Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 5 - Témoignages du 8 février 2005
OTTAWA, le mardi 8 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 h 57 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politiques de ce continent et la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à nos distingués invités pour cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Nous poursuivons notre étude spéciale sur l'Afrique, conformément à l'ordre de renvoi que nous avons reçu du Sénat le 8 décembre.
[Français]
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des fonctionnaires de trois ministères qui nous entretiendront de l'Afrique. Tout d'abord, de la Direction générale de l'Afrique, Affaires étrangères Canada, nous entendrons Mme Anne-Marie Bourcier, directrice générale, qui est accompagnée de Mme Chantal Chastenay, directrice à la Direction du Maghreb et de la péninsule arabique, ainsi que Mme Ulla Kourany, conseillère principale en politiques à la Direction du NEPAD, plan d'action du G8 pour l'Afrique et institutions panafricaines.
[Traduction]
Nous entendrons ensuite M. Paul Hunt, vice-président à la Direction générale de l'Afrique et du Moyen-Orient à l'ACDI. Je rappelle à mes collègues que M. Hunt est venu nous voir récemment avec le ministre.
Notre dernier témoin aujourd'hui sera le colonel Denis Thompson, directeur de la Politique du maintien de la paix au ministère de la Défense nationale.
Madame Bourcier, vous voulez bien commencer? Je précise à mes collègues que nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines et que nous avons eu une discussion très intéressante. Je tiens encore une fois à vous féliciter tous les trois pour la qualité professionnelle de votre travail.
[Français]
Mme Anne-Marie Bourcier, directrice générale, Direction générale de l'Afrique, Affaires étrangères Canada : Monsieur le président, je suis ravie de vous retrouver et de rappeler aux membres de votre comité que vous nous avez hautement appuyés dans nos efforts lors de la Conférence internationale des Grands Lacs. Le Canada assure la coprésidence avec les Néerlandais du groupe des amis de ce processus qui veille à faire avancer la paix dans cette région des Grands Lacs.
Vous nous avez demandé de parler des défis en matière de développement et de sécurité en Afrique. Ce ne sont pas les analyses et les recommandations formelles qui ont manqué ces dernières années concernant la marginalisation de l'Afrique par rapport au reste du monde.
Je vais résumer ma présentation, qui vous a été distribuée en version plus longue dans les deux langues officielles. En ce qui concerne les analyses, qu'il s'agisse des rapports produits par l'ONU ou d'autres organismes internationaux comme la Banque mondiale ou encore par des cercles de réflexion ou des ONG, leurs conclusions dans tous les cas ont de quoi faire réfléchir.
La triste réalité, c'est que de nombreux États africains, particulièrement ceux qui sont le plus affectés par le VIH-sida s'affaiblissent, régressent ou s'appauvrissent au regard des principaux indicateurs sociaux. Dans certains cas, cette situation est très dramatique. L'Afrique subsaharienne, en particulier, est aux prises avec de graves problèmes politiques, économiques et de santé, des problèmes d'une nature et d'une fréquence plus inquiétantes qu'en aucune autre région du globe.
Il faut reconnaître la distinction entre l'Afrique du nord et l'Afrique subsaharienne, plus particulièrement au plan culturel et géographique. Ainsi, le niveau de vie de l'Afrique du nord est plus élevé que celui de l'Afrique subsaharienne. J'aimerais néanmoins faire la part des choses, ce qu'on omet trop souvent de faire. Oublier de tenir compte des progrès réalisés reviendrait à présenter une vision déformée de la réalité et à sous-estimer le mérite de dirigeants africains réformateurs et le travail fructueux d'innombrables Africains. Nous devons nous attacher à encourager et à mettre de l'avant la poursuite de ces progrès.
Citons, par exemple, l'Angola où l'interminable guerre civile a maintenant pris fin. Le Mozambique, à peine sorti de la guerre civile, a enregistré une forte croissance économique et vient tout juste de tenir, avec succès, de nouvelles élections générales. Le Congo, et plus particulièrement la République démocratique du Congo, après des années de conflits et de soulèvements, effectuent une fragile transition vers la tenue d'élections. En Afrique de l'ouest, le conflit qui impliquait le Sierra Leone et le Liberia est terminé. Dans le premier cas, un tribunal spécial entend, avec l'appui du Canada, les causes des présumés responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Au Sénégal, le mois dernier, un accord de paix a été signé avec la région de la Casamanse, mettant fin ainsi à des années de conflits intérieurs. Au Soudan, dans le conflit entre le nord et le sud du pays, un accord de paix visant à mettre fin à vingt ans de guerre civile a été signé le mois dernier.
Le continent compte de plus en plus de gouvernements démocratiques et responsables. La presse africaine est beaucoup plus libre aujourd'hui. Il s'y tient davantage d'élections libres qu'auparavant, comme on a pu le voir au Kenya, où le changement de gouvernement s'est opéré par la voie des urnes, et plus récemment au Ghana. La mise en branle de l'innovateur mécanisme africain d'évaluation par les pairs est un grand pas en avant pour l'amélioration de la gouvernance politique et économique en Afrique. Le processus d'adhésion volontaire à ce mécanisme permettra de s'inspirer des meilleurs exemples de gestion publique comme moyen à privilégier dans l'instauration de saines pratiques de gouvernance.
Soulevant de nouveau la situation en Afrique, j'aimerais attirer votre attention sur cette question du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. À maints égards, le NEPAD, a amené l'Afrique à envisager dans une nouvelle perspective ses relations avec le reste du monde.
En 2001, les dirigeants de l'Afrique du sud, du Sénégal, du Nigeria, de l'Algérie et de l'Égypte ont dévoilé le document de ce qui allait devenir le NEPAD. En adhérant au nouveau partenariat proposé, les gouvernements africains s'engageraient à entreprendre des réformes politiques et économiques en vue d'améliorer ses relations avec le reste du monde au chapitre de l'aide internationale, des échanges commerciaux et des dettes extérieures.
Ainsi, on pourrait créer les conditions voulues pour attirer davantage de capitaux étrangers, favoriser une croissance économique soutenue et contribuer à éradiquer la pauvreté. En retour, la communauté internationale aiderait l'Afrique à combler le profond abîme qui la sépare du reste du monde.
La proposition du NEPAD diffère considérablement des nombreux plans soumis par le passé. Elle représente en fait le premier plan complet émanant de l'Afrique, rédigé et sanctionné par des Africains. Elle établit que les Africains doivent se prendre en main et s'efforcer de résoudre eux-mêmes les problèmes qui entravent leur développement. Elle préconise la conclusion avec les pays développés d'un nouveau partenariat fondé sur des obligations mutuelles. Elle convient que la paix et la sécurité, la saine gouvernance et le respect des droits de la personne sont des conditions préalables à l'établissement d'un développement durable. Elle reconnaît que pour se sortir de cette extrême pauvreté, l'Afrique ne doit pas se contenter d'espérer profiter davantage de l'aide publique au développement ou d'allègement de sa dette, car à elles seules, de telles mesures ne sauraient suffire. C'est la réussite des projets de réformes politiques et économiques qui rendra possible la création des conditions voulues pour attirer davantage d'investissements étrangers.
[Traduction]
Le Canada a été à la tête de la réponse internationale au NEPAD. À son sommet de Gênes en 2001, le G8 a en effet demandé au Canada d'organiser une réponse au NEPAD. Le Canada a placé l'Afrique au centre du programme des travaux du sommet de Kananaskis et a maintenu cette préoccupation à l'ordre du jour malgré les événements tumultueux et les bouleversements auxquels on a assisté sur la scène internationale à la suite des attentats terroristes du 11 septembre. En 2002, en présence de dirigeants africains à Kananaskis, les membres du G8 ont dit oui à l'invitation de l'Afrique pour un nouveau partenariat et ont adopté un plan d'action pour l'Afrique. Le plan en question contient plus de cent engagements précis à l'appui de la promotion de la paix et de la sécurité, de l'assainissement de la gouvernance, de l'amélioration de la santé, y compris la lutte contre le VIH-sida et la polio, du soutien à l'agriculture, d'une meilleure gestion de l'environnement et des ressources en eau, de la croissance économique et du fossé numérique.
