Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 3 - Témoignages du 15 décembre 2004
OTTAWA, le mercredi 15 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 heures pour examiner les Rapports sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004 a) d'Affaires étrangères Canada, b) de Commerce international Canada et c) de l'Agence canadienne de développement international, déposés au Sénat le 28 octobre 2004.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : En votre nom, je souhaite la bienvenue au ministre du Commerce international, l'honorable Jim Peterson — que la plupart d'entre nous connaissons — et qui fait preuve d'une grande amabilité car il devait comparaître devant le comité il y a quelques semaines, mais n'a pu le faire. Il s'est produit quelque chose — dont je ne me souviens pas — ce n'était certainement pas la faute de personne. Il a été très facile de l'amener à comparaître devant notre comité.
Je rappelle à tout le monde que nous examinons les Rapports sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004 a) d'Affaires étrangères Canada, b) de Commerce international Canada et c) de l'Agence canadienne de développement international, déposés au Sénat le 28 octobre 2004. Nous mettrons fin à l'examen de ces rapports avec le témoignage de M. Peterson. Les deux autres ministres ont comparu. M. Peterson devait être notre premier témoin, mais il y a eu un problème.
Nous allons suivre la procédure habituelle. Le ministre fera une déclaration et nous passerons ensuite à la période des questions. Si tout le monde est d'accord, nous allons tenter de terminer à 18 heures. On me dit que M. Peterson n'a pu comparaître devant nous à cause de la visite de M. Bush.
Monsieur Peterson, vous avez la parole?
[Français]
L'honorable James Scott Peterson, C.P., député, ministre du Commerce international : Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être avec vous ce soir. Le travail de votre comité est très important.
[Traduction]
J'ai préparé un discours mais au lieu de le lire, je ferais peut-être mieux de dire quelques mots parce que je préférerais plutôt répondre à vos questions.
Le président : C'est parfait.
M. Peterson : Je vais répondre à toutes vos questions faciles. Je suis accompagné de trois brillants spécialistes qui répondront aux questions difficiles.
Nous avons subi une transformation majeure, en ce sens que les siamois, le commerce et les affaires étrangères, ont été séparés, non sans difficulté, mais dans l'ensemble, tout s'est très bien passé. Je tiens à féliciter les fonctionnaires des deux ministères pour les efforts qu'ils ont déployé pour faire de cette séparation un succès.
Dans l'immédiat, nous allons naturellement concentrer nos efforts sur les relations canado-américaines, les relations commerciales les plus importantes au monde. En outre, nous nous intéressons aux marchés émergents qui offrent des défis incroyables pour les producteurs canadiens, mais en même temps la perspective de nouvelles possibilités d'affaires exceptionnelles.
En ce qui concerne la politique commerciale et l'OMC, notre approche multilatérale demeure notre priorité absolue. Comme vous le savez, à la fin de juillet, nous avons réussi à conclure une entente-cadre à Genève qui n'est pas nécessairement à notre entière satisfaction, mais c'est un grand pas en avant. Il y a plus d'un an, vous vous souviendrez de la façon dont les pourparlers se sont interrompus à Cancun. En fait, les membres du G90 et du G20 ont tout simplement claqué la porte. Beaucoup de gens pensaient que l'heure de la fin avait sonné pour l'OMC. Mais grâce aux efforts du représentant au commerce des États-Unis, Robert Zellic, consentis au début de janvier, on a réussi à reprendre les pourparlers. Il mérite toute notre reconnaissance. Mais pourquoi l'OMC est-elle si importante pour nous? C'est le seul instrument dont nous disposons pour faire face aux subventions scandaleusement élevées qu'accordent les États-Unis et l'Union européenne à leurs agriculteurs. Si nous réussissons à contrer ces subventions que l'OCDE estime aux environs de un milliard de dollars par jour, ou six à sept fois le total de toute l'aide au développement que nous accordons aux pays en développement, alors non seulement nous allons offrir des chances égales à tous nos producteurs canadiens, qui sont capables de faire concurrence aux meilleurs, mais cela permettra aux pays en développement de trouver des marchés pour leurs biens et leurs produits. Si ces pays doivent effectivement se développer, il est absolument essentiel qu'ils aient accès au commerce et aux capitaux étrangers.
Outre l'accent que nous mettrons sur l'OMC, ce qui sera notre initiative majeure cette année et qui prendra fin lors de la réunion ministérielle à Hong Kong en décembre prochain, nous allons également entreprendre une ronde très vigoureuse et ambitieuse de pourparlers bilatéraux et régionaux sur le commerce avec la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA; avec les quatre pays de l'Amérique centrale (Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua), le CA4; avec le CARICOM, tout en entreprenant des pourparlers bilatéraux avec des pays comme la Corée du Sud et Singapour, notamment.
En résumé, c'est ce que nous envisageons pour l'an prochain, monsieur le président. Je me ferai un plaisir d'entendre vos commentaires et de répondre à vos questions ainsi que de travailler avec votre comité au cours de l'an prochain.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Le sénateur Poy : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'être là aujourd'hui. J'aimerais vous poser quelques questions, mais puisque vous avez parlé de la Corée du Sud et de Singapour, avez-vous prévu élargir également les échanges commerciaux entre le Canada et ce bloc de pays de l'avenir qui est équivalent à l'Union européenne, mais qui se trouve en Asie, comme la Chine, l'Inde, le Japon et les autres pays de l'Asie? Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Peterson : Tout à fait. Même si le discours du Trône faisait état de trois marchés émergents bien précis comme le Brésil, l'Inde et la Chine, il est absolument essentiel que nous nous tournions vers les pays qui offrent des possibilités économiques aux entreprises canadiennes. La seule raison pour laquelle nous sommes ici, c'est que nous voulons aider les entreprises canadiennes à produire la richesse dont nous avons besoin pour assurer la prospérité de la société canadienne.
Le Japon est toujours très important pour nous. En ce qui concerne la politique commerciale, nous avons eu des discussions sur la possibilité de conclure un genre d'entente-cadre économique avec le Japon, et les pourparlers vont commencer cette année.
