Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 3 - Témoignages du 7 décembre 2004
OTTAWA, le mardi 7 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères s'est réuni ce jour à 17 h 9 pour étudier les Rapports sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004 de : a) Affaires étrangères Canada; b) Commerce international Canada; et c) Agence canadienne de développement international, déposés au Sénat le 28 octobre 2004.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Nous avons l'honneur d'accueillir cet après-midi l'honorable Aileen Carroll. La ministre est accompagnée par M. Paul Thibault, président, M. Ric Cameron, vice-président principal, M. Denis Kingsley, vice-président, Direction générale des ressources humaines et des services corporatifs, tous de l'Agence canadienne de développement international.
Nous sommes en train d'étudier les Rapports sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004 de a) Affaires étrangères Canada, b) Commerce international Canada, et c) Agence canadienne de développement international, qui ont été déposés au Sénat le 28 octobre 2004.
J'ai lu les déclarations de la ministre cet après-midi et j'ai constaté une sorte de convergence fortuite entre cette déclaration et le fait que le comité ait décidé d'étudier la politique canadienne en Afrique. Comme les membres du comité le savent, j'ai distribué aujourd'hui l'avis relatif à cette motion.
Sur ce point, les membres du comité devraient recevoir une série de cartes de l'Afrique. Nous obtiendrons par la suite de meilleures cartes mais c'est ce que nous avons pour le moment. Ces cartes montrent assez bien la composition religieuse du continent — musulmans, chrétiens, animistes et hindouistes. Elles montrent également les origines ethniques tribales dans certains pays et bien sûr, les frontières des différents États.
Jeune homme, j'ai vécu pendant quelques années dans 26 ou 27 pays de l'Afrique coloniale. C'est ce qui me permet d'affirmer que ces cartes ne sont pas aussi bonnes qu'elles pourraient l'être mais elles vous donneront au moins une idée de la géographie des pays africains.
Madame Carroll, je sais que vous avez une grande habitude de prendre la parole devant les comités. Je vous invite donc à présenter votre déclaration liminaire et les membres du comité vous poseront ensuite des questions.
L'honorable Aileen Carroll, C.P., députée, ministre de la Coopération internationale : Avant de vous lire les remarques que j'ai préparées, je vais vous dire que nous nous sommes récemment associés avec Canadian Geographic pour produire une très bonne carte. Elle est axée sur le monde en développement. Elle ne contient pas tous les éléments auxquels vous avez fait allusion mais elle est incroyablement à jour. L'ACDI, toute notre équipe, serait ravie d'en remettre quelques-unes au comité. Elles vous seront d'une grande utilité pour l'étude que vous entreprenez.
Le président : Vous pouvez être sûre que nous la distribuerons à nos membres.
Mme Carroll : Je vous remercie de votre accueil chaleureux. Je suis heureuse de vous rencontrer aujourd'hui. C'est la première fois qu'un comité du Sénat m'invite à comparaître. Je suis ravie d'être ici.
Je suis venue vous parler du rôle que joue le Canada dans les activités de développement international. Je crois qu'à l'heure actuelle, le Canada contribue réellement à un monde meilleur et qu'il continuera sur cette lancée. Il y a quelques semaines à peine, alors que le directeur général du Programme alimentaire mondial, James Morris, se trouvait à Ottawa, il a rencontré des comités et il a décrit l'Agence canadienne de développement international comme étant l'une des organisations d'aide internationale les plus compétentes au monde, la qualifiant même de trésor national. Voilà un concours de circonstances particulièrement heureux. Sachant que j'allais vous rencontrer, j'étais ravie de pouvoir vous faire part de cette citation.
Comme l'indique la fiche de rendement qui figure dans le Rapport ministériel sur le rendement de 2003-04, l'ACDI respecte très bien ses engagements. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que l'ACDI soit le plus efficace possible, pour utiliser nos ressources d'aide là où elles pourront avoir le plus d'effets.
[Français]
Le Canada s'est engagé à contribuer à l'atteinte des objectifs de développement du millénaire. Ces objectifs représentent le seuil minimal à franchir en développement international. Ils sont fondés sur un partenariat entre les pays développés et les pays en développement et sur des obligations communes. Le gouvernement actuel s'est engagé à augmenter notre aide internationale de 8 p. 100 par année, dans le but de la doubler d'ici 2010. Cette augmentation nous permet d'aller dans la bonne direction, mais il ne suffira pas d'augmenter le financement pour atteindre les objectifs de développement du millénaire.
Si nous voulons aider les gens à s'aider eux-mêmes, il faudra aussi que nos efforts soient bien définis et bien ciblés. L'ACDI met tout en oeuvre pour rendre l'aide internationale plus efficace. Pour ce faire, nous dirigeons notre soutien vers les pays et les secteurs où nous savons que nous avons le savoir-faire et les ressources nécessaires pour favoriser le développement durable. Nous les dirigeons aussi dans les pays qui ont la capacité nécessaire sur le plan de la gouvernance pour nous assurer que ces ressources sont utilisées à bon escient. Nous avons placé l'Afrique, le continent où les besoins sont les plus criants, au centre de nos efforts de développement.
[Traduction]
Nous avons sélectionné neuf pays où concentrer nos efforts, dont six sont situés en Afrique. Nous ajouterons d'ailleurs bientôt d'autres pays à cette liste. Nous étudions différents moyens d'axer davantage nos programmes sectoriels sur quatre secteurs prioritaires : la santé, en particulier la lutte contre le VIH/sida, l'éducation de base, la gouvernance et le développement du secteur privé. Pour favoriser la prospérité économique et le développement durable, il faut assurer un développement du secteur privé qui profite aux pauvres. Nous consacrons environ 10 p. 100 de notre budget à cette priorité. L'ACDI met actuellement la dernière main à une stratégie destinée à renforcer nos programmes de développement du secteur privé et à innover dans le sens préconisé par la Commission du secteur privé et du développement, un organisme des Nations Unies.
Les Africains ont demandé plus d'investissements à la communauté internationale. Nous avons répondu à leur demande en créant le Fonds canadien pour l'Afrique, qui permet d'encourager les initiatives commerciales. Le Canada insiste également pour que tout un chacun ait accès à une instruction primaire de qualité. Il fait d'ailleurs preuve de leadership sur cette question au sein du G8 et de l'ensemble des donateurs internationaux. En 2000, en réaffectant les ressources existantes, le Canada a entamé une démarche visant à quadrupler son investissement dans l'éducation de base, là encore un de nos deux secteurs prioritaires. En juin 2002, nous sommes allés encore plus loin en nous engageant à consacrer 100 millions de dollars par année à compter de 2005 au soutien de l'éducation de base en Afrique seulement.
Près de 11 p. 100 de notre budget est consacré à cette priorité. À côté de l'éducation et de la croissance économique, la troisième priorité, la gouvernance, est une condition préalable à un développement durable. En 2003-04, la gouvernance représentait l'un des secteurs d'investissement les plus importants de l'ACDI : environ 18 p. 100 de notre aide au développement y était consacrée. Qu'il s'agisse de consolider la paix dans des États fragiles ou de renforcer la capacité de gouvernance à long terme dans des pays plus stables, la gouvernance est un moyen autant qu'un objectif de développement.
Les programmes de l'ACDI comprennent toute une gamme d'activités en la matière : soutenir la démocratie, des élections justes, un parlement intègre, un système judiciaire équitable et impartial, des mécanismes pour protéger et faire respecter les droits de la personne, une société civile engagée et efficace, un secteur public efficace et transparent, ainsi qu'un système de sécurité stable et fiable pour protéger la population et résoudre les conflits de manière équitable et pacifique. La gouvernance est un secteur d'investissement important du Fonds canadien pour l'Afrique, qui soutient le nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ainsi que le plan d'action du G8 pour l'Afrique.
Le Canada a été le premier donateur à appuyer le mécanisme africain d'examen par les pairs, probablement l'élément le plus important et le plus courageux du NEPAD. Il s'agit d'un processus volontaire d'évaluation de la gouvernance par les Africains eux mêmes, dont le résultat final devrait être l'amélioration de la gouvernance sur tout le continent.
