochtones et il faudrait régler ce problème.

M. Narcisse : La représentation des Premières nations au sein de ce comité était très limitée. Il y avait trois personnes qui ont été chargées de représenter nos intérêts : le chef Robert Hope de la Première nation Yale, le chef Tommy Alexis de la nation Tl'azt'en et Fabian Harry de la Première nation de Klahoose. Le chef Alexis n'a participé à aucune des réunions. Les deux autres se sont fait dire par les Premières nations qu'ils ne représentaient personne d'autres qu'eux- mêmes. De notre point de vue, l'enquête Williams n'a aucune validité ni crédibilité. C'est pourquoi nous parlons de la nécessité d'un processus parallèle qui nous permettra de déterminer qui seront nos représentants au sein de ces organismes et quels seront les processus. Nous devons nous entendre sur l'identité de nos représentants pour présenter nos problèmes et nos préoccupations.

La seule raison pour laquelle notre pêche est considérée illégale, c'est parce que la Loi sur les pêches a été adoptée en 1888 sans notre participation. Il n'y avait aucune consultation même à cette époque.

Lorsque je retourne dans la région du Pacifique, je dis aux gens que les arrière-grands-pères de Phil Eidsvik et de John Cummins ont probablement reconnu qu'ils avaient une bonne affaire entre les mains avec une pêche lucrative. Ils avaient des amis à Ottawa qu'ils ont convaincus d'adopter une loi leur donnant la part du lion dans la pêche et faisant en sorte qu'il soit illégal pour les Autochtones de vendre du poisson. Nous vivons toujours dans cette situation en l'an 2005 et c'est la seule raison pour laquelle notre pêche est considérée illégale. Si on nous donnait 50 p. 100 de cette ressource, notre pêche ne serait plus illégale et toutes ces balivernes au sujet du poisson manquant perdraient leur raison d'être.

Le président : Monsieur Newman, vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande dans votre exposé. Vous savez qu'en Nouvelle-Zélande, il n'y avait pas beaucoup de pêche commerciale avant l'introduction des contingents individuels transférables et la privatisation; ainsi, les Néo-Zélandais ont été en mesure d'aborder la question de la répartition du poisson par le biais de la privatisation d'une manière différente que nous pouvons le faire ici au Canada. En Nouvelle- Zélande, il y a eu une tentative dès le départ pour faire une place aux Maoris. Nous visons une expérience assez différente au Canada.

Avez-vous suivi l'évolution de l'expérience néo-zélandaise pour savoir s'il y a des leçons que nous pouvons tirer au Canada, compte tenu des réalités différentes de ces deux pays? Nous savons qu'il n'y avait pas une pêche importante en Nouvelle-Zélande à ce moment-là.

Dans ce pays, certaines des personnes qui travaillent dans la pêche commerciale et sur les bateaux sont de la main- d'oeuvre bon marché en provenance des pays pauvres d'Asie. De plus, l'attribution aux Maoris semble se transformer en attribution commerciale? Savez-vous s'il y a là des leçons que nous pouvons tirer?

M. Newman : J'ai lu votre étude qui affirme que ces contingents sont maintenant loués à des pêcheurs étrangers plutôt que d'être capturés par les Maoris ou par les gens de la place. Cela pourrait nous arriver. Nous avons également discuté avec les Maoris du processus du traité, sur la façon dont ils ont acquis leurs contingents. On leur a offert un certain contingent, mais on leur a donné la possibilité d'en acheter d'autres. Selon votre étude, ce système ne fonctionne pas.

Le président : Cette étude a été réalisée en 1998. Nous allons essayer de faire un suivi pour voir ce qui se passe maintenant. D'après ce que nous pouvons lire dans les journaux de Nouvelle-Zélande, nous avons des indications que du côté de la pêche commerciale, les travailleurs sur les bateaux de pêche sont des personnes exploitées en provenance de pays pauvres. L'excuse qu'on donne, c'est que si on n'a pas recours à cette main-d'oeuvre bon marché, il serait impossible de faire concurrence sur le marché international. Nous commençons à entendre cette même excuse ici au Canada. On nous dit que si nous ne regroupons pas les licences entre des mains de moins en moins nombreuses, nous ne serons pas capables de faire concurrence aux Chinois.