Pour ce qui est de Singapour, nous avons déjà réalisé beaucoup de progrès en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange. Les pourparlers achoppent avec ces gens au sujet du fait qu'ils ont accordé aux États-Unis une plus grande protection contre une expropriation qui ne respecterait pas la juste valeur marchande, une protection supérieure à ce qu'ils acceptent de donner aux autres pays. Et cela s'explique par une des lois de ce pays. Les terrains se font rares et Singapour veut être capable de les confisquer pour construire son métro. La question est de savoir si les Canadiens qui possèdent des terrains là-bas obtiendraient la même indemnisation à la juste valeur marchande que les Américains. Mais d'après les pourparlers préliminaires que nous avons eus avec Singapour à Santiago, il pourrait y avoir des accommodements pour les deux parties.
La Corée nous a demandé d'envisager la conclusion d'un accord de libre-échange, ce que nous avons fait. Nous entreprendrons les discussions avec elle immédiatement à ce sujet. La Corée pourrait s'avérer un immense marché pour nous.
Comme vous l'avez signalé, les avantages économiques pour l'Asie du Sud-Est et du Nord-Est sont énormes. Le Canada offre beaucoup d'avantages. Nous comptons plus de trois millions d'habitants qui proviennent de cette région du monde. Quoi de plus normal que d'envisager l'expansion des échanges commerciaux avec ce pays?
Le sénateur Poy : Le ministre Pettigrew nous a dit que le Canada compte maintenant 22 consulats aux États-Unis. Je ne sais pas combien nous en avons en Inde ou en Chine. Est-il prévu d'accroître le nombre de consulats qui pourraient faciliter les échanges commerciaux?
M. Peterson : Je ne me souviens pas du nombre exact de consulats que nous avons. Je pense que c'est quatre, et nous prévoyons en ouvrir un autre en Chine. En Inde, nous en avons trois ou quatre, et nous en ajouterons un.
Si je comprends bien votre question, sénateur, vous vous demandez peut-être si nous avons les ressources nécessaires pour accroître de sept cette année le nombre de nos consulats aux États-Unis, mesure que nous avons prise dans le cadre de notre initiative de la représentation accrue. Nous estimons que des développements se sont produits dans de nombreuses régions des États-Unis, surtout dans le Sud et le Sud-Ouest, alors que nous n'y avons pas installé de consulats. Nous devons aller là où les possibilités d'affaires se trouvent.
Au même moment où nous prenons de l'expansion aux États-Unis, nous adoptons ces nouvelles initiatives à l'étranger qui, à notre avis, sont essentielles à notre avenir économique. Nous n'avons pas suffisamment de représentants à l'étranger pour faire le travail que nous aimerions voir faire, bien honnêtement. Je vais demander des ressources additionnelles pour nous aider à mieux exploiter ces incroyables possibilités que nous percevons, surtout le long du littoral du Pacifique et du côté de l'Asie.
Le sénateur Di Nino : Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. C'est toujours un plaisir de vous voir.
J'aimerais concentrer mes questions sur les relations que nous avons avec la Chine, de deux façons. Si vous avez l'information, pouvez-vous me donner les statistiques concernant les importations et les exportations avec la Chine d'il y a environ dix ans et aujourd'hui?
M. Peterson : L'an dernier, nos échanges économiques se chiffraient à 23 milliards de dollars. Je ne sais pas ce qu'il en était il y a dix ans. Je vais obtenir les chiffres pour vous, sénateur Di Nino.
Nous sommes en train de laisser échapper des occasions en Chine. Au cours des quatre dernières années, l'économie chinoise s'est accrue de 40 p. 100. Durant cette période, nos échanges commerciaux avec ce pays ne se sont accrus que de 17 p. 100, ceux des États-Unis, de 53 p. 100, de l'Australie, de 58 p. 100, et du Japon, de presque 70 p. 100. Nous ne profitons même pas de la croissance normale que nous constatons dans l'économie chinoise.
Le sénateur Di Nino : Corrigez-moi si j'ai tort, parce que je me fie seulement ici à ma mémoire. Les échanges commerciaux s'équilibraient et il se dégageait peut-être une marge de profit de 10 p. 100 d'un côté ou de l'autre en 1993. Nous avons consacré beaucoup de ressources, effectué de nombreuses visites et mené de nombreuses missions commerciales en Chine, si je ne m'abuse, et nous encaissons actuellement un déficit de un sur trois avec la Chine. Nous avons réussi à créer des emplois en Chine, ce qui est bon. Cependant, cela n'a pas aidé tellement notre économie.
M. Peterson : Je suis d'accord avec vous. Nous subissons actuellement un énorme déficit commercial avec la Chine, déficit qui s'accroît de jour en jour. Nous constatons à quel point les Chinois peuvent fabriquer des produits de façon plus efficace et efficiente que n'importe qui d'autre au monde. Je vais vous donner un exemple.
Il y a un petit producteur canadien d'articles et d'équipement de sport qui compte 90 employés. Ce qui lui coûte 45 $ à produire ici au Canada, il aurait pu le produire en Chine et l'importer au Canada pour 7 $, avec une qualité comparable ou supérieure.
Voilà le genre de défis que doivent relever nos producteurs. Qu'allons-nous faire? Ériger des barrières comme le proposaient les Démocrates aux États-Unis au cours de la dernière élection, ou reconnaître ce défi dynamique et nouveau que nous pose l'autre région du monde?
Nos producteurs doivent faire ce que le petit producteur canadien a fait. Ils doivent voir comment ils peuvent avoir accès à ces changements de valeurs dans d'autres régions du monde, y compris en Chine, de sorte qu'ils puissent conserver leur compétitivité à l'échelle mondiale. Le protectionnisme serait au mieux une mesure temporaire. Cela ferait augmenter les prix pour les consommateurs canadiens.
Tout compte fait, nous devons être concurrentiels à l'échelle internationale. Nous ne pouvons nous écarter nous- mêmes de ces marchés.
