Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 10 - Témoignages du 3 novembre 2005
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 50 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Ce matin, nous avons la chance d'accueillir des témoins de la Colombie-Britannique que nous n'avons pu rencontrer quand nous y étions la semaine dernière. Nous souhaitions entendre leur exposé parce que leur expertise cadre parfaitement avec notre étude sur l'impact qu'auraient les nouvelles politiques sur les collectivités et les habitants.
D'après ce que je comprends, la British Columbia Wildlife Federation travaille en étroite collaboration avec les résidents et les collectivités de la Colombie-Britannique et défend avec vigueur les intérêts à long terme de ces intervenants en ce qui concerne la pêche commune et l'accès de ses membres à cette ressource.
M. Tony Toth est directeur exécutif de la British Columbia Wildlife Federation et M. Paul Rickard est le coprésident du Comité des pêches en eaux à marée.
Je crois savoir que vous souhaitez faire une déclaration liminaire.
Tony Toth, directeur exécutif, British Columbia Wildlife Federation : Honorables sénateurs, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour poursuivre notre recherche de solutions au problème que vous venez d'évoquer.
Hier, avant de prendre l'avion, j'ai reçu un appel d'une reporter de CKNW à Vancouver qui m'a demandé ceci : « Pourquoi voulez-vous aller à Ottawa? Il y a toujours consultation sur consultation et encore consultation, pourquoi donc y allez-vous? Est-ce que vous espérez tirer quelque chose de cette réunion? » Ma réponse à la question de la reporter et à vous aujourd'hui est qu'il nous faut consulter. La British Columbia Wildlife Federation va continuer de rechercher des solutions tant qu'elle n'en trouvera pas une qui permettra finalement de protéger la ressource halieutique de notre province et de l'ensemble du Canada. Nous sommes très heureux de pouvoir poursuivre notre recherche.
Aujourd'hui, la British Columbia Wildlife Federation fait partie d'un secteur élargi : le secteur de la pêche sportive. Le secteur de la pêche sportive en Colombie-Britannique comprend 600 000 pêcheurs à la ligne. On en compte 350 000 sur la côte et 250 000 en eaux intérieures. Cela fait beaucoup de pêcheurs à la ligne qui passent 2,5 millions de jours en mer et dans les cours d'eau, donc une bonne portion de la population qui pratique cette activité. La pêche sportive est un élément intrinsèque du tissu de notre société. Ce n'est pas simplement un passe-temps. Le secteur génère 1,2 milliard de dollars d'activité économique.
Nous sommes des gens très respectueux de l'environnement. Les pêcheurs sportifs ne lancent pas de filets dans un cours d'eau ou dans un isthme. Il se fait beaucoup d'échappées. Par conséquent, nous contribuons à préserver les stocks menacés.
Comme je l'ai dit, la pêche sportive est partie intégrante du tissu social de la Colombie-Britannique. Je dois vous signaler que le secteur de la pêche sportive de la Colombie-Britannique est extrêmement inquiet. Comme l'a indiqué le président, nous sommes près des gens, mais cela n'est pas nécessaire pour savoir qu'en Colombie-Britannique, la colère gronde.
Il y aura une assemblée publique locale concernant les intérêts de la pêche sportive à Chilliwack et nous essayons de fixer une date. C'est peut-être déjà fait. Cette question fait beaucoup jaser dans la collectivité. Il y a eu une réunion sur une question connexe dans un petit endroit appelé Lone Bute, près de Bella Coola. L'événement était parrainé par la section régionale de la B.C. Wildlife Federation. Nous avions disposé 100 chaises et je crois que Lone Bute ne compte même pas 100 habitants. Deux cent cinquante personnes se sont présentées à la réunion.
L'inquiétude des pêcheurs sportifs est vive et s'amplifie. C'est là une question à laquelle, espérons-nous, vous vous intéresserez. C'est certainement une chose qui nous, nous intéresse.
Je vais vous donner quelques détails au sujet de la British Columbia Wildlife Federation. Nous comptons 30 000 membres dans la province répartis dans 125 clubs. Nous sommes l'organisation environnementale la plus importante de la Colombie-Britannique. Notre organisme compte des pêcheurs à la ligne, des chasseurs et des agents de protection de la nature soucieux de l'environnement. Notre action est en tous points motivée par les vœux de la collectivité. De fait, nous invitons des représentants communautaires à nos congrès au cours desquels nous formulons des résolutions. Pour ce qui est de ses positions stratégiques, la British Columbia Wildlife Federation est liée par les résolutions adoptées par ses membres qui sont répartis dans les collectivités.
La British Columbia Wildlife Federation applique divers programmes. Je vais vous en énumérer quelques-uns parce que cela vous aidera à mieux nous connaître.
Le programme de conservation et d'information sur le plein air offre des conseils sur la sécurité et la survie à l'extérieur, l'identification des animaux et des poissons et la protection des chasseurs. Nous produisons 5 000 diplômés par année. Nous avons la responsabilité de ce programme en Colombie-Britannique.
Nous appliquons également le programme de plein air à l'intention des femmes dans le cadre duquel nous enseignons à des groupes de femmes comment survivre dans la nature, nous leur transmettons d'autres éléments des sciences naturalistes, y compris la conservation. Il s'agit d'un programme communautaire très populaire pour lequel nous accordons des bourses. Le programme suscite beaucoup d'intérêt et une bonne participation.
Nous offrons également divers programmes de conservation et d'information, tant nous-mêmes que nos clubs. Par exemple, la Nicomekl Society à Langley, en Colombie-Britannique, exploite une écloserie. On vous dira, en toute modestie, que l'on rencontre 350 000 élèves et parents à l'écloserie dans le cadre d'une activité éducative. Il s'agit d'un programme d'information absolument fantastique appliqué dans la collectivité.
Le Victoria Golden Rods and Reels Club est un groupe de retraités qui font du mentorat auprès des élèves et des jeunes de la collectivité sur les enjeux touchant la pêche. Nous sommes très fiers d'eux.
Le Salmon Arm Club est probablement le meilleur exemple d'un programme de conservation pratique bien ancré sur place. Il y a deux ans, lorsque le niveau de l'eau était très bas dans le cours d'eau local, des membres du Salmon Arm Club ont recueilli des saumons frayants dans de gros sacs de plastique, qu'ils ont rejetés à un kilomètre et demi dans les eaux profondes, permettant ainsi aux saumons de terminer leur période de frai. Ils ont transporté quelque 1 500 saumons. Voilà le genre de travail de conservation axé sur les besoins de la collectivité qui éclaire toutes nos opinions.
En outre, nous avons créé un organisme que l'on appelle la British Columbia Conservation Foundation. Cet organisme sans but lucratif a pour seul but de réaliser des projets environnementaux et à ce titre, constitue le plus important entrepreneur qui se consacre à cette tâche dans la province. Il offre un programme de sensibilisation aux ours et un programme de conservation en Colombie-Britannique pour lequel la British Columbia Wildlife Federation assure la formation.
Voilà quelques données de base prouvant que nous possédons une vaste expertise. Nos comités recueillent toute cette information axée sur la collectivité. Nous avons des comités sur la faune, les parcs, les mines et, bien sûr, les pêches et nous participons à l'élaboration de conseils stratégiques à tous les paliers de gouvernement.
Nous sommes accompagnés aujourd'hui de notre plus grand spécialiste, M. Paul Rickard, coprésident du Comité des pêches en eaux à marée de la B.C. Wildlife Federation. C'est un directeur d'école à la retraite même si le mot retraite ne veut pas dire grand-chose pour lui. Ses intérêts pour la pêche l'amènent à abandonner sa retraite quatre à cinq jours par semaine pour participer à des réunions. Sa femme lui a fait comprendre en termes bien clairs que ce n'est pas le genre de retraite qu'ils avaient planifié.
Il est membre de la Commission du saumon du Pacifique et fait partie du conseil d'administration du Conseil consultatif sur la pêche sportive. Je suis certain que vous reconnaîtrez avec moi, une fois sa présentation terminée, qu'il connaît parfaitement les collectivités, les problèmes des pêches et le ministère des Pêches et des Océans.
Paul Rickard, coprésident, Comité des pêches en eaux à marée, British Columbia Wildlife Federation : Merci, honorables sénateurs, de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.
Je me méfie toujours un peu de cette définition d'un expert, c'est-à-dire quelqu'un habitant à plus de 50 milles du lieu de la réunion. À cet égard, nous sommes assurément des experts. Autrement, j'hésite à accepter cette définition.
Cependant, M. Toth vous a très bien décrit notre organisation et notre raison d'être, deux questions que j'espère être en mesure d'aborder plus en détail avec vous aujourd'hui.
Je ne sais pas si les membres du comité ont reçu nos notes d'allocution, mais j'ai soigneusement choisi la photo de la page couverture qui vise à montrer qui nous sommes. Les sourires sur les visages sont une partie intégrante de cette description, tout comme le fait qu'il s'agit d'une scène familiale. Compte tenu de mes antécédents, j'ai toujours cherché à mener des activités offrant de bonnes occasions aux familles de prendre l'air et d'être ensemble. Je pense que la pêche est l'une de ces occasions qui nous sont toujours offertes, et qui nous le seront encore à l'avenir, d'où notre photo de la page couverture.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps pour ma présentation, je vais vous donner quelques exemples précis dans mes propos. Cependant, des représentants de notre groupe développeraient volontiers ces déclarations n'importe quand, si vous le souhaitez. Le mémoire que nous vous avons déjà remis et nos notes d'allocution ont également été préparés par mon coprésident, M. Wayne Harling, membre de la fédération depuis longtemps. Je crois qu'il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans en 1998 et il m'a demandé de vous dire à quel point il avait apprécié cette expérience jugée fort utile.
Nous croyons que les pêcheurs sportifs à la ligne de la région du Pacifique constituent une véritable communauté. Je crois savoir que le travail de votre comité consiste à examiner les répercussions des politiques sur les pêches dans les collectivités. Nous sommes un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants qui entretenons des liens et partageons des intérêts communs; nous constituons en outre un élément important du mode de vie de la côte ouest.
Votre examen des effets des politiques du MPO sur les collectivités est très utile pour les gens de la région du Pacifique, et nous tenons à appuyer votre travail par tous les moyens possibles. Nous croyons, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire et dans nos notes d'allocution, que la mise en œuvre des décisions stratégiques du ministère des Pêches et des Océans a des incidences manifestes et concrètes sur la pêche sportive dans la région du Pacifique.
