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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 11 - Témoignages du 13 avril 2005


OTTAWA, le mercredi 13 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 7 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; et la politique étrangère du Canada envers l'Afrique. Sujet : le secteur privé.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous avons le quorum.

Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Nous poursuivons notre étude spéciale sur l'Afrique comme nous l'a ordonné le Sénat le 8 décembre.

[Français]

Notre séance d'aujourd'hui sera consacrée au secteur privé en Afrique, sujet que nous avons abordé également hier après-midi.

Nous aurons donc le plaisir d'entendre dans un premier temps, M. Yvon Bernier, directeur principal, région d'Afrique à Développement international Desjardins. DID est une société canadienne spécialisée en appui technique et en investissement dans le secteur de la finance communautaire dans les pays en développement et en émergence, et tel qu'indiqué, hier par le ministre des Finances lors de notre séance, une histoire à succès en Afrique.

[Traduction]

Nous entendrons ensuite par vidéoconférence M. James Harmon, qui a présidé la Commission on Capital Flows to Africa (Commission sur les mouvements de capitaux vers l'Afrique). Il a été placeur financier pendant une bonne partie de sa carrière et il est président de Harmon & Co., LLC, une entreprise qu'il a créée pour fournir des conseils financiers à des entreprises et à des gouvernements. En 1997, il a été nommé par le président Clinton, président et directeur général de l'Export Bank of the United States, l'équivalent américain d'EDC.

Nous entendrons ensuite, pour le Bureau de promotion du commerce Canada, M. Brian Mitchell, directeur pour l'Afrique. Le Bureau se décrit comme une « organisation non gouvernementale sans but lucratif qui est devenue le principal fournisseur d'information sur le marché des importations canadiennes et une source de formation pour exporter et attirer des investissements à destination des pays à économie en développement et en transition ».

Bienvenue au Sénat du Canada.

[Français]

Avant de débuter, j'aimerais simplement mentionner que nous devions également entendre la Commission du secteur privé et du développement des Nations Unies, mais ils ont dû annuler à la dernière minute. Ils nous feront parvenir un mémoire écrit au cours des prochaines semaines.

[Traduction]

Je rappelle à nos témoins que nous les invitons à s'en tenir à un délai raisonnable pour leurs exposés pour que nous puissions engager la discussion le plus rapidement possible.

[Français]

Monsieur Bernier, je vous invite à prendre la parole.

M. Yvon Bernier, directeur principal, région Afrique, Développement international Desjardins : Monsieur le président, merci de nous permettre d'exposer notre expérience en Afrique dans le secteur de la finance de proximité qui est un volet du secteur privé.

L'expérience acquise par Développement Desjardins international, au cours des 35 dernières années, nous a convaincu que la mise en place d'un secteur privé fort est une condition indispensable au développement économique et au renforcement de la société civile dans les pays en développement.

Le rôle de premier plan des institutions d'intermédiation financière dans l'émergence d'un secteur privé performant et dynamique n'est plus à démontrer. En effet, de nombreuses études font état du lien direct entre l'accessibilité des populations aux services financiers, à partir du taux de bancarisation, et la création de la richesse nationale.

Les entreprises du secteur privé sont, dans la plupart des pays, les premiers vecteurs de création d'emplois et de développement économique. Dans un continent où plus de la moitié de la population est âgée de moins de 20 ans, la création d'emplois et la réduction des inégalités au plan économique sont des éléments essentiels pour favoriser la responsabilité économique des pays. Nous sommes convaincus que l'accroissement du taux de bancarisation de l'ensemble de la population constitue un élément moteur pour le développement du secteur privé. La mobilisation de l'épargne interne stimule la demande pour les produits domestiques et constitue, pour les personnes faisant preuve d'entrepreneurship, un apport au démarrage de leur entreprise et une source de financement adapté à leurs besoins. L'importance pour la population des pays en développement d'avoir accès à des services financiers de proximité a été reconnue par l'ONU qui a désigné l'année 2005 comme étant l'année internationale du microcrédit.

Dans certains pays africains, le taux de bancarisation est de l'ordre de 0.1 p. 100. Si on appliquait ce taux à la population canadienne, moins de 35 000 personnes auraient accès aux services financiers. Le manque d'accès au financement et à des services financiers adaptés représente un obstacle majeur à l'émergence et à la consolidation d'entreprises privées performantes.

De par l'excellence de sont expertise développée dans la mise en place d'un secteur privé innovateur et performant, le Canada devrait avoir un rôle de premier plan à jouer dans le développement du secteur privé sur le continent africain.

Nous sommes d'avis que les stratégies de développement de la finance de proximité permettent le développement d'un véritable patrimoine local. La mobilisation de l'épargne locale favorise l'accès à la propriété et à des moyens de production au cœur même du développement du secteur privé. Cela suppose, évidemment, la mise en place d'institutions agissant comme intermédiaires financiers, de même que le développement et le renforcement d'un véritable leadership local afin de garantir la pérennité de ces institutions. À notre avis, ces institutions doivent s'insérer dans le secteur financier formel et être ainsi régulé par les autorités monétaires des pays concernés.

L'accessibilité aux services financiers de proximité nécessite la mise en place d'institutions locales ayant des stratégies d'intervention qui permettent d'offrir une gamme de services adaptés aux besoins croissants des clients et sociétaires. Ainsi, le crédit octroyé aux clients de ces institutions appuyées par Desjardins en Afrique s'élève en moyenne à 700 $ CDN, répondant ainsi aux besoins des clientèles les plus démunies. Il importe de souligner que ces institutions sont en mesure de mettre en place une gamme de services accompagnant le client.

L'accessibilité est au cœur de nos préoccupations. Les produits de base sont aux alentours de 25 $ le crédit pour une personne démunie. Ils peuvent être par la suite augmentés sous forme de crédits intermédiaires, de crédits individuels pour des activités productives, par exemple, dans le secteur agricole ou pour la petite entreprise. Il y a la mise en place de centres financiers aux entrepreneurs pour des crédits plus importants et aussi pour des crédits à l'habitat, le tout accompagné de produits d'épargne, d'assurance pour sécuriser ce patrimoine des membres, clients ou sociétaires des coopératives d'épargne et de crédit.

La mise en place de centres financiers aux entreprises est un bon exemple d'activité innovatrice qui joue un rôle de premier plan dans le développement du secteur privé. Ces CFE permettent de créer un pôle d'expertise unique dans le domaine du financement des entreprises. Ce pôle d'expertise appuie les entreprises dans la recherche de crédit ou de financement plus large.

Les entreprises peuvent avoir besoin, pour se développer, d'un crédit de quelques milliers de dollars. En général, la strate visée est de l'ordre de 3 000 $ à 50 000 $ canadiens. En appuyant la mise en place de CFE sur le continent Africain, Desjardins contribue à la consolidation de l'entrepreneurship et à la création d'emplois. Sur cinq CFE, l'exemple du Sénégal est assez convaincant. En moins de 12 mois, 1 000 crédits ont été octroyés à des petites entreprises, pour un portefeuille d'environ de 8 millions de dollars canadiens. Il s'agit donc d'un impact significatif pour le maintien et le développement de l'emploi au Sénégal, particulièrement à Dakar.

En milieu rural et dans les zones faiblement peuplées, l'accès à des technologies facilite l'accès à faible coût à des services de proximité — on parle d'épargne et de crédit. L'expérience d'une application mobile d'information sur les opérations, réalisée au Mali en 2004, permet aux employés de l'institution financière d'utiliser un ordinateur de poche pour rejoindre les populations des zones rurales. Le défi de l'accessibilité se pose également au Canada où les coopératives financières sont souvent les seules institutions desservant les populations rurales. L'accès aux technologies est également au centre de l'offre de services.

Au Canada, 58 p. 100 des 2 353 petites communautés ont accès à une seule institution financière, et 76 p. 100 de ces institutions sont des coopératives ou des caisses populaires. L'accessibilité au Canada demeure aussi un défi.

Du fait du développement accéléré de l'urbanisation des pays en développement, la conduite de programmes d'accès à la propriété ou de crédits pour l'accès à la propriété apparaît au secteur porteur. Le Canada dispose d'une expertise certaine en la matière. La dynamisation du secteur du bâtiment est reconnue comme un moteur de développement des économies locales, de création d'emplois et la constitution d'un patrimoine.

Parlons maintenant des facteurs favorisant le développement du secteur privé. Selon notre analyse, les succès du Canada, au cours des dernières années, dans la promotion du secteur privé s'explique par un engagement à long terme auprès de ses partenaires. Cette continuité a, en effet, permis d'assurer la maturation d'institutions financières de proximité qui aujourd'hui joue un rôle de premier plan dans le développement du secteur privé. Par exemple, les réseaux partenaires de Desjardins, œuvrant dans 13 pays sur le continent africain, comptent aujourd'hui près de deux millions de clients sociétaires, dont 40 p. 100 sont des femmes. Ceci permet de rejoindre plus de 10 millions de personnes pour leur offrir un accès à des services de proximité, si on compte un minimum de cinq personnes par famille. De plus, elle contribue au renforcement de la société civile par un ancrage dans la communauté. Ces institutions appartiennent à la communauté et sont impliquées dans le développement local. Si on compte aussi leurs 5 000 bénévoles, c'est également un apprentissage de la vie démocratique.

Développement international Desjardins reconnaît à l'état un rôle de premier plan à jouer dans la mise en place des conditions favorables à l'émergence et au développement du secteur privé. Toutefois, ce rôle doit en être un de régulation et non d'intervention directe. En Afrique particulièrement, les expériences passées ont démontré que les interventions directes de l'état dans le domaine ont souvent eu pour effet d'entraver le développement du secteur privé. Ainsi, nous pensons que l'état devrait jouer un rôle de facilitateur et non de promoteur et encore moins d'opérateur direct. Les appuis de l'état dans la promotion du secteur privé devraient se concentrer sur la régulation et la supervision.

