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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 11 - Témoignages du 12 avril 2005


OTTAWA, le mardi 12 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit ce jour à 15 h 35 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement de la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Le ministre nous a fait la grâce de venir nous rencontrer pour répondre à nos questions. Bienvenue à tous ceux qui sont venus assister à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Nous allons donc poursuivre notre étude spéciale sur l'Afrique, conformément à l'ordre de renvoi du Sénat daté du 8 décembre.

Nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Ralph Goodale, ministre des Finances, qui va nous parler du rapport de la Commission pour l'Afrique intitulé « Notre intérêt commun : Rapport de la Commission pour l'Afrique ». M. Goodale a fait partie de cette commission dont le rapport a été publié le 11 mars simultanément par Tony Blair, président de la Commission, à Londres, et par le premier ministre de l'Éthiopie, Meles Zenawi, lors de la réunion des chefs d'États africains à Addis Ababa.

[Français]

Le ministre est accompagné de M. Paul Boothe, sous-ministre délégué et représentant du Canada au G7.

[Traduction]

Bienvenue au Sénat du Canada. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

L'honorable Ralph Goodale, ministre des Finances : Merci de votre accueil fort aimable. Je suis accompagné de MM. Booth et Rayfuse du ministère. Paul Boothe est sous-ministre délégué au ministère des Finances, responsable des affaires internationales. Quant à M. Rayfuse, il est directeur de la Section du commerce internationale au ministère des Finances.

Honorables sénateurs, je me réjouis de cette occasion de vous parler du rapport de la Commission pour l'Afrique. À peu près à la même époque l'an dernier, je recevais un appel de Gordon Brown, chancelier de l'Exchequer en Angleterre, qui voulait savoir si je désirais siéger à la Commission pour l'Afrique, et inutile de vous dire que j'ai été ravi d'accepter cette invitation.

La Commission est une idée anglaise qui était, en quelque sorte, une façon pour les Anglais de se préparer à la présidence du G7-G8 en 2005. L'une des premières choses sur lesquelles le premier ministre Blair voulait se concentrer lors de tous les événements qui allaient marquer le G7-G8 en 2005, était précisément le dossier africain, parce qu'il fallait, comme il le mentionne parfois, redonner à l'Afrique la place proéminente qui lui revient dans l'agenda international.

Le Royaume-Uni a généreusement reconnu le rôle de premier plan que le Canada joue dans ce domaine depuis de nombreuses années. D'ailleurs, c'est le Canada qui a véritablement inscrit le dossier africain à l'ordre du jour du Sommet du G7-G8, à Kananaskis, en Alberta. À l'époque, les dirigeants de plusieurs pays africains venaient juste de lancer le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, mieux connu sous son acronyme NEPAD. Lors du sommet de Kananaskis en 2002, le Canada a mené les discussions sur le plan d'action du G8 en vue de répondre à l'initiative du NEPAD étant entendu au départ que l'impulsion, la direction, la propriété et le contrôle de toute initiative relative à l'Afrique revenaient aux Africains. Toutefois, le G7-G8 pouvait apporter son appui pour aider les Africains à réaliser leurs ambitions et leurs aspirations.

Grâce à cette prise de position déterminée du Canada en 2002, il était tout à fait normal, je pense, que le premier ministre Blair demande au Canada de participer à la rédaction de ce rapport intitulé « Notre intérêt commun : Rapport de la Commission pour l'Afrique », qui devait prendre le relais du Canada pour inscrire le dossier africain en tête du programme international.

Comme vous l'avez souligné, ce rapport a été publié le 11 mars et il a suscité beaucoup d'intérêt parmi la population qui s'est largement montrée favorable à son égard. Un peu plus tôt cette semaine, j'ai eu l'occasion de rencontrer les dirigeants d'une dizaine d'ONG canadiennes les plus connues qui s'intéressent au développement international. Ils m'ont fait remarquer qu'ils n'ont pas toujours de bonnes choses à dire à notre égard. Ils estiment être les chiens de garde de la société civile, si je puis m'exprimer ainsi, et il leur arrive souvent de critiquer les gouvernements et pas uniquement le nôtre. Il demeure que ces gens-là ont porté un jugement très positif au sujet du rapport de la Commission, concluant même que le programme international avait permis de faire beaucoup avancer le dossier africain.

Les ONG, dans les pays africains bien sûr, mais dans le reste du monde aussi, se sont beaucoup intéressées à ce que ce rapport indique quant à l'ampleur de l'aide internationale. Il recommande notamment de doubler l'aide internationale consentie à l'Afrique dans les quelques prochaines années. L'important est la qualité de cette aide, de même que les mécanismes mis en place pour la distribuer sont les principaux aspects qui ont retenu l'intérêt dans ce rapport, et s'ils sont évidemment très importants, je tiens cependant à souligner d'autres aspects du rapport tout aussi importants.

Je me propose notamment de vous parler du rôle fondamental et dynamique que les joueurs du secteur privé, sur place, peuvent assumer dans le développement de l'Afrique. Personnellement, j'y vois un domaine où il y a lieu d'encourager de nouvelles interventions et de favoriser l'instauration d'un climat favorable au développement. Cela s'inscrit d'ailleurs en prolongement du rapport Martin-Zedillo, des noms de notre premier ministre et de l'ex-président du Mexique, qui a été déposé aux Nations Unies il y a quelques mois. Ce rapport préconise de stimuler l'entrepreneuriat pour améliorer la situation dans les pays les moins développés et leur permettre de parvenir aux objectifs de développement du millénaire de l'ONU.

En plus des questions associées à l'ampleur et à la qualité de l'aide, le rapport de la Commission pour l'Afrique insiste aussi sur la capacité du secteur privé à véritablement changer les choses, en sorte qu'il sera sans doute très bien accueilli dans le cadre des événements du G7-G8 de cette année, surtout lors du sommet de Gleneagles. Nous voulons mobiliser l'appui derrière les idées énoncées dans ce rapport et nous estimons y être parvenus, notamment grâce à un chapitre entier consacré aux initiatives du secteur privé. Nous devons insister sur l'instauration d'un milieu davantage favorable à l'essor du secteur privé en Afrique, sur l'application d'un régime d'échanges commerciaux internationaux favorisant l'accès au marché et la suppression des distorsions économiques, la réalisation de meilleures infrastructures physiques et financières sur le continent africain et l'amélioration des services aux entreprises pour les entrepreneurs.

Je pense aussi que les questions de dette et de maladie sont extrêmement importantes si nous voulons parvenir à créer les conditions grâce auxquelles les Africains seront en mesure de progresser plus facilement vers un avenir meilleur, en plus de l'aide qu'ils recevront, d'un secteur privé porteur et d'un commerce international fructueux. Si nous parvenons à aider les pays africains à réduire leur dette et à combattre la maladie, nous contribuerons à abattre les obstacles qui freinent le développement africain. Dans des dossiers aussi importants que celui-ci, il faudra évidemment que tout le monde joigne le geste à la parole.

À cet égard, je suis heureux de vous annoncer certaines mesures qui ont été incluses dans notre tout dernier budget fédéral, déposé à la Chambre des communes le 23 février dernier. Ce budget prévoit en effet 3,4 milliards de dollars en cinq au titre de l'aide internationale dans le monde. Grâce à cette enveloppe, nous pourrons, comme le recommande ce rapport, doubler notre aide à l'Afrique d'ici 2008-2009. De plus, nous avons prévu 342 millions de dollars en initiatives spécifiquement axées sur la santé en vue de traiter ou de prévenir des maladies comme le VIH-sida, la malaria, la tuberculose et la poliomyélite. D'ailleurs, notre contribution à la campagne anti-poliomyélite en Afrique, sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, devrait permettre à l'OMC de réaliser à temps les objectifs prévus dans son programme d'immunisation et d'éradiquer la poliomyélite du continent africain d'ici la fin de 2005. Nous avons prévu d'accorder de nouvelles mesures d'allègement de la dette, à hauteur de 172 millions de dollars, pour reprendre notre position de chef de file international dans les questions d'allégement de la dette. Nous allons en outre affecter 500 millions de dollars sur cinq ans aux initiatives de paix et de sécurité, dont certaines sont spécifiquement destinées à l'Afrique.

Avant que je n'en finisse avec cette question de la dette, monsieur le président, parce que je serais heureux de rentrer dans les détails plus tard, je tiens à informer votre comité que, demain, le Canada va annoncer d'autres mesures destinées à réduire le fardeau de la dette des pays les moins développés. Comme vous le savez sans doute, nous avons lancé une initiative exceptionnelle qui porte le nom d'Initiative canadienne à l'égard de la dette. M. Rayfuse vous en a d'ailleurs parlé en comité. Au fil des ans, cette initiative va nous permettre d'alléger la dette des pays étrangers de 1,1 milliard de dollars supplémentaires, sur une base bilatérale et à la seule l'initiative du Canada. Nombre de pays ont déjà bénéficié de ce programme et bien d'autres en profiteront dans l'avenir. Demain, nous allons annoncer que l'Initiative canadienne à l'égard de la dette va être étendue au Honduras, au Rwanda et à la Zambie. Ces trois pays viendront s'ajouter à la liste de tous ceux qui ont déjà bénéficié de ce programme : le Sénégal, le Ghana, l'Éthiopie, Madagascar, la Tanzanie, le Bénin, Guyana et la Bolivie. Tous ont donc bénéficié de cette initiative canadienne et je suis heureux de vous répéter que, demain, nous allons en ajouter trois autres dont deux se trouvent sur le continent africain.

Le budget revêt une autre importance en ce sens qu'il s'attaque à d'autres dossiers, monsieur le président. Ainsi, nous avons sensiblement réformé la gestion de notre enveloppe d'aide internationale, ce qui va nous permettre d'être plus efficaces et d'énoncer des priorités pour l'aide que nous consentons dans le monde. Dans le cadre de cette enveloppe, nous avons prévu un fonds de crise qui est susceptible de nous permettre de répondre plus rapidement en cas d'événements catastrophiques dans le monde. Malgré toutes les initiatives dont je viens de vous parler, nous savons qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour mener à terme ce que nous avons entrepris. Monsieur le président, le Canada maintiendra son engagement envers l'Afrique, dans le contexte de ce qui est annoncé dans ce rapport et plus encore.

Ce week-end, je vais rencontrer des Américains qui sont des figures de proue du monde politique, du milieu des affaires et des ONG à Washington, en marge des réunions du printemps de la Banque mondiale et du FMI. Je participerai à un groupe de discussion en compagnie d'autres membres de la Commission pour l'Afrique sur le thème de nos plans d'avenir en réponse aux problèmes de l'Afrique pour nous assurer, parce que nous voulons nous assurer que, dans le contexte politique américain, ce rapport soit bien compris.

J'aurai également l'occasion, plus tard dans le mois, de participer à une réunion du Conseil canadien pour l'Afrique qui va se dérouler à Toronto. Comme vous le savez, le conseil désire instaurer des liens commerciaux entre les Canadiens et les Africains afin de contribuer à faire progresser le continent africain.

Enfin, et bien sûr, nous avons tous les yeux fixés sur le sommet du G8 qui va se dérouler à Gleneagles en juin prochain. Nous tenons, en 2005, à récupérer les fruits de ce rapport, après que le Canada a planté un premier arbre à Kananaskis en 2002. Nous allons poursuivre nos efforts en vue d'améliorer l'administration globale de nos programmes d'aide pour que la mise en œuvre de l'enveloppe d'aide internationale donne les résultats escomptés.

Il est complexe de mobiliser les ressources nécessaires pour contribuer à cette enveloppe et nous voulons faire en sorte que la dimension administration soit la plus efficace et la plus focalisée possible, à la fois pour répondre aux exigences des contribuables canadiens, mais aussi et sans doute encore et plus encore, pour faire en sorte que les sommes investies changent vraiment les choses dans la vie des plus pauvres de la planète qui ont besoin de notre aide.

Le président : Je tiens à dire, en réponse à votre allusion au Conseil canadien pour l'Afrique, que nous l'avons invité à venir témoigner devant le comité le mois prochain. Nous allons arrêter une date prochainement.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais réagir au sujet de certains des aspects contenus dans ce rapport et j'aimerais commencer par savoir si, selon vous, ce rapport va contribuer à la réalisation du processus NEPAD. Vous ne nous l'avez pas dit. J'ai l'impression qu'à l'époque où ce processus a été lancé — je me rappelle parfaitement les remarques du premier ministre Blair — l'objectif visé n'était pas de supplanter ou de mettre de côté l'initiative NEPAD, mais simplement de faire notre part et donc de corriger la situation passée, parce que nous n'avons pas encore atteint l'objectif de 0,7 p. 100 que nous nous étions fixé en 1975. En effet, nous n'avons pas encore fait notre part en fournissant l'aide financière et technique envers laquelle nous nous étions engagés, même si nous avons demandé aux leaders africains d'être plus responsables envers leur population et de commencer à gouverner de façon différente, et ils nous avaient d'ailleurs dit dans un rapport provisoire la façon dont ils comptaient s'y prendre pour y parvenir. Vous dites que votre budget met l'accent sur l'aide au développement, ce qui n'empêche que, depuis dix ans, nous ne cessons de reculer dans nos efforts en matière d'aide internationale et les critiques vous diront que l'augmentation des sommes que nous avons investies à ce chapitre au cours des deux dernières années nous amène à peine au niveau du début des années 90. Nous avons donc beaucoup de rattrapage à faire. Que pensez-vous de tout cela?

Deuxièmement, si je ne me trompe pas dans mes calculs, d'après ceux qui suivent ce genre de dossier, nous n'avons pas encore établi un calendrier pour parvenir aux objectifs fixés. Je sais que trois autres pays viennent de s'ajouter et vous pourriez peut-être me dire lesquels. Au départ, sept pays ont atteint, voire dépassé l'objectif de 0,7 p. 100. Six autres étaient fixés à un échéancier précis et envisageaient de parvenir à cet objectif d'ici 2015. Le Canada prévoit-il d'adopter un tel calendrier, et dans l'affirmative, quand va-t-il le faire? Ainsi, nous pourrons voir si nous allons être en position d'honorer nos obligations à l'époque où les objectifs du millénaire feront l'objet d'un examen. Voilà quelques questions d'ensemble que je tenais à vous poser.