Nous savons, cependant, que sans une population en bonne santé, notre quatrième secteur, les efforts de développement ne peuvent avoir une incidence durable. C'est pourquoi nous redoublons d'efforts à cet égard et adoptons une approche intelligente de lutte contre la propagation du VIH et du sida. Nous travaillons à prévenir les nouveaux cas par l'éducation et la recherche, tout en aidant les personnes déjà atteintes à vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions grâce au traitement et aux soins, sans oublier d'aider les pays en développement à consolider leurs compétences pour mieux s'attaquer à la pandémie.
Cela comprend aussi l'adoption d'un projet de loi innovateur qui permettra d'exporter des médicaments génériques à bas prix dans les pays qui en ont besoin.
Récemment, je suis sûre que vous avez remarqué la semaine dernière ou la semaine précédente le rapport de l'ONU sur le sida qui montrait que les femmes et les filles étaient touchées de façon disproportionnée par la propagation de ce virus. En Afrique subsaharienne, la région où la pandémie frappe le plus fort, les deux tiers de toutes les nouvelles personnes infectées chez les 15 à 24 ans sont des femmes et la plupart d'entre elles des femmes mariées. C'est pourquoi, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, je suis allée à Toronto pour un événement spécial et j'ai été heureuse d'annoncer que nous allions consacrer plus de 100 millions de dollars à des projets qui nous permettrons de nous attaquer à l'inégalité entre les sexes et de lutter contre le VIH/sida. Ce financement accru s'insère dans la démarche globale qu'a adoptée l'ACDI pour lutter contre la propagation de cette maladie. Nos interventions dans le domaine de la santé comptent pour 20 p. 100 de notre budget. Une bonne part de ces interventions porte sur les soins de santé génésiques et la lutte contre le VIH et le sida.
Je serais heureuse de répondre à vos questions et nous poursuivrons alors cette discussion. Nous nous efforçons toujours, dans tout ce que nous faisons, de répondre aux besoins de nos partenaires des pays en développement et de donner suite aux priorités qu'ils ont eux-mêmes définies. Nous travaillons en étroite collaboration avec des pays donateurs qui ont la même perspective que nous pour harmoniser nos efforts. Et nous veillons à coordonner nos activités avec les autres ministères. L'ACDI a travaillé fort pour améliorer la façon dont elle s'acquitte de ses responsabilités. L'énoncé de politique internationale donnera un nouvel élan à ces efforts et un nouvel éclairage. Cela signifie qu'il faudra procéder à des choix difficiles pour mieux orienter le programme canadien d'aide au développement; nous sommes en train de procéder à ces choix et de préparer leur mise en œuvre.
Je vais terminer en vous présentant quelques derniers commentaires. Ces choix difficiles nous permettront de mieux cibler les programmes d'aide ici au Canada.
[Français]
Mais un pays à lui seul ne peut tout faire. C'est pourquoi le Canada est un fervent partisan du système multilatéral. Plus de 40 p. 100 de l'aide publique au développement est acheminée par les organisations multilatérales. Par exemple, les organismes des Nations Unies demeurent les premières voies d'acheminement de l'aide lorsque nous répondons à des urgences humanitaires ou réagissons à des situations d'après conflit.
Également, nous participons de plus en plus à des approches multilatérales à l'échelon des programmes et au niveau sectoriel dans les pays en développement. Nous collaborons étroitement avec les partenaires donateurs et ceux des pays en développement afin de réduire les frais de transaction et d'accroître l'efficacité de l'aide au développement.
Si elle veut continuer à contribuer à un monde meilleur, l'ACDI devra poursuivre son évolution et toujours faire preuve d'innovation. Je crois qu'elle est sur la bonne voie, car c'est justement ce que nous faisons. Je me réjouis à l'avance des discussions que nous aurons aujourd'hui.
[Traduction]
Le président : Merci. C'était un excellent exposé et je vous en remercie.
Le sénateur Andreychuk : Merci, madame la ministre, d'avoir accepté notre invitation et d'avoir démarré ce dialogue sur l'Afrique. Vous avez principalement parlé de l'Afrique dans votre rapport, même si l'ACDI ne travaille pas exclusivement dans cette région. Comment répartissez-vous votre temps sur le plan géographique? Quelle est la politique générale du Canada à l'égard de l'Afrique dans laquelle s'inscrit l'action de l'ACDI? Quel rôle joue ou devrait jouer le Parlement dans les choix dont vous parlez ici? C'était là les deux grandes questions d'orientation que je voulais vous poser.
Vous avez parlé du projet de loi de première importance que nous avons adopté en mai dernier. Je souscris à votre description. Je pense que ce projet de loi a été étudié de façon non partisane. Tout le monde a reconnu qu'il y avait une situation de crise et qu'il fallait faire quelque chose. Nous savions également que cela serait difficile mais il existait une volonté politique manifeste d'agir. Si nous avons désormais une loi de première importance au sujet des médicaments génériques pour l'Afrique et les autres pays, je crois savoir que rien n'a encore été fait sur le plan de la réglementation et de la mise en oeuvre. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet aujourd'hui?
Mme Carroll : Permettez-moi de commencer par la dernière question et j'aborderai ensuite la première, madame le sénateur.
Je reconnais avec vous que le projet de loi C-9 a bénéficié de l'appui de tous les parlementaires des deux chambres. Il est vraiment remarquable que ce projet de loi ait suscité un appui aussi général. Il a montré en outre que quatre ministères étaient capables de travailler ensemble. Le ministère responsable était celui de l'Industrie, mais l'ACDI était également un partenaire, tout comme le milieu pharmaceutique, les fabricants de médicaments génériques et la société civile. C'était toute une entreprise.
À l'heure actuelle, le règlement a été publié dans la gazette. Il a été publié vers la mi-décembre, environ. Cela répond au délai de 75 jours qui est exigé pour la publication d'un règlement, de façon à pouvoir le diffuser et s'il y avait des demandes de changement important, Industrie Canada, en qualité de ministère responsable, se donnerait un délai pour répondre à ces suggestions.
Je n'ai pas de boule de cristal mais je ne pense pas que cela se produise. Si c'est bien le cas, nous suivrons alors le processus normal pour ce qui est des délais, ce qui veut dire qu'à la fin de janvier ou au début du mois de février les fabricants de produits génériques pourront demander le permis obligatoire qu'ils doivent posséder pour produire ces médicaments au Canada. Je vois que le sénateur Robichaud veut intervenir.
[Français]
Oui, au Canada, ou aussi dans d'autres pays du monde.
Le sénateur Robichaud : Vous dites en janvier?
Mme Carroll : Fin janvier probablement, peut-être en février, s'il n'y a pas de problème, comme je l'ai dit.
Le président : Une autre question, sénateur Andreychuk?
[Traduction]
Le sénateur Andreychuk : Le gouvernement a-t-il adopté une politique à l'égard de l'Afrique que vous êtes chargée de mettre en oeuvre? Je pense en particulier à tous les choix que doit faire l'ACDI. Si cette politique existe, dans quelle mesure le Parlement a participé à son élaboration? Pensez-vous que cette participation est suffisante ou qu'elle devrait être renforcée?
Mme Carroll : C'est la dernière question à laquelle j'ai répondu. Près de la moitié des programmes et des ressources de l'ACDI sont consacrés au développement de l'Afrique. Cela reflète le fait que les pays les plus pauvres au monde sont ceux de l'Afrique subsaharienne. Compte tenu de la mission de l'ACDI qui consiste à lutter contre la pauvreté, c'est un lien logique. Cependant, sur les neuf pays que nous considérons comme prioritaires, dont le nombre sera d'ailleurs élargi comme je l'ai expliqué, six se trouvent en Afrique. Trois se trouvent ailleurs — le Honduras, la Bolivie et le Bangladesh.
Cela nous amène à concentrer notre action sur l'Afrique parce que c'est là notre mission, le projet du millénaire. De la même façon, il y a eu les initiatives qu'a prises le gouvernement au moment de la réunion de Kananaskis qui ont débouché sur la création du Fonds pour l'Afrique et de nombreux programmes que nous sommes en train de mettre en oeuvre en ce moment.
Je vais demander à Paul Thibault de vous fournir davantage de renseignements si vous le souhaitez.