De par sa nature même, le développement du secteur privé est difficilement conciliable avec la stratégie d'aide budgétaire souvent proposée aux pays en développement. Il nous apparaît utopique de penser que seul l'investissement étranger soit la panacée pour le développement du secteur privé.

Bien que nous puissions noter depuis quelques années un transfert progressif des budgets de l'aide internationale canadienne vers les institutions multilatérales, il nous semble important que le Canada conserve une marge de manœuvre significative en matière d'aide bilatérale. À titre d'exemple, en 2003, 80 p. 100 de l'aide canadienne en Afrique ne fut pas gérée par l'autorité canadienne. En incluant les programmes d'appui budgétaire, les transferts multilatéraux et les SWAP, 83 p. 100 de l'aide canadienne se fait sous forme de transfert directs à d'autres organismes directs et n'est plus gérée sous l'autorité canadienne.

En conclusion, nous sommes d'avis que le Canada devrait poursuivre ces stratégies de développement d'un véritable leadership local en favorisant l'apport d'une expertise canadienne spécialisée. Il importe de valoriser le savoir-faire canadien en matière de promotion du secteur privé. Les partenaires de Desjardins en Afrique sont en effet soucieux de préserver leurs liens avec des institutions de référence ayant fait leurs preuves au nord. La continuité de ces engagements du Canada en matière de promotion du secteur privé est un élément à préserver pour le développement durable.

Le président : Merci M. Bernier.

[Traduction]

Je présente nos excuses à M. Harmon qui n'a pas eu l'interprétation au début.

Monsieur Harmon, nous vous écoutons.

M. James Harmon, président, Commission on Capital Flows to Africa : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à vous parler des mouvements de capitaux vers l'Afrique. J'en suis très heureux et je regrette simplement que des engagements antérieurs m'aient empêché de pouvoir me présenter en personne dans votre salle.

Avant de commencer, je tiens à vous féliciter pour tout le travail et toute l'énergie que vous consacrez au développement de l'Afrique. Je respecte depuis de nombreuses années le rôle de premier plan que joue le Canada dans l'appui aux pays en développement. En tant que président de l'Export-Import Bank of United States de 1997 à 2001, j'ai suivi avec intérêt l'excellent travail d'Exportation et Développement Canada. En juin 2002, le G8 réuni en Alberta a pris une initiative encourageante en annonçant la création du Fonds canadien de 500 millions de dollars pour l'Afrique. Nous avons estimé que ce fonds pourrait jouer un rôle d'entraînement pour attirer d'autres mouvements de capitaux vers l'Afrique et constaté en même temps le rôle important de leader que le Canada exerce pour le développement de l'Afrique.

Comme nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui, je ne vais pas récapituler les raisons pour lesquelles l'Afrique est marginalisée dans l'économie mondiale. Comme le temps est limité, je ne parlerai pas non plus de la crise dans le domaine de la santé.

Aux États-Unis, aussi bien le président Clinton que le président Bush ont accordé plus d'attention aux questions de développement de l'Afrique que tous les dirigeants antérieurs. Avec l'adoption de la African Growth and Opportunity Act en 2000, le commerce avec l'Afrique est devenu non seulement un moyen de stimuler le développement économique mais aussi la justification d'une présence commerciale accrue dans cette région. Non seulement le Congrès américain a réduit les tarifs douaniers et les droits de douane, mais les organismes américains ont intensifié leur présence et ont encouragé les mouvements de capitaux à destination de l'Afrique. En janvier 1998, par exemple, j'étais président de l'Export-Import Bank, et nous n'étions présents que dans 18 pays en Afrique. Trois ans plus tard, nous étions présents dans 34 pays. Au cours de cette période, le volume de crédits accordé par l'Ex-Im-Bank aux secteurs public et privé de l'Afrique subsaharienne est passé de 50 millions de dollars par an à environ 800 millions de dollars par an.

Le nombre de transactions a aussi progressé considérablement. Par exemple, le volume des transactions appuyées par l'Ex-Im Bank au Ghana a décuplé au cours de cette période.

Je suis heureux de pouvoir vous dire que l'Ex-Im Bank continue toujours à se concentrer sur l'Afrique depuis que je l'ai quittée. Cette tendance souligne le rôle vital que peut jouer le secteur public quand il se consacre à accroître les mouvements de capitaux vers une région. Le secteur privé suit souvent les traces du secteur public. C'est dans ce contexte qu'a été créée la Commission on Capital Flows to Africa, un organisme bipartite regroupant des dirigeants du monde des affaires et des universitaires, d'anciens hauts fonctionnaires, notamment l'ancien président du Mexique et l'ancien directeur du FMI, ainsi que des représentants de l'Afrique, du Royaume-Uni, de l'Allemagne et du Japon. Ils ont essayé de voir ce que les États-Unis pouvaient faire, individuellement ou dans le contexte du G8, pour renforcer les liens commerciaux avec l'Afrique en accélérant l'intégration de cette région à l'économie mondiale.

Vous pouvez trouver le rapport final sur Internet.

Travailler avec le secteur privé de l'Afrique pour y encourager de nouveaux investissements est tout un défi. La notion de risque est toujours présente et il est parfois difficile de définir des projets valables. Il est néanmoins clair que les entrepreneurs africains et les autorités gouvernementales de ce continent considèrent de plus en plus que l'activité du secteur privé est essentielle au développement de l'Afrique. Elle est essentielle pour créer des emplois, développer des compétences, acquérir des technologies, générer des revenus et intégrer l'Afrique à l'économie mondiale. En même temps, les dirigeants du G8 prennent des mesures pour accroître les fonds mis à la disposition des entrepreneurs. Le déblocage de fonds publics entraîne souvent un afflux de capitaux privés, notamment dans des contextes comme l'Afrique où les risques sont perçus comme élevés.

Les récentes hausses du cours des actions des sociétés africaines cotées en bourse, ainsi que la hausse du cours des produits de base, ont suscité l'augmentation du nombre de fonds privés de placements en actions ordinaires dans la région. Il faut exploiter et développer cette possibilité d'attirer des capitaux vers l'Afrique. C'est évidemment là que le Fonds canadien pour l'Afrique peut jouer un rôle précieux.

La Commission on Capital Flows to Africa a publié en juin 2003 une stratégie sur 10 ans en vue d'accroître la disponibilité de capitaux pour l'Afrique. Cette stratégie s'appuyait sur une série de recommandations dont plusieurs sont très proches de certains éléments du plan d'action pour l'Afrique adopté par le G8 en Alberta en 2002.

Je vais vous donner brièvement le résumé des recommandations que nous avons faites et qui sont pertinentes dans le contexte du G8 et d'autres pays.

Premièrement, le G8 devrait proposer à l'OCDE d'autoriser les organismes de crédit à l'exportation à prévoir des modalités de remboursement sur 20 ans, au lieu de 10 ans, pour les projets africains, et surtout, ce qui est plus important, d'accroître le seuil applicable aux coûts locaux pour qu'il soit non plus de 15 p. 100, mais de 50 p. 100 de la valeur de l'exportation. Cette petite initiative de l'OCDE pourrait faire augmenter de façon impressionnante le montant des capitaux disponibles pour des projets africains. Ce que nous voulons dire, c'est que quand on appuie une exportation, qu'il s'agisse de pompes, d'aéronefs ou d'autres choses, vers l'Afrique, on est souvent limité par le seuil de 15 p. 100 de la valeur de l'exportation imposé par l'organisme de crédit, qu'il soit britannique ou américain.

Le gouvernement norvégien a recommandé l'élimination de cette limite il y a quatre ans, mais l'OCDE ne l'a toujours pas fait. Pourtant, si l'on permettait aux organismes de crédit à l'exportation du G8 d'appuyer les coûts locaux, on développerait considérablement les montants de capitaux disponibles pour ces projets.

Une part importante de l'APD devrait être investie dans le renforcement d'un environnement propice à la croissance du secteur privé en Afrique, en particulier pour stimuler le développement du capital humain. L'APD devrait aussi servir à mettre sur pied des véhicules de financement à long terme et à faible taux pour les petites entreprises africaines, et à fournir l'aide technique connexe. C'est essentiel, car il faut aider les PME en Afrique.

Le G8 devrait appuyer la création d'un mécanisme approprié d'examen de l'initiative d'aide aux pays pauvres très endettés (PPTE) et envisager la possibilité de mettre en œuvre des propositions d'allégement de la dette qui dépassent la portée de cette initiative. Très franchement, l'initiative PPTE n'a pas fonctionné et il faut la reprendre.

Les pays du G8 et les instances du secteur privé devraient créer un programme d'échange de bourses de recherche avec l'Afrique pour permettre l'envoi dans les pays africains de professionnels ayant une expérience des finances, des marchés financiers, du financement des entreprises ou de la politique économique, pour travailler dans des institutions publiques et privées pendant une certaine période. En échange, chaque pays africain participant s'engagerait à envoyer deux personnes en formation pour une période de deux ans dans des banques d'investissement ou commerciales qualifiées. Cela devrait être relativement facile puisque les banques privées en assumeraient le coût. Par conséquent, sans entraîner de coûts pour le secteur public, on pourrait avoir un important échange de talents entre les pays du G8 et ceux de l'Afrique. Cela permettrait aux pays du G8 de mieux se familiariser avec les problèmes et le défi des pays africains, tout en permettant à de jeunes Africains talentueux de recevoir une formation dans diverses institutions financières du monde.