Personnellement, je me pose toujours beaucoup de questions relativement à l'assistance à apporter aux plus pauvres des pauvres, parce qu'il faut toujours se demander pourquoi ces pays-là sont en queue de peloton. Est-ce à cause de problèmes d'administration ou à cause d'autres facteurs qui échappent à la maîtrise des gouvernements de ces pays? Récemment, le parlement panafricain, auquel j'ai eu le privilège de siéger, a commencé à débattre au sujet de la définition du mot « pauvreté » afin de tenir compte de la pauvreté réelle plutôt que du seuil de pauvreté. Tenons-nous compte de cela pour aider ceux qui s'aident eux-mêmes à grimper d'un cran?

M. Goodale : Sénateur Andreychuk, je tiens tout d'abord à reconnaître l'intérêt personnel que vous entretenez de longue date pour les questions d'aide étrangère, surtout en ce qui concerne l'Afrique, et l'expérience que vous avez dans ce domaine. Vous avez suivi un éminent parcours, qui est très connu et qui est également, je crois, très respecté.

Il se trouve que, dans toutes les questions touchant, par exemple, aux initiatives d'allègement de la dette, nous n'avons eu de cesse de me dire qu'il fallait effectivement alléger le fardeau de la dette de certains pays, mais qu'il fallait, d'abord et avant tout, appliquer certains principes allant par delà l'initiative PPTE. L'un de ces principes, c'est que l'aide doit venir en supplément des autres formes d'aide, sans la remplacer, mais constituer un apport supplémentaire. Deuxièmement, les initiatives entreprises doivent être équitables pour les différents pays visés par le PPTE et pour ceux qui ont d'énormes problèmes de dette, mais qui, techniquement, ne répondent pas à la définition de PPTE.

Troisièmement, l'aide doit être assortie de mesures d'incitation à l'adoption de bons principes du gouvernement, des principes de démocratie, de reddition de comptes, de transparence et autres. Ce genre de conditions est automatiquement intégré dans le cadre du système PPTE. En revanche, pour les pays qui ne sont pas des PPTE, il existe des moyens parallèles de mesurer ce genre d'intervention et nous estimons qu'il y a lieu, dans le cas des pays qui font tout ce qu'ils peuvent pour répondre aux besoins de santé, d'éducation et de services sociaux de leur population, de trouver des moyens de les aider et de renforcer leurs économies, de contribuer à l'amélioration des systèmes de gouvernance, à l'amélioration du climat pour leur secteur privé respectif, pour ce qui est des régimes juridiques, fiscaux, réglementaires et autres, et tous ces pays méritent que les pays riches réagissent comme il se doit. Il est un fait que les aspects que vous avez mentionnés entrent prioritairement en ligne de compte.

S'agissant du positionnement de ce rapport relativement au NEPAD, il faut dire que celui-ci est explicitement destiné à appuyer le NEPAD, sans prétention ni exigence. Il n'a pas pour objet de remplacer le NEPAD, mais plutôt d'appuyer ce que les dirigeants africains veulent faire dans le cadre du NEPAD, c'est-à-dire en fonction des priorités et des plans qu'ils ont eux-mêmes fixés.

Comme vous le savez, cela fait des décennies pour ne pas dire des siècles, que les pays riches, de l'occident et de l'hémisphère nord, agissent de façon paternaliste envers le continent africain. Les Africains travaillent très fort aujourd'hui pour essayer de se dégager de cette image et nous ne voulons certainement pas réinstaurer un paternalisme malsain dans l'administration de nos programmes d'aide. Il faut retenir que les mesures recommandées dans le rapport de la Commission pour l'Afrique sont effectivement destinées à aller dans le sens du NEPAD.

Pour ce qui est du niveau d'aide, le rapport énonce effectivement un objectif global de 0,7 p. 100. Le Canada continue d'œuvre dans ce sens. Nous n'avons pas encore fixé le genre d'échéancier dont vous parliez, mais la réalisation de cet objectif demeure une inspiration canadienne.

Le rapport recommande plus précisément, en ce qui concerne l'Afrique, que les pays doublent leur engagement d'ici la fin de la présente décennie. Je suis d'ailleurs très heureux de vous annoncer que le Canada y parviendra. D'ici 2008- 2009, nous aurons doublé les flux d'aide vers l'Afrique, par rapport à l'exercice financier de 2003-2004. Nous travaillons à la réalisation de l'objectif global, qui est en fait un objectif mondial, de 0,7 p. 100.

Pour ce qui est des flux d'aide passés au Canada, comme vous le disiez, les pourcentages ont fluctué. Cela tient au fait que les taux de croissance et le PIB ont également fluctué. En dollars absolus, toutefois, la contribution canadienne n'a cessé d'augmenter d'année en année.

Notre engagement le plus récent remonte à l'époque de la rencontre de Monterrey où nous nous sommes engagés à augmenter annuellement notre aide d'environ 8 p. 100, ce qui nous permettra de doubler le niveau de financement de l'aide internationale entre 2002 et 2012. Nous sommes en bonne voie de parvenir à cet objectif. Jusqu'ici, nous travaillons dans ce sens en augmentant annuellement notre aide d'environ 8 p. 100 et je suis heureux de vous dire que dans mon budget du mois dernier, nous avons décidé que, plutôt que de progresser par tranche annuelle, nous opterions pour des investissements quinquennaux qui correspond au cadre financier en vigueur. Ainsi, après l'ajout de 3,4 milliards de dollars dans son budget fédéral, le Canada est à une année de doubler son aide internationale, conformément à ses engagements de Monterrey, et nous parviendrons à cet objectif avec le budget de l'an prochain.

Le sénateur Andreychuk : En contribuant à la commission, est-ce que nous ne nous sommes pas engagés à adopter un échéancier? Si oui, le Canada va-t-il le faire? Je crois savoir que l'Allemagne en a adopté un il y a deux jours. Le Royaume-Uni en a également un, et cette exigence est clairement énoncée dans le rapport. Nous y avons adhéré. N'est- ce pas?

M. Goodale : Le rapport en question, sénateur Andreychuk, a été rédigé par 17 personnes et aucuns des membres de la commission n'ont siégé à cette instance en qualité de ministres ou de premiers ministres ni même de représentant national. Nous étions là à titre individuel, porté par l'intérêt que nous entretenons pour ce sujet et par l'espoir de finir par convaincre le reste du monde du bien-fondé de l'action que nous recommandons.

Certains pays parviendront à atteindre les objectifs fixés plus vite que d'autres. Certains se concentreront sur tel aspectplutôt que sur tel autre. Nous espérons que le rapport stimulera l'adoption de tout un éventail de mesures partout dans le monde, mais qu'il ne s'agit pas du rapport d'un pays en particulier. Il s'agit d'un recueil de points de vue de 17 particuliers qui veulent faire la différence dans le dossier Afrique et qui poussent, mais à titre personnel, pour que le contenu de ce rapport soit adopté.

Le sénateur Downe : Dans votre exposé, vous avez parlé de l'enveloppe de l'aide internationale, d'un fonds de crise qui a été constitué au niveau de l'ACDI. Je crois que c'est le terme que vous avez employé. Combien ce fonds contient- il et qu'adviendra-t-il de l'argent s'il n'est pas dépensé pour des situations de crise perçue?

M. Goodale : Je vais demander à mes fonctionnaires de vous décrire la structure de cette enveloppe, d'un point de vue technique. Je crois que nous venons, grâce à cet instrument, d'améliorer considérablement l'administration de l'enveloppe. Comme vous pouvez l'imaginer, dès qu'il y aura une situation de crise, cette enveloppe sera très sollicitée, notamment pour consentir une aide financière ou contribuer aux efforts de reconstruction après une catastrophe, et grâce à cet instrument, nous ne prendrons plus de décision aussi désordonnée que par le passé.

Nous avons essayé d'instaurer des fonds de crise distincts, dans des structures d'enveloppe et de gestion distinctes, pour nous assurer que l'argent parvient là où il doit aller dans des délais raisonnables. M. Boothe a beaucoup fait pour organiser tout cela et je vais donc lui demander de nous expliquer la façon dont ça fonctionne.

M. Paul Boothe, sous-ministre délégué et représentant du Canada au G7, ministère des Finances Canada : Sénateur, nous avons créé cinq fonds, le plus important, de loin, étant le fonds de développement qui est administré par l'ACDI.

Nous avons d'autres fonds, plus petits mais tout aussi importants, que nous appelons « fonds de recherche » et qui sont destinés à financer, par exemple, le travail du CRDI en matière de recherche et de développement. Il y a aussi un fonds pour la paix et la sécurité destiné à financer les efforts déployés par le Canada dans le domaine de la sécurité et de la paix.

Il y aussi le fonds des IFI, soit les institutions financières internationales, qui sert à alimenter nos contributions à la Banque mondiale, au FMI et nos initiatives d'allègement de la dette.

Enfin, le fonds dont vous parlez est le fonds de crise. Ce fonds a été constitué pour permettre au Canada d'avoir les capacités voulues afin de réagir en cas d'urgence ou de crise internationale sans pour autant déranger le financement à long terme qu'il assure au développement, par exemple. Par le passé, c'est le problème auquel nous étions confrontés. Nous avions une enveloppe et, en cas de crise, nous nous disions « comment va-t-on faire face à cela », parce que nous devions rajuster nos priorités à très court terme. Nous avons jugé qu'il était bien mieux de ne pas toucher à certains fonds pour ne pas altérer le travail.

Le fonds de crise, une fois que cette enveloppe aura été complètement dotée, sera de 200 millions de dollars, c'est-à- dire en deux ans. Nous avons commencé à investir 75 millions de cette année et le fonds progressera à raison de 150 millions de dollars l'année prochaine en sorte que, à terme, il atteindra 200 millions de dollars.

Il s'agit bien sûr d'un travail en cours, d'un système d'administration, et nous allons devoir acquérir une certaine expérience dans la façon de gérer les 200 millions de dollars en cas de crise. Nous espérons que, grâce à cela, nous parviendrons à protéger les fonds de recherche et de développement et qu'il ne sera pas nécessaire de les solliciter pour réagir aux crises occasionnelles.

Le sénateur Downe : J'ai une dernière question. Je vais essayer de faire court.

Monsieur le ministre, un groupe d'entraide agricole, de l'Île-du-Prince-Édouard, travaille surtout au Kenya depuis au moins 25 ans à des petits projets de développement. Dans les régions agricoles bénéficiaires, beaucoup de femmes doivent parcourir quotidiennement des kilomètres pour aller chercher de l'eau.Sans l'aide de l'ACDI, elles n'auraient pas pu financer les quelque 60 points de collecte d'eau qui ont été installés. Le groupe en question a financé l'achat de réfrigérateurs pour des exploitants de ferme laitière dont la production tournait à cause de la chaleur. Les Canadiens, forts de leur expérience, sont retournés à plusieurs reprises au Kenya.

L'une des répercussions imprévues du budget, c'est que l'ACDI a indiqué à ce groupe qu'il ne pourrait plus le financer à parité, comme il l'avait fait par le passé. Je crois savoir que, pour chaque dollar investi par ce groupe, l'ACDI versait 2 $ et voilà que le ministère vient dire que ce programme n'est pas renouvelé et qu'il faudra attendre au moins un an avant de savoir s'il sera restauré. Les gens sont très préoccupés, parce que les Kenyans comptent sur eux. Ils ne savent pas comment cela s'est produit et ils ont l'impression de laisser tomber les gens qu'ils aident au Kenya.

J'ai ici des documents que je pourrais vous laisser. Je comprends bien que vous n'allez pas pouvoir nous répondre aujourd'hui, mais je me demande si vos fonctionnaires ne pourraient pas le faire par la suite, et si vous ne pourriez pas vous pencher sur cette situation.

M. Goodale : Je serais très heureux d'examiner cela. En fait, c'est l'ACDI qui a pris cette décision à l'interne, mais je veillerai à ce que la ministre Carroll soit mise au courant et je peux vous garantir que nous allons nous attacher à obtenir une réponse de cette organisation pour savoir exactement ce qu'il en est.

Le président : Je sais que les gens se posent des questions au sujet de ce rapport, je veux parler de ce volume pesant que nous avons ici. Je ne l'ai reçu qu'hier et j'ai beaucoup de difficultés à affronter ce rapport de 3 000 pages produit par l'ONU. Il y a tellement de rapports qu'on peut se demander s'il vaut la peine d'essayer de se procurer un exemplaire de celui-ci.

M. Goodale : Il est accessible sur Internet.

Le président : C'est toujours plus facile de l'avoir en format papier.

Le sénateur Andreychuk : C'est un excellent résumé.

Le président : Comme je le disais, je ne l'ai reçu qu'hier, et j'ai eu de la difficulté à me le procurer, mais nous allons faire ce que nous pouvons. Je vois que des gens ici se demandent ce dont il s'agit.

M. Goodale : Mon personnel vient juste de m'indiquer que nous en avons des exemplaires au ministère des Finances. Nous n'en avons qu'un nombre limité, mais nous pourrions vous permettre d'en avoir quelques-uns.

Le président : Est-ce que le rapport existe en français? Y a-t-il des exemplaires en français?

M. Goodale : Je ne pense pas que les Anglais en aient imprimé en français.

Le président : Il semble que certaines parties du rapport aient été traduites.

M. Goodale : C'est en cours de traduction.

Le président : Eh bien, nous allons faire avec ce que nous avons, et je vais essayer d'obtenir des exemplaires en français, mais c'est tout ce que nous pouvons faire pour l'instant. Comme je le disais, il est facile de s'y perdre dans un rapport aussi volumineux.

Le sénateur Di Nino : Merci de vous être déplacé. Nous apprécions toujours que vous veniez nous donner un coup de main, monsieur le ministre.