Devrions-nous tomber dans le piège consistant à transformer la pêche en une pêche industrielle de manière à pouvoir faire concurrence aux autres? Est-ce la réalité que vous voyez, en tant que pêcheur de longue date?

Je sais que vous avez pêché pendant longtemps. Est-ce vers cela que nous nous dirigeons?

M. Newman : C'est ce qui se passe déjà dans le cas de la pêche au hareng dans le cas des permis de pêche au hareng qui ont été créés pour les Autochtones. Les non-Autochtones contrôlent ces licences, mais il doit y avoir un Autochtone sur le bateau, alors ils se contentent de payer un salaire aux Autochtones. Cela se passe déjà dans la pêche en Colombie-Britannique.

M. Narcisse : En ce qui concerne l'expérience des Maoris, je crois savoir qu'ils ont pu avoir accès à la ressource grâce à l'achat de Sealord. Ce genre de scénario est envisagé comme solution possible à notre problème ici. Cependant, l'autre version de cette histoire à savoir celle d'un Maori qui a été accusé parce qu'il n'avait pas de licence pour la pêche aux poissons de consommation. Le MPO nous dit que le fait d'adopter la solution industrielle et de prendre une licence assurera que nous aurons accès à la pêche jusqu'à notre mort. Nous demandons la reconnaissance et le respect de nos droits. Il s'agit d'un point de désaccord. Nous croyons que nous n'avons pas besoin d'une licence pour avoir accès à notre poisson de consommation.

Le sénateur Adams : Est-ce que vous représentez tous les pêcheurs autochtones?

M. Narcisse : Le rôle de la BCAFC est d'intervenir dans tout ce qui a des effets sur nos droits. M. Newman représente les intérêts économiques de nos gens.

Le sénateur Adams : En ce qui concerne les recommandations que notre comité présentera, je veux comprendre le pourcentage de la pêche que vous croyez que l'on devrait vous donner. Certains disent vouloir 50 p. 100, mais d'autres en veulent davantage.

M. Narcisse : Cinquante pour cent est la position de départ. Les recommandations vont jusqu'à 100 p. 100 dans certains cas. La pêche au couteau de Haïda en est un exemple parfait. Nous possédons actuellement 98 p. 100 de cette pêche. Nous pourrions exiger un contrôle à 100 p. 100 de cette pêche dans l'avenir.

M. Newman : Nous revendiquons 100 p. 100, mais nous sommes prêts à concéder 50 p. 100.

M. Narcisse : Nous devons réfléchir à l'expérience du juge Boldt. Le juge Boldt a dit que les Autochtones sont prêts à partager 50 p. 100 avec le reste de la société. Il y a une énorme différence entre ce qui arrive au sud de la frontière et ce qui arrive au nord de la frontière.

Le sénateur Elizabeth Hubley (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Vous avez parlé de 50 p. 100. Quel pourcentage de la pêcherie vous est accessible à l'heure actuelle?

M. Narcisse : À l'heure actuelle, nous avons 4 p. 100.

M. Newman : Par le biais du processus des traités, on nous offre de 3 à 5 p. 100.

M. Narcisse : En vertu du processus des traités actuels, on dit que si les Autochtones sont chanceux, nous pourrions finir par obtenir 5 p. 100, ce qui est très loin des 50 p. 100 que nous revendiquons comme position de départ.

La vice-présidente : Nous vous sommes reconnaissants de votre participation à ces délibérations et de l'information que vous avez partagée avec nous. S'il y a d'autres questions sur lesquelles vous aimeriez faire des observations, veuillez en profiter dès maintenant.

M. Narcisse : Nous aimerions vous inviter à nous rendre visite.

Sénateur Adams, même si vous venez seul, nous allons vous faire visiter les lieux. Si vous pouvez venir et faire rapport à vos collègues ici, ce serait utile.

Venez voir la situation par vous-même de sorte que vous puissiez confirmer les observations que nous avons faites ici aujourd'hui.

M. Newman : J'aimerais me faire l'écho de ce que vient de dire M. Narcisse. Il est important que vous voyiez de vos propres yeux les répercussions qu'ont les plans de gestion du MPO sur les collectivités autochtones. Vous avez déjà fait des recommandations, mais je ne pense pas que le MPO vous a tendu l'oreille. À qui faites-vous les recommandations? Sont-elles faites au gouvernement en entier ou est-ce que vous parlez au ministre des Pêches?