Pour avoir eu la chance d'assister aux travaux de votre comité à Vancouver le 24 octobre et après avoir lu votre rapport provisoire avec intérêt, nous avons remarqué que tous les exposés, sauf un, concernaient la pêche commerciale, ce qui nous inquiète, en ce sens que les avantages économiques et sociaux tirés de la pêche sportive dans la région du Pacifique — et particulièrement pour les collectivités côtières — dépassent de loin les retombées économiques que génère le secteur commercial.
Nous espérons aujourd'hui avoir le temps de discuter en détail des enjeux et des préoccupations suivants qui touchent directement les pêcheurs sportifs à la ligne, plus particulièrement les pêcheurs à la ligne qui habitent nos collectivités.
La première question concerne le renouvellement des pêches, comme le dit Pêches et Océans, et nos inquiétudes quant à ce qui semble être la privatisation des ressources halieutiques du Canada. Nous aimerions examiner la nature et l'importance de la pêche sportive dans les eaux à marée en Colombie-Britannique, tant sur le plan social qu'économique, et la question des possibilités et des attentes des pêcheurs sportifs. De plus, nous souhaiterions étudier les compressions budgétaires nombreuses, constantes et importantes de personnel et de fonds du MPO dans la région du Pacifique, ainsi que les répercussions de ces compressions.
Le programme de renouvellement des pêches renferme des changements fondamentaux et sans précédent pour toutes les pêches sur la côte du Pacifique. Notre plus grande inquiétude, c'est que les changements qu'il est proposé d'apporter à la Loi sur les pêches pourraient restreindre indûment, voire abolir le droit du public de pêcher certaines espèces dans les eaux à marée. Ce droit est déjà enfreint, voire mis à l'écart, par l'attribution de quotas individuels transférables — que l'on appelle communément les QIT — pour le flétan, la morue charbonnière et la panope, les pêcheurs ayant le droit de vendre ou de louer leurs quotas, ce qui vient essentiellement privatiser une ressource commune.
En ce qui concerne le flétan, le ministre de l'époque a déclaré que si la population canadienne voulait avoir des prises combinées de pêche sportive et commerciale, il faudrait acheter les quotas au secteur commercial — quotas qui ont d'abord été accordés unilatéralement et gratuitement par le MPO aux détenteurs de permis de pêche commerciale et que nous possédons déjà en commun. Nous croyons que l'intention du MPO est d'élargir la portée de cette mesure et d'inclure d'autres espèces récoltées par les pêcheurs sportifs. Nous avons joint à notre mémoire une description du professeur Gerry Kristiansen qui, à notre avis, explique bien notre position au sujet de cette privatisation.
Notre fédération ne s'oppose pas à l'attribution de quotas à certains bateaux de pêche commerciale pour assurer une récolte plus sûre et la stabilité des prix à longueur d'année. Ce à quoi nous nous opposons, c'est à la privatisation de fait d'une ressource commune, aux profits réalisés par les détenteurs originaux de permis aux dépens du public et à la possibilité de restrictions indues sur la pêche sportive qui en résulteraient.
Après l'étude des questions de conservation et d'accès prioritaire aux pêches par les Premières nations, nous estimons qu'il faudrait songer à examiner les mesures à prendre pour répondre aux besoins raisonnables du secteur récréatif, et ensuite examiner la question des prises totales autorisées accordées au secteur commercial par quota, si la question semble souhaitable. Cette recommandation permettrait de préserver l'accès du public à ses ressources. L'un des concepts clés de notre mémoire et de notre réflexion consiste à nous assurer que certains des quotas et certaines des décisions de gestion qui sont en voie d'être adoptés ne pénalisent pas le secteur de la pêche sportive.
Nous aimerions également examiner la nature de la pêche sportive. C'est là un des messages les plus importants que nous pourrions livrer. Nous espérons réussir à sensibiliser tout le monde à la taille, à l'ampleur et à l'importance de la pêche sportive dans la région canadienne du Pacifique.
Après avoir entendu l'un des témoins qui a comparu le 24 octobre à Vancouver, nous aimerions préciser quelques perceptions créées par un témoin représentant du secteur de la pêche commerciale à la cuiller sur la côte ouest de l'île de Vancouver, plus particulièrement cette notion voulant que le secteur de la pêche sportive ait privé les pêcheurs à la cuiller de leur gagne-pain, et qu'il existe un secteur distinct de la pêche commerciale qui est néfaste à toute notre pêche.
Depuis au moins trois décennies — les années 60, 70 et 80 — les pêcheurs sportifs ont récolté au maximum 17 p. 100 des prises combinées de pêche commerciale de saumon coho et 22 p. 100 de saumon quinnat. Il a été convenu par des représentants des deux secteurs, pêche sportive et pêche commerciale, dans le cadre d'un processus de répartition de pêche intersectorielle dirigé par M. Samuel Toy, qu'en période de faible abondance des espèces, comme c'est le cas en ce qui concerne plusieurs espèces maintenant, la meilleure utilisation que l'on puisse faire de ces espèces consisterait à attribuer des surplus exploitables limités au secteur de la pêche sportive.
Durant les années 90, la destruction continue des habitats du saumon coho en eau douce, les événements successifs El Niño, les changements dans le régime climatique qui se sont traduits par une piètre survie des poissons dans les océans et une surpêche agressive dans les mêmes régions, sanctionnée par le MPO, tout cela a contribué à une diminution de l'abondance qui a forcé le MPO à imposer, trop tard hélas, d'importantes réductions des prises dans les deux secteurs pour conserver les stocks menacés de quinnat et de coho, décision qui a eu plus d'impact sur le secteur de la pêche commerciale conformément à la politique d'attribution de quotas.
Ces dernières années, cependant, une amélioration de la survie de l'espèce et l'ouverture de la pêche dans certaines régions ont permis aux bateaux de pêche à la cuiller dans le secteur G d'accroître leurs prises, particulièrement de saumon quinnat, au point où le ratio précédent a été restauré dans les régions au large des côtes. Ce n'est pas la faute du puissant lobby de la pêche sportive si les pêcheurs à la cuiller du secteur G ont connu des années de vaches maigres, mais bien plutôt simplement parce qu'il y avait moins de poisson, soit des stocks ciblés ou des stocks menacés, qui ont été exploités par accident pour les raisons énoncées ci-dessus.
Beaucoup de représentants du secteur commercial estiment qu'au sein du MPO, il y a deux types de pêche sportive — la pêche à la ligne par les résidents indépendants et la pêche commerciale sportive. C'est là un terme que vous entendrez peut-être au cours de vos délibérations, mais en fait, ce sont des synonymes. Des intérêts commerciaux sont en cause — camps de pêche publics, camps de pêche familiaux, pourvoiries et guides indépendants — mais ces pourvoiries ne reçoivent pas et ne devraient pas non plus recevoir d'allocation de poisson. Leurs clients sont assujettis aux mêmes restrictions imposées aux pêcheurs à la ligne indépendants. Leurs fonctions consistent uniquement à offrir une plate-forme de pêche aux pêcheurs à la ligne qui choisissent de ne pas pêcher à partir de leur propre navire.
Je possède mon propre bateau, et je dois admettre qu'à l'occasion, j'ai engagé des guides simplement pour apprendre d'eux et apprendre comment naviguer dans des eaux différentes. L'expérience s'est avérée fort utile, expérience que ces guides font vivre à divers pêcheurs sportifs dans la région du Pacifique.
Nous souhaiterions mieux vous faire connaître les personnes qui font partie de la communauté des pêcheurs sportifs en Colombie-Britannique. Récemment, je me suis entretenu avec diverses personnes qui s'occupent de gestion des pêches et avec des politiques qui croient que toute la pêche sportive est centrée sur cette notion voulant que les gens demeurent dans des chalets ou des camps de pêche flottants et qu'ils engagent des guides. Bien qu'une telle expérience soit agréable pour ceux qui peuvent se la permettre, ces pêcheurs à la ligne ne représentent pas la majorité des pêcheurs sportifs.
Ce sont les pêcheurs à la ligne moyens, qui habitent la région et possèdent un peu de temps et d'argent pour les activités récréatives de quelque sorte que ce soit, et qui doivent avoir facilement accès à la ressource près de chez eux qui constituent l'ensemble des pêcheurs sportifs. Leur voyage de pêche constitue une activité à laquelle toute la famille peut participer, laquelle favorise les plaisirs de plein air, et offre la possibilité d'offrir de la nourriture à une famille, une nourriture fraîche que ses propres membres trouvent. Sur le plan social, la valeur d'une telle activité ne devrait pas être sous-estimée. Elle joue un rôle important dans beaucoup d'activités familiales de la région du Pacifique.
Je ne sais pas si ceux d'entre vous qui se sont promenés sur la côte ouest ont eu la chance de passer dans les petits quartiers locaux et les secteurs résidentiels. Dans la plupart des cas, on y voit un bateau appuyé contre une clôture, ou encore l'entrée de la maison familiale est occupée par un bateau alors que tous les autres doivent se stationner ailleurs. On voit cela partout, et cela fait partie de notre mode de vie en plein air.
Dans la région du Pacifique, on a noté une diminution importante des ventes de permis de pêche sportive dans les eaux à marée, leur nombre passant de 400 000 en 1994 à quelque 300 000 ces dernières années. C'est en grande partie à cause de l'importante diminution de saumon coho et quinnat dans le détroit de Georgia, une vaste étendue d'eau qui sépare l'île de Vancouver du Lower Mainland. L'exploitation réduite d'autres espèces comme la morue-lingue, la crevette et le crabe, qui forment une partie de plus en plus importante de notre capacité de pêche sportive, en est également responsable.
Bien que nous devions absolument conserver notre accès prioritaire au saumon quinnat et coho, comme l'a assuré le ministre, la pêche sportive ne se limite pas à ces deux espèces. Pour avoir une bonne pêche sportive, plus particulièrement dans le détroit de Georgia, le concept de l'accès prioritaire actuellement en place pour la gestion du saumon quinnat et coho doit être élargi à d'autres espèces. Il est essentiel que la réforme de la pêche dans le Pacifique tienne compte de cette notion dans le développement de la pêche sportive.