À cette occasion, le Canada s'est engagé à fournir sur cinq ans, de 2002 à 2007, six milliards de dollars en ressources nouvelles ou déjà prévues pour la réalisation du plan d'action pour l'Afrique et le développement du continent africain, dont 500 millions de dollars pour l'établissement du fonds canadien pour l'Afrique. Le Canada a depuis rempli tous ses engagements.
Pour le sommet de 2005, le premier ministre Blair a fait savoir que l'Afrique serait l'un des deux principaux sujets à l'ordre du jour, l'autre étant le changement thématique. Le Canada appuie fortement cette décision du Royaume-Uni de continuer à mettre l'Afrique au centre des préoccupations car, en dépit des progrès réalisés, il est manifestement nécessaire d'accentuer les efforts en ce sens.
Le premier ministre Blair a en outre créé une commission de haut niveau pour l'Afrique, dont le ministre canadien des Finances, l'honorable Ralph Goodale, fera partie, commission qui produira un rapport en mars. Elle pourra apporter un nouvel éclairage sur certains des principaux sujets de préoccupation, par exemple l'allègement de la dette des pays africains. Elle pourra également mobiliser l'attention des dirigeants politiques sur des questions qui n'ont pas fait l'objet d'un vaste consensus international dans le passé.
Le NEPAD vise à renverser le déclin actuel de l'Afrique. La tâche ne sera pas facile et exigera de tous de la patience, de la persévérance ainsi que du réalisme dans leurs attentes. On devra cependant s'engager à long terme à déployer les ressources et le leadership voulus pour compenser des décennies de régression et de crise. Cet engagement devra venir d'abord des gouvernements africains, qui devront poursuivre les réformes politiques et économiques entreprises dans le cadre du NEPAD. Les gouvernements des pays donateurs et les institutions internationales devront, pour leur part, apporter aux Africains le soutien dont ils ont besoin pour atteindre les objectifs du NEPAD.
Le défi qui se présente à nous pour les mois et les années à venir consiste à renforcer le partenariat et à accélérer le rythme des progrès réalisés au sommet de Kananaskis. C'est précisément ce à quoi le Canada s'est engagé en travaillant dans la perspective d'un traité.
Je suis heureuse aujourd'hui d'être accompagnée de mes collègues de l'Agence canadienne de développement international et du ministère de la Défense nationale.
Le président : Monsieur Hunt, vous voulez enchaîner?
[Français]
M. Paul Hunt, vice-président, Direction générale de l'Afrique et du Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international : Je vous remercie de votre invitation. Ma présentation sera courte. J'espère que vous avez déjà copie des six acétates en couleur que j'ai fait circuler dans les deux langues officielles. Je vais passer à l'essentiel et tenter de faire ressortir les points saillants du texte annoté. Ensuite, nous pourrons passer aux questions. D'autres membres de l'Agence canadienne de développement international m'accompagnent aujourd'hui pour m'aider à répondre à vos questions.
[Traduction]
La première diapositive représente le potentiel de l'Afrique. J'ai un tempérament militant et optimiste, mais j'essaie d'être réaliste quand j'essaie de voir comment on peut profiter des débouchés en Afrique et encourager nos partenaires africains. C'est manifestement un continent qui recèle un potentiel immense, mais dont le progrès est semé de défis énormes et où il reste encore, je le souligne, beaucoup à faire.
Les dirigeants africains sont en train de prendre en main leur développement avec l'appui de la communauté internationale. Comme Mme Bourcier l'a dit, le Canada joue un rôle de premier plan à cet égard.
Compte tenu du travail que votre comité va accomplir au cours des semaines et des mois à venir en réfléchissant aux questions africaines et en les analysant, nous avons voulu aujourd'hui vous présenter quelques instantanés pour vous donner une idée du contexte, c'est-à-dire des éléments de départ pour la discussion.
Il est essentiel de reconnaître le rôle déclencheur du nouveau partenariat pour l'Afrique qui a fait basculer la gouvernance politique en Afrique, suscité un engagement à entreprendre des réformes politiques et jeté les assises du progrès futur en matière de développement économique et social.
[Français]
L'engagement du Canada, suite à la conférence pour le financement à Montterey, en 2002, celui du Sommet du G8 à Kananaskis, en 2002, et toutes les autres rencontres importantes jusqu'à maintenant, dont les préparations pour Gleneagles, en juillet, démontrent l'intérêt du Canada face à l'Afrique.
[Traduction]
Je vais rapidement vous expliquer la deuxième diapo. En haut à gauche, vous voyez les progrès envers les objectifs de développement du millénaire en Afrique subsaharienne. En bas à gauche, il y a la légende. La ligne rouge, c'est le progrès à accomplir pour atteindre les objectifs de développement du millénaire, et la ligne bleue représente les progrès accomplis jusqu'ici. Ces quatre lignes rouges et bleues vous montrent comment le système international perçoit les efforts que l'Afrique fait pour atteindre quatre des objectifs fondamentaux du millénaire : réduire la pauvreté de moitié, relever les taux de scolarisation primaire complète, améliorer le rapport garçons/filles dans les écoles et réduire les problèmes de mortalité des enfants de moins de cinq ans.
Si vous regardez le progrès à accomplir, c'est-à-dire les traits rouges, et les traits bleus qui représentent les progrès accomplis jusqu'ici, vous constaterez que l'Afrique a encore d'importants défis à relever pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement.
Il s'agit là d'un aperçu très général de la situation en Afrique. En arrière-plan, comme vous le constaterez, il y a les énormes progrès accomplis en Ouganda et au Ghana, qui connaissent une croissance remarquable et réussissent à relever une bonne partie des défis. Toutefois, en contraste, il y a l'Afrique du Nord qui, selon tous les indicateurs des objectifs du millénaire, progresse considérablement, mais est confrontée aux grandes difficultés de l'accroissement démographique. Ce que cela montre essentiellement, c'est que sans un appui important, les pays de la région qui se sont engagés sur la voie de réforme subiront d'importants revers s'ils n'ont pas l'appui de la communauté internationale.
La diapo suivante et les quatre dernières concernent le potentiel économique de l'Afrique. Elles servent à montrer que l'Afrique n'est pas un continent homogène. Chaque pays et chaque problème y a une face différente. Avant de considérer l'Afrique comme un tout, il faut être bien conscient de cette situation très disparate. Les quatre diapos suivantes présentent des images frappantes qui vous permettront de différencier les 53 pays de ce continent.
Sur la diapo consacrée au potentiel économique et à la richesse, les zones en bleu foncé et en rouge représentent les pays et les populations les plus pauvres du continent. Vous voyez que cela couvre une bonne partie de la carte. En jaune et en vert, il y a les régions qui émergent et qui commencent à avoir des perspectives économiques et sociales. Ce sont des raisons d'être optimistes.
L'Afrique est le continent qui a le plus grand potentiel de progrès social et économique. Le secteur privé en Afrique reste relativement sous-développé, et il est principalement axé sur l'agriculture et les ressources naturelles, des secteurs caractérisés par la faiblesse des cours, la faiblesse de la valeur ajoutée et une concurrence internationale féroce. À cela s'ajoute l'absence d'un climat favorable et d'une infrastructure suffisante pour accompagner ce développement économique. La croissance économique est aussi rendue difficile par un accroissement démographique très important — une question dont on ne parle pas souvent — et par la pandémie de sida. Nous allons arriver dans un instant à une carte à ce sujet.
Le problème de l'égalité des sexes constitue un défi important, mais est aussi porteur de grandes promesses. En renforçant le pouvoir des femmes, qui ont un important rôle économique, et en permettant aux jeunes filles et aux femmes d'avoir accès à une formation et à une éducation, on obtiendra un effet de levier stratégique sur la croissance économique.
Jusqu'ici, l'Afrique n'a pas profité des avantages que la mondialisation a apportés ailleurs dans le monde. Les statistiques fondamentales le montrent. La part de l'Afrique dans le commerce mondial est tombée de 5 p. 100 dans les années 1980 à 2 p. 100 aujourd'hui. La croissance moyenne des exportations tourne autour de 2 p. 100; et un autre indicateur, les investissements étrangers directs, est de plus en plus faible et se situe actuellement à environ 0,6 p. 100.