La vice-présidente : Lorsque nous présentons un rapport, nous le faisons parvenir au ministre et aux fonctionnaires du gouvernement. Nous le faisons également parvenir aux gens qui ont témoigné devant nous et à la communauté générale des pêcheurs. Nous essayons de diffuser cette information d'une manière aussi large que possible.

M. Newman : J'ai 79 ans et cela fait plus de 40 ans que je m'occupe de politique. J'ai vu de nombreuses études faites sur la pêche et la participation des Autochtones. Je me souviens lorsque Sol Sinclair a été embauché par le ministère des Pêches pour faire une étude sur la participation des Autochtones dans la pêche. Lorsqu'il est revenu une deuxième fois et qu'il m'a posé les mêmes questions encore une fois, je lui ai demandé ce qui était arrivé de sa première étude. Il a dit qu'elle ramassait probablement la poussière quelque part sur une tablette à Ottawa et que personne ne lit jamais ces études.

Qu'arrive-t-il des études que vous faites? Lorsque des gens comme nous font des exposés, qu'arrive-t-il?

La vice-présidente : C'est une pratique courante que d'exiger du ministre une réponse à notre rapport et nous avons ainsi l'occasion de faire le suivi de la question auprès du ministre.

M. Newman : Lorsque je parcours plus de 3 000 milles pour vous faire part des préoccupations de mon peuple et que je n'entends aucune réponse ou que je ne lis rien sur la façon dont on va traiter cette question, je commence à me demander pourquoi nous prenons la peine de comparaître devant ce comité et de faire un exposé si le rapport ne fait que ramasser la poussière sur une tablette.

Le sénateur Adams : C'est une bonne question. Je siège à ce comité depuis 20 ans. Les sénateurs sont nommés, contrairement aux membres élus de la Chambre des communes, où on retrouve également un Comité des pêches. Nos rapports et nos recommandations sont adressés au ministre des Pêches et de là, ils sont censés se rendre jusqu'au Cabinet pour faire l'objet de décisions. Cependant, il arrive parfois que le Cabinet ne voit pas nos recommandations, parce que le Sénat n'est pas élu. Les membres élus de la Chambre des communes ou du Cabinet prennent les décisions sur les recommandations.

Les rapports du Sénat sont utiles pour les politiciens qui veulent être réélus à la prochaine élection. Ils peuvent utiliser nos bonnes recommandations, bien qu'ils ne nous le disent pas. En tant que membres nommés, il nous est difficile de faire des recommandations aux membres élus dans le Cabinet ou à la Chambre des communes.

M. Narcisse : Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point, sénateur Adams. La première tâche d'un politicien est d'être élu et sa deuxième tâche, c'est d'être réélu. Malheureusement, nous sommes une minorité. Cette pauvre collectivité vivant de la pêche ne compte que 400 000 personnes. Il y a également un grand nombre de gens qui pratiquent la pêche commerciale. Lorsque les politiciens regardent le nombre d'électeurs auxquels ils doivent plaire, nous nous retrouverons malheureusement au bas de la liste.

Nous essayons de mettre l'accent sur notre droit en tant que Première nation de manière à assurer le respect de ce droit, à assurer un accès à une part équitable des ressources et à créer une possibilité de cogestion de la ressource dans un avenir rapproché.

M. Newman : La bande des Heiltsuk est la seule tribu autochtone de la côte à s'être adressée aux tribunaux pour établir qu'elle a un droit autochtone à la récolte commerciale de rogue de hareng. Nous traitons de cette question à notre propre façon. Nous avons une attribution et établissons nos propres contingents pour nos gens. Si nous nous occupons de cette question nous-mêmes, cela pourrait fonctionner pour nous.

La vice-présidente : La présente réunion est télédiffusée sur CPAC, alors vous parlez à de nombreux Canadiens aujourd'hui. Ce partage d'information est déterminant pour faire passer votre message. Comme l'a dit notre président, le sénateur Comeau, l'adresse de notre site web est la suivante : www.parl.gc.ca/common/Committee_SenHome.asp?Language.

Merci, M. Newman et M. Narcisse d'être venus ici aujourd'hui et d'avoir échangé de l'information avec nous.

La séance est levée.


Haut de page