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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 9 - Témoignages du 24 octobre 2005 - Séance de l'après-midi


VANCOUVER, Le lundi 24 octobre 2005

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 13 h 32 pour examiner les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada et en faire rapport.

Le sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

Le président : Honorables sénateurs, notre groupe de témoins est composé de représentants de la British Columbia Wildlife Federation, du Conseil consultatif de la pêche sportive et du Sport Fishing Institute of British Columbia.

John Brockley, président sortant, Conseil consultatif de la pêche sportive : Je vous remercie. Au nom du Conseil consultatif de la pêche sportive (CCPS) et d'environ 350 000 pêcheurs à la ligne en zone côtière, nous aimerions profiter de cette occasion pour faire des commentaires au sujet de la réforme des pêches dans la Loi sur les pêches.

Notre président, Jeremy Maynard, vous prie d'excuser son absence et nous a demandé de le représenter. Je suis malheureusement atteint d'une maladie pulmonaire dégénérative et j'ai de la difficulté à parler en public pour une période prolongée. J'ai donc demandé à mon ami, Cliff Proudfoot, de m'aider à présenter notre exposé.

Le Conseil consultatif de la pêche sportive a été créé en août 1964 et il est le processus consultatif permanent le plus vieux en matière de pêche. C'est l'organe consultatif officiel auprès du ministre des Pêches et des Océans. Voici ce que dit à ce propos le site Web du MPO pour la région du Pacifique :

Le ministère collabore étroitement avec le Conseil consultatif de la pêche sportive (CCPS) pour formuler des recommandations visant à protéger le poisson et à améliorer l'expérience de pêche.

La structure actuelle du CCPS a été mise en place en 1988 afin de tenter de répondre à plusieurs préoccupations. La première est que certaines personnes trouvaient que les représentants desdits « pêcheurs indépendants » n'avaient pas une assise populaire. S'ils étaient généralement très connus, comme Roderick Haig Brown et Howard English, ils avaient décidé eux-mêmes d'être représentants ou avaient été nommés par le ministère. Par conséquent, on a élaboré un nouveau processus offrant l'adhésion automatique aux représentants d'associations de pêcheurs et une occasion de participation directe des pêcheurs indépendants à l'échelle communautaire.

La deuxième est qu'une exigence spéciale faisait que la majorité des membres à tous les niveaux devenaient des intervenants « primaires » plutôt que « secondaires », un intervenant primaire étant défini comme une personne qui ne tire pas un pourcentage important de son revenu de la pêche sportive. Nous avons assuré la représentation des intervenants secondaires en donnant des droits d'adhésion à plusieurs organismes représentant l'industrie de la pêche.

Enfin, chaque comité local a élu un représentant pour assister aux réunions des comités régionaux de la côte nord et de la côte sud, ces organismes régionaux recevant à leur tour le droit d'élire sept représentants à notre conseil d'administration. Le processus regroupe maintenant une vingtaine de comités consultatifs communautaires locaux, deux comités régionaux et le conseil national. Notre association est aidée par environ 350 bénévoles.

Marilyn Murphy, directrice générale, Sport Fishing Institute of British Columbia : L'organisation de M. Brockley représente 350 000 pêcheurs. Le Sport Fishing Institute of British Columbia fournit les services et les produits qu'utilisent les pêcheurs lorsqu'ils pêchent en Colombie-Britannique. L'industrie a généré des revenus de plus de 625 millions de dollars cette année.

Notre bassin d'adhérents est large et varié; il inclut des particuliers, des gîtes, des centres de villégiature, des fabricants, des distributeurs, des entreprises de transport, des fournisseurs d'articles de pêche et de petites entreprises familiales de vente d'appâts. Nous avons des membres de toutes les régions de la Colombie-Britannique et notamment des passionnés de la pêche en eau douce et en eau salée. Nous représentons de petites entreprises familiales tout autant que de grosses sociétés.

Notre principale mission est de veiller à ce que les décideurs aux échelons fédéral, provincial et municipal soient conscients de l'importance économique de notre industrie.

Cliff Proudfoot, conseiller juridique, Conseil consultatif de la pêche sportive : Je ferai des commentaires sur l'importance de la pêche récréative en Colombie-Britannique, sur les problèmes auxquels le secteur est confronté et sur les solutions qu'on pourrait y apporter. La pêche récréative est importante pour les collectivités, les individus et l'économie. La pêche fait partie intégrante de la vie des collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Le saumon a une valeur symbolique quasi religieuse en Colombie-Britannique et c'est un talisman et un totem pour la santé de cette province. La pêche récréative subvient aux besoins des collectivités. C'est une industrie à valeur ajoutée qui produit des bénéfices, apporte des investissements et génère des emplois.

C'est un secteur important pour la population. L'année dernière, la pêche en zone côtière a représenté 2,5 millions de jours-pêcheurs dans la province. C'est important pour son économie. La pêche récréative en Colombie-Britannique est la plus grande pêche sur la côte. Sa taille est supérieure à celle de la pêche commerciale et de l'aquaculture.

Mme Murphy : Le secteur de la pêche récréative ne représente qu'un faible pourcentage des prises annuelles de saumon et pourtant, nous générons davantage d'activité économique que les pêches commerciales au saumon, au flétan et à la morue noire regroupées. C'est donc un secteur important.

Comme je l'ai mentionné, nos dépenses dans l'économie s'élèveront, d'après nos estimations, à plus de 600 millions de dollars cette année. D'après l'enquête menée par le gouvernement du Canada, ces dépenses s'élevaient à 500 millions de dollars en 2002. Nous avons créé 7 000 emplois au cours de cette année-là. Plus de 300 000 personnes étaient allées à la pêche, sur une base annuelle, et avaient dépensé en moyenne 260 $ par jour. Au cours de la même année, les dépenses pour la pêche en eau douce et pour la pêche en eau salée ont dépassé le chiffre des ventes annuelles provinciales de bière et de vin. Par conséquent, comme vous pouvez le constater, les pêcheurs sportifs passent beaucoup de temps sur l'eau et génèrent beaucoup d'activité économique; c'est pourquoi nous nous considérons comme une industrie.

La Colombie-Britannique est la plus grande pêche en zone côtière au Canada, avec 2,5 millions de jours-pêcheurs annuellement. Terre-Neuve et Labrador occupe la deuxième place avec 300 000 jours-pêcheurs, ce qui vous donne une idée de la valeur comparative de la pêche sportive dans notre province. Le nombre de pêcheurs y est plus élevé que le nombre total de golfeurs et de joueurs de hockey.

C'était un aperçu sur le plan macroéconomique, mais qu'est-ce que cela représente en fait pour les villages côtiers? Quelles sont les retombées économiques pour ces collectivités?

Il ne faut pas oublier que les 2,5 millions de jours-pêcheurs concernent principalement les collectivités côtières. Ces chiffres ne sont pas inclus dans les études économiques que nous avons jointes à notre mémoire. Ils incluent les collectivités côtières de la région d'Alberni Clayoquot et les collectivités côtières de Port Alberni, Ucluelet, Tofino et Bamfield.

L'industrie de la pêche sportive employait plus de 1 000 personnes en 2000 et a généré des salaires et avantages sociaux directs de plus de 10 millions de dollars dans ces collectivités côtières. Celles-ci ont réalisé plus de 70 millions de dollars de dépenses associées directement aux activités de pêche récréative, dépenses faites en grande partie par des visiteurs qui ont généré ces revenus à l'échelle locale, revenus qui sont donc restés dans ces collectivités. Ce sont les employés, les exploitants et les hôtels locaux qui en ont bénéficié; d'ailleurs, les avantages sautent aux yeux.

Lorsque vous irez dans les collectivités côtières et que vous parlerez aux dirigeants locaux, demandez-leur quelle importance revêt la pêche sportive pour leur localité et je pense que vous verrez poindre un sourire sur leur visage.

La valeur du poisson capturé par les pêcheurs sportifs dans cette région était cette année-là, d'après la même étude, de 256 $ par jour. Aux îles de la Reine-Charlotte, les pêcheurs dépensent plus de 1 000 $ par jour pour pêcher dans la région. C'est là que sont certains des meilleurs gîtes au monde.

J'attire votre attention sur ce fait parce que nous savons que vous avez entendu les témoignages de représentants des collectivités côtières et de divers secteurs de ces collectivités. Je vous garantis que la pêche récréative fait partie intégrante de ces collectivités. Nous sommes un pilier de ces collectivités et surtout, nous y prospérons.

M. Proudfoot : Comme je l'ai mentionné, l'industrie est confrontée à quelques problèmes. Le projet de restructuration du secteur de la pêche commerciale constitue une menace pour l'industrie de la pêche récréative. En termes simples, nous sommes différents. Il n'y a pas de solution passe-partout.

Un autre problème majeur concerne ses relations avec le MPO. Elles ne sont pas très bonnes. Par exemple, la semaine dernière, le directeur général régional a déclaré devant ce comité que le secteur de la pêche au saumon en Colombie-Britannique a de la difficulté à survivre. Ce n'est pas vrai. Dans certaines régions peut-être, notamment dans le détroit de Georgia, mais d'une façon générale, c'est une industrie prospère génératrice de valeur ajoutée, de profits et d'emplois pour les collectivités côtières; elle fait partie intégrante de la vie en Colombie-Britannique.

M. Brockley : Notre pêche a besoin de grands nombres de poissons pour prospérer. La récolte actuelle représente environ 6 p. 100 de la récolte de saumon globale après que nous ayons répondu aux exigences de l'article 35. Il est essentiel que nous ayons des occasions stables et prévisibles formant la base de la commercialisation et des projets de vacances des mois, voire, dans certains cas, des années, à l'avance.

Le moteur fondamental de notre industrie est l'espoir de capturer un poisson et la possibilité de le faire. La gestion fondée sur les quotas adoptée dans les États de Washington et de l'Oregon a gravement miné une pêche récréative pourtant très dynamique. Nous n'avons plus d'occasions prévisibles avec le système de fermeture de la pêche en milieu de saison, qui a souvent des conséquences catastrophiques pour les collectivités locales, les terrains de camping, les motels, et cetera

Bien que Pêches et Océans Canada ait tenu divers types de consultations, le secteur récréatif n'a pas participé à la conception de cette politique. Nous n'avons pas vu ou n'avons pas eu de participation récente à l'élaboration de la nouvelle loi sur les pêches et nous n'avons pas eu l'occasion d'exprimer nos préoccupations ou de discuter ouvertement de nos problèmes avec de hauts fonctionnaires du MPO. En dépit de nos préoccupations, le MPO est allé de l'avant et a mis en place un système de gestion axé sur les quotas individuels transférables en ce qui concerne le flétan, les poissons de fond et maintenant, en 2005, en ce qui concerne le saumon.

Bien qu'il s'agisse d'une approche plus efficace en ce qui concerne le respect des traités et certaines pêches commerciales, sauf si on en prend l'entière responsabilité, la gestion axée sur les quotas est totalement incompatible avec les valeurs récréatives, avec l'accès public à la ressource et avec le droit du public de pêcher.

J'aimerais vous citer un exemple concernant le flétan. Nous choisissons cet exemple pour mettre l'accent sur les problèmes d'un système axé sur des quotas individuels transférables qui ne tient pas compte des différences fondamentales entre la pêche récréative et la pêche commerciale en matière de gestion. C'est donc la même situation que la situation actuelle. C'est un exemple en temps réel. Il est d'actualité.

En 2003, le ministre Thibeault avait imposé un plafond de 12 p. 100, soit légèrement plus élevé que le taux de récolte de 9 p. 100, sur la pêche récréative au flétan. En annonçant cette décision, il avait alors donné l'assurance suivante :

La pêche est une ressource publique et personne n'a de droits de propriété sur la pêche.

Si la pêche est une ressource publique et que personne n'a de droits de propriété sur elle, comment les pêches peuvent-elles être achetées, vendues, et comment peuvent-elles faire l'objet d'échanges ou de troc? Nous ne le comprenons pas.

Dans le cas de la pêche récréative, comment cela serait-il possible pour le compte d'environ 350 000 pêcheurs? Nous ne le comprenons pas non plus.

Le ministre a ordonné que les représentants des secteurs de la pêche commerciale et de la pêche récréative participent aux discussions ayant pour objet d'élaborer un mécanisme axé sur les forces du marché pour le transfert des parts en s'attendant à ce que la pêche récréative représente à un moment donné plus de 12 p. 100. Nous participons à ce processus à notre corps défendant. Ce processus, que le MPO a refusé de diriger et dans lequel il ne participe pas de façon directe, est en cours depuis environ deux ans et s'est avéré très problématique.

Le Conseil consultatif de la pêche sportive a envoyé les questions suivantes au MPO en décembre 2004, afin d'obtenir des éclaircissements sur la politique et les responsabilités éventuelles.

Quelle partie du mandat actuel du CCPS donne le pouvoir de détenir, d'acheter, de vendre ou de louer un quota de pêche au flétan en vertu d'une entente « privée »?

Si le mandat actuel n'inclut pas ce pouvoir, quels changements le ministère propose-t-il d'apporter et selon quel échéancier?

Si les accords négociés l'été dernier entre la Pacific Halibut Management Association et le CCPS l'ont été sans l'intervention du ministère, à quel titre agissaient les représentants du Conseil et si le Conseil a un statut non gouvernemental distinct, sur quoi ce statut est-il fondé?

Si, comme l'a mentionné le ministre, personne n'a de droits de propriété sur la pêche, quel est le statut légal des parts actuelles de quotas commerciaux et quel est le statut légal de tout quota acquis à l'avenir par le CCPS pour le secteur récréatif dans le contexte d'un « mécanisme axé sur les lois sur marché »?

Malgré notre insistance, nous n'avons jamais reçu de réponse à ces questions.

M. Proudfoot : Je voudrais faire quelques observations qui se greffent à certains des commentaires de John en ce qui concerne la propriété collective de la ressource; dans le rapport provisoire du sous-comité sénatorial, il est d'ailleurs indiqué que la ressource ne devient propriété privée qu'après sa capture et qu'après sa sortie de l'eau.

Je voudrais faire des observations portant essentiellement sur le commentaire à l'effet que les ressources halieutiques appartiennent à tous les Canadiens. Ces ressources n'appartiennent pas uniquement au secteur de la pêche commerciale. Dans un jugement récent sur le pouvoir des pêches fédérales, à savoir l'arrêt Ward c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada a reconnu que les ressources halieutiques sont un bien commun qui appartient à tous les Canadiens. Le ministre a l'obligation de développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public. Nous pensons que l'intérêt public penche en faveur de la pêche récréative. Nous avons enregistré 2,5 millions de jours- pêcheurs, nous représentons 350 000 pêcheurs et c'est la plus grande pêche sur la côte ouest. Nous avons besoin de votre aide pour trouver la bonne solution.

Nous pensons heureusement qu'il est possible que la solution soit dans l'accès prioritaire et, en parlant d'accès prioritaire, je ne veux pas dire que la pêche récréative a la priorité sur la conservation. C'est la conservation qui prime.

Par ailleurs, nous sommes conscients du fait que la pêche récréative doit passer après la pêche à des fins rituelles et alimentaires des Premières nations, conformément à l'article 35 de la Constitution. Cependant, au troisième niveau, c'est-à-dire à celui de la « récolte » de ce qui reste, nous estimons qu'il est essentiel d'accorder un accès prioritaire à la pêche récréative d'une façon qui soit efficace, pour éviter de détruire ce secteur très dynamique en Colombie- Britannique.

Nous estimons essentiel que cette notion d'accès prioritaire soit intégrée à la Loi fédérale sur les pêches. Il est essentiel de donner des avis au ministre en la matière. En fait, nous estimons qu'un certain accès prioritaire a déjà été accordé à la pêche récréative. John va d'ailleurs vous donner des informations plus précises à ce sujet.

M. Brockley : Au fil des années, de nombreuses études et politiques évolutives en matière de pêche ont appuyé la notion d'accès prioritaire en ce qui concerne la pêche récréative, après avoir satisfait aux exigences de la conservation et de l'article 35 de la constitution, ce qui a donné naissance à la politique actuelle sur le saumon quinnat et le saumon coho.

Ces différentes études sont le rapport Pearse, paru en 1982, la ARA Economic Value Study, de 1996, l'étude intitulée Altering Course — the Art May Inquiry, de 1996 et, enfin, le processus Toy, de 1997. En effet, en raison de l'absence de consensus intersectoriel autour des recommandations de May, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont décidé de nommer un autre conseiller indépendant en octobre 1997, l'ex-juge Samuel Toy.

Ce fut un processus laborieux. J'y ai participé, et aussi d'autres personnes qui se trouvent dans cette pièce. Il a fallu un certain temps, mais nous avons finalement dégagé un consensus avec nos homologues du secteur de la pêche commerciale, consensus qui a abouti à l'élaboration de la politique d'attribution des quotas de 1999 intitulée « Une nouvelle orientation », en vertu de laquelle :

Les pêches récréative et commerciale du saumon fonctionnent de façons très différentes. La pêche récréative représente un pourcentage relativement peu élevé de la récolte totale annuelle de saumon. Elle est axée principalement sur la qualité de l'expérience de pêche et sur la possibilité de capturer du poisson pendant toute l'année. Par contre, la pêche commerciale, qui a principalement lieu de juin à novembre, représente le plus gros pourcentage de la récolte totale de saumon et est principalement axée sur la quantité et sur la valeur des prises.