Le sénateur Di Nino : Je suis d'accord avec vous. Le protectionnisme ne fonctionne pas.
On nous a notamment critiqués pour ne pas avoir suffisamment tenu compte de la façon dont certains de ces coûts sont réduits, particulièrement des lois du travail, du travail des enfants et des importantes violations des droits humains qui se produisent en Chine. Amnistie Internationale a lancé un appel au Canada pour qu'il examine dans leur ensemble ses relations avec la Chine, en raison des graves violations des droits humains qui se manifestent dans tous les coins du pays. C'est là un problème que nous devons également examiner.
J'ai été extrêmement heureux d'entendre le premier ministre du Canada, lors du forum des entreprises Canada-Asie, lancer un fervent plaidoyer et dire que la question sera examinée durant sa visite et votre visite en Chine. Pouvez-vous confirmer que ce sera un des points essentiels que vous, en tant que représentant de notre gouvernement, inscrirez en tête de votre programme lorsque vous rencontrerez les Chinois? Nous aimerions être rassurés et savoir que nous n'achetons pas des produits qui ont été fabriqués par des enfants ou selon des lois du travail qui sont néfastes pour les Chinois. Nous ne voulons pas continuer de cautionner les violations qui ont cours depuis longtemps.
M. Peterson : Sénateur, je suis on ne peut plus d'accord avec vous. Lorsque le premier ministre a rencontré le président Hu à Santiago il y a quelques semaines, il a soulevé le problème des droits de la personne. Il le fera constamment durant son prochain voyage en Chine, qui aura lieu du milieu à la fin de janvier. Je serai à ses côtés dans le cadre d'une mission commerciale au cours de laquelle des Canadiens nous accompagneront.
Tous les sénateurs qui veulent se joindre à nous sont les bienvenus. Nous allons soulever la question des droits de la personne chaque fois que nous en aurons l'occasion.
Le sénateur Di Nino : Merci.
Le sénateur Grafstein : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à vos fonctionnaires. Je connais l'excellent travail que fait M. Fonberg au BCP, et je suis heureux de le voir ici. Il m'a sauvé la vie plus d'une fois, et je tiens à l'en remercier publiquement.
Monsieur le ministre, vous connaissez mon intérêt pour le libre-échange bilatéral. Je vous ai fait parvenir des discours que j'ai prononcés et des documents que j'ai rédigés. Le comité admet que même si nous voulons intensifier nos relations commerciales avec les États-Unis, comme nous le faisons on ne peut mieux, l'un des gros problèmes est la diversification des échanges commerciaux. Nous dépendons trop des États-Unis. Comment nous détacher des États- Unis de façon à avoir une véritable politique commerciale indépendante qui repose non seulement sur la politique, mais sur l'économie? Voilà un des objectifs que nous partageons. Je vois des honorables sénateurs qui opinent du bonnet.
J'aimerais vous parler de deux pays en voie de développement où le rôle qu'y joue le Canada n'est peut-être pas à notre avantage sur le plan économique, mais qui est habituellement avantageux sur le plan économique pour ces pays.
L'un d'eux est la Georgie. La Georgie a fait des progrès remarquables grâce à la Révolution rose.
Je me suis entretenu avec des fonctionnaires là-bas. Vous savez que je leur ai parlé, notamment au président de l'assemblée qui est un ancien collègue à nous au sein de l'OSCE. Ce pays souhaite véritablement conclure un accord de libre-échange bilatéral avec le Canada, ce qui ne nous coûterait littéralement rien. Aucun impact négatif pour nous, mais d'importantes répercussions économiques positives pour eux. Est-ce que l'on a songé à conclure une entente de libre-échange avec la Georgie?
Il est à souhaiter que les prochaines élections en Ukraine favoriseront la démocratie. Je vais me rendre en Ukraine avec d'autres Canadiens la semaine prochaine. Si la démocratie l'emportait, nous devrions immédiatement entreprendre des négociations de libre-échange avec ces pays pour contrer la lenteur de l'OMC, qui est trop lente pour ces pays en développement et les empêche de progresser.
J'aimerais me concentrer sur ces deux pays, après quoi j'aimerais aborder la question des pays du Moyen-Orient.
M. Peterson : Avant de répondre, j'ai été négligent, honorables sénateurs, de ne pas vous avoir présenté les fonctionnaires qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Ron Fonberg, sous-ministre. À sa gauche, M. Paul Thoppil, directeur général, Planification ministérielle. À ma droite, Mme Kathryn McCallion, SMA, Services ministériels.
Monsieur le président, si je suis trop long, n'hésitez pas à m'interrompre.
Le président : Allez-y, monsieur le ministre.
M. Peterson : En ce qui concerne les pays avec lesquels nous souhaitons des accords de libre-échange, une bonne partie du travail se fait en consultation avec les entreprises canadiennes, y compris la Chambre de commerce du Canada, le Conseil canadien des chefs d'entreprise et la Fédération nationale des entreprises indépendantes, qui nous aident à déterminer quels pays sont les plus en demande afin de protéger le commerce et les investissements.
Nous réexaminons continuellement la question. Nous avons suivi les suggestions du sénateur Poy en nous intéressant à la région du Pacifique. Je suis en faveur d'un dialogue continu avec le comité en ce qui a trait à l'établissement de nos priorités.
Sénateurs, je sais qu'il y a des avantages diplomatiques à conclure plusieurs de ces ententes, même si elles n'ont pas d'impact sur le commerce et les investissements. Cela étant dit, nous nous concentrons maintenant sur les autres secteurs plus urgents. C'est-à-dire des secteurs qui ont été déterminés par les premiers ministres antérieurs et le premier ministre actuel comme étant une priorité, soit le CA4 et la Zone de libre-échange des Amériques.
Le sénateur Grafstein : Monsieur le ministre, il arrive parfois que les entreprises traînent de la patte au lieu de prendre les devants.
