Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 12 - Témoignages du 20 avril 2005
OTTAWA, le mercredi 20 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique. Sujet : paix et sécurité.
Le sénateur Consiglio Di Nino (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : J'aimerais commencer par présenter des excuses à nos témoins. Le Règlement ne nous autorise pas à siéger lorsque le Sénat siège, et il a ajourné il y a six ou sept minutes. Je remercie mes collègues de se joindre à nous. Je présume que quelques autres vont arriver d'une minute à l'autre.
Pour le compte rendu, je précise que nous continuons notre mandat du Sénat d'étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique. Nous sommes heureux d'accueillir M. MacDonald Ighodaro, professeur de sociologie à l'Université Saint Mary's, ainsi que Mme Jane Boulden, Chaire de recherche du Canada en relations internationales et en études sur la sécurité, Collège militaire du Canada, qui comparaissent tous deux à titre personnel. Nous vous souhaitons la bienvenue à cette séance. M. Ighodaro sera notre premier témoin, puis nous entendrons Mme Boulden. Ensuite, nous aurons le plaisir d'échanger des réflexions et des idées par les questions de nos honorables sénateurs et les réponses de nos distingués invités.
Le sénateur Corbin : Nous avons quatre documents différents. Lesquels sont pertinents pour cette partie de la réunion?
Le vice-président : Nous avons celui qui s'intitule « Paix et sécurité en Afrique » ainsi que les notes d'allocution de Mme Boulden.
M. MacDonald Ighodaro, professeur, Université Saiant-Mary's, à titre personnel : Je suis heureux de pouvoir m'exprimer devant votre comité. Je n'étais personne et voilà que je deviens quelqu'un. Je le dois au Canada et j'ai attendu avec beaucoup d'empressement ce moment de pouvoir m'exprimer tout particulièrement sur les questions de la paix et de la sécurité en Afrique.
Le premier titre porte en fait sur des questions que je ne veux pas vraiment aborder. Il s'agit de la violence persistante du désordre social en Afrique. Je suis fatigué, parce que mes parents sont nés dans cette violence, j'y suis né aussi et j'en parle encore. Je vais plutôt creuser la question de l'hégémonie mondiale et de la stabilité ou de l'instabilité politique en Afrique. Je vais faire le lien entre ces deux éléments et les notions d'exclusion et d'inclusion, de pluralisme et d'assimilation, de guerre civile et de génocide. Je ne vais pas entreprendre d'examiner ces questions en détail.
J'ai fait beaucoup d'efforts afin de vous fournir une certaine analyse contextuelle des termes « assimilation », « pluralisme » et « génocide ». Je ne vais pas y consacrer beaucoup de temps. On entend par « assimilation » l'imposition de ses valeurs à un autre. Le « pluralisme » est ce que j'adore. J'adore ce concept et je l'adore parce que j'ai trouvé dans la société canadienne, même si ces concepts peuvent sembler contradictoires, que les gouvernements parlent des notions d'intégration dans la plupart de leurs documents officiels. Le concept de « génocide » est tout à fait différent. Il s'agit de l'extermination systématique de personnes qu'un groupe juge exclues.
Les trois concepts que je viens de présenter ont pris racine en Afrique depuis le contact avec les Européens. Je vais l'expliquer par le concept de l'hégémonie. Beaucoup de dirigeants africains adoptent la notion d'hégémonie. Ils le font et le font très bien. Il s'agit de l'imposition de valeurs à des groupes en fonction de différences sociales.
L'Afrique a un long passé colonial. En fait, lorsqu'on veut en parler, les gens ne veulent pas écouter. Je tiens à le souligner. Les gens ne veulent pas en parler. L'une des premières causes des problèmes auxquels l'Afrique est confrontée aujourd'hui est justement ce passé colonial. Les exemples de la Somalie et du Rwanda me viennent en tête. La Somalie a été divisée entre cinq puissances coloniales, ce qui a en quelque sorte mené au conflit qui a éclaté là-bas. Aujourd'hui, la Somalie n'a ni pays, ni gouvernement et elle essaie de reconstituer un gouvernement fragilisé. On revient ici à l'hégémonie.
L'Europe et l'Amérique du Nord s'ingèrent dans le développement de l'Afrique et brisent l'équilibre ainsi que l'harmonie ethnique et culturelle, ce qui mène à la guerre. Je dirais que la règle des Européens était et est toujours d'utiliser des Africains contre des Africains sur la base de motifs ethniques, religieux et de différences sociales. Ces motifs de dissension n'ont aucun sens à mes yeux.