Nous hésitons depuis des années et nous ne semblons pas avoir beaucoup progressé. La pauvreté ne cesse d'augmenter. De nombreux pays africains sont dans une situation désespérée, depuis de nombreuses années. Quand le sénateur Dallaire a comparu devant nous, il nous a parlé du facteur désespoir en Afrique et des répercussions qu'il risque d'avoir sur le monde, dans l'avenir. Je crois pourtant que le monde a déployé un véritable effort, notamment le Canada, bien que, comme mon collègue l'a dit, nous n'avons certainement pas fait assez pour faire une différence.

On dit de l'aide qu'elle n'est en fait qu'une obole. D'aucuns, à travers le monde, soutiennent que, tant que nous ne nous attaquerons pas aux problèmes économiques — c'est-à-dire au chômage chronique, à la nécessité de créer des emplois — nous ne résoudrons rien.

Dans vos remarques, vous avez parlé de façon générale de l'orientation que nous prenons et qui ne semble pas avoir donné des résultats. Votre ministère ou le gouvernement a-t-il envisagé de changer de cap pour justement s'attaquer aux problèmes économiques, pour favoriser la création d'emploi?

M. Goodale : La situation sur le continent africain représente un défi énorme. D'après les recherches et les analyses contenues dans notre rapport et d'après le peu de temps que j'ai pu moi-même passer en Afrique l'année dernière pour prendre contact avec la réalité africaine, même si je ne veux pas sous-estimer l'ampleur des défis, je ne veux pas vous donner l'impression que la situation est désespérée. Je crois que nous avons réalisé des progrès et que nous allons avoir l'occasion d'en faire davantage.

Pour ce qui est du milieu commercial, par exemple, et de l'instauration de conditions favorables à l'essor et à la réussite d'entrepreneurs africains locaux, nous avons constaté de véritables progrès dans des pays comme le Botswana et la Tanzanie. Pour ce qui est de la violence sur le continent, et je suis sûr qu'aucun autre Canadien que le général Dallaire ne connaît la situation, il y a 10 ou 15 ans, une vingtaine de pays d'Afrique étaient aux prises avec des remous très violents. Aujourd'hui, il n'y en a plus que quatre à six et l'on peut donc parler de véritable amélioration sur ce plan.

S'agissant des questions de corruption, qui expliquent notamment pourquoi le climat des affaires n'est pas plus favorable, le Nigeria, par exemple, sous un nouveau régime, est en train de s'efforcer de régler ce problème, du moins d'en parler publiquement et d'attirer l'attention nationale et internationale sur les efforts qu'il déploie pour le régler.

Hier, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la ministre des Finances du Nigeria, Mme Ngozi, qui vient d'Abuja. Elle admet que, si le Nigeria veut obtenir gain de cause dans sa demande de réduction de sa dette, il doit prouver qu'il est capable de bien s'administrer et de réaliser des progrès sur le plan de la lutte à la corruption et sur d'autres plans.

Des progrès ont été faits, mais est-ce assez? De toute évidence pas.

Votre question révèle que tout cela ne se ramène pas à une simple question de gros sous. La quantité et la qualité de l'aide sont des éléments très importants de l'équation, mais l'instauration d'un climat dans lequel les PME africaines pourront croître et se développer est l'autre partie de l'équation. La lutte contre la corruption est une partie de la solution, comme l'abaissement du niveau de violence, l'amélioration des systèmes de gouvernance, l'instauration de régimes réglementaires et financiers favorables à de bonnes pratiques commerciales, la lutte contre la maladie, surtout contre les ravages du sida qui a disséminé des familles entières et qui porte un lourd coup à la population active de ces pays.

Nous faisons face à un ensemble de problèmes très complexes. Avons-nous réalisé suffisamment de progrès jusqu'ici? Non, nous n'avons pas réalisé assez de progrès et, par « nous », j'englobe tout le monde. Nous avons bien fait quelques progrès ici et là, mais il est certain que nous devons nous aspirer du contenu de ce rapport pour le mettre en œuvre. Il nous faudra plus que de l'argent, il nous faudra notamment l'élément que vous avez mentionné, c'est-à-dire un milieu favorable à l'essor des entreprises afin de déployer, non seulement, toute la capacité du gouvernement, mais aussi celle du secteur privé ce qui, au bout du compte, fera sans doute une grande différence.

Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites, monsieur le ministre. Toutefois, celui ou celle qui a l'estomac vide est plus susceptible de tomber malade, de tomber dans la corruption ou de s'écarter du droit chemin. Je me demande si une partie des milliards de dollars d'aide internationale que nous dirigeons vers ces pays ne pourrait pas être exclusivement consacrée à la création d'emplois et de débouchés commerciaux, éventuellement en partenariat avec des entreprises qui ne s'attendraient pas à dégager des bénéfices. Nous pourrions peut-être diriger une partie de cette aide pour remplacer les bénéfices manquants. Ainsi, nous pourrions remplir quelques estomacs et sans doute éradiquer, dans une petite mesure — mais des progrès seraient réalisés dans le temps — toutes les autres maladies que l'on trouve sur ce continent.

Dans la même veine, l'agriculture est sans doute le secteur d'activité le plus important en Afrique. Pourtant, les pays occidentaux, dont le Canada, financent leurs produits agricoles au point que les produits africains ne sont pas compétitifs quand ils arrivent sur nos marchés. C'est ce dont je veux parler, d'un point de vue économique, je veux parler des emplois et des débouchés commerciaux grâce auxquels les Africains pourraient devenir autonomes, trouver une certaine dignité et un certain respect en eux-mêmes pour ne pas risquer d'occasionner d'autres problèmes.

M. Goodale : Sénateur, vous venez de parler de plusieurs aspects au sujet desquels vous avez tout à fait raison et qui sont tout à fait pertinents. Eh bien, je suis heureux de pouvoir vous dire que tous ces aspects sont visés dans notre rapport et que le Canada a déjà entrepris d'en régler un grand nombre.

À la suite de l'exercice de Kananaskis, en 2000, par exemple, nous avons créé le Fonds d'investissement Canada pour l'Afrique qui consiste à investir en Afrique, à parité avec des homologues sur place, afin d'améliorer les débouchés commerciaux. En vertu des parties du rapport qui concerne le secteur privé, nous cherchons des initiatives canadiennes déjà existantes. Il y en a une qui s'appelle Enablis.

Monsieur le président, il s'agit d'un groupe qui, si je ne m'abuse, est basé à Montréal. Vous devriez peut-être les inviter afin qu'ils vous décrivent ce qu'ils font dans le cadre de leur partenariat avec le secteur privé en Afrique du Sud. Il s'agit d'une initiative que nous pouvons financer et que nous encourageons pour favoriser le resserrement des liens commerciaux.

Pour ce qui est du programme commercial, il faut savoir que le Canada est tout à fait favorable à l'une des retombées de la série de Doha qui va non seulement dans notre intérêt national, mais qui va également permettre d'aider des continents comme l'Afrique. Nous voulons en effet éliminer nos subventions à l'exportation. Nous voulons nettement réduire les niveaux d'appui au commerce international qui provoquent des distorsions dans les échanges. Nous voulons améliorer l'accès aux marchés dans le monde entier.

Nous sommes, à bien des égards, en avance par rapport à nos homologues européens et américains parce que nous sommes ouverts aux demandes qui nous viennent des pays africains.

Nous avons beaucoup à faire au sujet de ce programme d'échanges commerciaux afin qu'il inclue l'Afrique dans toute la mesure du possible.

Le sénateur Carney : Nous nous sommes rendu compte, à ce comité, qu'il est difficile de parler de l'Afrique de façon très générale. C'est un peu comme parler de l'Europe ou de l'Asie. Le continent africain est composé de nombreux pays qui en sont à des stades de développement différents. On nous a également dit que l'avenir de l'Afrique ne se situe pas forcément dans les échanges nord-sud, qu'il n'y a pas beaucoup d'importations de produits africains et que nous n'exportons pas beaucoup là-bas, et que les échanges sud-nord entre pays africains sont plus importants.

Des représentants de certains pays concernés sont venus nous dire que le Canada pourrait intervenir en leur nom pour prêcher en faveur de l'élimination d'organisations comme le FMI et la Banque mondiale. On nous a sans cesse répété, au cours de nos audiences, qu'en général le FMI et la Banque mondiale font beaucoup plus de mal que de bien dans ces pays, parce que les objectifs énoncés et les disciplines imposées pour les prêts viennent perturber les économies locales.

Le rapport en traite. Comme nous l'avons dit, nous n'avons pas de rapport, mais le résumé dit que la Banque mondiale et le FMI devraient accorder une plus grande priorité à l'Afrique. Si ces institutions ne travaillent pas pour les pays africains qui sont leur client, quels changements pensez-vous que nous allons apporter?

M. Goodale : Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne les échanges sud-sud qui sont relativement plus importants pour le continent africain que les échanges nord-sud. À la façon dont je comprends ceux qui ont calculé les barrières au commerce, il y aurait plus de tarifs et de restrictions commerciales entre les pays du continent africain qu'entre l'Afrique et, par exemple, l'Europe et l'Amérique du Nord.

Nous espérons que Doha va produire des résultats favorables aux échanges internationaux dans le monde entier et, si nous nous limitons uniquement aux échanges nord-sud, nous n'aurons pas fait assez. Le flux d'échanges dans le continent africain même doit être considérablement amélioré, ce qui pourrait sans doute se faire beaucoup plus vite que pour certains marchés distants.

Outre le fait qu'il faudra trouver quelque chose de favorable à l'Afrique dans le cycle de Doha, d'autres problèmes vont se poser. Il y a par exemple, celui de l'infrastructure physique. Même si vous avez un débouché commercial, comment allez-vous acheminer la marchandise du point A au point B si vous devez faire tout le tour de la Corne d'Afrique? Le transport, les communications, l'énergie, l'eau et l'infrastructure sur le continent américain sont fondamentaux et l'absence de telles infrastructures freine bien des choses, notamment le commerce.

Il y a un autre problème auquel il convient de s'attaquer à l'interne et à propos duquel le Canada pourrait jouer un rôle utile, je veux parler de la préparation aux échanges commerciaux. Si les obstacles au commerce sont supprimés — que ce soit au sein du continent africain ou entre l'Afrique et les autres parties du monde — y aura-t-il des entreprises locales susceptibles de bénéficier des nouveaux débouchés commerciaux et en mesure d'instaurer des modèles commerciaux qui pourront bien servir l'Afrique? Nous avons donc ici à faire à un problème de création des capacités.

Pour ce qui est des institutions financières internationales, nous venons de fêter le 60e anniversaire de la Banque mondiale et du FMI. Marcel Massé et Kevin Lynch sont en train d'effectuer un examen stratégique interne de ces institutions. Le Canada joue un rôle très actif dans cet examen et dans la façon dont nous pourrions faire en sorte que ces institutions internationales soient plus utiles pour des continents comme l'Afrique. Nous sommes d'ailleurs en train de travailler sur certaines idées à ce sujet.

Je vais illustrer mon propos en vous parlant du Nigeria. Bien que ce pays regorge de ressources pétrolières, il croule également sous une dette énorme. Un important flux de ses capitaux sert annuellement à rembourser le service de la dette, plutôt qu'à aboutir dans les investissements en santé, en logement, en développement social, en éducation ou en lutte contre la maladie.

Le Nigeria cherche une façon d'alléger cette dette. Le pays se rend bien compte qu'il va devoir se soumettre au processus du Club de Paris pour atteindre ce résultat. Pour que le Club de Paris s'intéresse à lui, il faudra qu'il instaure des relations satisfaisantes avec le FMI, ce qui est une des conditions pour être admis dans ce club et obtenir un allègement de la dette afin d'atteindre les priorités qu'on s'est fixées.

Le président : Pourriez-vous un peu nous parler du Club de Paris, pour ceux qui ne connaîtraient pas son fonctionnement?

M. Goodale : Le Club de Paris est un groupe international composé de 19 pays et dont le Canada est membre. À l'occasion, sur une base consensuelle, il cherche à alléger la dette des pays dans le monde. Mes fonctionnaires vous donneront une explication plus technique de ce qu'est le Club de Paris, dont le nom respire le snobisme. Je ne suis pas certain que l'on veuille faire partie du Club de Paris, parce que cela veut dire qu'il y en a qui vous doivent beaucoup d'argent.

Et voilà le problème. Comment parvenir à instaurer des relations satisfaisantes entre le Nigeria et le FMI pour que l'on puisse envisager de réduire la dette de ce pays en agissant au niveau du Club de Paris?

Le Canada a recommandé un nouveau véhicule, un nouvel instrument FMI, afin de faciliter les choses dans le cas de pays comme le Nigeria. Pour l'instant, il n'existe que deux formes d'engagement du FMI. L'engagement aux termes de l'article 4 consiste en une évaluation normale, effectuée régulièrement une fois par an, des résultats financiers des pays examinés. Le rapport sur le Canada vient d'être émis il y a deux mois à peine — et je dois dire qu'il est très favorable —, mais cela obéit donc à une sorte de surveillance routinière. Au pôle opposé, se trouve l'intervention directe du FMI qui applique une approche plutôt stricte. Des prêts sont consentis et des conditions très strictes sont imposées.

Le Nigeria estime qu'à cause de raisons politiques et économiques, il n'est plus en mesure d'accepter des interventions aussi musclées de la part du FMI. Le Canada a donc recommandé une approche se situant entre les deux pôles que je viens de vous décrire, qui serait un mélange entre un examen superficiel et l'intervention musclée du FMI. Nous avons recommandé une sorte de système de surveillance appliqué par le pays même, qui ne serait pas assorti de prêt, mais le FMI offrirait des services de surveillance et de conseil, suivant sa rigueur habituelle. Nous estimons qu'il vaut la peine de convaincre les membres du Club de Paris que si le Nigeria bénéficiait de ce genre d'engagement intermédiaire de la part du FMI, il vaudrait la peine de lui ouvrir nos portes pour envisager un allègement de sa dette.