Il faudrait inciter le mécanisme africain d'examen par les pairs à publier, de concert avec le Secrétariat du NEPAD, un ensemble de pratiques exemplaires à l'intention des gouvernements africains qui souhaitent accroître l'investissement étranger direct. De même, il faudrait inciter tous les pays africains à demander à ce qu'un organisme international d'évaluation du crédit leur attribue une cote de crédit au même titre que n'importe quel autre pays souverain. Des progrès ont été accomplis dans ce domaine.

Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions quand vous voudrez.

Le président : Merci, monsieur Harmon. Monsieur Mitchell, vous avez la parole.

M. Brian Mitchell, directeur, Afrique, Bureau de promotion du commerce Canada : Honorables sénateurs, merci de nous donner cette occasion de vous parler d'un sujet qui est au cœur de notre mission et de notre mandat : le développement du secteur privé comme moyen d'encourager le développement économique et de réduire la pauvreté.

Plus précisément, notre mandat consiste à encourager les exportations dans le secteur des PME et les importations en provenance des pays en développement, toujours dans ce secteur des PME.

Au BPCC, je m'occupe du programme Afrique. Je suis récemment revenu d'une mission d'évaluation au Mali, le cinquième pays d'un programme que nous menons en partenariat avec le Centre du commerce international, qui est financé par le Fonds canadien pour l'Afrique de l'ACDI. Ce programme s'intitule Programme d'appui au renforcement des capacités de commerce international au service de l'Afrique.

En une heure à Bamako, Accra ou Dar es Salaam, on peut tirer une conclusion immédiate : le secteur privé et l'esprit d'entreprise sur lequel il s'appuie sont bien vivants en Afrique. Pourtant, bien souvent, les efforts des entrepreneurs n'ont pas un caractère officiel, sont inefficaces et sont entravés par toutes sortes d'obstacles.

Qu'en est-il sur le terrain?

La semaine dernière, nous avons visité une exposition régionale de producteurs de meubles dans la région de l'Afrique de l'Ouest. Nous avons rencontré une productrice ghanéenne à qui il avait fallu plus de sept jours pour amener ses produits d'Accra à Bamako, soit à 1 000 kilomètres. Le voyage a en effet été entrecoupé de nombreux arrêts à des postes de contrôle officiels ou improvisés, où on lui confisquait ses documents pour ne les lui rendre que le lendemain, après paiement d'un pot-de-vin. En plus, elle a dû payer un droit de douane de 40 p. 100 à la frontière plus d'autres taxes sur ces produits fabriqués localement, alors que le Ghana et le Mali sont officiellement membres d'une zone de libre-échange depuis le 1er janvier 2005.

Plus tard dans la semaine, nous avons rencontré des producteurs de mangues qui ne pouvaient pas avoir de crédit pour acheter les cartons de bonne qualité dont ils avaient besoin pour pouvoir faire accepter et transporter leurs fruits sans perte excessive. Ils étaient en outre mécontents des nouvelles normes phytosanitaires imposées depuis cette année par l'Union européenne, normes qui vont les obliger à obtenir des certificats coûteux et qui risquent de leur interdire l'accès aux marchés des pays du nord. Deux autres personnes nous ont même raconté des histoires tragiques : Des acheteurs étrangers avaient refusé de les payer et ils ne savaient plus quoi faire.

Pourtant, on n'étouffe pas facilement l'esprit d'entreprise. La salle dans laquelle nous étions réunis était pleine d'entrepreneurs qui se sont organisés en associations de producteurs pour essayer de faire front commun face aux défis qu'ils rencontrent. Ils ont besoin d'aide dans toutes sortes de domaines, les transports, l'infrastructure, le financement, l'information et la formation, et aussi l'accès à des acheteurs et à des intermédiaires. Le Canada ne peut pas s'occuper de tout cela, mais il y a des domaines dans lesquels nous pouvons faire quelque chose.

Vous avez reçu mon mémoire écrit et j'aimerais attirer votre attention sur trois recommandations. La première serait d'élargir l'initiative canadienne d'accès aux marchés pour les pays les moins avancés, les PMA, à tous les pays à faible revenu de l'Afrique subsaharienne. Le 1er janvier 2003, le Canada a étendu l'accès en franchise à tous les produits, excepté les œufs, les produits laitiers et la volaille, de 48 PMA admissibles. Bien que cette initiative ait été annoncée à l'appui du NEPAD dans le cadre du Fonds canadien pour l'Afrique de l'ACDI, et que 34 pays africains aient été inclus dans cette initiative, plus de 90 p. 100 des retombées positives au niveau des exportations vers le Canada sont allées à des PMA non africains.

Bien que leurs économies soient mieux placées pour profiter de ce régime préférentiel axé sur le développement, le Kenya, le Ghana, le Cameron et 10 autres pays à faible revenu sont exclus de l'initiative. Alors que les exportations de ces pays à faible revenu vers les États-Unis ont augmenté quand les Américains ont mis sur pied un programme analogue en 2000 dans le cadre de l'AGOA, et bien que les importations aux États-Unis en provenance de ces pays aient augmenté, elles n'ont pas augmenté au Canada.

Il serait très logique sur le plan du développement économique de mettre sur pied un dispositif de préférences commerciales pour tous les pays de l'Afrique subsaharienne. On voit difficilement comment un pays pourrait critiquer une telle démarche. La principale objection qu'on entend, c'est que cette démarche ne serait pas nécessairement compatible avec l'OMC. C'est un argument qui est dénoncé par la Commission Blair pour l'Afrique et quand on connaît la situation pitoyable de l'Afrique sur le plan des échanges mondiaux, on se dit que cet argument n'est que le reflet d'un manque total de volonté et d'imagination. Le programme américain AGOA a été proposé à divers pays africains à faible et moyen revenu sans référence à l'OMC, et jusqu'à présent aucune objection officielle n'a été formulée.

La deuxième recommandation sur laquelle je voudrais insister, c'est que le Canada propose des programmes d'aide au développement du commerce à l'étranger qui compléteraient notre politique commerciale. Il s'agit d'une question de cohérence de notre stratégie. Nos programmes et objectifs d'aide à l'étranger devraient venir compléter et non contredire nos politiques commerciales, et vice versa. Or, curieusement, depuis le lancement de l'initiative d'accès aux marchés pour les pays les moins avancés il y a deux ans, le gouvernement n'a toujours pas mis sur pied de programme précis pour encourager les exportateurs de ces PMA à envisager d'exporter leurs productions vers le Canada. Il n'est donc pas étonnant que les exportateurs africains, qui sont bien informés du programme américain AGOA, ignorent totalement que le Canada leur offre un régime analogue et, dans certains cas, plus généreux d'accès aux marchés.

La troisième recommandation serait que des économies émergentes, notamment la Chine, le Brésil et l'Inde, octroient un accès en franchise aux pays africains et aux autres PMA. Ce sont surtout dans ces marchés émergents que se situent les perspectives à long terme d'exportation pour les PMA africains, plutôt que dans les pays de l'OCDE qui ont des taux de croissance, un PNB et une population bien inférieurs.

C'est la CNUCED et non l'OMC qui détermine le régime de préférences que s'accordent mutuellement les pays en développement. La CNUCED est actuellement dans l'impasse alors que cette organisation existe depuis plus de 30 ans, et seulement 44 des pays membres en développement ont adopté un modeste régime d'abaissement réciproque des droits de douane.

Le meilleur endroit et le meilleur moment pour lancer un tel dispositif, c'est le cycle du développement de Doha, à l'OMC. Il faudrait pour cela que les nations de l'OCDE négocient un accès aux marchés préférentiel pour les exportations des PMA à destination des économies émergentes en échange de réductions des subventions tarifaires et agricoles des nations en développement. Au lieu de réclamer des réductions réciproques importantes des droits de douane au titre de la NPF, les pays à moyen revenu devraient proposer un accès libre de tout quota et de tout droit de douane aux PMA. Dans ce contexte où tout le monde serait gagnant, les PMA obtiendraient un meilleur accès aux marchés et des préférences commerciales; les économies émergentes auraient un meilleur accès aux pays de l'OCDE; et les retombées globales sur le commerce mondial et le développement économique profiteraient aux pays développés, de même que la diversification des exportations des PMA à destination d'autres marchés. Ce n'est pas si compliqué que cela. Quand on lui a demandé ce qu'il en pensait lors d'une récente table ronde, l'ambassadeur du Canada auprès de l'OMC a dit que l'on pourrait très bien envisager que le Canada prenne ces positions lors du cycle actuel de négociations de l'OMC si les dirigeants politiques avalisaient une telle démarche.

Dans le rapport de la commission Blair pour l'Afrique, vous trouverez l'écho de ces trois recommandations : l'élargissement de l'accès aux marchés à tous les pays de l'Afrique subsaharienne à faible revenu; le renforcement des politiques commerciales axées sur le développement par des programmes correspondants d'aide au développement du commerce; et l'utilisation du pouvoir de négociation de l'OCDE lors du cycle actuel de Doha à l'OMC pour ouvrir aux PMA un accès préférentiel à des économies émergentes comme le Brésil, l'Inde et la Chine.

Le Canada peut parfaitement reprendre ces trois recommandations dans sa politique commerciale et sa politique d'aide étrangère. Nos dirigeants devraient encourager les pays de l'OCDE à adopter ces recommandations.

J'ai hâte de répondre à vos questions et d'entendre vos commentaires sur notre mémoire écrit.

Le président : Merci. Vous avez raison, car on ne pense pas toujours à cette présence du cycle de Doha et au fait que le Canada peut influer sur son issue. Il est important pour le Canada d'améliorer la situation en Afrique.

Notre comité est bien conscient des problèmes liés à l'agriculture de subsistance et il est important de souligner l'importance du cycle de Doha, dont le principal thème est la position canadienne sur l'agriculture et l'accès aux marchés.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais commencer par ce qui me semble être une excellente nouvelle. En toile de fond, nous entendons parler depuis des années de toutes sortes de programmes d'aide et de soutien financier pour l'Afrique. Or, le problème semble loin de se régler, en fait il semble plutôt empirer dans certains cas.

