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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 8 - Témoignages du 9 juin 2005


OTTAWA, le jeudi 9 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 46 pour examiner, et en faire rapport, la question relative au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Bienvenue à tout le monde.

En octobre dernier, le comité s'est vu confier le mandat d'examiner, pour en faire rapport, la question relative au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Le comité a déposé un rapport provisoire le 19 mai.

Nous sommes heureux d'accueillir ce matin des représentants de la British Columbia Seafood Alliance, une organisation sans but lucratif créée en 1999 pour faire valoir les intérêts du secteur des fruits de mer de la Colombie- Britannique. Il s'agit d'un groupe d'encadrement qui réunit les représentants des pêches traditionnelles, les spécialistes de l'aquaculture ainsi que les responsables de la commercialisation et de l'exportation des fruits de mer.

Nous accueillons donc Mme Christina Burridge, directrice générale de l'Alliance; M. Rob Morley, vice-président, Ressources humaines et développement commercial du Conseil canadien des pêches; M. Mike Featherstone, pêcheur commercial et président de la Pacific Urchin Harvesters Association et vice-président de l'Alliance, ainsi que M. Tom Kasmer de la Gulf Trollers Association. M. Kasmer est pêcheur commercial de saumon et de thon blanc et administrateur de l'Alliance.

Des notes biographiques plus détaillées ont été fournies par l'Alliance et distribuées aux membres du comité, ainsi que son mémoire intitulé « Qu'attendons-nous de la pêche commerciale en Colombie-Britannique? Arguments en faveur d'une réforme ».

J'ai lu dans la lettre que vous nous avez fait parvenir dernièrement que vous avez été surpris et étonnés par notre rapport du 19 mai. Vous aurez l'occasion ce matin de corriger le tir si nous nous sommes trop écartés de la voie que nous aurions dû suivre, selon vous.

Mme Christina Burridge, directrice générale, British Columbia Seafood Alliance : Merci beaucoup, honorables sénateurs. C'est un plaisir d'être avec vous ce matin. Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant votre comité, surtout après en avoir été avisés à si brève échéance.

La British Columbia Seafood Alliance est une association d'associations. L'information que vous avez n'est pas tout à fait à jour. Nous défendions auparavant les intérêts des spécialistes de l'aquaculture, mais plus maintenant. Nous représentons uniquement les pêcheurs commerciaux. Nous comptons 13 membres à temps plein et trois membres associés. Cela veut dire que presque tous les groupes de pêcheurs syndiqués en Colombie-Britannique font partie de l'Alliance, et en retour, ces organisations représentent l'ensemble, voire la totalité des détenteurs de permis.

Nous sommes probablement l'organisation la plus représentative du secteur des fruits de mer en Colombie- Britannique. Parmi les associations membres de l'Alliance, certaines représentent des pêcheurs qui font de la pêche contingentée, d'autres pas. Au fil des ans, ces associations ont déployé tous les efforts nécessaires pour s'organiser de façon à assurer une gestion efficace de la ressource ainsi que la viabilité économique de l'industrie.

Les 13 membres de l'Alliance vont de très petites sociétés de pêche avec une poignée de détenteurs de permis comme c'est le cas de M. Featherstone, qui est pêcheur d'oursins, aux très grandes comme celles du flétan, qui comptent environ 400 détenteurs de permis. Ensemble, nous représentons environ 90 p. 100 de la valeur des pêches commerciales en Colombie-Britannique.

Les administrateurs qui sont ici aujourd'hui ont assisté à d'autres réunions à Ottawa. D'autres membres de mon alliance aimeraient beaucoup vous présenter un mémoire. Ils prévoient le faire et vous contacteront très bientôt, plus particulièrement la Deep Sea Trawlers Association, parce qu'ils ont un système complexe de gestion par quotas qui devrait, à leur avis, vous intéresser.

Le secteur des fruits de mer est un secteur de calibre mondial. C'est probablement le secteur le plus « mondialisé » du domaine alimentaire et nous, en Colombie-Britannique, ne sommes en réalité qu'un très petit joueur. Dans l'ensemble, le secteur des fruits de mer en Colombie-Britannique est évalué à 1 milliard de dollars au chapitre des exportations et à un peu plus de 1 milliard de dollars au total; on compte 13 000 années-personnes pour 30 000 emplois, une contribution de 750 millions de dollars au PIB, 450 millions de dollars au titre des salaires et de ce total, la pêche commerciale représente environ les deux tiers et l'aquaculture, l'autre tiers.

Comparativement à nos concurrents, nous sommes considérés en Colombie-Britannique comme un producteur à coût élevé et à faible volume. De toute évidence, les Asiatiques du Sud affichent des coûts faibles et très souvent des volumes élevés également. Notre plus grand concurrent est l'État de l'Alaska, et bien qu'il soit vrai que ses coûts soient élevés, il affiche également des volumes très élevés, si bien qu'en général, nous ne produisons que le dixième ou moins de ce que produit l'Alaska.

C'est vraiment une entreprise de calibre mondial, pour le meilleur ou pour le pire. Vous pouvez aller dans un supermarché à Vancouver et acheter un filet de saumon kéta du Japon qui a été transformé en Chine pour moins que ce qu'un filet de saumon de la Colombie-Britannique ne vous coûterait.

Pour le meilleur ou pour le pire, nous avons été témoins de plusieurs tendances. C'est ce que j'entends par mondialisation. Nous avons assisté à l'expansion de l'aquaculture, qui a connu une augmentation de son chiffre d'affaires de plus de 50 p. 100 au cours des 10 dernières années. Nous avons assisté également aux changements technologiques qui se sont produits dans toutes les facettes de l'industrie — la récolte, la transformation et le transport. Nous avons également été témoins d'une diminution des obstacles commerciaux, de sorte que l'on peut importer et exporter presque tout de par le monde. Nous avons également assisté à l'intégration et à la consolidation économiques. Nos clients sont de plus en plus gros et de plus en plus exigeants. Nous avons également été témoins de la transformation au large des côtes dans bien des cas. Nos concurrents de l'Alaska expédient d'importants volumes de saumon en Chine pour le faire transformer là-bas et le poisson revient sur le marché nord-américain par la suite.

Au fur et à mesure que nos clients prennent de l'expansion, leurs attentes sont de plus en plus grandes. Il en va de même des consommateurs. Ils attendent un approvisionnement stable, des prix stables, une grande qualité, une responsabilité au chapitre de l'environnement et des produits sains. Si nous voulons approvisionner ces marchés, nous devons assurer la gestion efficace des pêches. Il nous faut aussi assurer une conservation efficace de la ressource.

En Colombie-Britannique, nous sommes aux prises avec des difficultés supplémentaires parce que nous devons conclure des traités avec les Premières nations et la composante des pêches que renferment ces traités sera une des plus difficiles à régler. Par conséquent, il est essentiel que nous établissions des principes équitables de sorte que la pêche génère de la richesse pour qui l'exploite parce que l'autre choix est d'avoir une pêche qui dissipera la richesse à un coût considérable pour le contribuable.

Vous avez dit dans votre rapport souhaiter aller en Nouvelle-Zélande pour y étudier le système de quotas. Nous vous invitons à venir en Colombie-Britannique parce que dans notre province, le système de quotas fonctionne bien. Nous avons huit pêches assujetties aux quotas, et ces pêches ont permis de réaliser d'importantes améliorations au chapitre de la conservation, des conditions de travail et de la viabilité économique.

Je suis accompagnée de personnes qui vous parleront un peu plus en détail de cette question, mais je m'arrête ici en vous disant qu'une pêche bien gérée, qui répond aux besoins des clients à l'échelle nationale et internationale, sera plus rentable pour les collectivités côtières à long terme qu'une pêche qui ne peut survivre sans subventions gouvernementales.

M. Featherstone, représentant de la Pacific Urchin Harvesters Association et qui travaille donc dans une pêche contingentée, vous parlera un peu plus de son expérience, après quoi MM. Morley et Kasmer vous feront part de leur expérience de la pêche au saumon.

M. Mike Featherstone, Pacific Urchin Harvesters Association, British Columbia Seafood Alliance : Merci beaucoup de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant votre comité aujourd'hui. Comme il a été précisé, je suis président de la Pacific Urchin Harvesters Association. Nous représentons les 110 détenteurs d'un permis de pêche et nous travaillons également en étroite collaboration avec les transformateurs qui participent à cette pêche.

Notre objectif principal est la viabilité. Ensuite, une fois le total autorisé des captures atteint, nous tentons d'exploiter les ressources pour en tirer le plus d'argent possible. Cela est non seulement important pour nous, mais pour tout le Canada. Notre troisième objectif est de travailler et de collaborer au développement et à l'information des collectivités côtières. Je peux vous donner quelques exemples de notre travail à cet égard.

Je suis également président d'une autre petite usine de pêche à valeur ajoutée à Maple Ridge; je connais donc les difficultés que comportent la transformation et l'exploitation en ce qui a trait à l'approche axée sur les marchés que nous avons adoptée et je peux vous dire comment nous essayons d'ajouter de la valeur à la pêche.

Je vais vous faire un bref historique de notre système de quotas et de son développement. La pêche à l'oursin rouge géant a suivi l'évolution normale de bien des pêches dans le monde, mais plus particulièrement en Colombie- Britannique. Je vous recommande de lire l'ouvrage intitulé Managing Fisheries. Il s'agit de 10 études de cas provenant de la Colombie-Britannique. C'est un ouvrage facile à lire et qui résume bien les pêches contingentées. On y parle d'environ 10 pêches contingentées en Colombie-Britannique.

Je me dois toutefois de préciser que je ne suis pas ici pour formuler des recommandations au nom des pêcheurs de saumon ou des gens de la côte Est. Le Canada est un pays très diversifié. Je n'aime pas l'approche généralisée, et je pense que les régimes de gestion propres à diverses régions devraient être développés par les gens des collectivités intéressées.

La pêche à l'oursin rouge géant a d'abord été une pêche à accès libre. Tout le monde avait le droit d'avoir un permis. Ensuite, elle est devenue une pêche à accès limité et des critères ont été mis au point. Par exemple, entre 1986 et 1989, il fallait avoir rapporté à quai 75 000 livres, ou, sur la côte Nord, 5 000 livres et si vous étiez un pêcheur autochtone, il fallait avoir mené des activités liées à la pêche à l'oursin. Si vous aviez suivi une formation, acheté un bateau ou un compresseur, ou si vous y aviez songé, vous pouviez demander et obtenir un permis de pêche à l'oursin rouge géant. C'est ainsi que nous avons établi les choses. Les pêcheurs d'oursins respectaient des critères différents de ceux qui étaient imposés aux autres pêcheurs.

Une fois la pêche limitée, comme c'est le cas dans la plupart des pêches, nous avons assisté à la course au contingentement. On ne parlait pas de « quota » à l'époque, mais de total autorisé des captures. En 1992, la pêche a atteint un sommet avec quelque 27 millions de livres. En 1993, le ministère des Pêches et des Océans est intervenu pour limiter le nombre de livres de poisson que nous pouvions pêcher. Cela équivalait à environ 1 million de livres par mois. La pêche commençait au début de chaque mois, et deux jours plus tard, nous avions terminé. Il n'y avait aucune continuité en ce qui concerne les emplois dans les collectivités côtières. C'était mauvais pour les pêcheurs. Si la météo était défavorable, les pêcheurs sortaient et allaient se tuer en mer.