Le sénateur Carney : Eh bien je voulais dire que c'est exactement le problème, parce que des pays sont venus nous dire qu'il fallait régler le problème de l'intervention directe par le FMI et des disciplines rigoureuses qu'il impose. C'est ce genre d'intervention qui est responsable de tous les dégâts, parce que l'application des disciplines s'accompagne généralement d'un retrait de subvention et autres. Je ne parle pas ici de réduction de la dette. Je parle du fonctionnement même du pays et des prix et du chômage élevé qui sont une conséquence de ce genre d'intervention. C'est là l'héritage du FMI.

L'idée que le FMI fasse de la surveillance est plutôt paternaliste — et cela dit en tout respect pour le Canada—, mais les pays concernés veulent que l'aide qu'on leur apporte leur permette de régler leurs problèmes. La surveillance peut être utile, mais que pourrait faire le Canada pour s'assurer que ces organismes internationaux — qui, comme vous venez de le souligner, entrent dans leur soixantième année — répondent davantage aux besoins des clients sans perturber leurs économies?

Il y a certainement quelque chose que nous puissions faire pour aider, sans pour autant parler de réduction de dette et sans parler d'acheter davantage de biens.

M. Goodale : Je pense que le 60e anniversaire et l'examen stratégique des institutions vont nous donner l'occasion de mettre de nouvelles idées sur la table. La raison pour laquelle Mme Ngozi, la ministre du Nigeria, m'a téléphoné hier, c'est qu'elle voulait remercier le Canada d'être intervenu en son nom en suggérant la création de ce nouvel instrument au FMI, instrument qui serait susceptible de l'aider à franchir la porte du Club de Paris et donc de bénéficier de l'allègement de la dette qu'il désire, moyennant certaines conditions — des conditions que le pays établirait lui-même — pour économiser en coût de la dette et investir de nouveau dans la lutte contre le sida, dans le construction d'écoles et dans le développement économique des collectivités.

J'ai pris le Nigeria comme exemple de l'application de l'idée canadienne qui est en train de faire sa marque dans le monde. Grâce à Marcel Massé et à Kevin Lynch, nous travaillons sur toute une série d'idées destinées à faire en sorte que le FMI à la Banque mondiale soit mieux adapté à notre époque et mène des interventions plus utiles en matière d'allègement de la dette, étant entendu qu'il s'agit d'institutions financières et qu'il est donc important de respecter les principes de l'intégrité financière. Il demeure que nous devons trouver une façon moderne de répondre aux besoins criants de certains pays.

Le sénateur Carney : Je vais prendre de l'avance sur le président, mais pensez-vous que cet examen sera terminé à temps pour pouvoir servir à notre comité ou pensez-vous que nous pourrions recevoir un rapport provisoire? Il s'agit d'une question à laquelle nous devons apporter une réponse dans notre rapport.

M. Goodale : Je serai à Washington le week-end prochain, pour les réunions régulières du printemps du FMI et de la Banque mondiale et je demanderais à M. Lynch et à M. Massé où ils en sont. Étant donné qu'à l'occasion de leurs déplacements fréquents dans le monde, ils reviennent souvent au Canada, je pourrais vous recommander de les inviter dans le cadre de vos audiences. Ce sont des gens de terrain, comme nos représentants auprès de ces deux institutions.

Le président : Nous avons pris bonne note de cela, sénateur Carney et monsieur le ministre, et c'est ce que nous allons faire. Je veux revenir ce que le sénateur Carney vient de dire. Malgré la participation assidue des membres de ce comité sur l'Afrique — le taux de fréquentation est très élevé à nos audiences et l'excellent travail qui a été fait et qui m'ont beaucoup surpris — nous ne cessons de tomber sur deux ou trois aspects qui ne sont toujours pas réglés. Il s'agit de l'agriculture et des problèmes liés aux institutions internationales. Nous n'avons pas entendu cela de la bouche de citoyens ordinaires. Cela, ce sont des ambassadeurs, des gens qui parlent au nom de leur gouvernement, qui nous le disent. Ce n'est pas une paille, pour traduire littéralement de l'espagnol.

Il serait intéressant que nous puissions parler de l'orientation des choses dans notre rapport et du fait qu'une réforme s'impose. Je sais que nous commençons à manquer de temps, mais dans le cas de la Zambie, par exemple, les IFM ont obligé ce pays à libéraliser son secteur agricole au point où il est presque en faillite parce qu'il ne peut pas résister aux diverses pressions. Vous avez dit que nous ne faisons pas cela au Canada. Pourquoi ne demanderions-nous pas aux autres de faire la même chose?

Voilà autant de questions que beaucoup ont posé au comité.

M. Goodale : Une pensée me vient à l'esprit et je crois qu'elle va tout à fait dans le sens que vous venez de dire. À l'heure où nous tendons vers les résultats définitifs de la série de Doha sur les négociations commerciales, par exemple, et je pense particulièrement au secteur agricole, ce qui pourrait fonctionner pour l'agriculteur moyen dans le Dakota du Nord ou du Sud ou pour l'agriculteur moyen en France ou, pour ce qui nous concerne, pour l'agriculteur moyen de Red Deer ou de Brandon, pourrait ne pas fonctionner pour le paysan du Mali ou de la Tanzanie.

Ainsi, nous devons veiller à ce que le cycle de Doha ne donne pas des formules que l'on penserait applicables à tous. Il se pourrait que certaines pratiques commerciales interdites dans le nord soient nécessaires pendant un temps sur le continent africain, histoire de permettre un certain rattrapage.

Le président : C'est exactement ce que je pensais.

Le sénateur Carney : J'ai une question supplémentaire à poser ce sujet. Je sais que vous pouvez vous appuyer sur les délibérations de notre comité, mais l'inverse est aussi vrai. Dans le cadre de cet examen, le comité pourrait-il dégager, avant que vous ne déposiez votre rapport, certaines de ces tendances et certains des problèmes soulevés par les pays destinataires de notre aide?

M. Goodale : Si vous voulez que je fasse part de certaines de vos réflexions à cet égard à MM. Massé et Lynch, sachez que je serais heureux de le faire.

Le sénateur De Bané : Monsieur le ministre, je veux vous parler, à vous-même et à vos fonctionnaires, de trois problèmes. La Banque mondiale, qui est un participant important, vient de réaliser une étude sur l'endettement des pays africains pour voir si celui-ci tient à un problème de liquidité, de trésorerie, ou s'il fait obstacle au développement durable — parce qu'à cause de leur endettement, il est impossible à ces pays d'atteindre le développement économique étant donné que leur dette est trop lourde.

Je crois savoir que l'un des principaux auteurs de cette étude de la Banque mondiale est un haut fonctionnaire canadien, M. Nawal Kamel. Ces auteurs en sont venus à la conclusion que dans ces pays, le problème ne se limite pas à une question de liquidité, et que l'endettement fait obstacle au développement de ces pays.

J'aimerais savoir si, sous votre gouverne, l'État canadien ne pourrait pas prendre la tête de certaines actions visant à alléger l'endettement des pays les plus pauvres parce qu'à cause de leur dette, ils ne peuvent rien faire. Voilà pour ma première question.

Deuxièmement, notre directeur de la recherche nous a préparé un sommaire des recommandations de la Commission pour l'Afrique dont vous avez été l'un des principaux auteurs. Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce sommaire, ce sont les sept chapitres, les sept domaines d'intervention pour l'Afrique. Dans la première colonne, il est question de ce que les Africains peuvent faire et, dans l'autre, de ce que les pays riches peuvent faire pour les aider, que ce soit en matière de gouvernance, de paix et de sécurité, d'investissement dans la population, de croissance et de pauvreté ou de commerce. Il est aussi question de la façon dont tout cela doit s'articuler. Une colonne montre ce que les pays africains doivent faire de leur côté — ce que personne ne peut faire pour eux — et dans l'autre colonne, il y a ce que les pays riches peuvent faire.

Au sujet de cette deuxième colonne, votre ministère pourrait-il nous dire ce que les pays donateurs peuvent faire et comment le Canada pourrait donner suite aux recommandations concernant les pays riches. Il y a beaucoup de recommandations, mais j'aimerais savoir ce que le gouvernement du Canada, sous votre gouverne, pourrait faire dans ces domaines.

Enfin, permettez-moi de vous faire quelques remarques : la communauté internationale, par le truchement de la Banque mondiale, du FMI et du Club de Paris, aide déjà l'Afrique. La communauté internationale est déjà présente sur place.

Deuxièmement, les pays bailleurs de fonds se réunissent régulièrement pour essayer de collaborer à propos du genre d'action menée dans ces pays.

Voilà ce que je veux vous dire à présent : pensez-vous que l'on puisse envisager que quatre ou cinq pays riches s'intéressent chacun à certains pays en Afrique, plutôt que d'avoir à dire que tous les pays riches doivent s'occuper de tout le continent? Au bout du compte, cela ne changerait rien. La communauté internationale est déjà présente par l'intermédiaire des organisations internationales. Deuxièmement, avec ces quatre ou cinq autres pays, le Canada pourrait assumer la responsabilité de certains pays africains en particulier. Pour ce qui est du barrage au Congo, si le Canada était l'un des cinq pays, nous pourrions dire que nous joignons ainsi le geste à la parole.

M. Goodale : Pour ce qui est des questions d'allègement de la dette, beaucoup de pays, et c'est triste à dire, ont un niveau d'endettement qui n'a plus rien à voir avec la gestion de la trésorerie et qui est devenu un véritable obstacle au développement. Le Canada s'est engagé à alléger la dette de quatre façons.

D'abord, il y a l'initiative du Club de Paris, dont nous parlions plus tôt, qui est une institution internationale permanente; deuxièmement, nous intervenons par le biais d'un ensemble d'initiatives appelées PPTE, c'est-à-dire les initiatives d'aide aux pays pauvres très endettés, qui arrivaient à terme l'année dernière et qui ont été prolongées pour deux ans afin de permettre au processus de donner les résultats escomptés. Les initiatives PPTE visent à mettre en place le genre de stimulant adapté pour que les pays améliorent leur gouvernance et leur situation socio-économique, tout en allégeant leur dette. Jusqu'ici, le Canada a contribué à ces initiatives de PPTE à hauteur de 312 millions de dollars environ. Dans mon budget d'il y a un mois et demi, j'ai réservé 34 autres millions de dollars à cet égard.

Troisièmement, nous participons à l'Initiative canadienne à l'égard de la dette, qui est une initiative bilatérale concernant ce que certains pays nous doivent directement. Nous avons investi environ 600 millions de dollars dans ce programme jusqu'ici, et nous allons en investir 600 millions de plus. Comme je le disais, demain, nous allons ajouter trois pays à la liste de ceux qui bénéficient de cette remise de dette. Quand nous aurons investi les 1,2 milliard de dollars prévus, nous aurons entièrement éliminé cette dette dans le monde. Dès que des pays parviennent à certains seuils, nous les inscrivons sur cette liste.

Enfin, il y a une autre proposition que j'ai annoncée, il y a deux mois environ, lors des dernières rencontres du G7, et qui a fait l'objet d'un poste dans mon budget. Cette proposition est la suivante : les pays riches pourraient assumer le coût du service de la dette des pays qui, soit sont admissibles à une initiative PPTE, soit respectent des normes équivalentes. Cette mesure concernerait les dettes multilatérales, autrement dit les dettes envers la Banque mondiale et le FMI et envers le Fonds de développement pour l'Afrique. Nous proposons simplement d'assumer les intérêts de la dette sur une période de dix ans, fardeau qui serait réparti proportionnellement entre les différents pays prêteurs. Autrement dit, les pays qui paieraient la facture pourraient investir leurs propres ressources dans l'éducation, la lutte contre le sida, l'amélioration de l'économie locale et la réalisation d'autres améliorations sur le plan social que nous pourrions souhaiter.

On assiste actuellement à des tiraillements au sein du FMI sur la solution à appliquer d'un point de vue technique. Le Canada est prêt à investir au moins 172 millions de dollars — déjà prévu dans mon budget — pour couvrir nos obligations envers la Banque mondiale et le Fonds développement pour l'Afrique. Nous sommes également disposés à poser à peu la même somme sur la table dans le cas des obligations envers le FMI. Grâce à ce plan, 50 ou 60 des pays les plus lourdement endettés dans le monde, et qui essaient de se sortir d'affaire, bénéficieraient d'un solide coup de main sur une période de dix ans pendant laquelle ils n'auraient pas à payer les banquiers et où ils pourraient plutôt se concentrer sur les améliorations socio-économiques à apporter chez eux. Voilà les quatre façons dont le Canada pourrait aider.

Nous pouvons faire une différence en plus de doubler notre aide destinée à l'Afrique. C'est l'une des choses que nous essayons de faire pour l'instant. L'autre domaine où nous sommes actifs est celui des investissements dans la lutte contre la tuberculose, la malaria, le sida et le VIH. Nous investissons des sommes additionnelles, dans le cadre de l'enveloppe d'aide internationale, au titre des initiatives de promotion de la paix et de la sécurité afin d'alléger la situation des pays en conflit où les pertes en vies humaines sont importantes.

Le Canada peut véritablement changer les choses en améliorant la qualité et la quantité de son aide internationale, en s'attaquant aux problèmes des pays endettés, en combattant la maladie dans ces pays et en contribuant à l'amélioration des économies locales.

Pour ce qui est du resserrement de la coordination et de la focalisation des efforts de l'aide internationale sur ce continent, vous êtes de bon conseil. À l'heure où nous parlons, la ministre Carroll est en train de travailler à cette solution dans le cadre de sa réorientation de l'ACDI. Plutôt que d'essayer de faire peu pour beaucoup, nous voudrions concentrer les efforts du Canada et les coordonner avec ceux des autres bailleurs de fonds pour ne pas tous essayer de régler les mêmes problèmes avec les mêmes solutions.

Quand j'étais en Tanzanie, l'an dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de sept ou huit autres pays bailleurs de fonds, y compris des Anglais, des Hollandais et des Américains. Il conviendrait que nous répétions plus fréquemment ce genre d'expérience pour que ces gens-là sachent ce que nous faisons, que nous échangions à propos de nos priorités, afin d'augmenter sans doute les répercussions de ce que nous faisons collectivement.