Il y a ensuite les dirigeants africains. C'est ce que j'appelle conflit interne. Ils étouffent et tuent la vitalité communautaire de leur société, celle que je trouve dans la société canadienne, qui consiste à se soucier des autres. Ils en font fi et adhèrent aux principes mêmes que je dénonce. C'est ce que j'appelle de la cupidité capitaliste individuelle. La cupidité capitaliste individuelle permet aux dirigeants politiques africains notoires de s'emplir les poches autant qu'ils le veulent, sans se soucier de la masse populaire. On constate aujourd'hui que les dirigeants politiques africains amassent beaucoup d'argent, beaucoup de richesses, qu'ils entassent dans leurs propres comptes privés, aux dépens de leurs sociétés. Ce sont des dictatures. Ils prétendent diriger un gouvernement démocratique, mais il n'en est rien. Ils utilisent la terreur, la mort, l'emprisonnement indéfini, les disparitions et la non-reconnaissance des principes de base des droits de la personne. Par conséquent, l'Afrique ne peut pas s'aider. Je suis justement ici pour vous le dire. Si l'Afrique ne peut pas s'aider, personne ne peut aider l'Afrique. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour vous dire d'aider l'Afrique; je suis ici aujourd'hui pour vous dire de travailler avec l'Afrique. De travailler avec l'Afrique signifie d'éliminer le déséquilibre des pouvoirs entre le Canada et l'Afrique et de favoriser un climat de travail qui fait place à la communauté et dans lequel les gens sont reconnus.
On constate dans l'Afrique d'aujourd'hui une pauvreté chronique. Plus de 90 p. 100 des Africains vivent dans le dénuement socioéconomique. Environ 14 p. 100 de la population mondiale se compose d'Africains, mais le monde ne fait pas affaire avec l'Afrique. On calcule que 1,5 p. 100 du commerce mondial se fait avec l'Afrique. Moins de 1 p. 100 des investissements financiers se font en Afrique. Cela n'a aucun sens si je vis dans la société canadienne.
Les Africains sont dans le pétrin. Mon peuple est dans le pétrin. Il est dans le pétrin, parce que je peux pas à moi seul aider cette population. Plus de 6 millions d'enfants africains ont été blessés à la guerre depuis dix ans; deux millions d'enfants ont été tués à la guerre depuis dix ans en Afrique; 30 millions d'enfants ont été déplacés de force. Ce sont des personnes qui pourraient, dans toute situation, être considérées comme des réfugiés au sens de la convention. Au moins dix millions d'enfants africains sont des réfugiés. Plus de 300 000 enfants africains sont soldats.
Lorsque je parle d'enfants-soldats, je parle d'enfants d'aussi peu que six ans. Dès qu'un enfant peut parler, il est capable de porter une arme légère pouvant tuer une autre personne pour se défendre.
Soixante millions d'Africains, c'est beaucoup de monde. Je ne travaille pas avec des chiffres; je fais des évaluations quantitatives. Ces chiffres viennent de l'ONU. Si l'ONU peut en arriver à ces estimations, cela signifie que les chiffres réels sont plus élevés. Je travaille d'un point de vue quantitatif. Par conséquent, 60 millions d'enfants africains n'ont pas accès à l'éducation. Plus de 10 000 enfants africains sont victimes des mines terrestres. Je me rappelle du temps où le Canada travaillait activement à ce dossier. Presque tous les Africains sont touchés par les désordres politiques et des millions sont porteurs du sida ou du VIH.
J'aimerais aussi vous parler de l'enjeu crucial qu'est le conflit ethnique. Le conflit ethnique est intimement lié à la connaissance. Je travaille dans les paradigmes de ce que la société canadienne a à m'offrir. Je n'enseigne pas ce que la société africaine a à m'offrir. J'ai étudié les religions ethniques et les divisions religieuses au sein de la société canadienne. Je dois féliciter les Canadiens. Ils ont réussi à établir et à maintenir une société stable, c'est le type de système auquel j'aspire.
Je vais être le premier à m'opposer à ce qu'on recommande un système parlementaire canadien de gouvernement, parce qu'il faut être capable de prendre les critiques, de travailler avec les critiques, de s'en sortir et d'aimer la démocratie.