En 1994, situation unique dans les pêches partout au monde, les pêcheurs ont dit : « Assez, c'est assez. » Nous sommes rendus à Prince Rupert, nous avons retiré tous nos bateaux de l'eau, nous nous sommes assis et avons conçu et mis en oeuvre notre propre système de contingentement volontaire sans la participation du gouvernement. Celui-ci ne voulait pas de système de quotas à l'époque, il s'y opposait. Nous avons appris pourquoi plus tard. En 1996, des cadres supérieurs du MPO m'ont remis en cachette certains documents. Vous serez surpris d'entendre que le gouvernement disait des choses comme celles-là, mais voici ce qu'il disait : « Nous ne voulons pas que ces pêcheurs aient un système de quotas, parce qu'en réalité, cela ajouterait de la valeur à cette pêche. Si tel était le cas, alors, nous ne serions pas capables d'acheter les permis à bas prix et de les redistribuer aux bandes autochtones pour conclure les traités. » Le gouvernement parlait également de profits exceptionnels. Bon sang, il ne faut pas que les pêcheurs aient des profits exceptionnels, ce serait une honte. Faites en sorte que nous ne puissions enlever nos bottes et nos vêtements sales, et faire de l'argent. Je trouve ça vraiment insultant.

Compte tenu des communiqués de presse qui ont été publiés et des efforts que nous avons déployés, on nous a accordé notre système de quotas qui a été mis en œuvre. Depuis, nous avons constaté une augmentation phénoménale de la valeur de la pêche. Nous avons également été témoins d'améliorations au chapitre de la sécurité. En ce qui concerne la conservation, les prises autorisées dans une région équivalaient à quelques centaines de milliers de livres. En une fin de semaine, nous pouvions ramener 400 000 livres. Maintenant, nous n'avons pas excédé notre total autorisé de captures (TAC) depuis que le système de quotas a été mis en œuvre.

En plus, nous finançons la recherche gouvernementale. Vous avez précisé dans l'une de vos recommandations que le MPO devait être financé pour exécuter son mandat. Je suis tout à fait d'accord. Nous finançons un biologiste, la surveillance sur les lieux et la validation au débarquement. Dans la pêche à l'oursin de mer, par exemple, nous payons 5 500 $ par permis. Avant le système de quotas, nous payions 50 $ pour aller pêcher. Le gouvernement recouvre beaucoup d'argent. Pour ce qui est de la pêche à la panope, par exemple, nous payons 40 000 $ par permis de pêche. Nous avons un budget de plus de 2 millions de dollars. Nous comptons quatre biologistes qui travaillent à la Station biologique du Pacifique et nous avons un système intégral de surveillance en mer.

De toute évidence, nous estimons que le système de quotas comporte de grands avantages. Nous ne disons pas que c'est la panacée pour tout le monde, mais assurément, notre expérience a été très positive. Si certains soulèvent d'autres questions, elles devraient porter sur la mise en œuvre. Si vous êtes préoccupés par la concentration de la propriété, je ne crois pas que l'urbanisation des permis soit un problème pour nous. Nous comptons sensiblement les mêmes personnes qui participent à la pêche aujourd'hui que ce n'était le cas il y a 25 ans. Il y a très peu d'échanges de permis. Si la pêche est fructueuse, ce sera une pêche vigoureuse. La plupart des gens vivent encore sur l'île de Vancouver.

Dans le rapport Ecotrust, il est fait mention d'un détenteur de permis à Whistler. C'est moi. J'ai vécu à Whistler pendant 25 ans. J'y vivais avant le système de quotas. Je n'étais jamais à la maison parce que j'étais toujours à la pêche, mais je vis encore là maintenant. C'est là que ma famille a grandi et c'est ma collectivité.

Quelques pêcheurs de saumon vivaient aussi à Whistler, mais comme dans bien des pêches au saumon, en raison du passage de la gestion où les stocks sont forts à une gestion où les stocks sont faibles, ces personnes n'ont pas d'emploi parce qu'il n'y a pas de poisson à pêcher. Ce n'est pas parce que le MPO a décimé ces collectivités côtières. C'est très injuste de dire cela. L'économie des collectivités côtières de la Colombie-Britannique repose sur le bois d'œuvre, les mines et la pêche, et chacune d'elles a une histoire différente. Je pourrais vous raconter pratiquement toutes ces histoires. Il est injuste de dire que le MPO a causé la dévastation de ces collectivités côtières.

Pour ce qui est du rapport de Parcival Copes, il date de 1986. Nous sommes en 2005. M. Copes devrait le mettre à jour et obtenir d'autres renseignements. Peut-être devrait-il venir nous rencontrer et voir comment nous gérons la pêche. Il est absolument impossible de dépasser les quotas dans n'importe quelle pêche de la Colombie-Britannique. Chaque livre de poisson est validée au débarquement au quai par une tierce partie. Comme je l'ai dit, dans certains cas, le total autorisé de nos captures a dépassé de 1 p. 100 une ou deux années pour la pêche à la panope, mais jamais pour la pêche à l'oursin rouge géant depuis la mise en œuvre des quotas. On n'a jamais signalé que quelqu'un ait tenté de dépasser ce quota. C'est absolument ridicule, à mon avis.

En ce qui concerne le rejet sélectif, nous avons un système intégral de surveillance en mer. Non seulement les surveillants s'assurent de l'endroit où nous pêchons et comment nous le faisons, mais ils recueillent aussi des données biologiques utiles qui sont utilisées pour la gestion de la pêche. Il est impossible de parler de conservation sans les données et l'information nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Toutes ces choses découlent de la pêche contingentée.

Le président : Parlez-vous de quotas en général, de toutes les pêches contingentées ou faites-vous référence à la pêche à l'oursin rouge géant?

M. Featherstone : Je parle en général de toutes les pêches contingentées en Colombie-Britannique. Pour ce qui est de la pêche au flétan, par exemple, on vise à assurer une surveillance totale en mer. Je crois que pour ce qui est de la flotte de chalutiers de pêche hauturière, la surveillance en mer est totale. Je crois que c'est la même chose pour le hareng. Je ne suis pas sûr au sujet des autres.

De façon générale, on met en place un système de quotas, on veut qu'il soit appliqué et surveillé, et dans l'ensemble, ce système est payé par les pêcheurs et appliqué par des tierces parties indépendantes, mais tout le monde travaille main dans la main. On ne peut pas laisser entrer le loup dans la bergerie, et nous l'acceptons.

M. Tom Kasmer, Gulf Trollers Association, British Columbia Seafood Alliance : Je suis pêcheur de saumon à la ligne de métier. Je pêche dans ce que je considère être l'une des plus belles régions de la côte de la Colombie-Britannique, dans le golfe de Georgia et le détroit de Johnson, situé entre l'île de Vancouver et la côte continentale. Les pêcheurs de saumon à la ligne dans l'ensemble se déplacent sur toute la côte de la Colombie-Britannique. La flotte de bateaux de pêche à la ligne est une petite flotte. La taille moyenne d'un bateau qui pêche sur la côte Est d'environ 42 pieds. Nous pêchons les poissons individuellement avec un hameçon et une ligne, comme le font les pêcheurs récréatifs, sauf que nous avons quelques hameçons de plus dans l'eau en même temps.

Les pêcheurs à la ligne vivent également dans les collectivités côtières réparties le long de la côte de la Colombie- Britannique. Nous avons des pêcheurs à la ligne qui vivent dans l'archipel de la Reine-Charlotte, à Prince Rupert, dans d'autres collectivités sur la côte continentale et dans de nombreuses collectivités de l'île de Vancouver; nous avons même quelques pêcheurs de saumon à la ligne qui vivent à Vancouver.

Personnellement, je pêche le saumon et le thon blanc. Je ne participe à aucune pêche contingentée et je n'ai pas d'autres permis dans des pêches contingentées. Par conséquent, j'aime bien me dire que je n'ai pas d'intérêts particuliers ni de choses à faire valoir sur la question. Cela étant dit, je crois que les quotas individuels de bateau (QIB) peuvent améliorer la gestion de la pêche au saumon, comme il a été précisé dans le rapport de Pearse et McRae intitulé « Les traités en transition. »

Le problème s'est posé au cours de la dernière décennie, parce que nous avons assisté à une réduction importante des prises de saumon, perte attribuable en grande partie aux limites imposées par la conservation. Ainsi, de nombreuses pêches voient maintenant leurs efforts dédoublés, ou bien elles sont aux prises avec des problèmes structurels hérités du passé qui font en sorte qu'elles sont peu productives sur le plan économique. Je vais vous donner un exemple. Je suis un pratico-pratique, je vais donc fournir des exemples pour illustrer ce point. Je vais utiliser la pêche à la ligne au saumon quinnat de la côte ouest de l'île de Vancouver.

Là-bas, notre pêche compte 230 détenteurs de permis qui ont une prise annuelle d'environ 150,000 saumons quinnats. Cela représente une valeur au débarquement pour les pêcheurs de 4 à 5 millions de dollars, soit quelque 20 000 $ par permis. De nombreux pêcheurs ne participent pas à cette pêche parce qu'ils sont capables de faire les calculs rapidement et de constater que la structure de cette pêche fait en sorte qu'elle n'est pas viable pour eux.

Le problème tient en partie à ce que cette pêche est structurée sur un certain nombre de mois. La pêche l'hiver n'est pas longue, elle est suivie de pêches plus importantes en mars, avril, mai, septembre et octobre. Chaque pêcheur reçoit des allocations de pêche de 10 000 à 40 000 poissons, selon le mois.

La pêche est effectuée à la manière du derby, qui amène souvent, si elle est productive, quelques jours de pêche par mois. Cela veut dire que le risque est particulièrement élevé pour les pêcheurs étant donné les conditions météorologiques défavorables, des bris mécaniques ou encore le fait de se trouver au mauvais endroit. Elle est en outre exacerbée par le fait que certains secteurs regorgent de petit poisson. Les pêcheurs ont tendance à se concentrer dans ces régions parce qu'ils peuvent maximiser leur pêche en deux ou trois jours selon cette méthode. Malheureusement, cela fait baisser les prix parce que les pêcheurs rapportent au quai du poisson beaucoup plus petit que ce ne serait le cas autrement. La pêche est de piètre qualité parce que les pêcheurs prennent beaucoup plus de poissons en une journée qu'ils ne le feraient en d'autres circonstances. Dans une pêche courte comme celle-ci, le poisson est en général ramené à quai en même temps, à la fin d'une brève ouverture de la pêche, ce qui a pour effet d'inonder le marché et de faire baisser les prix.

Les pêcheurs doivent pêcher chaque mois pour être capables d'attraper leur part de prises annuelles, si bien qu'ils doivent être là pendant deux, trois ou quatre jours, voire une semaine, chaque fois pour être capables de pêcher le total de prises accordées. Ainsi, cela ajoute très peu de valeur pour les détenteurs de permis, les pêcheurs, l'équipe ou les collectivités côtières dans lesquelles nous vivons. Nous avons donc une pêche qui vaut 4 ou 5 millions de dollars annuellement et qui n'est pratiquement pas utile pour aucun des participants.

Une pêche assujettie aux QIB, si nous avions la possibilité de la restructurer, assurerait à la fois la certitude des prises en accordant une part des prises à chaque pêcheur, et la souplesse nécessaire pour espérer en tirer certains avantages. Nous réduirions le danger parce que les pêcheurs ne seraient pas pris au piège par des conditions météorologiques défavorables, un bris mécanique ou le fait de se trouver au mauvais endroit. Ils pourraient aller pêcher dans des régions où en général ils attrapent des poissons plus gros parce qu'il n'y aurait pas d'aspect concurrentiel en jeu. Ils pourraient passer plus de temps à attraper du poisson plus gros et à accroître la valeur de leurs prises. Ils n'auraient pas à surcharger leurs systèmes de réfrigération ni leur capacité de transformer le poisson lorsqu'ils en pêchent beaucoup parce qu'ils ne seraient pas obligés d'en prendre autant qu'ils pourraient. Ils pourraient aller à leur propre rythme parce qu'ils auraient suffisamment de temps. On se retrouverait donc avec un produit de meilleure qualité.