Sur l'autre aspect que vous avez mentionné, madame le sénateur, la participation du Parlement, je vous dirais que cette participation est toujours la bienvenue. Je considère que nous sommes en ce moment en train de mettre en œuvre ce processus. Comme vous le savez, nous avons participé à l'examen de la politique internationale et celui-ci sera, lorsqu'il sera achevé, déposé devant la Chambre par vos collègues; le Parlement pourra ainsi en débattre. En outre, j'ai comparu récemment devant le comité permanent pour examiner le budget des dépenses de l'ACDI, ce qui a donné également l'occasion aux parlementaires d'examiner ces questions. Je suis ouverte à toute autre suggestion.
Je pense avoir répondu à vos trois questions à moins que vous ne souhaitiez entendre les explications de M. Thibault.
Le sénateur Andreychuk : Je ne suis pas rassurée. Quelle est la politique étrangère globale à l'égard de l'Afrique qui indique à l'ACDI ce qu'elle doit faire? Je comprends la pauvreté. Je sais que nous avons une politique transatlantique. Nous avons une politique pour l'Amérique latine. Nous avons eu une politique pour la Chine et une pour l'Asie. Quelle est notre perspective à l'égard de l'Afrique? C'est peut-être une question que je ne devrais pas vous poser maintenant mais c'est un aspect auquel je vais réfléchir au cours de notre étude de l'Afrique.
Le président : Si vous me permettez, sénateur Andreychuk, je vais maintenant donner la parole au sénateur Corbin. Si nous avons le temps, vous pourrez intervenir à nouveau.
Le sénateur Corbin : Dans les allocutions comme celle que vous venez de prononcer ici, madame la ministre, vous insistez beaucoup sur l'aide financière et sur le montant de cette aide. Comment cette aide se traduit-elle pour ce qui est de la présence de personnel canadien dans les régions où vous contribuez activement à améliorer la vie de la population? Avons-nous un chiffre qui reflète le nombre des experts professionnels, des universitaires, des travailleurs de la santé et des autres Canadiens qui sont physiquement présents dans ces pays et qui participent aux activités d'aide du Canada en Afrique? C'est sur cet aspect que nous voulons nous concentrer aujourd'hui, sans parler de la présence militaire et de nos missions de maintien de la paix. Je les laisse de côté pour le moment.
Mme Carroll : Le Canada envoie plus de personnel d'expérience à l'étranger que n'importe quel autre pays de l'OCDE. Le Canada envoie plus de 4 000 Canadiens à divers titres dans sa mission générale de « développement ».
Le sénateur Corbin : Est-ce que ce chiffre comprend les initiatives du secteur privé en Afrique?
Mme Carroll : Je pensais plutôt aux bénévoles. Une partie de ces personnes travaillent indépendamment de l'ACDI. Une bonne partie d'entre elles travaillent en collaboration avec des associations de bénévoles comme CUSO et SACO, qui sont des partenaires de l'ACDI et à qui nous confions par contrat le soin de mettre en oeuvre une bonne partie de nos programmes de développement.
L'idée de Corps canadien, un organisme qui a été créé et mis en oeuvre avec notre participation, est fortement axée sur les jeunes Canadiens et sur l'expertise canadienne et sur celle de fournir à ceux qui les souhaitent les capacités des personnes qui veulent travailler à l'étranger; mais je dirais que c'est un programme qui en est à l'étape du démarrage. Le Canada ne fournit pas uniquement son aide par l'entremise de Canadiens. Nous travaillons avec diverses ONG mais fréquemment les ONG qui se trouvent dans des pays bénéficiaires ou en développement sont des ONG associées. Par exemple, CARE Canada était un de nos précieux partenaires lorsque j'étais en Thaïlande et les projets qui étaient financés par l'ACDI et les projets d'aide que j'ai visités étaient mis en œuvre par CARE Thaïlande qui travaillait en collaboration avec nous.
Lorsque je travaillais au bureau de l'aide extérieure, il y a près de 40 ans, un pourcentage important de notre propre personnel se trouvait sur le terrain à l'époque. Le pourcentage a changé. C'est un aspect que nous examinons. Je ne sais pas si c'est vraiment l'aspect qui vous intéresse.
Dans le domaine de la gouvernance, qui est un de nos quatre secteurs prioritaires, l'Association du Barreau canadien, des avocats et des juges canadiens travaillent dans certains programmes offerts à ces pays dans le but de renforcer le système judiciaire, de mettre sur pied les services juridiques communautaires et d'aide juridique. Nous avons la Cour suprême. Nous avons un certain nombre de partenaires du secteur privé qui travaillent également à l'étranger. Il y a tout un ensemble de personnes et d'organisations mais cela fonctionne bien. Je ne sais pas si quelqu'un souhaite ajouter quelque chose.
[Français]
M. Paul Thibault, président, Agence canadienne de développement international : J'aimerais ajouter aux propos de Mme la ministre. Nous envoyons environ 4 000 experts dans les pays en voie de développement. Dans le système actuel, les pays en voie de développement décident eux-mêmes des plans de réduction de la pauvreté. Le pays donateur et celui en voie de développement discutent de la stratégie et le pays donateur décide de la façon par laquelle il contribuera pour mettre en oeuvre cette stratégie, soit sous forme sectorielle ou par pays.
Il se peut que pour certains secteurs, on ait besoin d'experts à plus long terme, par exemple, pour accroître les capacités dans certains domaines. Il peut s'agir de gens qui offrent de la formation dans le cadre de plans à plus long terme. Des experts canadiens sont également envoyés à court terme, par exemple, pour des élections et pour rencontrer des objectifs de plus courte durée.
Plusieurs facteurs entrent en jeu dans le développement international. Toutefois, il est essentiel de retenir le point suivant. Le Canada n'est pas celui qui décide d'envoyer des experts dans un pays donné. Le pays en voie de développement fixe ses objectifs et le Canada choisit de contribuer ou non à une activité particulière.
Les décisions ne reposent pas entièrement sur l'aspect financier. Néanmoins, il est possible de calculer les contributions bilatérales, multilatérales ou des partenaires. Éventuellement, ce calcul doit être fait. Tous s'entendent à dire que l'aide publique au développement est calculable. Il y a donc une multitude d'éléments à prendre en considération.
[Traduction]
Mme Carroll : J'ai fait référence à ce que nous faisions il y a 40 ans et à ce que nous faisons maintenant mais la leçon la plus importante que nous ayons apprise est que le développement le plus efficace est celui qui est mis sur pied et pris en charge par le pays en développement. Le développement n'est pas défini en fonction de l'offre ou de ce que le Canada estime être la meilleure façon d'y contribuer. En fait, nous tenons compte des stratégies de lutte contre la pauvreté et de la façon dont nous pouvons nous insérer dans ces stratégies, ou mieux encore, comment le faire en combinant nos efforts à ceux des autres donateurs pour éviter les chevauchements et à ne pas trop charger ces pays. Ce sont les leçons que nous avons apprises qui nous ont donné la réputation et le qualificatif que nous a récemment attribués M. Morris.
[Français]
Le sénateur Corbin : Nous entendons parler assez souvent de la disparition des contributions venant d'autres pays. Les fonds n'atteignent pas toujours les objectifs ciblés par les programmes. Certains états européens ont dressé une liste de pays où l'aide ne se rend plus, à moins d'exercer un contrôle sévère sur le cheminement des contributions.
Est-ce que le Canada partage cette inquiétude eu égard à son aide en Afrique? Avez-vous procédé à des réformes en matière de comptabilité et de reddition des comptes, ou est-ce que vous vous fiez uniquement au bon plaisir des demandeurs? Quelle est votre politique à cet égard?
[Traduction]
Mme Carroll : Je suis satisfaite des mécanismes que l'ACDI a mis en place pour surveiller, vérifier et évaluer les programmes auxquels nous participons. Cela représente une part extrêmement importante de mes obligations de fiduciaire et de celles des collègues qui sont assis à cette table. Cela ne veut pas dire que nous travaillons toujours avec des gouvernements d'une pureté irréprochable. Nous savons fort bien que la corruption est un phénomène répandu mais il est important de travailler dans ces environnements, en étant conscients de ces aspects et en travaillant de façon à donner à ces pays les moyens d'y remédier.
À titre d'exemple, dans un pays comme le Bangladesh, un de nos pays prioritaires, nous aidons à renforcer l'appareil judiciaire et à mettre sur pied une agence de lutte contre la corruption, parce qu'il y a beaucoup de gens qui font partie des gouvernements de ces pays qui déclarent publiquement être opposés à cela. Nous essayons de donner à ceux dont les voix ne se font pas entendre les moyens qu'elles le soient.