Dernier élément, mais non le moindre, nous aimerions parler des répercussions des compressions budgétaires répétées, constantes et importantes effectuées par le ministère des Pêches et des Océans dans la région du Pacifique. Ces dernières années, le budget du MPO pour la région du Pacifique a été réduit de façon considérable, ce qui a eu une incidence sur divers programmes qui avaient des impacts majeurs sur la pêche sportive. Mentionnons à cet égard la disparition de la Division de la pêche sportive dans la région du Pacifique, une évaluation des stocks considérablement réduite dans divers secteurs et pour une variété d'espèces; une surveillance des pêches moins rigoureuse; l'intention de réduire encore un programme de mise en valeur des salmonidés déjà amenuisé, programme qui était à l'origine une bonne idée et un moyen d'action prometteur. Il est extrêmement décevant de constater les compressions déjà effectuées et les compressions proposées pour la région.
Depuis quelques années, nous avons été témoins de laxisme dans l'exécution de la loi, laquelle est importante pour diverses raisons, comme vous pouvez l'imaginer, notamment pour que les pêcheurs à la ligne honnêtes le demeurent. La protection, l'amélioration et la restauration des habitats sont probablement les domaines qui sont les plus durement touchés par les compressions.
Pour vous donner quelques détails au sujet de ces compressions, il y a quelques années, sept employés s'occupaient exclusivement de la pêche sportive, dont un chef de division, un agent de protection, trois coordonnateurs de la pêche sportive à plein temps et du personnel de soutien. Aujourd'hui, nous avons un coordonnateur régional à plein temps et à titre intérimaire, trois coordonnateurs régionaux à temps partiel et aucun membre désigné pour le soutien. On voit donc que le fait qu'on accorde peu d'importance à notre secteur se reflète dans l'attitude du personnel de la région du Pacifique à l'égard de la pêche sportive.
Le programme d'évaluation des stocks du MPO a été éviscéré et l'absence de connaissances concernant certains stocks a déjà eu des répercussions négatives sur certaines possibilités de pêche sportive.
La diminution des enquêtes par interrogation des pêcheurs s'est soldée par une information inadéquate sur la pêche sportive de plusieurs espèces, d'où une diminution des possibilités de pêche à la ligne.
Le Programme de mise en valeur des salmonidés visait au départ à doubler la production de saumon dans la région du Pacifique. Compte tenu des pertes d'habitat, plus particulièrement dans le détroit du bassin de Georgia, il est plus important que jamais pour les pêcheurs que le financement de ce programme soit maintenu à des niveaux adéquats. Les compressions récentes ont déjà eu des répercussions sur la production des écloseries et nous craignons que d'autres compressions aient des répercussions néfastes sur les possibilités de pêche sportive du saumon coho et quinnat.
Les récentes compressions de fonds et de personnel affectés à l'exécution de la loi empêchent de mener des patrouilles et des enquêtes visant à empêcher le braconnage et d'autres activités illégales d'exploitation. Les différentes espèces de saumon ne sont pas les seules en cause.
La diminution du nombre d'employés affectés aux habitats ces dernières années a réduit considérablement la capacité du ministère des Pêches et des Océans de surveiller et de prévenir les pertes accélérées d'habitat du saumon dans les estuaires et en eau douce. Je crois que vous avez également entendu un bon témoignage à cet égard de la part de la Fondation David Suzuki. Ces compressions obligent maintenant le MPO à compter sur des subventions d'organismes de l'extérieur pour la restauration des habitats de base.
Encore une fois, merci de nous donner la possibilité de comparaître devant votre comité. Nous nous ferons un plaisir de vous donner d'autres informations détaillées sur ces enjeux et sur d'autres questions pertinentes à la pêche sportive.
Le président : Merci de cette présentation des plus exhaustives. Elle va probablement inciter nos membres à examiner plus en détail les questions que vous avez soulevées.
J'aimerais entreprendre la période de questions en laissant la parole au vice-président du comité, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Hubley : Nous avons fait un très bon voyage sur la côte ouest. Notre visite nous a permis d'enrichir nos connaissances sur plusieurs volets de l'industrie de la pêche.
J'ai tout de suite vu votre photo de la page couverture et je me suis dit qu'elle était tout simplement extraordinaire. C'est une belle photo de famille, peut-être un grand-père et son petit-fils qui vont à la pêche ensemble. Mais ce jeune homme sera-t-il capable de s'adonner à la pêche sportive lorsqu'il aura votre âge? J'aimerais juxtaposer cette question avec l'information que nous avons reçue des communautés autochtones, pour qui le système de quotas, les QIT, s'il est mis en œuvre, sera efficace. Je pense qu'elles le décrivent comme un cadeau à la première génération de pêcheurs. La seconde génération de pêcheurs n'aura pas ce luxe. Elle ne pourra pas se l'offrir. Le témoignage des Autochtones à cet égard a été très convaincant. Que pensez-vous de ces deux questions? Premièrement, quelles répercussions le système de QIT aura sur votre pêche, la pêche sportive, et deuxièmement, en quoi cela touchera-t-il la communauté autochtone?
M. Rickard : Savoir si ce jeune garçon aura la possibilité de pêcher ces espèces de saumon à l'avenir, voilà probablement pourquoi nous sommes ici et pourquoi j'assiste à quatre ou cinq réunions par semaine et que je déploie ces efforts de façon totalement bénévole. Notre organisation est composée essentiellement de bénévoles. Nous aimons le travail que nous faisons et c'est la raison pour laquelle nous y consacrons du temps.
Les perspectives d'avenir seront restreintes si nous ne réglons pas ces problèmes de perte et de restauration d'habitat. Des experts de renommée mondiale ont donné des exposés lors d'une conférence internationale sur le saumon tenue à Vancouver l'an dernier. Un seul mot décrit le plus gros danger que courent le saumon et la pêche sur la côte du Pacifique : les gens. L'accroissement de la population exerce des pressions sur l'eau douce et accroît la demande.
Nous espérons que le MPO se dotera d'un mandat visant à protéger les habitats et l'environnement et à préserver la qualité de l'eau et l'approvisionnement en eau. Nous espérons que le Ministère se penchera sur les répercussions que nous constatons, causées par l'industrialisation et le développement immobilier, la perte des zones humides et par les dommages constants dus aux déboisements le long des effluents et des bassins hydrographiques de ces cours d'eau. Par exemple, dans le sud de l'île de Vancouver, principal centre démographique sur l'île avec une population d'environ un demi-million de personnes, nous avons un seul biologiste spécialisé dans les habitats. C'est tout ce que nous avons. Le ministère des Pêches et des Océans prévoit effectuer d'autres compressions dans le cadre d'un programme qualifié de « programme de modernisation » qui, à mon avis, est un merveilleux euphémisme pour décrire une série systématique de compressions de personnel ainsi que la réduction de la gestion de l'environnement. Ces compressions et leurs répercussions sur l'avenir de la ressource halieutique et sur la capacité de pêche de nos jeunes nous bouleversent sérieusement.
L'autre chose qui menacera éventuellement la jouissance de la pêche pour nos jeunes sera de savoir si le secteur récréatif sera protégé lors de l'attribution des quotas, si c'est la voie que décide d'emprunter le MPO. Si nos quotas sont ramenés à une peau de chagrin, les possibilités de pêche pour ces jeunes seront très restreintes.
Les États-Unis ont établi un système de gestion des quotas. Au début de la saison, un programme de modélisation informatique détermine combien de saumons peuvent être pris par les pêcheurs sportifs. Lorsque ce nombre est atteint, la saison de pêche prend fin. On peut réserver une place dans un camp de pêche dans l'État de Washington pour le 20 août et arriver là pour constater que le quota a déjà été pris, que la pêche sportive est terminée et que vous devez rentrer chez vous. Voilà le genre de scénario qu'un quota restreint peut provoquer. Voilà aussi une des raisons pour lesquelles nous croyons fermement que l'affluence du poisson et la santé de la ressource devraient être la priorité absolue.
La seconde priorité, que nous appuyons en tous points, concerne l'accès des Premières nations à la pêche destinée à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Si le poisson devait être en quantité suffisante après cela, nous croyons alors que les pêcheurs sportifs, de concert avec le MPO, devraient évaluer leurs besoins pour cette année-là. Combien de poissons devraient être appropriés pour cette année? Les poissons qui resteraient, s'il en est, seraient divisés entre le secteur commercial pour la pêche commerciale. On préserverait ainsi la possibilité de pêche sportive pour les années à venir et pour tout le monde.
Le sénateur Hubley : Quelle serait votre priorité pour déterminer qui devrait avoir accès à la pêche?
M. Toth : J'accorderais la priorité d'abord à la conservation, ensuite aux Premières nations, puis à la pêche sportive et à la pêche commerciale.
Vous avez demandé si les jeunes auront la possibilité de pêcher, mais il se pose ausssi une autre question : les jeunes voudront-ils pêcher? Les jeunes disposent de plein d'autres options, nous devons les encourager à pratiquer la pêche sportive. Sinon, ils vont se tourner vers les jeux vidéo. C'est là un problème grave. Si l'on veut que les jeunes s'intéressent à la pêche sportive, il faut leur en donner la possibilité, les coûts doivent être réduits et les règlements simplifiés. Il faut les accompagner, leur permettre d'acquérir de l'expérience. Je sais que dans une certaine mesure, les jeunes dans les collectivités autochtones jouissent d'un tel soutien, mais dans d'autres régions de la Colombie- Britannique, la réponse n'est pas si simple. Le gouvernement de la Colombie-Britannique s'est rendu compte de la nécessité de promouvoir la pêche sportive. Nous croyons que les honorables sénateurs devraient confirmer la nécessité de promouvoir la pêche sportive auprès des jeunes. Pourquoi ne pas utiliser une partie des 7 millions de dollars de droits de licence qui sont maintenant versés au Trésor — même si nous avons un excédent à l'échelle nationale — et l'appliquer à la promotion de la pêche sportive?
Pas nécessaire de dépenser des sommes énormes pour faire connaître la pêche sportive aux jeunes. Dès qu'ils lancent leur hameçon à l'eau et prennent leur premier poisson, ils sont accrochés à la pêche pour la vie. Cependant, il faut prendre les mesures nécessaires pour les amener jusque-là.
La raison pour laquelle j'ai parlé du Victoria Golden Rods and Reels, c'est que les 75 personnes qui font partie de ce club à Victoria, ensemble, comptent deux mille années d'expérience. Ils connaissent les techniques de la pêche, les techniques de la navigation. Ils connaissent tout des parcours des poissons, de la conservation. Ils ont le temps d'accompagner les gens, mais nous n'avons pas les fonds minimums pour les amener dans le système scolaire. C'est important, c'est une priorité pour la province et les honorables sénateurs doivent appuyer également cette initiative.