La plupart des Africains ne migrent pas parce qu'ils vivent en région rurale. Ils sont heureux dans leurs régions rurales. Lorsqu'on est heureux, on ne migre pas. Les Africains migrent seulement lorsqu'ils sont déplacés. Lorsqu'ils sont déplacés, ils cherchent la protection et la sécurité. Le seul pays qui semble le leur offrir est le Canada, mais son emplacement géographique les empêche de venir ici. De plus, en raison de la nouvelle politique d'immigration, ils ne peuvent pas entrer au Canada. Je pense aux dispositions sur le tiers pays sûr. Par conséquent, il est impératif que les Africains apprennent à se connaître et qu'ils ne se voient plus comme des ennemis, mais comme des êtres humains.
Je propose des politiques antiracistes pour contrer les pratiques hégémoniques en Afrique. On sait qu'en Afrique, n'importe qui peut se tirer de n'importe quoi en raison du leadership notoire en Afrique. Les gens déménagent d'ici et détruisent l'Afrique. Ce n'est pas la norme des États-nations.
Nous devons trouver des moyens de confronter ceux qui contreviennent aux droits de la personne, ceux qui enfreignent les règles et pensent qu'ils peuvent s'en tirer ainsi. J'aimerais que le Canada joue un rôle actif, non seulement à l'égard de ceux qui commettent des crimes de guerre sous la forme de violence sexuelle et de ceux qui emprisonnent des gens parce qu'ils ne veulent pas entendre leurs opinions, mais aussi de ceux qui détournent des fonds publics pour s'emplir les poches.
Les politiques démocratiques sont bonnes en Afrique. Les gens les adorent. Cependant, ils en détestent les résultats. Les notions de justice sociale et d'équité économique disparaissent lorsque des gouvernements démocratiques sont au pouvoir. C'est une question difficile. Les jeunes gens éduqués sont prêts à partir demain matin, mais dès qu'ils ont ce type de démocratie que je trouve dangereuse et fallacieuse, ils se mettent à souhaiter le retour des gouvernements et des dictatures militaires. Cela n'a aucun sens. Ce sont des intellectuels et des universitaires.
Je peux vous nommer plusieurs pays d'Afrique dont la plupart des dirigeants et des chefs d'État n'ont même pas de diplôme. Je vais commencer par l'exemple du pays le plus peuplé. Le gouvernement nigérian n'a eu qu'un dirigeant dans l'histoire qui détenait un diplôme. Ce sont les gens qui ont mené les négociations de la domination coloniale à l'indépendance. Depuis 1960, le Nigeria n'a pas eu un seul président ou chef d'État titulaire d'un diplôme universitaire. C'est un environnement dangereux. La même réalité s'avère dans beaucoup de parties de l'Afrique de l'Ouest.
Je veux parler du rôle de la communauté internationale et du passé colonial. Je veux parler du rôle des Africains concernant le rapatriement forcé, les pratiques des violences qui sont imposées à des peuples innocents. La violence et les déplacements sont choses communes. L'Afrique en soi n'est pas une nation productrice de réfugiés : cela vient de quelque part.
Les Nations Unies se sont vues confier une mission en ce sens, et les ONG favorisent maintenant le rapatriement forcé. Le premier principe de droit international, les principes internationaux et l'idéologie humanitaire à la base de la protection des réfugiés dictent que peu importe d'où les réfugiés viennent, on leur promet qu'on ne les rapatriera jamais vers leur pays d'origine, l'endroit où ils craignent la persécution. Les activités qui se déroulent en ce moment au Congo, en Somalie et à Nairobi, au Kenya, n'ont aucun sens. Par conséquent, le rapatriement forcé vers un lieu où la personne craint la mort va à l'encontre du droit international et des règles internationales. Nous avons de graves problèmes, et ceux-ci ont donné naissance à la nouvelle politique d'immigration, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La société canadienne s'est engagée à protéger les réfugiés.
À mon avis, l'effort conscient que déploie la communauté internationale pour s'échapper ou pour se cacher derrière la notion du déplacement d'immenses populations n'est pas réel. C'est plutôt un leurre, et il y a d'autres motifs en jeu. Je vais vous parler de ces motifs, puis je vais répondre à vos questions. Vous n'avez pas accès à mes notes d'allocution, qui sont fondamentalement différentes du document que j'ai remis au comité.
Je vais restreindre mes exemples à l'Angola et au Sierra Leone. Il y a des preuves que des agents de migration internationaux, transnationaux — des entreprises transnationales — plutôt que de promouvoir l'Afrique, désunissent les Africains en travaillant avec des groupes rebelles afin de renverser le gouvernement légitime et de leur fournir des armes légères confisquées que des enfants peuvent porter. Ces groupes n'ont pas assez d'argent pour les rembourser. La seule chose qu'ils peuvent faire, c'est d'échanger des ressources naturelles précieuses contre des armes. J'ai été en contact avec la force et tout le non-sens des dirigeants africains qui réussissent à articuler des demandes et à obtenir de l'aide étrangère — de l'argent canadien — pour pouvoir détourner ces fonds vers leurs comptes privés. Cela n'a aucun sens à mes yeux.