Cependant, je pense que vous seriez aussi satisfaits que moi des mécanismes que nous avons mis en place pour veiller à ce que les fonds soient bien dépensés.
Parallèlement, il faut en arriver à un équilibre. Il faut tenir compte du fait, comme je l'ai dit, que nous ne fournissons pas de l'aide à des démocraties occidentales. Nous fournissons de l'aide à des démocraties en devenir. Dans une certaine mesure, l'aide comporte toujours des risques. Si nous refusons de prendre ces risques, nous ne pourrons pas travailler efficacement à changer les choses et à lutter contre la pauvreté, qui sont nos deux grands objectifs. Il doit y avoir un équilibre entre l'efficacité des mécanismes de vérification et autres et il ne faut pas que ces mécanismes soient si nombreux qu'ils nous empêchent d'agir, qu'ils nous privent de la souplesse dont nous avons besoin pour répondre aux pays et aux priorités que ces pays se sont fixées. Je m'efforce, avec tous les employés de l'ACDI, de conserver cet équilibre.
Le sénateur Corbin : Vous reconnaissez qu'il y a des fonds destinés à l'aide qui disparaissent.
Mme Carroll : Non, je ne le reconnais pas du tout. Je dis que, lorsque je suis à la Chambre des communes et qu'on me demande « Pourquoi fournissez-vous de l'aide à un pays comme le Vietnam qui a des antécédents aussi déplorables en matière de droits de la personne? », je réponds que c'est la raison pour laquelle nous fournissons de l'aide au Vietnam, pour l'aider à remédier à ces problèmes et pour assister les institutions de ce pays qui luttent contre les violations des droits de la personne.
De la même façon, lorsqu'on me demande — et cela suscitera peut-être d'autres questions — pourquoi je donne de l'aide à la Chine, je répondrais que c'est pour profiter de l'occasion de travailler dans un pays qui est en train de mettre en place des réformes, ce qui nous donne la possibilité de veiller à ce que ces réformes aillent dans la bonne direction. Par exemple, le gouvernement chinois semble disposé à accepter que les Canadiens lancent des initiatives comme Agriteam de Calgary ou celles qu'a prises l'Association du Barreau canadien. Cela comporte un certain risque mais cela ne veut pas dire que les fonds de l'aide disparaissent.
Le président : Je profite du fait que vous soyez ici, madame la ministre, pour vous demander quelle est la différence entre le Corps canadien et Jeunesse Canada Monde, un organisme qui a fait de l'excellent travail depuis une quarantaine d'années. Refaisons-nous la même chose? Pourriez-vous me dire quelle est la différence?
Mme Carroll : Nous essayons très fort d'éviter cela parce que je ne pense pas qu'il soit utile de faire deux fois la même chose. Nous avons beaucoup travaillé pour créer un nouveau secrétariat au sein de l'ACDI qui ne fasse pas double emploi mais qui sera en mesure de fournir le genre de coordination qui n'existait pas toujours dans le passé. Nous visons surtout les jeunes et les spécialistes. Le but est d'aider les pays en développement à résoudre des problèmes complexes en s'attachant particulièrement, mais pas uniquement, aux États fragiles et en difficulté.
Le but est de créer un guichet unique pour les personnes qui veulent travailler à l'étranger mais aussi, nous veillons de près à éviter d'agir en fonction de l'offre et non pas de la demande, comme je l'ai mentionné plus tôt. Notre action doit refléter, comme tout ce que fait l'ACDI, les besoins et les priorités des pays en développement.
Ce qui est important, monsieur le sénateur, c'est ce que vous avez déclaré au début. Il est possible que les personnes assises autour de la table ne savaient pas que vous aviez passé du temps dans un de ces pays. Il est important de pouvoir compter sur des personnes qui ont de l'expérience pour construire un groupe d'appui au Canada. Les jeunes vont à l'étranger avec l'ACDI, accompagnés de spécialistes, et ils ont l'occasion de partager leur expérience lorsqu'ils reviennent. Cela fera partie intégrante de Corps canadien — diffuser l'expérience acquise dans la population.
Je ne sais pas si beaucoup d'entre vous ont déjà eu mon expérience. Lorsque je rencontre des bénévoles qui reviennent de travailler avec Canada Monde, CUSO ou l'EUMC, je constate qu'ils sont pleins d'enthousiasme, qu'ils ont été changés par leur expérience. C'est pourquoi il est extrêmement important de leur donner les moyens de partager cette expérience avec les Canadiens. En fait, cela revient à créer une dynamique positive.
Nous allons préparer les jeunes à travailler à l'étranger, nous assurerons une coordination horizontale, ainsi que la communication, nous créerons des possibilités de débriefing, ce qui renforcera ce qui se fait chez nous.
Pourquoi souriez-vous, sénateur Di Nino?
Le président : Qui sait? C'est un homme heureux. Il y a des gens heureux ici.
Mme Carroll : Je crois qu'il veut me taquiner.
Le président : Il y a des gens heureux ici, et ils sourient beaucoup. Sénateur Di Nino, vous êtes le prochain intervenant et vous n'avez pas le droit de sourire.
Lorsque j'étais en Afrique, il y avait dans le seul Congo belge 4 000 fonctionnaires belges permanents qui travaillaient pendant cinq ans, rentraient chez eux en congé pendant six mois et revenaient pour cinq ans.
Je comprends la gravité du sida. Je sais que c'est une maladie terrible. Cependant, on n'entend jamais parler du paludisme. Comme la plupart des gens de ma génération, j'ai déjà eu le paludisme plusieurs fois. Cependant, lorsque j'ai visité la Tanzanie, j'ai été très surpris d'apprendre qu'il y avait beaucoup plus de gens qui mouraient du paludisme que du sida. Le paludisme est une maladie que l'on peut traiter. Ce n'est pas une maladie mystérieuse. C'est une question d'éducation et d'avoir accès à des médicaments relativement simples. Pourquoi ne pas lutter davantage contre le paludisme, étant donné que, d'après ce qu'on m'a dit, il y a beaucoup plus de gens qui meurent du paludisme que du sida?
Mme Carroll : L'ACDI accorde son soutien à l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, GAVI, et nous le faisons depuis très longtemps. Je ne sais pas si vous connaissez bien cette organisation. Elle a pour mission de protéger des enfants de tous les pays et de tous les niveaux socioéconomiques, comme l'a dit le sénateur, contre les maladies pour lesquelles il existe un vaccin.
Elle cherche à lutter contre trois problèmes. Chaque année, 30 millions d'enfants ne reçoivent pas les vaccins qu'ils devraient recevoir, et les nouveaux vaccins qui peuvent sauver des vies sont réservés aux enfants des pays riches. Enfin, le marché actuel n'encourage pas la recherche et le développement pour les vaccins concernant des maladies qui existent principalement dans les pays pauvres.
Le président : Je ne pense pas qu'il existe un vaccin pour la malaria. Il faut tout simplement prendre des pilules lorsqu'on est malade. Le problème vient du fait que les gens, principalement les enfants, ne sont pas informés. Je ne vais pas continuer parce que le sénateur Di Nino risque de faire la tête.
Mme Carroll : Nous aidons GAVI et le Fonds mondial.
Le président : Le sida est une maladie terrible. Personne ne dit le contraire. Mais en Afrique, il y a encore beaucoup d'enfants qui meurent de la malaria, une maladie que l'on peut éviter.
Mme Carroll : On peut l'éviter mais les morts dues au sida augmentent plus rapidement que celles qui sont dues au paludisme et le Fonds mondial s'occupe de la malaria. Nous avons doublé notre contribution — pour atteindre les 70 millions de dollars cette année — au Fonds mondial, qui lutte contre le VIH/sida et la malaria.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue, madame la ministre. Je souriais à cause d'un commentaire d'un collègue. Nous sommes amis depuis longtemps et je sais que je vous sourirai encore longtemps.
Mme Carroll : La situation se complique.
Le sénateur Di Nino : J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le président. Nous venons de demander au Sénat de nous inviter à faire une étude sur l'Afrique et nous aurons certainement l'occasion de bavarder encore avec vous, si nous nous lançons dans cette aventure, si je peux m'exprimer ainsi.