La diapo suivante donne une représentation frappante de la prévalence du VIH-sida chez les adultes en Afrique. Là encore, les couleurs représentent le degré d'intensité du problème. La zone de l'Afrique du Sud en mauve foncé représente la région où le problème est le plus grave, et il y a ensuite les pays en rouge où les taux de prévalence vont de 5 à 15 p. 100, suivis de ceux en rose saumon, essentiellement le centre du continent, où les taux sont de 1 à 5 p. 100 et sont donc plus gérables tout en continuant à présenter un sérieux défi.
Les maladies transmissibles sont évidemment l'une des principales causes de mortalité et de morbidité. Les plus importantes sont le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme.
Depuis un certain nombre d'années, le Canada a réalisé par l'entremise de l'ACDI des investissements considérables dans ces domaines et particulièrement dans le domaine du VIH-sida. Il a investi plus de cinq milliards de dollars entre 2000 et 2005 dans des initiatives sur le VIH-sida surtout concentrées en Afrique subsaharienne.
Vous avez certainement entendu parler des récentes déclarations de la ministre, Mme Carroll, et du gouvernement à propos d'autres investissements dans le cadre du programme 3 millions d'ici 2005 de l'Organisation mondiale de la santé et d'un accroissement des investissements du Canada dans le Fonds mondial pour la santé, pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
L'initiative prise par le Canada avec l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique a débouché sur une nouvelle loi qui permet au Canada d'exporter des médicaments brevetés sûrs pour aider les personnes atteintes du sida. Le Canada continue de jouer un rôle de leader à cet égard. Je sais que vous êtes aussi au courant du rôle militant que joue M. Stephen Lewis au nom des Nations Unies.
La diapo suivante donne un aperçu des problèmes d'environnement et des pressions liées à l'eau. Les zones de couleur sombre sont celles où l'on prévoit des pénuries d'eau d'ici 2025. Les zones jaunâtres sont celles où de graves problèmes d'eau vont se manifester au cours de la même période. L'Afrique a de nombreuses ressources naturelles, mais elle se heurte aussi à de graves défis environnementaux. Elle dépend beaucoup des ressources naturelles et du secteur agricole, ce qui accroît encore les pressions sur les ressources en eau.
Là encore, malgré de très bons rendements économiques d'un point de vue comparatif, la région du Maghreb en Afrique du Nord, en particulier, connaît une grave dégradation de ressources. Ces pays ont des réserves de pétrole et de gaz, mais leur situation est tragique concernant les ressources en eau renouvelables. L'ACDI y appuie des projets visant à améliorer la sécurité alimentaire, l'accès à une eau saine et l'hygiène en plus de s'efforcer d'aider les institutions africaines à gérer les problèmes d'eau transfrontalière. Le meilleur exemple que je peux vous donner, c'est la collaboration de l'ACDI avec divers partenaires internationaux dans le cadre de l'initiative du bassin du Nil, qui amène les dix pays riverains du Nil bleu et du Nil blanc à collaborer politiquement depuis plus de dix ans à une gestion partagée des ressources en eau, ce qui contribue par le fait même à la paix et à la bonne gestion des relations. De plus, ce projet favorise la bonne gestion de cette ressource naturelle.
En outre, depuis le sommet de Kananaskis, nous avons investi dans diverses initiatives liées à l'eau par le biais de la Banque africaine de développement, qui doit jouer un rôle de premier plan, parallèlement à la Banque mondiale, en renforçant et en encourageant les investissements dans l'infrastructure et les ressources naturelles. Il va donc y avoir des initiatives et des progrès sur le front de l'eau en Afrique.
Enfin, la dernière diapo donne un bref aperçu de certains indicateurs de gouvernance pour vous montrer que l'espoir est permis. Il y a eu de bons progrès. C'est l'Afrique, comme le décrit le NEPAD, qui se prend en charge. La gouvernance fait l'objet d'une attention accrue de la part des partenaires internationaux et surtout des chefs d'État et des gouvernements africains, grâce à l'adoption du NEPAD. Cet engagement a jeté les bases d'une nouvelle relation fondée sur le respect mutuel et la reddition de comptes entre l'Afrique, ses pays et ses partenaires internationaux.
Il y a eu des élections démocratiques dans 42 des 48 pays d'Afrique subsaharienne. Pour le Canada, pour le G-8 et pour les autres partenaires internationaux, le NEPAD a servi à tracer la voie d'un engagement politique et d'une programmation pour les années à venir.
Je crois qu'on peut dire sans hésiter qu'il est prouvé que les pays qui ont des systèmes de gouvernement responsables et transparents et qui respectent la primauté du droit sont en mesure d'attirer plus d'investissements publics et privés, de favoriser le développement du secteur privé et ainsi, de créer de meilleures perspectives pour les pauvres, la croissance et le développement.
Enfin, dans tout le continent et dans les circonstances les plus variées, le Canada recherche les occasions de travailler avec les acteurs de changement. Comme l'a souligné Mme Bourcier, l'Union africaine se pose de plus en plus en acteur politique important dans de nombreux domaines.
Dans les pays qui ont adhéré aux principes du NEPAD et de la bonne gouvernance, nous collaborons avec les gouvernements pour les aider à mettre en œuvre leurs stratégies de réduction de la pauvreté. Conformément au consensus international qui s'est développé durant les dix dernières années, et à partir duquel le Canada a renforcé l'efficacité de son aide, nos investissements sont de plus en plus harmonisés à ceux des autres donateurs. En offrant un appui aux gouvernements africains afin qu'ils puissent mieux diriger leur environnement politique, le Canada contribue à freiner la marginalisation économique et sociale de l'Afrique.
[Français]
Je vais m'arrêter, monsieur le président; nous sommes prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le colonel Denis Thompson, directeur, Politique du maintien de la paix, Défense nationale : Je suis très heureux d'être ici, surtout auprès de mes collègues des Affaires étrangères et de l'ACDI. Vous avez vraiment une équipe en trois dimensions ici ce soir. Je vous ai aussi remis un exemplaire de mon exposé que vous avez dû tous recevoir. Il y a sur le côté un diagramme auquel je ne me reporterai pas, mais qui peut vous aider à comprendre comment un État peut s'effondrer.
Je voudrais vous parler globalement des problèmes de sécurité auxquels est confrontée l'Afrique et de ce que les pays occidentaux en général peuvent faire pour l'aider à régler ces conflits. En Afrique, nombreux sont les conflits internes ou les États déliquescents invariablement liés à la lutte pour des ressources limitées. Ces conflits ont tendance à aggraver les différences ethniques et tribales. Ce sont des conflits de faible intensité, et non des guerres classiques, qui sont rarement décisifs et qui couvent pendant des années.
[Français]
Où voyons-nous les conflits? Au Sierra Leone, au Liberia, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo et dans tous les États des Grands Lacs, au Burundi, au Soudan et au nord de l'Ouganda. Où pourrions-nous voir de futurs États en faillite? Peut-être en Guinée, en Somalie, au Zimbabwe et, depuis la fin de semaine dernière, au Togo.
[Traduction]
La plupart du temps, la situation qui se dégrade depuis longtemps dans un État finit par être portée à l'attention de la communauté internationales afin qu'elle passe à l'action. Dans le cas de l'Afrique, c'est souvent une organisation régionale comme l'Union africaine ou la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui lance cet appel. Le Conseil de sécurité de l'ONU est saisi de la question et peut adopter une résolution autorisant une organisation régionale ou appuyant l'intervention d'un pays tiers non africain.
Il convient de souligner que l'ONU elle-même est incapable d'agir rapidement dans ces circonstances, car il lui faut jusqu'à six mois pour constituer une mission dans ce genre de contexte. C'est pourquoi on voit les Britanniques intervenir au Sierra Leone, les Français intervenir en Côte d'Ivoire et les Américains intervenir au Liberia. Dans chacun des cas, il a fallu faire appel à une armée occidentale professionnelle pour intervenir et stabiliser la situation avant de passer le relais soit à une organisation régionale telle que la CEDEAO, soit directement à l'ONU. Le rétablissement du gouvernement issu d'une opération de maintien de la paix suit le modèle en trépied illustré dans mon document.
[Français]
La création d'un environnement sécuritaire constitue la phase la plus cruciale d'un point de vue militaire. Si ce travail n'est pas exécuté de manière vigoureuse et résolue, il sera impossible de réaliser des progrès.