Ce qui est logique pour moi, c'est que le Canada dépense son argent. Il ne le dépense toutefois pas pour ceux qui veulent faire des affaires légitimes, mais pour ceux qui savent qu'ils peuvent se rendre en Afrique, commettre des crimes et s'en tirer sans conséquence. Nous devons dépenser notre argent là-bas pour poursuivre ces gens et les traduire en justice. Nous devons poursuivre les dirigeants africains qui croient qu'ils peuvent dire une chose au nom de la démocratie sans croire en la démocratie. Nous devons faire quelque chose de réaliste, même si cela ne fait pas bonne figure sur papier. Le Canada doit croire que ces personnes peuvent faire quelque chose pour créer un changement avec 500 millions de dollars, ce qui représente beaucoup d'argent.
En gros, il faut protéger les réfugiés et non les renvoyer vers un endroit où ils craignent la persécution. Les dirigeants politiques africains notoires doivent être rendus responsables de leurs actes. Nul besoin d'être brutal ni de créer un génocide. Nous pensons que nous sommes menacés et nous devons maintenant les rendre responsables. Toute la stabilité politique dépend de la démocratie, et c'est que j'appelle les principes démocratiques.
Par conséquent, je vous en prie, j'aimerais voir les principes canadiens de la justice et des valeurs humanitaires s'appliquer à la protection des réfugiés avant ma mort.
Le vice-président : Monsieur Ighodaro, vous exprimez avec verve votre passion. Je vous ai laissé parler beaucoup plus longtemps que je ne le fais d'habitude. Je dois vous demander si vous avez terminé ou si vous voulez dix secondes de plus pour conclure, nous devons avancer.
M. Ighodaro : J'aimerais avoir dix secondes pour terminer ma présentation, merci. Il y a un problème avec les dirigeants africains, avec ces gouvernements qui se qualifient de démocraties et de dictatures. Ils ne sont pas près de leur peuple. Le peuple ne comprend pas en quoi consiste la démocratie. La communauté internationale doit tenir responsables de leurs actes les personnes qui vont en Afrique pour déstabiliser l'Afrique.
Le vice-président : Merci. Madame Boulden, la parole est à vous.
Mme Jane Boulden, à titre personnel : Honorables sénateurs, M. Ighodaro a mis la table de façon intéressante pour ce que je vais vous dire. Ma perspective consiste à étudier la communauté internationale, particulièrement les Nations Unies, et ce qu'elles font pour essayer de régler les conflits en Afrique.
Pour vous mettre en contexte, j'ai examiné la chose sous différents angles, mais toujours par le prisme des Nations Unies. C'est mon principal domaine de compétence, plutôt que la politique africaine en tant que telle.
Un projet sur l'utilisation de la force par les Nations Unies m'a amenée à me pencher sur la situation du Congo dans les années 60 et sur celle de la Somalie au début des années 90. Lorsque je travaillais à Oxford, j'ai piloté un projet sur l'ONU, les organisations régionales et la façon dont elles gèrent les conflits en Afrique. L'an dernier, j'ai travaillé à un projet sur la consolidation de la paix et la façon dont les Nations Unies pouvaient favoriser la consolidation de la paix en Afrique. Ce projet était financé par le ministère des Affaires étrangères et le Foreign Office de la Grande-Bretagne.
Cela vous donne une idée de ma façon d'aborder cette question.
Lorsqu'on analyse les efforts que déploient les Nations Unies en ce qui concerne les conflits en Afrique, on constate deux visions plutôt contradictoires, des perceptions mixtes de ce qui se passe. D'une part, l'ONU est un organisme très actif. Sept de ses seize opérations actuelles se déroulent en Afrique. Le chiffre le plus intéressant, c'est que de l'ensemble du personnel de police civile et militaire déployé dans le cadre de ses opérations, 75 p. 100 se trouvent en Afrique. C'est beaucoup, et ce chiffre ne comprend pas les 10 000 personnes qui viennent d'obtenir l'autorisation de se rendre au Soudan. Le Conseil de sécurité consacre 35 p. 100 de son temps, parfois plus, aux conflits africains, et cela ne comprend pas les enjeux thématiques comme le VIH/Sida et le rôle des enfants dans les conflits. C'est un organisme actif, intéressé et présent sur le terrain.