J'aimerais vous poser plusieurs questions mais je vais essayer de me limiter à deux questions. J'allais parler de la corruption mais mon collègue l'a très bien fait. L'autre aspect qui m'intéressait était le coût de la fourniture de l'aide. Quel est votre budget total et quel pourcentage de ce budget est affecté aux coûts opérationnels du programme?
Mme Carroll : Je vais demander à un de mes collègues, M. Kingsley de vous répondre mais je sais que nous avons considérablement réduit le ratio qui existe entre les dépenses de fonctionnement et notre budget total. Nous avons obtenu une augmentation de 8 p. 100, ce qui veut dire que notre budget va en fait doubler d'ici 2010. Nous étions à 10 p. 100 mais ce chiffre a considérablement baissé. Je ne peux pas vous fournir ce chiffre.
M. Denis Kingsley, vice-président, Directions générale des ressources humaines et des services corporatifs, Agence canadienne de développement international : Notre budget est d'environ 2,5 milliards de dollars. Dans le passé, nous nous situions autour de 10 p. 100. Nous sommes maintenant à 8,3 p. 100 pour les opérations administratives. Notre budget comporte deux crédits distincts. Le crédit pour les dépenses de fonctionnement représente à l'heure actuelle 8,3 p. 100 du budget total de l'ACDI, contre 10 p. 100 il y a deux ans seulement. Nous avons beaucoup fait pour rationaliser nos opérations, pour veiller à ce que la plupart des gens travaillent à fournir l'aide elle-même et pour que la plus grande partie de ces fonds soient dépensés en aide au développement.
Le sénateur Di Nino : C'est un chiffre global, qui vise aussi bien les sommes dépensées au Canada qu'à l'étranger. Si le coût total représente 8,3 p. 100, j'en déduis qu'environ 92 p. 100 de ce budget va aider les personnes dans le besoin.
M. Kingsley : Cela fait partie des programmes d'aide que fournit l'ACDI.
Mme Carroll : Cela vise les programmes bilatéraux et multilatéraux. J'ajouterais que nous avons récemment obtenu une note qui n'était pas très bonne dans ce domaine. Je me demande si ce n'est pas à cause de vos antécédents ou de votre expérience européenne que vous posez cette question. D'après cette note, nos résultats n'étaient pas aussi bons que ceux d'autres pays donateurs.
Lorsque j'ai répondu aux gens qui m'avaient écrit — et je serais ravie de vous envoyer une copie de cette lettre — j'ai fait remarquer que cela venait du fait que d'autres pays donateurs ne comptabilisaient pas le pourcentage des frais administratifs correspondant aux programmes multilatéraux, et ils ont modifié les chiffres. Ils utilisent un autre système de répartition des dépenses. Nous utilisons une méthode très transparente et tout ce qui est administratif est affecté aux frais administratifs. Je ne veux pas dire que les autres pays utilisent des stratagèmes mais il est vrai que leur système de comptabilité est différent. Notre pourcentage n'était pas aussi bon que celui d'autres pays mais comme je l'ai dit, j'ai été ravie de fournir des renseignements sur notre façon de procéder. Si vous voulez, monsieur le sénateur, je pourrais vous l'envoyer.
Le sénateur Di Nino : Cela serait utile pour notre étude.
L'autre question que je voulais poser concerne l'aide liée, c'est-à-dire l'aide qui est utilisée pour conclure des ententes commerciales ou vendre des produits canadiens. Avons-nous une idée du pourcentage de l'aide qui est liée, en fait, à un avantage pour nous, par rapport aux fonds qui sont fournis pour aider les personnes dans le besoin?
Mme Carroll : Notre pourcentage est à peu près le même que celui des autres pays de l'OCDE; 45 p. 100, soit un peu moins de 50 p. 100, de notre aide n'est pas liée. En 2001, près de 70 p. 100 de notre aide était encore liée, mais nous avons maintenant ramené ce pourcentage à 45 p. 100. C'est un chiffre de 2003, qui est, je crois, comparable aux autres pays de l'OCDE et qui est également conforme au CAD, qui est le grand spécialiste des définitions en matière d'aide internationale. C'est le Comité d'aide au développement de l'OCDE.
L'exception est qu'au Canada — c'est un décret du cabinet — notre aide alimentaire est toujours liée à 90 p. 100. Deux partenaires de l'ACDI, qui sont très importants pour nous et jouissent d'une excellente crédibilité, la Banque de céréales vivrières du Canada et Oxfam, ont suggéré de modifier cette règle. Je leur ai dit que j'étais intéressée à entendre ce qu'ils avaient à dire à ce sujet et que j'étais également sensible aux besoins des producteurs agricoles canadiens qui ont connu de grosses difficultés dernièrement. Ces deux ONG affirment que cette modification n'aurait qu'un effet minime sur nos agriculteurs mais je veux entendre d'abord ce qu'ont à dire nos agriculteurs. Il faudrait ensuite soumettre la question au cabinet qui prendra ensuite une décision à ce sujet.
Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous sur la question de la Chine. C'est une économie en pleine croissance, qui produit probablement beaucoup plus de richesse économique que notre propre pays. Je ne pense pas que la Chine ait besoin de notre aide mais réservons cette question pour un autre débat.
Le sénateur Downe : Madame la ministre a mentionné deux fois que le gouvernement avait pour objectif de doubler l'aide internationale d'ici 2010. Quel sera l'effet sur l'ACDI du mécanisme actuel d'examen des dépenses qui doit déboucher sur la réaffectation de 12 milliards de dollars?
Mme Carroll : Oui, effectivement, nous nous sommes engagés à doubler l'enveloppe de l'aide internationale en l'augmentant de 8 p. 100 par an et nous participons, comme d'autres ministères, au comité d'examen des dépenses. L'ACDI sera obligée à faire des choix en matière de programmes. Vous avez une idée du rapport qui existe entre nos frais administratifs et nos programmes. J'ai fait des choix qui reflètent le souci de resserrer et de renforcer l'action de l'ACDI, de sorte que j'ai travaillé à l'intérieur de ce cadre pour certains programmes.
Le comité d'examen des dépenses a pour tâche de redistribuer des fonds. J'ai hâte de parler avec M. McCallum, mon collègue, de la façon dont cette redistribution va s'effectuer. J'espère qu'elle permettra de financer les projets hautement prioritaires, comme le Corps canadien.
Nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler aujourd'hui mais le gouvernement nous demande souvent de distribuer des sommes considérables à titre d'aide, comme notre programme en Afghanistan, qui est le plus important programme d'aide bilatérale que le Canada ait jamais lancé. Je mentionnerais également l'Iraq ou des situations comme celle du Soudan. Je mentionne cet aspect uniquement pour montrer qu'avec la meilleure planification, comme nous essayons de le faire, vous le pensez bien, nous ne pouvons pas prévoir que nous serons amenés à administrer des projets avec des répercussions financières aussi considérables.
J'espère que la redistribution me permettra de donner suite à ce genre de demandes à l'avenir et nous fournira les ressources financières dont nous avons besoin pour respecter les priorités que j'ai mentionnées.
Le sénateur Downe : Je comprends cela, madame la ministre. La vérificatrice générale a déclaré lors d'une séance du Comité sénatorial des finances que, selon elle, il était impossible d'effectuer l'examen des dépenses de 12 milliards de dollars sans supprimer des programmes. Je veux simplement confirmer ce que je crois avoir entendu ici aujourd'hui à savoir que votre ministère n'est pas exempté de cette opération et qu'il pourrait subir des réductions de budget?
Mme Carroll : Non, je ne suis pas exemptée.
Le sénateur Downe : Si j'ai bien compris, vous avez mentionné que c'est l'Afghanistan qui reçoit le plus de fonds.
Mme Carroll : C'est le plus grand programme d'aide bilatérale que l'ACDI ait jamais lancé.
Le sénateur Downe : Est-il exact que l'Afghanistan reçoit davantage d'argent que n'importe quel autre pays d'Afrique?
Mme Carroll : Oui.
Le sénateur Downe : Dans votre exposé, vous avez indiqué aujourd'hui que l'Afrique était au centre de votre mission de développement. L'Afghanistan reçoit toutefois davantage d'aide. Dans quelle mesure la guerre contre le terrorisme influence-t-elle vos priorités?