Le principe de répartition no 4 indique ceci :

Une fois les impératifs de conservation satisfaits et la question de l'accès prioritaire aux Première nations réglée, les pêcheurs sportifs recevront : la priorité par rapport aux pêches dirigées sur le saumon quinnat et le saumon coho; des possibilités de pêche du saumon rouge, du saumon rose et du saumon kéta assurées et constantes. En ce qui concerne le saumon quinnat et le coho, le document définit l'accès prioritaire comme suit :

Lorsque les objectifs en matière de conservation ne peuvent être satisfaits, les pêches récréatives de toutes les espèces de saumon seront fermées. Lorsque le poisson est suffisamment abondant pour atteindre les objectifs en matière de conservation mais que c'est insuffisant pour répondre aux besoins des Premières nations, l'accès récréatif sera restreint à de la pêche sélective uniquement, avec notamment remise à l'eau du saumon quinnat et (ou) du saumon coho, suivant le cas. Lorsque le poisson est plus abondant, des pêches récréatives dirigées seront autorisées; cependant, les limites en ce qui concerne ces pêches récréatives seront déterminées par l'abondance relative du poisson. Même dans les cas où l'abondance est élevée, les limites de pêche récréative n'excéderont pas deux par jour, la limite de possession étant de quatre par jour, en ce qui concerne le saumon quinnat et quatre par jour, la limite de possession étant de huit, en ce qui concerne le saumon coho.

Sur la côte, les limites en ce qui concerne toutes les espèces de saumon sont de quatre et huit. La limite ne change pas même lorsqu'il y a du poisson en quantité suffisante pour tous les pêcheurs. Dans le cadre de ce processus, nous avons décidé de ne jamais augmenter nos limites. Nous avons décidé de maintenir notre pêche au niveau actuel.

M. Proudfoot : À notre avis, nous ne pouvons pas être partie au processus de gestion axé sur les quotas individuels transférables. Nous pensons qu'il n'est pas du tout efficace pour notre pêche. Il l'est peut-être en ce qui concerne la pêche commerciale mais alors, il est essentiel qu'il soit mis en œuvre de façon à ne pas menacer la pêche récréative.

Mme Murphy : Vous remarquerez que nous avons cité plusieurs études différentes ainsi que les politiques d'attribution. Nous avons inclus dans la documentation que nous vous avons remise le Cadre national sur la pêche récréative et la Politique de répartition du saumon du Pacifique. Nous avons également une version électronique de notre mémoire.

La pêche récréative est très importante pour la Colombie-Britannique, pour le Canada et, surtout, elle est vitale pour les collectivités côtières. Cette activité est pratiquée principalement dans les collectivités côtières et c'est un fait qu'il ne faut jamais perdre de vue. Le ministère penche vraisemblablement en faveur d'une gestion axée sur les quotas et son désintérêt systématique pour la pêche récréative menace l'existence même de nos moyens de subsistance et des secteurs de soutien.

La réforme des pêches devrait être une occasion. Elle devrait générer une loi moderne sur les pêches et y inclure des outils qui apportent au secteur récréatif une plus grande certitude et une plus grande stabilité qu'à l'heure actuelle et, surtout, la reconnaissance qu'il mérite.

M. Proudfoot : Les pêcheurs sportifs sont prêts et disposés à collaborer avec le MPO et à trouver, à l'intérieur du système, une solution efficace pour la pêche récréative et pour la pêche commerciale; ils en sont capables.

Le sénateur Hubley : Je vous remercie pour votre exposé. Nous avons à nouveau appris beaucoup de choses sur un secteur qui est peut-être plus vaste et mieux organisé que sur notre côte est.

Je suis impressionnée par les chiffres. Avez-vous 350 000 pêcheurs à la ligne?

Mme Murphy : Il s'agit des pêcheurs de Colombie-Britannique qui ont un permis. Leur nombre oscille entre 250 000 et 500 000.

M. Brockley : Ce chiffre représente les pêcheurs côtiers et n'inclut pas les pêcheurs d'eau douce. Si l'on y inclut les pêcheurs d'eau douce, le nombre de pêcheurs est plus élevé.

Le sénateur Hubley : Quelle est la population dans les régions rurales? De qui s'agit-il au juste car c'est beaucoup, 350 000 pêcheurs. C'est le but de ma question. Je voudrais avoir une idée de la taille de votre industrie.

M. Brockley : Je pense qu'un chiffre qui pourrait en donner une idée est que nous considérons que 350 000 est la moyenne. Environ 85 p. 100 de ces pêcheurs sont des citoyens canadiens.

Le sénateur Hubley : Quatre-vingt-cinq pour cent?

M. Brockley : Environ 85 p. 100 sont des citoyens canadiens. Les 15 p. 100 restants sont, naturellement, des Américains et des étrangers qui viennent pêcher au Canada.

Mme Murphy : Je pense pouvoir vous aider. Il faut visualiser tous ces pêcheurs. Ils fréquentent les ports d'accès, les ports de plaisance, les gîtes et les endroits situés à proximité de l'eau salée et des eaux côtières. Ils pêchent dans les régions de Vancouver, de Victoria, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, sur la côte centrale, autour des îles de la Reine-Charlotte, sur la côte nord, à Prince Rupert et dans tous les autres villages côtiers.

Ces pêcheurs sont servis par une infrastructure qui comprend des ports de plaisance, des terrains de camping, des embarcations de location et des gîtes. De nombreux pêcheurs investissent des milliers et, parfois, des centaines de milliers de dollars dans le matériel nautique, pour se rendre aux endroits où la pêche est très fructueuse. Certains pêcheurs sont autonomes alors que d'autres ont recours à des fournisseurs de services. Cette activité a encore d'autres retombées économiques car ces pêcheurs achètent de l'essence, achètent des produits alimentaires dans les épiceries, louent des chambres d'hôtel, et cetera

Le sénateur Hubley : Vous avez mentionné que vous représentiez 6 p. 100 des prises de saumon.

Vous avez mentionné le ministre Thibeault et le chiffre de 12 p. 100. Est-ce que ce chiffre concerne le saumon? Pouvez-vous situer ces deux chiffres dans leur contexte?

M. Brockley : Le chiffre de 6 p. 100 est lié aux prises globales de saumons, ce qui inclut les cinq espèces. Notre pêche est axée sur les cinq espèces de saumons; cependant, les deux espèces les plus pêchées sont le saumon quinnat et le saumon coho. Nos pourcentages en ce qui concerne ces espèces sont plus élevés, à savoir 30 p. 100, en ce qui concerne le saumon quinnat et 15 p. 100, en ce qui concerne le saumon coho. C'est après que les exigences de l'article 35 de la Constitution soient satisfaites. Le reste est représenté, naturellement, par la pêche commerciale.

En ce qui concerne le saumon rose, le kéta et le rose, nos prises sont limitées à 5 p. 100 en vertu de l'accord d'attribution. Nous n'avons pas encore tout à fait atteint ce pourcentage, mais c'est notre limite actuelle. Cette reconnaissance constitue un aspect clé de cet accord. En Colombie-Britannique, c'est la pêche commerciale qui représente la plupart des prises.

Nos prises actuelles du quota canadien de flétan représentent environ 9 p. 100, le reste de ce TAC, c'est-à-dire du total autorisé des captures, étant représenté par les prises commerciales.

Le sénateur Hubley : Un témoin précédent a signalé que l'on accorde aux pêcheurs sportifs une période de pêche plus favorable, entre juillet et août, pour une partie de leur pêche récréative, alors qu'on ne l'accorde pas aux pêcheurs commerciaux.

Pouvez-vous faire des commentaires ou donner des explications à ce sujet?

Mme Murphy : Je ferai bien volontiers des commentaires. Il y a environ huit ans, le MPO a mis en place une politique de pêche sélective et il a dû démontrer que celle-ci n'avait pas de répercussions néfastes sur les stocks. Il a été dûment signalé qu'en raison d'un manque inhérent d'efficacité, la pêche récréative n'avait pas des incidences aussi marquées sur les stocks qu'une flottille commerciale pêchant en même temps dans la même zone.

En ce qui concerne le quinnat et le coho, nous avons un accès prioritaire et notre impact sur ces stocks au cours de ces périodes et à ces endroits était beaucoup moins marqué que celui du secteur commercial. On a supposé que notre utilisation de la ressource était conforme aux objectifs de conservation en ce qui concerne ce stock spécifique, à cet endroit-là et à cette période-là. C'était un résultat de la politique, à savoir la politique de pêche sélective.

Paul Rickard, vice-président, Tidal Waters Fisheries Committee, B.C. Wildlife Federation, Sport Fishing Institute of BritishColumbia : Honorable sénateur, je me demande si je pourrais donner quelques explications supplémentaires sur la nature de la communauté des pêcheurs sportifs. Notre organisation regroupe 130 clubs répartis sur toute la Colombie-Britannique, depuis l'intérieur de la province jusqu'au nord et jusqu'aux zones frontalières du Sud. Ces clubs représentent 30 000 membres et nous nous réunissons chaque année. Après notre congrès, mon coprésident et moi- même présentons à nos membres un rapport sur notre participation aux politiques. Tous les membres de notre organisation veulent que nous participions plus activement. Ils veulent que nous représentions leurs desiderata et nos membres viennent de toute la région de la Colombie-Britannique, et pas seulement des régions côtières. La pêche fait partie intégrante de la vie en Colombie-Britannique.

Le sénateur Adams : Dans le Nord, les associations de pêcheurs sportifs ont parfois de la difficulté à se rendre dans nos localités côtières en raison des conditions atmosphériques. Ce n'est pas comme en Colombie-Britannique, où le temps froid ne sévit pas beaucoup, même en hiver, quoiqu'il pleuve abondamment.

Je voudrais avoir davantage d'informations sur la pêche commerciale et sur la pêche sportive. Vous êtes préoccupés au sujet du MPO. Nous avons le même problème dans les collectivités du Nunavut. Pour pouvoir pêcher, les pêcheurs doivent être détenteurs d'un permis.

Est-ce la province ou la localité qui émet les permis de pêche sportive?

Quelle est la politique en ce qui concerne les pêcheurs qui veulent pêcher en rivière, en lac ou en mer? Y a-t-il une différence?

Je voudrais avoir davantage d'informations sur le système et sur votre organisation.

M. Brockley : Deux régimes d'octroi de permis de pêche récréative sont en vigueur en Colombie-Britannique. C'est le gouvernement provincial qui gère la pêche en eau douce, c'est-à-dire la pêche non côtière, et cette activité fait l'objet d'un régime distinct. Je pêche à la fois en zone côtière et en eau douce et je dois avoir deux permis provinciaux. Lorsque je pêche dans l'océan, je dois avoir un permis fédéral de pêche sportive en mer. Un timbre de pêche au saumon est apposé sur ce permis également. Les recettes provenant de la vente de permis provinciaux vont à la province. Les revenus de la vente de permis de pêche côtière vont au gouvernement fédéral et sont versés au Trésor; ils ne sont donc pas consacrés à la gestion de la ressource.

En vertu de l'Accord nisga'a en ce qui concerne la rivière Nass, si je veux pêcher sur la Nass, c'est encore un autre régime de délivrance des permis qui est en vigueur; sa mise en place n'est pas encore terminée, mais elle est en cours. C'est le seul régime communautaire d'octroi de permis que je connaisse en ce qui concerne la Colombie-Britannique. Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Adams : Oui.

Vous avez mentionné les quotas individuels transférables. Vous avez également signalé que vous aviez 350 000 membres. Des saisons de pêche ont-elles établies ou vos membres peuvent-ils pêcher pendant toute l'année?

M. Brockley : Le fondement même de la pêche récréative est qu'elle est ouverte 12 mois par an. Cependant, elle n'est pas ouverte 12 mois par an partout sur la côte et ce, pour diverses raisons. Dans certaines zones, des périodes de fermeture ont été mises en place pour la conservation et pour d'autres raisons et dans d'autres régions, les limites sont plus basses qu'ailleurs. Le Conseil collabore avec le ministère dans ces domaines, par l'intermédiaire des comités locaux et régionaux. Par exemple, un problème de conservation peut se poser en ce qui concerne un stock précis de poisson et dans le cadre de cet exercice, on décide que la pêche est inappropriée; dans ce cas, il n'y a pas de pêche récréative.

En outre, de nombreux règlements sont en place pour diverses régions et pour diverses espèces. À l'heure actuelle, on se préoccupe beaucoup de la conservation du bar d'Amérique, de la réduction des limites, des périodes de fermeture, des fermetures ponctuelles, et de l'avenir de cette espèce. C'est un système très complexe.

Le sénateur Adams : Je voulais vous poser la question pour avoir une idée de la situation dans le Nord.

Les pêcheurs génèrent des revenus importants dans nos collectivités, mais ils ne peuvent pas emporter toutes leurs prises. Ils doivent remettre à l'eau une partie du poisson qu'ils capturent.

Le MPO permet-il à vos 350 000 membres de capturer un nombre déterminé de tonnes de poisson annuellement ou la pêche sportive est-elle régie uniquement par les permis?

Aucune limite de prises n'est imposée aux Autochtones. Si les pêcheurs sportifs qui viennent dans nos localités sont autorisés à capturer trois poissons par jour, ce n'est pas avantageux pour les personnes placées sous le régime d'un accord de règlement des revendications territoriales.

Vous avez mentionné qu'en Colombie-Britannique, l'industrie de la pêche récréative génère plus de 600 millions de dollars de revenus annuellement. Si le MPO augmente les quotas pour la pêche commerciale, cela aura une incidence sur les revenus de la pêche sportive. Je me demandais comment fonctionne le système en ce qui concerne le MPO, la pêche commerciale et la pêche sportive.

Mme Murphy : Je pense qu'on a dénombré au Canada plus de 1 300 stocks de saumons génétiquement différents et, par conséquent, nous ne gérons pas nos stocks par le biais d'un quota ou d'une quantité déterminée par personne quoiqu'en ce qui concerne le saumon quinnat, une limite annuelle est imposée. Nous faisons toutefois plutôt de la microgestion. Nous gérons à l'échelle d'un bassin hydrographique. Nous déterminons que, dans un bassin géographique déterminé, un certain nombre de saumons quinnat remontent et, d'après notre expérience, nous savons que dans des limites raisonnables, un nombre donné de pêcheurs à la ligne pêchent dans ce bassin.

Nous surveillons les stocks et faisons de la surveillance aérienne. Nous avons toujours su combien de personnes pêchent et quel est leur rendement. Nous utilisons ces données pour faire une extrapolation concernant les prix en nous basant sur l'abondance du poisson à l'échelle de chaque bassin hydrographique. Dans le bassin de la côte ouest de l'île de Vancouver, par exemple, la limite peut être de quatre saumons par jour parce que la remonte était vraisemblablement importante. Autrement dit, il reste un excédent pour le secteur commercial. Cependant, la remonte peut être moins importante dans le bassin hydrographique suivant et, dans ce cas, il serait possible que la limite soit fixée à deux par jour et que la pêche commerciale soit annulée.

Bien que nous soyons autorisés à capturer un certain nombre de saumons quinnat annuellement par permis, nous gérons plus ou moins sur une base d'écosystème, afin d'atteindre les objectifs locaux de conservation en ce qui concerne chaque stock en particulier. J'espère avoir ainsi répondu à votre question.

Le sénateur Adams : Oui, je comprends.

Le ministère était censé contrôler les quantités de poissons capturés dans les océans. Si je suis détenteur d'un permis de chasse, par exemple, je dois déclarer chaque année le nombre de caribous que je tue.

La pêche commerciale est fondée sur un système de quotas, mais quelle est la différence entre la pêche sportive et la pêche à la mouche? Y a-t-il une différence de coût? Je me représente les pêcheurs à la mouche comme étant plus nantis.

M. Brockley : Je suis un pêcheur à la mouche, et je vous assure que je ne suis pas riche.

Le sénateur Adams : Je me demandais seulement si la politique de votre organisation et celle en matière de pêche sportive sont différentes.

M. Rickard : Notre permis de pêche nous donne le droit de pêcher avec n'importe quel type de matériel et, par conséquent, les pêcheurs à la mouche paient les mêmes droits pour le permis que ceux qui pêchent au lancer léger ou avec tout autre type de moulinet en eau salée. Chaque pêcheur choisit la méthode de pêche qu'il préfère.

Le sénateur Adams : J'ai mentionné les revendications territoriales des Autochtones. En ce qui concerne par exemple la pêche commerciale au Nunavut, avant le règlement des revendications territoriales, 45 p. 100 des prises de notre région devaient être attribuées à la pêche commerciale. Le MPO a établi une politique semblable à celle qui est en vigueur en Colombie-Britannique.

Vous pourriez peut-être faire quelques commentaires sur les partenariats entre l'industrie de la pêche sportive en Colombie-Britannique et les entreprises touristiques autochtones. Au Nunavut, ces partenariats commerciaux suscitent parfois des controverses, certaines personnes estimant qu'ils ne sont pas avantageux pour la collectivité.

Avez-vous des problèmes analogues en Colombie-Britannique?

M. Brockley : Non. Je rappelle que les Nisga'as tentent de régler ces questions dans le contexte de l'Accord nisga'a et qu'ils ont mis sur pied des exploitations récréatives dans le cadre de leur développement économique. Je présume que ce secteur prendra de l'expansion. C'est en tout cas l'impression que j'ai.