D'autre part, les efforts des Nations Unies en Afrique ont bien souvent été voués à l'échec, le cas de la Somalie et celui du Rwanda sont parmi les plus dramatiques. Si l'on examine le modèle type des opérations de l'ONU en Afrique, il y a de nombreuses répétitions. Des 24 opérations menées, environ la moitié ont été des répétitions. Au Sierra Leone, par exemple, il y a eu deux opérations. En Angola, il y en a eu quatre. En Somalie, il y en a deux ou trois, selon la façon dont on les compte. Le nombre d'opérations répétées illustre la difficulté à établir la paix de façon durable et à maintenir une bonne structure organisationnelle.
Certaines de ces opérations n'ont pu être menées que grâce à une aide extérieure, comme lorsque la Grande- Bretagne est venue en renfort à l'opération au Sierra Leone, parce que plus de 500 casques bleus avaient été pris en otage par des groupes belligérants. Il y a aussi eu intervention de la France au Rwanda et en République démocratique du Congo pour stabiliser la situation, alors que les troupes des Nations Unies n'y arrivaient pas.
Il y a une courbe d'apprentissage, mais c'est un milieu difficile; les Nations Unies ont eu de la difficulté à s'adapter. C'est aussi en partie parce que la communauté internationale, particulièrement depuis les conflits en Somalie et au Rwanda, a de plus en plus de difficulté à générer la volonté politique ou même le nombre de troupes requis pour intervenir dans ces situations. C'est donc un phénomène croissant et constant.
Je vais vous parler brièvement de deux thèmes inhérents à tout cela. Le premier est l'Afrique comme secteur d'intérêt et le second, les organisations régionales et leur rôle.
À partir de la fin des années 90 et plus particulièrement de 1998, en partie en réaction à ce sentiment d'échec, les Nations Unies ont commencé à étudier les conflits en Afrique comme un enjeu séparé. Ainsi, le secrétaire général a publié un rapport sur les conflits en Afrique, qui a poussé le Conseil de sécurité à prendre des mesures. Cela comprend des ententes afin de rencontrer les ministres étrangers deux fois par année au Conseil de sécurité pour se pencher sur les conflits africains.
En ce moment, il y a un groupe de travail spécial au Conseil de sécurité, et diverses mesures sont prises. Le Conseil de sécurité se rend aussi sur le terrain dans ce qu'il appelle des missions du Conseil de sécurité. Cela lui permet de montrer son engagement aux parties en guerre et de juger de la situation par lui-même. C'est un pas important vers l'avant.
Tout récemment, le Conseil de sécurité a tenu une séance plénière à Nairobi. C'était la première fois que le Conseil de sécurité se réunissait dans une région faisant l'objet de crise. Cela montre son engagement, mais porte aussi la communauté à se demander si son engagement va au-delà du symbole.
Pour ce qui est de la dimension régionale, une nouvelle tendance se développe particulièrement depuis la fin de la guerre froide, mais surtout depuis le conflit au Rwanda. Elle consiste à accorder une plus grande part de responsabilité aux organisations régionales en Afrique dans le règlement des conflits. Il s'agit en partie de l'acceptation d'un phénomène qui existait déjà sur le terrain. Par exemple, à partir de 1990, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest est intervenue dans la crise au Libéria. Elle l'a fait sans l'autorisation du Conseil de sécurité, mais c'est là une autre question.
La tendance à l'intervention des organismes régionaux ou sous-régionaux dans les conflits joue un rôle croissant et a pris racine depuis. La communauté internationale encourage cette tendance, en partie parce qu'il semble bon pour l'Afrique de trouver des solutions africaines aux problèmes africains. Je dirais que c'est aussi en partie parce que cela transfère le fardeau de la responsabilité et les risques aux organisations régionales. Les États occidentaux hésitent de plus en plus à envoyer leurs propres soldats là-bas. Ils préfèrent de loin que les organisations régionales s'occupent des conflits.
Les organismes régionaux le font parce qu'ils savent que la communauté internationale ne viendra pas à la rescousse ou que si elle le fait, elle arrivera trop tard et ne sera pas efficace. Ils ont tiré des enseignements des crises en Somalie et au Rwanda et les ont pris à cœur. On le voit surtout depuis la création de l'Union africaine, qui était auparavant l'Organisation de l'Unité africaine. Les Africains prennent conscience de la nécessité pour eux de devenir maîtres de leur propre destinée et de leurs propres problèmes. Ce développement n'en est qu'à ses débuts.