Mme Carroll : Je ne sais pas très bien comment répondre à cette question. Il est évident que l'Afghanistan est une réaction à ce qui s'est passé le 11 septembre. Cela découle du fait que nous nous sommes joints à notre ami et allié, les États-Unis, dans la lutte contre le terrorisme et l'Afghanistan était manifestement au centre de cette lutte. Il y a eu ensuite l'Iraq et le Canada a fait un autre choix à propos de l'Iraq. Nous sommes effectivement très actifs en Afghanistan. Cela constitue un grand défi pour nous et nous luttons vigoureusement contre la pauvreté et pour atteindre les objectifs de développement du millénaire, qui sont nos buts en tant qu'agence de développement. Nous essayons d'agir de façon cohérente et intégrée, en ciblant notre action sur certains secteurs et sur une liste de pays réduite. Nous travaillons en collaboration avec d'autres pays. Nous travaillons de concert avec les Britanniques et de façon très étroite et non concurrentielle avec les Hollandais et les Suédois.
Tout en faisant tout cela et en essayant de renforcer l'efficacité de notre action, nous devons également assumer l'incidence financière que peut avoir la question de la sécurité mondiale. Ce n'est pas une tâche facile. C'est une tâche que nous prenons très au sérieux.
Cela m'amène à mentionner un aspect du développement qui est la sécurité. Lorsque vous demandez aux Canadiens s'ils sont en faveur de l'aide qu'accorde le Canada, un grand pourcentage affirme être en faveur de l'aide pour des raisons humanitaires. Cependant, il y a beaucoup de Canadiens qui n'entrent pas dans cette statistique et qui appuient les efforts que déploie le gouvernement pour favoriser la paix et les droits de la personne. L'ACDI doit faire comprendre que nous luttons contre la pauvreté dans ces pays pour des raisons humanitaires mais également pour des raisons liées à la sécurité.
Le sénateur Downe : Je ne comprends pas votre dernier commentaire. De quelle sécurité parlez-vous?
Mme Carroll : À l'heure actuelle, il y a entre 40 et 50 États qui sont en difficulté. Lorsqu'une telle pauvreté perdure et que les gens vivent dans une situation désespérée, les sociétés ont beaucoup de mal à fonctionner et à ce moment-là, la sécurité prend de plus en plus d'importance.
Il faut comprendre la nécessité de s'occuper de développement et de lutter contre la pauvreté, mais aussi de faire le lien avec la sécurité, ce qui explique que ces deux aspects fassent partie de la mission de l'ACDI.
Le sénateur Kinsella : Madame la ministre, dans votre déclaration d'ouverture, vous avez attiré notre attention sur le programme d'éducation de base destiné à l'Afrique et déclaré que le gouvernement s'était donné un budget de 100 millions de dollars pour ce projet. Combien allez-vous dépenser pour ce programme particulier au cours de l'année financier 2003-2004?
Mme Carroll : Cela comprend, bien sûr, toutes les initiatives visant à accélérer la mise en place de programmes dans le domaine de l'éducation et nous obtenons d'excellents résultats. Je vais demander à mes collègues de vous donner ces chiffres.
Le sénateur Kinsella : La multiplication par quatre de votre investissement dans l'éducation de base en Afrique est une décision louable. Cependant, je pense qu'il est important d'au moins multiplier par deux les efforts visant à former les formateurs. Autrement dit, j'invite vivement l'ACDI à examiner la possibilité d'étoffer ces programmes d'éducation postsecondaire en Afrique, en raison du principe selon lequel il est bon de former les formateurs.
A-t-on réfléchi à cet aspect?
Mme Carroll : Je vous remercie de nous donner cette idée, sénateur Kinsella. Je sais que vous avez une grande expérience de ce domaine.
Comme je l'ai mentionné, l'éducation est un de nos secteurs prioritaires. Nous avons prévu et consacré environ 165 millions de dollars pour 2004-05, et cela comprend les 100 millions de dollars destinés à l'Afrique. Notre priorité, comme vous l'avez très bien deviné, est la formation de base. Par exemple, en Tanzanie, notre programme de formation a été particulièrement efficace. Le nombre des inscriptions est passé de quelque 68 p. 100 à 88 p. 100, ce qui est un résultat extraordinaire.
Dans les pays où l'ACDI a décidé de remettre au gouvernement les fonds qu'il percevait à titre de droits scolaires, ce qui revenait à supprimer les droits scolaires, nous avons constaté une augmentation considérable du nombre des inscriptions, parce que cette mesure donnait aux familles les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école.
La priorité a donc été la formation de base. Je ne pense pas que l'on puisse séparer le développement de l'éducation. C'est un élément clé, bien sûr, dans la lutte contre la pandémie du sida. Il faut donner aux filles et aux femmes davantage de pouvoirs dans la plupart de ces pays, par le biais de l'éducation.
Je prends note que vous pensez que nous devrions examiner cet aspect mais cela n'a pas encore été fait. La formation des formateurs est un élément qui nous manque.
Le sénateur Kinsella : Le gouvernement a annoncé en fanfare en juin 2002 qu'il dépenserait 100 millions de dollars par an d'ici 2005, et nous sommes presque rendus en 2005. Vos fonctionnaires pourraient peut-être remettre au président les chiffres correspondant à ces dépenses. Combien a-t-on dépensé au cours de l'année financière précédente avec ce programme et combien dépenserons-nous en 2004-05?
L'ACDI est un représentant essentiel de notre pays et des Canadiens dans ce secteur de développement mais nous vivons aujourd'hui dans un monde qui est très différent de celui que nous avons connu il y a cinq ans. Il y a d'autres acteurs importants au Canada qui pourraient participer activement au développement, et il y en a en fait un certain nombre qui le font, en particulier les sociétés multinationales. Dans de nombreux autres domaines, les gens essaient d'obtenir un effet de levier avec leur argent. Par exemple, dans le secteur privé, un organisme charitable qui s'apprête à fournir une contribution importante à un pays en développement peut demander à une multinationale d'égaler sa contribution.
Est-ce que vos services d'élaboration des politiques ont examiné les façons modernes dont on peut approcher les multinationales pour multiplier nos efforts financiers? Par exemple, dans le domaine dont nous venons de parler, avec cette somme de 100 millions de dollars, vous pourriez peut-être obtenir 200 millions de dollars si vous arriviez à conclure un partenariat avec des acteurs internationaux du secteur privé, au lieu de simplement vous en tenir à votre propre contribution.
M. Thibault : Monsieur le sénateur, votre question me fait penser que dans un avenir pas trop éloigné, j'espère, le Fonds d'investissement du Canada pour l'Afrique, par exemple, qui a été annoncé à Kananaskis et doté d'un budget de 100 millions de dollars, aura effectivement un effet multiplicateur pour le développement en Afrique, en amenant les partenaires du secteur privé à consacrer le même montant, ce qui donnerait finalement un fonds de 200 millions de dollars dont 100 millions de dollars viendraient des Canadiens. Les mécanismes et les structures de gouvernance qu'exige ce genre d'entente de financement sont toutefois assez complexes.
Cela répond, en partie, à votre question au sujet de la réflexion innovatrice. C'est un thème qui a été lancé à Kananaskis, mais il a fallu beaucoup de temps pour mettre en place ce projet parce qu'il est nouveau et différent. Nous fonctionnons tous au sein des structures du gouvernement et nous devons respecter les attributions des divers organismes concernés.
Un des sénateurs a parlé de la vérificatrice générale. Nous avons les règles et les règlements du Conseil du Trésor. Nous devons veiller à ce que tout soit conforme aux règles, ainsi, lorsque nous affecterons des fonds et mettrons sur pied un système dans lequel le secteur privé fournira des fonds d'un même montant, nous pourrons faire des choses de ce genre. Cela vise particulièrement l'Afrique. Nous espérons que ce projet pourra démarrer dans un avenir pas trop éloigné.
Mme Carroll : Cela est très excitant. Cela doit englober l'obligation fiduciaire et tous les éléments dont nous avons parlé tout à l'heure, à cause du mélange secteur public-secteur privé. Il faut établir un équilibre extrêmement délicat entre les mécanismes de contrôle et la liberté dont a besoin le gestionnaire du fonds, en vue d'obtenir l'effet de levier dont nous avons parlé.