En Georgie, l'investissement le plus important en matière de pipeline s'est fait dans le pipeline transcaucasien. C'est dans ce domaine que le Canada a le plus d'expertise. Mais nous n'étions pas là. J'étais là. Nous n'étions pas là, et on s'est demandé pourquoi. C'est seulement un commentaire.
Le leadership des entreprises n'est pas nécessairement le véritable leadership. Parfois, les entreprises traînent de la patte.
Permettez-moi d'aborder une question plus délicate pour les membres du comité. C'est-à-dire le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, qui feront partie de notre étude. Comme vous le savez...
Le sénateur Prud'homme : Vous voulez dire la deuxième partie.
Le sénateur Grafstein : Cela fera partie de notre étude continue. Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
Les États-Unis souhaitent intensifier et accélérer la démocratisation de cette région, qui, à mon avis, est sur le point d'entreprendre des réformes démocratiques. Les États-Unis ont accéléré le processus en concluant une entente de libre- échange bilatérale avec le Maroc. Et le Maroc désire conclure une telle entente avec nous.
De l'autre côté du bassin méditerranéen se trouve la Jordanie. L'accord de libre-échange avec Israël s'est avéré très fructueux. Il fonctionne très bien et à l'avantage des deux parties. La Jordanie souhaite conclure une entente de libre- échange avec le Canada également.
Mais où en sommes-nous au sujet de ces deux questions? Certains croient que cela permettra de trouver plus rapidement une solution à l'implacable problème du Proche-Orient, c'est-à-dire la voie politique. Nous pouvons accomplir des progrès très rapidement sur la voie économique, et personne ne s'y oppose. Où en sommes-nous dans ces négociations?
M. Peterson : Nous n'avons pas encore entrepris de négociations avec ces pays. À ce que je sache, nous n'avons reçu aucune demande de leur part pour entreprendre de telles négociations.
Là encore, j'attendrai les recommandations de votre comité quant à savoir quels avantages le Canada pourrait retirer dans ces régions. Je suis certain qu'en ce qui concerne le Maroc, le Canada risque de perdre ses ventes de blé si nous n'agissons pas rapidement. C'est pourquoi le premier ministre s'arrête en Libye.
Le sénateur Grafstein : Les Jordaniens ont bien hâte de conclure un accord de libre-échange. Ils veulent conclure le même genre d'entente de libre-échange qu'avec les États-Unis et que celle qu'a conclue le Canada avec Israël. Il s'agira là d'un énorme pas en avant parce que le gouvernement a annoncé, sur le plan diplomatique, qu'il souhaite jouer un rôle de plus en plus important dans cette région et en obtenir des résultats.
Le président : C'est de la représentation.
Le sénateur Grafstein : Non. C'est un fait politique. J'espère que vous n'attendrez pas notre comité pour faire d'autres représentations. C'est la représentation que je fais en tant que membre du comité qui est dans la région et qui sait que ce pays désire négocier une entente avec nous, entente qui, sur le plan économique, nous coûtera très peu et les aidera.
M. Peterson : Dans le cadre de votre rapport, vous pourriez peut-être examiner les ressources que nous avons pour négocier cette entente et voir combien de personnes nous pouvons y affecter à un moment donné.
Le sénateur Grafstein : Je veux examiner cette question.
Le président : Sénateur Grafstein, vous avez eu le temps de poser vos questions.
Le sénateur Grafstein : Ça va.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais aborder des points pratiques. Premièrement, le fait qu'on sépare le commerce du reste de la politique étrangère me préoccupe. Ce n'est pas la première fois que vous nous posez des questions sur le fait que le Commerce international travaille de son côté, et le ministère des Affaires étrangères du sien. Comment pouvons-nous être assurés d'avoir une politique étrangère qui inclut le commerce, et comment allez-vous faire en sorte qu'il en soit ainsi? Souvent, les entreprises vont dans le pays mais s'occupent de toutes ces autres questions, que ce soit les droits de la personne ou autre chose.
Comment allez-vous vous assurer que le Canada sera doté d'une politique bien précise?
M. Peterson : Je ne comprends pas exactement vos préoccupations, mais c'est une chose à laquelle nous faisons face dans l'ensemble du gouvernement. Par exemple, il y a actuellement un examen de la politique internationale dans le but de coordonner les efforts particulièrement dans les domaines de la défense, du développement et de la diplomatie.
Ma mission et mon objectif consistent à travailler avec les Canadiens pour accroître la prospérité du Canada grâce à des investissements et à des échanges commerciaux plus vastes. Cela sera mon mandat.
À un moment donné, il faudra se demander quels genres de biens nous pouvons vendre à certains pays. Pouvons- nous faire du commerce avec des pays qui n'ont pas signé les accords de non-prolifération des armements? Il s'agira là de la politique globale qui relève du volet diplomatique. Cependant, je veux être à la table de négociations pour préciser clairement que nous devrions envisager certaines options commerciales, avant que ces options n'arrivent au niveau des transactions.
Avant, lorsque nous ne formions qu'un ministère, des échanges avec certaines régions du monde étaient automatiquement interdits. Nous avons vu que c'était le cas en Inde après que ce pays a procédé à des essais nucléaires. Le ministre du Commerce devrait être à la table pour dire que son ministère ne contribuera peut-être pas à la prolifération des armements, mais au respect des droits humanitaires; il pourrait aider les Canadiens, de sorte que nous ayons au moins un débat sur ces questions. En bout de ligne, ce seront le Cabinet et le premier ministre qui trancheront.
Le sénateur Andreychuk : Vous croyez qu'il est préférable d'avoir deux ministères et deux ministres qui voudront aplanir toutes ces difficultés plutôt que d'avoir un seul ministère?
M. Peterson : Oui je le crois. Je vais céder la parole à M. Fonberg qui a été, sinon l'architecte, mais l'artisan de la séparation.
Le sénateur Andreychuk : Maintenant nous savons. Maintenant, je m'inquiète beaucoup.