Il est donc réconfortant d'entendre des histoires de succès. Hier, on nous a parlé de réussite dans le domaine du franchisage. M. Bernier nous apporte d'autres exemples de succès aujourd'hui.

De toute évidence, le Groupe Desjardins constitue une vaste entité. Est-ce que vous collaborez avec l'ACDI, avec EDC ou avec d'autres organismes du gouvernement canadien?

[Français]

M. Bernier : Permettez-moi tout d'abord d'apporter une précision. Développement international Desjardins est une corporation sans but lucratif qui appuie des organisations locales, des coopératives financières ou des institutions financières locales. Nos principaux partenaires qui financent nos opérations présentement sont l'ACDI, qui arrive au premier plan, puis la Banque mondiale, le Fonds de développement international agricole, certains programmes des Nations Unies et USAid. Nous avons, en fait, plusieurs bailleurs de fonds qui collaborent avec nous dans différents programmes sur l'Afrique principalement mais aussi sur d'autres continents.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : L'argent pour ces programmes vient-il de l'ACDI, de l'ONU ou d'autres organismes?

[Français]

M. Bernier : Les fonds viennent principalement de l'ACDI et de la Banque mondiale. Ce sont les deux principaux bailleurs qui financent présentement les opérations avec des institutions financières locales en Afrique.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Est-ce que vous financez des particuliers ou même des PME pour entreprendre des entreprises commerciales?

[Français]

M. Bernier : C'est exact. Par contre, j'ai une nuance à apporter. Nous apportons un appui technique, un appui conseil à des institutions locales à propriétés nationales. Ce sont des coopératives qui appartiennent à leurs membres sur place. Nous les accompagnons dans le transfert technologique afin qu'ils puissent offrir des services d'épargne à leurs clients et sociétaires, et par la suite des services de crédit. On parle de petits crédits, dans un premier temps, et présentement on arrive à une strate de crédit qui touche la petite et moyenne entreprise en Afrique. Ce sont donc des services financiers pour la petite et moyenne entreprise sur lesquels on met présentement le plus l'accent. Les organisations que nous appuyons sont de plus en plus importantes. En Afrique, ces organisations ont mobilisé plus de 300 millions de dollars canadiens en épargne. Cette épargne est recyclée par différents canaux pour rejoindre les clientèles démunies mais également les petits et moyens entrepreneurs. Il s'agit d'une clientèle qui n'a pas accès aux services financiers formels.

Nous avons constaté que le taux de bancarisation en Afrique est très faible. Les banques commerciales ont des produits debase inaccessibles pour la majorité de la population. La moyenne et la grande entreprise ont accès au grand crédit. Toutefois, le secteur informel et une partie du secteur formel n'ont pas accès à des produits financiers. Les institutions avec lesquelles nous sommes partenaires offrent cette gamme de services financiers dans les 13 pays d'Afrique où nous sommes présents. Ces services sont offerts à la fois en milieu rural à des producteurs agricoles et en milieu urbain à des petits entrepreneurs ou à des commerçants.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Vous parlez de fournir une aide technique. Les gens qui apportent cette aide technique ou une autre forme d'aide sont-ils des Africains ou viennent-ils d'autres pays?

[Français]

M. Bernier : Ils sont essentiellement Africains. On accompagne toujours une institution financière qui, elle, a ses clients et sociétaires. Elle a son personnel en place. Nous offrons de la formation à ces gens sur différents systèmes, soit en gestion, en surveillance, en contrôle, à la conception de produits de crédit, en méthodologie et en technologie. Nous sommes présentement impliqués dans un grand chantier d'informatisation sur six pays. Une même plate-forme informatique fut introduite dans ces organisations pour leur permettre, dans les années à venir, d'échanger entre pays. Nous amenons la technologie, mais nous ne trouvons pas les fournisseurs de technologie. Nous aidons à l'implantation, à la formation pour l'utilisation, au support et à la maîtrise de ces technologies.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Je crois que c'est l'un des aspects les plus importants de votre travail.

J'ai remarqué que vous insistiez particulièrement sur les femmes. Est-ce que vous privilégiez particulièrement les femmes? Si oui, pourquoi?

[Français]

M. Bernier : C'est d'abord et avant tout un objectif. Cet objectif s'institutionnalise. Il est donc partie prenante des plans d'affaires des organisations partenaires de DID. Cet objectif est une priorité, car les femmes font partie des plus démunis en Afrique particulièrement. Elles n'ont pas accès aux services financiers, encore moins que les hommes. Elles ont toujours besoin d'être endossées par leur mari, ce qui leur rend la tâche très difficile. Les femmes réalisent toutefois une grande partie du commerce en Afrique et une bonne partie des travaux agricoles sur les entreprises familiales.

Nous avons donc, à ces fins, des produits spécifiques. Je vous dirais que les produits d'entrée sont d'abord pour les femmes, pour des petits groupements de femmes qui ensuite deviennent des entrepreneurs et par la suite peuvent avoir des crédits. À titre d'exemple, une femme entrepreneur du Sénégal vient d'obtenir un crédit de 5 000 $. Elle a commencé, il y a cinq ans, avec un crédit d'environ 50 $. Nous pouvons donc constater la progression.

Dans certaines institutions financières, 60 p. 100 des membres sont des femmes, particulièrement au Sénégal. Chez la moyenne de nos partenaires ce chiffre s'évalue toutefois à 40 p. 100. Ces femmes sont des épargnantes et aussi des bénéficiaires de crédit. Elles consomment plus de crédit que les hommes dans les institutions. Il y a donc des produits plus ciblés pour les femmes. Elles deviennent alors des emprunteuses à part entière et leur taux de remboursement est excellent. En général, nous avons peu de pertes avec les crédits qui s'adressent à une clientèle féminine.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : C'est une excellente statistique.

À votre avis, le programme est-il un succès?

[Français]

M. Bernier : Je serais mal placé pour dire que ce n'est pas un succès. Elle est une des contributions canadiennes qui connaît vraiment un succès. Si on prend seulement l'Afrique de l'Ouest, ces institutions locales rejoignent 1,5 millions de membres. Ce sont des institutions à propriété locale qui sont gérées par des leaders locaux. Elles emploient à peu près 5 000 bénévoles dans les villages ou les quartiers des principales villes urbaines qui possèdent leur caisse populaire. Il s'agit d'un apprentissage de démocratie phénoménale dans des pays où la gouvernance est vraiment difficile.

Ces gens réussissent à s'autoréguler, et énormément de temps à été consacré à la formation pour les inspections, les contrôles, la reddition des comptes et l'intégrité des opérations. Nous sommes, depuis 30 ans, membres de certains réseaux et au Burkina Faso, où on retrouve 350 000 membres sociétaires dans presque tout le pays. Aujourd'hui, il y a une couverture géographique nationale. Je peux vous dire que c'est un succès. Ces organisations sont maintenant à l'étape de la professionnalisation. Si on faisait le parallèle avec le Mouvement Desjardins, les 30 premières années de Desjardins ont été vraiment très marginale dans le paysage financier québécois. Et après 30 ans, il y a eu une croissance économique au Québec et une deuxième génération des membres est entrée dans les caisses. Aujourd'hui, Desjardins, représente 100 milliards de dollars d'actifs.

Actuellement on a réussi à regrouper les six plus grosses institutions de microfinances ou finances de proximité, qui regroupent à elles seules 1 500 000 clients. Ils partagent les mêmes outils technologiques et les mêmes produits. On travaille pour l'intégration régionale avec la création d'une banque coopérative ou d'une caisse centrale qui va offrir des services non seulement dans un pays, mais dans les cinq pays où les six réseaux coopératifs sont en opération. Je crois que c'est un travail qui est qualifié de réussite par la communauté internationale en général, et surtout par les leaders locaux. Voilà la preuve que lorsqu'on est constant dans le développement et que l'on supporte à long terme des organisations, on peut arriver à des résultats. On est dans le transfert d'expertise, on est vraiment dans la formation de ressources et du développement de leaders locaux, et de communautés de base. C'est un projet qui est très long.

Récemment au Burkina Faso, dans le cadre du Sommet de la Francophonie, plusieurs ont visité ces organisations et ont qualifié celles-ci comme étant une contribution économique importante pour le pays et, surtout, c'est l'institution qui capte le plus d'épargne nationale. C'est quand même important.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Merci et félicitations.

Le sénateur Corbin : Je voudrais poser ma question à M. Harmon. Il attend patiemment à l'écart. Je tiens à vous remercier de nous avoir consacré une partie de cet après-midi.

Monsieur Harmon, je ne crois pas que vous ayez parlé du rapport qui a été publié récemment par la Commission du premier ministre Blair pour l'Afrique. Avez-vous eu l'occasion d'en parcourir les grandes propositions et, dans l'affirmative, que pouvez-vous nous en dire?

M. Harmon : Je suis allé leur parler de nos propres études sur les capitaux. Je suis déçu que les membres de cette commission se soient moins intéressés que je ne l'espérais au secteur privé.

Je crois aussi qu'il y a des domaines précis sur lesquels ils ont dû se concentrer, notamment les organismes de crédit à l'exportation du G8 qui fournissent une très grande partie des capitaux dont les pays africains ont besoin pour financer leurs achats. Malheureusement, les organismes de crédit à l'exportation du G8 ne fournissent aux pays africains qu'environ 1 p. 100 sinon moins du capital dont ils ont besoin pour acheter ailleurs. On aurait pu faire autrement.