Ainsi, on aurait, comme c'est le cas pour la pêche au flétan qui a suivi le même cheminement, un approvisionnement stable du produit pour le marché, ce qui stabiliserait les prix et aurait tendance à améliorer le marché plutôt que de faire baisser les prix. En plus, pour que la pêche soit plus viable, les pêcheurs pourraient s'échanger les quotas entre eux, si bien qu'ils n'auraient pas besoin d'aller pêcher au cours des différents mois pour obtenir leur part. Un pêcheur pourrait prendre son total de captures en avril, un autre en mai, un troisième pourrait prendre tout son quota en septembre, si bien que l'on pourrait répartir les efforts de façon à ce que la pêche puisse être gérée efficacement et avantageuse pour tout le monde.

Ainsi, nous pourrions maintenant avoir une pêche dont la valeur totale et la qualité augmenteraient, un produit de plus grande valeur qui génère de véritables avantages financiers pour les pêcheurs et les équipes parce que les équipes ne font pas beaucoup d'argent si elles ne pêchent que quelques jours par mois. La main-d'œuvre n'est pas tellement nombreuse, et conserver un bon équipage devient un problème dans la pêche au saumon et dans les collectivités côtières dans lesquelles nous vivons tous.

Mais qu'est-ce qui fait problème ici? Qu'on le veuille ou non — et moi, je le veux — le saumon est un symbole culturel de la Colombie-Britannique. Aucune autre pêche et aucune autre espèce ne génère autant de réactions et de passions de la part des habitants de la Colombie-Britannique que la pêche au saumon. Les gens s'emportent. Il y a plusieurs groupes dont vous avez probablement entendu parler qui sont opposés aux QIB, soit pour des raisons idéologiques, soit pour des raisons politiques. Je dirais même que certains d'entre eux ont des intérêts de longue date qui sont menacés par une sécurité d'accès plus grande à la pêche commerciale, ou en fait par de meilleures perspectives financières pour la pêche commerciale au saumon.

Pendant l'année, depuis la publication du rapport Pearse-McRae, nous avons bien sûr eu des nouvelles de toutes ces personnes. Ce printemps, il y aura une pêche de démonstration assujettie aux QIB dans l'archipel de la Reine- Charlotte. Durant l'hiver, le comité d'exploitation de la région a tenu plusieurs réunions houleuses où tous les opposants ont eu la chance de se faire entendre. Les détenteurs de permis de pêche ont maintenant la possibilité de participer à la pêche assujettie aux QIB ou à la pêche traditionnelle de style derby. Quand est venu le temps de faire un choix, 90 p. 100 des détenteurs de permis ont opté pour la pêche assujettie aux QIB.

Sauf quelques exceptions, ces participants prennent leurs propres quotas. Ils ne le font pas pour pouvoir rester à la maison et devenir des pêcheurs de salon. Notre flotte est une flotte de petits bateaux. Nous attrapons du poisson avec un hameçon et une ligne. Nous n'avons pas des navires de 100 pieds qui peuvent aller en mer et attraper les quotas de 20 ou 30 navires en un seul coup. Nous pêchons du poisson selon un processus long et difficile à l'aide d'un hameçon et d'une ligne, un à la fois. La concentration des entreprises dans la plupart des secteurs de la pêche au saumon en Colombie-Britannique n'est pas un problème. Le gros problème pour nous, c'est la capacité de participer à une pêche financièrement viable qui peut générer de véritables profits pour tout le monde, pour les collectivités côtières et pour la Colombie-Britannique.

Je n'essaie pas de vous dire que la pêche assujettie aux QIB est une panacée simple et facile ou la solution à tous les problèmes parce que je ne pense pas que vous me trouveriez très crédible. Je ne dis pas non plus qu'il ne peut pas y avoir de problèmes avec la gestion selon les QIB, mais cela peut être un bon outil pour transformer la bataille actuelle pour faire de la pêche au saumon une pêche saine et dynamique.

M. Rob Morley, Conseil canadien des pêches / Canadian Fishing Co., British Columbia Seafood Alliance : Merci de l'occasion que vous nous offrez de comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis vice-président des Ressources humaines et du développement commercial du Conseil canadien des pêches. Le Conseil canadien des pêches est la grande entité commerciale de l'industrie de la Colombie-Britannique. Nous sommes la société de pêche et de transformation du poisson la plus importante de la province.

En 2006, nous célébrerons notre centenaire. Nous existons depuis longtemps et nous avons assisté à beaucoup de changements au sein de l'industrie. Certes, il y a eu de nombreux changements tant dans la pêche que dans la transformation du poisson au cours de la dernière décennie, et nous sommes moins nombreux aujourd'hui. Je vais y revenir tout à l'heure.

Outre le fait d'être la plus importante entreprise de la Colombie-Britannique, nous nous occupons également de la pêche au saumon et au hareng de l'Alaska. Nous sommes un joueur important dans cette pêche par l'entremise d'une filiale que nous possédons, Alaska General Seafoods. Nous possédons et exploitons trois usines de transformation en Colombie-Britannique, une à Vancouver et deux à Prince Rupert. Nous possédons une flotte de bateaux. Nous possédons un parc de véhicules qui recueillent le poisson des pêcheurs à quai et le livrent aux usines. Nous possédons également une flotte d'environ 30 gros senneurs qui pêchent le saumon et le hareng et, dans une moindre mesure, quelques chalutiers pour la pêche à la traîne. Nous avons également quelque 30 autres gros navires ou à peu près dans une coentreprise, 50/50, avec des pêcheurs, et un nombre semblable de navires qui appartiennent à des intérêts indépendants et qui sont exploités par ces mêmes intérêts.

De plus, nous faisons de la pêche au filet maillant pour le saumon et nous achetons le poisson à plusieurs centaines de pêcheurs indépendants qui pêchent sur de petites embarcations à filet maillant.

Nous comptons quelque 1 400 employés en Colombie-Britannique, dont un millier travaillent dans nos usines à Prince Rupert. Nous sommes l'employeur le plus important du secteur privé non subventionné par le gouvernement à Prince Rupert. Soixante-cinq pour cent des travailleurs sont des membres des Premières nations qui viennent de Prince Rupert et des collectivités environnantes.

Je vais aborder brièvement quelques éléments qui ont été décrits comme des préoccupations au sujet des changements dans la pêche en Colombie-Britannique en ce qui a trait aux structures de délivrance des permis et au passage à une pêche plus contingentée, et sur ce que ces préoccupations peuvent ou non vouloir dire.

L'une des questions qui a été abordée par certains des témoins que vous avez entendus et dans votre rapport, c'est l'urbanisation ou le contrôle commercial des permis et ce que cela veut dire pour les collectivités côtières.

Nous sommes le plus important propriétaire de permis de pêche en Colombie-Britannique, mais nous ne pouvons les utiliser nous-mêmes. Nous devons engager des skippers et des membres d'équipage pour exploiter ces navires. À bord des navires que nous possédons, 80 p. 100 des membres d'équipage sont des membres des Premières nations qui vivent dans des collectivités comme Campbell River, Alert Bay et des collectivités côtières éloignées. Les personnes qui examinent les permis et les dossiers indiqueront que ce sont des permis qui sont de Vancouver. De toute évidence, ce n'est pas le cas. Les permis permettent aux collectivités de la région côtière de subvenir à leurs besoins. Nous avons besoin de ces membres d'équipage pour exploiter les bateaux et nous avons besoin d'eux pour offrir des emplois viables qui nous permettent de continuer notre exploitation.

Certains se sont dits préoccupés de voir que lorsqu'on passe à la pêche contingentée, il y a accroissement de la concentration des permis et du contrôle des entreprises. Si vous lisez l'ouvrage que M. Featherstone a recommandé et les études qui ont été faites, l'expérience de la pêche contingentée en Colombie-Britannique va tout à fait dans le sens contraire.

Pour le flétan, par exemple, avant la pêche contingentée, ce que faisaient les grandes entreprises de transformation surtout, c'était d'acheter le poisson aux pêcheurs, de le congeler et de le revendre. Les pêcheurs n'avaient pas beaucoup de choix lorsqu'ils venaient en ville. Lorsqu'ils ne savaient pas combien de poisson ils prendraient et qu'ils arrivaient tous à peu près en même temps au quai, ils devaient compter sur quelqu'un pour les débarrasser de ce poisson. S'ils avaient une grosse prise à offrir en même temps, ils étaient forcés de traiter avec les grandes entreprises ayant le plus de capacité. Mais comme c'est un produit frais, qui peut se gâter, ils devaient s'en défaire rapidement. Résultat : nous, en tant qu'entreprises, n'achetons plus de flétan en Colombie-Britannique.

Comme les pêcheurs de flétan peuvent prendre les arrangements nécessaires avant de partir pêcher parce qu'ils peuvent magasiner et, dans certains cas, traiter directement avec les clients, il peut donc y avoir davantage d'autres pêcheurs qui s'occupent des petites quantités et qui ont de plus petites exploitations. En réalité, l'expérience vécue est tout à fait contraire à ce que nous craignions. Lorsque la pêche contingentée a été établie en Colombie-Britannique, le pouvoir des grandes et des petites entreprises a diminué. Les pêcheurs avaient donc plus de pouvoirs pour faire leurs propres ententes de marketing, obtenir un prix plus élevé et avoir accès à plus d'acheteurs.

Nous, en tant qu'entreprise, appuyons toujours les réformes qui sont proposées pour la pêche au saumon en Colombie-Britannique. C'est une question de viabilité économique et de survie de la pêche au saumon. Beaucoup de changements ont été apportés et, à notre avis, de par notre expérience en Alaska et en Colombie-Britannique, l'industrie de la Colombie-Britannique doit changer sinon, elle ne pourra survivre. Actuellement, les travailleurs à quai et les pêcheurs ne tirent pas assez de revenus de leur pêche pour poursuivre leur exploitation. On va commencer à voir des navires attachés au quai et des usines fermées. Il nous faut trouver un moyen de réformer cette pêche pour la rendre économiquement viable.

À notre avis, en tant que petit producteur, la stratégie que nous croyons être efficace vise à cibler des marchés de plus grande qualité et des créneaux à plus grande valeur et à exercer un contrôle sur nos coûts si nous voulons survivre. Autrement, nous ne serons pas en mesure de maintenir le nombre d'emplois que nous fournissons actuellement dans l'industrie. Il nous faut ces réformes pour subvenir aux emplois et il y a des progrès à faire en adoptant le genre de pêche contingentée recommandée par les professeurs Pearse et McRae.

Le président : Merci. Vos exposés ont été très utiles.

Le sénateur Hubley : Merci de nous inviter à examiner le système de la Colombie-Britannique. C'est un système que nous envisageons.

Ma première question porte sur les QIB, c'est-à-dire les quotas individuels de bateau. Lorsque vous dites qu'un quota est accordé à un certain navire, il est en fait accordé pour une entreprise ou une flotte?

M. Kasmer : Dans la plupart des pêches assujetties à la gestion des quotas, en Colombie-Britannique, les quotas sont assignés au permis qui appartient au navire. Presque tous les détenteurs de permis de pêche en Colombie-Britannique doivent être utilisés par un bateau. Ils sont attribués au détenteur du permis pour ce bateau en particulier.