M. Robert Fonberg, sous-ministre du Commerce international, Commerce international Canada : Un commentaire pour donner des précisions. Pour être bien honnête, j'ai été estomaqué par certains des débats portant sur la question de la politique étrangère et la séparation des deux ministères d'une part, et sur le rôle des Affaires étrangères et du Commerce international, d'autre part.
Je crois que monsieur le ministre a dit les choses de façon éloquente en indiquant que le ministère des Affaires étrangères n'a jamais forgé la politique étrangère comme telle dans le passé. La politique étrangère est la fusion de l'ACDI et du développement, de la sécurité et de la défense, du commerce, ainsi que de la citoyenneté et de l'immigration. La séparation comme telle des ministères, qui a permis de clarifier le mandat du ministre et du ministère pour se concentrer exclusivement sur les intérêts commerciaux du Canada, d'une part, et pour effectuer un examen de la politique internationale, qui devrait être terminé sous peu, d'autre part, cette séparation des ministères indique vraiment qu'il n'y a pas plus de ministère de la Politique intérieure que de ministère de la Politique étrangère. En bout de ligne, c'est le Cabinet et le premier ministre qui s'occupent de la politique intérieure et de la politique étrangère.
Vue sous cet angle, il est facile de comprendre que la séparation des deux ministères ne consistait pas à désintégrer la politique étrangère, mais à clarifier et à cibler chacun des éléments qui entrent dans l'élaboration d'une politique étrangère, prérogatives qui appartiennent en bout de ligne au Cabinet et au premier ministre.
Le sénateur Andreychuk : M. Fonberg est lui aussi éloquent. Cependant, certains d'entre nous sont ici depuis longtemps et connaissent la compétitivité qui existe entre les questions commerciales et d'autres questions touchant la politique étrangère. En dernière analyse, quelqu'un doit décider si nous allons dans un pays, si nous concluons une entente, si les échanges commerciaux prévalent sur les droits de la personne ou l'inverse. La crainte qui existe actuellement, c'est de savoir qui l'emportera maintenant que nous avons divisé les ministères. Je crois que le signal et l'avertissement que nous avons, c'est que certains d'entre nous surveillent ces enjeux.
Dans le peu de temps qui me reste, je tiens à préciser que je suis d'accord avec vous pour dire que l'OMC est notre meilleure ressource pour l'instant pour tenter de mettre un terme aux subventions à l'agriculture de la part de l'Europe et des États-Unis. Là encore, cependant, c'est le mouvement perpétuel qui se poursuit. Nous en sommes toujours à vouloir les persuader de diminuer leurs subventions et de comprendre ce qu'est la Commission canadienne du blé, etc. Mais c'est un objectif à long terme.
Sur le plan bilatéral, quelles mesures allons-nous prendre avec ces pays et entre-temps, allons-nous faire de l'OMC un mécanisme opérationnel parce que ces pays continuent de verser leurs subventions? Je me souviens, il y a dix ans, de m'être fait dire à Genève que l'Europe et les États-Unis allaient baisser leurs subventions, mais bien sûr, cela ne s'est pas produit et l'agriculture canadienne en souffre pendant que les deux continuent de verser des subventions massives.
M. Peterson : Je suis d'accord avec vous, madame le sénateur, que c'est là un problème énorme pour nos producteurs agricoles.
Une chose que nous faisons actuellement avec l'Union européenne — et qui ne porte pas sur les subventions agricoles ou l'accès aux marchés — s'appelle Entente Canada-Union européenne sur l'amélioration du commerce et des investissements, qui va au-delà des enjeux habituels en matière de libre-échange. Si nous réussissons à conclure une telle entente de concert avec l'OMC, nous serons alors dotés du système le plus moderne et le plus à jour permettant d'examiner plusieurs enjeux très importants qui touchent la libéralisation des échanges commerciaux.
À mon avis, il est impossible de faire annuler les subventions des États-Unis sans passer par l'OMC. Nous pouvons nous y opposer, nous pouvons imposer des droits compensateurs sur les biens qui entrent au Canada et leur retirer nos marchés, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan comparativement à ce que nous aimerions voir se concrétiser par l'entremise de l'OMC.
Combien de temps l'OMC prendra-t-elle pour régler le problème, ça c'est une autre question. La réunion ministérielle de l'OMC aura lieu en décembre. C'est là que nous prévoyons améliorer les modalités de la structure que nous avons créée en juillet dernier.
Je veux obtenir des résultats très ambitieux. Est-ce que ce sera le cas? Rien n'est garanti, mais nous avons parlé aux Américains et je vais m'entretenir avec Peter Mendelson de l'Union européenne la semaine prochaine. Nous envisageons actuellement la possibilité de mini-rencontres ministérielles en cours de route pour ne pas être obligés de régler toutes les questions lors de la rencontre des ministres à Hong Kong, ce qui nous permettra de déterminer si nous accomplissons des progrès et de vraiment les mesurer. Je pense que c'est ce que nous pouvons faire de mieux.
Le sénateur Downe : Merci monsieur le ministre. J'aimerais poser une question sur les faibles ressources de votre ministère. Ce qui m'inquiète, c'est que le gouvernement mexicain a plus de bureaux commerciaux et de consulats aux États-Unis que nous n'en avons. Dans certains de vos bureaux à l'étranger, à Chong Ching, par exemple, en Chine, il y a un Canadien recruté sur place pour une région comptant environ 30 millions de personnes.
Êtes-vous confiant que le programme d'examen des dépenses réaffectera certaines des ressources d'autres ministères vers le vôtre?
M. Peterson : Je suis plus optimiste maintenant que vous avez posé la question en public.
Le sénateur Grafstein : Nous allons vous appuyer.
M. Peterson : Merci pour votre aide.
Le sénateur Grafstein : Nous sommes avec vous.
M. Peterson : Je suis persuadé que vous êtes sur la bonne voie.
Le Canada compte au total quelque 1 800 délégués commerciaux dans le monde, et 250 d'entre eux sont ici. Nous aimerions qu'il y ait plus de gens sur le terrain. C'est là qu'ils peuvent faire effectivement le travail.