Ils auraient pu établir un projet pilote pour l'Afrique avec des délais de remboursement plus longs pour les projets africains, par exemple en incluant les frais locaux dans le financement. C'était facile à faire; on en parle déjà depuis un certain temps à l'OCDE.

Le Trésor américain n'a pas eu une attitude très favorable dans ce domaine, mais je pensais que la Commission Blair pour l'Afrique en aurait été plus consciente et aurait cherché à voir comment les organismes de crédit à l'exportation pourraient fournir plus de capital.

J'aurais aussi aimé qu'il y ait d'autres suggestions dans le secteur des PME. Je pense que c'est un travail important, parce qu'il a attiré l'attention du monde sur l'Afrique. Je ne veux certainement pas critiquer le travail remarquable accompli par le premier ministre et d'autres personnes, mais j'aurais préféré qu'on insiste plus sur des initiatives de développement du secteur privé en Afrique. À cet égard, le secteur public joue un rôle essentiel.

Je vous ai donné un exemple de ce que pourraient faire les organismes de crédit à l'exportation, mais nous avons fait des suggestions dans toutes sortes d'autres domaines. Peut-être qu'il en est question dans les notes de bas de page, mais en lisant le rapport, je ne crois pas avoir vu de mention de ces secteurs.

[Français]

Le sénateur Corbin : Je voudrais poser ma question à M. Bernier. Mon attention s'est portée sur le commentaire que vous faites — en réalité je veux faire deux commentaires relatifs à la page 3 de votre présentation. De par sa nature même, le développement du secteur privé est difficilement conciliable avec la stratégie d'aide budgétaire souvent proposée aux pays en développement.

De même, il nous apparaît utopique de penser que seul l'investissement étranger soit la panacée pour le développement du secteur privé. Je voudrais que vous expliquiez davantage votre pensée et votre critique à l'endroit de la première partie de cette déclaration.

En ce qui a trait au développement privé, je voudrais que vous soyez surtout critique à l'endroit de la politique canadienne. En fait, c'est ce qui nous intéresse dans le cours de cet examen.

M. Bernier : C'est une bonne question et elle n'est pas facile à répondre. Nous documentons de plus en plus cette orientation prise par le gouvernement sur l'affectation de l'aide canadienne à des programmes d'appui budgétaire. On reconnaît qu'il est important d'appuyer les États. Dans les dernières décennies, l'infrastructure étatique a souffert d'un déficit important en termes de gestion, en termes de moyen pour bien gérer ces pays et il y a une nécessité de renforcement. Ce qu'on comprend dans les programmes d'appui budgétaire c'est que cela peut fonctionner assez bien pour les secteurs comme la santé et l'éducation, qui sont des fonctions étatiques de base devant être assumées par l'État, et essentielles à leur développement. Et encore là, faut-il que dans ces programmes budgétaires, le Canada soit prêt à valoriser l'expertise canadienne. Le Canada devrait être un promoteur de l'expertise canadienne dans ces secteurs.

Aussi, il faudrait même pour ces deux secteurs, et j'arrive au secteur privé, s'assurer qu'il y a une transparence et une reddition de comptes de ces gouvernements qui bénéficient de ces aides d'appui budgétaire lorsqu'elles sont cumulées avec les programmes multilatéraux et d'autres programmes bilatéraux de plusieurs pays. Je crois qu'il devient très difficile de suivre la trace de ces fonds et de vraiment mesurer en bout de ligne à quoi l'argent des contribuables canadiens a servi réellement, et comment on a fait la promotion des intérêts du Canada dans le développement. À notre avis, lorsqu'on parle du secteur privé, — les programmes d'appui budgétaire sont difficilement conciliables avec le fonctionnement même du secteur privé.

Si c'est l'État qui devient le leader du développement du secteur privé qui a tous les budgets et toutes les ressources, je crois qu'on affaiblit d'une part la société civile, et d'autre part, c'est un frein à l'entrepreneurship local qui sera pris dans des rouages étatiques sur des promotions ou avec des sociétés étatiques qui vont essentiellement coordonner ou affecter ces fonds. Nous pensons que ce ne sera pas un succès. Nous en sommes à peu près convaincus. Par ailleurs, en 2003, seulement 6 p. 100 des projets financés par l'ACCI en Afrique ont été réalisés en partenariat avec des entreprises canadiennes. C'est vraiment peu comparativement à ce que c'était, soit 40 p. 100 en 1999. Je ne crois pas qu'on ait plus de résultats.

Il y a un souci de transparence dans l'attribution des marchés, mais il y a beaucoup de lacunes. Si on fait des programmes d'appui budgétaire, il faut s'assurer d'avoir cette transparence dans l'attribution des marchés. C'est difficilement conciliable présentement avec tous les intérêts du secteur privé, secteur qui doit s'autofinancer et travailler avec des organisations locales. Le secteur privé doit pouvoir bénéficier des appuis directs auprès des entreprises ou des organisations locales. À notre avis, cela doit s'inscrire dans un plan de développement global entre des bailleurs et des entreprises ou directement avec leurs propres organismes de promotion pour encourager cette autonomie du secteur privé le plus possible. C'est une lacune que nous observons dans les programmes d'appui budgétaire.

Le sénateur Corbin : Ma deuxième question est reliée au prochain paragraphe. Vous dites que bien que nous puissions noter depuis quelques années un transfert progressif des budgets de l'aide internationale canadienne vers les institutions multilatérales, il nous semble important que le Canada conserve une marge de manœuvre significative en matière d'aide bilatérale. Pourriez-vous encore une fois expliquer le fond de votre pensée?

M. Bernier : Cela vient de l'observation des affectations pour l'Afrique essentiellement de l'aide canadienne comme telle. On constate que beaucoup de programmes, que ce soit des SWAP, des programmes du Sector-Wide Approach, d'autres types de programme ou carrément du financement avec des programmes bilatéraux, le Canada — et je vais être critique et je résume un peu — signe un chèque en blanc à une autre organisation qui exécute le projet et se préoccupe fort peu de promouvoir les intérêts canadiens. Cette part importante, des transferts de l'aide, représente une croissance phénoménale au cours des cinq dernières années de transfert. Je me demande comment un Canadien pourrait demander à quoi a servi l'aide canadienne. J'ai vu des chèques de 2 millions de dollars qui ont été faits au Nations Unies, par exemple, pour appuyer la microfinance. Je suis convaincu qu'à l'ACDI on ne sait même pas à quoi ont servi ces 2 millions exactement. On sait simplement qu'ils sont allés dans un programme.

C'est comme s'il y avait moins de gestion à faire de ces programmes, beaucoup moins de reddition de comptes. On dit qu'on a fait un transfert budgétaire aux Nations Unies ou la Banque mondiale dans ce type de programme mais le Canada participe très peu à la définition du programme, aux orientations du programme, à l'affectation des fonds. C'est comme s'il était un pourvoyeur de fonds, essentiellement, et non d'expertise canadienne, de savoir-faire canadien et qu'il ne se préoccupe pas des intérêts plus larges du Canada et de l'influence qu'il peut avoir dans divers pays.

Le sénateur Corbin : On a annoncé récemment que le Canada ciblerait davantage son aide sur un nombre plus concentré de pays. Croyez-vous que c'est une approche qui produira de meilleurs fruits à long terme, au lieu de se disperser à la grandeur du continent?

M. Bernier : On n'est pas contre la réduction du nombre de pays et une meilleure sélection. Il y avait 150 pays d'intervention. Dans tous ces programmes d'appui budgétaire et de transferts bilatéraux, le Canada devrait être aussi exigeant avec ses partenaires africains qu'avec ses partenaires canadiens. Ce sont des fonds publics qui son affectés et ce ne sont pas toutes de bonnes causes. Un processus de reddition compte qui doit être fait.

Le Canada a saupoudré dans plusieurs pays des petits programmes à court terme et après il se désengage. Finalement, les résultats sont parfois minimes par rapport à tout l'investissement qui a été fait. Si le Canada réduit un certain nombre de pays de concentration sur des principes de gouvernance de droits de l'homme et de démocratie, et cetera, on ne peut pas être contre.

Il ne faut pas les limiter à outrance, mais en sélectionner une partie et mettre une porte d'entrée. Lorsque les pays se conforment à un certain nombre d'exigences, ils pourront bénéficier d'aide. Si les investissements canadiens sont soutenus à long terme et ciblés dans des secteurs d'excellence du Canada, cela pourrait donner d'excellents résultats.

[Traduction]

Le président : Monsieur Harmon, des cadres supérieurs de trois ou quatre pays de l'Afrique de l'Ouest n'ont cessé de nous répéter que la Banque mondiale et le FMI avaient fait plus de mal que de bien dans les pays africains. Je n'arrête pas de revenir à l'idée que le Fonds est une banque et que la Banque est un fonds.

C'est ce que nous ont dit les représentants de la Zambie, du Sénégal, du Nigeria et du Mali, et peut-être même d'autres pays que j'oublie. Le meilleur exemple qui me vienne à l'esprit, c'est celui de la Zambie où le secteur agricole a été libéralisé avec l'aide de la Banque mondiale, je crois, mais moyennant la suppression de toutes les protections qui existaient. Ils ont dû éliminer toutes les subventions. La Banque mondiale a apparemment imposé à la Zambie des règles qu'elle n'appliquerait pas au Canada ou aux États-Unis. Le résultat, c'est que le secteur agricole de la Zambie s'est retrouvé plongé dans d'énormes difficultés. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais c'est pourtant ce qu'on nous a dit clairement ici.

La Banque mondiale et le FMI ont-ils apporté quelque chose d'utile aux pays en développement? La Banque mondiale a été plus présente que le FMI. Ont-ils réussi à apporter quelque chose de positif?