[Traduction]
Que cela signifie-t-il pour les forces armées? Premièrement, il faut donner aux casques bleus un mandat solide en vertu du chapitre 7. Deuxièmement, ils doivent pouvoir se rendre là où l'on se bat et, une fois là, pouvoir se suffire à eux-mêmes. En un mot, c'est une question de logistique. Troisièmement, et c'est le plus important, ils doivent avoir la volonté, les armes, le matériel et l'entraînement qu'il faut pour faire le travail.
[Français]
Il s'agit là du principal défi qui s'oppose aux forces africaines de maintien de la paix. Tandis que les pays occidentaux sont concentrés dans des domaines qu'ils estiment plus importants pour leurs intérêts nationaux, la grosse partie de l'effort en Afrique revient aux soldats de la paix africaine. Dans bien des cas, la volonté est là, mais il manque les moyens d'accomplir le travail. Alors, que pouvons-nous faire?
[Traduction]
En clair, nous devons développer la capacité que doit avoir l'Afrique de déceler, prévenir et résoudre les conflits sur son continent. C'est une chose que réclament, comme on l'a déjà dit, le NEPAD et l'Union africaine. On y arrivera en encourageant la formation d'un véritable quartier général militaire à l'Union africaine et peut-être aussi dans d'autres organisations sous-régionales comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. On y arrivera en assurant un entraînement, et pas seulement l'entraînement des casques bleus, mais aussi un entraînement militaire général qui haussera les normes professionnelles des armées africaines. On y arrivera en contribuant à la création de mécanismes qui faciliteront le déploiement rapide d'armées africaines sur leur propre continent. Enfin, on y arrivera en fournissant directement aux armées africaines le matériel qu'il leur faut pour équiper les brigades de réserve que le NEPAD prévoit créer.
Ce faisant, nous, Occidentaux, pouvons aider les Africains à rebâtir cette dizaine de pays disloqués qui défigurent leur continent. Sans cela, on peut s'attendre à ce que la même misère s'aggrave et avec elle, l'insécurité qui lui est associée.
Le président : Ma question pour l'ACDI porte sur votre carte de la page 4, « La richesse des nations ». Je vois 1 000 $US et 4 999 $US. Ce n'est pas une question très importante, mais je trouve que ces chiffres sont difficiles à croire. Si l'on prend l'exemple de l'Ouganda, j'ai entendu le président de l'Ouganda dire que 86 p. 100 des habitants de son pays sont employés dans l'agriculture de subsistance. Je sais que le rapport de 3 000 pages des Nations Unies — je ne l'ai pas tout lu, bien sûr — dit qu'un quart de la population mondiale gagne 1 $ par jour et peut-être l'autre quart, 2 $. J'ai vu bon nombre de ces pays où les gens vivent de l'agriculture de subsistance. Comment conciliez-vous ces chiffres avec cela? Je me demande comment la Banque mondiale peut arriver à ce genre de chiffre. Ce ne peut pas être entre 1 000 et 5 000 $US. J'imagine que 85 p. 100 de la population gagne probablement entre 500 et 600 $ par année, si elle vit de l'agriculture de subsistance. Cette remarque s'applique également au Soudan.
La carte de la gouvernance a été mise au point par l'Association internationale de développement. Je sais qu'il y a 72 ministres en Ouganda. Ça me paraît beaucoup.
Admettez-vous les chiffres qui figurent sur la carte de la richesse? Je les trouve pas mal difficiles à croire. Comment aboutissent-ils à ces chiffres ridicules qui ne peuvent absolument pas être exacts?
M. Hunt : Voilà une question gênante. Vous avez bien remarqué, monsieur le président, qu'il s'agit là de données provenant de la Banque mondiale.
Le président : Je vois bien que ce ne sont pas vos chiffres à vous.
M. Hunt : Je pourrais probablement citer deux ou trois autres sources juste pour vous donner un aperçu différent, et j'utiliserais certaines données de l'OCDE pour vous tracer un portrait global. Je dirais que, grosso modo, on dépeint ici un portrait réaliste. Rappelez-vous qu'il s'agit de chiffres qui ont trait au revenu national brut.
Le président : Divisé par la population, j'imagine.
M. Hunt : Exactement. Si vous prenez le Soudan, par exemple, les revenus nationaux, dont ceux qui proviennent du secteur pétrolier et des ressources naturelles, sont en fait très élevés. La question est de savoir si ces ressources sont distribuées équitablement à l'échelle nationale et s'il y a une grande partie de la population qui profite de cette richesse nationale. La réponse est évidemment négative. Ce serait le cas d'un certain nombre de pays. Certains pays du continent ne disposent pas du tout de cette richesse ni n'exploitent la richesse qu'ils ont. Je crois que c'est un portrait raisonnable de la situation par habitant.
Je peux vous citer deux autres sources qui vous donneront deux autres portraits.
Le président : Ce n'est pas un chiffre par habitant. C'est le revenu brut du pays divisé par le nombre d'habitants, ce n'est pas ce que j'appellerais un revenu par habitant. C'est une façon de prendre le nombre d'habitants de l'Ouganda ou du Soudan et de diviser ce chiffre.
M. Hunt : C'est le revenu national brut divisé par la population.
Le président : Cela donne un portrait assez déformé. J'ai assez pris de temps.
[Français]
Le sénateur Corbin : Ma question s'adresse à Mme Bourcier, directrice générale du Bureau de l'Afrique au ministère des Affaires étrangères. Le comité n'est pas seulement intéressé à recevoir des données et des analyses sur la situation africaine dans l'ensemble ou pays par pays.
Il serait utile que le comité connaisse — étant donné que vous êtes la directrice générale du Bureau de l'Afrique — votre bureau et son organigramme? Quelle est la responsabilité de chacun? Vous avez des blocs géographiques. Vous accordez de l'importance à certains programmes plutôt qu'à d'autres pour telle ou telle région donnée. Pourriez-vous nous décrire rapidement en quoi consiste le Bureau de l'Afrique?
Mme Bourcier : Nous avons au sein de la direction de l'Afrique, deux sous-directions géographiques : une s'occupe de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale et l'autre de l'Afrique de l'Est ou de l'Afrique orientale et australe. Si vous voulez avoir la description de l'organigramme, vous avez un directeur appuyé de deux directeurs adjoints et d'agents. On a le plaisir d'avoir une équipe constituée d'excellentes ressources au bureau de l'Afrique depuis quelques année qui ont été attirés par les défis qui se présentaient dans le contexte des efforts que les Africain font, eux-mêmes, dans le contexte du NEPAD et dans le contexte des efforts que le Canada a fait à Kananaskis ou des retombées de Kananaskis. Dans chacun des bureaux, nous avons deux directeurs, un directeur dans chaque sous-zone géographique et deux directeurs adjoints et des agents qui sont agents de pupitre qui servent à gérer notre relation bilatérale avec les pays de la région.
Nous avons également en appui une direction. Dans le contexte de la séparation du ministère dans le développement des affaires et de l'investissement, nous avons une petite unité qui fait le suivi de ces programmes d'intérêt pour le secteur privé canadien et pour le secteur privé africain. Encore une fois, cela est dirigé par un directeur adjoint et nous avons également en appui aux efforts du représentant personnel du premier ministre, l'ambassadeur Bob Fowler. Nous avons le directeur responsable pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe qui exerce la fonction également d'adjoint au représentant personnel et qui est appuyé par une petite équipe. Mme Kourany est au sein de cette petite équipe qui fait le suivi avec les autres membres du G8 et elle fait l'intégration de la communauté interministérielle des efforts en matière de réponse du Canada sur le plan d'action pour l'Afrique.
Alors, en gros, voilà l'organisation que représente cet l'organigramme du Bureau de l'Afrique. Si vous voulez, je peux vous fournir de plus amples détails en remettant au greffier une copie de l'organigramme.
Le sénateur Corbin : Disposez-vous de suffisamment de personnel pour pouvoir remplir vos diverses missions?
Mme Bourcier : Il est toujours utile d'avoir plus de ressources humaines. Toutefois, nous disposons d'excellentes ressources présentement. À la limite, nous étudions avec Ottawa ce que nous pouvons fournir comme effort avec les ressources immédiates.
Nos ambassades ont un appui. Nous avons 24 missions en Afrique subsaharienne. Ma collègue ici présente peut vous parler du Maghreb et des pays du golfe. Elle s'occupe en partie de cette région de l'Afrique. Le gouvernement canadien fait des suivis de nos relations bilatérales avec les pays africains.