Le président : Je dois vous rappeler, chers collègues, que la ministre Carroll sera des nôtres le 11 mai.

Le sénateur Corbin : La direction de la recherche de notre comité a préparé un rapport portant sur l'origine des ressources financières et indiquant que les facilités financières internationales devraient injecter davantage d'argent et qu'il faudrait également lever de nouvelles taxes internationales. Qu'en pensez-vous?

Dans votre exposé, monsieur le ministre, vous avez parlé d'une prochaine série de réunions avec le FMI, la Banque mondiale et des institutions du genre. Vous avez ajouté que vous allez sans doute avoir une autre réunion avec des Américains pour vous assurer que votre rapport soit bien compris. Pouvez-vous nous parler de l'attitude des Américains face à tout cet exercice?

M. Goodale : Voilà deux questions importantes.

Pour ce qui est de l'acheminement de l'aide et de l'importance de l'enveloppe disponible, le Royaume-Uni a avancé l'idée d'une facilité financière internationale. Je pense que cela pourrait fonctionner dans le cadre des systèmes comptables européens. L'idée poursuivie est celle-ci : les Anglais se sont dit que, dans les limites de leur cadre budgétaire, ils pourraient prévoir une aide internationale sur les 10 à 15 prochaines années. Pour accélérer les flux financiers au titre de l'aide internationale, à court terme, ils se projetteraient dans le temps d'environ 10 ans, sur un plan comptable, pour constater le genre d'aide qu'ils auraient offerte à ce moment-là pour la débloquer tout de suite, mais en la comptabilisant à long terme plutôt qu'à court terme. Autrement dit, cela revient à un calcul de dépréciation à rebours. Je ne sais pas si cette technique fonctionne d'après le système comptable européen, et l'Union européenne est en train d'étudier la question, mais je préférerais ne pas l'essayer auprès de notre vérificatrice générale. Je crois que son avis ne serait pas très favorable.

Les Européens, mais surtout les Anglais, envisagent d'adopter ce genre de facilité. Nous, nous avons dit qu'elle pourrait fonctionner, mais que nous n'en étions pas certain dans le contexte nord-américain. Les Américains, eux, ont dit la même chose parce que leur système comptable ne permet pas ce genre de pirouette et nous allons donc envisager des méthodes plus directes d'accroître notre aide plutôt que de recourir à une technique comptable pour modifier les inscriptions comptables à long terme et les transformer en inscriptions concernant des liquidités à court terme. Ce serait bien si cela fonctionnait dans le cas des Européens. Nous, nous allons devoir trouver autre chose, parce que la Vérificatrice générale ne serait pas d'accord avec cette formule.

L'autre idée européenne est la question des taxes internationales imposées les transactions financières, qu'ils appellent la taxe kérosène, du nom du carburant aviation. Pendant qu'ils nous récitaient la litanie de tout ce qui pourrait être visé par ce régime de taxe internationale, j'ai demandé : « Pourquoi ne vous lancez-vous pas dans la vente des armes? », ce qui les a déconcertés. Je ne sais pas si cela peut fonctionner pour les Européens ou pas, mais selon nous, ça ne marchera pas.

Plutôt que de consacrer du temps et des efforts sur tous ces mécanismes pour essayer d'accroître les recettes, ou du moins ce qui semble être des recettes, le Canada conseille simplement de s'attaquer au cœur du problème. Nous devons trouver davantage de ressources. Voilà quelle doit être l'obligation de chaque pays.Il n'est pas possible de produire plus d'aide par un simple jeu comptable. Il faut trouver des liquidités et il faut assumer ses responsabilités. C'est ce que le Canada fait tous les ans par lebiais de son enveloppe internationale. Actuellement, celle-ci estde 3,6 milliards de dollars par an. Elle augmente au rythmede 8 p. 100 annuellement, 8 p. 100 d'argent neuf que nous ajoutons année après année. Voilà des sommes véritables, palpables, qui ne cessent d'augmenter.

Les Américains n'aiment certainement pas l'idée d'une taxe internationale et ils n'aiment pas non plus l'idée d'une facilité financière internationale, mais je pense que mon homologue, John Snow, est véritablement déterminé à faire passer ces instruments. Lors de la rencontre bilatérale que j'aurai en sa compagnie, samedi à Washington, il va vouloir savoir ce que donne le rapport. Il a été membre de la commission. Il aimerait savoir ce que le Canada pense de ce rapport et quel rôle les Américains pourraient jouer. Dans la plupart des rencontres internationales, M. Snow formule toujours des idées. Parfois nous sommes d'accord avec elles et, parfois, nous sommes en désaccord,mais il s'assoit toujours avec nous et essaie de participer activement au recentrage de la communauté internationale sur les besoins de l'Afrique. Un citoyen américain, ancien sénateur était l'un des 17 membres de la commission.

Le week-end prochain, à l'occasion de la couverture médiatique de la réunion, à Washington, du FMI, de la Banque mondiale et des ministres des Finances du G7, nous allons vouloir profiter de cette publicité pour parler de la Commission pour l'Afrique dans les médias américains, pour expliquer pour quelle raison cette commission a été mise sur pied, présenter ses conclusions et parler des recommandations que nous attendons d'elle dans l'avenir.

Le président : Merci beaucoup. Le sénateur Robichaud veut vous poser une brève question. Le ministre va devoir partir sous peu.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que le gouvernement canadien ou que les Canadiens pouvaient avoir une certaine influence dans l'économie régionale. Est-ce que nous en faisons suffisamment? Des témoins nous ont dit que lorsque certains pays ont été plus ou moins forcés d'entreprendre des démarches pour se conformer aux recommandations du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, les gens s'étaient appauvris considérablement et ces interventions n'avaient pas tellement aidé la population. Qui plus est, on produisait des biens qui ne trouvaient pas preneur et on produisait beaucoup moins pour la consommation du pays.

[Traduction]

M. Goodale : Voilà un aspect qui nécessite notre attention. Nous devons poursuivre l'idée d'apporter des changements aux institutions financières internationales à l'occasion de l'examen stratégique qui est en cours. Je serais très heureux que ce comité me fasse part de recommandations quant à ce que MM. Massé et Lynch pourraient indiquer à nos représentants à la Banque mondiale et au FMI. Ce serait très utile d'inviter ces deux messieurs dans l'avenir pour qu'ils vous parlent directement de la façon dont les institutions financières internationales pourraient modifier leur comportement afin d'être plus utiles aux collectivités locales.

Je conclurais en vous présentant un cas de réussite canadien, modeste mais tout de même important, dont j'ai entendu parler tout à fait par hasard à Dar es Salaam. C'est un cas d'entrepreneuriat local à l'état brut. Il est toujours très intéressant de voir ce qui se passe sur le marché, mais celui-ci a besoin d'institutions financières locales pour faciliter les milliers de transactions commerciales qui se déroulent de façon tout à fait officieuse. Le Canada est présent sur place grâce à une grande institution financière canadienne, Desjardins, qui a contribué à créer une institution financière locale qui a mis sur pied les structures institutionnelles nécessaires à l'entrepreneuriat local.

Il existe d'autres exemples d'interventions canadiennes tout à fait encourageantes qui vont dans le même sens un peu partout sur le continent africain. Le Canada est très bien considéré sur le continent, mais j'estime que nous devons poursuivre nos efforts afin de gagner la confiance et le respect des Africains et de jouer un rôle véritablement constructif.

Le président : Eh bien, au nom du comité, permettez-moi de vous remercier pour cette séance qui a été très intéressante.

Nous allons à présent accueillir M. Klaus Büttner qui sera accompagné de Jean-François Croft. Après cela, nous passerons à M. J. Perry Maisonneuve.

Bienvenue au Sénat du Canada. Vous avez la parole, monsieur Büttner.

M. Klaus Büttner, vice-président régional, Afrique, Europe et Moyen-Orient, Exportation et Développement Canada : Honorables sénateurs, Exportation et Développement Canada est l'agence officielle du crédit à l'exportation pour le Canada. En tant que tel, nous avons pour mission d'appuyer les exportateurs et les investisseurs canadiens à l'étranger en leur offrant des services financiers et d'assurance. Ces services nous permettent d'aider des clients du secteur privé canadien sur tous les marchés étrangers, mais encore plus sur les marchés émergents comme l'Afrique.

[Français]

Je vais commencer par vous fournir quelques chiffres sur notre volume d'affaires en 2004. En 2004, EDC a appuyé des exportateurs et des investisseurs canadiens en Afrique en fournissant des services de financement et d'assurance d'une valeur totale de 1 038 000 000 de dollars. Ce montant inclut les activités en Afrique du Nord où la présence des entreprises canadiennes est fortement ancrée depuis longtemps, notamment en Algérie. Le volume d'affaires d'EDC en Afrique subsaharienne est de 387 millions de dollars; ce sont les montants de 2004.

[Traduction]

En 2004, nous avons mis en œuvre toutes les principales gammes de produits de l'EDC en Afrique : financement, assurance pour risque politique, contrat d'assurance et de cautionnement, de même que d'assurance crédit à court terme. Si EDC a concentré le financement et l'assurance pour risque politique des transactions dans un nombre limité de pays, beaucoup de petites et moyennes entreprises se sont prévalues de nos assurances crédit à court terme ainsi que de nos servicesde contrat d'assurance et de cautionnement, parfois pour de toutes petites transactions de moins de 100 000 $, et cela dansun grand nombre de pays africains. Ce faisant, en 2004, EDC a été en mesure de soutenir 225 entreprises canadiennes dans 34 des 54 pays africains.

Les acheteurs étrangers de matériels et de services canadiens bénéficient indirectement de l'appui d'EDC. Cela étant, EDC appuie le développement du secteur privé sur le continent africain, notamment en ce qui concerne les PME, parce que certaines de ces petites transactions interviennent effectivement entre PME.

[Français]

EDC est prête à appuyer les exportateurs et les investisseurs canadiens dans le monde entier, sous réserve de certaines conditions, notamment celles qui touchent les retombées au Canada, en anglais « Canadian benefits », l'environnement, l'absence de corruption et le risque financier pour EDC.

[Traduction]

Que ce soit en Afrique ou dans d'autres parties du monde, EDC se doit à elle-même et à ses actionnaires — c'est-à- dire le gouvernement et, ultimement, les Canadiennes et les Canadiens — de ne pas se lancer dans des transactions représentant un niveau de risque inacceptable du point de vue financier ou pour sa réputation.

D'un autre côté, EDC comprend bien ce qu'est son rôle, son mandat, c'est-à-dire de garantir des transactions représentant des risques élevés. C'est pour cette raison qu'EDC peut compter sur des spécialistes de pays dans ses groupes du risque politique, du développement économique et des affaires et des assurances, spécialistes qui sont en mesure de déterminer si une transaction à risque est acceptable ou non.

Avant de vous parler de l'appui que nous apportons au secteur privé, je dois préciser que la capacité d'EDC de consentir au financement aux gouvernements d'un certain nombre de pays africains est limitée non seulement par le risque de non-remboursement de la dette dans l'avenir ou de radiation de cette dette, mais aussi par les restrictions imposées par le Fonds monétaire international. En effet, en vertu de certains programmes du FMI, concernant 19 pays africains, les gouvernements ne peuvent pas emprunter suivant des conditions commerciales. Les gouvernements en question ne peuvent qu'emprunter hors condition commerciale, ce qui veut dire qu'ils ne peuvent que bénéficier d'une aide.

L'intention du FMI est louable, mais pour EDC, cela veut dire que nous ne pouvons pas assurer un financement souverain à ces pays. En revanche, même quand nous garantissons les transactions du secteur privé, nous subissons les répercussions de ce genre de contraintes. EDC s'est dotée de plusieurs groupes de personnel qui connaissent bien l'Afrique, ce qui nous permet d'assurer les transactions dont beaucoup de financiers se tiennent loin.

Nous disposons de ce genre de compétences pour les produits qui se situent aux deux pôles opposés, c'est-à-dire les assurances crédit pour les transactions de petite envergure et les assurances pour les transactions concernant les projets de grande ampleur. Dans un cas, EDC est en mesure d'identifier les banques locales, sur place, dont elle peut accepter les lettres de crédit pour rassurer les banques canadiennes afin qu'elles permettent la transaction.

Dans l'autre cas, EDC jouit d'une solide réputation auprès des banques qui financent les projets internationaux, en qualité d'institution de financement importante qui peut amener les responsables de projets d'acquisition à l'étranger à choisir des fournisseurs de matériel ou de services canadiens.

[Français]

Même si EDC croit que sa capacité à répondre aux besoins des entreprises canadiennes qui requièrent des services de financement et d'assurance à l'appui de leurs contrats éventuels en Afrique est généralement satisfaisante dans les circonstances, elle a décidé d'accroître son rôle pour promouvoir de manière active les occasions d'affaires en Afrique des entreprises canadiennes, en sensibilisant le marché et en s'alliant à d'autres entités.

[Traduction]

Il existe essentiellement trois composantes de la stratégie d'EDC en Afrique.

D'abord, nous avons resserré la collaboration avec d'autres ministères fédéraux. Deuxièmement, nous avons lancé davantage d'initiatives conjointes avec le secteur privé. Troisièmement, dans l'avenir, nous allons devoir explorer des débouchés pour collaborer avec le nouveau Fonds de développement pour l'Afrique, mis en place par le Canada, qui va être annoncé publiquement lors d'une grande conférence sur le financement, à Toronto, à la fin du mois.

Cette soumission est axée sur les deux types de partenariat. Vient d'abord l'accroissement de la collaboration interministérielle avec d'autres ministères fédéraux. Lors d'une rencontre entre EDC et le MAECI, il y a environ deux ans, il a été décidé de mettre sur pied un groupe de travail conjoint sur l'Afrique.