Le règlement des traités est une inconnue importante en Colombie-Britannique et c'est là la préoccupation essentielle. Cette politique est davantage axée sur les possibilités de régler ces questions. Je suis entièrement d'accord avec vous. Je pense que les pêcheurs sportifs sont en faveur du règlement de ces questions par le biais des traités ou d'autres mécanismes. Je suis également d'avis que les partenariats comme ceux que vous avez mentionnés sont la clé des possibilités pour l'avenir. Ils sont la clé de notre survie et j'estime qu'ils sont essentiels pour la viabilité économique à long terme de cette province. J'espère que nous continuerons dans cette voie parce que des possibilités concrètes de partenariat s'offrent aux deux parties.

Le président : Je voudrais que l'on passe à la question de la Loi sur les pêches. Comme vous le savez, le ministre n'a pas besoin de la permission du Parlement pour conclure des ententes de cogestion.

Pourquoi est-il question de modifier la Loi sur les pêches afin de permettre au ministre de conclure des ententes de cogestion avec des groupes précis? Certains d'entre nous sont méfiants.

M. Brockley : Sauf le respect que je vous dois, honorable sénateur, vous n'êtes pas la seule personne qui soit méfiante.

M. Proudfoot : Nous le sommes aussi.

Le président : M. Proudfoot a signalé que les ressources halieutiques étaient un bien commun, principe sur lequel nous sommes tous d'accord; je pense que le ministre l'est aussi. D'après une disposition de la loi, si le ministre désire réserver certains segments de la ressource qui constitue un bien commun à un groupe précis, il doit en demander la permission au Parlement. Par exemple, l'Accord nisga'a attribuait certaines espèces ou réservait une certaine quantité de poisson à un groupe autochtone et le ministre a dû demander au préalable la permission du Parlement. Cette obligation de demander la permission préoccupe certains d'entre nous.

Si nous autorisons un projet de loi de ce type, il donne essentiellement au ministre le pouvoir de former des partenariats de cogestion sans devoir demander la permission du Parlement. Je le considère comme l'octroi au ministre d'une autorisation préalable de passer des ententes. Pourtant, celui-ci a déjà ce pouvoir.

Nous craignons que si nous apportions cette modification à la loi, le ministre ne serait plus tenu de révéler les modalités précises des ententes de cogestion. La situation se complique lorsqu'on fait intervenir également les recommandations Pearse-McRae concernant le renouvellement automatique, à savoir que lorsqu'une personne obtient un quota, elle le conserve à perpétuité.

À supposer que le projet de loi soit adopté et que le ministre attribue des quotas de poisson à perpétuité. Certains d'entre nous craignent que les permis deviennent en quelque sorte la propriété de leurs détenteurs. Nous craignons d'éventuelles actions en justice liées aux quotas.

À l'heure actuelle, le permis appartient au ministre. Tout permis attribuant des ressources appartient au ministre. Le ministre peut le supprimer du jour au lendemain. C'est un droit inconditionnel qu'a le ministre d'octroyer un permis ou de le supprimer.

Si ce projet de loi engendre une situation qui supplante un droit inconditionnel, n'aurons-nous pas tendance à créer des droits de propriété?

Je pense que cela conviendrait bien à certaines personnes dans la province de la Colombie-Britannique. Elles pourraient penser qu'elles ont en fait le droit de gérer la pêche, ce qui serait peut-être intéressant, mais ce n'est pas certain.

Je présume qu'au Québec, certaines personnes aimeraient ce droit en raison des problèmes juridictionnels, mais je me demande si ce serait dans le meilleur intérêt des Canadiens de s'engager dans cette voie.

Pourrions-nous avoir un accident si nous autorisions les types de modifications proposées à la Loi sur la pêche?

M. Proudfoot : Vous avez l'avantage sur nous d'avoir vu ces modifications.

Le président : Non, je ne les ai pas vues. J'ai vu des modifications deux ou trois fois au cours des dernières années. Je n'ai pas vu les nouvelles, mais je présume qu'elles seront très semblables à celles que nous avons déjà vues.

M. Proudfoot : Nous sommes méfiants car nous craignons que le projet de loi augmente les pouvoirs décisionnels, et qu'il soit par conséquent plus difficile de contester une décision judiciaire si ce pouvoir du ministre était confirmé par une disposition législative. Il serait par exemple plus difficile d'invoquer le fait que sa décision est manifestement déraisonnable si la ressource n'est considérée comme un bien commun que pour la forme.

On voit cela dans tous les cas. D'après de nombreux rapports, lorsqu'on arrive à cette étape-là, c'est la privatisation.

Vous avez mis le doigt sur le problème, honorable sénateur. Je pense qu'avec cette modification, le gouvernement essaie de renforcer ses positions en ce qui concerne les contestations futures.

Le président : Prenez par exemple le cas d'une entreprise qui achète des permis depuis plusieurs années, celui d'une entreprise de pêche au homard ou de pêche au poisson de fond, qui pêche depuis une vingtaine d'années en vertu de ces permis et dont les permis avaient été utilisés par d'autres avant elle. En théorie, on n'achète pas un permis sur papier, c'est entendu. D'après les règles, c'est le ministre qui est le propriétaire du permis et, par conséquent, on doit lui demander la permission de transférer le permis d'un titulaire à l'autre. C'est l'aspect théorique de la question.

Au fil des années, on achète les permis et, en théorie, ces permis n'ont pas d'autre valeur que le montant que l'on paie annuellement au ministre mais en pratique, certains de ces permis ont une très grande valeur. Je pense qu'un témoin a mentionné un chiffre de deux millions de dollars ce matin pour les permis de pêche au homard dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse, et c'est exact.

À supposer que la personne en question décide de vendre son droit de pêche à une entreprise chinoise. À supposer que des Chinois veuillent acheter le permis et que son titulaire le leur vende. Le ministre pourrait, naturellement, refuser d'autoriser la vente mais, étant donné que ce permis est propriété privée depuis de nombreuses années, qu'il a été acheté, vendu, racheté et revendu et qu'il a été utilisé, ne serait-il pas possible que l'accident survienne et que le juge dise que c'est effectivement un bien propre et que le détenteur du permis a le droit de le vendre parce que c'est sa propriété?

Comme l'indique le vieux dicton, si ça cancane comme un canard et que ça marche comme un canard, c'est que ce n'est probablement pas une vache. Par conséquent, les tribunaux pourraient décider que le titulaire du permis a le droit de le vendre à des Chinois ou à des Taïwanais parce que c'est en fait un bien propre.

Avez-vous envisagé cette éventualité?

M. Proudfoot : Oui, et nous reconnaissons que c'est une éventualité.

Le président : Cette éventualité me préoccupe de plus en plus.

M. Proudfoot : Plus le processus s'étire, plus l'argument du vendeur qui estime qu'il devrait avoir le droit de vendre ce permis a du poids.

Le président : Exactement.

M. Proudfoot : Si le ministre n'a pas établi une ligne de conduite en ce qui concerne son accord pour les transferts de permis, cela renforce d'autant plus la position des acheteurs de ces permis qui ont des attentes raisonnables en ce qui concerne la possibilité de les revendre. Dans ce cas, ils intenteront des poursuites au gouvernement. Dans la meilleure des hypothèses, cela causera un embouteillage et ralentira l'industrie.

Je pense que les permis sont essentiellement des étampes en caoutchouc qui ne résistent pas à une analyse systématique faite sous cet angle.

Le président : Si un dentiste de Toronto peut obtenir un permis de pêche au poisson de fond pour pêcher la morue noire en Colombie-Britannique ou si un enseignant de Vancouver peut posséder un permis pour la pêche au homard dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse, ces personnes ne pourront-elles pas dire un jour : « C'est mon bien; le ministre et le Parlement m'ont vendu ce permis ». « Personne n'a sonné l'alarme, sauf cet insignifiant comité sénatorial des pêches qui ne compte pas. »

Est-il possible que les cours en arrivent à la conclusion que le dentiste et l'enseignant sont en fait les propriétaires du permis?

M. Proudfoot : Si les modifications à la Loi sur les pêches sont mises en œuvre, cet argument prendra encore plus de vigueur. Je pense que l'argument actuel, à savoir que ces permis ne sont pas des biens propres, est raisonnable, car nous pouvons nous appuyer et compter sur toute une série de jugements de la Cour suprême du Canada. Je ne pense toutefois pas que c'est gagné d'avance.

Le président : Nous ne pouvons pas poursuivre notre petit bonhomme de chemin en fermant les yeux et en feignant que ce problème ne se posera pas. Le ministère des Pêches et des Océans a parlé de « quasi-propriété ».

Le rapport Pearse-McRae recommande d'adopter ces modifications et le MPO trouve que c'est une excellente idée mais ni l'un ni l'autre n'ont signalé aux Canadiens la possibilité que cela pose des problèmes sur le plan juridique.

C'est une question qui me préoccupe et j'aimerais en connaître les aspects juridiques. Je suis préoccupé par les décisions futures en matière de droits de propriété. J'en saurais peut-être davantage si j'étais avocat.

M. Proudfoot : Je pense que vous vous en tirez assez bien.

Le président : Savez-vous si des quotas individuels (QI) ont été instaurés en Nouvelle-Zélande pour les pêches récréatives? L'industrie de la pêche néo-zélandaise est maintenant privatisée.

M. Brockley : Je pense que Marilyn m'aidera à répondre, surtout si j'hésite. Le modèle néo-zélandais est fondé sur les principes que nous avons mentionnés. Cependant, en raison des faiblesses du libellé de leur loi sur les pêches, le modèle a échoué. L'Australie s'applique également à élaborer un système semblable.

Le système néo-zélandais a été un échec parce que le libellé de la loi laissait aux pêcheurs sportifs et commerciaux une possibilité de la contester. Il paraît que la Nouvelle-Zélande s'applique à régler le problème.

Mme Murphy : L'esprit initial de la loi et la promesse de Moyle voulaient qu'après que les Maoris aient reçu un accès prioritaire à la pêche, le secteur récréatif ait aussi un accès prioritaire. La loi accordait la priorité aux intérêts du secteur récréatif, avant l'allocation des quotas commerciaux. Elle fixait des limites précises; les parties se sont rencontrées pendant la contestation judiciaire.

D'après les représentants du secteur de la pêche récréative et d'après les commentaires des habitants des collectivités côtières, cet échec était également dû à la privatisation. Je ne peux pas faire des commentaires sur la privatisation d'un point de vue commercial. Je ne peux pas donner un avis à ce sujet.

Vous nous avez demandé ce que nous pensions de la loi et de l'absence de reconnaissance de la pêche récréative. Lorsque nous avons vu le premier document de consultation en provenance d'Ottawa, nous avons remarqué qu'il ne faisait pas une seule fois mention de la pêche récréative en Colombie-Britannique. Peu de temps après, les autorités fédérales ont entendu nos protestations véhémentes et ont ajouté deux diapositives à l'exposé. Deux semaines plus tard, dans un autre village côtier, ces diapositives avaient mystérieusement disparu.

Nous nous demandons quels sont les motifs des modifications proposées à la loi. On nous a signalé que leur objectif est de mettre en œuvre la réforme des pêches en ce qui concerne la pêche sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, mais lorsque nous avons demandé que l'on nous montre un Livre blanc et que l'on nous permette d'apporter notre contribution de façon inclusive et transparente, en tenant compte des intérêts de tous les intervenants de la province, on nous a répondu qu'on allait déposer un Livre blanc au mois de novembre et que nous aurions alors l'occasion de contribuer. Ce type de réponse ne satisfait personne en Colombie-Britannique.

M. Brockley : Tout compte fait, le problème c'est que nous ne pouvons pas participer activement à l'élaboration de cette politique. Nous avons été exclus. Le document concernant la réforme de la pêche indique que le gouvernement entreprendra des consultations avec les représentants de la pêche commerciale et des Premières nations, puis avec ceux de la pêche récréative.

Le problème est que même s'il laisse notre pêche dans son état actuel et même si le gouvernement adopte, comme on le prévoit, le système de gestion axé uniquement sur les quotas, nous serons coincés en raison des incidences de toutes ces politiques. Nous ne serons pas capables d'être fonctionnels. Il est essentiel que nous soyons inclus dans le processus.

Le président : Un dernier commentaire. Je voudrais citer un passage du récent guide de discussion du MPO.

Les discussions avec les représentants de la pêche récréative par le biais du Conseil consultatif de la pêche sportive portant sur les approches à une amélioration du rendement et de la viabilité de cette pêche viennent seulement d'être entamées pour de bon.

Cela fait penser à vos diapositives qui avaient disparu comme par enchantement.

Mme Murphy : Exactement.

Le président : Est-ce la même situation?

Mme Murphy : Oui.

Le président : Étant donné que vous faites partie intégrante des collectivités côtières, vous rencontrez, naturellement, la plupart des représentants des pêches commerciales, surtout de la petite pêche locale. Vous fréquentez probablement les mêmes restaurants, les mêmes salles de bingo, et cetera

Quels types de relations avez-vous avez les pêcheurs commerciaux qui s'intéressent aux mêmes poissons que vous? Y a-t-il une possibilité de collaboration entre les deux groupes? Je présume qu'il est nécessaire que vous soyez en mesure de collaborer à cause de la proximité.

M. Brockley : Oui, et je pense qu'il est essentiel que nous fassions quelques progrès concrets cette année. Nous avons restructuré le processus du conseil consultatif pour le secteur commercial et le ministère a mis en place le processus du Comité de planification intégrée de la « récolte », qui est une tribune multisectorielle regroupant les Premières nations, les représentants du secteur de la conservation, les écologistes et les représentants de la pêche récréative et de la pêche commerciale. Notre objectif est de trouver la possibilité de mettre en place un plan de gestion intégrée de la pêche.

Réussirons-nous? Je n'en suis pas sûr, mais nous ferons tous de gros efforts pour que ce soit une réussite. On ne peut pas continuer à discuter et à se quereller au sujet de ces questions. Il est nécessaire d'essayer d'aller de l'avant et d'en arriver à une entente.

Le président : Je remercie tous les témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré cet après-midi.

Honorables sénateurs, nous avons la chance d'accueillir notre témoin suivant, la très célèbre anthropologue spécialisée dans les questions maritimes, la professeure Evelyn Pinkerton.

Madame Pinkerton, nous sommes heureux que vous soyez ici pour nous faire part de vos opinions. Vous avez probablement une bonne idée du but de nos études. Votre domaine d'étude est très proche de nos préoccupations et nous avons donc beaucoup de chance de vous accueillir aujourd'hui.

Evelyn Pinkerton, professeure agrégée, École de gestion des ressources et de l'environnement, Université Simon Fraser, à titre personnel : Je ferai d'abord quatre principaux commentaires.

Le premier est que je ne pense pas que le degré de privatisation qu'entraîneraient les quotas individuels transférables (QIT) soit très clair et qu'il soit essentiel de clarifier et de dissocier les droits liés à une ressource et les droits liés à un stock. Je ne sais pas si les témoins précédents ont fait des observations précises à ce sujet, mais c'est essentiel pour comprendre les implications en ce qui concerne les autres ressources marines et les écosystèmes.

Le deuxième commentaire que je voudrais faire est que les QIT n'ont, à ma connaissance, pas été évalués de façon systématique. Ils ont toutefois été évalués dans d'autres pays et je compte d'ailleurs vous parler de ces évaluations.

Mon troisième commentaire est que les QIT n'ont pas été comparés à d'autres modes de gestion pour déterminer leur efficacité en regard des trois critères essentiels, à savoir la conservation, l'efficacité et l'équité. Ce sont les trois critères d'évaluation des régimes de gestion des ressources.

Enfin, je voudrais citer deux brefs exemples exposant certaines des solutions de remplacement pour régler les problèmes de gestion que l'on tente de régler avec les QIT.

En quelque sorte, les QIT ne représentent pas vraiment un haut niveau de privatisation car les pêcheurs n'achètent pas le stock. Ils achètent un droit de « récolte ». Cependant, pour ce qui est du saumon, qui est la pêche que nous examinons actuellement, ce poisson passe une bonne partie de sa vie dans les bassins hydrographiques de l'écosystème d'eau douce. Le saumon a une interaction avec de nombreuses autres espèces. Il voyage beaucoup. Comment peut-on dissocier la santé d'un stock de celle des autres stocks? Comment peut-on dissocier les droits des utilisateurs d'un stock de la complexité des interactions? L'esprit de la Loi sur les océans est d'aller dans cette direction, afin de tenir compte des liens entre les habitats et des interactions entre les espèces.

Par ailleurs, j'ai été très étonnée que Peter Pearse nous recommande d'accroître la liberté de transférabilité au lieu de la diminuer. Je pensais que le gouvernement fédéral comprendrait les problèmes associés à la transférabilité et qu'il établirait des limites strictes en ce qui concerne les QIT.

M. Pearse recommande un type de privatisation des droits de pêche plutôt extrême qui devrait susciter des questions très importantes en matière de politique gouvernementale. J'espère que vous considérez qu'il est de votre devoir de soulever ces questions qui sont, à mon avis, essentielles pour les valeurs canadiennes. Nous ne tenons pas à ce que les quotas soient vendus en Chine, là où la présence américaine est actuellement très marquée.

Les trois principaux critères sont l'équité, l'efficacité et la conservation. Les économistes prétendent que les QIT sont des outils de conservation, mais la plupart des gens pensent probablement qu'ils ont pour principal objet d'assurer l'efficacité.

Je vais axer mes observations sur la conservation, car c'est la question la plus urgente.

Je vais citer de courts extraits de l'étude de l'économiste Tom Tietenberg, à savoir une étude très exhaustive sur les permis négociables. Je vous en remettrai volontiers un exemplaire si vous le désirez. Je n'en citerai que les points saillants.