Le président : C'est une bonne idée que d'éloigner les jeunes de ces petits poissons qui animent les écrans d'ordinateur. J'en ai un à la maison, soit dit en passant. Il y a toute une différence. Le respect de l'environnement prend une tout autre dimension lorsqu'on remplace les poissons sur les économiseurs d'écran par de vrais poissons.
M. Rickard : Nous croyons que la pêche sportive offre beaucoup de potentiel. Les baby boomers sont sur le point de prendre leur retraite et nombre d'entre nous avons bien hâte de passer du temps avec nos petits-enfants. Nous avons le temps, et nous savons, d'après les données démographiques, que nous avons la capacité financière de le faire. Avec un peu de soutien et de promotion, nous avons la possibilité d'intéresser plus de jeunes à la pêche, si nous pouvons en profiter.
Le sénateur St. Germain : Je connais passablement bien votre organisation. L'un de vos anciens collègues et moi, nous nous connaissons depuis longtemps.
Mes questions portent un peu plus à la controverse. Premièrement, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la pêche commerciale des Autochtones telle qu'elle est pratiquée dans le fleuve Fraser. Cela a créé beaucoup de contestations sur la côte ouest en raison de la nature même de cette pêche, non seulement pour la pêche commerciale et sportive, mais auprès des Autochtones eux-mêmes qui en ont subi les répercussions. Deuxièmement, que pensez-vous de l'impact de l'élevage piscicole et de l'aquaculture? Ce sont deux questions qui suscitent beaucoup de controverse. Est-ce que votre organisation a adopté une position au sujet de ces deux questions controversées?
M. Toth : En ce qui concerne la pêche commerciale et la pêche des Autochtones, le sénateur nous a imposé un ordre de priorité : d'abord la conservation, ensuite les pêches des Premières nations, puis la pêche sportive et enfin, la pêche commerciale. L'élément clé ici est que la pêche commerciale vient après les trois autres. S'il y a une bonne répartition pour chaque secteur, il faut alors bien appliquer la loi pour s'assurer que chaque secteur effectue les prises qui lui ont été accordées et rien d'autre. L'impossibilité de faire respecter ce quota de prises signifiera l'échec de la gestion des pêches. C'est aussi simple que cela. Je ne crois pas que la pêche commerciale des Autochtones devrait être un enjeu. C'est la pêche commerciale qui doit être l'enjeu dans ce scénario.
Votre deuxième question concernait l'élevage piscicole. Vous n'en avez peut-être pas pris connaissance, mais nous avons écrit une lettre aux gouvernements fédéral et provincial il y a à peine trois ou quatre semaines dans laquelle nous leur demandons fortement d'examiner ensemble la possibilité d'une aquaculture en enclos parce que nous ne pensons plus à l'efficacité de l'aquaculture en milieu ouvert.
Les données scientifiques prouvent que l'aquaculture en milieu ouvert crée plus de problèmes que l'écologie peut en prendre. Nous suggérons fortement qu'on examine la possibilité d'adopter une aquaculture en milieu fermé sur notre côte dans les meilleurs délais, et nous sommes tout à fait disposés à participer à une telle étude.
Le sénateur St. Germain : Il y a le Programme de mise en valeur des salmonidés. Il y a une fondation sur la côte ouest qui était dirigée par George Hungerford; existe-t-elle toujours?
M. Rickard : Je ne peux pas vous le dire; je ne connais pas cet homme.
Le sénateur St. Germain : Je crois qu'il s'agissait d'une organisation parrainée par le gouvernement.
M. Rickard : Il y a une fondation dans le Pacifique dirigée par M. Paul Kariya, qui est financée en partie par un timbre que l'on achète pour obtenir son permis de pêche au saumon. La fondation effectue d'autres collectes de fonds dans la collectivité. Elle reçoit des demandes de subventions de divers organismes de la collectivité, et ces subventions sont accordées en fonction de l'utilité de la proposition.
Le sénateur St. Germain : Je suis allé dans un camp de pêche cet été et j'ai été impressionné de voir à quel point on appliquait la loi et on respectait les limites de prises. Pas question de tolérer des prises plus petites ou plus grosses que celles qui sont autorisées. C'est encourageant, mais je croyais qu'il y avait beaucoup plus de surveillants. Est-ce que quelqu'un vérifie dans les zones de pêche? Par exemple, est-ce qu'il y a application de la loi dans les îles de la Reine- Charlotte et sur la côte ouest de l'île de Vancouver?
M. Rickard : En bref, oui.
Si vous me permettez de revenir en arrière et de parler un peu de la pêche des Premières nations, je dois dire que nous sommes de fervents supporters des droits de pêche des Premières nations à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Nous croyons fermement à leur droit d'exploiter la ressource, droit qui est bien établi dans la loi maintenant.
Le sénateur St. Germain : Je ne crois pas que ce soit là le problème, cependant. Le véritable problème, c'est l'aspect commercial, monsieur.
M. Rickard : J'en arrivais là. Ce que nous aimerions obtenir, c'est l'accès à une pêche sportive et un quota de prises autorisées pour la pêche sportive. Nous aimerions que la pêche commerciale des Premières nations se fasse exactement comme cela est indiqué, c'est-à-dire comme une pêche commerciale.
Les discussions que nous avons eues avec certains des négociateurs de traités nous assurent que telle est leur intention. Les Autochtones ont l'intention d'acheter des permis de pêche — c'est le jeu de l'offre et de la demande — et disent que ces permis feraient alors partie des ententes conclues avec les Premières nations. Ils prendraient les quotas prévus dans ces permis, comme tout autre pêcheur commercial sur la côte. Nous sommes en faveur d'une possibilité de pêche commerciale juste et équitable pour les personnes qui possèdent des permis de pêche commerciale.
En ce qui concerne l'élevage du saumon, il existe de nombreuses données probantes qui justifient de passer à une pisciculture en milieu fermé, ce qui, à notre avis, est financièrement viable. Il ne s'agit pas d'exiger que ces élevages se fassent dans des eaux intérieures. Ces piscicultures peuvent être dans l'eau, mais nous avons la technologie nécessaire pour qu'elles puissent être totalement en milieu fermé, avec traitement des eaux usées et ainsi de suite.
Cela est intéressant, mais nous n'avons pas encore obtenu de réponse à cette question, et le MPO assure une gestion rigoureuse des pêches en utilisant ce qu'il appelle une politique prudente. S'il semble y avoir un risque, pour s'assurer que les stocks sont en sécurité, le ministère décidera qu'il n'y aura pas de pêche de telle ou telle espèce ou qu'il y aura restriction de cette pêche.
En ce qui concerne les piscicultures, ce que nous avons vu nous semble être le contraire. Au lieu d'avoir à prouver qu'il n'y a pas de dommages à l'environnement ni de danger pour d'autres stocks de poisson, la collectivité doit prouver que ces exploitations causent effectivement des dommages. Lorsque nous ne pouvons le prouver, l'activité se poursuit. Cela nous semble aller à l'encontre d'une politique existante, et ça vaut la peine de le mentionner.
M. Toth : Il est intéressant que vous ayez parlé des activités d'un camp de pêche et de ses clients. Vous avez raison, ils sont « foncièrement coupables de bonne conduite », ce qui est exactement ce que nous souhaiterions encourager. La B.C. Wildlife Federation, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, offre le Programme de conservation et d'information sur le plein air, et compte deux sections qui s'occupent d'éthique. Chaque année, nous enseignons à ces 5 000 diplômés comment être responsables dans la façon de pêcher et de chasser. On leur inculque ce refrain dans le cadre d'un programme d'éducation et de promotion, dont j'ai parlé tout à l'heure. Plus on agira en ce sens, plus les gens se feront un honneur de respecter la loi par eux-mêmes, et moins nous aurons à dépenser pour faire respecter la loi par des policiers.
Le sénateur Meighen : Je me suis vu dans cette photo que vous avez montrée — j'aurais bien aimé être le jeune homme et non le plus âgé, mais c'est peut-être exagérer un peu.
J'ai toujours été un pêcheur sportif très enthousiaste. Je pêche tout ce qui nage. Cependant, j'aimerais vous poser quelques brèves questions, probablement plus pour mes propres connaissances plus que pour autre chose.
Je suis désolé de lire dans votre mémoire que vous faites face aux mêmes activités de compressions du MPO sur la côte ouest que celles auxquelles nous sommes confrontés sur la côte est — moins de ressources, moins de scientifiques et de personnel, moins de surveillance, « et cetera ». Je ne sais pas pourquoi le MPO semble être victime de plus de compressions que tout autre ministère, mis à part la Défense nationale. C'est honteux, et j'espère que nous pourrons faire quelque chose pour renverser la vapeur.
Je n'ai pas compris la référence aux « piscicultures en milieu fermé ». Je suis conscient qu'une exploitation aquacole sur terre est probablement l'idéal, mais cela serait difficile, de façon réaliste, d'en arriver là à brève échéance.
D'après ce que je comprends, on recycle totalement les eaux et les déchets à l'intérieur de l'exploitation. Est-ce que c'est la même chose que sur la côte est, on n'exige pas de doubles filets?
M. Toth : Le double filet permet à des particules et à des poux de se faufiler; l'aquaculture en milieu fermé, à tout le moins, permet un certain filtrage.
Le sénateur Meighen : Quelle est votre situation actuellement?
M. Toth : Nous faisons de l'aquaculture ouverte, il y a agrégation de poux. Les poissons se retrouvent à l'embouchure des cours d'eau, ce qui signifie que les poux vivent plus longtemps et se multiplient davantage. C'est un véritable problème.
Le sénateur Meighen : Ça me dit quelque chose. Y a-t-il un règlement concernant le nombre de piscicultures en milieu fermé dans un secteur donné?
M. Rickard : À ma connaissance, non.
Le sénateur Meighen : Est-ce un problème pour vous?
M. Rickard : Nous croyons — et à notre connaissance, cela n'a pas été prouvé d'une façon ou d'une autre — que certaines concentrations extrêmement élevées dans des canaux étroits créent un grave problème. Beaucoup de jeunes poissons, que l'on appelle des saumoneaux, lorsqu'ils partent, doivent migrer et traverser ces grandes concentrations de piscicultures. Nous croyons que le problème est là.