Je suis favorablement impressionné par la compétence des gens que nous avons pu recruter. Je pense que nous avons les meilleurs agents, les plus brillants et les plus travaillants, mais ils ne peuvent pas tout faire. Les possibilités, par exemple le retour sur l'investissement, que nous permettent d'envisager ces gens très motivés sur le terrain — qui font le lien entre les investisseurs, les vendeurs canadiens, peu importe; qui nous aident à acquérir la science et la technologie modernes indispensables, qui orientent les gens à travers les méandres des investissements dans un économie comme celle de la Chine, ce qui n'est pas particulièrement évident — je ne peux penser à une meilleure façon de générer la richesse dont nous avons besoin pour soutenir notre prospérité nationale. Tout ce que les sénateurs peuvent faire pour nous aider à cet égard sera grandement apprécié.
Le sénateur Downe : Je crois que l'importance des marchés émergents a été soulignée ici. Je suis également d'accord. Cependant, il est tout aussi important de garder ce que nous avons.
La situation aux États-Unis m'inquiète. Ce manque de fonds dont souffre votre ministère ne semble pas vous permettre de concentrer vos ressources parce que vous n'en avez tout simplement pas assez. Dans le cadre de cet examen des dépenses, j'ai entendu parler de réductions et de compressions, et j'ai bien hâte de voir le budget pour constater comment les crédits seront réaffectés aux priorités du gouvernement.
M. Peterson : Merci beaucoup, sénateur. Amen.
Le président : J'aimerais aussi poser une question. Je ne peux m'empêcher de faire des commentaires à propos de ceux du sénateur Andreychuk sur la séparation des ministères du Commerce et des Affaires étrangères. Je crois avoir entendu les mêmes arguments lorsque les deux ministères ont été jumelés. Je suis toujours étonné de voir comment les ministères sont scindés et séparés, il y a toujours certains arguments en faveur ou contre.
Ma question porte sur la ronde de Doha à l'OMC. Je sais que vous accordez beaucoup d'attention à ces négociations dont nous avons parlé. Aussi, j'aimerais attirer votre attention sur la conférence pour la ronde de Doha à Wilton Park, car je suis cela avec un certain intérêt. Je sais aussi qu'au Canada on dit toujours que le problème est essentiellement un problème de subventions à l'agriculture.
Le crois que c'est beaucoup plus que cela. Notre comité, monsieur le ministre, a examiné l'accord de libre-échange et en particulier, l'ALENA. Nous avons découvert les problèmes au Mexique, comme l'élimination des agriculteurs qui font de l'agriculture de subsistance. Ce problème devra être examiné de même que toutes les subventions dans le cadre des négociations agricoles, sinon cela ne fonctionnera pas.
Nous voulons également garder nos offices de commercialisation sous une forme ou sous une autre. Il y a d'autres problèmes que les subventions. J'ai écouté ce que les gens disent à l'étranger. Les gens accusent le Canada de ne parler que de subventions, mais il y a d'autres choses. Les subventions sont importantes, et je ne remets pas cela en doute.
Cependant, avec quel groupe travaillez-vous actuellement? C'était le Groupe Cairns au cours de la dernière négociation. Où en sommes-nous en ce qui concerne nos alliances dans le cadre de ces négociations?
M. Peterson : C'est là une bonne question. Le Groupe Cairns a toujours une grande importance pour nous. Il s'agit de ces producteurs agricoles qui sont aussi exportateurs.
Parmi tous les pays développés, le Canada dépend le plus des exportations que n'importe quel autre pays. Trente- huit pour cent de notre PIB est constitué d'exportations. C'est presque quatre fois le pourcentage que l'on trouve aux États-Unis. La seule façon de pouvoir conserver notre prospérité est d'avoir une perspective tournée vers l'avenir et d'être en mesure de vendre nos biens et services partout dans le monde.
Vous avez absolument raison. Nous devons créer des alliances. Le Groupe Cairns est toujours un groupe important pour nous. Nous allons continuer de nous allier à ces pays qui veulent faire de l'accès aux marchés leur objectif numéro un, y compris le Groupe Cairns.
Le président : Je tiens à suivre mon conseil et à ne pas vous présenter de doléances. Cependant, au cours de la dernière ronde, nous étions l'un des membres influents du Groupe Cairns. Ce n'est pas le cas cette fois-ci.
M. Peterson : Vous avez tout à fait raison. Nous faisions partie du groupe des quatre. C'étaient l'Europe, le Japon, le Canada et les États-Unis. Une alliance différente a vu le jour à Genève. Nous ne faisions pas partie de ce groupe interne. C'étaient les États-Unis, l'Union européenne, l'Australie, l'Inde et le Brésil.
Cela ne s'est pas produit à cause de lacunes de notre part. C'était beaucoup plus parce que nous avions besoin du Brésil et de l'Inde à la table après l'échec de Cancun. Je ne sais pas si c'est comme ça que vous avez compris les échanges de Cancun? Je ne sais pas si vous étiez là.
Le président : Non, je n'y étais pas, mais le sénateur Austin y était. Nous avions un représentant.
M. Peterson : Il était absolument essentiel que le G20 soit d'accord pour que le Brésil et l'Inde soient à la table. Il était également essentiel d'avoir l'appui du G90. En obtenant que le Brésil et l'Inde soient à la table, nous avions un meilleur accès au G90, qui inclut tous les pays en développement.
Ce groupe a rédigé le document initial qui nous a été présenté à Genève. Nous nous sommes battus pour protéger nos propres intérêts, accroître notre accès aux marchés et nous débarrasser de ces subventions à l'agriculture.