Tietenberg a non seulement fait une étude personnelle, mais il cite une étude de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques dont le siège est à Paris, publiée en 1987 et intitulée : Toward Sustainable Fisheries : Economic Aspects of the Management of Living Marine Resources (Pour des pêches durables : aspects économiques de la gestion des ressources marines vivantes). Cette étude est une compilation de l'information actuelle sur les QIT, particulièrement sur les QIT solidement établis dans divers pays du monde. Les auteurs de cette étude ont constaté que dans 18 pêches, les coûts d'application des règlements étaient plus élevés ou les problèmes étaient devenus plus fréquents alors que la situation s'est améliorée dans cinq pêches. La documentation signale une ous-évaluation des prises déclarées et une dégradation des données dans 12 pêches et une amélioration de la situation dans six pêches seulement. Vingt-quatre des 37 pêches axées sur les QIT ont enregistré une diminution au moins temporaire des stocks, en raison d'une information insuffisante et de la pêche illégale. Dans 20 de ces cas, on a eu recours à des règlements supplémentaires comme la fermeture de la pêche dans certaines zones, la réglementation de la taille, l'imposition de limites de sortie et de restrictions sur les navires. En d'autres termes, on n'a pas compté uniquement sur les QIT pour assurer la conservation. Ce qui est important pour les projets d'instauration de QIT sur la pêche au saumon en Colombie-Britannique, c'est que l'étude a signalé que les pêches axées sur les QIT où l'on a enregistré les plus fortes diminutions de stocks sont les pêches d'espèces pélagiques comme le saumon : des espèces migratoires se déplaçant rapidement et dont les niveaux d'abondance fluctuent annuellement.

Je suis certaine que d'autres pêcheurs que vous ont signalé que ce système n'était pas avantageux pour eux. Cela ne règle pas leurs problèmes économiques s'ils doivent acheter des quotas avant même de savoir s'ils auront accès à un stock. Ils prennent des risques considérables et je pense que de nombreuses personnes estiment que la situation se détériorerait sous le régime des quotas. Les quotas en ce qui concerne le saumon n'améliorent pas la situation économique des pêcheurs et n'accroissent pas la conservation de la ressource; il serait par conséquent naïf de croire que c'est leur objectif officiel.

Je passe maintenant au troisième de mes commentaires concernant la façon d'évaluer les QIT par rapport aux autres solutions possibles. Ce n'est pas une tâche facile, mais certains chercheurs en science politique ont tenté de résoudre le problème. D'après quelques chercheurs, les QIT sont dans certains cas plus efficaces que d'autres approches axées sur le marché si l'on se base sur les trois critères essentiels, pour autant que les autres facteurs demeurent constants et que des ententes de gestion à l'échelle communautaire soient passées. Ils sont particulièrement efficaces en ce qui concerne l'équité, la durabilité ou la conservation.

J'ai participé à la préparation d'un rapport qui a été publié en 1999. Ce rapport, dont les auteurs sont Randall Peterman et Brad de Young et qui est intitulé Marine Fisheries in a Changing and Uncertain World (Les pêches en milieu marin dans un monde changeant et incertain), contient une conclusion rédigée par Rod Dobell, de l'Université de Victoria. M. Dobell signale que l'approche de prudence nécessaire en raison de la complexité et de l'incertitude qui caractérisent actuellement le milieu marin n'est pas compatible avec la privatisation. Notre équipe a constaté qu'une certaine flexibilité et adaptabilité dans les systèmes de gestion étaient essentielles. La conclusion que nous en avons tirée est que les approches communautaires sont plus intéressantes que la privatisation à l'aube du XXIe siècle. Nous avons davantage intérêt à opter pour une gestion des écosystèmes et à tenir compte de la complexité et de l'incertitude qui caractérisent ce milieu lorsque l'approche de prudence sera plus largement acceptée.

J'aimerais citer à ce propos deux exemples. Le premier est un cas que vous connaissez peut-être. Dans le cas de la pêche du saumon à Chignik, en Alaska, les pêcheurs de cette région ont décidé de former une coopérative pour réduire volontairement leurs coûts et pour partager les bénéfices de la pêche à égalité. C'est un système analogue à la mise en commun pratiquée en Colombie-Britannique dans la pêche du hareng, mais à plus grande échelle et de façon plus systématique, avec en outre un plus haut degré de planification.

Environ la moitié seulement des pêcheurs ont effectivement pêché et, parce qu'ils étaient en mesure de régler tous les problèmes économiques en réduisant leurs coûts et le nombre de personnes sur place, ils ont pu obtenir des résultats tels que la livraison de leurs captures vivantes, l'obtention d'une meilleur prix pour leurs prises et un écoulement encore plus régulier. La collectivité a permis d'atteindre l'objectif que l'on présumait pouvoir atteindre avec les QIT.

Il est vrai que dans ce cas-ci, quelques matelots de pont, qui auraient pêché dans une pêche traditionnelle, avaient été exclus, mais je pense qu'il est important d'être conscients du fait que cela ne fait pas partie intégrante de l'entente; c'est tout simplement l'entente telle qu'elle avait été prise. Il serait certainement possible que les pêcheurs acceptent d'inclure les matelots de pont, comme dans de nombreuses autres pêches à travers le monde.

Dans ce cas-là, les pêcheurs ont établi les règles, ont formé une institution, ont décidé de la façon de satisfaire aux trois critères essentiels, puis ont assuré eux-mêmes la surveillance et l'application des règles qu'ils avaient établies.

Ce modèle pourrait être extrêmement utile au gouvernement car il permettrait de réduire les coûts de gestion et de mettre en place un système légitime et équitable tout en diminuant les nombreux problèmes que pose la conception de règlements efficaces.

Comme vous le savez, les pêcheurs ont le don de contourner les règlements officiels et c'est à qui adoptera la stratégie la plus intelligente et la plus originale pour ce faire, ce qui ne serait pas possible si les pêcheurs concevaient eux-mêmes les règlements qui les concernent.

Le second exemple est un système de QIT mis en application en Hollande. Ce système a évolué pour devenir un système de gestion à l'échelle communautaire. Il s'agit du système Dutch Biesheuvel. En 1976, la mise en place de QIT n'avait pas entraîné de réduction de l'effort de pêche. En fait, l'effort de pêche avait considérablement augmenté et, en fin de compte, les autorités hollandaises ont décidé de mettre en place des groupes de gestion des quotas appelés Biesheuvel. Elles ont créé un plan conjoint de pêche et mis en place un conseil exécutif chargé d'établir les règles. Ce conseil a imposé des règlements, des limites de sortie, et cetera, et surtout, il a fixé des amendes à l'intention des pêcheurs qui enfreignaient le système. Les amendes incluaient le versement d'indemnités à toutes les parties lésées.

Le système hollandais a évolué pour devenir davantage un système communautaire, incluant une série de facteurs régulateurs évalués par la politique européenne commune en matière de pêche.

Voilà donc l'exemple d'un groupe de pêcheurs qui ont établi leurs propres règles et qui est très semblable au modèle des pêches communautaires.

Le sénateur Hubley : J'ai été fascinée par vos commentaires sur le système hollandais, à savoir un système de QIT qui a évolué pour devenir un système de type communautaire. J'aime cette idée, mais je crains que notre système des QIT ne devienne de moins en moins important. Je crains qu'en raison de sa nature même, il ne prive les collectivités de cette possibilité.

Connaissez-vous des modèles qui démontrent que, même dans le cadre d'un système des QIT, les collectivités ont toujours le droit de propriété et peuvent en retirer des avantages à l'échelle locale?

Mme Pinkerton : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question. Demandez-vous si les systèmes conventionnels de QIT ont tendance à tenir les collectivités à l'écart?

Le sénateur Hubley : Oui, c'est ma question.

Mme Pinkerton : Je pense que oui. J'ai entendu dire que la pêche du crabe des neiges au large de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, préoccupe au plus haut point les agents du MPO qui habitent cette région et y travaillent.

Vous savez probablement que c'était la circonscription de Roméo LeBlanc. Dans cette région, les agents des pêches craignent pour le bien-être des collectivités et il paraît qu'ils sont extrêmement préoccupés au sujet de la prochaine génération de pêcheurs. Toutes les collectivités acadiennes et néo-écossaises sont très dépendantes de la pêche et se demandent si la prochaine génération de pêcheurs aura des QIT.

Vous savez peut-être que l'on y met en place des mesures spéciales pour tenter de réduire l'impact. Je pense que ce n'est pas suffisant, mais en tout cas, quelques mesures ont été prises.

Le fait qu'aucun QIT pour la pêche du flétan ne soit attribué aux collectivités Nuu-Chah-Nulth, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, mérite d'être signalé. C'est choquant.

Je suis sûre que vous savez déjà que l'on offre les QIT à la première génération de détenteurs au même prix que le permis actuel ou que ceux-ci ont des droits acquis. Ils ne doivent rien payer. Ils héritent en quelque sorte d'un bien public de très grande valeur, généralement parce que ce qui les incite à adhérer au programme, car on leur demande de sacrifier les générations futures dans leur intérêt personnel.

La deuxième génération n'aura pas autant de chance. Elle devra payer. Elle payera pour ce bien public, puis elle devra encourir les coûts.

La première génération hérite du bien public mais doit, en contrepartie, accepter de défrayer un pourcentage élevé des coûts de gestion. Ces pêcheurs pensent qu'ils en ont les moyens parce qu'ils viennent d'hériter d'un bien de très grande valeur. Les pêcheurs de la deuxième génération paieront pour ce bien, ils continueront de payer pour ce bien public et devront réaliser des économies d'échelle. Ils devront payer le prix du marché à leurs matelots de pont et ils seront forcés de mettre les permis en commun pour réduire les coûts d'exploitation.

Je pense que les témoins précédents ont signalé que c'est le permis plutôt que les bateaux qui est devenu très capitalisé et que les pêcheurs sont par conséquent forcés de réduire leurs dépenses par tous les moyens possibles. Le système favorise ceux qui ont un accès facile au capital et ces personnes-là ne sont pas les habitants des collectivités locales.

Le sénateur Hubley : Nous en prenons bonne note. Je ne pense pas que la politique des QIT soit respectueuse des collectivités.

Mme Pinkerton : Pas du tout.

Le sénateur Adams : Vous avez mentionné les QIT. Ce que je crains, c'est que les grosses sociétés de pêche étrangères prennent le contrôle des entreprises locales, ce qui ne laisserait plus d'industrie à nos collectivités.

Les Terre-Neuviens pêchent depuis plus de cinq siècles, mais les usines de transformation du poisson ont maintenant disparu. Nous avons besoin de pêcheurs locaux au flétan noir et à la crevette au Nunavut, mais il est essentiel de bien gérer les quotas de flétan noir et de crevette, sinon il ne restera rien pour plus tard. Est-ce ce que vous pensez également?

Mme Pinkerton : Tout à fait.

Le sénateur Adams : Dans certaines collectivités du Nunavut, jusqu'à 85 p. 100 des habitants n'ont pas d'emploi. Dans une collectivité de l'île Baffin, dont la population est de 350 habitants, 35 personnes ont un emploi permanent, mais la plupart des habitants sont des assistés sociaux faute d'autres sources de revenus.

Deux zones de pêche appartiennent théoriquement au Nunavut. La pêche du flétan noir a une valeur de plus de 60 millions de dollars par an. En outre, il y a du poisson pour une valeur de 40 millions de dollars à l'extérieur du Nunavut. La valeur totale annuelle de ces deux pêches dépasse 100 millions de dollars et, pourtant, nos collectivités n'en touchent pratiquement pas un sou.

Le ministre des Pêches a accordé les quotas au Nunavut. Je pensais que le Nunavut nous appartenait, mais on propose maintenant d'instaurer le système des QIT. Ce sont des compagnies étrangères qui capturent le poisson, bien que les permis aient été accordés au Nunavut. Une de nos organisations, la Baffin Fisheries Coalition, vend des permis de pêche à des sociétés étrangères. C'est le type de situation qui me préoccupe. Je suis préoccupé au sujet des QIT. Ce ne sont pas les habitants de nos collectivités qui pêcheront ces poissons-là.

Je connais un sénateur à Washington qui veut mettre en place une politique relative aux quotas pour la pêche commerciale. En Alaska, toute la collectivité participe au système des quotas.

Mme Pinkerton : Oui. Ce fut bien documenté par l'économiste Gunner Knapp. Vous pouvez vérifier sur sa page Web. Parlez-vous du système des quotas axés sur le développement communautaire?

Le sénateur Adams : Oui.

Mme Pinkerton : Dans certains cas, on utilise certaines versions du système des quotas pour s'adapter aux besoins des collectivités et, comme d'autres témoins vous l'ont certainement signalé, les États-Unis ont tendance à l'exiger de plus en plus dans les systèmes de quotas.

Le sénateur Adams : Notre système est efficace. Nous avons des organisations dans les diverses collectivités. Par exemple, nous avons des associations de chasseurs et de trappeurs au Nunavut, dont la plupart sont financés par le gouvernement. Nous aidons parfois les chasseurs qui n'ont pas d'embarcations. Ces associations sont dirigées par des conseils d'administration dont les membres sont élus tous les cinq ans, exactement comme aux élections municipales.

Les habitants de la collectivité devraient pouvoir acheter des quotas à d'autres membres de la collectivité pour pouvoir pêcher. Ils devraient pouvoir travailler de cette façon, exactement comme ils le feraient dans un système de coopérative.

Mme Pinkerton : Ce serait tout à fait possible. Une pêche de l'ouest de l'Alaska a été placée sous le régime des quotas, mais les quotas sont échangeables dans une zone restreinte seulement. Ce pourrait être un système efficace, mais il ne correspond pas à l'esprit des systèmes canadiens de QIT. Ceux-ci ont tendance à n'imposer aucune restriction en matière de transférabilité. Vous venez de signaler que la transférabilité est un enjeu clé.

Le sénateur Cowan : Madame Pinkerton, vous avez expliqué pourquoi un QIT ne coûte rien au moment où la pêche est établie. Nous présumons que les personnes qui sont là et qui ont des liens particuliers avec les collectivités côtières obtiennent un quota. Lorsqu'on arrive à la génération suivante, le coût d'acquisition des permis entraîne une concentration accrue qui éloigne inévitablement, semblerait-il, ces permis des collectivités qui les détenaient initialement.

Dans la réponse que vous avez donnée au sénateur Adams il y a un instant, vous avez mentionné l'Alaska et un quota transférable. Il n'est transférable que dans une zone géographique précise. Est-ce bien cela? Est-ce la raison pour laquelle ce modèle est efficace?

Mme Pinkerton : L'exemple concernant l'Alaska constitue une solution de rechange à un système de quotas. Les pêcheurs qui détenaient les permis de pêche au saumon ont mis leurs permis en commun de façon à être en mesure de régler les problèmes que le système des quotas était présumé régler.

Le sénateur Cowan : C'était donc une solution de rechange au système des quotas.

Mme Pinkerton : Oui.

Le sénateur Cowan : Le système hollandais renferme-t-il un système de QIT?

Mme Pinkerton : Un système de QIT était en place, puis les personnes concernées ont finalement mis en place un système collectif.

Le sénateur Cowan : Les quotas étaient-ils librement transférables?

Mme Pinkerton : Non. C'est une des raisons pour lesquelles cette évolution a pu se faire.

Le sénateur Cowan : Pensez-vous que nos systèmes de QIT seront efficaces dans notre cas? La plupart des pêches, sinon toutes, ont déjà été transférées à la génération suivante et la concentration est déjà forte; le recours à cette option- là enrayerait peut-être l'exode des moyens de subsistance des collectivités, si je peux m'exprimer ainsi.

Mme Pinkerton : Comme vous le savez, la transférabilité de permis de pêche à accès limité crée une surcapitalisation. Nous n'échappons pas totalement au problème. Idéalement, les permis ne devraient pas avoir de valeur marchande. Idéalement, un permis devrait être remis au gouvernement et délivré à nouveau selon un système de points d'appréciation pour éviter la surcapitalisation des permis. Ce ne serait pas possible avec les quotas. À défaut de cette stratégie, les quotas ne pourraient être transférables que dans une région géographique précise. Ils pourraient être transférables par le biais des familles. De nombreuses solutions de rechange sont possibles. Les quotas peuvent également appartenir à la collectivité et, par conséquent, le pêcheur louerait le quota à la collectivité, à un comité ou à une autre entité communale. Il existe de nombreuses possibilités d'attribuer des quotas et des permis sans être confrontés aux problèmes qui se poseraient sous le régime des QIT.

Le sénateur Cowan : Comment peut-on changer la situation? Je pense que les personnes assises autour de cette table ont de la sympathie pour ces collectivités, qu'elles sont en faveur de leur accorder un droit de parole accru pour renverser cette tendance. La question est de savoir comment il faut procéder dans un monde parfait.

Mme Pinkerton : Dans un monde parfait, le Sénat aurait l'attention du Parlement et de la population canadienne. Le Sénat signalerait que cela relève de la politique gouvernementale. Les parlementaires signaleraient que nous perdons l'accès à des ressources publiques de très grande valeur qui sont étroitement associées à notre identité et au bien-être général. Vous signaleriez qu'il faudrait intervenir et en faire une question parlementaire. Vous devriez suggérer de supprimer les QIT au Canada et d'évaluer les systèmes actuels pour déterminer s'ils répondent aux trois critères essentiels. Il serait impératif de chercher des solutions de remplacement. Tout serait alors parfait, à mon avis.

Le sénateur Cowan : Acceptons le fait que le système actuel ne répond pas aux trois critères essentiels.