La possibilité de transfert de poux et de propagation de maladies augmente lorsqu'on a ce genre de concentration. À ce que je sache, le seul facteur restrictif quant à l'emplacement des piscicultures et au nombre de celles qui peuvent être installées dans un secteur donné dépend de l'étude d'impact environnemental que fait le MPO et de sa décision à savoir si l'environnement peut supporter de telles exploitations. Je ne crois pas que ce soit un genre d'exploitation axée sur un chiffre précis.
Le sénateur Meighen : Même si le MPO faisait ce genre d'étude, croyez-vous qu'il aurait l'autorité légale de limiter le nombre de piscicultures?
M. Rickard : Cette question dépasse mon domaine d'expertise.
Le sénateur Meighen : Est-ce qu'il se fait une vérification indépendante des prises? Le sénateur St. Germain a parlé de pratiques de conservation efficaces, ce que j'ai également constaté dans les chalets de pêche de la Colombie- Britannique. Est-ce qu'il se fait une vérification d'autres secteurs de la pêche? Par exemple, est-ce qu'on vérifie la pêche commerciale des Autochtones ou des autres?
M. Rickard : Il s'exerce une très grande surveillance de la pêche commerciale autre que celle des Autochtones. Les pêcheurs doivent payer pour avoir des surveillants à bord. Ils doivent leur remettre leurs reçus de caisse lorsqu'ils vendent le poisson. Ils doivent faire une halte au port à la fin de la journée et informer un gestionnaire des pêches du nombre de poissons qu'ils ont pris et du nombre d'heures qu'ils ont pêché. À mon avis, il s'agit là d'une surveillance des prises très rigoureuse pour ce secteur.
Quant aux prises des Premières nations, je dirais qu'il y a peut-être un suivi moins rigoureux, bien qu'il y en ait un. Les Premières nations elles-mêmes fournissent souvent des données sur leurs prises. Il y a assurément une forme quelconque de suivi des prises qui se fait.
Le sénateur Meighen : En réponse au sénateur Hubley, vous avez décrit les priorités concernant l'accès à la pêche. N'est-ce pas la situation telle qu'elle existe actuellement? Je réalise que vous avez changé l'ordre de la pêche commerciale des Autochtones actuellement, mais la pêche sportive a priorité d'accès maintenant, n'est-ce pas, après la conservation et les Premières nations?
M. Rickard : Seulement dans deux cas, c'est-à-dire pour le saumon quinnat et le saumon coho. Ces priorités ne s'appliquent que pour ces deux seules espèces.
Le sénateur Meighen : Envisagez-vous d'étendre les priorités d'accès à d'autres espèces?
M. Rickard : Absolument. Je dirais que dans les secteurs les plus densément peuplés, comme les alentours de Vancouver, le Lower Mainland, la côte est et le sud de l'île de Vancouver, la capacité de pêcher du saumon est grandement réduite parce que les stocks sont en difficulté et que le nombre de poissons qui reviennent est très faible. Comme il s'agit d'eaux calmes, merveilleuses et bien protégées, bien des gens aimeraient aller en mer et attraper du crabe, des crevettes, des palourdes ou, si on arrive à en attraper — et ça c'est une autre histoire — de la morue-lingue. Ces autres espèces sont en train d'acquérir une très grande importance pour le secteur récréatif, et voilà qu'on éprouve des difficultés en ce qui concerne l'accès à la ressource.
Le sénateur Meighen : Le document de travail publié par le MPO en septembre dernier indique qu'il est prématuré de fournir des solutions de rechange précises qui pourraient être prises en compte dans la pêche sportive. On a proposé des solutions de rechange pour la pêche commerciale, mais pas pour d'autres pêches. Le Ministère justifie sa décision en se fondant sur le fait que les discussions avec les représentants de la pêche sportive commencent à peine sérieusement. À votre avis, est-ce là un commentaire équitable et si oui, pourquoi ce processus a-t-il été si long à mettre en branle?
M. Toth : Il n'y a pas de Division de la pêche sportive en tant que telle.
Le sénateur Meighen : Ce qui veut dire que vous n'avez personne avec qui discuter.
M. Toth : C'est exact.
M. Rickard : Pour être bien honnête, je dirais que ce n'est peut-être pas un commentaire tout à fait exact dans le document. Des discussions sont en cours avec divers gestionnaires et avec le directeur général régional au sujet des besoins de la pêche sportive. Nous croyons fermement que nous n'avons peut-être plus autant d'importance dans l'esprit de ces directeurs et du directeur général régional. Ce qui nous a amenés ici aujourd'hui est entre autres qu'il semble que ce soit les besoins du secteur de la pêche commerciale qui sont primordiaux dans l'esprit des décideurs. C'est la raison pour laquelle nous nous voyons « relégués au second rang », et je crois que c'est le bon terme à utiliser. Les décideurs se disent qu'ils vont en venir à nous après avoir d'abord traité avec les représentants de la pêche commerciale. Nous essayons d'exprimer notre frustration. Nous ne savons pas exactement pourquoi ce que nous considérons comme une importante partie de la population dans la région du Pacifique se fait accorder moins d'importance que, peut-être, d'autres secteurs. C'est notre point de vue.
Le sénateur Meighen : On peut difficilement prouver que le secteur de la pêche sportive est économiquement très rentable pour le gouvernement. C'est un puissant générateur de richesse économique, mais ce n'est pas largement connu et accepté.
M. Toth : Vous disiez qu'il y a eu réduction de personnel sur la côte est et sur la côte ouest. Mais là où il n'y a pas eu tellement de réduction d'effectif, c'est à Ottawa. Monsieur Rickard, est-ce que vous avez la feuille avec vous?
M. Rickard : Il y a huit sous-ministres adjoints, 30 directeurs généraux et 100 directeurs ou plus qui dirigent un effectif d'environ 1 300 personnes ici à Ottawa.
Le sénateur Meighen : Ça suffit. Merci.
Le sénateur Hubley : Simplement pour clarifier dans mon esprit la question de la délivrance des permis et votre statut prioritaire, la pêche sportive inclut la pêche sportive et commerciale et la pêche sportive indépendante. Autrement dit, votre pêche sportive comporte un aspect commercial. Cependant, vous croyez que ce fait ne devrait pas vous faire passer au deuxième rang de la liste des priorités, n'est-ce pas?
M. Toth : Il n'est probablement pas réaliste de nous déclasser.
M. Rickard : En fait, nous ne pensons pas à une séparation d'intérêts au sein de notre communauté parce que, en réalité, les camps de pêche et les guides donnent la possibilité de pêcher à bien des gens qui ne pourraient pas se le permettre, ou qui devraient composer avec les difficultés que suppose la possession d'un navire, ou qui pourraient ne pas se sentir à l'aise dans des eaux difficiles. Ces gens-là font vraiment partie de notre collectivité et offrent simplement une autre façon à cette collectivité d'accéder à la ressource.
Le président : J'aimerais revenir à la question de l'élevage du poisson dans un milieu fermé. Dans son rapport de 2001, notre comité a effectivement recommandé au MPO d'examiner cette question. Le rapport indique également que le MPO pourrait être en situation de conflit parce qu'il est à la fois l'organisme de réglementation des piscicultures et le promoteur de cette activité. Nous avons abordé cette question à l'époque, tout comme l'omniprésente question des budgets du MPO. Ces sujets ont tous été dans le collimateur à ce moment-là.
Le sénateur Cowan : Nous avons entendu des représentants du West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board. D'autres témoins qui ont comparu devant le comité ici à Ottawa et sur la côte ouest en ont parlé. De prime abord, le Conseil semblait être un groupe communautaire représentant une vaste gamme d'intérêts qui semblaient tous être bien intégrés les uns aux autres. Je n'ai pas compris clairement si le secteur de la pêche sportive faisait partie des priorités de ce groupe, ou si le Conseil était simplement un ensemble d'organismes voués à la défense des intérêts commerciaux.
M. Rickard : La réponse est oui, effectivement les pêcheurs sportifs sont représentés au sein du Conseil. Mme Marilyn Murphy, qui a présenté un exposé à votre comité à Vancouver, est la représentante des pêcheurs sportifs et joue à cet égard un rôle très actif au sein du Conseil.
Le sénateur Cowan : Cela m'a semblé être un bon modèle qui fonctionne bien et que nous devrions peut-être examiner pour éventuellement l'appliquer ailleurs dans un secteur géographique plus grand ou à d'autres pêches. Il a été précisé que le Conseil reposait sur des programmes mis au point en Alaska. Pouvez-vous faire des commentaires sur les programmes de l'Alaska et sur leur applicabilité ou non à nos pêches au Canada?
M. Rickard : Je ne connais pas très bien les programmes de l'Alaska. On m'a dit qu'ils ont vécu des difficultés plutôt importantes ces derniers temps en ce qui concerne l'attribution des quotas de flétan. Ils sont même allés jusqu'à attribuer un quota de flétan à des pourvoyeurs individuels. Il y a actuellement toute une controverse, d'après ce que je comprends, en raison de l'accroissement de la popularité de la pêche sportive au flétan. Nombre de ces pourvoiries ont atteint la limite de leur quota et envisagent de s'adonner à la pêche sportive, mais ne peuvent pas le faire. Elles se heurtent au mur des quotas.
En ce qui concerne le West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board, l'une des recommandations intéressantes de M. Paul Sprout, directeur général de la région du Pacifique au MPO, est la nécessité, selon lui, que les autres pêches s'articulent autour de ce qu'on appelle les groupes multisectoriels. Cela voudrait dire que les Premières nations siégeraient à la même table que les pêcheurs commerciaux, les pêcheurs sportifs et peut-être les personnes qui se disent des protecteurs — même si nous pensons que nous sommes également des protecteurs de la nature — pour dégager des consensus sur l'exploitation, sur l'allocation et sur les activités de pêche dans cette région en particulier.
C'est probablement là une très bonne façon de procéder. Cependant, comme vous pouvez l'imaginer, si l'on emprunte cette voie, il faut y aller avec prudence et doigté. On ne réunit pas seulement un groupe de personnes dans une pièce pour leur dire : « Dégagez un consensus et nous ouvrirons la porte lorsque vous serez tous d'accord sur quelque chose ».
L'objectif est noble, mais il sera atteint par étapes. On devrait former les gens sur la façon de dégager des consensus à l'aide de ce processus. Mais je pense que c'est un excellent objectif.