Le sénateur Hubley : On nous a parlé des quotas individuels transférables (QIT). Certaines collectivités côtières de l'Atlantique sont en faveur d'un quota communautaire pour s'assurer que leur secteur de la pêche aura un avenir et qu'on ne perd pas les emplois qui font vivre la collectivité du fait qu'un quota a été emporté par une entreprise dans une autre partie de la région.

Pouvez-vous faire des commentaires sur les quotas communautaires par rapport aux quotas individuels de bateau?

M. Kasmer : Les collectivités ont donc la possibilité d'encourager les pêcheurs à obtenir des permis ou des quotas sur le marché libre. Il existe un marché libre pour les quotas, tout comme pour d'autres denrées, produits ou biens immobiliers au Canada. Le système aiderait les pêcheurs de la collectivité et la collectivité à faire en sorte que les quotas sont utilisés par elle.

Cela étant dit, je crois que les collectivités côtières ont profité de la pêche au flétan, par exemple, parce que la majeure partie de cette pêche doit se faire à l'endroit où se trouve le flétan et dans l'ensemble, les pêcheurs des petites flottes sont répartis le long de la côte de la Colombie-Britannique. Ils pêchent à partir de Port Hardy, Port McNeil, Prince Rupert, Sandspit, Queen Charlotte City et d'autres collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Il en est ainsi de plusieurs petites collectivités de la côte ouest de l'île de Vancouver qui, autrefois, étaient tributaires de la pêche au saumon. Ces collectivités ont constaté que le secteur de la pêche a repris de la vigueur, ou à tout le moins, qu'il se refait une santé. Les collectivités approvisionnent et exploitent les flottes qui en partent et qui y ramènent leur poisson.

Les collectivités ont véritablement la possibilité de participer à cette pêche. Les collectivités, les municipalités, les villes et les entreprises municipales ont toujours participé à des activités économiques qui attirent des industries différentes dans leur région et qui offrent des mesures incitatives permettant à ces industries de continuer d'être exploitées là-bas. Elles pourraient jouer le même rôle pour la pêche au saumon ou d'autres pêches en Colombie- Britannique.

M. Morley : En ce qui concerne les quotas communautaires, ce qui est le plus difficile dans le passage d'une pêche de style derby à une pêche contingentée, c'est de déterminer comment au départ attribuer les quotas. Lorsqu'une collectivité veut un quota, elle doit tenir compte du pêcheur de qui elle reprend le quota et qu'elle force à aller dans cette collectivité pour accéder à la pêche. C'est là un problème politique majeur.

Je suis d'accord avec M. Kasmer que si une collectivité veut maintenir une base économique, rien ne l'empêche d'entrer dans le secteur et d'acheter un quota. Quant à savoir si les gouvernements de palier supérieur veulent la financer pour ce faire, c'est à eux d'en décider. Comme Mme Burridge l'a précisé, la pêche est une entreprise mondiale et il faut avoir un très bon sens des affaires pour faire fonctionner une exploitation de pêche. Les pêcheurs y sont parvenus grâce à leurs activités. La plupart des administrations ministérielles n'ont aucune connaissance ou expérience du domaine. Bien honnêtement, le modèle d'exploitation des entreprises par les gouvernements semble s'effondrer dans le monde. Je ne suis pas certain que ce soit là l'orientation que l'on veuille prendre, ni qu'elle soit nécessaire, compte tenu que les collectivités de la Colombie-Britannique survivent grâce à leurs entreprises de pêche.

Les gens de la Colombie-Britannique n'aiment pas se faire dire où ils doivent vivre pour gagner leur vie. L'histoire des collectivités de la Colombie-Britannique est très récente, contrairement à celle de la région de l'Atlantique. Très peu de nos collectivités ont 100 ans, même. Très peu de personnes sont nées et ont été élevées dans ces collectivités. De tout temps, les gens de la Colombie-Britannique déménagent là où se trouvent les emplois. Nous avons de l'expérience en ce qui concerne les changements apportés à l'industrie minière et forestière et aux marchés mondiaux. Les gens se disent que même si la pêche est un mode de vie, c'est aussi un gagne-pain et, à moins que l'on trouve quelqu'un qui soit disposé à l'appuyer, elle ne peut exister.

Auparavant, nous avions des conserveries dans quelque 300 petites collectivités le long de la côte. Il y a maintenant quatre grandes conserveries de saumon en Colombie-Britannique. Si nous avions été forcés de maintenir une usine dans chacune de ces collectivités, le secteur serait inexistant parce qu'il n'aurait pu faire concurrence sur les marchés mondiaux que nous approvisionnons.

Le sénateur Hubley : Notre comité a répété à maintes reprises que l'approche universelle n'est probablement pas la solution. Il y a beaucoup de diversité dans les pêches au Canada.

Le sénateur Adams : Le Nunavut est un peu différent de la Colombie-Britannique. C'est encore le printemps là-bas. L'omble se trouve à l'embouchure du lac, prêt à descendre la baie pour y frayer.

Mme Burridge a dit qu'il revient moins cher d'acheter le saumon transformé en Chine. Est-ce que ce poisson est attrapé en Colombie-Britannique, expédié en Chine pour y être transformé et retourné chez nous? Comment ce système fonctionne-t-il?

Mme Burridge : Comme je l'ai précisé tout à l'heure, le secteur des fruits de mer est un secteur de catégorie mondiale. L'un des plus gros changements a été l'augmentation des activités du secteur de la transformation en Chine et, dans une moindre mesure, en Thaïlande, au Vietnam et en Corée. Le poisson est récolté en Europe et en Alaska et un petit peu en Colombie-Britannique. Cependant, nous n'en sommes pas encore tout à fait rendus là. Le poisson est surgelé et expédié en Chine où il est retransformé dans des entreprises ultramodernes en produits à valeur ajoutée qui reviennent sur les marchés à haute valeur de l'Amérique du Nord et de l'Europe et le poisson est ensuite vendu à des grandes chaînes comme Wal-Mart et Costco. Il revient sous diverses formes de produits à valeur ajoutée, réfrigéré et congelé, dans les supermarchés. Cette façon de faire a transformé le secteur. Le poisson est gelé deux fois, prêt à manger, c'est un produit pratique qui est vendu à des prix très attirants pour les consommateurs.

La Colombie-Britannique a certains avantages parce que nous sommes très près de ce corridor I5.

Notre avantage concurrentiel, c'est de pouvoir expédier un produit frais aux États-Unis. Nous sommes une industrie d'exportation. Les Canadiens mangent moins d'un quart de ce que nous produisons. Bien sûr, nous devons faire concurrence avec des produits qui sont moins chers, parfois plus pratiques et parce qu'ils peuvent être associés à une marque, jouissent d'un degré considérable de soutien sur le plan marketing. Le secteur est en train de changer et il est important que nous, en Colombie-Britannique, reconnaissions ce qui est en train de se produire. Nous devons tenir compte de nos avantages, de l'endroit où se trouvent les créneaux, il faut savoir où nous pouvons nous démarquer et faire ce que nous pouvons pour nous intégrer sur ces marchés. Le problème, c'est que, de la façon dont la pêche au saumon est structurée, nous ne pouvons le faire. Nous fabriquons un produit de grande valeur qui est souvent de moindre qualité parce que nous avons d'énormes goulots d'étranglement.

Le sénateur Adams : Avez-vous 1 300 ou 13 000 employés?

Mme Burridge : Nous avons environ 30 000 emplois dans le secteur des fruits de mer et 13 000 années-personnes.

Le sénateur Adams : Vous parlez d'activités à quai et en mer. Comment se répartissent les chiffres? Est-ce que la majeure partie de la transformation se fait en mer et, par conséquent, est-ce que la plupart des employés travaillent sur les bateaux? M. Morley a dit qu'environ 80 p. 100 de vos travailleurs sont des Autochtones. J'aimerais savoir où travaillent la majorité d'entre eux et qui ils sont. Je suppose qu'on fait la même chose au Nunavut pour s'assurer que les collectivités profitent de la pêche. Les QIT ont été mis en place il y a 10 ans et maintenant, l'autre entreprise veut déplacer notre pêche et cesser de transformer le poisson dans la collectivité. Sur les 30 000, combien de personnes travaillent sur les bateaux et combien travaillent à quai?

Mme Burridge : Des 30 000 emplois, environ 8 375 sont des pêcheurs, ce qui donne 3 410 années-personnes, et le reste, ce sont des travailleurs d'usine. Ces chiffres incluent l'aquaculture.

Le sénateur Adams : Monsieur Featherstone, est-ce que vous avez environ 110 permis?

M. Featherstone : Oui.

Le sénateur Adams : S'agit-il de permis individuels ou de permis qui appartiennent à une entreprise?

M. Featherstone : Ce sont des permis individuels, mais beaucoup d'entre nous se sont constitués en société pour fins d'impôt. Par exemple, j'en ai trois, mais je les avais lorsque le système de quotas a été mis en place. L'entreprise est enregistrée à Vancouver et les personnes qui travaillent avec moi vivent à Comox, sur l'île de Vancouver. Beaucoup de plongeurs travaillent pour nous parce que c'est une pêche en plongée. Nombre d'entre eux vivent le long de la rivière Comox-Campbell ou dans les environs, là où la plongée a commencé. Nous avons de petites entreprises de transformation spécialisées dans notre industrie, ce qui est unique. Dernièrement, une des entreprises a vendu deux de ses permis à des bandes autochtones. Une fois les quotas établis, le gouvernement a acheté les permis aux détenteurs actuels et les a redistribués aux bandes autochtones qui peuvent choisir de les accepter ou non. Au départ, les bandes ont acheté 10 p. 100 des permis et c'est maintenant rendu à environ 12 p. 100. Les ventes les plus récentes ont été effectuées par l'une des petites entreprises de transformation aux bandes autochtones.

Le sénateur Adams : J'aimerais en connaître davantage à ce sujet.

M. Featherstone : Certaines personnes du Nunavut sont venues dans une de nos usines de transformation parce que le Nunavut a des palourdes qui ressemblent à la panope et à la palourde du Japon. Ces personnes ont suivi une formation à Vancouver et sont venues nous rencontrer à l'usine pour voir si nous pouvions faire une coentreprise de marketing leur permettant de récolter et d'expédier le produit. Les problèmes de distance et de transport sont difficiles à résoudre, si bien que le projet n'a pas démarré. Cependant, il y a des choses intéressantes à raconter au sujet de la plongée.

Le sénateur Adams : Environ 10 personnes détiennent un permis sur l'île de Baffin. Au début, l'agence d'exploitation des fruits de mer n'avait pas la machine nécessaire pour tester les eaux pour les palourdes. Cette année, elle va recommencer. Nous avons beaucoup de palourdes au large de l'île de Baffin. J'ai déjà demandé au MPO pendant combien d'années les palourdes pouvaient être récoltées. On m'a dit que cela pouvait aller jusqu'à 100 ans, ce qui est bon pour les gens de la collectivité. J'aimerais en savoir un peu plus sur ce qui s'est produit parce que la situation est semblable sur la côte Est. Les Autochtones et certains syndicats de pêcheurs se sont disputés les quotas. On a appliqué les règlements du MPO et nous avions besoin de plus de quotas, donc le MPO a acheté des quotas qui ont été ensuite transférés aux Autochtones. Est-ce ce qui se produit actuellement en Colombie-Britannique?