Ce groupe s'est réuni à plusieurs reprises au cours des deux dernières années et, l'an dernier, il a été élargi pour accueillir des représentants d'autres ministères et organismes fédéraux, comme le CCC, l'ACDI et Ressources naturelles Canada.

Anne-Marie Bourcier, directrice générale au MAECI, et moi-même avons coprésidé ce groupe dès sa mise sur pied. Nous avons déjà produit des résultats palpables, notamment sous la forme d'un meilleur alignement de nos priorités et activités respectives et d'une amélioration de la circulation de l'information sur les débouchés d'affaires entre les ministères et les organismes.

Ces résultats ont également été intéressants pour les entreprises canadiennes, parce qu'elles veulent pouvoir compter sur la connaissance réciproque que les ministères fédéraux ont les uns des autres, afin de pouvoir s'adresser au bon service du premier coup.

Certes, EDC est déterminée à resserrer la collaboration avec ses partenaires au sein du groupe de travail sur l'Afrique de même qu'avec d'autres organismes des gouvernements fédéral et provinciaux.

Je vais brièvement vous parler d'autres initiatives conjointes avec le secteur privé dans le cadre desquelles EDC collabore étroitement avec des entreprises et des associations de gens d'affaires régionales, comme le Forum francophone des affaires ou la Chambre de commerce Afrique du Sud-Canada, et cela de longue date.

Cependant, jusqu'ici, il nous manquait une association de gens d'affaires régionale s'intéressant à tout le continent africain. C'est chose maintenant faite, car il en existe une. Il s'agit du Conseil canadien pour l'Afrique.

EDC est un partenaire de premier plan du Conseil canadien pour l'Afrique, notamment sur le plan financier, mais nous avons aussi contribué à la création du site Internet du Conseil et nous avons co-organisé plusieurs événements de cet organisme.

Ce faisant, le conseil est devenu le principal partenaire d'EDC pour promouvoir les débouchés d'affaires en Afrique dans l'intérêt du secteur privé canadien.

En conclusion, il faut dire que la l'Afrique est un continent qui présente des ressources naturelles et qu'EDC est connue pour avoir appuyé un certain nombre de projets importants dans les secteurs de l'exploitation minière, pétrolière et gazière, en intervenant pour des entreprises canadiennes qui avaient besoin d'un appui sous la forme de financement ou de produit d'assurance.

Toutefois, EDC est prête à apporter son soutien à ses clients des petites et moyennes entreprises en recensant et en remportant des appels d'offre de marché dans toute une diversité de secteurs.

Il n'est pas toujours facile de faire affaire avec certains pays africains et avec un certain nombre de régions en développement, pour des raisons financières ou de réputation, mais l'Afrique a commencé à changer et l'apparition d'un secteur privé plus dynamique dans les économies africaines devrait permettre d'améliorer les pratiques commerciales et donc le climat des affaires pour les entreprises canadiennes et pour EDC qui désire être plus présente sur ce continent. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

M. J. Perry Maisonneuve, directeur, Les Aurores Boréales Consultants en franchise : Je vais être relativement bref. J'ai pris la liberté de préparer un court mémoire que vous pourrez suivre. Je vous ai également fait remettre des exemplaires du rapport sur lequel je vais appuyer mes remarques. Pour commencer, je vais brièvement vous présenter Northern Lights Franchise Consultants Corporation et vous expliquer les raisons pour lesquelles nous témoignons devant vous aujourd'hui. Nous sommes une firme de consultation en gestion spécialisée dans les PME au Canada et, en 2002, la Banque africaine de développement nous a demandé de réaliser une étude sur la possibilité de recourir aux franchises et à la production sous licence en tant que stratégie de développement des PME en Afrique.

Le premier problème tient au fait que la franchise est considérée comme une formule purement nord-américaine ou occidentale et, étant donné ce que nous savons de la corruption, de l'absence d'état de droit et des autres problèmes en Afrique, il y a lieu de se demander si les systèmes de franchisage pourraient fonctionner là-bas.

Nous avons donc mis sur pied une équipe d'une quinzaine de spécialistes comprenant des économistes, des avocats et des gens d'affaires, pour étudier le franchisage en Afrique. Nous nous sommes concentrés, dans nos recherches, sur quatre pays africains : l'Afrique, du Sud, l'Égypte, le Maroc et la Côte d'Ivoire.

Par la suite, nous sommes allés travailler au Nigeria, en Éthiopie et dans d'autres régions de l'Afrique, mais surtout au Niger. Je reviendrai un peu plus tard sur les remarques du ministre Goodale au sujet du Niger.

Je vais commencer par vous faire part de certaines remarques.

Tout d'abord, comme tout le monde le sait, les PME en Afrique représentent 90 p. 100 du secteur privé.

Ce qui est intéressant, c'est que ce secteur des PME contribue à plus de 50 p. 100 du PIB en Afrique.

Toutefois, 90 p. 100 de ces PME font faillite dans les deux ans suivant leur création. Soit dit en passant, ce taux n'est pas forcément différent de celui que l'on constate au Canada. Grâce au franchisage en Afrique, surtout en Afrique du Sud, les entreprises concernées, c'est-à-dire les franchisées, connaissent des taux de faillite de 13 p. 100, ce qui est nettement inférieur à celui enregistré pour les PME en général.

Ainsi, la mise en œuvre de stratégies de franchisage et de production sous licence pour les PME africaines pourrait avoir des effets très positifs sur la création de richesses, la réduction de la pauvreté et la création d'emplois.

Il y a un aspect qu'il convient de souligner, et vous verrez dans le mémoire une carte d'Afrique qui illustre cette réalité. Nous avons constaté que, sur 40 p. 100 du continent africain, le franchisage et la production sous licence concernent 58 p. 100 de la population totale.

En outre, quand nous avons étudié les environnements favorables pour les comparer à ceux des soi-disant gros marchés émergents comme l'Inde, la Chine, l'Indonésie et la Russie, nous avons constaté que la majorité de ces pays africains présentent des environnements porteurs comparables à ces autres pays, voire meilleurs dans certains cas.

Je trouve cela très intéressant. Ainsi, nous pourrions étendre à 80 p. 100 des pays africains, représentant 70 p. 100 des économies et 80 p. 100 de la population, les systèmes de franchisage et de production sous licence.

Contrairement à la croyance populaire, les environnements porteurs ne posent pas forcément problème. Nous trouvons particulièrement intéressant, pour reprendre l'exemple de l'Afrique du Sud, où l'on trouve un secteur de franchise rès dynamique et viable, avec quelque 500 franchisés par rapport aux 1 500 que l'on recense au Canada — statistique intéressante par rapport à ce qui se passe dans une économie occidentale développée —, 83 p. 100 des franchisés sont des locaux et, sur ce nombre, 56 p. 100 ont réussi à s'étendre dans d'autres pays sub-sahariens.

Le président : Je ne veux pas vous interrompre, mais pourriez-vous nous donner un exemple d'une franchise détenue par des locaux?

M. Maisonneuve : Nandos est une chaîne de restauration rapide qui a obtenu d'excellents résultats en Afrique du Sud et qui vient même de s'installer au Canada. Steers est un autre concurrent de McDonald. Debonairs est une chaîne de pizzeria à service rapide. L'Academy of Math and Science, qui offre des cours privés, s'est aussi installée au Canada. Les exemples ne manquent pas. Il existe aussi le marché des pièces et accessoires d'autos. Enfin, que ce soit dans la vente au détail ou dans l'alimentation, tous les secteurs se lancent dans divers secteurs de service.

Le président : À l'extérieur de l'Afrique du Sud?

M. Maisonneuve : Oui.

Je trouve particulièrement intéressant que l'association des franchisés d'Afrique du Sud se soit baptisée Franchise Association of Southern Africa, c'est-à-dire de tout le sud de l'Afrique, comme vous pouvez le constater sur la carte.

Quand on voit qu'une franchise sud-africaine fait des affaires au Nigeria, tandis que les McDonald, Pizza Hut, Poulet frit Kentucky et autres ne sont pas présents, il y a lieu de se demander ce que ces entreprises sud-africaines savent faire et que les systèmes occidentaux, malgré tout leur raffinement, ne savent pas faire. Nous nous sommes dit que tout illustre une réalité : les Africains savent comment réussir en affaires chez eux. Les entreprises africaines ont donc un avantage concurrentiel. Il est essentiel, pour le développement du secteur privé, que l'Afrique mise sur ses forces dans ce domaine.

L'autre exemple que je veux vous donner est celui d'une société du Zimbabwe, cotée en bourse, du nom de Innscor. Elle exploite des franchises, dont les premières étaient originaires d'Afrique du Sud, et d'autres qui se sont créées sur place, et cela dans 15 pays sub-sahariens. Innscor est maintenant en train d'essayer d'attirer une franchise canadienne dans les pays d'Afrique sub-saharienne, pour en faire une figure de proue de son groupe. Les occasions ne manquent pas là-bas.

Tout ce que le ministre vous a dit au sujet des infrastructures est entièrement exact. Pourquoi les entreprises africaines réussissent-elles? Comment parviennent-elles à s'affranchir du fait que l'on ne peut pas miser sur un approvisionnement régulier en électricité et que l'eau n'est pas toujours propre? La réponse, c'est qu'elles intègrent ces difficultés dans leur coût en capital. Elles bâtissent des systèmes de purification de l'eau et se dotent de groupes électrogènes, et ce genre d'investissement supplémentaire est compensé par des coûts de main-d'œuvre et des loyers inférieurs. Le rendement est d'environ 30 à 35 p. 100, ce qui est phénoménal. C'est absolument incroyable selon les normes nord-américaines.

Je crois qu'il existe un énorme potentiel de développement dans le secteur privé, surtout pour les PME et je crois que le gouvernement canadien pourrait assumer un rôle direct et proactif pour stimuler ce genre d'entreprises. J'espère que nous allons en parler cet après-midi.

On m'a demandé de vous entretenir de nos rapports avec les institutions financières internationales. Eh bien, j'ai personnellement directement traité avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le cas de ceux deux institutions, c'est que les notions de secteur privé et d'entrepreneuriat sont nouvelles pour elles. Elles ne comprennent pas vraiment la façon dont raisonnent les entrepreneurs ou les gens d'affaires en général. Il y a un fossé culturel entre le monde des affaires et ces gens-là, fossé qui s'agrandit dans le cas des franchises, ce que ne comprennent pas vraiment les universitaires, le secteur privé ou le milieu des affaires en général en Amérique du Nord. Le franchisage est vu un peu comme une anomalie dans le secteur du développement économique.

Pour ce qui est de nos rapports avec la fonction publique canadienne, il faut savoir que nous traitons directement avec Commerce international Canada, avec EDC et l'ACDI. De façon générale, les représentants canadiens dans nos missions commerciales avec qui nous avons traité, et les agents d'EDC, à l'étranger et au Canada, font un excellent travail du point de vue du secteur privé. Ils interviennent dans les délais, ils vont droit au but, sont réactifs et extrêmement professionnels. Le secteur privé estime qu'ils sous-emploient ces ressources, mais nous avons fait quelques recommandations à cet égard dans notre mémoire.

L'ACDI est à mettre dans le même sac que les IFI, en ce sens que la notion de développement par le secteur privé est nouvelle pour cette agence et qu'elle présente donc certains défis.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Eyton : Merci pour votre exposé. Je suis curieux au sujet des franchises. À vous entendre, j'ai l'impression que les franchises dont vous parlez ressemblent tout à fait à celles que l'on retrouve en Amérique du Nord.

M. Maisonneuve : Eh bien, pour préciser les choses, sachez que le terme franchisage décrit ce qui touche aux opérations commerciales plutôt qu'à la simple utilisation d'une dénomination commerciale, et il existe donc une grande différence entre les deux.

Le franchisage de toutes les opérations englobe ce qui se passe en coulisse, c'est-à-dire l'administration et le savoir en matière de publicité, de marketing, etc. — et ce, par rapport à la simple cession d'une dénomination commerciale. La distinction est importante.

Le sénateur Eyton : J'aurais pensé que la plupart des entreprises franchisées bénéficient automatiquement de ces autres dimensions.

Parlez-moi un peu de votre rôle. Je comprends que vous avez effectué des études et analysé les débouchés. Je suppose, cependant, que vous avez agit au nom d'entreprises canadiennes qui, grâce à vous, d'une façon ou d'une autre, ont pu ouvrir des franchises telles que vous les définissez.

M. Maisonneuve : Oui.

Le sénateur Eyton : Ces entreprises ont-elles remporté un certain succès et connaissent-elles un essor?

M. Maisonneuve : Oui.

Le sénateur Eyton : S'agit-il de franchises canadiennes déjà existantes ou de concept tout à fait nouveau, lancé par des gens nouveaux selon des idées nouvelles?

M. Maisonneuve : Nous nous intéressons plus particulièrement à ce que nous baptisons de systèmes de franchise émergents et de niveau mezzanine. La distinction par rapport au contexte canadien, c'est que le franchiseur qui travaille dans les pays émergents est soit un entrepreneur qui exploite déjà une entreprise, comptant généralement trois ou quatre points de vente et qui réalise des bénéfices depuis trois ans — éléments fondamentaux pour franchiser l'entreprise —, soit des franchises connues qui comptent plus de 20 franchisés et qui ont au moins cinq ans d'expérience dans le domaine. Cependant, tous sont en plein essor et ont encore beaucoup à apprendre. Le secteur des franchises est très différent du commerce de détail que l'on trouve à l'origine de ces systèmes.

Les systèmes de franchise de niveau mezzanine correspondent à des réseaux de 20 ou 60 franchisés qui ont en général cinq à dix ans d'existence. La définition est différente de celle que l'on appliquerait aux États-Unis, par exemple.

Les systèmes de franchise pure, comme les Tim Hortons de ce monde, comptent en général plus de 80 franchisés et sont sur le marché depuis très longtemps. Ce sont des joueurs qui dominent les marchés.

Le sénateur Eyton : Eh bien, je viens d'apprendre quelque chose.

Je vais à présent poser mes questions au représentant d'EDC, parce que j'aimerais en savoir un peu plus sur votre expérience de prêteur, surtout en Afrique.