Si vous étiez ministre des Pêches, comment mettriez-vous ce nouveau système en œuvre?

Mme Pinkerton : J'adopterais peut-être les modifications à la loi Magnuson-Stevens. Le projet de loi indique que les quotas actuels sont assujettis à une évaluation qui pourrait entraîner leur refus et leur suppression s'ils ne répondent pas aux trois critères. C'est alors que l'on arrive à la question des droits de propriété des détenteurs de quotas.

On tente souvent de persuader les personnes qui voudraient détenir des quotas que ce droit appartient entièrement au détenteur du quota alors que je ne pense pas que ce soit le cas sur le plan légal. Si l'on adopte une conception large de la confiance publique et de la propriété publique d'autres ressources qui ont des interactions avec ces ressources, il n'est pas possible de posséder tous les droits; je pense par conséquent qu'il est essentiel de renverser ces droits. C'est probablement possible sur le plan légal. Je ne sais pas qui a examiné la question, mais c'est ce que je présume et c'est ma conclusion. Ce serait certainement très complexe. Ce ne serait certainement pas aussi simple que ce qu'on laisse entendre aux pêcheurs.

Aux États-Unis, on a tendance à adopter un système qui permet de renverser les droits si l'on estime qu'ils ne permettent pas d'atteindre l'objectif de conservation et s'ils ne répondent pas aux trois critères essentiels. Je pense donc que c'est un fondement très solide sur lequel on peut s'appuyer pour soulever la question.

Le président : Depuis des années, on nous signale que le problème en ce qui concerne les QIT réside souvent dans le T, à savoir la transférabilité. J'ai remarqué que le ministère emploie souvent le terme QI parce que nombre d'entre nous appuient le concept des QI. C'est la transférabilité, qui donne lieu à la vente des permis et à la concentration, ce qui prive la collectivité concernée de la valeur de la ressource halieutique. Cela crée une situation dans laquelle la collectivité, qui est depuis toujours dépendante de la ressource pour sa subsistance, constate, du jour au lendemain, que ses moyens de subsistance ont été transférés à l'extérieur.

Les cas de ce type sont nombreux sur la côte est, comme celui de Canso, qui était un port de pêche longtemps avant que le Canada ne devienne ou ne songe même à devenir un pays. Canso était une collectivité de pêche depuis cinq siècles. Aujourd'hui, il n'y a plus d'industrie liée à la pêche dans cette localité. À Lunenburg, la société a décidé de déménager une partie de ses installations dans une autre ville située à une cinquantaine de kilomètres. C'est la société qui a pris cette décision, sans la participation de la collectivité.

La semaine dernière, À North Sidney, la société Clearwater a décidé de faire faire la transformation de la mactre d'Amérique en Chine, où la main-d'œuvre est bon marché. Les journaux en parlent. Ce n'est pas une histoire que j'invente. C'est véridique. C'est une ressource. C'est en Nouvelle-Écosse que cela se passe et la société a décidé de faire faire la transformation en Chine.

Lorsque les quotas sont allés à l'extérieur de Burgeo (Terre-Neuve), il ne restait plus rien dans cette collectivité. Il ne restait absolument plus rien. La ville dépérira. Harbour Breton et la région de la Gaspésie, au Québec, sont en train de dépérir.

Cette situation est très frustrante. Lorsque la décision est prise par la société, c'est le contribuable qui doit aider la ville. C'est le contribuable qui doit financer l'assurance-emploi pour les nouveaux chômeurs. Après environ un an, on tente alors d'élaborer une série de mesures de diversification pour relancer l'économie de la ville. En fin de compte, le gouvernement doit intervenir et relocaliser les habitants de la ville. Dans certains cas, les habitants restent dans leur ville et tentent de la revitaliser.

La question qui se pose est dès lors la suivante : pourquoi n'a-t-on pas fait une étude socioéconomique de l'impact des décisions sur les collectivités, en portant une attention particulière à la transférabilité. Si l'on avait examiné la question de la transférabilité des quotas individuels, la plupart de ces villes seraient peut-être encore viables ou elles ne seraient pas dépendantes des conclusions de l'étude, mais aucune étude n'a été faite.

Je suis très étonné que des décisions de ce type concernant la politique gouvernement continuent d'être prises alors qu'aux États-Unis, où, d'après certaines rumeurs, le gouvernement n'est pas aussi sensible que le nôtre, on précise dans la loi que les études d'évaluation doivent tenir compte de l'impact des décisions sur les collectivités de pêcheurs.

Pourquoi le Canada, un pays développé et civilisé, adopte-t-il une politique qui est encore pire que le modèle américain?

Mme Pinkerton : C'est une question très large.

Le président : C'est une question insidieuse.

Mme Pinkerton : Cette question pourrait être abordée de nombreuses façons. Nous pourrions demander qui a élaboré cette politique et qu'est-ce qui a dominé l'agenda.

Le président : Est-ce que des restrictions budgétaires auraient pu influencer la politique?

Mme Pinkerton : Oui. Je pense qu'un organisme adopte parfois un modèle à la hâte et ne se rend pas compte des autres options. Une façon charitable d'examiner la question est d'être conscient d'un manque d'imagination et d'une ignorance des autres possibilités. En ma qualité de spécialiste en sciences sociales, je me plains toujours du fait que les ministères chargés de la gestion des ressources naturelles ne prennent pas les sciences sociales au sérieux. Ils ne sont pas conscients de l'existence de certaines connaissances utiles concernant d'autres modèles plus raisonnables. Dans certains cas, les organismes s'en tiennent à des paradigmes précis et ne cherchent jamais d'autres programmes.

D'autres facteurs pernicieux institutionnalisés interviennent également. De nombreuses études démontrent que les organismes ont tendance à tenir des raisonnements à court terme plutôt qu'à long terme et ce, pour diverses raisons. Les horizons de planification sont souvent très restreints.

Je viens d'écrire un article que je vous communiquerais volontiers, qui se termine par une vingtaine de recommandations. Celle qui vous amuserait peut-être le plus suggère de lier les pensions et les salaires à long terme à l'état de santé de la ressource.

Le président : Sans objet.

Mme Pinkerton : Nous avons établi nos institutions de façon à récompenser certains comportements. Nous pourrions modifier nos institutions si nous le décidions. Il est possible de modifier certaines des habitudes des administrations qui rendent difficile une gestion efficace des ressources. Ce serait une tâche d'envergure, mais on pourrait entamer des discussions.

Le président : Dans votre troisième commentaire, vous posez la question suivante : quel est le degré de privatisation associé aux QIT et vous répondez qu'en quelque sorte, les QIT ne peuvent être considérés comme de la privatisation. Vous dites que le stock venant du flux annuel appartient au public.

Au paragraphe suivant, vous mentionnez qu'en Nouvelle-Zélande, les entreprises paient pour des études dont elles ne communiquent jamais les résultats au public. Vous ajoutez que certaines entreprises de la Colombie-Britannique invoquent maintenant le même argument.

Vous dites que c'est une ressource naturelle qui est un bien public, mais vous réfutez votre propre argument en signalant que les sociétés prennent possession du bien. Quand les entreprises refusent de communiquer l'information qu'elles ont, cela ne devient-il pas un bien privé?

Mme Pinkerton : Oui, je pense qu'on pourrait dire qu'en fait, les QIT sont gérés comme s'il s'agissait d'un bien privé, alors que, sur le plan juridique, je ne pense pas que ce soit possible, du moins pas de façon aussi radicale que ne semblent l'indiquer les actions prises.

Le président : Si une personne a obtenu un permis chaque année pendant une quarantaine d'années de suite, ce permis pourrait probablement servir de garantie pour un prêt bancaire. À ce stade, le permis devient sa « quasi propriété », pour reprendre le terme employé par le MPO, quasi-propriété qui se confond rapidement avec la propriété privée.

Je me demande si un juge ne pourrait pas avoir tendance à décider qu'il s'agit en fait de la propriété de cette personne et si le ministère ne se fait pas des illusions en pensant que c'est toujours un bien commun, étant donné la façon dont on procède depuis des années.

Mme Pinkerton : Quoi qu'il en soit, c'est une question qui devrait être clarifiée.

Le président : Certains d'entre nous pensent que les modifications proposées à la Loi sur les pêche donneront au ministre le droit de dire que c'est un bien privé.

Mme Pinkerton : Si c'était le cas, je pense que le ministre se soustrairait à sa responsabilité d'assumer toutes les fonctions liées aux modifications.

Le président : Son droit incontesté de gérer la pêche pour les Canadiens, car c'est une ressource qui appartient aux Canadiens.

Mme Pinkerton : Et tout ce qui y est rattaché, avec toutes les implications sur le plan public.

Le président : Nous aimerions examiner les solutions de rechange. Nous ne manquerons pas d'examiner la question de l'imposition d'une limite sur la transférabilité des QIT, ainsi que d'autres modèles.

Pensez-vous à d'autres modèles? Dans ce cas, nous apprécierions que vous nous les communiquiez car nous nous intéressons aux solutions possibles à ce problème. Nous aimerions examiner divers modèles. Les QIT sont peut-être la meilleure option. Nous ne le savons pas en fait. Nous gardons l'esprit ouvert. Nous sommes prêts à accueillir les suggestions, qu'il s'agisse des QIT, de restrictions sur la transférabilité, de quotas communautaires ou du modèle adopté en Alaska. Nous sommes prêts à accueillir tous les types de suggestions.

Nous tentons de garder l'esprit ouvert car un débat public est nécessaire sur cette question et nous estimons qu'il n'y a pas eu de débat public suffisant. Nous n'avons pas entendu le MPO parler de consultations. Les représentants du secteur pourront nous le confirmer.

Nous aimerions entendre vos suggestions, puisque vous êtes spécialisée en anthropologie sociale et que vous avez certainement des solutions différentes à ce problème à nous suggérer.

Mme Pinkerton : Tout de suite?

Le président : Non, car nous savons que cela nécessite un examen beaucoup plus approfondi et beaucoup plus large.

Mme Pinkerton : Avec plaisir.

Le président : Il est, par bonheur ou par malheur, aisé de cerner les QIT. Deux ou trois minutes suffisent pour en énumérer tous les avantages. La plupart des économistes classiques excellent dans ce domaine et sont même capables de le faire en moins de deux minutes. Les modèles communautaires et les quotas régionaux sont d'une complexité beaucoup plus grande. Il y a deux mois, les représentants de l'Aquatic Management Board de la côte ouest de l'île de Vancouver ont témoigné devant notre comité et, après quelques minutes, j'ai commencé à battre des paupières, en m'efforçant de comprendre. Pourtant, il ne s'agissait même pas encore d'un système communautaire.

Étant donné que vous avez étudié pendant plusieurs années la question de la gestion des ressources et des incidences sur les collectivités, vous pourriez peut-être nous aider.

Mme Pinkerton : Je le ferais bien volontiers.

Le président : Je remercie les témoins pour leurs exposés et leurs commentaires.

Michelle James, présidente sortante, British Columbia Seafood Alliance : La British Columbia Seafood Alliance, BCSA, est un regroupement d'associations dont les membres représentent 90 p. 100 de la production commerciale de fruits de mer provenant de la pêche commerciale. C'est l'association de pêche la plus représentative sur la côte ouest.

Les membres de l'Alliance estiment qu'en matière de pêche, durabilité environnementale et viabilité économique vont de pair; par conséquent, ils s'intéressent de très près à la gestion de la pêche. Certaines associations affiliées représentent des pêches contingentées et d'autres pas.

Lorsque le comité sénatorial a publié son rapport intérimaire au sujet du nouveau cadre stratégique en évolution du Canada pour la gestion des pêches et des océans, la BCSA a été consternée de constater que les membres du comité n'avaient apparemment examiné qu'un seul point de vue sur les changements qui ont été apportés en matière de gestion des pêches au cours des dix dernières années. En juin 2005, nous avons eu l'honneur de vous présenter notre mémoire intitulé « What do we want from British Columbia's commercial fisheries? The case for reform » (Qu'attend-on des pêches commerciales de la Colombie-Britannique? Une matière à réforme).

Nous avons en outre suggéré au comité de voyager en Colombie-Britannique pour aller constater sur place que la plupart des pêches contingentées de la province avaient amélioré la situation au chapitre de la conservation, de la rentabilité économique et des conditions de travail.

Malheureusement, à l'exception de cette présentation sur les quotas de pêche au poisson de fond au chalut, le comité n'a pas suivi notre conseil. En fait, nous n'aurions même pas entendu parler des présentes audiences si un membre du West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board ne nous en avait pas parlé.

Étant donné que vous n'avez pas communiqué avec des organisations qui représentent des pêcheurs de saumon ou des pêcheurs assujettis au régime des quotas, vos audiences ne permettront pas de recueillir l'éventail complet des opinions sur les nouvelles politiques en évolution du gouvernement.

Le président : Puis-je vous interrompre? Vous signalez que nous n'avons pas communiqué avec votre organisation. En fait, vous avez déjà témoigné à Ottawa.

Mme James : Nous parlons des diverses organisations de pêcheurs de saumon. Il y en a une dizaine sur cette côte.

Le président : Vouliez-vous que nous venions pour quelques mois?

Mme James : Possiblement.

Le président : Je ne tiens pas à discuter, mais nous ne pouvons tout de même pas aller dans chaque village, ville ou collectivité de la Colombie-Britannique.

Mme James : Nous comprenons bien cela.

Le président : Nous avons communiqué avec votre organisation et elle a témoigné à Ottawa.

Mme James : La BCSA a témoigné à titre de groupe de coordination, mais de nombreuses autres organisations de pêche au saumon sont très engagées dans ce domaine. Ce sont des organisations élues qui représentent deux tiers des titulaires de permis.

Le président : Bien. Je ne tiens toutefois pas à discuter.

Mme James : Sur les 17 pêches primaires de la Colombie-Britannique, neuf sont actuellement gérées sous un régime de quotas individuels d'un type ou d'un autre. En 2004, les pêches commerciales de la Colombie-Britannique sous le régime des quotas individuels représentaient 54 p. 100 de la valeur au débarquement. Bien que la BCSA ne préconise pas les quotas individuels pour toutes les pêches, la gestion axée sur les prises de chaque exploitation est un outil de gestion efficace.

Dans le mémoire que nous vous avons présenté au mois de juin, nous avons cité trois raisons impérieuses pour lesquelles une réforme des pêches est nécessaire sur la côte ouest. Ces raisons sont une conservation efficace et la gestion de la ressource, la nécessité de régler les traités avec les Premières nations et le transfert de l'attribution de la ressource de façon juste et équitable, ainsi que la nécessité d'être compétitif sur un marché mondial des fruits de mer très concurrentiel en offrant aux consommateurs des produits sains et d'une qualité uniforme, à un juste prix.

Nous vous avions suggéré d'examiner plus particulièrement les changements survenus dans le secteur de la pêche au chalut des poissons de fond depuis 1995 qui démontrent qu'une pêche dont les antécédents en matière de conservation et le rendement économique étaient lamentables peut devenir une pêche caractérisée par un système de déclaration des prises et des prises accessoires beaucoup plus efficace, des données scientifiques plus fiables, une meilleure intendance et des rendements économiques considérablement accrus dont ont bénéficié les propriétaires de bateaux, leurs équipages et les collectivités. Nous espérons que vous en tiendrez compte lorsque vous examinerez les quotas de saumon.

Bruce Turris, directeur général, Canadian Groundfish Conservation and Research Society, British Columbia Seafood Alliance : Honorables sénateurs, j'apprécie cette occasion de faire un exposé. Mon objectif n'est pas de vous « vendre » le concept des quotas individuels, mais de faire des commentaires sur la pêche du poisson de fond au chalut. Les quotas individuels font, naturellement, partie intégrante de cette pêche et j'espère décrire de façon assez fidèle la situation telle qu'elle était avant les changements apportés au niveau de la gestion en exposant les résultats obtenus depuis leur mise en place.

Comme le savent probablement certains d'entre vous, je participe à la gestion des pêches depuis plus de 20 ans, mais les personnes qui se trouvent à ma gauche sont depuis longtemps des participants, dans le secteur de la pêche proprement dit et dans celui de la transformation. Nous pourrons donc ensemble répondre aux questions que vous voudrez poser après l'exposé.

La pêche au chalut est une pêche à accès restreint comme la plupart des autres pêches sur la côte. Je suis certain que c'est également le cas sur la côte est. Nous avons 142 permis à accès restreint pour des bateaux de 35 à 150 pieds. C'est une pêche qui se pratique toute l'année. Nous capturons une soixantaine ou plus d'espèces ayant une valeur commerciale. C'est un programme beaucoup plus complexe que la plupart des pêches en raison du nombre d'espèces concernées, à savoir notamment le bar d'Amérique, la sole, les poissons plats et la morue.

Nous pêchons dans toute la zone côtière et la transformation est principalement faite à Rupert, à Vancouver et à Ucluelet. Nous avons 12 usines de transformation disséminées le long de la côte, dont deux dans l'État de Washington. Le poisson de fond est en majeure partie expédié vers le marché I-5, aux États-Unis.