M. Featherstone : Oui. C'est ce que préconise l'industrie. Pour l'une des pêches contingentées, qui appartenait à 95 p. 100 aux Autochtones et qu'on appelait les œufs sur varech, où le hareng fraie sur le varech, on a créé de nouveaux permis qui n'ont pu assurer la viabilité économique de ces gens. Comme le marché s'est effondré, le prix auquel ils pêchent aujourd'hui est de 2 $ inférieur aux coûts de production. Autrement dit, tout le monde perd de l'argent. Il y a surapprovisionnement du marché. Une fois la conservation réalisée, il est important de maintenir ces marchés. Si on doit redistribuer quelque soutien économique que ce soit par le biais d'un permis, on ne veut pas alors créer de nouveaux permis parce qu'ils détruisent totalement le tissu et la viabilité économique de la pêche en créant un surapprovisionnement. Cette pêche appartenait aux Autochtones à 95 p. 100 et est un exemple évident de ce qu'il ne faut pas faire. C'est tragique. Avec notre pêche, le gouvernement a adopté l'approche consistant à acheter les permis et à les offrir ensuite aux groupes autochtones. On a pris environ cinq de nos secteurs de pêche les plus productifs et réservé des secteurs dans les territoires pour un certain nombre de bandes. L'une d'entre elles était la bande Haida dans l'archipel de la Reine-Charlotte. Les Haidas sont très structurés et se préoccupent beaucoup de leur environnement. On a retiré ces zones réservées de notre total autorisé de captures et on les utilise comme secteurs de protection marine. À l'époque, l'expression n'était pas encore connue. On utilise le secteur à des fins d'étude et de recherche en fonction d'un plan commun mis au point par tous les groupes. Nous avons d'excellentes relations de travail et les choses vont bien pour tout le monde.

Le sénateur Adams : Monsieur Morley, vous avez parlé tout à l'heure d'une politique ou d'une entente que vous avez avec le MPO en vertu de laquelle les personnes qui travaillent dans la pêche au saumon sont des Autochtones à 80 p. 100. J'aimerais avoir un peu plus de détails là-dessus. J'ai un peu de difficulté avec certaines entreprises qui veulent engager des Autochtones mais qui disent qu'ils doivent être formés pour savoir comment pêcher. Ces gens ont pêché et chassé toute leur vie, et ensuite, un ministère arrive et leur dit qu'ils doivent être formés pour savoir comment attraper un poisson. Quand je vais pêcher sur la glace, je peux pêcher un poisson et personne n'a besoin de me former. J'ai parfois un peu de difficulté avec les politiques gouvernementales, surtout pour les gens de chez nous qui vivent au Nunavut.

M. Morley : Il n'existe aucune politique gouvernementale exigeant que nous engagions des membres des Premières nations. Nous choisissons de le faire parce que, en fait, comme vous le dites, ce sont de très bons pêcheurs, nous les voulons, et ils attrapent beaucoup de poisson pour nous. En Colombie-Britannique, les gens des Premières nations font partie de l'industrie depuis sa création et y jouent un rôle majeur en ce qui a trait à la pêche et au travail dans les usines. Dans l'ensemble, en Colombie-Britannique, quelque 30 p. 100 des permis de pêche commerciale normale appartiennent à des gens des Premières nations. Ils ont toujours joué un rôle important, et nous avons établi des partenariats avec eux. Nous savons que les collectivités des Premières nations vont avoir accès à plus de quotas. Elles obtiennent leurs quotas dans le cadre de leurs propres traités.

En fait, nous venons tout juste de terminer notre première entente quinquennale avec le peuple Nisga'a en vertu de son traité, qui était le premier traité moderne de la Colombie-Britannique, nous permettant de travailler en partenariat pour acheter et commercialiser son saumon. La semaine dernière, nous avons conclu notre deuxième entente quinquennale stipulant que nous serons à leurs côtés pour aller de l'avant. Il y a, en Colombie-Britannique, des exemples de très bonnes ententes avec l'industrie, et en fait, la participation des Premières nations à la pêche commerciale en Colombie-Britannique est l'un des succès les plus importants, mais passés sous silence, d'intégration dans l'économie mondiale. Il y a chez nous des pêcheurs autochtones qui réussissent extrêmement bien. Je dirais que le plus gros détenteur de permis pour la pêche au saumon n'est probablement pas une entreprise de pêche ou une entreprise de transformation, mais un membre des Premières nations qui possède environ 12 permis de senneur qui sont des permis pour gros bateau.

Le sénateur Adams : Quelle est la valeur totale annuelle de votre industrie actuellement?

Mme Burridge : Le secteur des fruits de mer en Colombie-Britannique vaut environ 1,1 milliard de dollars dont à peu près 769 millions sont attribuables à la pêche commerciale. Pour ce qui est des salaires, le total est d'environ 450 millions de dollars.

Le président : Nous allons maintenant céder la parole au sénateur Mahovlich, de l'Ontario. Même si sa région d'origine n'est pas le plus grand secteur de pêche au monde, le sénateur Mahovlich a toujours manifesté un intérêt particulier pour les questions touchant les pêches.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez raison au sujet des Autochtones. Lorsque je vais à la pêche, je suis les Autochtones, et je m'en tire très bien.

Vous dites qu'il reste quatre conserveries sur la côte. Sont-elles toutes prospères?

M. Morley : Non, elles ne le sont pas, à vrai dire.

Le sénateur Mahovlich : Donc, l'avenir n'est pas reluisant.

M. Morley : Nous possédons deux de ces conserveries, une à Vancouver, l'autre à Prince Rupert. Avec les volumes réduits, les conserveries n'ont pas le débit dont elles ont besoin. Notre conserverie de Vancouver a probablement la capacité de mettre en conserve jusqu'à concurrence de 300 000 ou 400 000 boîtes de saumon par année. Au cours des cinq dernières années, nous n'avons pas atteint 50 000 boîtes par année, et la moyenne ressemble davantage à 15 000. Notre conserverie de Prince Rubert est la plus importante conserverie de saumon au monde. Elle a la capacité de produire un demi-million de boîtes de saumon par année, mais nous sommes loin de fonctionner à ce rythme. Elle fonctionne probablement à 60 p. 100 de sa capacité. Beaucoup de poisson utilisé à Prince Rupert provient de l'Alaska, si bien que nous importons la matière première et la transformons là-bas. C'est ce qui nous permet de survivre.

Toutes les conserveries de la Colombie-Britannique souffrent actuellement de la gestion des pêches qui a fait en sorte d'écourter la saison. Le nombre de jours d'exploitation a été réduit si bien que l'on se retrouve avec une saison de deux ou trois semaines. C'est insuffisant pour soutenir ce genre d'investissement. Il y a encore de bons marchés pour le saumon en conserve, mais nous devons également chercher à pénétrer d'autres marchés à valeur ajoutée et élevée pour le saumon frais et congelé, répartir nos opérations et essayer de nous améliorer. C'est le secret de la survie des pêcheurs et des entreprises en Colombie-Britannique.

Le sénateur Mahovlich : Combien avez-vous d'entreprises d'exploitation de pêche en Colombie-Britannique?

M. Morley : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question. Le nombre d'entreprises de transformation est probablement de 150 ou à peu près.

Le sénateur Mahovlich : Nombre de ces entreprises doivent aller en Chine pour transformer leur poisson. Nombre de vos conserveries font concurrence à la Chine, n'est-ce pas?

M. Morley : Jusqu'à maintenant, la Chine ne produit pas de saumon en conserve. On en produit à des endroits comme la Thaïlande, à l'aide de la matière première provenant de l'Alaska, et on nous fait concurrence. Pour ce qui est des conserveries, l'Alaska est toujours notre plus grand concurrent. Certes, en ce qui concerne les autres types de produits frais ou congelés à valeur ajoutée, la Chine est de plus en plus présente à cause de ses usines de grande qualité et ses faibles salaires. Tout produit qui nécessite beaucoup de main-d'œuvre est difficile à réaliser au Canada, surtout en Colombie-Britannique, où nous payons nos travailleurs dans les usines syndiquées un très bon salaire, soit environ 18 $ l'heure, plus d'importants avantages sociaux. Cela étant dit, il est difficile de faire concurrence avec la Chine à cet égard.

Le sénateur Mahovlich : Je suis allé à Prince Rupert il y a quelques années. Une femme nous avait donné une conférence. Je me demande, est-ce que la pieuvre est un oursin de mer?

M. Featherstone : La pieuvre est en réalité un céphalopode, ce qui est différent de l'oursin de mer. L'oursin de mer est un échinoderme, qui ressemble davantage à une étoile de mer. On dit que ce sont des animaux couverts d'épines. Ce sont ceux qui ont toutes les épines et qui ressemblent à une pelote à épingles. Il s'agit d'un produit fin du Japon.

Le sénateur Mahovlich : Je comprends. Il était question de cultiver la pieuvre à Prince Rupert, et je me demande si le projet a démarré.

M. Featherstone : Je ne sais pas si ça a été un succès ou non. En fait, je n'ai même pas entendu parler du projet. Il y a certainement beaucoup de pieuvres. Mais il n'y a pas véritablement de pêche à la pieuvre dans le Nord.

Le sénateur Mahovlich : La demande est là. J'aime bien la pieuvre dans mes salades.

M. Featherstone : C'est bon. Il faut simplement bien la battre ou utiliser quelque chose pour l'attendrir. C'est une de ces espèces sous-développées. Il n'y a pas de pêche directe consacrée à la pieuvre, même si certains plongeurs l'attrapent. Cela est intéressant; lorsque j'étais à l'université, nous avons fait de la recherche. La pieuvre vit dans des antres souterrains qui sont faciles à remarquer parce qu'il y a tous ces coquillages à l'extérieur. Si vous retirez une pieuvre de cet antre et revenez quelques semaines plus tard, une autre s'y sera installée. C'est pratiquement comme une ligne de piégeage. Si vous connaissez tous les endroits, vous pouvez y circuler et en retirer les pieuvres. Certaines mesurent 20 pieds de long, donc faites attention. C'est assez intéressant.

Le président : Le sénateur Cowan, de la Nouvelle-Écosse, est un nouveau membre de notre comité.

Le sénateur Cowan : J'aimerais explorer la question des locations de permis et des quotas et voir jusqu'à quel point cette méthode est répandue dans la pêche de la Colombie-Britannique. Est-ce que cela varie d'une pêche à l'autre? Est- ce un problème? Est-ce une bonne chose? Le problème qui s'ensuit, c'est pour le propriétaire-exploitant qui achète le poisson.

M. Morley : Les seules pêches contingentées auxquelles nous participons sont la pêche au hareng et, dans une moindre mesure, la pêche à la traîne au poisson de fond. Il y a location dans presque toutes les pêches contingentées en Colombie-Britannique.

Le sénateur Cowan : Est-ce que c'est plus présent dans certaines pêches contingentées?

M. Morley : Oui, plus dans certaines que dans d'autres. Cela dépend surtout de la situation économique à laquelle faisait face la pêche avant son entrée dans un système de quotas et de l'évolution des conditions du marché mondial depuis. Par exemple, dans les pêches qui offraient un piètre rendement économique et où les pêcheurs avaient de la difficulté à gagner leur vie avant les quotas, après le contingentement de la pêche, il y a eu possibilité d'accumuler plus de quotas, de pêcher plus longtemps et de vraiment gagner sa vie de cette façon. C'est la situation qui s'est produite dans certaines de ces pêches et les gens qui avaient de la difficulté à survivre ont eu la possibilité de passer à un autre secteur. D'autres peuvent prolonger leur saison, louer plus de quotas et vivre de leur pêche. C'est ce qui se passe.

La question du propriétaire-exploitant est intéressante. J'ai remarqué que dans votre rapport provisoire, vous avez fait des recommandations à ce sujet. En Colombie-Britannique, nous n'avons jamais eu ce genre de restrictions. Comme je l'ai précisé, notre société possède un bon nombre de permis et de bateaux. Beaucoup de pêcheurs individuels possèdent aussi plusieurs permis. Devenir propriétaire-exploitant en Colombie-Britannique aujourd'hui serait incroyablement compliqué et coûteux. Le gouvernement devra soit exproprier un grand nombre de permis, soit dépenser de 1,5 à 2 milliards de dollars pour racheter les multiples permis qui existent.