M. Harmon : Certainement. On critique beaucoup le FMI à cause de l'échec de l'initiative PPTE. Il faut trouver un moyen d'accélérer l'effacement de la dette. Beaucoup des réalisations du FMI ont été éclipsées par ce problème des PPTE. Le FMI a fourni beaucoup de bons conseils et parfois de mauvais conseils.

J'ai travaillé avec le FMI sur de nombreux dossiers. Quand j'étais dans l'administration, j'ai critiqué un certain nombre de ses initiatives, mais dans l'ensemble, je lui donnais un B-, car il méritait cette note pour tout le bon travail qu'il accomplissait dans le monde en développement. Il a été un peu trop dur avec certains pays en déliquescence lors de la crise asiatique. Il est allé un peu trop loin dans certains domaines, mais en gros, je pense qu'il a fourni d'assez bons conseils à un certain nombre de pays.

La plupart des gens en Afrique vont vous parler d'effacement de la dette. Le Congrès américain se préoccupe de cette question et il aimerait bien progresser plus sur ce dossier. C'est d'ailleurs aussi le cas de certains autres pays.

Il faudrait au moins revoir le programme des PPTE et le modifier en profondeur. Cela aurait des répercussions très importantes sur les pays très endettés d'Afrique. Il va bien falloir y venir. Il vaudrait peut-être mieux que ce soit le Canada qui prenne l'initiative plutôt que les États-Unis, parce que quand ce sont les Américains qui font ce genre de proposition, cela suscite toutes sortes de problèmes. Je crois que ce réexamen serait le bienvenu, en tout cas du côté africain.

Notre commission en a débattu sérieusement, et notre seule recommandation concernait l'annulation de la dette. Je ne pense pas être en train de vous dire quoi que ce soit d'anathème. D'ailleurs, l'ancien dirigeant du FMI siégeait à notre commission. Il lui a été difficile de céder du côté des PPTE, tandis que les gens de notre commission qui étaient prétendument du côté de la politique étrangère, c'est-à-dire ceux qui venaient du Département d'État des États-Unis, reconnaissaient pour leur part qu'il fallait faire plus. Trois ou quatre personnes ont presque donné leur démission de la Commission avant la publication de notre rapport final, parce que nous ne pouvions pas nous entendre au sein de cette commission qui n'était même pas à l'époque dans le secteur public. Cela montre l'importance qu'on attachait au programme des PPTE.

On a un peu mieux réussi du côté de la Banque mondiale. Avec le temps, on reconnaîtra que le président sortant, M. Wolfenshon, a fait beaucoup de bonnes choses pour lutter contre la pauvreté. Ce qu'il a fait a mené à beaucoup d'améliorations dans plusieurs pays.

Je ne sais rien de la Zambie. Je vais m'y rendre sous peu, mais je ne sais pas ce qu'a fait la Banque mondiale dans ce pays. Je crois que la Banque mondiale a été constructive dans certains des autres pays plus difficiles, comme le Nigeria. Même là-bas, vous entendrez des gens parler surtout de renonciation à la dette. C'est l'élément qui revient le plus souvent dans l'examen des activités de la Banque mondiale et du FMI.

Aux États-Unis, on fait face aux mêmes problèmes lorsqu'il s'agit de s'intéresser à un nombre limité de pays plutôt que d'essayer d'aider tous azimuts. Sous la gouverne du président Bush, son administration a proposé une augmentation importante de l'aide à l'étranger, mais cette aide visait surtout les pays qui avaient un bon dossier en matière de droits de la personne, de gouvernance et de démocratie. Les pays devaient donc répondre à certains critères et ceux qui n'y répondaient pas ne devaient pas recevoir beaucoup d'aide.

Cette façon de faire a semé la controverse, car certains étaient d'accord, mais d'autres s'inquiétaient du fait que certains pays avec des résultats moyens et n'ayant pas fait suffisamment de progrès dans les domaines que j'ai cités ne recevraient pas de nouveaux fonds.

Cette mesure a été adoptée beaucoup plus facilement par notre Congrès, étant donné qu'elle limitait le nombre de pays qui pourraient éventuellement en bénéficier. En effet, il y a beaucoup de pays qui progressent, mais pas aussi vite que nous le souhaiterions, et ceux-ci ne pourront en profiter.

Tout le monde ne sait pas que le Congrès américain, dans sa mesure législative destinée à accroître les échanges commerciaux, c'est-à-dire dans la African Growth and Opportunity Act, a prévu très judicieusement des dispositions obligeant certaines agences du gouvernement américain à remettre le dossier de l'Afrique entre les mains d'un directeur. Cette disposition nous a d'ailleurs obligés, à l'Export-Import Bank, par exemple, à créer un groupe d'étude dont le seul mandat est de s'occuper de l'Afrique. La disposition nous a également obligés à faire rapport au Congrès chaque année sur ce que nous entreprenions en Afrique. Cela fait une grande différence dans le suivi des progrès effectués en Afrique en termes d'aide à la formation et de financement. En effet, chaque année j'ai dû réfléchir à la situation et me demander si nous faisions assez pour l'Afrique.

Ces dispositions dans la loi ont joué un rôle très important pour bien des agences. Elles ne mentionnaient pas spécifiquement les échanges commerciaux, mais elles ont eu une grande incidence sur le financement des achats en Afrique. Autrement dit, cette disposition peu connue a été d'une grande utilité.

Malheureusement, je ne puis vous en dire beaucoup plus sur l'engagement de la Banque mondiale dans certains de ces pays. Toutefois, je crois qu'on a pris la bonne décision en donnant le feu vert aux pipelines entre le Tchad et le Cameroun. En effet, ce projet énorme de la Banque mondiale aura de très grandes conséquences dans la région. Même s'il a été controversé en raison d'enjeux environnementaux et de réétablissement, je continue à croire que la décision fut la bonne.

La Banque mondiale a d'ailleurs imaginé un mécanisme très intéressant en vue de suivre le mouvement de revenu engendré le pipeline et qui permettra de développer la capacité de ces deux pays. J'accorderais à la Banque mondiale la note A - pour cet énorme projet.

Beaucoup de gens sérieux ont travaillé très fort dans le cadre de projets lancés par la Banque mondiale, et j'irais jusqu'à dire que depuis cinq ans, la Banque mondiale a sans doute réussi un peu mieux que le FMI.

Le président : C'est très intéressant, et notre comité envisagera peut-être de faire une recommandation qui se fondera sur ce que vous nous avez dit au sujet des PPTE.

À ce sujet, que représente ce sigle?

M. Harmon : Le sigle représente l'initiative des pays pauvres très endettés.

Le président : Le comité suivra sans doute l'initiative de près.

Lorsque je vous ai parlé de la Banque mondiale, je pensais plus à l'agriculture qu'à certains des grands projets.

Vous nous avez fourni matière à réflexion, monsieur Harmon.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Harmon, vous avez affirmé à quelques reprises que le programme PPTE n'avait pas réussi. Pourquoi?

M. Harmon : Le programme PPTE a été conçu il y a six ou sept ans en fonction du progrès effectué dans un pays par rapport à certains ratios financiers très précis. Si le pays était dans la bonne voie, c'est-à-dire que si ses recettes, taxes et toutes les autres mesures choisies montraient du progrès, il avait droit à une remise de dette après une période de trois ans.

Il est intéressant de constater que les pays qui faisaient d'énormes efforts en ce sens ne maîtrisaient pas leur propre avenir. Prenons le cas de l'agriculture. Toutes ces subventions au coton sont très malheureuses, et le gouvernement américain se doit de rouvrir le dossier. Malheureusement, ces subventions nuisent à cinq ou six pays importants de l'Afrique, et nous dépensons des sommes scandaleuses pour subventionner notre propre industrie du coton au détriment de la production de coton en Afrique. J'espère qu'on se penchera sur le problème.

Certains des pays en question ne peuvent pas surmonter ce grave problème. Ils ne peuvent pas assumer le service de leur dette en raison de problèmes comme ceux qui se posent dans le secteur de la culture du coton. C'est ce qui explique qu'ils ne peuvent avoir droit à une remise de dette.

Le plus ridicule, c'est que les pays qui étaient à la source de tous les problèmes pouvaient généralement amortir leur dette et n'avaient pas besoin d'une remise de dette autant que les autres qui ne pouvaient pas amortir leur propre dette. Par conséquent, cela revient à punir les pays les plus pauvres parce qu'ils ne sont pas capables de surmonter les obstacles qu'ils ne pourraient de toute façon pas surmonter, je crois, dans un marché mondial. Or, on n'a pas tenu compte de cette réalité au moment de concevoir le programme.

Pour le FMI, c'était une question de temps : Ils pensaient qu'en leur donnant cinq ans de plus, certains de ces pays trouveraient des façons de produire le coton et d'autres biens de façon moins coûteuse, ce qui leur permettrait d'augmenter leurs exportations jusqu'à ce qu'ils réussissent à atteindre les ratios désirés en termes de PIB. Malheureusement, cela ne s'est pas avéré et nous n'avons pas été en mesure d'accorder suffisamment de remises de dette. Seuls deux ou trois pays probablement sur la trentaine de pays africains que nous considérons comme PPTE ont eu droit à une remise de dette.

Comme ces pays ne peuvent amortir leur dette, ils n'ont pas droit à la renonciation et continuent à accumuler leur dette, au fur et à mesure que les intérêts courent. Puis, de nombreux investisseurs et entreprises privés craignent de s'installer dans certains de ces pays à cause de la dette que les premiers doivent à d'autres. La situation décourage donc les investissements directs étrangers, et pire encore, il arrive que les agences de crédit à l'exportation de ces pays ne soient pas en mesure d'offrir du financement à leurs propres entreprises parce que le pays n'a toujours pas remboursé.