Avant les changements de 1996-1997, la pêche était sous le régime du total autorisé des captures (TAC) en ce qui concerne la plupart des espèces, mais le mode de gestion s'appliquait à toute la côte car nous n'avions pas la possibilité de faire une gestion axée sur le TAC pour chaque stock. La pêche durait toute l'année. Nous avions des périodes mensuelles de pêche. Le TAC était réparti sur des périodes trimestrielles, puis des périodes mensuelles étaient établies pour chaque trimestre. Les limites de sortie étaient l'outil de gestion auquel on avait recours pour restreindre l'effort de pêche et les options en la matière étaient de deux, quatre ou 15 sorties, selon la taille du bateau et le nombre de sorties que l'on voulait faire par mois. La limite était, naturellement, d'autant plus basse que le nombre de sorties que l'on était autorisé à faire par mois était élevé. À mesure qu'on se rapprochait du TAC trimestriel alloué, les limites de sortie diminuaient, ce qui entraînait un plus grand nombre de remises à l'eau; en outre, l'information reçue en ce qui concerne le total des captures et la mortalité devenait moins précise. La vérification à quai était de 100 p. 100, mais elle ne tenait pas compte des remises à l'eau en mer. Nous avions les données du journal de bord, quoique celles-ci soient très incomplètes; en outre, diverses restrictions étaient imposées sur l'équipement.

Le système posait de nombreux problèmes. La gestion axée sur le TAC à l'échelle côtière ne tenait pas compte du TAC pour chaque stock. Par exemple, nous avions environ cinq stocks de sébaste du Pacifique, mais nous les groupions et les gérions en bloc pour toute la côte, en raison de notre incapacité de les gérer individuellement. Ce n'est pas la façon la plus efficace de gérer la ressource. Les TAC à l'échelle côtière étaient souvent dépassés dans le contexte du régime des limites de sortie et le système était basé uniquement sur les prises débarquées, sans tenir compte des remises à l'eau en mer.

La capacité et l'effort de « récolte » augmentaient dans la plupart des pêches à accès restreint, de style olympique. Nos capacités d'évaluation des stocks étaient réduites et diminuaient encore parce que l'information sur les prises et sur l'effort de pêche, sur laquelle était fondée à l'époque l'évaluation des stocks, devenait inutilisable à cause de la gestion et des changements comportementaux à la suite de limites de sortie de plus en plus restreintes.

Les coûts associés à la pêche augmentaient parce qu'on devait faire la course pour capturer le poisson. La sécurité devenait de plus en plus complexe et plus aléatoire. Les valeurs au débarquement diminuaient en raison de la piètre qualité du produit, d'une offre inégale et de la saturation du marché. Les TAC étaient dépassés, non seulement en raison de la surpêche, mais aussi d'une gestion de plus en plus prudente due aux piètres résultats produits par le régime de gestion et au nombre croissant de remises à l'eau en mer. Les marchés se rétrécissaient et, d'une façon générale, les risques associés à la pêche devenaient de plus en plus élevés, tant sur le plan de la conservation que sur le plan économique et sur celui de la sécurité.

En 1995, la situation s'aggrava à un point tel que pour la première fois depuis les années 40, la pêche fut fermée. Il restait encore plus d'un trimestre de pêche, mais plus des deux tiers des TAC avaient déjà été dépassés, certains de 100 p. 100, et ce, en se basant uniquement sur les prises débarquées, donc sans tenir compte de la mortalité due aux remises à l'eau en mer. Les limites de sortie étaient telles que les remises à l'eau en mer représentaient des quantités de poisson généralement plus élevées que les prises débarquées et que la durabilité des stocks était compromise. De nombreuses personnes pensaient que la pêche était au bord de l'effondrement.

La pêche fut fermée. Nous eûmes alors l'occasion de nous réunir avec les représentants de l'industrie pour mettre en place une nouvelle orientation pour la pêche et pour les ressources. Le ministère et l'industrie établirent les principaux objectifs en ce qui concerne cette pêche. Premièrement, il était capital que la pêche soit rouverte. Les autres objectifs étaient de veiller à ce que les prises, incluant les remises à l'eau en mer et les prises débarquées, n'excèdent pas le TAC. Il était essentiel de gérer les ressources à l'échelle de chaque stock en particulier et pas à l'échelle côtière, ce qui permettrait d'éviter de surexploiter un stock. Un autre objectif était d'encourager des pratiques halieutiques durables et un meilleur soutien à l'industrie, à court terme et à long terme, par le biais d'études scientifiques plus poussées.

Les objectifs secondaires incluaient des avantages économiques accrus et une plus grande stabilisation du marché permettant la régionalisation et la spécialisation. Un de ces objectifs secondaires était également d'encourager la sécurité dans le maniement des bateaux et d'éviter les écueils associés à la location et à la concentration des quotas. Nous avons alors mis l'accent sur le fait que le maintien des capacités de transformation existantes et la stabilisation de l'emploi dans les collectivités côtières assureraient le développement économique de ces collectivités. Nous y avons inclus un traitement équitable des équipes de travailleurs de ces secteurs.

Le plan incluait des QIB, ou quotas individuels de bateau. Il fallait établir un TAC pour un stock précis. On avait alors élaboré une formule d'attribution des QIB avec le concours des détenteurs de permis, du syndicat, des collectivités côtières et des autorités provinciales et fédérales. La transférabilité individuelle était autorisée afin de s'adapter aux réalités opérationnelles de la pêche, mais avec certaines restrictions mises en place pour éviter la concentration des quotas et d'éventuels impacts néfastes sur les collectivités. Le plan établissait des plafonds pour chaque espèce et des plafonds sur les prises totales afin de limiter la concentration des quotas et de s'assurer que des quotas soient disponibles pour tous les participants. Le programme incluait des règles concernant la mortalité en mer, et une vérification à 100 p. 100 en mer par des observateurs s'ajoutant à la vérification à 100 p. 100 à quai. Le plan incluait également des règles concernant le du dépassement du quota.

Le quota de développement du poisson de fond fit partie intégrante du plan. Les représentants des collectivités et les syndicats se réunirent pour discuter des questions de la stabilisation à l'échelle communautaire, du développement à l'échelle des collectivités, de la pêche responsable et des problèmes concernant les équipes. Nous avons maintenu la plupart des mesures de gestion traditionnelles concernant la fermeture de certaines zones, les restrictions sur l'équipement, les limites de taille des bateaux, et cetera

De toute évidence, cette description ne rend pas justice au plan, mais comme l'a mentionné tout à l'heure le sénateur Comeau, la plupart d'entre vous comprennent le concept des quotas individuels. Je voulais seulement le situer dans un contexte plus global. La plupart des autres points ont été identifiés avec les QI dans le plan.

Les résultats du programme depuis neuf ans sont remarquables. Au chapitre de la conservation, les prises n'excèdent plus le total autorisé des captures pour chaque stock et à plus forte raison à l'échelle côtière. En fait, depuis la mise en œuvre du programme, aucun TAC n'a été dépassé et pourtant, il s'agit de gérer près de 60 stocks différents dans cette pêche. En fait, dans certains cas, la gestion du TAC a permis de maintenir les captures à un niveau très inférieur au TAC fixé.

Le plafond sur la mortalité de prises accessoires de flétan dans le cadre du QIB démontre que, alors que la mortalité se chiffrait à environ deux millions de livres, soit environ un million de livres de plus que ce que le gouvernement trouvait acceptable, le nouveau système a permis de maintenir les captures annuelles à un niveau se situant à 700 000 livres en deçà du plafond fixé par le gouvernement. L'utilisation des captures s'est améliorée. L'adoption de pratiques de pêche durables est visible car les bateaux utilisent des câbles de longueur plus courte, de l'équipement sélectif, des dispositifs de mesurage des filets et des systèmes de communication efficaces pour s'assurer que les pêcheurs évitent les zones où les prises accessoires sont abondantes.

La collecte de données pour l'évaluation et la gestion des stocks est nettement plus efficace grâce aux données fournies par le programme des observateurs en mer qui génère de l'information individuelle sur les stocks pour une zone précise, incluant la quantité de remises à l'eau, toute cette information étant utilisée pour la gestion des quotas individuels et des quotas totaux ainsi que pour faire des évaluations.

La coopération entre la flottille, les gestionnaires et les scientifiques du secteur s'est accrue. L'industrie octroie environ 3 millions de dollars par an pour le financement des programmes de surveillance en mer et à quai. Elle finance en outre de nombreuses études scientifiques sur le poisson de fond, en collaboration avec le gouvernement seulement, et jamais sur une base individuelle. Elle finance des relevés de recherche annuels, des activités d'évaluation des stocks et des programmes d'échantillonnage biologique conjoints avec le ministère aux fins de la recherche. L'industrie a participé à environ neuf enquêtes différentes au large de la côte ouest de l'île de Vancouver, du détroit de la Reine- Charlotte et du détroit d'Hecate.

Outre certains gains qu'il a fait réaliser sur les plans de la conservation et de la gestion, le programme a été également profitable pour l'économie. La course effrénée au poisson a, de toute évidence, été remplacée par un système axé sur la maximisation de la valeur des prises par rapport aux quotas individuels attribués. On met beaucoup plus l'accent sur la qualité du produit, sur l'approvisionnement du marché et sur une plus large gamme de produits.

Tous ces changements ont entraîné une hausse de la valeur et des prix au débarquement. J'ai inclus les graphiques et tableaux pertinents dans le document d'information que je vous ai remis.

Les marchés se sont améliorés en partie grâce à une qualité supérieure, mais aussi grâce à un accroissement de la valeur et à une plus grande régularité de l'offre. Sous l'ancien régime, le produit était surtout concentré sur une très courte période, ce qui laissait une bonne partie du trimestre sans poisson ou avec très peu de poisson. Cela commençait au début de chaque trimestre. Il y avait des périodes de sursaturation du marché qui restait inapprovisionné pendant le reste de l'année. Le nouveau système a réglé ces problèmes et a permis à l'industrie d'exploiter de nouveaux débouchés.

Sous l'ancien régime, le nombre de bateaux était trop élevé. À la suite de la rationalisation de la flottille, la flottille actuelle a été limitée à une quarantaine ou une cinquantaine de chalutiers de fond et à une trentaine ou tout au plus une quarantaine de bateaux de pêche à la merluche qui sont tous actifs et viables.

Les avantages au niveau de la distribution résultent du volet « administration du développement de la pêche au poisson de fond » du programme. Cette administration donne des incitatifs aux propriétaires de bateaux et aux transformateurs pour faire des affaires et générer des profits pour l'ensemble de l'industrie. D'une façon générale, 10 p. 100 du total autorisé des captures sont réservés à l'administration du développement de la pêche au poisson de fond, qui les répartit entre les divers projets proposés par les propriétaires de bateaux et les transformateurs. Ces projets doivent démontrer les avantages qu'en tirera la collectivité grâce à la stabilisation des emplois et des installations de transformation existantes.

L'ajout de nouvelles techniques de pêche sélective innovatrices sera intéressant pour la pêche en encourageant des pratiques de pêche responsables et en assurant le développement communautaire à l'échelle de la province. Les projets sont évalués puis classés et les attributions sont faites. Des recommandations sont faites au ministre au sujet de l'allocation de ce 10 p. 100 de TAC aux projets qui sont présentés.

Le processus de l'administration du développement de la pêche au poisson de fond et du quota de développement du poisson de fond a considérablement stabilisé le marché et l'emploi des équipes, aussi bien dans les usines de transformation que sur les bateaux. Il a en outre réglé certains des problèmes qui ont été mentionnés au sujet des QI, problèmes liés à la concentration des quotas et à l'exploitation des membres d'équipage des bateaux de pêche et aux pêcheurs dits « de salon » ou « en pantoufles ».

L'analyse pour chaque bateau indique que plus de 90 p. 100 du quota est resté entre les mains de la flottille active. En fait, le nombre d'installations de transformation assurant le traitement des captures de la pêche au poisson de fond au chalut a augmenté depuis la mise en œuvre du programme.

Le programme, y inclus le volet « QI » et le volet « administration du développement de la pêche au poisson de fond », a amélioré la situation des membres des équipes et des propriétaires de bateaux par rapport à ce qu'elle était avant la mise en place du quota individuel de bateau (QIB), sans compter que la ressource était souvent surexploitée et que le TAC était dépassé de 100 p. 100. Nous capturons moins de poissons et les avantages pour les bateaux, les équipages ou les équipes et les installations de transformation, sont plus grands qu'ils ne l'ont jamais été.

D'après les examens du programme, la pêche au chalut permet aux participants actuels de bien gagner leur vie grâce à une augmentation des revenus, tant pour les propriétaires de bateaux que pour les membres d'équipage, à un assouplissement des conditions de travail des équipes et à un net accroissement de la sécurité du milieu de travail.

La spécialisation des flottilles est efficace pour la pêche sélective et la pêche responsable. Les participants, surtout les titulaires de licences et les détenteurs de QIB, se soucient davantage de la viabilité à long terme de la ressource, ce qui a donné naissance à de nombreuses relations de cogestion et à des relations très constructives entre le gouvernement, les scientifiques, les gestionnaires et les participants. Les fonds octroyés à la recherche scientifique et les activités de cogestion en la matière en sont la preuve éclatante.

Le gouvernement perçoit en outre environ 1 million de dollars en droits annuels de permis au lieu des quelque 1 400 $ qu'il touchait avant la mise en place du programme des QI, sans tenir compte de l'augmentation des recettes fiscales.

Le sénateur Hubley : Vous avez donc constaté des changements marquants et très intéressants dans la pêche depuis 1997.

Attribuez-vous ces changements positifs dans votre industrie à la mise en place des quotas individuels transférables ou à celle des quotas de bateau?

Alan Williams, associé, Fisher Bay Seafoods, British Columbia Seafood Alliance : En septembre 1995, notre industrie était en faillite et l'avenir de la ressource était gravement compromis et, par conséquent, celui des équipes et des collectivités.

Le système continue d'évoluer et les changements des neuf dernières années ont été une expérience intéressante. Nous avons été témoins de très nombreux changements au cours de cette période.

La durabilité, la reddition de comptes et la responsabilité associée aux ressources se sont améliorées. L'étape suivante est les changements concrets dans les collectivités, pour les pêcheurs et pour les bateaux, et ce n'est pas mal du tout. C'est très, très intéressant.

La sénateur Hubley : Vous avez signalé que l'on débarquait ou que l'on assurait la transformation de plus grosses quantités de poisson de fond dans les collectivités côtières. En fait, je pense que vous avez dit que le nombre d'installations de traitement avait augmenté. Est-ce que ces installations se trouvent dans les localités côtières ou dans les zones à plus forte densité de population?

Je voudrais être au courant de ce qui s'est passé dans le secteur du traitement du poisson en Colombie-Britannique depuis 1995 pour savoir quelle a été l'incidence sur les collectivités. Est-ce que la situation d'avant 1995 a influencé le plan à partir de 1995?

M. Williams : Absolument, et c'est un facteur dont nous avons tenu compte en formulant le programme des QIT.

J'exploite des usines de traitement dans les collectivités côtières de Sidney et d'Ucluelet. Avant les QIT, le traitement du poisson de fond était fait principalement à Vancouver. Avant la mise en place du nouveau système, l'état des installations de traitement du poisson dans le sud de l'île de Vancouver s'était détérioré progressivement en raison de l'échec des pêches concurrentes. Il s'agissait dans tous les cas de pêche concurrente à accès restreint et tout au long de ma vie, j'ai assisté à leur disparition. Nous exploitons maintenant une installation à Victoria qui emploie 65 travailleurs à plein temps pendant toute l'année. C'est un gros changement. Nous sommes un secteur dont les travailleurs ne perçoivent pas d'assurance-emploi.

La situation a changé à Ucluelet également. Nous y avons vu évoluer la pêche au merlu et la pêche au merlu du Pacifique depuis la mise en place des QI car, avant cela, les pêches appartenaient à des sociétés coréennes et à plusieurs multinationales américaines. Avec le temps, toutes ces pêches ont fait faillite à cause du désir de ces entreprises de maximiser leur chiffre d'affaires annuel. Elles ont fait de la très mauvaise planification à long terme. Neuf ans après la mise en place de notre système des QI, ces multinationales ont plié bagages et s'en sont allées, laissant les collectivités sans travail.

Je ne voudrais pas que l'on pense que j'exagère. Sur le plan local, la situation était terrible. Des personnes comme moi, des titulaires de quotas et des propriétaires de bateaux actifs dans le traitement du poisson n'avaient plus d'endroit où aller pêcher. Il était temps que les personnes ayant des intérêts dans ce secteur agissent.

Nous avons prolongé de trois à sept mois la saison de traitement du merlu et je pense qu'elle sera bientôt prolongée à huit mois, avec des emplois bien rémunérés et à plein temps. C'est une histoire de réussite. Ce changement se serait-il produit sous un autre régime? Certainement pas!

M. Turris : Nous avons par exemple cette année une installation de traitement du flétan noir à Masset alors qu'il n'y en avait pas et nous avons une demande de mise en place d'une installation de traitement du poisson de fond à Shearwater. La raison pour laquelle on fait des demandes est qu'il est nécessaire de désigner des lieux de débarquement. Il est donc essentiel de trouver et de nommer des observateurs pour surveiller les débarquements à ces endroits-là.

Le traitement du poisson s'est indéniablement déplacé de Vancouver vers les collectivités côtières. On traite de plus grosses quantités de poisson actuellement à Prince Rupert qu'à Vancouver, ce qui n'était pas le cas avant la mise en place des quotas.

Si les QI sont un volet important du plan, plusieurs autres facteurs assurent son efficacité. Une surveillance à 100 p. 100 par les observateurs en mer est extrêmement importante pour assurer l'efficacité du programme. Pour un gestionnaire, je dirais que c'est tout aussi important que les quotas individuels. L'administration du développement de la pêche au poisson de fond est, naturellement, un facteur important qui assure l'expédition du poisson vers des usines locales établies. C'est tout le plan qui est important, et pas seulement le volet QI.