Les organismes africains souffrent d'un grave manque de ressources. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, qui est l'organisme ayant le plus d'expérience du maintien de la paix, compte 16 États membres. Parmi eux, dix font partie des trente pays les moins développés selon l'indice de développement humain des Nations Unies. Je ne le dis pas pour souligner comment ils se positionnent, mais pour vous dire que nous demandons à des États qui arrivent à peine à voir à leurs propres besoins de s'occuper de questions et d'opérations militaires pour régler des conflits régionaux.
Que faire à partir de là? Qu'est-ce que le Canada peut faire? Je pourrais vous donner une longue liste d'idées, mais j'en ai noté deux pour lancer la discussion. La première est de poursuivre l'idée de la consolidation de la paix un peu plus. Depuis la fin de la guerre froide, par les Nations Unies, on comprend mieux que la paix ne se limite pas simplement à la fin des conflits. Cela a l'air simpliste, mais d'une certaine façon, nous avons pris du temps à le comprendre. La paix va au-delà de l'absence de guerre. Nous devons penser aux questions du développement économique de la justice et de bien d'autres enjeux que M. Ighodaro a soulevés.
Comment peut-on le faire, en tant qu'État et en tant que membre de la communauté internationale? La réponse n'est pas simple. Il y a divers obstacles institutionnels à surmonter et il y a toujours le problème des ressources ainsi que la question de savoir qu'elle est le meilleur moyen pour appliquer ces solutions.
L'autre option consiste simplement à foncer. Le Canada fait diverses choses importantes, et nous devrions en faire plus. Je reviens encore à la question des ressources. Il faut plus de formation, plus de partenariats de coopération et plus d'échanges. En un sens, il est facile de dire que presque n'importe quoi va aider. C'est le cas, mais il importe de faire preuve de prudence avant de faire tout un éventail de petites choses si nous n'avons pas d'idée générale en tête. C'est pourquoi l'accent que met dernièrement le Canada sur l'intégration des 3D est important. Cela se reflète dans d'autres pays comme la Grande-Brtetagne, où l'on parle d'emboîter le pas. L'Union européenne a déjà l'African Peace Facility, qui est une sous-organisation de L'UE et qui contribuera à appuyer ces organismes. Nous pouvons aussi faire plus sur ce front.
Le sénateur Poy : Monsieur Ighodaro, comment proposez-vous que le gouvernement canadien poursuive des dirigeants politiques dans des pays africains? Comment vous l'avez dit, ils n'ont pas vraiment été élus démocratiquement. Cependant, ils sont reconnus par le gouvernement. D'un point de vue pratique, comment peut- on le faire?
M. Ighodaro : Le Canada devrait travailler avec des principes relativement faibles de la société démocratique qui le réclame. C'est une possibilité. Ensuite, le Canada doit être futé. Il y a une histoire dans ces pays. Si les dépenses du Canada dans ce pays ne produisent pas les résultats visés, il y a quelque chose qui cloche quelque part. Les ONG classiques ne le feront pas. Elles vont se défiler. Le gouvernement qui exerce la démocratie selon son bon vouloir ne le fera pas non plus. Le peuple qui ne connaît pas ses droits démocratiques ne le fera pas, mais il y aura un groupe et des personnes, qui ne connaissent pas bien la société canadienne, qui ne connaissent pas l'influence de ces personnes, qui reconnaîtront qu'il est temps pour l'Afrique de connaître une certaine décence dans son niveau vie. Le Canada devrait travailler avec ces personnes et ces groupes.
Le sénateur Poy : Parlez-vous de personnes en Afrique ou au Canada?
M. Ighodaro : Les deux.
Le sénateur Poy : Vous parlez du gouvernement canadien. Le gouvernement canadien ne peut pas intervenir et destituer un dirigeant. Je ne vois pas comment ce serait possible. Je doute qu'il soit convenable qu'un gouvernement dise : «Le dirigeant de votre pays ne devrait pas être dirigeant et nous allons le destituer.»