J'ai traité avec EDC quand j'étais en affaire et j'ai l'impression qu'elle est relativement prudente dans ses instruments financiers et je ne me rappelle pas l'avoir vu prêter à des pays ou à des organisations en Afrique. J'aurais pensé que votre expérience là-bas eut été très différente, et vous en avez d'ailleurs fait allusion dans vos propos. Vous avez, par exemple, dit que si ces pays paient plus de la moitié de leur service de la dette, il n'y a pas de problème. Je crois que vous appliquiez les normes de quelqu'un d'autre.

Pourriez-vous nous décrire les conditions particulières que vous imposez aux entreprises en Afrique et quel résultat vous avez obtenu sur un certain nombre d'années, en matière de remboursement des prêts ou peut-être même de rendement?

M. Büttner : Dans le cas de l'Afrique, la démarche d'EDC n'est pas différente que pour les autres marchés en développement. Nos normes de crédit sont essentiellement les mêmes. Ainsi, pour ce qui est des normes environnementales, de lutte contre la corruption et des normes et des conditions financières, c'est le consensus de l'OCDE qui s'applique à l'Afrique et aux autres marchés en développement. Nous n'appliquons pas de programme spécial pour l'Afrique. Sur ce continent, nous avons recours aux mêmes gammes de produits que pour les autres marchés en développement, dans la mesure où ils sont applicables.

J'aimerais pouvoir faire parvenir au comité certains détails relativement à notre expérience en matière de créance et de recouvrement, mais je n'ai aucune raison de penser qu'en moyenne, la situation est pire que sur les autres continents. En Afrique, il arrive que les défis soient un peu plus importants, parce qu'il est difficile de savoir exactement quels sont les homologues avec qui nous pouvons travailler. Les problèmes se posent davantage à l'étape des garanties et pas forcément à celle de la demande de paiement ou du recouvrement des fonds.

Nous ne voulons pas en arriver à cette dernière étape. Nous avons inclus plusieurs marchés africains importants dans notre stratégie pour l'Afrique. Par exemple, le Nigeria en fait partie.

Le président : J'aimerais souligner à ceux et celles qui regardent que ce pays représente 25 p. 100 de la population africaine. On l'oublie parfois. Le Nigeria n'est pas un pays comme les autres, puisqu'il représente 25 p. 100 de la population d'un continent entier.

M. Büttner : C'est vrai et à partir de là, il est évident qu'on ne peut pas avoir de stratégie africaine sans inclure le Nigeria. Ce que nous faisons, sur de tels marchés, où il peut y avoir des problèmes relativement au secteur public, c'est que nous recensons les institutions du secteur privé, les intermédiaires financiers, avec qui nous pensons pouvoir travailler et dont nous estimons pouvoir utiliser la connaissance locale du marché pour mener les ententes à terme. Autrement dit, nous trouvons des institutions financières au Nigeria, comme des banques qui, dans le cadre de produits de crédit à court terme pourraient confirmer les lettres de crédit ou, pour les produits à moyen et à court terme, pourraient bénéficier de lignes de crédit que nous établirions. Le cas échéant, nous ne prendrions pas de risque par rapport à l'acheteur ultime du matériel ou du service canadien, mais par rapport à la banque prêteuse.

Il s'agit-là d'une stratégie fondamentale d'EDC sur les marchés émergents, notamment en Afrique. Il n'est pas possible de connaître tous les acheteurs finaux potentiels et nous ne pouvons pas être compétents dans tout ce qu'ils font, à EDC, mais nous pouvons certainement instaurer des relations avec les institutions locales qui appliquent des normes financières et autres assez élevées — normes en matière de réputation et de lutte à la corruption, par exemple. Nous pouvons donc nous en servir d'intermédiaires pour conclure les transactions.

Le sénateur Eyton : Ce sera ma dernière question pour le moment. Pouvez-vous nous parler un peu de la tendance dans le secteur privé. Je crois savoir qu'EDC est de plus en plus présente en Afrique. On me dit que l'on insiste auprès des Canadiens pour qu'ils fassent davantage, en matière d'aide et d'investissement. Je suppose que le secteur privé devient de plus en plus actif et que de plus en plus de joueurs font leur apparition, jour après jour et semaine après semaine. Ainsi, pouvez-nous parler de cette tendance et surtout de l'origine des participants du secteur privé. J'ai passé plusieurs années dans le milieu des affaires et j'ai pris part à deux ou trois investissements d'envergure en Afrique. Je veux cependant parler ici des PME et des projets qu'elles mènent, et j'aimerais savoir d'où elles viennent et dans quelle mesure cette partie de vos activités prend de l'importance pour vous-même et pour les PME.

M. Büttner : Dans l'ensemble, notre volume d'activité et le nombre de nos clients en Afrique, surtout dans l'Afrique sub-saharienne, sont demeurés relativement constants au cours des deux, trois ou quatre dernières années. Des entreprises canadiennes ont réalisé des investissements considérables dans le secteur des ressources naturelles, comme Barrick, Placer Dome et autres. Ce sont là les entreprises les mieux connues. Pour ce qui est des plus petites compagnies, nous retrouvons bien sûr des fournisseurs de machinerie et d'équipement dans les secteurs des ressources naturelles, de l'exploitation pétrolière, gazière et minière. Ce sont là des objectifs pour nos initiatives de développement du marché en Afrique et les PME se servent de nos politiques. Mais cela va encore plus loin. On retrouve ici des fournisseurs d'équipement de construction, de télécommunication, de technologie de l'information et même des fournisseurs de services éducatifs, dans une certaine mesure. L'éventail est donc relativement large.

Pour ce qui est de notre approche au développement des entreprises dans le secteur privé en général, outre nos grands clients, nous essayons de collaborer régulièrement avec le Consul canadien pour l'Afrique qui est l'entité, plus tout à fait nouvelle, qui représente les intérêts privés en Afrique. Nous collaborons avec le conseil à l'organisation d'événements, parce qu'il est important de répandre la bonne nouvelle en Afrique et de faire savoir qu'il existe des débouchés. Cela s'entend de l'accueil ou de l'envoi de missions, et des conférences dont j'ai parlé plus tôt. Cela veut dire aussi que nous travaillons avec d'autres ministères fédéraux pour trouver des façons de faire connaître les responsabilités de chaque ministère au secteur privé. Nous ne sommes pas l'ACDI, l'ACDI n'est pas l'ECC et ainsi de suite, il s'agit de branches différentes de la fonction publique. Chaque entité a son rôle et il est important que tous ces rôles soient bien compris et qu'ils s'imbriquent parfaitement.

Le président : J'ai sous les yeux le témoignage de l'ambassadeur George, du Nigeria, devant notre comité, qui est un très haut fonctionnaire du gouvernement nigérian. Il nous a dit que l'un des principaux obstacles à la promotion d'un rapprochement économique — et c'est ce qui me préoccupe particulièrement — c'est l'attitude de Développement des exportations Canada, EDC, qui refuse de consentir des assurances aux entreprises canadiennes désireuses de faire affaires au Nigeria. C'est ce qu'il a déclaré à notre comité, il y a un mois. Il a poursuivi ainsi :

Si vous me permettez de m'exprimer franchement, sachez que j'ai trouvé incroyables certaines des raisons qui m'ont été fournies, du genre « nous devons rentrer dans le rang, parce que les Américains ont produit tel ou tel rapport ». C'est cela le problème. Envoyez donc vos gens pour qu'ils enquêtent eux-mêmes sur place. Le FMI et la Banque mondiale nous ont accordé une bonne note et ont appuyé les programmes de réforme que nous avons entrepris, comme je l'ai déclaré plus tôt.

Voilà qui semble être une critique à l'endroit d'EDC, n'est-ce pas? Voulez-vous réagir?

M. Büttner : Merci, monsieur le président. EDC appuie le milieu des affaires au Nigeria depuis 2004. Nous allons continuer à le faire, en intervenant auprès d'entités du secteur privé, pour les types de transaction qui nous sont soumis.

Pour ce qui est de la souveraineté nigériane, il est un fait que le Nigeria a décidé de limiter ses versements aux débiteurs du Club de Paris — autrement dit à nos amis de la CEA et des autres gouvernements membres de l'OCDE — à un milliard de dollars US par an, même si ses obligations au titre du service de la dette sont deux fois plus importantes que cela.

Le Nigeria agit ouvertement ainsi parce qu'il estime avoir droit à une radiation de sa dette et il n'appartient pas à EDC de dire si c'est le cas ou non. Il revient aux institutions financières de trancher cette question, parce que nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre à continuer à fournir un financement à un gouvernement qui, pour l'instant, n'assume que 40 ou 45 p. 100 de son service annuel de la dette envers les autres gouvernements qui sont des débiteurs du Nigeria et qui font partie du Club de Paris. Voilà la situation.

Nous ne sommes pas fermés au Nigeria. Nous sommes favorables aux transactions du secteur privé dans ce pays. Cependant, EDC n'est certainement pas la seule organisation, la seule agence de crédit à l'exportation à être confrontée à ce genre de problèmes avec le gouvernement nigérian. L'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, à Paris, dont presque tous les pays développés sont membres, a classé le Nigeria dans la septième catégorie, qui est la dernière, c'est-à-dire la pire.

Voilà certains des éléments dont il faut tenir compte dans la formulation d'une position de garantie pour certains pays mais, et je le répète, nous sommes tout à fait ouverts à l'idée d'appuyer les exportateurs canadiens au Nigeria dans le cas de transactions du secteur privé et nous l'avons déjà fait.

Le sénateur Di Nino : Ce que vous venez de dire est intéressant. J'essaie de me rappeler ce que l'ambassadeur avait dit. Merci beaucoup.

Cette précision est intéressante, puisque la pierre d'achoppement semble être due à la position du Nigeria relativement au service de sa dette, plutôt qu'à l'incapacité ou à l'hésitation d'EDC de financer des projets là-bas.

M. Büttner : C'est tout à fait cela.

Le sénateur Di Nino : Dans la même veine, parlons un peu de vos relations avec l'ACDI. Est-ce que vous collaborez avec l'ACDI à des mêmes projets?

M. Büttner : Oui, nous collaborons sur certains projets. Nous collaborons avec l'ACDI au niveau transactionnel et au niveau de la coordination des politiques dans le cadre de notre groupe de travail sur l'Afrique.

Nous devons respecter certaines règles quand nous collaborons avec l'ACDI, par exemple la règle de consensus de l'OCDE qui impose certaines restrictions et qui fixe les paramètres de collaboration entre les agences d'aide au développement et les agences de crédit à l'exportation. C'est donc dans la limite de ces paramètres que nous avons collaboré avec l'ACDI.

Le sénateur Di Nino : Dans ces cas, l'aide consentie par l'ACDI est donc une aide liée, c'est cela?

M. Büttner : Tout à fait.

Le sénateur Di Nino : Comment cela fonctionne-t-il? Donnez-nous un exemple.

M. Büttner : Supposons, par exemple, que l'ACDI soit invitée à financer un projet dès les premières étapes. Je retiens de votre question que votre comité veut se renseigner sur les règles relatives veut se renseigner sur les règles relatives à l'aide conditionnelle ou liée. Eh bien, il existe certaines restrictions quant au montant minimum pouvant être sujet à une aide conditionnelle. On parle généralement de 35 p. 100 du contrat global, à un niveau de concession, pour qu'il s'agisse d'une aide véritable plutôt que d'une subvention à l'exportation.

Il existe certaines exceptions, comme pour le financement de petites études de faisabilité débouchant sur des contrats d'exportation. Dans ces cas, il est possible de combiner le financement de l'ACDI, à l'étape de l'étude de faisabilité, dans les premiers frémissements du projet, au financement du crédit à l'exportation d'EDC suivant les conditions consensuelles habituelles de l'OCDE, pour les étapes suivantes.

Le sénateur Di Nino : Je veux être sûr que l'aide que nous essayons de consentir à certains pays d'Afrique soit une véritable aide susceptible de les aider à parvenir à l'autosuffisance, et cela à plus d'un titre. J'essaie de déterminer si nous faisons bien ou mal. Est-ce que nous aidons ces pays ou est-ce juste une façon d'écouler nos produits sur ce continent, ce qui pourrait ne pas avoir des retombées aussi positives qu'un financement garanti par EDC pour créer des emplois et régler certains problèmes de chômage chronique?

Pouvez-vous répondre à cela ou estimez-vous que cela dépasse le cadre de vos compétences ici?

M. Büttner : Je ne suis effectivement pas un spécialiste de l'aide internationale et je ne pense pas qu'il conviendrait que je commente les plans ou les programmes d'un autre organisme fédéral.

Le sénateur Di Nino : Estimez-vous que les programmes que vous administrez pour l'Afrique bénéficient aux pays où vous êtes présent?

M. Büttner : Les types de projets que nous finançons sont généralement des projets commerciaux. Par nature, aucune transaction commerciale ne serait entreprise si les deux côtés n'y voyaient pas leur intérêt. C'est ce qui est fondamental. Si les deux parties concluent des transactions commerciales, qu'il s'agisse de la vente d'équipement ou de services ou d'un investissement, c'est parce qu'elles y trouvent un certain avantage. Le rôle d'EDC est de faciliter la conclusion de ce genre de transactions.

Cela est intéressant pour nos clients canadiens, mais comme leurs homologues africains concluent des marchés avec nos clients canadiens de façon volontaire, parce qu'ils estiment pouvoir en tirer de véritables avantages commerciaux, nous aidons aussi les Africains et, en ce sens, nous contribuons au développement du secteur privé en Afrique.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais poser une autre question à M. Maisonneuve. J'ai l'impression que vous avez une grande expérience du marché africain. Dans combien de pays êtes-vous actuellement présent?

M. Maisonneuve : Dans six sur 54. J'essaie de faire une niche dans les autres.

Le sénateur Di Nino : Nous vous souhaitons bonne chance. Avez-vous eu de bonnes expériences dans ces pays? En avez-vous tiré les avantages économiques auxquels vous pouviez vous attendre?