Le sénateur Adams : Je suis originaire d'une petite localité. Notre pêche ne ressemble pas à la pêche en Colombie- Britannique et, dans notre région, la croissance du poisson n'est pas aussi rapide que dans vos eaux.

Cela m'intéresse toujours d'avoir des renseignements plus précis sur le fonctionnement du système des QIT. À l'instar du Canada, les autres pays connaissent une pénurie de poisson et les pêcheurs commerciaux étrangers veulent mettre le grappin sur des entreprises de pêche canadiennes. Pour moi, vous êtes à 100 p. 100 canadiens.

Si nous adoptions le système des QIT, quel pourcentage seriez-vous capables de contrôler ou de conserver? Quel pourcentage du quota permettrait de subvenir aux besoins des personnes qui vivent dans les collectivités canadiennes?

Le sénateur Comeau a mentionné tout à l'heure que la plupart des usines de traitement du poisson de la côte est sont fermées. Un système des QIT entraînera une augmentation du nombre de gros bateaux de pêche. Je connais Clearwater Seafoods et les grosses sociétés. Le secteur des pêches au Canada a été presque entièrement propriété canadienne. La Chine est maintenant, comme le Portugal, un concurrent, en raison de sa main-d'œuvre bon marché. Les Chinois travaillent sur ces gros bateaux pour un salaire moins élevé que le salaire auquel s'attendent des citoyens canadiens.

Si j'étais pêcheur et que je vivais et travaillais au Nunavut, je ne pourrais pas subvenir aux besoins de ma famille si je ne gagnais pas au moins de 80 $ à 100 $ par jour. J'ai appris que les Chinois et les Portugais peuvent subvenir aux besoins de leur famille avec un salaire annuel de 1 000 $. C'est ce type de situation qui me préoccupe.

Le système des QIT entraînera une augmentation du nombre de bateaux étrangers et de travailleurs étrangers dans nos eaux. Je vois que vous soutenez nos collectivités, mais je crains que vos partenaires étrangers pour les investissements ne prennent le contrôle. J'ai entendu dire que les étrangers détiendraient jusqu'à 25 p. 100 des parts majoritaires d'une entreprise. Est-ce vrai?

M. Turris : Non, ce n'est pas le cas au Canada. La pêche du poisson de fond au chalut a des règles qui limitent le quota par bateau ou par permis. Ce sont tous des bateaux canadiens et ces limites par bateau ont été mises en place pour éviter toute concentration excessive du quota. Ce sont des limites sur la quantité de poisson d'une espèce qu'un bateau peut avoir et elles ont été établies pour s'assurer que chaque espèce soit accessible aux autres bateaux et leur permette de pêcher, notamment de faire des prises accessoires, et cetera On a imposé des limites à la concentration.

À cela se greffe le processus de l'administration du développement de la pêche au poisson de fond qui leur permet d'avoir accès à 10 p. 100 du quota pour produire un effet de levier par rapport aux 90 p. 100 répartis entre les autres détenteurs de quotas.

Sénateur Adams, je ne peux pas faire de commentaires sur d'autres programmes, mais je pense qu'au cours de l'élaboration de ce programme, nous avons tenté de réaliser un certain équilibre.

Comme l'a mentionné le sénateur Comeau et d'autres personnes avec lesquelles j'en ai discuté, la question de la transférabilité est préoccupante. La pêche est extrêmement complexe. Au cours d'une sortie, un bateau capture parfois une trentaine d'espèces différentes. Nous nous appliquons à gérer une soixantaine d'espèces.

Sur le plan opérationnel, la transférabilité est nécessaire pour que le bateau puisse respecter les allocations. Si un détenteur de permis, qui a plusieurs quotas, en dépasse un, mais a la capacité d'obtenir la portion manquante d'un autre détenteur de permis, il ne gaspillera pas le poisson qu'il a pris mais le conservera et pêchera de façon responsable.

Cette transférabilité a été mise en place pour que les pêcheurs soient tenus de rendre compte de la totalité de leurs captures et qu'ils pêchent de façon responsable. Par conséquent, elle est nécessaire pour des motifs opérationnels. Est-il essentiel d'imposer des limites sur la transférabilité? C'est certain. Il est essentiel d'établir des limites pour restreindre la concentration des quotas et limiter les abus qui peuvent être associés au concept de transférabilité, mais c'est aussi un besoin opérationnel.

Le sénateur Adams : Je pense qu'un système de QIT est en place depuis des années en Islande et en Nouvelle- Zélande. Savez-vous si ce système est générateur de revenus pour les collectivités?

M. Turris : Presque toute la pêche islandaise est sous le régime des QIT mais, pour être honnête avec vous, je ne peux pas dire s'il a permis d'atteindre tous les objectifs de développement communautaire.

Le sénateur Adams : Les témoins néo-zélandais que nous avons reçus ont signalé que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande avait donné des quotas représentant plus de 60 p. 100 de la pêche à la population locale maorie alors que pas un seul Maori ne travaille dans la pêche commerciale. C'est pourquoi j'ai posé cette question sur le système des QIT.

M. Turris : Mme Pinkerton m'a dit qu'elle était étonnée que le Conseil tribal Nuu-Chah-Nulth ne détienne pas de quota. En fait, il est détenteur de plusieurs quotas individuels, mais ces quotas sont détenus par la bande et pas par les pêcheurs. Le Conseil tribal Nuu-Chah-Nulth détient cinq quotas de pêche au flétan, cinq permis de pêche à la traîne au saumon et deux permis de pêche au bar d'Amérique; en outre, quelques autres permis de quotas individuels ont été attribués à diverses bandes sur toute la côte.

Le sénateur Adams : Nous avons actuellement quelque difficulté au Nunavut. Une organisation locale a engagé quelqu'un de Terre-Neuve — je ne vais pas essayer de prononcer son nom — et un partenariat étranger a été scellé.

Nous avons signé un accord sur les revendications territoriales et nous voulons avoir le contrôle de notre avenir économique. Une personne peut-elle faire venir des étrangers pour capturer du poisson qui devrait nous appartenir alors que la collectivité locale ne touche même pas un sou?

C'est ce que l'avenir pourrait nous réserver si nous adoptions le système des QIT. Si vous voulez qu'à l'avenir les revenus restent dans la communauté, je peux vous donner mon appui. Dans le cas que je viens de citer, il s'agit en quelque sorte d'un groupe d'investissement qui tient à faire des profits. Je ne pense pas que ce soit la voie qu'il faille emprunter au Canada.

M. Williams : Je suis transformateur et pêcheur et j'ai également participé à la formulation de l'administration du développement de la pêche au poisson de fond et de toutes ses règles, et je vous assure que cela permet de régler les types de problèmes mentionnés par le sénateur Adams.

Je vous recommande vivement d'inviter M. Humphries à vous expliquer comment cela fonctionne, car en tant que transformateur, je compte là-dessus pour la stabilité des arrivages de poisson; les autres pêcheurs qui travaillent avec et pour nous adoptent avec enthousiasme ce système.

Je suis certain que l'année prochaine, aux assemblées de présentation de cette administration, le sujet de l'impartition à la Chine sera un sujet très important. Les entreprises de traitement du poisson de la Colombie- Britannique qui garantissent le traitement à l'échelle locale auront beaucoup plus de chances d'obtenir le quota réparti par cette administration que celles qui ne sont pas en mesure de le faire. Ce sera un corollaire naturel du processus, et c'est ce qui avait été prévu quand on l'a formulé.

Brian Mose, directeur, Deep Sea Trawlers Association, British Columbia Seafood Alliance : Avant 1995, je livrais mon poisson dans l'État de Washington. J'étais un des dix pêcheurs les plus concurrentiels de la pêche au chalut en Colombie-Britannique, avec des débarquements annuels de six à huit millions de livres.

Depuis que nous avons adopté le système des QIT, et depuis la mise en place de cette administration et de la formule du quota de développement du poisson de fond, je ne réussis plus aussi bien dans les débarquements de poisson aux États-Unis. Le marché était toujours là, le couloir I-5 était toujours là, et il y avait une machine de traitement du poisson juste de l'autre côté de la frontière, ce qui était un avantage pour nous, car cela nous permettait de faire quelques économies. Cependant, depuis que des mesures ont été mises en place pour nous inciter à revenir au Canada pour le traitement du poisson, sous la forme d'un quota de développement du poisson de fond, nous avons abandonné les États-Unis et le traitement du poisson est maintenant fait en totalité en Colombie-Britannique.

Le sénateur Adams : J'ai visité l'usine de Highliner Foods à Lunenburg il y a plus de trois ans. Un des membres de la direction m'a confié que la société payait des redevances à des Autochtones de l'Alaska. Il parlait du crabe de l'Alaska. Il m'a dit que la société avait de la difficulté à acheter du produit canadien parce qu'il est trop coûteux. Est-ce vrai?

M. Williams : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Cowan : Monsieur Mose, avez-vous remarqué une tendance à faire la transformation ou le traitement du poisson en mer?

M. Mose : Je pense que la tendance est visible et documentée. L'installation de traitement que j'utilisais traitait annuellement de 10 à 12 millions de livres de poissons de fond de la Colombie-Britannique, avant la mise en place des QIT. L'année dernière, la quantité de poisson traité avait probablement diminué à environ deux ou trois millions de livres. Les quantités de poissons traités par cette installation diminueront encore davantage en ce qui concerne les espèces sous le régime des QIT. Une étude faite par l'administration du développement de la pêche au poisson de fond signale d'ailleurs des diminutions de cet ordre.

Le sénateur Cowan : Le président a mentionné à deux reprises les expériences que nous avons eues en Nouvelle- Écosse lorsqu'on s'est mis à faire traiter la mactre d'Amérique en Chine en raison des coûts de main-d'œuvre moins élevés.

M. Turris : En ce qui nous concerne, l'administration du développement de la pêche au poisson de fond et le système des quotas de développement du poisson de fond ont entraîné une forte augmentation des quantités de poisson dont le traitement est fait dans la province.

L'autre exemple de traitement du poisson fait à l'extérieur est celui du merlu du Pacifique; dans le cadre d'une coentreprise, les bateaux canadiens capturaient le poisson qui était ensuite transformé par des bateaux étrangers. Cette coentreprise en ce qui concerne les bateaux étrangers a pratiquement disparu. Je pense que la quantité de poisson traité de la sorte ne représentait plus qu'une dizaine de milliers de tonnes et que le traitement d'environ 90 000 tonnes de poisson était fait sur la côte de la Colombie-Britannique. Avant, c'était l'inverse. Le traitement d'environ 10 000 tonnes de poisson était fait dans la province vers 1995 et le traitement de 90 000 tonnes était fait sur les bateaux étrangers.

Je ne suis au courant d'aucun autre cas majeur d'impartition du traitement à l'étranger, sauf aux États-Unis, mais vous êtes peut-être mieux informé que moi, Alan.

M. Williams : Oui. De petites quantités de flétan noir sont expédiées en Chine pour y être traitées, puis réimportées en Amérique du Nord, mais le traitement de ce poisson sera sans aucun doute fait un jour en Colombie-Britannique en raison du processus et du système de l'administration du développement de la pêche au poisson de fond.

Je tiens à signaler qu'il n'y a pas de solution passe-partout. Un système qui est efficace en Alaska et dans le Chignik Lagoon ne le sera pas nécessairement en Nouvelle-Écosse. En Nouvelle-Écosse, les usines de transformation appartiennent depuis des années à de grandes entreprises alors qu'en Colombie-Britannique, elles appartiennent plutôt à de petits propriétaires exploitants. Le développement a été différent sur les deux côtes.

Je pratique la pêche sous le régime des QI; j'ai donc confiance dans le système car je le connais bien; cette confiance incite à investir dans les collectivités, dans les installations, dans les ressources humaines et dans l'infrastructure. On n'insistera jamais assez sur ce fait.

J'ai observé les agissements des multinationales et je me suis demandé si quelqu'un suivait ce qui se passait car je n'aurais jamais fait ce qu'elles ont fait alors. On crée un climat beaucoup plus propice à un investissement local plus informé. Je pense qu'il s'agit d'un développement anthropologique fascinant.

Si j'ai bien compris, vous serez à Ucluelet mercredi. Je voudrais profiter de l'occasion pour vous inviter à visiter notre usine de traitement du merlu et à suivre nos opérations de traitement secondaire du poisson pour la vente au détail.

Sénateur Adams, votre situation est très semblable à la mienne. En effet, les habitants locaux de Sidney, en Colombie-Britannique, pensent que c'est leur usine et que le traitement du poisson devrait se faire dans cette usine parce que c'est notre industrie. Je comprends très bien vos sentiments. C'est la même chose à Ucluelet. Les habitants d'Ucluelet, et de toute cette région de la côte ouest, ne comprennent pas très bien mes agissements car je pratique à la fois la pêche et le traitement du poisson. Malgré cela, ils font du bon travail.

Je comprends très bien cette façon de raisonner et je pourrais avoir de gros ennuis — j'en aurai d'ailleurs à coup sûr — avec certains de mes collègues pour avoir tenu de tels propos. Je suis très en faveur de ce processus qui consiste en quelque sorte à rattacher la ressource à la collectivité avec une certaine souplesse; nous avons en effet appris qu'en matière de traitement et de pêche, une certaine flexibilité est essentielle pour obtenir un bon rendement économique. Il est inutile de construire une installation à un endroit où ce serait une entreprise insensée parce qu'en fin de compte, certains facteurs économiques l'emporteront sur les autres considérations.

Je suis par ailleurs certain qu'il existe des mécanismes qui permettraient de régler les problèmes du sénateur Adams, ce qui serait essentiel. En toute sincérité, étant donné le niveau de développement de la pêche, des usines et des collectivités en Colombie-Britannique, je ne pense pas que ce soit difficile.

Le sénateur Cowan : Dans quelle proportion le traitement du produit est-il fait en mer, au large des côtes de la Colombie-Britannique?

M. Turris : D'après le règlement, un bateau est seulement autorisé à étêter, éviscérer et congeler ses propres captures. Le poisson ne peut pas être transformé en filets ni subir d'autres traitements.

Le sénateur Cowan : Le traitement des prises d'autres bateaux ne peut donc pas être fait sur ce bateau. Est-ce bien cela?

M. Turris : C'est bien cela.

Le sénateur Cowan : N'est-ce pas une tendance de plus en plus marquée depuis que l'on utilise de gros chalutiers- congélateurs et autres bateaux de ce type?

M. Turris : Oui, la tendance est plus prononcée depuis environ un an. Il semblerait que le nombre de bateaux où le poisson est congelé à bord, du moins en ce qui concerne certaines espèces, soit à la hausse. Exception faite du merlu, entre 75 et 90 p. 100 du produit est destiné au marché du frais. En fait, un des problèmes est que nous sommes actuellement très dépendants de ce marché du frais dans le couloir I-5, aux États-Unis.

Pour cesser de mettre tous leurs œufs dans le même panier, certains exploitants étudient la possibilité de congélation à bord pour servir d'autres marchés.

Le sénateur Cowan : Vous avez parlé d'une surveillance à 100 p. 100; cette information a-t-elle été communiquée au MPO?

M. Turris : Oui.

Le sénateur Cowan : Le refus de certains concurrents de communiquer de l'information est également une source de préoccupations.

M. Turris : J'ai été étonné de l'apprendre, et mes collègues aussi. Toute l'information que nous recueillons est communiquée au ministère des Pêches et des Océans. Elle se trouve dans les banques de données du MPO. Nous n'y avons même pas accès à titre individuel. Nous pourrions peut-être avoir accès à des rapports, à des rapports cumulatifs, mais nous communiquons toute l'information que nous avons au ministère. Le ministère ne la communique pas, bien entendu, à tout le monde, car cette information est protégée par des règles et des règlements concernant la protection des renseignements personnels. En tout cas, nous lui communiquons toute l'information que nous avons.

Lorsque j'explique que l'industrie finance ces programmes, je veux dire qu'elle paie directement la facture des entrepreneurs pour les services fournis, mais l'information est communiquée d'abord au ministère et non d'abord à l'industrie, puis au ministère. Elle est communiquée directement au ministère.

Le sénateur Cowan : La seule objection qu'auraient les détenteurs de quotas individuels en ce qui concerne la divulgation de cette information serait liée à la concurrence, car cette information permettrait de savoir quelle quantité et quel type de poisson un bateau a capturés dans une zone déterminée.

M. Turris : C'est exact.

Le sénateur Cowan : L'information générale est certainement accessible.

M. Turris : Elle l'est, pour autant que je sache.

Le président : Nous avons l'impression que l'information communiquée au gouvernement devient de plus en plus inaccessible aux personnes qui ne font pas partie de l'industrie. C'est une simple impression. Je ne sais pas si c'est vrai. Nous avons l'impression que le MPO considère cette information comme de l'information sur l'industrie de nature privée.

M. Turris : Elle est alors assujettie à ses règles concernant la protection des renseignements personnels. Je suis au courant d'un seul incident lié au refus de communiquer à un groupe d'écologistes de l'information qui incluait de l'information personnelle, dans la banque de données concernée.

Le président : Vous avez parlé de restrictions sur la transférabilité ayant pour objet de limiter la concentration. S'agit-il de restrictions imposées par le ministère ou plutôt de restrictions que vous imposez vous-mêmes?