Le monde nouveau a changé. Je dirais que nous sommes probablement en sixième place. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Union européenne et les États-Unis. Nous avons fait la preuve au monde entier que nous pouvons vivre avec l'éléphant tout en ayant une existence à nous et des valeurs uniques. Cette situation nous est toujours très favorable. Nous allons soumettre nos intérêts de façon très sérieuse à l'OMC.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de la Chine, ce géant qui est en train de se réveiller et qui essaie de se rendre au même niveau de vie que les autres pays. On sait qu'ils ont encore beaucoup de chemin à faire, mais ils deviennent quand même une puissance importante sur le plan du commerce. Vous avez dit que certains pays ont su profiter de ce réveil beaucoup plus que nous, comme les États-Unis et l'Australie. Avez-vous examiné quel rapport il peut y avoir entre les missions commerciales canadiennes et les missions des autres pays?
Je suis allé quelques fois en Chine et les Chinois me disaient que nos visites étaient très limitées alors que l'Australie avait quasiment une délégation permanente qui s'y rendait pour faire de la promotion.
M. Peterson : Ce que vous dites est exact. Par exemple, l'Australie a dépensé cette année 280 millions de dollars pour promouvoir le commerce. C'est beaucoup plus que le Canada qui n'a dépensé que 168 millions de dollars. Un pays plus petit que le Canada a peut-être dépensé 70 p. 100 de plus que notre pays. Ils se sont concentrés sur la Chine et sur l'Orient. Ils ne font pas la promotion du commerce partout en ce moment. Cela indique la nécessité d'obtenir plus de fonds pour promouvoir le commerce.
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous organisez des missions commerciales, vous invitez des recherchistes et des représentants des industries des différentes régions du pays. Comment faites-vous pour avoir des gens des régions éloignées du centre? Souvent, on est à l'ombre et on ne réussit pas à participer à ces missions. Est-ce que je fais erreur?
M. Peterson : Pour ce voyage, j'ai invité mes homologues de chaque province à nous accompagner. Les industries et les gens d'affaires de n'importe quelle partie du Canada sont invités.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que des représentants des universités, qui sont au cœur de la recherche au Canada, sont invités?
M. Peterson : Quelques universités ont déjà indiqué qu'elles aimeraient participer à ces missions commerciales, non seulement pour faire des échanges scientifiques, mais également pour attirer les élèves orientaux au Canada. C'est quelque chose de très important. Cela nous donne aujourd'hui plus de 3,5 milliards de dollars et crée des liens personnels très importants entre les pays. Pour moi, le voyage en Chine sera un de ces objectifs.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : J'aimerais connaître les répercussions de la visite du président Bush au Canada. En est-il ressorti quelque chose? A-t-il influencé le Congrès ou les sénateurs au sujet du problème du bois d'œuvre ou de la maladie de la vache folle?
Les échanges commerciaux canado-américains ont augmenté de 152 p. 100 depuis 1989. Cela exerce d'importantes pressions sur nos infrastructures frontalières et la capacité d'accueillir le trafic routier. Quelles mesures prendra le ministre pour s'assurer que l'infrastructure frontalière est suffisamment financée pour maximiser les avantages que l'on retire de nos échanges commerciaux?
En juin 2003, le comité a recommandé au gouvernement du Canada de consacrer beaucoup plus de ressources financières, au-delà des fonds accordés à l'infrastructure frontalière, et de les injecter dans la construction des infrastructures frontalières, y compris la construction de ponts et de tunnels supplémentaires à destination des États- Unis.
Quels progrès, s'il en est, ont été réalisés à cet égard?
M. Peterson : Ce sont là deux importantes questions. En ce qui a trait à la visite du président Bush, la rencontre entre le premier ministre et M. Bush à Santiago a amené le président à annoncer que la question de la maladie de la vache folle ne serait plus la responsabilité du Département de l'agriculture mais du Bureau de la gestion et du budget. Nous nous en sommes réjouis parce que cela voulait dire que, selon la loi américaine, il y avait un délai précis pour produire le rapport. C'était la lumière au bout du tunnel. Nous savions qu'il y avait une fin à ce tunnel.
Mais nous n'avons pas été aussi chanceux en ce qui concerne le bois d'œuvre. Le président n'a pas tellement d'influence à cet égard. Une bonne partie du problème est entre les mains du Congrès, y compris l'odieux amendement Byrd, qui est appuyé par la majorité des sénateurs. Apparemment, 65 p. 100 des sénateurs appuient l'amendementByrd, qui confisque les droits que paient nos producteurs et qui sont réaffectés à la concurrence. C'est la raison pour laquelle l'OMC a déterminé que cela était illégal. C'est là un double danger pour nos producteurs. Cependant, si nous arrivons à nous débarrasser de ce problème, ce sera grâce aux efforts déployés auprès du Congrès des États-Unis.
Et c'est là que les honorables sénateurs pourraient jouer un rôle important en nous appuyant, à cause du respect dont ils jouissent aux États-Unis. Si vous pouviez travailler avec nous ou de votre propre chef — beaucoup d'entre vous ont déjà défendu des causes aux États-Unis —, je vous exhorte à nous aider parce que même le président ne peut pas dicter ses volontés au Congrès.
Quant à la question de l'infrastructure frontalière, vous faites référence au fonds de 300 millions de dollars et dites que nous devons dépenser davantage. Je suis d'accord avec vous. Je trouve cela très frustrant, par exemple, de ne pas être capable de dégager un consensus à l'échelle locale, consensus dont nous avons besoin à Windsor pour procéder à l'érection de structures additionnelles et pour faire ce que nous devons faire.
Chaque fois que nous retardons à mettre en place l'infrastructure nécessaire pour assurer un fonctionnement harmonieux à la frontière et la libre circulation des biens, nous mettons des emplois en danger.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce que les échanges commerciaux augmentent toujours avec les Américains?
M. Peterson : Nous avons accusé une petite baisse à cause du niveau du dollar, mais nous conservons toujours un excédent commercial très solide.
Le sénateur Mahovlich : Nous pourrions avoir un vrai problème dans l'avenir.
M. Peterson : C'est la raison pour laquelle je suis on ne peut plus d'accord avec vous pour dire que nous devons accorder beaucoup d'attention à la question des infrastructures frontalières. C'est pourquoi je suis heureux de voir que la vice-première ministre travaille en aussi étroite collaboration avec le Département de la sécurité intérieure.