M. Ighodaro : Non, il ne faut pas se méprendre sur mes propos. Ce ne sont pas seulement les membres du gouvernement qui sont considérés dangereux pour le peuple que l'aide canadienne ou internationale n'atteint pas. Ce sont les gens mêmes dans lesquels le Canada veulent investir. Cependant, le Canada pourrait travailler avec des personnes comme celles-là, qui se considèrent africaines et qui sont prêtes à mourir pour l'amélioration de la vie des Africains. Dans la culture africaine, on dit qu'il faut mourir pour sa famille parce qu'on ne veut pas que sa famille meure pour soi. La même chose est attendue dans la communauté. On s'attend à ce que vous mouriez pour votre communauté comme elle mourrait pour vous. En grandissant, j'ai pris conscience qu'il y avait des gens qui en tuaient d'autres dans leur société par simple cupidité personnelle.
Je ne vais pas m'asseoir ici et vous dire qu'il n'y a aucun politicien africain avec qui le Canada peut travailler. Ce n'est pas ma mission. Ma mission consiste à vous expliquer que ces traditionalistes, ceux qui savent comment dire et qui peuvent dire au Canada ce qu'il veut entendre pour obtenir du financement et détourner ces fonds vers leurs propres comptes privés ne sont pas les personnes que je veux voir travailler avec le Canada.
Le sénateur Poy : Comment le Canada peut-il repérer ces personnes?
M. Ighodaro : Le Canada est un pays très futé. J'aime, j'adore et j'embrasse le Canada. La complexité qui règne au sein de la société canadienne sur les plans de l'ethnicité, de la religion, de la race et de la langue et le fait que le Canada arrive à survivre en tant que nation sont des réalités que tous les Canadiens qui vivent ici devraient être capables de reproduire et d'appliquer dans leur vie. Les conflits ne se vivent pas toujours avec des armes; on peut se battre avec des mots.
Mes étudiants ne sont pas d'accord avec moi, mais en bout de ligne, ce sont mes étudiants. Ils sont frustrés que la politique étrangère canadienne sur papier ne soit pas mise en pratique, parce qu'ils voient des gens mourir et constatent que l'argent n'aide pas les gens qui en ont besoin. Vous ne pouvez pas rester assis ici à me dire que vous ne savez pas comment faire, parce que je pense que vous le savez. Le Canada est un pays de gens intelligents. Tout ce qui fonctionne au Canada peut être transposé dans n'importe quelle autre société.
Le sénateur Downe : Ma question porte sur les Nations Unies. Notre comité entend bien des gens critiquer des groupes comme le FMI et la Banque mondiale, de même que ce qu'ils font en Afrique.
Beaucoup de Canadiens appuient les principes des Nations Unies, mais ils sont de plus en plus nombreux à s'inquiéter de la mauvaise gestion de leurs objectifs. Voyez-vous un rôle pour le Canada afin d'aider l'ONU; que pourrions-nous faire précisément pour aider l'ONU à respecter son mandat?
Mme Boulden : Votre question porte-t-elle en particulier sur l'Afrique ou sur la gestion en général?
Le sénateur Downe : Je pense particulièrement à l'Afrique.
Mme Boulden : Nous avons l'occasion en ce moment d'aider les Nations Unies. Il s'agit d'une organisation en crise, cela ne fait aucun doute. Les accusations de mauvaise gestion se conjuguent à des inquiétudes profondes et vastes sur la légitimité et la crédibilité de l'organisation, des inquiétudes qui ont pris forme bien avant l'invasion de l'Irak, et elles ont pris de l'ampleur depuis.
Ce sera un bon moment pour lui venir en aide au cours de la prochaine année environ. Le Canada pourrait jouer un rôle. Vous pourriez discuter de divers éléments structurels plutôt simples. Nous devons continuer de faire ce que nous faisons déjà, mais intensifier nos activités et les faire mieux. Nous sommes assez actifs dans certains domaines aux Nations Unies. Nous sommes légèrement contraints par le fait que nous ne faisons pas partie du Conseil de sécurité pour l'instant. Le Canada compte parmi un groupe de pays relativement petit, pour qui cela ne représente pas vraiment un obstacle comme pour d'autres, en raison de sa réputation. Le Canada, les pays scandinaves, l'Australie, la Nouvelle- Zélande et certains pays de l'Europe de l'Ouest, par exemple, jouissent d'une solide réputation et ont le pouvoir constant d'influencer considérablement certains acteurs clés.
Nous avons réussi très bien à nous faire entendre, particulièrement sous le règne de Paul Heinbecker, lorsqu'il était aux Nations Unies, pour favoriser les discussions axées sur des enjeux précis, comme le rôle des diamants, les sanctions, les enfants dans les conflits, et cetera. Nous pourrions cibler une ou deux sources de conflit, mais je pense que l'une serait assez, et nous concentrer sur cet enjeu dans notre propre politique étrangère canadienne, et non seulement à l'ONU.