Je vous donne comme exemple la Banque Export-Import Bank que les États-Unis ont ouverte au Nigeria, pays de 138 millions d'habitants. C'est un pays très important aux prises avec d'énormes problèmes. Le président Obasanjo fait de son mieux pour bien faire, et son ministre des Finances de la Banque mondiale est très respecté car elle a fait un excellent travail.

Le problème, c'est que le Nigeria ne peut amortir son énorme dette, et ne peut donc obtenir une renonciation sur celle-ci. Par conséquent, les agences de crédit à l'exportation, qui incluent la Banque Export-Import et EDC, entre autres, ne peuvent consentir de rallonge au secteur public pour répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de construire un hôpital ou autre chose. Ces banques ne peuvent même pas financer l'achat d'équipement nécessaire au pays, alors qu'elles étaient autorisées à le faire avec le secteur privé.

Les règles du FMI empêchent les agences de crédit à l'exportation des grands pays d'offrir des rallonges de financement tant que la dette n'a pas été amortie. Toutefois, rien ne peut être fait au sujet de la dette parce que nous avons établi des règles du jeu empêchant ces pays de gagner, ce qui est extrêmement malheureux. Beaucoup de gens reconnaissent que c'est malheureux.

Certains pays européens hésitent encore plus que les États-Unis à consentir une remise de dette parce que cela les obligerait à se représenter devant leurs organes législatifs respectifs pour demander une rallonge de leur crédit, ce qui pourrait porter un grand coup à leur budget. Par conséquent, ces pays envers qui le Nigeria ou d'autres pays ont des créances n'ont pas véritablement inscrit la valeur de cette créance. Ils ne font que la reconduire au même montant, avec les intérêts courus, et s'il leur venait soudainement l'intention de la radier, cela les obligerait à avouer à leurs organes législatifs qu'ils ont perdu la somme. Or, comme ces pays hésitent à le faire, cela pose un très grave problème.

Tant que nous ne trouverons pas dans la communauté des nations une façon de consentir une remise de dette à tous les pays pauvres du monde, rien d'autre ne pourra être fait pour eux. J'aurais bien aimé que le rapport Blair aille plus loin. Bien sûr, augmenter l'aide, c'est important; mais j'aurais aimé que l'on accorde autant d'importance à la radiation de la dette de ces pays pour leur donner l'occasion de repartir à zéro. C'est comme lorsqu'il faut restructurer une entreprise qui bat de l'aile : Il faut au départ la libérer de ses titres de créances avant de vous attendre à ce qu'elle reprenne de la force.

Notre rapport était controversé à cet égard-là; c'est uniquement là-dessus que les membres du FMI siégeant à notre commission ont déposé une opinion minoritaire et ont émis quelques réserves en bas de page. Cela illustre à quel point il est difficile de s'entendre même à l'intérieur d'un groupe à Washington sur cette question si délicate.

Le sénateur Downe : J'ai une autre question là-dessus. Au cours de notre étude, plusieurs témoins nous ont parlé de l'importance énorme que revêt l'agriculture dans l'emploi en Afrique.

Que faut-il faire pour baisser les subventions des pays occidentaux à leurs propres agriculteurs?

Avez-vous quelque espoir que les gouvernements agissent en ce sens?

M. Harmon : Je suis modérément optimiste, car l'attention du monde entier a été tellement attirée sur cette question qu'elle pourra vraisemblablement être résolue d'ici quelques années. J'aurais aimé que cela se fasse d'ici quelques mois.

Mais la question est politique. Aux États-Unis, en effet, nous avons une ceinture agricole qui regroupe quelques États critiques. Or, aucun candidat à une charge publique ne veut être obligé de dire aux agriculteurs que le gouvernement mettra un terme aux subventions. Malheureusement, ce ne sont qu'une poignée d'agriculteurs qui profitent des subventions, alors que si on les abolissait, on récupérerait beaucoup d'argent et les conséquences seraient très bénéfiques. C'est facile à comprendre et ce devrait être fait.

J'ai un petit espoir que sur la scène politique américaine, maintenant qu'il n'y a plus de menace d'élection, les positions changeront, ce qui pourrait nous permettre de résoudre ce problème. Mais le gouvernement américain rétorquera pour sa part que c'est aux Français et aux Européens à agir, puisqu'ils ont autant de problèmes avec leurs propres subventions que les Américains en ont avec les leurs.

Il y a un ou deux ans, nous avons frôlé un accord avec les Européens. Avec un peu de chance, le monde aurait pu résoudre ce problème. Il est très important de s'attaquer ne serait-ce qu'au coton. J'espère que si certains points de vue changent sur la scène politique des États-Unis, on pourra bouger sur ce front au cours de la prochaine année.

J'ai toujours cru que l'on écoutait d'une oreille favorable ce que dit le Canada, étant donné la neutralité que vous démontrez dans ces mêmes dossiers et étant donné que ce que votre pays a fait dans cette région du monde est bien considéré. Si vous pouviez faire en sorte que cette question soit résolue, ce serait utile, car les subventions dans le secteur du coton et la remise de dette des pays très endettés sont des facteurs clés dans l'avenir de l'Afrique. La plupart des gens raisonnables s'entendent pour dire que le problème des subventions doit être résolu. La question, c'est la façon de s'y prendre.

Le sénateur Downe : Nous sommes en fait tous bien au courant du problème. L'ancien premier ministre du Canada disait au président Bush qu'il n'était pas obligé d'accorder ces subventions à l'agriculture puisque tous les agriculteurs étaient républicains et votaient déjà pour lui. Mais le président persistait. Nous espérons nous aussi que l'on verra la lumière. Merci.

Le président : Je comprends très bien ce que vous dites, monsieur Harmon, car j'ai lu un excellent article sur la question des subventions au coton. C'est M. Murphy qui me l'a fait parvenir, et nous devrions en distribuer des exemplaires à tous les membres du comité, car ce rapport révèle toutes les conséquences que les subventions ont eues pour le Sénégal, le Mali et d'autres pays africains. Mais c'est un enjeu extrêmement difficile pour les Américains à cause des considérations politiques dans certaines clientèles.

Il s'agit d'un article très percutant et très instructif. Certains témoins de pays africains nous ont expliqué que les économies de leur pays avaient été dévastées parce qu'ils sont de très grands producteurs de coton et qu'ils ne peuvent concurrencer la production américaine subventionnée.

Le sénateur Mahovlich : Monsieur Harmon, existe-t-il un pays en Afrique où le climat soit meilleur pour les investissements qu'ailleurs?

Existe-t-il un pays dans lequel on puisse être intéressé à investir, ou font-ils tous face aux mêmes problèmes?

M. Harmon : La difficulté, c'est que la plupart des gens considèrent l'Afrique comme une entité homogène dont les problèmes sont les mêmes partout, ce qui n'est absolument pas vrai. L'île Maurice représente une très belle réussite. Elle a été un peu plus gâtée du côté de son capital humain, ce qui lui a permis d'utiliser les investissements directs étrangers beaucoup plus efficacement pour développer de nouvelles entreprises. Elle a également bénéficié de relations historiques particulières avec l'Inde. Enfin, elle a eu des dirigeants très éclairés au cours des 20 dernières années, ce qui a permis sa réussite.

En Afrique, on vous rétorquera que l'île Maurice est située ailleurs, et que sa relation avec l'Inde rend la situation un peu différente. Mais le Botswana a lui aussi bien réussi et continue à être une grande réussite. Ce pays est voisin du Zimbabwe, et il ne faut pas être la tête à Papineau pour comprendre que, dès lors qu'un pays a de bons dirigeants, il peut réaliser de grandes choses, où qu'il soit situé dans le monde. Faute de bons dirigeants, un pays se heurtera au contraire à de très graves problèmes.

Je sais que vous n'avez pas le temps de vous pencher sur tous les pays d'Afrique, mais la tendance générale vers la démocratie et la bonne gouvernance est encourageante sur ce continent. On constate également avec plaisir qu'il y a de plus en plus de dirigeants éclairés. On déplore encore beaucoup de lacunes dans certains pays et que le reste du monde ne fasse pas assez pour les aider, comme l'a bien illustré la Commission Blair, mais il reste que ce continent a connu des réussites, comme au Botswana.

Le président : Je sais que le sénateur Di Nino a demandé d'intervenir au deuxième tour, mais il ne faudrait pas laisser M. Mitchell s'en tirer impunément. Mais il ne nous reste que quelques minutes, car je ne sais combien de temps encore durera notre connexion.

J'ai une question à l'intention de M. Mitchell. Si je regarde vos recommandations, je lis que les pays de l'OCDE devraient miser sur leur force de négociation lors de la ronde actuelle de Doha pour encourager les économies en émergence que sont la Chine, l'Inde et le Brésil à offrir à un tarif préférentiel généreux aux importations provenant des pays moins développés, qui s'appliquerait à toute l'Afrique subsaharienne ou presque.

Nous suivons les négociations de Doha et, de façon générale, quelque 75 p. 100 de la population des pays d'Afrique subsaharienne travaille dans l'agriculture de subsistance. Lors d'une séance à Dar es Salaam à laquelle j'ai assisté, le président de l'Ouganda a même parlé de 86 p. 100. Quel que soit le pourcentage, c'est très élevé.

Pour que la ronde de Doha soit une réussite, il faudra tenir compte de ce facteur. Hier soir, le ministre des Finances nous a dit qu'il faudrait peut-être songer à des mécanismes différents de ceux que l'on utilise en Saskatchewan, par exemple, pour tenir compte de l'agriculture de subsistance en Afrique.

Si on ne tient pas compte de l'agriculture, comment faire pour hausser les niveaux de vie dans des pays où 75 à 80 p. 100 de la population travaille dans le secteur de l'agriculture?