Les permis sont détenus par des pêcheurs qui vivent dans les collectivités côtières. Un tel changement pourrait les priver de leur travail parce que rien ne garantit qu'ils vont exploiter ces bateaux au bout du compte.

M. Featherstone : Je n'ai pas de statistiques exactes, mais je dirais que pour la pêche à la panope, où il y a 55 permis, il n'y a pas de location. Ceux qui pêchent avec les permis le font depuis plusieurs années. En ce qui a trait à l'oursin rouge géant, il y a location. Je dirais que 25 p. 100 des permis peuvent être loués. Un homme qui possède trois ou quatre permis les loue à l'entreprise exploitante à la condition que son fils puisse pêcher avec ces permis pour l'entreprise. Ainsi, il obtient sa part sans avoir à se battre avec ses fils à ce sujet.

Certaines des entreprises d'exploitation de poisson louent les permis et les redistribuent à leurs pêcheurs pour se garantir une portion des prises.

En ce qui a trait à la location, notre marché a été grandement touché cette année par la pêche illégale et non réglementée de la Russie. Le Japon a inondé le marché d'énormes quantités d'oursins verts, soit environ 90 p. 100 de notre marché. Le plancher du prix des locations s'est effondré. Ça ne monte pas toujours. Cela dépend si la pêche est bonne, et ça, ça dépend du marché. Si un pêcheur ne pense pas faire de l'argent avec une location, il ne louera pas son permis.

Cela étant dit, du point de vue des pêcheurs, cela peut devenir un problème si le prix des locations monte trop.

Le sénateur Cowan : Mais n'est-ce pas un problème dans l'ensemble?

M. Featherstone : Dans l'ensemble, je dirais non, mais je ne peux parler pour les autres pêches. La pêche au flétan a réussi à résoudre le problème. Les pêcheurs gagnent toujours bien leur vie, mais c'est aussi un permis populaire. L'association des pêcheurs de flétan a recommandé un partage d'au moins 50/50 entre les membres de l'équipage et le propriétaire d'un bateau, ce qui est courant. Dans certains cas, ces pourcentages n'ont pas bien fonctionné et on tente de régler le problème.

Mme Burridge : Le secteur de la pêche à la traîne au poisson de fond est un bon exemple. Je sais que ses représentants prévoient témoigner devant le comité, et c'est une question qu'ils veulent aborder. Ils ont un système très complexe de QIB. Je crois qu'il y a 50 espèces différentes. Ce système de QIB a été établi avec le soutien du syndicat. Ce dernier a des objectifs très spécifiques qu'il souhaite atteindre et le système doit les transmettre aux membres d'équipage. Cela s'est fait à l'aide de deux examens et le soutien complet du syndicat et des travailleurs. Il est certainement possible de concevoir un système de quotas qui tient compte de plusieurs intérêts.

M. Featherstone : Ils réservent 20 p. 100 du total autorisé des captures pour les distribuer si une équipe a un problème avec l'entente de partage. Ils disposent d'un fonds à partir duquel ils peuvent indemniser les gens si des ententes injustes sont conclues. C'est passablement innovateur.

Mme Burridge : Je ne crois pas qu'il y ait eu des plaintes de quelque nature que ce soit jusqu'à maintenant.

Le président : Madame Burridge, vous avez suggéré que nous nous rendions en Colombie-Britannique. Ces dernières années, nous avons essayé de le faire à trois ou quatre reprises. Ce n'est pas que le comité ne veut pas y aller. Les événements se sont succédé qui nous ont empêchés de le faire. Nous avons prévu la visite à notre calendrier cette année, et nous avons l'intention d'y aller cette fois.

J'aimerais poser une question sur le manque d'objectivité du MPO. Dans notre rapport de 1998, nous avons dit au MPO que certains étaient préoccupés par son manque d'objectivité. Pour une raison ou pour une autre, le MPO a toujours montré peu d'empressement à régler ce problème. J'en veux pour exemple la nomination de M. Pearse comme enquêteur chef de cette pêche. Si Parzival Copes et Daniel MacInnes avaient été nommés chercheurs principaux, je suis certain que vous vous y seriez opposés.

Si le MPO souhaite être perçu comme objectif, il devrait lancer des études objectives. Je ne blâme pas du tout M. Pearse. C'est un expert de renommée mondiale pour la ressource. Il a produit d'excellents documents sur la foresterie et son expérience de l'industrie de la pêche sur la côte Ouest remonte à 1982. Cependant, il a un certain préjugé en faveur de la privatisation, probablement pour la bonne raison, d'ailleurs.

Parzival Copes et Daniel MacInnes ont un point de vue complètement différent et manquent également d'objectivité dans leur approche à l'égard des problèmes. En commandant une étude à M. Pearse, le MPO a envoyé un message.

Comme l'a déjà dit Marshall McLuhan, le médium est le message. Le message que nous avons tenté de transmettre au MPO au cours des années est que si on veut être équitable avec tout le monde, pourquoi alors ne pas procéder à une consultation équitable sans écarter certains points de vue? Y a-t-il des commentaires?

M. Morley : Mon premier commentaire est qu'il est intéressant que vous ayez été amenés à croire que le MPO a choisi M. Pearse, parce qu'en réalité, c'est un groupe de travail fédéral-provincial et M. Pearse a été choisi par le gouvernement provincial. Le MPO et le gouvernement fédéral ont choisi M. Donald McRae, et je crois que pratiquement tout le monde ici, si l'on connaît son expérience et son savoir, le perçoit comme quelqu'un de tout à fait objectif. Je ne connais pas M. MacInnes. Je connais MM. Copes et Pearse. J'ai fait des études universitaires en économie des ressources il y a de nombreuses années. J'ai lu toutes les études. Donald McRae est professeur de droit et n'a aucune intention cachée en ce qui concerne les pêches et leur gestion, et il était le choix du MPO. Il a entamé l'étude dans un esprit totalement ouvert, examiné toutes les options et toutes les solutions de rechange.

Le président : Je ne vais pas laisser le MPO s'en tirer à si bon compte cette fois-ci. Le MPO, lorsqu'il commande une étude, a son mot à dire, tout comme la province. Le MPO aurait pu dire : « Non, cela va envoyer le mauvais message. Nous devons aborder la question avec un peu plus d'attention. »

Dans votre document, vous citez souvent Laura Jones. Je crois que c'est l'ouvrage que vous avez là.

M. Featherstone : En fait, je l'ai apporté pour votre attaché de recherche de la bibliothèque.

Le président : Nous allons l'examiner. Je ne vous blâme pas de l'utiliser, mais Laura Jones est une chaude partisane, à l'instar de M. Pearse, des QIT et de la privatisation.

J'aimerais revenir à certains commentaires qu'elle a faits devant l'Atlantic Institute for Market Studies, un institut semblable au Fraser Institute, qui favorise la privatisation de la pêche. Elle a dit que les pêches de l'Atlantique ne pourront pas durer si l'on s'en tient aux mauvaises pratiques de gestion du passé, comme les résultats le montrent — des pêches éliminées et des occasions dont on n'a pas su profiter. Elle a poursuivi en disant que les deux pêches les mieux connues au pays peuvent être qualifiées de désastreuses. La pêche à la morue sur la côte Est a attiré beaucoup l'attention, bien sûr, d'un bout à l'autre du pays. Pourquoi est-ce que certaines pêches du Canada sont dans un état si déplorable alors que d'autres sont ce que nous pourrions considérer être des modèles de gestion des pêches?

La pêche à laquelle elle faisait référence, soit la pêche à la morue sur la côte Est, était en fait à cette époque de catastrophe et d'effondrement sous le régime des QIT. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

M. Featherstone : Ce qu'elle dit, cependant, et je l'ai répété dans ma présentation, est que l'on doit avoir de bons mécanismes de surveillance et d'application de la loi, et de bonnes données scientifiques également.

Le président : D'accord, mais dans son document, elle faisait le lien — et j'ai le document ici — entre le désastre de la pêche à la morue sur la côte Est et le fait qu'il s'agissait d'une pêche de style derby, concurrentielle, et qu'il nous faut adopter une pêche assujettie au régime des QIT. Si elle avait dit : « Regardez bien, le problème, c'est le manque d'application de la loi, le manque d'implication du MPO », ou quelque chose du genre, cela aurait passé. Mais de préconiser l'adoption du régime des QIT à partir d'un raisonnement erroné ne favorise pas les arguments qu'elle essaie de présenter. Cela fait en sorte que des gens comme nous, qui veulent lire un rapport équilibré, remettent en question l'idée même que Laura Jones essaie de faire accepter. Ensuite, lorsqu'on lit un document produit par vous disant que Laura Jones présente 10 études de cas sur la côte Ouest pour montrer à quel point les QIY sont efficaces, ça nous amène à remettre en question ses méthodes.

Mme Burridge : Sénateur, nous citons souvent cet ouvrage parce que c'est l'un des très rares ouvrages qui s'intéressent à plusieurs pêches sur la côte Ouest et qui les analysent en détail. Il y a 10 sortes de pêches là-bas, deux qui n'ont pas bien fonctionné en vertu des QIB et huit qui ont bien fonctionné. La question importante n'est pas simplement le système de QIB en tant que tel, mais un système de QIB qui fonctionne. C'est vraiment là-dessus que nous devons nous concentrer. Qu'est-ce qui fait que ces huit pêches fonctionnent bien? Si on adopte un système de QIB pour le saumon, croyez-moi, il ne s'agira pas d'une grosse structure monolithique. Il s'agira d'une structure complexe qui aura plus de choses en commun, disons, avec la pêche à la traîne au poisson de fond où il faut établir un équilibre entre différents objectifs. De toute évidence, il nous faut un système efficace de suivi et d'application de la loi. C'est la leçon que nous tirons de ces deux autres pêches qui n'ont pas fonctionné, et aussi que si l'on accroît arbitrairement le nombre de permis sans tenir compte de l'effet d'une telle mesure sur le marché, on peut véritablement bousiller une pêche. C'est là le point important.

Le président : Au fil des ans, le MPO n'a pas caché sa préférence pour les systèmes de QIT dont il fait la promotion, nonobstant ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur Featherstone. En fait, il favorise le système des QIT et a envoyé ses propres fonctionnaires à des présentations et des symposiums internationaux sur la question. À vrai dire, il a fait la promotion du concept. J'ai eu l'impression il y a quelque temps qu'il y avait eu des changements dans la réflexion du MPO, qui ne s'éloigne pas nécessairement du système des QIT, mais qui veut faire un examen plus détaillé de la façon dont ces systèmes sont conçus.

J'aimerais vous renvoyer à un document de décembre 2000 rédigé par Warren Brown, un analyste du MPO, David Balfour, directeur général de la Planification et une autre personne qui, je pense, est en congé du MPO, je ne vais donc pas la nommer. Pour la première fois, il a été dit que les enjeux socio-économiques ayant des impacts sur la gestion des capitaux devront être compris. On dit, par exemple, que la transférabilité des permis doit être examinée, les exigences des propriétaires-exploitants, les règles concernant la concentration, c'est-à-dire les limites de la concentration, la propriété des entreprises, les flottes régionales et les parts de secteur ainsi que les règles concernant tout changement dans ces parts.