Le sénateur Watt : J'aimerais revenir à ce qui semble être le thème central de la discussion, c'est-à-dire les prises autorisées. Comme vous l'avez mentionné, les quotas doivent être déterminés en tenant compte de l'aspect conservation. Si je comprends bien, vous dites que le ministère des Pêches et des Océans commence à se dégager de ses responsabilités. Autrement dit, il se dirige vers la privatisation et envisage le problème davantage d'un point de vue économique que d'un point de vue conservationniste, ce qu'il devrait faire. Si la balance devait pencher de ce côté, la privatisation étant un facteur pris en compte, le ministère des Pêches et des Océans n'a toujours pas précisé comment il assumera ses responsabilités en ce qui concerne la réglementation, ce qui à mon sens est injuste.
En plus de ce problème, vous dites que votre groupe est laissé pour compte et qu'on ne lui accorde pas de prises autorisées pour ses activités. Si je comprends bien, vous souhaiteriez que le Ministère reconnaisse une autre façon de voir la situation que d'un point de vue strictement économique. Il faut aussi voir le revers de la médaille. Je pense ici à l'aspect conservation des activités que vous menez. Vos activités de loisirs comportent une composante commerciale intégrée.
Est-ce que quelqu'un a déjà tenté de faire une étude de faisabilité économique pour comparer les avantages de l'industrie par rapport aux problèmes de conservation? Dans l'énumération de vos préoccupations, vous dites que le Ministère ne tient pas suffisamment compte de la conservation. Est-ce que j'ai bien saisi vos inquiétudes?
M. Toth : Je crois que oui. Si j'ai bien compris, vous dites que le MPO n'affecte pas les ressources suffisantes à l'exécution de son mandat en matière de conservation. Si le contraire était vrai, notre secteur serait alors pris en compte dans tous les aspects de l'équation. On ferait un inventaire adéquat de la ressource. On ne prendrait pas de décisions trop restrictives en matière d'attribution de quotas parce que le MPO serait mieux informé, ce qui serait préférable pour tout le monde.
Une fois les prises autorisées déterminées, nous croyons que la priorité devrait aller d'abord à la conservation, puis à la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles des Premières nations, ensuite au secteur récréatif suivi de tous les secteurs commerciaux. C'est ainsi que le MPO devrait classer ses allocations par priorité. Cela refléterait la réalité sociale de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Watt : Pour avoir participé aux négociations avec les Autochtones et avec les gouvernements provincial et fédéral, à la lumière de ce qui a été dit, ce à quoi on en arriverait serait d'abord la conservation, suivie des Autochtones et de la pêche commerciale. La pêche sportive serait classée au dernier rang. Vous dites que cela a peut- être déjà été fait dans le passé; or, il se trouve qu'il y a de plus en plus de gens qui sont attirés par la pêche sportive, laquelle contient un aspect commercial. C'est un secteur qui offre un potentiel économique et qui est en constante croissance. C'est le message que vous essayez de livrer.
M. Toth : Tout à fait.
Le sénateur Watt : Vous voulez que le comité s'assure qu'il est pris en compte par le Ministère.
M. Toth : Absolument.
Le sénateur Watt : Vous aimeriez que nous en parlions dans notre rapport.
M. Toth : Ce n'est vraiment pas sorcier. Le secteur récréatif génère 1,2 milliard de dollars d'activité économique en Colombie-Britannique. Je ne sais pas exactement ce que les autres secteurs produisent, mais c'est beaucoup moins.
Le sénateur Watt : Qu'en est-il de la région géographique éloignée où se pratique la pêche sportive? Il faut tenir compte de la préservation de la ressource, des intérêts des secteurs commercial et récréatif ainsi que de ceux des peuples autochtones. Les activités sportives comportent des aspects commerciaux, qui s'opposent à une totale privatisation, advenant qu'elle soit mise en œuvre. Quelqu'un a-t-il étudié cette région géographique d'un point de vue économique? Selon vous, quel est le portrait de la région?
M. Rickard : En général, selon le rapport que vous lisez, la pêche sportive dans les eaux à marée génère des revenus se situant entre 700 millions et 850 millions de dollars. Comparativement, les revenus de la pêche commerciale du saumon sont d'environ 300 millions de dollars, soit beaucoup moins. Nous préférerions parler de pêche sportive plutôt que de la subdiviser. En ce qui concerne la pêche sportive dans les petites localités côtières, les retombées économiques sont considérables pour les villes elles-mêmes.
Près de chez moi, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, la petite localité de Port Renfrew était jadis une ville forestière. Il y a une quinzaine d'années, elle était difficilement accessible par la route. Le camp forestier ayant fermé, les perspectives de la ville semblaient peu réjouissantes. Actuellement, 22 guides travaillent dans cette localité à temps plein. Pour une période de cinq mois, les revenus atteignent environ 6 à 7 millions de dollars. L'ouverture de chalets et de restaurants dans la localité est entièrement attribuable à la pêche sportive.
Le sénateur Watt : Pouvez-vous nous fournir ces chiffres?
M. Rickard : Oui. Dans un rapport présenté à Vancouver, le 24 octobre, par le Sport Fishing Institute of British Columbia, vous trouverez un exposé très détaillé sur les localités du centre de l'île de Vancouver, soit Port Alberni, Ucluelet, Tofino et Bamfield, situées le long d'une large crique s'enfonçant dans l'île. On y présente en détail toutes les données économiques, c'est-à-dire celles concernant les motels, les restaurants, les guides, la réparation de bateaux, « et cetera ». Le total des chiffres est impressionnant. Je le répète, la pêche sportive a grandement transformé ces petites localités.
La pêche sportive est devenue une activité importante. Je suppose que vous vous en êtes rendu compte quand vous avez visité ces localités et que vous y avez rencontré les représentants du secteur. Si vous voulez obtenir les données précises, elles se trouvent dans le rapport.
Le sénateur Watt : Elles nous seraient utiles.
M. Toth : M. Rickard a mis l'accent sur les localités côtières. La même situation existe dans les localités éloignées des côtes. Par exemple, Spences Bridge n'a pas d'autre activité que la pêche à la truite arc-en-ciel, avec remise à l'eau des prises, en octobre. Si vous mettez fin à la pêche à la truite arc-en-ciel ou ralentissez cette activité pendant le mois d'octobre, vous allez pratiquement détruire l'économie de Spences Bridge pour l'année. Il faut donc être prudent.
J'aimerais relever un passage de votre exposé. Je l'ai ici. Vous y faites mention des droits d'accès à la ressource ainsi que de la validation des droits à la pêche sportive au sujet desquels de nombreux sénateurs demandent des explications. D'après ce passage, si les droits d'accès sont garantis, il ne serait pas nécessaire de nous opposer aux mesures que les représentants du secteur commercial considèrent comme essentielles à leurs intérêts. Je présume ici que vous parlez de la possibilité d'introduire des quotas individuels transférables (QIT), est-ce bien cela?
M. Rickard : Notre fédération n'est pas en faveur des quotas individuels transférables. Pour certaines espèces de poisson de fond sédentaires qui ne se déplacent pas beaucoup et pour lesquels il est assez facile de prévoir les populations, nous pensons que l'imposition à des fins de gestion d'une forme de quota pourrait être assez avantageuse. Les bancs de flétans sont un bon exemple où les quotas ont assuré une meilleure pêche. Les pêcheurs n'ont pas l'impression qu'ils doivent se précipiter sur les lieux, quel que soit le temps qu'il fait. Il est facile de prévoir les stocks de saumons qui migrent au sein de stocks hétérogènes. Pour la pêche commerciale, le problème actuel est non seulement que les espèces de saumon voyagent au sein de stocks hétérogènes mais que dans les immenses stocks hétérogènes se trouvent certaines espèces dont la survie inquiète fortement les écologistes. Il est très difficile de pêcher dans ces grands bancs de poissons sans avoir un impact sur certaines espèces devant être préservées.
Le président : J'avais l'impression que, si la loi traitait en premier lieu de la conservation, en deuxième lieu des besoins alimentaires, sociaux et rituels des peuples autochtones et en troisième lieu de l'accès prioritaire à la pêche sportive, vous n'auriez pas à vous préoccuper des quotas individuels transférables pour le secteur commercial. Suis-je dans l'erreur?
M. Rickard : Non, vous avez tout à fait raison. Toutefois, le concept de privatisation des ressources halieutiques, que nous considérons comme un bien commun, nous semble un sujet un peu délicat.
Le président : C'est là où je voulais en venir. J'avais en quelque sorte raison en ce qui concerne le secteur commercial. Pour autant que l'accès prioritaire soit garanti par la loi, vous seriez d'accord pour laisser les événements suivre leur cours.
M. Rickard : Tout à fait, c'est exact.
Le président : C'est pourquoi j'ai voulu que cela soit consigné au compte rendu. Nous avons l'exemple de ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande où l'on a procédé à la privatisation complète des pêches. Avec le temps, les frais liés à la recherche scientifique, à l'application de la loi, à la surveillance et même à la distribution ont été de plus en plus répartis entre les entreprises néo-zélandaises. De fait, le secteur privé s'occupe des coûts et de la gestion des pêches. Les questions quant à savoir qui peut attraper les poissons et de quelle façon relèvent des conseils d'administration. Par conséquent, le ministère des Pêches de la Nouvelle-Zélande fixe le total admissible de capture (TAC), et les entreprises s'occupent de la gestion de la ressource.
En tenant compte de ces faits, une fois que le secteur privé est en mesure de gérer les pêches, qu'adviendra-t-il à long terme de ces jeunes gens qui ornent la couverture de votre brochure? Les membres des conseils d'administration qui prennent les décisions dans les entreprises laissent-ils une place au secteur récréatif? L'information sur les volumes des stocks devient un droit exclusif. Si une entreprise paie les frais de recherche, elle n'acceptera pas que ses concurrents accèdent à l'information. Seul le ministère qui établit les totaux admissibles de capture (TAC) peut accéder à l'information.
De fait, il y a en Nouvelle-Zélande des exemples où le secteur privé a poursuivi le gouvernement en justice parce que les TAC diminuaient — j'ignore qui a eu gain de cause. En d'autres mots, si les pêches sont la propriété des entreprises, celles-ci ne devraient-elles pas fixer elles-mêmes les TAC au bout du compte?
Si la loi vous accordait un accès prioritaire, vous sentiriez-vous protégés? La loi serait-elle efficace si les entreprises devenaient les propriétaires des stocks de poissons? Je sais que ma question est longue, mais nous devons aborder ces sujets.