Nous en sommes aux dernières étapes de la mise en œuvre et ce projet a déjà suscité des commentaires très élogieux de la part des autres pays donateurs. Cela répond au moins en partie à ce dont vous parlez. Le développement du secteur privé doit devenir un élément plus important de la mission de l'ACDI pour la raison que même avec un budget idéal – même avec les sommes que Jeffrey Sachs voudrait nous voir donner en tant que communauté mondiale – nous n'obtiendrons jamais un développement durable, si nous ne stimulons pas ces économies. Si nous ne réussissons pas à mettre en œuvre certaines parties du rapport préparé par l'ancien président mexicain Ernesto Zedillo et le premier ministre Martin intitulé « Libérer l'entreprenariat, » et si nous ne réussissons pas à utiliser l'effet multiplicateur qu'a le développement du secteur privé, nous n'atteindrons jamais les objectifs de développement que nous nous sommes fixés pour le millénaire.
Le sénateur Prud'homme : Je vous connais bien et j'aimerais vous répéter que j'ai beaucoup d'admiration pour le travail que vous accomplissez. Je ne dis pas cela à tout le monde. Vous reviendrez devant le comité et nous vous serons reconnaissants de bien vouloir nous aider dans cette étude qui n'était pas mon premier choix.
Mme Carroll : L'Afrique n'était pas votre choix?
Sen. Prud'homme : Ce n'était pas mon premier choix.
Le président : Je vous demande de ne pas aborder ce sujet, sénateur Prud'homme. Restons-en avec l'ACDI.
Le sénateur Prud'homme : Mes collègues parlent parfois de corruption. J'aborderai de nouveau ce sujet lorsque vous reviendrez. Mes 41 ans d'expérience me disent que ce ne sera pas un sujet facile.
[Français]
Partout où il y a des régimes corrompus, très souvent il y a des corrupteurs. Si je me fie à mon expérience politique, les corrompus et les corrupteurs n'habitent pas nécessairement le même comté ou le mêmes pays. Ce n'était qu'une réflexion.
À l'époque de M. Mulroney, il y avait un programme qui s'appelait Afrique 2000. Seuls les anciens de l'ACDI vont s'en souvenir puisque c'est un programme qui date de 1989. La concentration portait sur les programmes qui s'adressaient d'abord aux femmes.
[Traduction]
Je suis convaincu que pour obtenir des résultats, nous allons devoir concentrer nos efforts sur les programmes parce que, comme vous l'avez dit, tout le monde veut de l'argent. Il y a des ambassades qui sont ici dans le seul but d'obtenir des fonds de l'ACDI, je regrette d'avoir à le dire. Il faut donc concentrer nos efforts. Mon expérience me dit qu'il faudrait concentrer ces efforts sur les programmes qui visent directement les femmes. Cela permet d'éviter de nombreux obstacles.
Il y a aujourd'hui 16 sièges vacants au Sénat. Je souhaite que le premier ministre nomme 16 femmes, parce qu'il peut le faire.
Compte tenu du manque d'argent et du nombre des programmes, compte tenu des nombreux objectifs que vous voulez réaliser, ne serait-il pas sage de donner la priorité aux programmes qui touchent directement les questions concernant les femmes? Grâce à ces programmes, vous pourriez offrir la formation dont le sénateur Kinsella et nous tous rêvons. Lorsque les gens sont mieux formés, il leur est plus facile d'éviter certaines maladies.
Par la suite, j'aimerais savoir dans quelle région de l'Afrique nous concentrons nos efforts. Je préférerais dire dans quelle région du monde.
Enfin et surtout, j'espère qu'il a été mis fin à la controverse au sujet de l'UNRWA. Vous avez très bien défendu ce programme, les fonds que nous attribuons à l'UNRWA — l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. J'espère que cette controverse est maintenant chose du passé.
Mme Carroll : C'est ce que je pense.
Le sénateur Prud'homme : C'est tout. Vous n'êtes pas obligée de présenter d'autres commentaires.
Mme Carroll : Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, sur la nécessité de renforcer l'autonomie des femmes. Je dois trouver le moyen de faire comprendre toute l'importance de cette question, et expliquer que le développement n'ira nulle part si nous n'arrivons pas à rendre les femmes plus autonomes.
Étant donné que cette question touche la situation du VIH/sida, je mentionne chaque fois que je peux ces statistiques. Je dis aux Canadiens que cette pandémie a un visage de femme, et qu'elle a des conséquences que nous ne pouvons pas mesurer.
Renforcer l'autonomie de ces femmes n'est pas une tâche facile. Il faut pour y parvenir adopter une approche holistique et à plusieurs niveaux. L'ACDI participe à toutes ces initiatives, peut-être pas autant qu'il le souhaiterait, mais nous participons au volet formation avec tout ce que nous essayons de faire avec notre programme de lutte contre le VIH/sida. Nous nous sommes engagés, lorsque nous avons annoncé que nous allions consacrer à ce projet un montant de 15 millions de dollars sur trois ans, à mettre au point un microbicide, parce qu'il faut que les femmes puissent se protéger. Elles n'ont pas les moyens d'obliger leurs partenaires à utiliser un condom biologique, dans les pays où elles vivent, et elles risquent davantage que les hommes d'être infectées après des relations sexuelles non protégées. Cela est strictement physiologique. Elles n'ont pas le pouvoir — que ce soit à titre de travailleuse du sexe ou de personne mariée — d'obliger leurs partenaires masculins à utiliser un condom.
Enfin, le troisième élément est la pauvreté. Les femmes vivent dans une pauvreté que nous ne comprenons pas vraiment et cette pauvreté, elle aussi, leur fait courir le risque d'être infectées par le sida parce qu'elles doivent faire des choix et que les femmes font des choix qui leur nuisent.
L'actrice Emma Thompson a déclaré que les femmes sont presque une espèce en danger dans l'Afrique subsaharienne. Cela semble être un commentaire incroyable mais il faut comprendre les répercussions de cette situation.
Pour en revenir à l'ACDI, et pas seulement à l'enveloppe du VIH/sida, notre mission peut s'analyser en fonction du sexe des personnes touchées par le développement. Vous pouvez être sûrs que cette action sera renforcée et conservera une grande priorité pour toutes les raisons que vous nous avez données et pour celles dont je vous parle.
Le sénateur Eyton : J'aimerais parler du processus de sélection. Nous savons tous que l'Afrique est un territoire vaste et complexe. Le financement dont vous avez parlé, en particulier celui qui est consacré à l'Afrique, est minime et très dilué. Il est difficile de gérer des fonds aussi dilués. Je suis sûr que cela s'accompagne d'une propension à mal utiliser les fonds, parce que vous êtes en rapport avec des gouvernements et différents niveaux de gouvernement. C'est également une source de problème pour vous, étant donné que les investissements individuels sont très dilués.
J'ai examiné les pays africains dont vous avez parlé au sujet de la santé sexuelle. Compte tenu des pays choisis, cela ressemble davantage à un programme social qu'à un programme de développement. J'aurais pensé que l'ACDI concentrerait davantage son action sur le développement – sur l'avenir et les possibilités de croissance, l'emploi et un environnement plus sain.
Je connais un peu la situation économique en Afrique. Plusieurs pays africains ont la chance d'avoir des ressources importantes, en particulier en pétrole et en gaz, en plus d'autres ressources. Certains de ces pays sont relativement stables et ont des structures de gouvernance prometteuses. Dans le cas de l'Afrique, et du point de vue du développement, je choisirais plutôt deux ou trois pays qui possèdent des ressources ainsi que le potentiel qui en découle, une certaine stabilité, une bonne gouvernance, et j'y investirais des fonds de façon plus concentrée. Je gèrerais de très près ces fonds pour faire des pays bénéficiaires des grandes réussites, que l'on peut offrir en exemple aux autres pays.
Ce n'est pas ce que je constate. Je vois que l'on offre une aide dans le domaine social, mais sans pouvoir vraiment espérer en obtenir un progrès important, une bonne croissance, des emplois et d'autres choses positives.