On sait que 150 pays prennent part à la ronde de Doha et qu'ils forment des groupements, comme le G20, le G8 ou je ne sais trop quoi 100 ou 90. Je n'ai pas la liste sous les yeux.

Est-il réaliste de penser que la Chine, l'Inde et le Brésil — pays en développement qui se heurtent à leurs propres problèmes en agriculture — offriront des tarifs préférentiels généreux aux importations provenant des pays les moins avancés, particulièrement ceux de l'Afrique subsaharienne, dont la plupart des produits concurrenceront leurs propres produits tropicaux?

M. Mitchell : Je le crois en effet. En janvier dernier, la Chine a accordé unilatéralement aux PMA l'accès en franchise de droits à toute une gamme de groupes de produits. Je répète qu'elle l'a fait de façon unilatérale, sans que cela ne soit dans le cadre des négociations. Vous voyez qu'il y a déjà des initiatives.

Le grand défi que pose la ronde de Doha, c'est qu'elle est déjà considérée par certains comme la ronde de la dernière chance. C'est parce que les niveaux de tarifs dans les marchés du Nord sont si faibles et que le problème du Nord se concentre dans le secteur agricole. Il est évident que l'on tiendra compte des pics au cours de cette ronde-ci, mais il ne reste pas grand-chose à faire.

Pour ce qui est du Nord et de ce que céderaient les pays de l'OCDE, c'est peut-être la dernière fois qu'ils auront quoi que ce soit sur la table, dans la mesure où la ronde est couronnée de succès.

Et qu'obtenons-nous en retour?

Traditionnellement, lorsqu'on négocie, on offre quelque chose à l'autre qui vous donne autre chose en retour. Il ne fait aucun doute que les pays exportateurs de l'OCDE voudront avoir accès aux marchés que sont la Chine, l'Inde et le Brésil et espéreront que ces derniers réduiront certains de leurs tarifs.

Une autre stratégie, ce serait de considérer ceci commele système commercial international; au cours des 10 à20 prochaines années, si le mouvement du commerce augmente avec succès, il faudra espérer que le mouvement n'ira pas toujours des pays en développement vers le Nord, puisque nos économies, et particulièrement celles de l'Union européenne, sont relativement stagnantes.

À long terme, et pas nécessairement au cours des prochaines années, la croissance des marchés que forment les pays moins avancés proviendra des pays en émergence que sont l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Afrique du Nord. Ils représentent ensemble un groupe imposant de pays à revenu moyen, dont les chefs de file sont les trois que j'ai mentionnés.

Le temps est maintenant venu d'élaborer un régime préférentiel en vue d'aider à bouger les pays les moins avancés, particulièrement ceux d'Afrique. Le temps est maintenant venu d'élaborer un régime préférentiel qui ouvre la porte à ces pays, au Brésil, à l'Inde, à la Chine et aux autres. Leurs économies continuent à croître à un rythme explosif, et au fur et à mesure que ces pays se départissent de leurs emplois plus traditionnels en raison d'une augmentation de leurs coûts de main-d'œuvre, les PMA peuvent commencer à y exporter. Voilà pourquoi j'ai fait cette proposition.

Monsieur Stephenson, l'ambassadeur, a reconnu que cette vision pouvait être intéressante, étant donné que cette ronde-ci misait sur le développement.

Le président : Merci. Je n'ai plus de questions.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Mitchell, votre dernière recommandation me frappe, mais je voudrais aussi reprendre votre recommandation no 3. Dans votre dernière recommandation, vous parlez d'adopter une approche coordonnée de l'aide au développement. On nous a déjà expliqué que le problème venait de cette approche éparpillée qui laissait chacun libre de faire de petits efforts dans toutes sortes de pays. Pourriez-vous mieux nous expliquer ce que vous entendez par là?

M. Mitchell : Une précision : S'agit-il des recommandations de mon rapport le plus long?

Le sénateur Di Nino : Oui, je parle de la recommandation no 5.

M. Mitchell : Mes recommandations émanent en partie de la vision intéressante que l'on a de la question au Royaume-Uni. L'année dernière, on a fait appel à l'Institut Nord-Sud pour examiner les programmes de développement des capacités dans le secteur des échanges commerciaux du ministère du Développement international du Royaume-Uni.

L'étude signalait notamment que le ministère de l'Aide étrangère du Royaume-Uni et le ministère du Commerce assumaient collectivement la responsabilité d'augmenter le nombre d'importations vers le Royaume-Uni en provenance des pays en développement. Ils avaient établi ensemble des objectifs afin de faire grimper du pourcentage A au pourcentage B le nombre d'importations provenant des PMA d'Afrique. Voilà le genre de coordination dans les efforts qui me semble logique.

Chez nous, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a proposé sans jamais avoir consulté l'ACDI dans sa programmation, une initiative transparente destinée aux PMA, en leur proposant un accès complètement ouvert en franchise de droits. Autre exemple : Certaines de nos initiatives d'aide visent à promouvoir le développement de certaines capacités dans les pays en développement, et pourtant d'autres de nos politiques leur nuisent, et je pense particulièrement aux subventions à la culture du coton.

Même si l'on parle de façon plus générale des subventions au coton des pays de l'OCDE, on peut quand même dire que nos politiques sont incohérentes.

Le sénateur Di Nino : Votre troisième recommandation qui porte sur les régimes commerciaux de l'OCDE suggère qu'ils soient transparents et simples à administrer. Qu'entendez-vous par là?

M. Mitchell : On pourrait songer à différents programmes, mais je vais comparer ce que propose la loi américaine AGOA au programme canadien. J'ai en effet appris du nouveau sur cette loi américaine cet après-midi.

La loi AGOA ne se voulait pas uniquement un instrument politique : Elle contenait plusieurs dispositions, dont l'une exigeant que les divers départements signalent tout ce qu'ils faisaient en vue d'augmenter les exportations des pays africains vers les États-Unis. Néanmoins, je ferais une critique au niveau de l'OCDE : la loi AGOA comporte beaucoup de règles et de nuances qui s'appliquent aux pays en développement et aux exportateurs. En effet, si les exportations vers les États-Unis augmentent trop rapidement en nombre, le tarif préférentiel est interrompu. L'octroi du traitement préférentiel étant de nature arbitraire, dès lors qu'il est considéré qu'un pays ne déploie plus suffisamment d'efforts en vue d'atteindre la bonne gouvernance et lutter contre la corruption, ce régime préférentiel peut lui être retiré. Autrement dit, certaines nuances, complexités et applications difficiles des règles d'origine nuisent à la réussite de l'initiative AGOA.

Les règles d'origine des programmes canadiens sont par contre relativement simples : 40 p. 100 doivent provenir d'un PMA. C'est assez simple. D'aucuns vous diront que le pourcentage devrait baisser à 10 ou à 20. Toutefois, dans le cas des textiles et de vêtements, les règles prévoient plus de temps. Il devient difficile pour les exportateurs de s'y retrouver et de ne pas s'embourber, sans quoi ils pourraient découvrir que leurs produits sont frappés d'une taxe à leur arrivée au Canada, alors qu'ils estimaient pouvoir les envoyer en franchise de droits.

Le président : Monsieur Harmon, votre témoignage était intéressant et a confirmé, dans une certaine mesure, certaines des choses déjà entendues par le comité.

M. Harmon : Merci. Les derniers commentaires de M. Mitchell m'ont semblé bien réfléchis. Lorsque vous lirez la loi AGOA, j'espère que vous ferez la distinction entre le bon grain et l'ivraie, dont la présence remonte à des batailles politiques hautement contestées. Si certains pays ne peuvent plus démontrer qu'ils continuent à faire des progrès, les critères sont tels que la loi AGOA ne peut plus s'appliquer à eux. C'est d'ailleurs ce qui a fait hésiter les manufacturiers qui espéraient construire des usines dans certains pays, lorsqu'ils ont constaté que la loi AGOA pourrait éventuellement ne plus s'appliquer à ces pays. Nous pensions au début que les exportations provenant d'Afrique vers les États-Unis étaient un signe intéressant, mais certains investisseurs américains et asiatiques ont hésité à construire des usines de textile dans certains pays parce qu'ils craignaient que le Congrès prenne éventuellement des mesures et retire les pays de l'application de la loi AGOA.

La loi AGOA a fait beaucoup de bonnes choses, mais elle a également nui à cause de certaines batailles politiques menées par certains États. Mais le lecteur pourra aisément en trouver les éléments avantageux.

Je crois que le Fonds du Canada pour l'Afrique vous permettra de miser sur 100 millions de dollars, dans la mesure où les investisseurs privés fournissent l'équivalent et l'utilisent comme argent frais à investir en Afrique. Cela me semble judicieux comme façon de faire, et j'aimerais bien que l'on fasse de même aux États-Unis, car c'est une bonne façon d'inciter le secteur privé à s'associer au gouvernement pour investir en Afrique.

J'ai reçu aujourd'hui la visite de la Fondation Shell. Je ne m'étais jamais rendu compte que la Fondation de la pétrolière Shell s'intéressait aux PME africaines. Voilà l'exemple d'une fondation qui s'associe à d'autres entités pour fournir de l'aide technique à l'Afrique et pour financer le travail des PME sur ce continent.

Si votre comité souhaite rencontrer d'autres témoins, il voudra peut-être inviter un représentant de la Fondation Shell qui est très ouverte sur l'avenir. Que je sache, il n'y a aucune autre fondation au monde qui s'intéresse aux PME africaines et qui soit disposée à aller chercher du financement du secteur privé pour appuyer ses projets. Ces projets ont permis à certains pays africains de faire beaucoup de progrès. Les membres du comité seront peut-être intéressés par ce qu'il pourra vous apprendre.

Le président : Nous vous remercions de ce conseil que nous accueillons favorablement. Merci à nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui.

La séance est levée.


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