M. Maisonneuve : Tout à fait. Pour vous dire bien franchement, avant de travailler avec la Banque africaine de développement, je partageais sans doute l'opinion de la plupart des Canadiens, autrement dit que l'Afrique doit être vu sous l'angle de Vision mondiale, ce qui n'est pas le cas. Toutes mes expériences ont été positives. Les gens d'affaires que j'ai rencontré sont très professionnels, très instruits, compétents et éthiques. Ils ont tous été fantastiques, à quelques exceptions près, mais cela n'a rien de différent par rapport aux expériences que j'ai vécu ici.

En fait, le projet du Nigeria est devenu mon enfant chéri, simplement parce que tout le monde semble vouloir aller voir ailleurs ce qui se passe. L'année dernière, je me suis fait un devoir d'aller à Abuja et à Lagos où j'ai travaillé avec le NOTAP, qui est le bureau national d'acquisition et de promotion des technologies, lequel s'intéresse directement aux questions de propriété intellectuelle et, par extension, au franchisage, et j'ai également été voir l'association locale des franchisés. Ces gens-là se sont pliés en quatre pour corriger toutes les mauvaises informations qui ont circulé à leur sujet et la mauvaise réputation qu'on leur a faite.

C'était la même chose en Égypte, en Afrique du Sud et au Maroc. Nous sommes devenus des amis, des collègues. Les gens sont véritablement passionnés là-bas. J'ai toujours été étonné par la passion que l'on rencontre en Afrique et c'est pour cela que les Africains ont gagné mon cœur. Là-bas, on rencontre de vrais entrepreneurs. Il s'agit d'entrepreneuriat à l'état brut, d'entrepreneuriat véritable.

L'année dernière, nous avons participé à un symposium organisé par le NOTAP, et il a fait salle comble. Nous étions entourés d'entrepreneurs qui voulaient en savoir plus sur la façon de s'y prendre.

Le sénateur Di Nino : Vous parlez l'entrepreneurs africains?

M. Maisonneuve : J'étais le seul anglophone dans toute cette foule. À l'exception d'un suédois et de moi-même, il n'y avait que des Africains.

Le sénateur Di Nino : Ce qui me préoccupe, et je pense que je ne suis pas le seul de cet avis, c'est que l'aide que nous consentons s'apparente davantage, comme je l'ai dit au ministre, à une obole. J'ai demandé au ministre si, par le truchement des programmes de l'ACDI et d'autres, nous ne devrions pas chercher à financer les entreprises qui créent des emplois afin d'apporter une solution au chômage chronique et de permettre à ces pays de s'aider eux-mêmes. J'ai dit que ceux et celles qui ont un estomac vide sont beaucoup plus susceptibles de tomber malade ou de tomber dans la corruption ou de souffrir de tous les maux qui ravagent certains de ces pays-là.

D'après l'expérience que vous avez de l'Afrique, Pourriez-vous nous donner des exemples où la création d'emploi a eu des effets intéressants, parce que je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche?

M. Maisonneuve : Il m'a été donné de voir, là-bas, d'excellentes études de cas et de très bonnes expériences. Je vais retourner au Nigeria, qui est exemplaire à bien des égards. Il y a, par exemple, une brasserie du nom de South African Breweries qui est l'une des plus importantes en Afrique. Elle a franchisé ses camions de livraison à des entrepreneurs Noirs africains, et les chauffeurs sont donc des franchisés. Ces chauffeurs de camion transportent des chargements complets de bière. Ils vont livrer dans les ghettos, comme celui de Soweto qui compte 5 millions d'habitants. Ils se stationnent quelque part et les gens viennent leur acheter de la bière directement. Ces chauffeurs vivent bien grâce à des ventes réalisées en liquide; c'est informel, mais ils vivent bien.

Sénateur, j'aimerais revenir sur votre remarque au sujet de l'obole. Très honnêtement, les Africains avec qui je traite ne veulent absolument pas qu'on leur fasse une obole ou qu'on leur fasse la charité. Ils veulent acquérir un savoir, une compétence, ils veulent qu'on leur montre ce qu'il faut faire, et ils s'en sortent très bien. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe en Afrique du Sud et au Nigeria. Comme personne ne voulait aller au Nigeria pour lancer des franchises, les Nigérians ont lancé leurs propres réseaux. Ils ont ainsi réussi à implanter une compagnie de téléphone cellulaire du nom d'Econet en quatre ans, qui a gagné 40 p. 100 de part du marché. C'est une des quatre compagnies franchisées au Nigeria.

Une autre s'appelle Tantalizer, elle est nigério-nigériane, compte 23 points de vente et connaît une croissance rapide. La compagnie a appris comment franchiser ses activités et elle est verticalement intégrée. Elle s'est portée acquéreur de la terre et de l'équipement pour se protéger de tous les problèmes liés à la corruption et à l'absence de règles de droit. Comme elle est intégrée verticalement, elle est en mesure de faire face à ce genre de problème. Les Nigérians savent comment commercer et comment faire en sorte que les choses fonctionnent chez eux. Mr. Big est un autre exemple, qui a conclu une entente avec Imperial Oil pour installer une partie de ses activités sur les terrains contrôlés par la Imperial Oil. De cette façon, Mr. Big n'a pas à se soucier de négocier avec des propriétaires.

Ce sont là d'excellents exemples d'initiative du secteur privé en Afrique, de gens qui prennent le taureau par les cornes, qui créent des emplois et qui les donnent à leurs compatriotes. Innscore est un autre exemple excellent de développement du secteur privé dans l'Afrique subsaharienne. La compagnie est également intégrée verticalement, puisqu'elle s'occupe de tout, de la préparation et du conditionnement des aliments, jusqu'à la distribution dans ses propres restaurants. Comme elle est verticalement intégrée, elle peut contrôler ses coûts. Il est important d'être en mesure de vendre un pilon de poulet à un prix qui soit abordable pour l'Africain moyen. Nous pourrions apprendre certaines stratégies de ces gens d'affaires, parce qu'ils sont bons dans ce qu'ils font.

[Français]

Le sénateur De Bané : J'aimerais vous dire, M. Büttner, que j'ai trouvé remarquable votre maîtrise des deux langues de notre pays. Je tiens à vous féliciter. Vous parlez les deux langues avec une grande maîtrise et je suis sensible à ce sujet.

Dites-moi, est-ce que votre institution, la EDC, a des bureaux en Afrique?

M. Büttner : J'aimerais vous remercier des beaux compliments que vous venez de me faire. Comme vous vous en doutez, le français tout comme l'anglais sont des langues apprises pour moi.

En ce qui concerne votre question, EDC a un certain nombre de bureaux à l'étranger. Nous avons des représentants au Mexique, au Brésil, en Chine, en Inde, en Pologne et en Malaisie. Nous réfléchissons à une expansion de nos représentations à l'étranger. Par exemple, on pourrait facilement penser qu'un endroit comme la Russie pourrait justifier une représentation supplémentaire à un moment donné.

Ces discussions relèvent de notre conseil; je vous indique simplement la tendance générale : nous sommes en phase d'expansion en ce qui concerne les représentations à l'étranger.

En ce qui concerne l'Afrique, c'est une possibilité. Actuellement, il n'y a pas de plans pour l'Afrique.

Le sénateur De Bané : Comme vous savez, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères étudie ce que le Canada pourrait faire pour le continent africain. Serait-il possible que vous nous prépariez un document sur les possibilités d'initiative accrues de votre institution pour aider le continent africain?

Vous nous avez décrit jusqu'à maintenant ce qui se fait actuellement. Notre comité aimerait préparer un rapport pour en discuter avec le gouvernement. Que pourrions-nous faire de plus pour le continent africain?

Sans doute, votre institution, qui connaît très bien l'économie de tous ces pays, pourrait nous faire des suggestions; par exemple, si le gouvernement voulait faire ceci ou cela, à tel et tel coût. Ces choses pourraient être considérées.

Vous nous avez parlé des modalités de travail de votre institution travaille avec l'ACDI. Pouvez-vous donner des exemples spécifiques? Comment une institution financière comme la vôtre peut conjuguer ses efforts au ministère qui s'occupe de l'aide? Pouvez-vous joindre les coûts de l'intérêt? Comment travaillez-vous les deux ensemble? Vous avez parlé, en termes généraux. Pourriez-vous énoncer quelques formules démontrant comment les deux peuvent travailler ensemble.

M. Büttner : Pour répondre aux deux questions du sénateur, en ce qui concerne la fourniture d'un document à ce comité, il est certain que EDC pourra vous faire parvenir des idées supplémentaires. Vous voulez savoir ce que EDC pourrait faire de plus.

Le sénateur De Bané : Et à quelles conditions.

M. Büttner : On peut sûrement soumettre à ce comité un mémoire qui pourrait fournir quelques idées et peut-être éclaircir plus en détails que ce que je n'ai pu faire en dix minutes pour décrire quels sont exactement les outils à la disposition d'EDC pour appuyer le continent africain.

En ce qui concerne le travail avec l'ACDI, je peux vous donner deux exemples. Le premier exemple est un peu ce que j'avais dit en réponse à une question antérieure. C'est dans le cadre d'un appui donné par l'ACDI au moment de l'étude de faisabilité, pour les montants généralement limités qui sont couverts par une règle qui s'appelle de minimis du consensus de l'OCDE. À ce moment, il peut y avoir compatibilité entre le don fait par l'ACDI dans le cadre de cette étude de faisabilité et un financement postérieur de la part d'EDC.

Mais il y a aussi un autre exemple où l'ACDI a fourni 35 p. 100, qui est le minimum pour l'OCDE comme aide et où EDC a fourni 65 p. 100, au taux minimum et aux modalités requises par le consensus de l'OCDE. Il y a un projet en Algérie de traitement des eaux qui a été appuyé conjointement par l'ACDI et EDC de cette manière.

Ce sont deux exemples, mais peut-être pourrais-je développer davantage ce point dans ce mémoire.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Monsieur Maisonneuve, vous avez dit que vous avez obtenu une certaine collaboration d'EDC. Dans combien de projets EDC a-t-elle été votre partenaire pour vous aider?

M. Maisonneuve : Vous voulez parler du nombre de projets pour lesquels nous avons fait une demande à EDC ou du nombre de projets pour lesquels nous avons reçu un financement?

Le sénateur De Bané : La distinction que vous faites est tout à fait pertinente.

M. Maisonneuve : Nous avons demandé à EDC de nous financer pour six projets et avons obtenu un résultat pour un seul, celui de l'étude de la Banque africaine de développement. Sans l'aide d'EDC, cette étude n'aurait pas été réalisée à cause des difficultés que j'avais de mon côté, en tant que propriétaire d'une petite entreprise, avec mon institution prêteuse commerciale. Ces gens-là m'ont dit que les petites entreprises au Canada ne font pas de commerce international et que les choses s'arrêtaient là pour eux. Nous avons dû faire un dépôt de garantie auprès de la Banque africaine de développement. Certaines personnes à EDC sont allées voir la haute direction de la Toronto Dominion, à son siège social. Après des conversations derrière des portes clauses, j'ai pu obtenir le financement nécessaire. Il a suffit d'un appel téléphonique au bureau régional. Le projet n'aurait pas vu le jour si ce n'avait été de l'intervention d'EDC, que je tiens en haute estime.

Le sénateur Mahovlich : Monsieur Maisonneuve, dans les années 70, les grandes entreprises comme Pepsi-Cola et McDonald faisaient de véritables percées en Russie et remportaient un certain succès. Est-ce que Pepsi s'est établie en Afrique? A-t-elle ouvert des entreprises d'embouteillage?

M. Maisonneuve : C'est Coca-Cola qui possède l'Afrique. J'ai une photo de moi en face des pyramides avec une bouteille de Coca-Cola à la main. L'étiquette est en arabe, mais on se rend tout de suite compte qu'il s'agit de Coca- Cola.

Le sénateur Mahovlich : Et Coca-Cola est partout en Afrique?

M. Maisonneuve : Oui, Coca-Cola est partout et ses affaires fonctionnent très bien.

Le sénateur Mahovlich : Qu'en est-il de McDonald?

M. Maisonneuve : Eh bien, 40 p. 100 des ventes de Pepsi-Cola et de Coca-Cola sont constituées par de l'eau purifiée. Ces deux compagnies ne s'intéressent plus vraiment aux boissons gazeuses, parce que l'avenir est à l'eau. On paie beaucoup plus pour une bouteille d'eau que pour l'essence.

Le sénateur Mahovlich : Il y a beaucoup d'eau en Afrique.

M. Maisonneuve : Oui, mais dans la plupart des cas, il faut commencer par la traiter.

Pour ce qui est débouchés pour les entreprises canadiennes désireuses de s'installer en Afrique, chez nous, il y a des magasins de vente au détail d'eau purifiée. Il suffit d'y aller avec son contenant de 18 litres, de faire le plein, de payer et de s'en aller. Ces magasins poussent comme des champignons au Canada. La technologie, c'est l'information du public. Or, ce genre de commerce n'existe pas en Afrique.

Nous avons effectué une étude de faisabilité au Caire et à Johannesburg l'an dernier. Nous en faisons une au Nigeria. Nous calculons le seuil de rendement pour des magasins d'eau purifiée appliquant la technologie d'osmose inversée. En Afrique, le seuil de rendement survient dès le second mois d'activité, par rapport à six mois au Canada.

Le président : Eh bien, voilà qui conclut une journée qui a été très intéressante. Tout comme le sénateur Eyton, je ne connaissais pas grand-chose au sujet des franchises en Afrique. Cela ne m'a jamais traversé l'esprit. Comme le sénateur Mahovlich le sait, j'ai également visité la Russie à bicyclette. J'ai été étonné d'y voir un grand nombre de McDonald. Ce sont les meilleurs McDonald que j'ai vu. Je n'aurais jamais pensé me retrouver un jour en train de chercher un McDonald pour aller prendre un café, mais c'est ce qui m'est arrivé là-bas.

La séance est levée.


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