La capacité sur le terrain est très grande. Plusieurs gens sont sur le terrain, comme l'ambassadeur et les chefs de programmes. Qu'il s'agisse des programmes de relations politiques et économiques, des programmes de développement commercial, des programmes d'immigration, l'ambassade est le point d'intégration et le porte-parole du Canada auprès de nos partenaires africains. L'ambassade nous sert de première lecture sur les événements et nous conseille sur les orientations qu'on doit prendre avec ces pays.
Nous avons donc 24 missions ou bureaux d'ambassade sur le terrain du côté de l'Afrique subsaharienne.
Le sénateur Corbin : Le bureau d'Ottawa se concentre sur le développement des programmes et de la politique de concert avec les différents partenaires. Mais n'est-il pas juste de dire que l'essentiel se fait surtout dans ces 24 missions? Lorsque vous dites que plus de ressources humaines seraient utiles, vous admettez implicitement qu'il existe un manque à gagner des effectifs? En d'autres mots, vous manquez de personnel?
Mme Bourcier : Je ne peux me prononcer pour le ministre qui d'ailleurs était ici quelques semaines avant Noël pour défendre son budget de dépenses. Nous collaborons avec le gouvernement dans son analyse des priorités et tentons de répondre le mieux possible à notre ministre et aux ministres intéressés par les efforts internationaux que nous faisons en tant que Canadiens. Le ministère des Affaires étrangères exerce une fonction d'intégration et travaille de très près avec nos collègues ici présents. Nous travaillons étroitement avec Citoyenneté et Immigration Canada dans la perspective d'une cohérence politique sur le continent.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Je crois que mes collègues seront d'accord avec moi pour dire que nous avons entrepris une tâche énorme. Chaque sujet en lui-même pourrait motiver une étude. D'ailleurs, chaque segment de l'Afrique, sinon chaque pays de l'Afrique, pourrait faire l'objet d'une longue étude. Au cours des quelques semaines à venir, nous allons concentrer notre attention sur les sujets que nous voulons analyser en détail.
En vous entendant parler, tous autant que vous êtes, des questions de nature générale me sont venues à l'esprit. L'une d'entre elles a trait au fait que personne n'a parlé du problème que pose le despotisme, si je puis dire, ni du problème de corruption ou de celui que pose l'intervention de certains intérêts occidentaux, si vous voulez, et de ce que j'appelle la prostitution économique qui me semble constituer un facteur en Afrique. Est-ce que l'un d'entre vous veut commenter ces questions d'intérêt général?
M. Hunt : Je vais faire une tentative.
Je vais traiter de l'aspect positif de la question. Nous avons fait état de notre compréhension, qui est aussi à mon avis la compréhension de la communauté internationale, de ce que le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique nous dit concernant les agents de changement et les nouveaux dirigeants africains. Personnellement, je dirais les choses ainsi : les dirigeants politiques ont dit à leur population et à leurs propre clientèle politique : « Nous devons réformer notre gouvernance et modifier nos mœurs politiques, et nous devons rendre des comptes de notre action sur ce point à nos populations. Nous devons prendre les choses en main et donner l'exemple en matière de paix et de sécurité. » Ce qui nous ramène en partie aux caractéristiques et aux attributs que vous mentionniez, monsieur le sénateur. Le premier signal dans leur propre exercice du processus du NEPAD a été un message politique fort aux États constituants du continent. On a dit : « Il faut faire des réformes, et nous devons faire des réformes chez nous d'abord. »
La deuxième partie, si je puis dire, c'est que les pays africains ont ensuite demandé à la communauté internationale de reprendre le dialogue avec eux sur une base plus équitable au sujet des débouchés mondiaux et de l'accès aux marchés mondiaux et de poursuivre l'aide au développement, mais ils se sont rendu compte que l'aide au développement n'était pas une solution à long terme. Ils devaient créer eux-mêmes un environnement favorable au bon fonctionnement de leurs propres secteurs privés et à l'investissement de capitaux étrangers, de sorte que le les pays et le continent puissent prospérer sur le plan économique.
Je vous rappelle cela simplement parce que pour bon nombre d'entre nous qui avons travaillé en Afrique au cours de la dernière décennie, depuis Monterrey, et certainement depuis que le processus du NEPAD est en marche, cela montre que ces pays se donnent beaucoup de mal pour changer et se réformer.
Ils ont mis en place en Afrique un processus d'examen par les pairs, auquel, je crois, plus de 24 pays ont adhéré jusqu'à ce jour, dont quatre ont soumis leur gouvernance politique à l'examen de leurs pairs, ainsi que leur situation économique et sociale. Ils ont accepté de se soumettre d'eux-mêmes à l'examen de leurs homologues pour savoir dans quelle mesure ils se débrouillent bien ou non, non pas pour se faire critiquer et décourager, mais plutôt pour recevoir un soutien constructif qui leur permettra d'opérer des réformes supplémentaires.
Vous pouvez voir les éléments de leadership qui commencent à émerger dans un certain nombre de pays qui participent directement et de manière plus générale à ce processus. Les cinq pays qui sous-tendent le leadership du NEPAD ont participé tôt au processus d'examen par les pairs, le Ghana le premier. Dans son cas, nous avons un excellent exemple d'élections qui ont été bien menées récemment ainsi qu'une tradition de transition démocratique et de changement au sein du gouvernement.
Nombreux sont ceux qui croient fermement que ces pays se sont engagés sérieusement à opérer des réformes et à donner l'exemple du changement. Bien sûr, il y a de nombreux exemples aussi de pays qui n'en sont pas encore là. Le colonel Thompson a mentionné certains de ces pays qui ont encore des problèmes de paix et de sécurité découlant de problèmes politiques également. Vous les comprenez aussi bien que nous. Cependant, un processus de changement est en cours. Il y a un leadership.
Lorsque Jeff Sachs, dans son Rapport sur le millénaire, parle de suivre le changement en Afrique, il dit à la communauté internationale que des réformes sérieuses sont en cours là-bas, que ces réformes s'appuient sur un engagement politique et que nous devons prendre certains risques pour les accompagner dans la résolution des difficultés considérables auxquelles ils sont confrontés.
Nous pouvons voir aussi le côté négatif de tout cela. Il y a des exemples, mais je n'ai pas besoin de vous les mentionner. Il y a suffisamment d'éléments de leadership positifs qu'on veut les encourager et les soutenir dans ce processus de changement. Utilisons cet exemple stratégique, pour que d'autres voient ce qui se passe et s'en inspirent et pour créer une pression ainsi que des synergies entre pairs qui permettront à ce changement de s'ancrer davantage.
Dix pays se sont unis pour articuler une vision commune et des intérêts communs. C'est le genre de dynamique horizontale que l'on commence à voir dans plusieurs régions du continent.
Le colonel Thompson a mentionné le CEDEAO, qui fait preuve d'initiative à de nombreux égards sur une base sous-régionale. Il a cité des exemples qui font état de paix et de sécurité; mais il y a aussi des exemples sur le front économique, qui ont trait aux grands projets d'infrastructure, qui vont jusqu'à la police communautaire et ce, grâce à des initiatives que le Canada a mises en place. Il y a des signes encourageants et des manifestations d'engagement, et c'est le genre de choses dont il faut prendre note — sans oublier les autres. Il faut travailler avec eux pour améliorer la situation.
Le sénateur Di Nino : Je vous félicite pour votre passion. Ce fut pour moi, à tout le moins, une réponse très utile.
Est-ce que d'autres voudraient faire des remarques avant que je passe à une autre question.
Mme Bourcier : J'ajouterais seulement qu'on a, avec l'Union africaine, un plan stratégique qui est plus qu'un bout de papier. Je ne sais si votre comité a reçu ce plan stratégique. Il dépasse le NEPAD ou la vision qui a été énoncée en 2001. C'est la concrétisation de cette vision au sein de la nouvelle structure de l'Union africaine. On mentionne la corruption dans ce plan. Il est très important que ce phénomène soit reconnu ou qu'il devienne acceptable d'en parler ou d'écrire à ce sujet et de trouver des moyens de se sortir de ce cercle vicieux.