Le président : Je rappelle à tout le monde que notre comité a répété à maintes reprises qu'il fallait régler ce problème d'infrastructures frontalières. Je pense que c'était l'une des recommandations de notre dernier rapport.
Le sénateur Prud'homme : Premièrement, j'aimerais aborder la question Canada-Chine. J'ai eu l'honneur de créer la première association parlementaire canado-chinoise il y a 25 ans. Le sénateur Molgat était alors sénateur et non président. Il a été le premier président de l'Association. Je vais moins souvent en Chine maintenant parce que je suis considéré comme sénateur indépendant. J'y vais quand même, mais moins souvent.
Une chose semble échapper à tout le monde : c'est le volet parlementaire des échanges commerciaux avec la Chine. Je vais vous faire une suggestion : vous devriez vous adjoindre des parlementaires actifs qui s'occuperaient de la question des échanges commerciaux Canada-Chine. Je ne lance pas ici une invitation pour moi-même, mais certains d'entre nous entretiennent d'étroites relations avec les autorités et savent comment la Chine fonctionne. Vous pourriez vous servir de ces personnes pour la gloire du Canada. Je suis sérieux quand je dis cela.
[Français]
La puissance canadienne gagnerait davantage à ce que vous apportiez un aspect politique à vos délibérations et invitations. Si vous choisissez les bons représentants, vous aurez mon appui.
[Traduction]
Je connais des gens qui seraient heureux de représenter et d'aider le Canada en vous accompagnant.
Deuxièmement, vous vous êtes réjoui, je pense que vous aviez raison, sauf que je n'en suis pas certain; j'aimerais donc que vous me donniez les chiffres un jour, pas nécessairement aujourd'hui. Vous vous souviendrez de tout le débat au Sénat, sinon à la Chambre des communes, sur l'accord de libre-échange. Nous avons signé un tel accord avec Israël. Ce n'était pas une priorité à l'époque. Les Affaires étrangères ont été très surprises de voir passer ces échanges du bas jusqu'en haut de l'échelle. Le contexte est clair. C'était l'engagement personnel de nos bons amis, Jean Chrétien et Yitzhak Rabin. C'était un signe d'encouragement pour la paix. C'était la raison d'être du libre-échange. Ce libre- échange, nous a-t-on dit, afin d'être accepté par le Sénat, a nécessité la prise d'engagements. Votre personnel peut trouver les discours qui ont été faits à cette époque. On nous avait dit que c'était une chose très intéressante, et c'est le cas, mais pour un côté seulement.
L'entente que nous avions conclue au Sénat au cours de ce débat vigoureux, dans l'intérêt du Canada et de la paix, était censée être très fructueuse pour les Palestiniens. Malheureusement, seulement une des parties semble avoir profité d'une bonne entente de libre-échange.
Je suis très heureux pour tous les Canadiens qui tirent très bien leur épingle du jeu du côté israélien, mais rien ne correspond à l'aide que nous aurions pu accorder aux Palestiniens. Vous savez que, pour de multiples vérifications de sécurité et autres tracasseries, des camions remplis de tomates peuvent attendre trois jours à la frontière. C'est le libre- échange, mais je vous dis, monsieur, qu'on ne peut pas faire attendre un camion de tomates trois jours sous le soleil avant de l'expédier en Jordanie, par exemple. Bien sûr, les tomates sont pourries.
On m'a dit, mais je ne le crois pas, qu'il semble y avoir actuellement des améliorations. J'espère et je prie, en espérant que nous puissions parler d'autre chose.
Le président : Donnez au ministre la chance de répondre, sénateur.
Le sénateur Prud'homme : J'aimerais que vous réévaluiez ce qui s'est produit depuis la signature de cet accord. L'engagement du Sénat était très sérieux.
Je ne suis pas particulièrement pressé. Je ferai un discours au Sénat sur cette question en février seulement, mais j'apprécierais que votre personnel puisse me fournir le maximum d'information concernant cet aspect, tant du côté israélien que palestinien.
M. Peterson : Je me ferai un plaisir de vous fournir ces renseignements. J'attends avec impatience le jour où on aura un État palestinien distinct qui vivra en paix avec ses voisins, la prospérité qui en découlera pour toutes les personnes de la région, les mesures qu'il faudra prendre pour mettre un terme à une situation violente qui a des répercussions sur tout le monde. Je suis plus optimiste aujourd'hui, mais avec prudence, que je ne l'étais il y a six mois. Je garde les doigts croisés. J'ai déjà été déçu pour avoir fait preuve d'optimisme.
Le sénateur Prud'homme : Et que dire de la Chine?
[Français]
M. Peterson : J'accepte avec beaucoup d'enthousiasme votre offre, votre appui et votre diplomatie avec les gens. Les contacts seront très importants. Il n'est pas facile d'entrer en contact et d'entretenir en profondeur celui-ci avec les Chinois. Cela prend beaucoup de travail et j'accepte votre offre et votre expérience.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre, il est 18 heures. J'ai trois autres sénateurs sur ma liste. Le sujet a certainement intéressé les membres du comité, mais c'est l'heure que nous avions prévu respecter.
Nous tenons à vous remercier de compléter les informations des trois ministres avec qui notre comité travaille et d'être venu nous rencontrer.
M. Peterson : Je suis content d'être là pour vous faire part de certaines de mes préoccupations avec vous et pour entendre les vôtres. Votre comité compte une expérience incroyable, non seulement au sujet de la question du Canada et des États-Unis, mais concernant d'autres pays du monde. Je me ferai toujours un plaisir d'entendre votre opinion. Je crois que vous pouvez nous aider à faire un travail aux États-Unis en travaillant avec le Sénat américain sur des questions comme le bois d'œuvre et l'amendement Byrd. Je crois que vous pouvez probablement faire davantage pour nous aider que même peut le faire George Bush lui-même. Tout ce que vous pouvez faire sera grandement apprécié.
La séance est levée.