C'est là toute une évolution dans la réflexion du MPO parce que ce que le ministère avait examiné jusqu'à ce moment-là était purement axé sur les marchés. Quiconque achète les parts possède la ressource et fait tout ce qu'il veut avec. Maintenant on dit plutôt : « Regardez bien, lorsqu'on fait ces choses, elles ont des répercussions sur les collectivités. »

Est-ce que votre association est d'accord avec ce que je viens de décrire, pour examiner des enjeux comme la propriété des entreprises et les considérer comme des éléments qui devraient être discutés plus en profondeur, à tout le moins pour tenir compte un peu plus de ces aspects socioéconomiques?

Mme Burridge : Sénateur, à notre avis, les personnes qui participent à une pêche doivent concevoir un système qui fonctionne pour cette pêche, et cela veut dire qu'il y a plusieurs choses dont il faut tenir compte, nombre d'entre elles figurant sur cette liste.

À notre avis, sur la côte Ouest, le MPO n'a pas imposé de quotas individuels pour les pêches. Dans l'ensemble, cela s'est produit parce que la pêche est dans un tel état de marasme, soit du point de vue de la conservation ou des finances, et tout le monde doit en venir à la conclusion qu'il faut faire les choses différemment. C'est là que les gens acceptent de s'asseoir et de négocier de nouvelles façons de faire les choses.

Le président : Nous comprenons très bien l'approche du MPO qui dit que la situation est catastrophique et que l'industrie nous impose cela. Je pense que vous allez percevoir un peu de méfiance, à tout le moins de ma part, quant aux bonnes intentions du MPO.

M. Featherstone : De toute évidence, et particulièrement en ce qui concerne la mise en œuvre d'un système de quotas, ces choses devraient être discutées. Vous avez peut-être raison de dire que dans certains cas, elles ne l'ont pas été complètement.

Le ministère a abordé le problème dans la pêche au flétan. La limite imposée à un navire signifie qu'il peut attraper seulement 1 p. 100 du total autorisé de captures. Dans certains cas, le problème a été réglé.

Nous divisons la pêche à la panope de façon égale entre ceux qui sont dans cette pêcherie et aucun changement d'importance n'a été apporté. Je ne suis pas venu ici en ayant l'audace de dire que les pêcheurs au saumon devraient avoir un système de quotas, et je ne dis pas non plus que c'est la solution pour tout le monde. Oui, l'étude a été parrainée par le Fraser Institute, et Laura Jones a peut-être été partiale, mais je trouve qu'elle est assez objective. Elle a raconté ce qui se passait dans ces pêches. Elle a interviewé de nombreux intervenants, moi notamment, pour décrire comment les choses se sont produites. Les situations sont semblables et les solutions sont les mêmes pour les pêches contingentées. À la British Columbia Seafood Alliance, la pêche fonctionne assez bien, et ce n'est pas une pêche contingentée. Il peut en coûter 1 million de dollars pour acheter un permis. La pêche à la crevette tachetée est une autre pêche non contingentée dont le permis coûte 800 000 $. Il y a plusieurs bonnes pêches qui fonctionnent encore sans quotas. Je ne dis pas que tout le monde devrait avoir un quota, mais j'ai plutôt essayé de vous faire part de mon expérience aujourd'hui.

Le président : Nous l'apprécions beaucoup. Je ne pense pas que le comité ait tenté de dire que les QIT ou les QI, etc. ne sont pas des outils utiles dont dispose le ministre. Je ne crois pas que le comité ait jamais dit ça. Cependant, le comité a dit au fil des ans, depuis son rapport de 1998 sur la première étude sur les QIT, qu'il nous faut avoir confiance dans la direction que prend le MPO au sujet des questions et des politiques de pêche et que le MPO tiendra compte des effets que ses décisions auront sur les collectivités.

Les États-Unis, qui sont parfois perçus comme le pays ayant les entreprises les plus à droite, ont reconnu que lorsqu'ils adoptent des systèmes de QIT, il faut tenir compte des effets sur les collectivités qui ont toujours dépendu des ressources adjacentes. Cela ne veut pas dire qu'il ne devrait pas y avoir de système de QIT, mais les effets d'un tel système devraient être déterminés de façon significative à l'aide de consultations auprès de collectivités intéressées et non pas d'études prédéterminées. Le Royaume-Uni, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui ont adopté le système complet de QIT pour la propriété privée, ont examiné l'impact d'une telle mesure sur les collectivités locales. Cela n'a pas été fait au Canada. Aujourd'hui, certaines collectivités, surtout sur la côte Est, sont en train de mourir. Ces collectivités qui avaient accès aux stocks adjacents sont en train de mourir et le gouvernement essaie d'élaborer des programmes de diversification à leur intention. Ce n'est peut-être pas le cas sur la côte Ouest. Ça reste à voir.

Les subventions gouvernementales et les rachats sont toujours monnaie courante à cause de la façon dont certaines mesures ont été mises en œuvre. Le comité tente de régler cette question sans nécessairement dire que les QIT ou la privatisation sont mauvais.

Est-ce que vous avez examiné le modèle de la Nouvelle-Zélande? Est-ce un modèle que l'on devrait envisager pour le Canada? Madame Burridge, est-ce que cela devrait être l'objectif ultime de notre comité?

Mme Burridge : Bien sûr, le modèle de la Nouvelle-Zélande nous intéresse, entre autres parce qu'il joue un rôle important dans le transfert des droits de pêche aux Autochtones. Son fonctionnement dans ce contexte est certainement utile et intéressant. À notre avis, il nous faut une solution conçue en Colombie-Britannique et établie par les gens qui utilisent la ressource. On peut apprendre certaines choses d'autres pays. Je ne crois pas que personne n'ait l'ambition de reproduire ce qui s'est produit en Nouvelle-Zélande.

Le président : Dans votre mémoire, vous avez dit qu'il devrait y avoir un accès permanent pendant 25 années aux permis.

Mme Burridge : C'est exact.

Le président : Qu'est-ce que vous entendez par « permanent »? Je ne comprends pas l'utilisation du terme.

Mme Burridge : Cela veut dire que lorsque nous négocions des traités avec les Premières nations, elles reçoivent une part de la ressource de façon plus ou moins perpétuelle. L'industrie envisage actuellement une mesure qui va au-delà du permis actuel d'un an de sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Cela veut dire un permis qui se renouvelle plus ou moins automatiquement.

Le président : Cela se produit tous les 25 ans. Est-ce que vous êtes en train de dire que cela ressemblerait à la propriété privée plutôt qu'à une propriété quasi privée, comme le laisse entendre le MPO? Le permis appartiendrait aux pêcheurs et ils pourraient l'échanger, le vendre ou l'utiliser comme garantie à la banque? Est-ce là la direction que devrait prendre le Canada?

M. Morley : Essentiellement, c'est ce que nous avons maintenant. Le MPO tente toujours de nous faire croire qu'il s'agit d'un privilège qu'accorde chaque année le ministre. Jamais le MPO n'a refusé d'honorer un transfert convenu entre des parties privées. Vous avez parlé de privatisation à plusieurs reprises en ce qui a trait à l'adoption de quotas. Il y a déjà privatisation dans la pêche avec le système restreint de délivrance de permis. Personne ne peut décider arbitrairement d'aller pêcher le lendemain dans une pêcherie donnée parce que le nombre de permis est limité, et que les marchés ouvrent déjà leurs portes. À notre avis, si nous régularisons ce marché, qu'on l'assujettisse à un système et qu'on accorde la sécurité d'accès à long terme, les pêcheurs vont avoir la possibilité d'obtenir du financement contre cette garantie pour lancer leurs entreprises comme toute autre entreprise de notre économie. Actuellement, beaucoup d'entre eux n'ont pas cette possibilité.

Il est plus facile pour les gens riches de se lancer dans la pêche, s'ils le décident, et cela force les pêcheurs, qui dans bien des cas cherchent à obtenir du financement, à s'adresser à des compagnies d'exploitation de poisson comme la nôtre et à y demeurer liés. S'ils avaient accès à la ressource à plus long terme, s'ils avaient une base sûre grâce à un permis ou un quota reconnu comme garantie pour leurs établissements de prêt, ils seraient de loin plus indépendants et capables de faire des investissements à long terme dans leur entreprise pour qu'elle prenne de l'expansion. Cela serait beaucoup mieux.

Le président : Devrions-nous considérer la pêche comme une propriété privée absolue une fois que quelqu'un achète le permis? Si oui, le pourcentage des TAC ne deviendrait-il pas la compétence des provinces? Le MPO devrait-il continuer de faire croire que c'est toujours un privilège?

M. Morley : Notre économie est complexe et je ne veux pas entreprendre cette discussion. Il existe d'autres modèles dans d'autres ressources comme la radiodiffusion et les télécommunications, où les permis sont délivrés par le gouvernement fédéral et assortis d'une date d'expiration.

Dans certaines provinces, il existe des choses comme les concessions de fermes forestières et les permis de récolte qui sont délivrés pour une durée déterminée. Que vous parliez ici de propriété privée ou d'autre chose, c'est un système réglementé d'accès à une ressource publique qui permet aux entreprises de mener leurs activités dans l'économie mondiale.

Le président : Est-ce qu'on peut autoriser un détenteur de permis qui possède un permis dans le cadre d'un quota, à vendre une partie du TAC à qui il veut, y compris à des intérêts étrangers? Ce que je vous demande, c'est s'il devrait y avoir des limites. Devrions-nous tout simplement laisser les choses aller?

M. Morley : Sur la côte Ouest, à ce que je sache, nous n'avons pas réellement de limites actuellement quant à savoir qui peut, en fait, posséder un permis. Dans le cadre de l'ALENA conclu avec les États-Unis, nous sommes dans une certaine mesure limités dans le type de changements que nous pouvons apporter à ces politiques.

Le président : Si quelqu'un voulait vendre son permis à un investisseur américain, pourrait-il le faire en vertu des règles actuelles de l'ALENA?

M. Morley : Je n'en suis pas certain.

M. Kasmer : Selon la politique sur la délivrance des permis, pour posséder un permis de pêche ou acquérir un permis de pêche personnel en Colombie-Britannique — je ne suis pas certain de ce qui en est sur la côte Est — il faut être immigrant ou citoyen canadien, ou une entreprise canadienne. Je ne crois pas que la propriété étrangère soit possible pour l'instant.

Le président : Est-ce que vous savez si une telle chose fait l'objet d'une surveillance?

M. Morley : Une entreprise canadienne ne précise pas qui sont ses actionnaires et quelle est leur nationalité.

Le président : J'apprécie votre franchise dans vos réponses à mes questions. Nous voulons que certains renseignements soient consignés au compte rendu.

Le sénateur Hubley : Je trouve votre dernière question très intéressante. Je voudrais revenir à M. Kasmer. Pour les huit espèces de la région de la Colombie-Britannique, le système de quotas a très bien fonctionné pour six d'entre elles, mais pas pour deux. Est-ce exact?

M. Kasmer : Je pense que Mme Burridge vous donnerait une meilleure réponse. Cela fait partie d'un document de travail de l'Alliance.

Mme Burridge : Nous faisons ici référence aux 10 espèces qui sont étudiées dans cet ouvrage. Des huit espèces pour lesquelles les quotas ont été un succès, toutes, sauf une, sont des espèces pêchées par des membres de mon association, et parmi les deux pour lesquelles les quotas n'ont pas fonctionné, une est l'ormeau. L'ormeau est souvent invoqué par certains des opposants aux QIB comme un exemple des raisons pour lesquelles ça n'a pas fonctionné.