Comme l'a mentionné mon collègue, M. Hunt, cela s'accompagne de la création de capacités et d'outils qui, dans les années à venir, permettront des changements de comportement. Les changements peuvent être négatifs ou plus positifs. Nous avons des raisons de croire qu'ils seront positifs. Nous devons travailler avec ça.
J'encourage le comité à prendre connaissance de ce texte. C'est l'édition récente de mai 2004.
Le président : Nous ne l'avons pas pour le moment, mais nous allons l'obtenir et le remettre aux membres du comité
Mme Bourcier : Oui, c'est un site qu'il est utile de consulter régulièrement, tout comme celui de l'Union africaine.
Le sénateur Di Nino : Merci à tous les deux. Tandis que nous commençons à chercher des réponses aux questions que nous nous posons, nous entendons dire qu'il existe certains obstacles dans le monde développé, si vous voulez, qui compliquent certaines des difficultés auxquelles l'Afrique fait face. Votre présence ici ce soir a pour but de nous aider à mieux cerner ces problèmes, je vais donc vous poser une autre question qui n'a pas de rapport avec la première.
Qu'est-ce que les pays développés ou le monde occidental fait de mal? Sur quoi devons-nous porter notre attention pour mieux comprendre la situation de l'Afrique? Je vais prendre l'exemple du problème agricole, particulièrement de la position de l'Union européenne et des États-Unis et, dans une certaine mesure, du Canada. Je ne vais pas parler au nom du comité, mais je crois que cet enjeu peut faire obstacle aux objectifs de l'Afrique et de tous les pays africains. Est-ce l'une des questions que vous avez étudiées, et y en a-t-il d'autres, par exemple l'éducation?
M. Hunt : Je ne pense pas en avoir la liste complète, donc je prendrai simplement le point concernant le commerce que vous avez soulevé, et je soulignerai peut-être qu'il s'agit d'un des aspects primordiaux figurant à la liste restreinte. Selon les spécialistes et les universitaires, il suffirait d'égaliser les règles du jeu pour ce qui est des débouchés commerciaux, ne serait-ce que pour les produits du secteur primaire, pour que l'Afrique bénéficie nettement de l'accès aux marchés développés. Si l'Afrique avait la capacité et le suivi des investissements nécessaires pour créer une capacité secondaire et tertiaire de transformation des produits primaires, si elle bénéficiait d'un accès équitable aux marchés des pays développés, elle aurait un taux de pénétration qui remplacerait — il doublerait ou quadruplerait — le niveau d'aide au développement officielle qu'elle reçoit par des recettes découlant de l'activité économique.
Il ne fait absolument aucun doute que la question des subventions est un facteur important, et vous avez parlé plus précisément des subventions agricoles. En raison de l'avantage concurrentiel prédominant de l'Afrique ou de son avantage comparatif, compte tenu de ses ressources agricoles, il s'agit d'un secteur particulièrement susceptible d'améliorer considérablement le rendement économique des pays de la région, si des changements importants sont apportés au contexte commercial sur la scène internationale en ce qui concerne les subventions.
Le sénateur Downe : Ma question s'adresse au colonel. Pouvez-vous nous indiquer en quoi consiste notre présence militaire en Afrique à l'heure actuelle, qu'il s'agisse de casques bleus ou d'attachés militaires?
Le col Thompson : Pour l'instant, il y a onze membres des Forces canadiennes qui sont déployés au Sierra Leone, dont trois accompagnent la mission des Nations Unies qui s'y trouve. Il s'agit d'observateurs militaires des Nations Unies; les huit autres font partie de l'équipe d'aide en matière d'instruction militaire, une initiative dirigée par le Royaume-Uni pour entraîner les forces armées de la République du Sierra Leone et améliorer leurs normes professionnelles afin qu'elles puissent assurer une assistance militaire pour le contrôle démocratique au Sierra Leone.
Le sénateur Downe : Il ne s'agit pas de casques bleus, mais de militaires qualifiés.
Le col Thompson : Non, il s'agit d'officiers et de sous-officiers supérieurs déployés directement avec les forces armées de la République du Sierra Leone et avec leurs collègues britanniques. Ils occupent des postes hiérarchiques au sein des forces armées de la République du Sierra Leone.
Dans le cadre de la mission des Nations Unies au Congo, nous avons déployé huit officiers. Six sont déployés à Kinshasa, la capitale, et deux sont déployés à Kisangani, qui se trouve au centre du pays. Ce sont tous des officiers d'état-major. Il s'agit d'une mission très importante.
Le président : Combien sont-ils?
Le col Thompson : Ils sont huit en tout. Le sous-chef d'état-major chargé des opérations là-bas est un officier canadien, ce qui est important.
Le sénateur Prud'homme : Combien de militaires relèvent de son commandement?
Le col Thompson : Il n'a personne sous son commandement. C'est un officier d'état-major. Les commandants sont tous des officiers généraux africains.
Nous avons deux officiers déployés à Addis-Abeba pour aider l'Union africaine à planifier sa mission au Soudan, ce qui revient à dire que la mission au Darfour est une mission de l'Union africaine et non une mission de maintien de la paix des Nations Unies. À l'heure actuelle, nous avons cinq officiers militaires déployés au sud du Soudan, à Khartoum, pour appuyer la mission préparatoire de l'ONU au Soudan. Nous espérons que d'ici le milieu du mois, lorsque le Conseil de sécurité adoptera une résolution concernant la mission des Nations Unies au Soudan, nous pourrons accroître notre effectif et assigner 19 membres des Forces canadiennes à cette mission. Il s'agit de déploiements militaires.
Nous avons quatre attachés militaires sur l'ensemble du continent : un au Caire, un à Abidjan en Côte d'Ivoire, un à Nairobi au Kenya et enfin, un à Pretoria en Afrique du Sud.
Le sénateur Downe : Comment cette situation se compare-t-elle à celle qui existait il y a 10 ans?
Le col Thompson : Une personne vient de se rajouter à notre effectif. L'année dernière, nous en avions trois. L'attaché qui a été affecté à Abidjan, en Côte d'Ivoire, est arrivé juste à temps pour s'occuper de la crise qui y a sévi.
Le sénateur Downe : Ma dernière question concerne la présentation faite par le ministère des Affaires étrangères. Je m'intéresse à l'engagement de six milliards de dollars en ressources nouvelles et existantes dont vous avez parlé dans votre exposé de ce soir. Nous sommes à mi-chemin de l'échéance de 2007. Quelle est la proportion de ces six milliards de dollars qui a déjà été dépensée?
Mme Bourcier : Je demanderais à mes collègues de l'ACDI de répondre à cette question, car même s'il s'agit d'un engagement pris par le Canada, pour ce qui est du versement de ce montant, nous dépendons de l'ACDI.
M. Hunt : Je commencerai par dire que l'origine de cet engagement remonte à la conférence de Monterrey sur le financement du développement, qui s'est déroulée en mars 2002 et à l'occasion de laquelle le gouvernement du Canada s'est engagé à augmenter de 8 p. 100 par année l'aide officielle au développement. À l'occasion du Sommet du G8 à Kananaskis en juin 2002, les pays du G8 ont pris un engagement supplémentaire sur l'initiative du gouvernement du Canada, à savoir qu'au moins 50 p. 100 de cette augmentation de 8 p. 100 serait destinés à l'Afrique. À l'époque, en 2002, on avait prévu que les nouveaux fonds, c'est-à-dire l'augmentation de 8 p. 100 dont la moitié au moins serait destinée à l'Afrique, ainsi que les ressources existantes, soit les budgets que reçoit habituellement l'Afrique, augmenteraient de façon importante; d'où les six milliards de dollars prévus entre 2002 et 2008.
Pour répondre brièvement, nous sommes tout à fait en voie de respecter cet engagement et nous pouvons fournir au comité un relevé des versements faits par l'Agence depuis Kananaskis; et les prévisions demeurent conformes à cette tendance. Le gouvernement maintient son engagement à augmenter l'aide officielle au développement et respecte son engagement indéfectible à poursuivre ses investissements en Afrique.
Nous respectons donc nos objectifs à l'approche du sommet de Gleneagles. Le centre indépendant d'information sur le G8 de l'Université de Toronto fera valoir que le Canada respecte ses engagements envers l'Afrique, engagement qu'il a pris de concert avec les autres membres du G8 à Kananaskis. En fait, le Canada montre la voie pour ce qui est de respecter ses engagements.