M. Toth : Permettez-moi de vous donner une première réponse. Le total admissible de captures devrait être défini en fonction de la durabilité générale de la ressource. Cela ne peut pas être établi essentiellement en fonction des intérêts des entreprises. Quoi qu'il en soit, il faut que les scientifiques, les collectivités et d'autres intervenants participent à l'établissement du total admissible de captures. Je doute que nous puissions accepter un jour la mainmise complète du secteur privé sur l'ensemble du processus.
La participation des intervenants, même en ce qui a trait à la collecte et au regroupement de l'information, devrait faire l'objet d'une disposition de la loi, de sorte que nous soyons assurés que l'information n'est pas recueillie et utilisée à des fins contraires à l'intérêt public.
Le président : Oui, mais si le MPO va de l'avant et met en œuvre les quotas individuels transférables, sans tenir compte de l'opinion du public, des collectivités ou du secteur récréatif, comme il le fait en ce moment même, qu'est-ce qui vous fait penser que le ministère vous écoutera à l'avenir, une fois qu'il aura privatisé le secteur des pêches? Pourquoi êtes-vous si certain qu'il ne fera pas la même chose à l'avenir?
M. Toth : Comme l'a dit M. Rickard, nous ne sommes pas très enthousiasmés par ce que fait le MPO au moment où nous nous parlons. Il devrait consulter davantage tous les secteurs. Et cela devrait se faire quel que soit le régime en place.
Le président : Je sais que ce n'est que depuis très récemment que le MPO utilise l'expression « participation communautaire ». Il ne le faisait pas jusqu'à très récemment. Notre comité a insisté pour qu'il le fasse. Nous avons exercé des pressions et usé de cajoleries, et le MPO a finalement commencé à utiliser cette expression dans ses documents. Depuis de nombreuses années, le ministère considérait que les personnes qui payaient les permis étaient ses seuls interlocuteurs relativement à la question de l'allocation du poisson. Ce n'est qu'au prix de multiples efforts que le ministère a finalement accepté de reconnaître que les intervenants peuvent être bien plus que des détenteurs de permis. Si vous croyez que le MPO peut se montrer attentif aux intérêts des collectivités et à ceux du secteur récréatif, bonne chance.
M. Toth : Entre nous, nous nous disons que le MPO doit vraiment changer sa culture. Dans le secteur privé, si on veut modifier la culture d'une entreprise, il faut en faire un objectif de gestion. Pour effectuer un changement de mentalité au sein du système actuel, il faudra faire de gros efforts, et ce changement nous apparaît absolument nécessaire. C'est encourageant de savoir que vous avez réussi à provoquer un changement de mentalité. Autrement, nous n'accorderions pas autant d'importance au témoignage que nous donnons aujourd'hui.
Le président : Si vous grattez une plaie, fort et longtemps, quelquefois vous découvrez quelque chose en dessous.
M. Toth : Voilà une image intéressante, sénateur.
Le président : En ce moment, j'ai la tête remplie d'images. Sans manquer de respect aux milliers de fonctionnaires du MPO qui y travaillent d'arrache-pied, je considère qu'il est nécessaire de changer la culture de leur ministère.
M. Rickard : Il y a une grande différence entre consulter et informer. Selon moi, il y a encore beaucoup à faire pour en arriver à une véritable consultation. Actuellement, on nous informe des orientations que le MPO entend prendre. Je pense que la question de la privatisation des ressources halieutiques concerne tous les Canadiens et Canadiennes. C'est pourquoi nous demandons l'aide du Sénat et de toutes les personnes intéressées. Lorsque les modifications à la Loi sur les pêches seront présentées au Parlement en novembre, d'après ce qu'on nous a dit — on ne nous a pas permis de lire le texte, on nous a seulement fait part des intentions — j'espère que tous les Canadiens et Canadiennes seront conscients des effets d'un tel changement majeur. Ils pourraient perdre le droit de pêcher ou le droit de propriété sur une ressource naturelle. Personnellement, je pense qu'il s'agit d'une question très importante.
Le président : Je vous invite à examiner le modèle de la Nouvelle-Zélande. Cela en vaut la peine. Nous l'avons déjà étudié, mais nous souhaitons l'approfondir encore davantage.
M. Rickard : Le modèle a ses avantages, mais le libellé de l'une des dispositions sur l'accès prioritaire a occasionné des problèmes et entraîné des poursuites en justice. Nous croyons qu'une solution conçue au Canada serait préférable, bien que ce soit utile d'étudier d'autres modèles comme celui-là.
Le président : Il est bon de tirer des leçons des erreurs des autres.
Je me reporte à deux passages d'un document de consultation préparé par le ministère des Pêches et des Océans en 2005. Deux phrases en particulier ont retenu mon attention. La première : « En vertu du système actuel de gestion, l'attribution de poissons à des fins récréatives n'est pas définie de manière quantitative dans plusieurs plans de gestion des pêches. » C'est probablement vrai. La seconde : « La pêche sportive dépend davantage de l'accès à des occasions de pêche prévisible et de haute qualité plutôt qu'[à] une quantité spécifique de poissons. » Si j'étais un passionné de la pêche à la ligne ou de la pêche sportive, je serais préoccupé par cette affirmation. Ne le seriez-vous pas?
M. Toth : On revient au fait qu'il n'est pas facile de déterminer le niveau admissible de captures pour ce secteur. Pour le faire, il faut avoir plus que des ressources minimales. C'est ce dont il est question, fournir les ressources suffisantes pour le recensement des stocks. Ce n'est pas le cas actuellement.
Il est triste de constater que 7 millions de dollars provenant des droits de permis sont versés au Trésor au lieu d'être affectés à des activités comme l'évaluation adéquate des besoins du secteur récréatif.
Le président : Lorsque Pearse et McRae ont étudié l'avenir de la pêche sur la côte ouest, vous ont-ils consultés?
M. Rickard : Ils ont consulté la B.C. Wildlife Federation et le Conseil consultatif de la pêche sportive. Il est important de noter que dans une seule page de leur rapport, qui, je crois, en compte 30, on parle de la pêche sportive.
Le président : Ce document vous a-t-il satisfaits? Est-ce que les conclusions finales auxquelles ils sont arrivés relativement à la privatisation et aux incontournables quotas individuels transférables — en d'autres mots, l'attribution permanente des quotas de pêche au secteur privé — reflètent le modèle de pêche que votre fédération aimerait voir mis en place?
M. Rickard : La seule partie du document qui correspond à notre point de vue et que nous soutenons vraiment est leur recommandation concernant le maintien de l'accès prioritaire du secteur récréatif au saumon quinnat et au saumon coho. Autrement, les sujets de nos discussions et de notre présentation trouvent peu d'écho dans leur document.
M. Toth : J'ai en effet participé à une consultation au nom de la B.C. Wildlife Federation. Il y a consultation et consultation. La consultation à laquelle nous avons participé était très orientée et spécifique. On nous a simplement affirmé que telle chose et telle autre se feraient. Qu'avions-nous à dire? Ce n'était pas une véritable consultation.
Le président : C'est l'impression que nous avions depuis un certain temps. En d'autres mots, l'objectif avait été fixé d'avance. Le rapport était pratiquement rédigé; il s'agissait essentiellement de vous faire part des propositions.
M. Toth : Bien dit.
M. Rickard : Beaucoup d'entre nous ont eu la même impression.
Le sénateur St. Germain : Que disent les Bob Wright et les John Fraser de cette question, ce sont des gens qui travaillent dans cette industrie depuis fort longtemps? M. Wright travaille dans le secteur de l'hébergement. Ont-ils des réactions?
Je suis membre de ce comité, mais je suis également vice-président du Comité permanent des peuples autochtones, et les horaires des réunions des deux comités se chevauchent quelquefois. C'est pourquoi je n'ai pas pu participer au récent voyage que le Comité des pêches et des océans a effectué sur la côte ouest. Je me trouvais alors à Prince George avec le Comité des peuples autochtones. Toutefois, on m'a dit que cette année le retour des poissons dans les rivières Skeena et Nass a été catastrophique. Un nombre négligeable de poissons sont revenus. Lors d'audiences ou de conservations personnelles, des chefs autochtones ont parlé du nombre peu élevé de poissons qui sont revenus dans la rivière Skeena cette année. Pour la Nass, le problème n'a pas été aussi grave.
Ce phénomène doit avoir des conséquences. Comme les membres du comité et vous-mêmes, je suis préoccupé à l'idée que les pêches soient confiées à des gens du secteur privé sans aucune supervision. La situation pourrait devenir un véritable cauchemar, allant jusqu'à la perte des ressources de la côte ouest. Les résultats pourraient ressembler à ce qui s'est passé sur la côte est. Avez-vous des commentaires à faire, monsieur Rickard?
M. Rickard : Certainement. Pour être honnête envers le MPO, je rencontre un grand nombre de ses hauts fonctionnaires, et j'ai beaucoup de respect pour nombre d'entre eux. Je considère que, pour une bonne part, tout ce qui se passe relativement aux procédures et aux politiques provient d'un manque de fonds. Les fonctionnaires du ministère n'ont pas l'information précise sur l'évaluation des stocks. Ils n'ont pas suffisamment de temps ni de personnel pour mener les études qu'ils souhaitent faire.
Ils essaient d'agir, mais, selon moi, trop rapidement et pas nécessairement dans le meilleur intérêt de chacun. Ils tentent de faire du mieux qu'ils peuvent avec des crédits et des moyens d'intervention terriblement insuffisants. Je pense qu'ils essaient de trouver une solution rapide et économique. Je souhaite que le comité examine cette tendance et qu'il fasse des recommandations.
Parmi les problèmes auxquels le ministère doit faire face se trouve la nécessité croissante d'évaluer et de surveiller les stocks. Ce qui se passe maintenant diffère probablement de ce qui s'est passé au cours des années 60 et 70. Nous observons un déficit marqué dans la capacité de la haute mer de fournir la nourriture et les substances nutritives nécessaires à la survie des poissons.
Étrangement, certains stocks se tirent bien d'affaire. D'autres stocks reviennent en nombre considérablement réduit, et il n'est pas possible de prévoir les quantités d'une année à l'autre. Le Ministère doit pouvoir réagir à ces variations qui touchent un environnement constitué de ressources en décroissance.
Si nous voulons obtenir une meilleure gestion à l'avenir, les gens doivent réagir plus rapidement. Ils doivent avoir accès à de meilleurs renseignements et ce, plus rapidement. Ces améliorations aideront tous les groupes qui veulent avoir accès aux stocks de poissons.