M. Turris : Je vais décrire la situation, puis je laisserai le soin à Brian et à Alan de vous expliquer ce qui se passe dans leur milieu. Sénateur Comeau, les détenteurs de permis, le syndicat, les collectivités, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont élaboré un plan ensemble. Un volet de ce plan inclut des règles concernant cette politique, règles qui restreignent le mouvement du poisson pour limiter la concentration et la rationalisation de la flottille. Ces règles ont évolué au cours des neuf dernières années car elles sont renégociées après quelques années. Toutes les parties doivent les approuver car une possibilité de repli subsiste, mais elle est pire qu'avant.

Actuellement, les bateaux sont non seulement autorisés à faire un nombre précis de transferts permanents de poisson pendant un nombre d'années déterminé mais ils peuvent faire également des transferts temporaires; en outre, une quantité déterminée du poisson capturé devrait rester sur le bateau concerné, d'après les nouvelles règles.

Les règles sont approuvées par toutes les parties et sont actuellement en place. Elles imposent des restrictions à la flottille et je n'essaierai pas de vous faire croire que tous les propriétaires de bateaux les apprécient, mais ce sont les règles qui sont en place pour mettre en œuvre la politique prévue dans le programme.

Le président : Les collectivités locales ont-elles donné leur approbation?

M. Turris : Oui.

Le président : Si la collectivité participe, il s'agit alors apparemment d'une participation communautaire à votre pêche, faute de trouver une meilleure façon de le dire.

M. Williams : La participation de la collectivité est active, mais le système dynamique, fluide et flexible règle les questions complexes.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression que je pense personnellement que le poisson qui se trouve à un endroit déterminé devrait être lié à une collectivité donnée car si le fichu poisson n'est pas là une année mais qu'il est là l'année suivante, que faut-il faire? Faut-il le laisser à l'eau? Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas possible d'adopter des méthodes à la fois générales et efficaces. Nous sommes convaincus qu'il est possible d'établir des systèmes assez simples.

M. Mose : Je ne tiens pas à donner l'impression que nous nous sommes tous réunis, que nous nous nous sommes entendus et que nous avons produit ce plan, car ce n'est pas le cas. En fait, je n'arrive pas à croire que je suis ici en train d'appuyer ce plan car je ne l'aurais pas appuyé dans d'autres circonstances.

J'ai eu beaucoup de difficulté à m'adapter à ce plan; j'ai fait du lobbying contre ce plan et lorsqu'il s'est avéré inévitable, j'ai décidé d'y adhérer.

Le président : Alan a dit que l'on ne peut pas trouver une solution passe-partout et c'est ce que nous tentons de comprendre. Comme tout bon charpentier, nous avons une boîte à outils et le travail de construction que nous pouvons faire est d'autant meilleur que le contenu de notre coffre à outils est très varié.

Nous sommes d'avis que le ministère des Pêches et des Océans n'a pas servi sa cause en n'incluant pas les collectivités dans ses politiques. Je vais être très direct : les collectivités ont été considérées comme quantité négligeable. Elles n'entraient pas en ligne de compte dans les plans du MPO. De nombreux fonctionnaires vous diront encore maintenant qu'un intervenant est un détenteur de permis et que ni la délivrance des permis ni l'allocation des quotas ne concernent la collectivité.

La plupart des membres du présent comité ne sont pas de cet avis car ils pensent que les collectivités investissent. Les détenteurs de permis investissent effectivement dans leur collectivité, mais les membres de la collectivité investissent également dans le développement de la ressource. Ils ont investi dans les écoles, les hôpitaux, les maisons, et cetera Pourquoi les exclure pour se rendre compte ensuite que les ressources contiguës à la collectivité sont morcelées et attribuées à l'extérieur?

Si j'ai bien compris, d'après vous, l'idée de participation ne viendrait pas directement du MPO, mais plutôt de vous, car les membres de votre collectivité voulaient participer à ce processus.

M. Mose : Je vis dans une collectivité de l'île de Vancouver et je pensais initialement que les collectivités n'étaient pas concernées par ce processus et, pourtant, j'étais actif au sein de la collectivité. C'est le MPO qui a tout mis en place. Mes collègues préféreraient probablement que je dise que nous étions responsables de tous les bons aspects de notre programme mais en fait, on nous a forcé la main, en quelque sorte, car nous avons changé. La flottille de chalutiers de la Colombie-Britannique a fait une transition considérable consistant notamment à prendre conscience du fait que les intervenants jouent un rôle important dans le processus. À l'heure actuelle, nous participons et nous collaborons avec eux de façon très constructive.

M. Turris : Sénateur Comeau, vous vous rappelez peut-être qu'au milieu des années 90, notre gouvernement néo- démocrate était à couteaux tirés avec le gouvernement fédéral. Celui-ci ne tenait pas à avoir un affrontement direct supplémentaire en ce qui concerne les pêches; il a donc ouvert la porte et demandé à la province de participer au processus fédéral et de l'aider à élaborer le plan. Lorsqu'elle a accepté cette invitation, la province a insisté pour que les syndicats et les collectivités y participent également. C'est ainsi qu'une table ronde a été mise en place. Nous avons décidé de mettre en place un processus consensuel et c'est ainsi qu'on procède depuis.

M. Williams : Si vous me le permettez, j'aimerais faire des commentaires sur le concept des quotas communautaires du point de vue des pêcheurs. La collectivité qui reçoit un loyer pour le poisson ne fait pas de différence entre un homme d'affaires qui se dore au soleil sur une plage, cigare au bec, et la personne sur le bateau. Par conséquent, je me méfie beaucoup du concept de la possession de quotas par les collectivités.

Je suis en faveur de la participation des collectivités au traitement du poisson et à la fourniture de divers services, mais nous ne voulons pas que les personnes qui sont sur les bateaux doivent payer un autre niveau de loyer car ce serait néfaste. Je pense que c'est ce qui se passera en fin de compte. Cette façon de procéder engendrera une économie artificielle plutôt qu'une industrie souple et dynamique qui prendra la situation en main.

Le président : Par conséquent, vous acceptez l'idée que les ressources contiguës à la collectivité ne restent pas dans cette collectivité et que celle-ci n'ait pas voix au chapitre.

M. Williams : Oui.

Le président : Comme je l'ai déjà signalé à d'autres témoins, vous ne tenez certainement pas à ce que vos collectivités subissent le même sort que Canso, Burgeo et Harbour Breton, sur la côte est.

M. Williams : Non.

Le président : Je pense que nous parlons le même langage. Le langage est un mode de communication complexe et je dois encore faire une certaine transposition dans mon esprit; c'est en effet un mode de communication imparfait.

M. Williams : Sénateur Comeau, ce que je crains, c'est que si Port Hardy, Ucluelet, Sidney, Vancouver, et ainsi de suite, obtenaient un droit de propriété à un système de quotas, cela deviendrait une méthode pour générer des revenus et ce serait coûteux pour le pêcheur. Je ne pense pas que ce soit productif car le poisson reviendra de toute façon dans la communauté.

Le président : J'entends vos commentaires et il faut tenir compte également des commentaires que le sénateur Adams a faits au sujet de sa circonscription et de ses électeurs. Ceux-ci voient par exemple des sociétés du Sud pêcher les ressources contiguës à leur littoral et voient les bateaux arriver et repartir avec des ressources qui leur appartiennent.

C'est un accident de parcours qui s'est produit à l'époque du déclin de la pêche. Parce que cette ressource était inutilisée, on l'a cédée. Nous ne pouvons malheureusement plus revenir en arrière.

Le sénateur Cowan : Vous avez mentionné que le système en place après 1995 avait amélioré la collecte des données et l'information en ce qui concerne non seulement les captures, mais aussi les remises à l'eau en mer ou le taux de mortalité. Vous avez signalé en outre que le système apporte une certaine flexibilité et que si l'on excède certaines prises accessoires, il est possible d'acheter un quota à d'autres pêcheurs ou de faire un échange.

M. Turris : C'est exact.

Le sénateur Cowan : Vous le faites librement, et cela vous permet d'éviter de devoir vider une partie du contenu de vos filets en mer. Est-ce bien cela?

M. Mose : Le rejet du poisson en mer concerne le poisson sous-légal et certains poissons non commercialisables dans certaines zones, pas dans toutes, et il ne s'agit pas de toutes les espèces. Des mortalités sont en outre associées à des espèces que l'on peut remettre à l'eau vivantes. Par exemple, nous tentons de faire de la remise à l'eau du flétan car alors notre poids mort n'est pas aussi élevé. Ce sont toutes des prises observées et, par conséquent, nous avons des données sur toutes ces prises.

En ce qui concerne la transférabilité entre bateaux, on en observe deux types. Il est possible de transférer du poisson lorsque j'ai un excédent pour une espèce dans une zone donnée. Pour autant que je n'aie pas atteint le plafond, qui est le plafond de concentration, je peux faire appel à un autre bateau, faire appel à un ami et faire un échange entre deux espèces fondé sur la valeur à poids égal, pour autant que je respecte mes plafonds.

Mon bateau est très particulier car j'atteins ce plafond pour plusieurs des espèces que je pêche. J'accumule le plus possible pour mon bateau et j'engage des travailleurs supplémentaires. Par conséquent, je fais particulièrement attention en ce qui concerne mon bateau, car les règles ont une certaine rigidité et cela pourrait se solder par une interdiction pure et simple de pêcher.

Sans le facteur de transférabilité, nous devrions arrêter de pêcher. Je fais de 40 à 70 transferts au cours d'une année de pêche et il s'agit de transferts dans les deux sens, pour aider d'autres bateaux ou pour m'aider.

Au début, quand nous faisions des transferts, nous étions très précis. Quand quelqu'un vous appelait pour signaler qu'il voulait du sébaste du Pacifique de la zone 5b, on lui disait : « D'accord. J'aurais pour ma part besoin de tel poisson. Si on faisait un échange à poids égal? ». On peut dire ensuite que le poisson a un peu plus ou un peu moins de valeur que l'autre et palabrer un certain temps, mais on conclut un marché. Maintenant, nous avons d'excellentes relations. Presque toutes les semaines, quelqu'un appelle pour demander 3 000 ou 4 000 livres d'une espèce dans une zone précise et nous la transférons directement. Je me rattrape ensuite lorsque j'ai besoin d'une autre espèce de poisson. Ce processus est vraiment très efficace.

M. Turris : La grosse différence, sénateur Cowan, est que sous l'ancien régime, les pêcheurs capturaient leur poisson et lorsqu'ils atteignaient leur limite, ils se débarrassaient de tout l'excédent, en pure perte. Nous ne déclarions pas ce poisson. Actuellement les QI incluent les poissons rejetés. Un observateur se trouve à bord pour surveiller, en prendre note et le retirer du quota. Par conséquent, le pêcheur qui a rejeté du poisson parce qu'il voulait des captures de meilleure qualité paie un certain prix pour la mortalité due aux poissons remis à l'eau. En ce qui concerne le bar d'Amérique, le taux de mortalité est de 100 p. 100. Il est essentiel que le pêcheur puisse faire un transfert pour compenser tous les excédents sur les allocations associées à son permis. S'il n'y arrive pas, il doit cesser de pêcher. S'il a dépassé son allocation pour une espèce et pour une zone précises, il ne peut plus pêcher dans cette zone. Certaines de ces espèces, comme le flétan et la morue charbonnière, sont des espèces que l'on retrouve dans toute la zone côtière. Les pêcheurs qui dépassent leur allocation ne peuvent plus pêcher dans toute cette zone. Ils ne peuvent plus pêcher nulle part. Le système oblige les pêcheurs à rendre des comptes précis.

M. Mose : Une bonne formation est nécessaire pour faire le travail convenablement et les exploitants de bateaux doivent avoir en tête un relevé précis des captures qu'ils ont faites.

À une certaine époque, mes mentors étaient tous des pêcheurs olympiques. Je fais partie de la cinquième génération de pêcheurs dans la famille. Au début des années 80, nous pêchions pour le marché et nous nous débarrassions de tout le poisson qui n'était pas vendable. Dans les années 90, le marché est devenu extrêmement compétitif, autant que les Jeux olympiques.

J'étais jeune lorsque j'ai eu mon propre bateau et, même dans ma famille, on me disait que j'avais perdu le contrôle. J'avais fait un gros emprunt. Je ne passais pas une journée à terre. Je ne m'occupais pas des conditions atmosphériques lorsque nous déchargions le poisson. Nous allions pêcher.

Au début des années 90, nous pêchions sans arrêt et si les espèces assujetties aux limites de sortie établies par le MPO étaient nombreuses, elles se trouvaient toutes sur le bateau au débarquement. Que la limite soit de 2 000 ou de 50 000 livres, on retrouvait toutes les espèces à chaque débarquement. C'était indispensable pour rentabiliser les sorties.

M. Williams : C'est un concept fondamental qui nous ramène à l'exemple de la Hollande cité par Mme Pinkerton. J'ai de la difficulté à comprendre tout cela car dans la pêche en Colombie-Britannique, nous avons un système de reddition de comptes et nous avons une responsabilité, avec les conséquences que cela implique. C'est pourquoi nous n'avons pas dépassé le TAC depuis neuf ans. C'est tout simplement impossible car ces trois facteurs sont indissociables.

Le président : Cela m'amène à poser la question que je voulais poser. Il n'est pas nécessaire que vous répondiez aujourd'hui même, mais j'apprécierais que vous me fassiez parvenir l'un ou l'autre des explications par écrit.

J'aimerais que vous nous expliquiez le processus que vous suivez pour consulter officiellement la collectivité lorsque vous voulez apporter des changements majeurs à votre système des QIT, et des changements majeurs seulement. Nous aimerions en effet beaucoup savoir quels mécanismes vous avez développés.

J'aimerais que vous expliquiez la question du contrôle de la transférabilité et de la concentration permise. Ce serait un modèle très intéressant pour nous car nous cherchons divers modèles à placer dans notre coffre à outils.

Ma dernière question, à laquelle vous pourriez peut-être répondre tout de suite, porte sur le fait que l'étude que nous avons faite au cours des dernières semaines et que nous poursuivrons au cours des prochaines semaines est principalement axée sur le saumon alors qu'il n'a pas été question du tout du saumon dans votre exposé. On a de la difficulté à placer le saumon sous le régime de QIT pour plusieurs raisons, notamment parce que c'est un poisson grégaire et pélagique.

Monsieur Williams, avez-vous eu l'occasion d'envisager la possibilité de soumettre le saumon à un régime des QIT?

M. Williams : J'ai pêché le saumon pendant 14 ans avant de faire du chalutage. Je pense que les pêcheurs sont extrêmement compétents s'ils réunissent les trois critères : reddition de comptes, responsabilité et conséquences. Je pense que les pêcheurs peuvent concevoir un système de gestion de la pêche au saumon sous un régime de QI.

Le président : Vous avez parlé de QI.

M. Williams : Oui, de QIT, en raison de la complexité de la pêche au saumon. L'adoption d'un tel système aurait pour effet de maintenir les prises dans les limites du TAC pour la simple raison que le poisson ne serait pas accessible et que les pêcheurs ne seraient pas obligés d'arrêter de pêcher.

Le président : Ainsi, votre optimisme vous porte à croire que la pêche d'un poisson pélagique comme le saumon, pour lequel plusieurs rajustements de mi-saison et des vérifications des stocks sont indispensables, peut être soumise au régime des QIT. Est-ce bien cela?

M. Williams : Absolument.

Le président : C'est intéressant. Est-ce de la foi aveugle ou est-ce que vous vous basez sur les connaissances acquises à l'époque où vous pêchiez le saumon?

M. Williams : Ce sont deux facteurs. J'ai pratiqué la pêche au saumon et au hareng et j'ai participé activement à la mise en place du programme des quotas individuels de bateau pour les chalutiers. Il a fallu des années d'efforts pour mettre ce programme sur pied.

Le président : Il s'agit en l'occurrence du saumon, qui est un poisson pélagique, comme le hareng, mais c'est beaucoup plus facile en ce qui concerne le hareng. C'est même très facile.

M. Williams : Oui. Toutes les espèces qui ne comprennent pas plusieurs sous-espèces ne posent aucun problème, mais la pêche au chalut peut couvrir 59 ou 60 groupes.

Le président : Il y a des centaines, voire des milliers de sous-espèces de saumon.

M. Williams : Oui, mais il est possible de régionaliser et de constituer des groupes sensés. Je suis convaincu que c'est ce qui arrivera en fin de compte, lorsque tous les grands esprits se réuniront, démêleront les problèmes et établiront les régions. Je suis optimiste et mon expérience me dit que c'est très faisable.

Le président : C'est intéressant, car même Peter Pearse a dit à un certain moment que c'était impossible mais maintenant, il a changé d'idée à ce sujet.

M. Mose : Ce que nous savons à propos de ce qui est impossible, c'est que c'est généralement un peu plus long pour y arriver.

Le président : Il est nécessaire que quelques pêcheurs s'y attaquent pour régler la question.

M. Mose : Oui, et un leadership efficace est préalablement essentiel, car c'est ce qui a permis aux pêcheurs de réussir jusqu'à présent. Nous changeons très lentement, mais nous nous adaptons.

Mme James : Tous les pêcheurs ont des histoires intéressantes à raconter. On dénombre neuf pêches axées sur les QI en Colombie-Britannique. Nous avons entendu les commentaires des représentants de ces neuf pêches. Ils ont des histoires différentes à raconter, les leçons à apprendre sont différentes et nous serions certainement très heureux de discuter avec vous à un moment ou à un autre des autres pêches axées sur les QI, car elles présentent des aspects différents et certaines sont moins complexes que d'autres. C'est un sujet très consistant.

Le président : Je tiens à remercier les témoins pour leur participation. Vos témoignages sont très appréciés.

La séance est levée.


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