Le sénateur Downe : Vous estimez donc que d'ici 2007, ce montant de six milliards de dollars aura été dépensé?
M. Hunt : Oui.
Le président : Lundi prochain, à 15 h, le général Roméo Dallaire comparaîtra devant le comité. Mardi, nous entendrons M. K.Y. Amoako, le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique.
Le sénateur Eyton : Je ne connais pas grand-chose de l'Afrique sauf quelques expériences. Je pense à votre présentation et à l'immensité du territoire, et j'ai l'impression que le verre est soit plein à 10 p. 100, soit vide à 90 p. 100. Il y a tant de défis à relever.
Le NEPAD, auquel participent certains des principaux pays d'Afrique, a été établi il y a quatre ans. Vous parlez de conférences, d'ententes et de résolutions, mais vous savez aussi bien que moi que tout ce qui remonte à 10 ans n'a pratiquement plus de valeur aujourd'hui. Le rythme du changement est fulgurant. Pour favoriser le changement, il faut un soutien et une compréhension assez vastes de la part du public. La question que je me pose est la suivante : est-ce qu'on y parvient de façon concrète? Sur ce continent très compliqué, la situation des pays ne cesse de changer et passe de bonne à mauvaise pour revenir à bonne. Dans ce contexte, la population générale comprend-elle la nécessité d'une réforme et la nécessité de soutenir la réforme? Je sais qu'il s'agit d'une question générale, mais sans cet appui, il me semble très difficile d'assurer une progression constante.
Mme Bourcier : Je tiens à vous remercier de votre question. Je pense que nous devons reconnaître que les Canadiens s'intéressent à l'Afrique et la soutiennent. Depuis Kananaskis, dans les sondages d'opinion du ministère, l'Afrique revient régulièrement comme région où il est le plus important que le Canada maintienne sa présence. Certains considèrent même que l'Afrique est plus importante que l'Amérique latine. Parmi les collègues du ministère, il n'y a pas de concurrence pour attirer l'attention, mais on reconnaît que les Canadiens s'intéressent à l'Afrique. Ce qui est probablement aussi important, sinon plus, c'est le soutien des Africains envers une vision qu'ils ont eux-mêmes élaborée.
Le sénateur Eyton : Je ne m'interrogeais pas sur le soutien de la part des Canadiens. Je parlais plutôt du soutien populaire en Afrique et de la compréhension de la réforme au sein de la population.
Mme Bourcier : Ce qui intéresse les Africains eux-mêmes, c'est qu'ils participent de plus en plus à cette initiative. L'ACDI a fait en sorte qu'une portion du Fonds pour l'Afrique soit destinée au Fonds d'information sur le NEPAD. Je laisserai à M. Hunt le soin de vous fournir plus de détails à ce sujet, mais on reconnaît qu'il s'agit d'un instrument qui aide les pays à accomplir des progrès à cet égard.
Le mécanisme d'examen par les pairs est aussi très important. Cela se fait non seulement au niveau des hauts responsables mais avec le soutien ou l'aide de la société civile ainsi que du secteur privé dans chacun des pays signataires.
Le sénateur Eyton : Je songeais au simple citoyen. Est-il possible d'évaluer sa compréhension et son soutien de la réforme? Je ne parle pas des hauts responsables du gouvernement, ni de ceux qui assistent à des conférences, mais des gens de la rue, des simples citoyens.
M. Hunt : J'enchaînerai sur ce que Mme Bourcier a dit. Je ne répéterai pas les détails du NEPAD, mais il faut en tenir compte. Je ne répèterai pas ce que j'ai dit à propos de l'Union africaine ni à propos du mécanisme africain d'examen par les pairs. Quelles sont les autres caractéristiques? Les Parlements sont plus solides. N'est-ce pas une façon d'établir le dialogue avec les citoyens? Le secteur privé et les organisations de la société civile ont un rôle de plus en plus grand à jouer puisqu'ils sont invités par le gouvernement à participer à l'élaboration de stratégies nationales et à l'établissement des priorités nationales. Ce sont des indications positives et constructives.
Je tiens à vous rappeler que nous sommes en train de parler de 53 pays sur un seul continent. Les six principaux pays où le Canada a fait des investissements importants depuis Kananaskis dans le cadre du G-8 et dans le cadre de son programme d'efficacité de l'aide sont le Sénégal, le Mali, le Ghana, l'Éthiopie, la Tanzanie et le Mozambique. Dans ces pays, les gens vous diront qu'ils ont constaté d'importants changements qui commencent à influer sur leur vie quotidienne.
Un exemple concret est celui de la fréquentation scolaire des enfants en Tanzanie. Au cours des deux dernières années, le gouvernement de la Tanzanie a élargi l'accès des enfants aux écoles. Il a éliminé les frais de scolarité. Le taux d'inscription des filles a nettement augmenté. Les enfants, les parents, les enseignants et les collectivités qui contribuent à assumer une partie des coûts des écoles rurales vous diront qu'ils sont en train de constater les avantages de la réforme et de l'engagement envers la réforme, et que cela se fait de façon transparente puisque les budgets dont disposent le ministère de l'Éducation à l'échelle nationale sont en fait rendus publics au niveau des districts, et le gouvernement se comporte bien à l'égard de ses partenaires donateurs.
Pourrions-nous constater les mêmes résultats dans la République démocratique du Congo, où sévit toujours un important conflit dans l'Est?
Au centre du pays, on constate que la société civile et le secteur privé sont plus sains et plus actifs. La situation varie d'un pays à l'autre. Dans les pays de l'Afrique du Nord, et particulièrement au Maghreb, la participation des citoyens et la dynamique sont différentes. On peut y constater des tendances positives et parler à des personnes qui vous diront que c'est effectivement le cas.
[Français]
Le sénateur Prud'homme : Lorsque nous avons eu notre ordre de renvoi, j'ai eu peur qu'on nous demande l'état de la situation mondiale. Notre tâche me semble aussi énorme que si on nous avait demandé d'examiner la planète. Je n'étais pas tout à fait d'accord. Nous aurions été mieux d'y aller — si on décide pour l'Afrique — d'une manière sectorielle. Par exemple, vous venez de mentionner le Maghreb ou l'Afrique australe. On a décidé de prendre l'ensemble.
J'ai beaucoup aimé l'intervention sur le plan militaire, j'y crois beaucoup. Je l'ai soulevé lors de la dernière réunion, il n'y a rien comme les Africains pour « s'africaniser » eux-mêmes, mais ils ont besoin d'aide. Ils ont besoin de commandement, d'armement. Qui peut leur donner l'entraînement, l'armement et la fierté nationale interafricaine, sinon eux-mêmes? Mais nous pourrions intervenir. En ce sens, on a au moins le début d'une direction pour examiner notre ordre de renvoi.
En second lieu, quelque chose va soulever une tempête bientôt. J'ai travaillé dans mes 30 premières années et j'ai vu ce mariage, pas facile, entre les Affaires étrangères et le commerce extérieur international et l'ACDI. Voilà qu'en 1982, le mariage s'est fait.
[Traduction]
Ce n'est pas une question juste parce qu'il vous est difficile de commenter, mais au moins j'aurai fait connaître mon opinion.
[Français]
Maintenant, on nous annonce qu'il y aura un divorce, que nous aurons une séparation du ministère du Commerce international et de celui des Affaires étrangères à qui on devait donner l'ACDI, mais qui restera séparé.
M. Hunt : C'est une proposition?
Le sénateur Prud'homme : Ce devait être cela, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. J'ai peur que le ministère des Affaires étrangères — pour lequel j'ai beaucoup d'affection — ne se fasse émasculer de toutes ces possibilités d'être un point directeur. Vous avez dit, Mme Bourcier, ainsi que M. Hunt et les autres qui viendront et qui sont venus déjà, qu'il est difficile de voir l'avenir de l'Afrique sans y mélanger l'aspect du commerce international, si on veut aider. Voilà qu'on nous annonce deux projets de loi qui seront très controversés et un grand divorce. Je sais et vous le savez mieux que moi qu'ils seront très mal reçus au ministère des Affaires étrangères par les hauts fonctionnaires et ceux du premier et deuxième niveaux. Je le sais, je l'ai vu et je l'ai entendu. Cela complique-t-il votre tâche, vous qui êtes madame Afrique, si on peut dire aujourd'hui? En quoi cela va-t-il changer si ces deux projets de loi se matérialisent d'ici le mois de juin, de séparer le commerce international de toutes les questions du ministère des Affaires étrangères, alors que les deux, à mon avis doivent se marier intimement? Ils auront chacun un chapeau et une autorité. Comment cela est-il perçu chez vous en ce moment?