Le système de quotas n'a pas fonctionné avec l'ormeau parce qu'il n'y avait pas de suivi et d'application de la loi. C'était une pêche qui faisait l'objet de beaucoup de braconnage avant et après les QIB, et elle a été fermée. C'est l'exemple parfait du fait que si l'on n'établit pas le système correctement au départ, on ne réglera pas les problèmes qui l'empoisonnent depuis le début.

L'autre est la pêche aux œufs sur varech dont nous avons parlé tout à l'heure. Cette pêche est effectuée dans 80 à 90 p. 100 des cas par les Premières nations. C'est une pêche assujettie à des quotas individuels depuis le moment où elle a été entreprise. Le problème dans ce cas, c'est l'expansion de plusieurs permis sans consultation ou sans tenir compte du marché. La pêche aux œufs sur varech est l'une de ces pêches pour lesquelles il n'existe qu'un seul marché — le Japon. Le marché a beaucoup changé depuis l'effervescence de l'économie à la fin des années 90. On a simplement prouvé que si la production augmente, il est impossible de garder les prix au même niveau.

Le livre est intéressant parce qu'il montre où nous avons échoué en Colombie-Britannique. Il y a manifestement des leçons très importantes à tirer de cet ouvrage pour établir un nouveau système de pêche pour le saumon. Avec le saumon, la question n'est pas tellement de savoir si la pêche sera contingentée ou non. Nous cherchons ici à savoir comment nous pouvons avoir une pêche moins concurrentielle de sorte que le suivi, l'application de la loi, le développement du marché, le développement des produits et la saison de pêche peuvent être améliorés.

Il serait peut-être bon que M. Morley parle de l'expérience de Barkley Sound. Nous avons fait quelques expériences à petite échelle qui ont très bien fonctionné.

M. Morley : M. Kasmer a parlé d'un projet de démonstration mené cette année pour la pêche à la traîne sur la côte Nord au large de l'archipel de la Reine-Charlotte. Depuis trois ans, nous avons mené un projet pilote dans le sud de la Colombie-Britannique, dans la région de Barkley Sound, pour la pêche au saumon quinnat avec une flotte de senneurs. Au fil des ans, les occasions pour la flotte de senneurs dans le sud de la Colombie-Britannique ont diminué par suite des réductions dans le fleuve Fraser. Barkley Sound compte une pêche au saumon quinnat relativement uniforme tous les ans. Selon la politique d'allocations, les senneurs s'en voient attribuer une part tout comme les pêcheurs au filet. Comme la flotte de senneurs compte quelque 160 bateaux depuis quelques années, et qu'elle est dans un secteur très restreint, avec une petite prise autorisée pour les senneurs, les gestionnaires ont dit qu'ils n'étaient pas à l'aise d'ouvrir cette pêche et d'avoir plusieurs bateaux qui prendraient la mer, si bien qu'ils n'ont pas donné la possibilité de faire cette pêche aux senneurs parce que les prises risquaient d'être dépassées.

Les exploitants de flottes de senneurs se sont donc réunis pour concevoir un système qui serait efficace. Toutes les semaines, le ministère détermine une prise autorisée pour la semaine ainsi que la part attribuée aux senneurs. Il a été déterminé que chacun des 160 permis de pêche par senneur dans le sud obtiendrait 1/160 de la part de cette prise. Si la prise est de 10 000 saumons quinnats pour la flotte de senneurs cette semaine-là, chaque permis obtient 1/160 de 10 000.

Il n'est pas pratique de lancer un gros bateau en mer pour attraper 1/160 de la part. La flotte s'est organisée en petits groupes de travail où un certain nombre d'entre eux se réunissent en fonction de telle compagnie de transformation à qui ils doivent livrer leur poisson et réunissent leurs parts de sorte que chaque navire peut obtenir 2 000 à 3 000 poissons et les livrer.

Ils comptent le poisson à bord. En partant, chaque bateau connaît le nombre de poissons qu'il peut pêcher. Il y a des observateurs qui font le suivi au débarquement lorsqu'ils rentrent au quai. Chaque poisson est compté. Cette pêche est maintenant la pêche la plus facile à gérer — plus facile à gérer que la pêche au petit bateau à filet de Barkley Sound. Le gestionnaire en est très satisfait.

Chaque groupe de travail a élaboré une entente différente pour le partage des prises. Certains se sont entendus pour dire que le bateau qui part faire le travail gardera 50 p. 100 des profits. Les 50 p. 100 qui restent seront partagés avec tous les autres bateaux et groupes de travail pour cette semaine-là. D'autres groupes de travail veulent une approche plus concurrentielle et font un tirage au sein de leur groupe. Ils ont 10 votes au sein du groupe de travail. Ils vont faire un tirage cette semaine. Si Joe gagne, il pourra attraper le poisson et en garder tous les profits.

C'est une expérience qui fonctionne bien. La flotte a décidé que si elle veut rester à l'eau et profiter des occasions qui s'offrent, elle doit trouver de nouvelles façons de faire des affaires. Et ça fonctionne.

Comme le dit Mme Burridge, la façon de mettre les quotas en œuvre pour le saumon ne sera pas la même que pour de nombreuses autres pêches parce que dans bien des cas, le total autorisé de captures change d'une semaine à l'autre. Il faut faire preuve de souplesse dans la façon de procéder.

De notre point de vue sur la côte Ouest, je ne pense pas que le MPO soit partial et qu'il exerce des pressions pour que l'on adopte les QIB. En fait, il y a beaucoup de gestionnaires au MPO qui sont hésitants à effectuer le changement, qui aiment l'approche traditionnelle et qui ont dit qu'il ne peut être adapté au saumon. Par contre, beaucoup de gens dans l'industrie disent qu'on peut l'adapter. Nous allons trouver un système qui fonctionnera.

Nous devrions vous laisser le message que nous représentons la majorité des groupes organisés. Les groupes sont tous fondamentalement constitués pour représenter une majorité des intervenants de leur secteur. Comme Mme Burridge l'a dit, nous représentons 80 p. 100 du secteur. Ce sont les gens de ces organisations qui exigent des quotas, souvent en faisant face à la résistance du MPO.

Le président : Vous venez tout juste de dire qu'il pourrait être assez difficile de mettre en œuvre les QIB pour la pêche au saumon. En fait, M. Pearse a conclu en 1982 que cela ne serait pas pratique et les cadres supérieurs du MPO, au fil des ans, ont toujours affirmé que cette approche ne peut pas être adoptée à cause des fermetures rapides, de la façon dont le saumon migre, et ainsi de suite.

Il y a apparemment quelque 4 650 espèces de saumon en Colombie-Britannique. Essayer de répartir ou d'attribuer ces 4 650 espèces deviendrait un casse-tête sur le plan logistique. Monsieur Kasmer, est-ce que vous avez certaines réflexions à faire sur la façon dont le système pourrait être établi?

M. Kasmer : Votre commentaire est très pertinent. Ce ne sera pas un processus facile ou simple à adopter. Il y a peut-être autant d'espèces individuelles de saumon en Colombie-Britannique, mais il y a des groupes de stocks communs qui sont utilisés aujourd'hui par les gestionnaires des pêches dans différentes régions de la côte. Il serait probablement plus approprié d'utiliser les mêmes combinaisons de stocks pour les fonds des QIB s'il était déterminé que les QIB sont un bon outil à utiliser.

J'aimerais faire des commentaires sur les préoccupations que vous avez soulevées au sujet du MPO. Si vous venez sur la côte Ouest, vous allez certainement entendre beaucoup de pêcheurs vous faire part de leur scepticisme au sujet des intentions du MPO, de son programme, de sa capacité de gérer la pêche de façon compétente, surtout en cette période de diminution de la ressource.

Cependant, vous allez également rencontrer beaucoup de pêcheurs qui sont désireux de voir des changements apportés à la pêche. Actuellement, la pêche au saumon n'est pas emballante, et nous voulons trouver une façon différente de faire des affaires afin de restaurer la rentabilité. Comme vous l'avez précisé, les QIB ne sont pas une panacée simple ou facile aux problèmes que nous éprouvons. Le rapport de Peter Pearse paraît différent de celui de Parzival Copes, par exemple. Même si M. Copes a fait preuve de beaucoup de sérieux dans les recommandations qu'il a présentées il y a plusieurs années, je crois que s'il examinait la pêche aujourd'hui, il en arriverait probablement à une série différente de recommandations parce que les temps ont certainement changé.

Cela étant dit, je n'aimerais pas que les QIB soient acceptés simplement parce que Peter Pearse dit que c'est une bonne idée, et je n'aimerais pas non plus qu'ils soient rejetés parce que Peter Pearse dit que c'est une bonne idée. J'espère que les QIB feront valoir leur validité par eux-mêmes. Compte tenu de la complexité de la pêche au saumon, ils doivent s'avérer un outil approprié pour les circonstances particulières à cette pêche.

Mon association a rédigé un bref document de travail sur les possibilités de gestion des QIB pour la pêche à la traîne. Nous avons trouvé cinq exemples différents d'espèces dans les régions où nous estimions que le système pourrait être appliqué. L'application d'un système de quotas a été complètement différente pour chacune d'elles et ça c'est seulement une petite partie de la pêche à la traîne.

Je crois que les QIB peuvent être appliqués et être un bon outil pour la pêche en Colombie-Britannique, mais il n'y aurait certainement pas d'approche générale ou universelle. Il faudrait que le système soit spécifiquement et individuellement adapté à cette pêche en particulier, et cela devrait être fait par les participants pour concevoir une pêche qui fonctionne à leur avantage.

Le président : Des derniers commentaires?

Mme Burridge : Nous serions très heureux d'accueillir votre comité en Colombie-Britannique. Il y a certainement beaucoup de gens qui voudront venir vous parler. Nous apprécions beaucoup la possibilité de venir ici et de présenter notre point de vue. Je sais que vous avez dit dans votre rapport que vous n'aviez pas parlé à tout le monde, j'espère donc que nous avons réussi à vous transmettre les opinions du secteur organisé de l'industrie.

Si j'avais à laisser un message, je dirais que les huit grandes pêches contingentées sont toutes différentes l'une de l'autre. Chacune a été mise en place par les participants. Si nous adoptons un système de gestion réformé pour le saumon, cela aussi sera très différent, et il sera différent de par sa nature même, comme M. Kasmer l'a dit, en raison de la nature des secteurs, des différentes espèces et des différents groupes de bateaux. C'est un processus qui doit être ascendant. Il doit offrir des avantages au chapitre de la conservation et de l'économie tout en fournissant des produits que les personnes veulent acheter et pour lesquels elles sont prêtes à payer un prix équitable.

M. Featherstone : Nous sommes tous d'accord pour dire que la situation actuelle ne fonctionne pas. Pour l'amour du ciel, faisons quelque chose et essayons de rétablir cette pêche. Ça, c'est une chose sur laquelle tout le monde s'entend.

Le président : Merci. De fait, nous n'avons pas terminé notre étude de ce dossier, soyez-en rassurés. Nous n'avons pas entendu tous les points de vue possibles encore. Nous essayons d'offrir un forum aux gens pour leur permettre de donner leurs idées et leurs opinions sur ce que l'avenir devrait être et pour partager leurs préoccupations et leurs idées sur l'approche actuellement utilisée par le MPO.

Votre présentation d'aujourd'hui nous a été extrêmement utile. Elle nous a donné encore plus d'information à traiter. Nous avons bien hâte de vous rendre visite en Colombie-Britannique et d'entendre vos suggestions quant à savoir qui d'autre nous pourrions aller voir. Entre-temps, si vous pensez à d'autres points ou suggestions qui nous auraient peut-être échappé ce matin, s'il vous plaît, n'hésitez pas à nous en faire part. Cela serait utile pour nos travaux. Je vous remercie à nouveau.

La séance est levée.


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