On m'a parlé d'un très bon exemple auquel je ne pense pas que l'ACDI ait participé. Un de mes amis m'a appelé il y a quelques jours pour me dire qu'il y avait des possibilités prometteuses d'investissement en Mongolie. Cet ami me demandait : « Quelles sont nos relations avec la Mongolie? » J'ai répondu « Franchement, je n'en ai aucune idée mais je vais m'informer. » J'ai appris en une demi-heure qu'il existe d'excellentes relations entre les deux gouvernements, qu'il y a des traités fiscaux contre la double imposition ainsi que des accords commerciaux qui facilitent les échanges entre ces deux pays. J'ai trouvé remarquable que la Mongolie ait installé un bureau consulaire en Saskatchewan. Je me suis demandé ce qui avait poussé ce pays à le faire.
Le sénateur Andreychuk : Excusez-moi. Je proteste.
Le sénateur Eyton : Des gens brillants se sont réunis et ont constaté que l'environnement en Mongolie était semblable à l'environnement, à l'agriculture et aux ressources naturelles de la Saskatchewan, de sorte que cela était en fait très logique. Cela va apporter des investissements privés importants. Lorsque le secteur privé investit, les montants en jeu sont beaucoup plus importants que ce que vous pouvez faire avec votre budget.
Voici ma question : Pourquoi ne faisons-nous pas davantage du côté du développement et pour rechercher ce genre de synergies en matière de coopération?
Mme Carroll : L'ACDI opère dans près de 157 pays. Parmi ces pays, il y en a 54 ou 55 qui reçoivent moins de 1 million de dollars sur le budget de l'ACDI. C'est pourquoi nous avons conclu que ce n'était probablement pas la meilleure façon de fournir une aide efficace. Nous avons considérablement réduit le nombre des pays dont nous nous occupons. Les neuf pays prioritaires constituent un groupe qui va s'agrandir. Nous allons utiliser certains critères pour le faire, notamment les critères dont vous avez parlé.
Nous avons ramené les différents secteurs à quatre, la santé, l'éducation, la gouvernance et le développement du secteur privé; et lorsque nous travaillerons dans ces domaines avec un plus petit groupe de pays, nous serons alors en mesure de travailler à la réalisation des objectifs de développement du millénaire, en utilisant les normes mesurant l'efficacité de l'aide.
Le document sur l'efficacité de l'aide publié par l'ACDI est excellent. Il intègre l'aspect gouvernance à l'efficacité de l'aide dans un pays. La mesure dans laquelle le pays en question a atteint un niveau suffisant de qualité en matière de gouvernance influence la décision qui est prise à son sujet.
C'est une idée que j'aime communiquer. Pour ce qui est du développement du secteur privé, j'ai déjà mentionné que c'était pour nous une forte priorité.
Pour ce qui est du PCI de l'ACDI, et des pays où l'ACDI est présente — et où nous engageons des talents canadiens du secteur privé — je vais demander à un de mes collaborateurs de vous faire des commentaires à ce sujet.
Le PCI de l'ACDI est un élément que je vais examiner par rapport à la priorité accordée au développement du secteur privé et je me sentirai tout à fait libre de le modifier en cas de besoin.
Nous avons récemment mis sur pied un groupe composé de penseurs du secteur privé qui nous aidera à nous donner des orientations. Nous avons beaucoup de talents dans l'agence mais il y en a aussi à l'extérieur du gouvernement et je veux m'en servir. Cela a un rapport avec votre commentaire.
Le sénateur Eyton : Ma question portait sur le fait que votre façon de choisir certains pays me paraissait étrange. Les six pays que vous avez retenus semblent connaître de graves difficultés.
Le président : Je ne voudrais pas vous bousculer, madame la ministre, mais vous devez avoir terminé dans quatre minutes et vous avez répondu pour l'essentiel à cette question.
Mme Carroll : Monsieur le président, nous pourrions vous apporter d'autres précisions par écrit, si vous le souhaitez.
Le président : Oui. Nous allons nous revoir, je pense, à cause de notre intérêt pour l'Afrique.
Le sénateur Mahovlich : Personne n'a parlé de religion. J'ai ici une carte qui montre les différentes religions qui existent en Afrique. L'islam joue un grand rôle dans la vie des Africains, tout comme le christianisme.
L'ACDI a-t-elle travaillé avec des groupes religieux? J'ai fréquenté une école catholique. Les religions jouent un grand rôle dans l'éducation en Afrique. L'ACDI travaille-t-elle avec des organismes religieux?
Mme Carroll : Nous ne sommes associés à aucune religion, nous travaillons avec plusieurs organisations religieuses, World Vision et d'autres très bons partenaires de l'ACDI. Je pense qu'on les qualifierait d'ONG. Nous collaborons étroitement avec ces organisations en Afrique et dans d'autres régions du monde. J'ai rencontré les responsables.
Le président : Est-ce que nous travaillons avec des organisations islamiques, étant donné le rôle important qu'elles jouent en Afrique?
Mme Carroll : La Fondation Aga Khan en est une. La Mongolie a été mentionnée. Cela m'a fait penser au Tadjikistan. Cela fait au moins une douzaine d'années que nous travaillons avec la Fondation Aga Khan.
Le président : Et les grandes organisations islamiques?
Mme Carroll : La Société du Croissant rouge est une autre organisation avec laquelle nous travaillons, tout comme la Croix-Rouge Internationale. Après le tremblement de terre survenu à Bam, en Iran, ces organisations ont réagi très rapidement et de façon très efficace.
Il y a toute une série d'organisations confessionnelles avec lesquelles nous travaillons mais je ne peux pas vous citer comme cela d'autres organisations islamiques.
Le président : Je connais la carte à laquelle le sénateur Mahovlich fait référence. Je connais assez bien l'Afrique et l'Afrique musulmane, et je dirais qu'ils ont toujours réussi à faire des percées dans les zones chrétiennes parce que c'est une religion égalitaire. Les Ismaïliens ont toujours joué un rôle important, en particulier dans l'Afrique de l'Est. Je me demandais si nous avions des liens avec les grands mouvements islamiques, mais je ne vais pas poursuivre sur cette question.
Mme Carroll : C'est une autre raison pour laquelle je suis venue ici pour apprendre et je vais prendre note de ce que vous avez dit. Lorsque j'étais dans les camps au Soudan, j'ai constaté que les ONG soudanaises faisaient un travail incroyable. Une bonne partie d'entre elles devaient être islamiques mais je ne pense pas que la dénomination de ces organisations était nécessairement islamique. Une bonne partie des membres de CUSO et de CARE qui travaillent avec leurs homologues dans les différents pays sont de religion islamique mais ces organismes n'ont pas de connotation religieuse.
Le président : Je vais devoir mettre un terme à notre séance. Nous avons eu une longue liste de sénateurs qui souhaitaient poser des questions et ils ont manifesté un grand intérêt pour le sujet. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir été un excellent témoin pour nous. Je sais que vos collaborateurs ont des classeurs qui sont remplis d'informations au sujet de l'Afrique. Je me demande si, d'ici le mois de février, ils pourraient fournir à notre personnel des renseignements qui pourraient être distribués aux membres du comité. Nous nous sommes lancés dans ce projet. Le Comité sénatorial des affaires étrangères prend ces sujets très au sérieux et les examine de façon approfondie et relativement non partisane. Si vous pouviez nous fournir d'autres renseignements, les membres du comité en seraient très heureux.
Mme Carroll : Permettez-moi de m'appuyer un instant sur ma prérogative ministérielle pour mentionner au sénateur Eyton que le Ghana et la Tanzanie sont deux pays incroyablement stables. Nous travaillons avec eux depuis des années et ils constituent deux excellents exemples de ce que nous voulons faire. Je vous enverrai des renseignements précis à ce sujet.
Monsieur le président, nous serons ravis de vous aider dans votre étude. J'accorde personnellement une grande valeur aux travaux du Sénat. J'ai toujours considéré qu'il jouait le rôle d'une chambre de réflexion et que la Chambre dont je viens en avait toujours tiré profit.
Le sénateur Prud'homme : Il nous arrive de nous concentrer sur une question. Serait-il possible d'organiser, par votre intermédiaire, une séance d'information où votre personnel pourrait nous parler d'une région ou d'un programme particulier? Nous pourrions ensuite entendre les témoins.
Le président : La ministre facilitera notre travail et il était important de l'entendre elle-même, puisque c'est, après tout, le chef du ministère.
La séance est levée.