Mme Bourcier : Permettez-moi de revenir sur des commentaires que je faisais au sénateur Corbin pour insister encore sur cette responsabilité de nos missions, d'une responsabilité d'intégration des points de vue et de la cohérence des politiques et des programmes qui se fait très bien sur le terrain. Nos missions, qui sont dirigées par des ambassadeurs et des hauts-commissaires, arrivent à bien intégrer les efforts qui sont fait par les attachés politiques, les attachés économiques ou de coopération au développement ou sur des questions d'immigration ou de commerce. Ils arrivent à refléter l'image de la présence canadienne sur le terrain et ils sont en écho également aux besoins du pays dans lequel nous sommes présents pour mieux exprimer ces besoins auprès des différents ministères qui sont à Ottawa.
Cette séparation des mandats des ministères présente des défis, mais si on réussit si bien sur le terrain, pourquoi ne pourrait-on pas réussir aussi bien avec une direction centrale? Le ministère des Affaires étrangères aura à assumer cette responsabilité d'intégration et d'animation avec les différents partenaires qui sont présents, soit sur un pays ou sur un dossier. C'est ce qu'on est en train de faire. Je ne sais pas si mes collègues de la Défense nationale et de l'ACDI veulent intervenir, mais nous le faisons déjà dans le cadre de l'Afrique.
Le sénateur Prud'homme : Il y a une direction, mais lorsqu'il y aura deux ou trois chapeaux, qu'est-ce qui arrivera?
Mme Bourcier : Nous aurons toujours une Direction de l'Afrique qui s'occupe des pays du Moyen-Orient et des pays du Maghreb comme il y aura une direction géographique de l'Amérique latine. La fonction, entre autres, de ces directeurs généraux sera de servir de point catalyseur et d'animateur tant au sein de la communauté qu'au ministère des Affaires étrangères. Des questions comme celles de la Francophonie qui interpelle l'Afrique, des questions sur le Commonwealth ou des questions de gouvernance peuvent être traité en terme de formulation de politique, mais l'application ou l'animation de la réflexion politique doit venir des « géographiques ».
M. Hunt : Peu importe les structures organisationnelles, je ne suis pas habitué à dire Mme Bourcier, c'est Anne-Marie pour moi. On se parle tous les trois presque tous les jours. C'est un travail d'équipe interministériel, c'est un travail horizontal pour le gouvernement. Denis a fait référence au concept de 3D, diplomatie, développement et défense. Maintenant, avec la séparation des deux organisations, on parle de 3D plus T et le commerce pour « trade ». Le commerce, pour notre équipe et pour l'ACDI, est un facteur très important dans la mise en œuvre d'une des initiatives de Kananaskis qui est le fonds d'investissement qui se prépare actuellement. Nous allons vous parler de cela dans les prochains jours. Je voulais souligner que c'est vraiment un travail d'équipe et que les décisions sont organisationnelles, on peut travailler comme cela sans problème.
[Traduction]
Le sénateur Prud'homme : J'ai un commentaire à faire. Je tiens tout d'abord à préciser que plus j'étudie cette question, plus je suis en désaccord total avec cette nouvelle intention exprimée par le gouvernement. Je laisserai faire les choses, comme M. Trudeau nous l'a toujours dit, afin de voir qui a raison et qui a tort. Je trouve que vous êtes extrêmement optimistes, très dévoués, et cela me plaît, mais je n'en continue pas moins de croire qu'il s'agit d'une énorme erreur, même si j'ignore comment nous allons nous en sortir. J'ai toutefois exprimé publiquement mon opinion.
[Français]
Le sénateur Robichaud : À vous écouter, on comprend que les interventions canadiennes sont bien organisées ici et sur le terrain, que le gouvernement canadien respecte bien ses engagements et qu'il livre la marchandise. Comment les autres pays qui se sont engagés livrent-ils la marchandise, si on peut comparer par rapport à ce que le Canada fait? À vous entendre, je pense que nous sommes là et il n'était pas question de niaiser; les autres en font-ils autant?
Mme Bourcier : Nous sommes invités à revenir demain pour vous parler de la réponse internationale. Alors, on pourra aller plus en détail sur la présence des autres partenaires. Si on regarde les efforts faits du côté du G8 et dans les perspectives d'aller plus loin que le rayonnement du G8, il est intéressant qu'après le sommet d'Evian, le G8 a accepté d'inviter des partenaires — comme les Néerlandais ou les pays du groupe Ulstein, les nordiques, la Norvège, la Suède, le Danemark qui sont déjà très présents en Afrique — à se joindre au forum de partenariat pour discuter avec les Africains sur la mise en œuvre du plan d'action pour l'Afrique. Le G8 ne peut pas être seul dans cet effort et il y a une réponse et un engagement intéressant de la part des autres partenaires qui sont déjà là de façon significative sur le continent africain.
[Traduction]
Le président : Si vous me permettez de vous interrompre, le sénateur Robichaud n'aurait pas pu le savoir parce que je n'avais pas lu les notes pour demain, mais on indique que demain, de même que mardi prochain, nous étudierons la réponse de la communauté internationale.
Je suis désolé, sénateur Robichaud, mais je ne croyais pas que c'était nécessaire.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Alors vous allez parler du NEPAD demain?
Mme Bourcier : On va revenir sur cette toile de fond dans la mesure où le NEPAD sert de vision pour les Africains. Cela a été adopté et retenu par l'Union africaine comme élément de sa vision et la réponse de la communauté internationale s'inscrit dans ce contexte.
Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on regarde les chartes que vous avez proposées, la scolarisation primaire et les progrès qu'on doit réaliser, on voit dans le graphique qu'il y a tout un écart à combler. On parle ensuite de santé; là aussi c'est un problème grave. Il y a une génération et peut-être deux qui se perdront. Porte-t-on suffisamment d'attention à l'éducation qui est à la base de beaucoup de ces problèmes et combien de temps avons-nous? Cela presse.
M. Hunt : En termes de priorités sectorielles pour le Canada, depuis l'an 2000, avec l'énoncé du ministère pour les priorités du développement social, le Canada a mis l'accent sur l'éducation de base pour la santé avec un effort accentué sur le VIH-sida, la protection des enfants. Dans l'énoncé du gouvernement, à l'heure actuelle, il y a quatre priorités visées : l'éducation, l'importance de la santé, l'accent sur le VIH-sida, la gouvernance et un effort accru sur le développement du secteur privé local pour susciter et renforcer la croissance pour créer de la richesse pour permettre des investissements importants dans les secteurs sociaux, et cetera.
Il faut souligner que le programme où le Canada a démontré un leadership depuis plusieurs années maintenant, dans le domaine de l'allègement de la dette, a permis à plusieurs pays africains de réinvestir leurs fonds dans les initiatives sectorielles, surtout les secteurs sociaux. Alors on voit les résultats à l'intérieur des plans d'investissement ou les plans nationaux qui s'appellent les documents de réduction de la pauvreté.
Quand on parle des investissements dans l'éducation, il faut aussi parler de l'importance des enjeux de santé et surtout du VIH-sida. Il faut trouver les ponts entre les investissements dans un secteur qui pourrait être bénéfique sur un autre secteur. Nous retrouvons partout l'importance et l'emphase de l'égalité des sexes. Cela doit se retrouver et se retrouve au sein des objectifs du développement du millénaire, l'accent sur les jeunes filles, les femmes dans le domaine de l'éducation, de la santé et du pouvoir économique.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, comme il est 19 h 30, le sénateur Corbin a aimablement accepté de remettre son intervention à plus tard. Je suis d'accord avec le sénateur Eyton. J'ai moi aussi beaucoup de questions à poser, mais nous ne disposons que d'une période de temps donnée.
Au nom de tous mes collègues, je tiens à remercier nos invités. Je suppose que certains d'entre vous seront présents demain lorsque nous étudierons la réponse de la communauté internationale. Je sais que nous avons travaillé avec d'autres pays sur un grand nombre de ces questions.
La séance est levée.