Le sénateur St. Germain : Je ne suis pas socialiste, loin de là, mais si nous donnons au secteur privé un accès au système, les entreprises devront assurer leur survie économique et ce, possiblement aux dépens de la ressource halieutique. On m'a dit que certains poissons qui reviennent dans nos eaux ne sont pas très gros.
M. Rickard : Oui.
Le sénateur St. Germain : Les poissons ne sont plus aussi en santé qu'auparavant. Il semble que certaines populations autochtones n'arrivent même pas à pêcher suffisamment de poissons pour satisfaire à leurs besoins alimentaires, sociaux et rituels. Cet exemple montre bien que les stocks sont en baisse.
J'ai une question à vous poser sur l'emplacement des enclos de poissons. Vous avez dit que les saumoneaux qui reviennent doivent se déplacer dans des eaux infestées de poux. Les permis d'exploitation des fermes aquacoles ont-ils été accordés par le MPO ou la province? Selon ce que je comprends, si ces enclos étaient placés dans de petites baies, ils n'exposeraient pas les espèces sauvages à quelque maladie que ce soit dans les zones qu'ils franchissent normalement. Est-ce exact?
M. Rickard : Tout n'est pas aussi simple. Pour répondre à votre question, comme les exploitants des fermes aquacoles utilisent des enclos en filet ouverts, une grande quantité de nourriture et de matières fécales s'échappent par les mailles des filets. Si on laisse ces matières s'accumuler, l'endroit devient une source de bactéries, lesquelles peuvent étouffer et tuer toute vie dans les fonds marins. On a tenté de placer les enclos non pas dans les baies mais dans les zones de fortes marées de sorte que ces matières soient davantage dispersées. Je pense que cette solution pose aussi des problèmes, puisque ces zones de fortes marées sont également des voies de migration importantes.
Lorsque vous examinez une carte géographique de la région, vous constatez qu'un grand nombre de rivières et d'affluents se déversent dans de longues criques, où les poissons se regroupent en masse et où se concentrent les fermes aquacoles. On y a installé les fermes afin de tirer profit des substances nutritives contenues dans les eaux et de faciliter l'évacuation des déchets provenant des enclos. C'est complexe, et cela explique pourquoi l'utilisation d'enceintes de confinement en caoutchouc solide constitue un meilleur choix.
Le sénateur Watt : Je limiterai ma question au problème spécifique des poux. Dans votre région, le saumon vient de l'océan — entre autres des eaux salées baignant l'Alaska. À leur arrivée dans les baies, les saumons transportent habituellement des poux. Lorsque les poissons arrivent dans l'eau douce, les poux tombent.
M. Toth : Ou les poissons en transportent une partie en remontant les rivières.
M. Rickard : L'eau douce finit par les tuer.
Le sénateur Watt : Le même phénomène se produit-il dans votre région?
M. Rickard : Oui.
Le sénateur Watt : Voyez-vous une différence entre les poissons en captivité et les poissons sauvages?
M. Rickard : Nous entrons ici dans le domaine du subjectif où rien n'a été prouvé. Du point de vue théorique, ce que vous avez dit est tout à fait exact. Le pou du poisson parasite de façon naturelle les poissons sauvages pendant leur croissance. Lorsque les poissons arrivent à l'embouchure des rivières au cours de leur cycle naturel, l'eau douce tue les poux qui tombent des poissons. Lorsque les jeunes saumoneaux quittent la rivière pour entrer dans la haute mer, ils ne portent pas de poux. Ils se déplacent, deviennent des adultes en santé, puis reviennent infestés de poux.
Certaines personnes pensent — et j'en suis — que les fermes aquacoles produisent maintenant des poux du poisson, qui ne seraient normalement pas présents dans les eaux.
Le sénateur Watt : Ces poux proviennent de l'océan.
M. Rickard : Dans le passé, lorsque les petits poissons migraient ver la haute mer, ils ne rencontraient pas de poux. Alors que maintenant ils nagent dans des amas de larves de poux transportés par le courant des rivières. Ces larves parasitent les petits poissons. Si les fermes aquacoles ne produisaient pas de larves de pou, les saumoneaux en seraient dépourvus.
Il existe une autre école de pensée, qui croit que les hôtes intermédiaires des poux se développent et qui préconise d'étudier ce développement. Les deux opinions s'opposent, ce qui me ramène à ma première idée. Je préférerais que le MPO suive sa politique prudente. Si on ne peut pas prouver qu'il n'y a pas de danger, il vaudrait mieux s'abstenir.
Le sénateur Cowan : Au risque de faire étalage de mon ignorance sur la pêche sportive pratiquée sur la côte ouest, les permis accordés maintenant s'appliquent à des espèces spécifiques. Vous obtenez un permis pour la pêche sportive du flétan ou celle d'une espèce particulière de saumon. Est-ce exact?
M. Rickard : Non, ce n'est pas le cas, à vrai dire. L'un des avantages des permis de pêche sportive est qu'ils vous permettent de pêcher, dans toutes les eaux à marée de la Colombie-Britannique, toutes les espèces permises, dont les mollusques, les crustacées, les poissons de fond et les saumons.
Le sénateur Meighen : À vous écouter, surtout lorsque vous abordez les problèmes de l'industrie de l'aquaculture, vous pourriez très bien être membres d'une fédération de la faune dans une autre province, comme le Nouveau- Brunswick, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve ou le Labrador. Leurs problèmes sont exactement les mêmes. J'espère que vous unissez vos efforts pour résoudre ces problèmes. Qu'il s'agisse du pou du poisson, des enclos d'élevage, du type de cage ou des espèces exotiques — sujet dont il n'a pas été question encore et sur lequel j'aimerais conclure — ce sont des problèmes qui sévissent tant sur la côte est que sur la côte ouest, et peut-être également dans les eaux nordiques, mais le sénateur Watt connaît mieux ce sujet que moi.
Pour ce qui est des espèces exotiques, si, par exemple, je veux mettre sur pied un élevage de piranhas ou de saumons atlantiques en Colombie-Britannique, dois-je demander une autorisation? Quelqu'un peut-il me dire si les piranhas ou les saumons atlantiques sont des espèces qu'il est interdit d'introduire dans les eaux de la Colombie-Britannique?
M. Rickard : À ma connaissance, vous devriez demander l'autorisation à la fois à la province et au ministère des Pêches et des Océans, qui mèneront une étude d'impact sur l'environnement ou vous demanderont de le faire. Les résultats de l'étude devront déterminer s'il est opportun ou non de délivrer un permis pour l'ouverture de votre ferme aquacole.
Comme vous, je suis un peu préoccupé par l'impact des espèces exotiques. Je dirais même qu'il existe un danger plus grand. Il est clairement établi que l'élevage du saumon atlantique s'avère une bonne idée, puisque les espèces ne peuvent se croiser, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent se reproduire naturellement advenant que des poissons s'échappent des enclos, et que les maladies qui affectent le saumon atlantique ne peuvent infecter les espèces sauvages indigènes. Je crois que c'est ce qui explique pourquoi la pratique de l'élevage du saumon atlantique sur nos côtes a été jugée acceptable.
Je ne pense pas que beaucoup de gens savent que l'industrie de l'aquaculture s'occupe maintenant de plus en plus de l'élevage des espèces sauvages, dont le saumon quinnat et le saumon coho. Le problème qui préoccupe beaucoup d'entre nous, c'est que le saumon d'élevage a maintenant une vitalité génétique très limitée. Ce type d'élevage ne se conforme pas aux protocoles qui permettent au MPO d'autoriser les écloseries à combiner un grand nombre d'œufs et de spermes. Premièrement, si ces saumons s'échappent des enclos, ils peuvent se croiser avec l'espèce sauvage.
Le sénateur Meighen : Ce qu'ils ont fait et continuent de faire.
M. Rickard : Deuxièmement, les saumons quinnat gardés en grand nombre dans les enclos peuvent développer une maladie qui se transférera aux stocks de saumons sauvages. Selon moi et selon certaines personnes à qui j'ai parlé, il s'agit peut-être d'un plus grand danger que celui que posent certaines espèces exotiques.
Le sénateur Meighen : C'est exactement ce qui s'est produit sur la côte est. Avez-vous des problèmes avec le virus de l'anémie infectieuse du saumon (ISA), qui a infecté le saumon atlantique d'élevage, puis l'espèce sauvage?
M. Rickard : Là encore, ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise.
Le sénateur Meighen : Avez-vous des problèmes de transfert de maladies?
M. Rickard : On ne m'a pas encore parlé du transfert d'une maladie entre le saumon atlantique d'élevage et les espèces sauvages de saumon, quinnat ou coho. Ce n'est pas parce que je n'en ai jamais entendu parler que le problème ne se pose pas, mais je ne sais rien à ce sujet.
Le président : Cela ne pose peut-être pas un problème puisqu'il n'y a pas, paraît-il, de saumons atlantiques sauvages sur la côte ouest.
M. Rickard : En effet.
Le président : Par conséquent, le transfert du virus ISA n'est peut-être pas possible. Nous ne le savons pas de façon certaine, mais c'est peut-être impossible.
En ce qui a trait au sujet soulevé par le sénateur Meighen sur les efforts de collaboration, j'espère vraiment qu'une collaboration sera établie entre la côte ouest et la côte est sur la façon de coordonner efficacement les politiques des deux régions relativement à la pêche sportive.
Au nom des membres du comité, je terminerai cette réunion en vous remerciant de votre témoignage. Pour nous qui essayons de comprendre les conséquences des politiques et des propositions du MPO sur les collectivités, votre témoignage a été très enrichissant et utile. Vous nous avez communiqué votre passion et votre intérêt profond pour les pêches sur la côte ouest ainsi que pour la pêche sportive.
Vous nous avez également démontré que la population de la Colombie-Britannique considère les pêches comme un héritage sacré. Nous l'avions constaté lors de notre visite sur la côte ouest. Les pêches y sont en effet considérées comme un héritage très précieux. Les membres de votre organisme peuvent être fiers de votre contribution. Vous avez fait de l'excellent travail ce matin.
Avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous levions la séance?
M. Rickard : J'aimerais dire que je me suis senti très nerveux au début de la réunion. Vous m'avez aidé à rendre cette expérience agréable, et c'est avec plaisir que j'ai participé à vos travaux.
M. Toth : Vous pouvez faire appel à nous en tout temps.
Le président : Je vous remercie.
La séance est levée.