Comme je l'ai écrit dans mon mémoire, nous devrions développer davantage notre expertise dans ces domaines. Il faut que nous ayons plus de gens qui savent tout ce qu'il y a à savoir sur ce qui se passe en Afrique de l'Ouest si nous voulons influencer ce qui arrive là-bas avec le temps. Il ne suffit pas de changer certaines choses au cours des six prochains mois; nous parlons dans chaque cas d'une stratégie à long terme.
Le sénateur Downe : Je ne suis pas contre votre proposition que le Canada développe une expertise, mais sommes- nous en train de créer une voie de contournement l'ONU? Sommes-nous en train de dupliquer ce que l'ONU doit faire? Sommes-nous en train d'ajouter des processus concurrents, plutôt que des démarches qui se complètent mutuellement?
Mme Boulden : Je ne pense pas. Je comprends votre inquiétude, par contre. Lorsque j'ai parlé du projet de consolidation de la paix, c'est qu'il faisait partie de l'une de nos propositions, soit celle d'examiner la possibilité d'établir un comité de consolidation de la paix au Conseil de sécurité. L'idée, c'est que le Canada pourrait faire valoir cette proposition.
Je n'en suis pas une grande partisane. Je pense que c'est exactement ce que vous décrivez : ce comité ajouterait un autre palier d'institutionnalité au Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité devrait le faire de toute façon. Je ne suis pas en faveur de toutes ces mesures pouvant les éloigner de leurs responsabilités un tant soit peu. C'est une question à examiner, mais c'en est une autre que de développer notre expertise pour nous attaquer aux enjeux africains.
Le sénateur Downe : Je remarque que les pays d'Amérique centrale ont fait des propositions. C'est la première fois qu'il y a des gouvernements démocratiquement élus dans tous les pays de cette région, du moins c'était le cas la dernière fois que j'ai vérifié. Le Canada a beaucoup d'expérience et de compétences dans la gouvernance d'entreprises, les tribunaux et les institutions. Certaines personnes croient que c'est ce que nous devrions faire là. Je vous ai entendu dire que nous devrions aider l'Afrique en trouvant quelque chose de semblable que nous faisons bien dans un domaine où l'Afrique n'est pas aussi bonne.
Mme Boulden : Je suis d'accord. Il y a toujours un équilibre à viser lorsqu'on essaie de se concentrer sur des enjeux. Devons-nous mettre l'accent sur la justice ou la démocratie? Devons-nous mettre l'accent sur des régions : l'Amérique centrale ou l'Afrique, et si c'est l'Afrique, quelle partie? Nous devons trouver l'équilibre entre les deux. Nous ne pouvons pas tout faire. Nous devons choisir, mais nous devons être conscients qu'en faisant un choix, nous laissons des choses de côté.
Le vice-président : Nous avons entendu des critiques plus sévères que celles qu'a mentionnées le sénateur Downe. Le sénateur Dallaire, qu'on appelait alors major-général Dallaire, a été très critique dans son témoignage. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que l'ONU a reconnu qu'elle avait certains problèmes, et de ce que le secrétaire général a proposé quelques grandes idées, comme il le dit? Pensez-vous que l'ONU reconnaît l'existence du problème et son ampleur, ainsi que les solutions qui sont nécessaires?
Mme Boulden : Je pense qu'ils reconnaissent les problèmes. Il est toujours dangereux de dire « ils ». Les principaux acteurs de l'ONU reconnaissent certainement les problèmes et leur nature. C'est une immense entreprise que d'essayer de les résoudre avec une grande réforme comme celle qu'on propose en ce moment.
L'un des dangers actuel, c'est qu'une série de réformes fait l'objet de discussions, mais que la réforme du Conseil de sécurité est perçue comme si elle était tout et que c'était la fin. C'est aussi la réforme la moins probable. Il y a des craintes, et je les partage, que si la réforme du Conseil de sécurité échoue, toutes les réformes connexes échouent aussi. En un sens, ce pourrait être bon, parce que les problèmes sont graves. Si nous ne pouvons pas les régler assez à la lumière de la nature du Conseil de sécurité, alors c'est un signe de la façon dont la communauté internationale perçoit la situation des Nations Unies. Peut-être que cela va nous pousser à agir rapidement.
Cela dit, il y a des éléments dans cette série de réformes qui sont très utiles et que j'espère voir mis en œuvre et non perdus dans le tourbillon.
Le vice-président : On utilise le mot « dysfonctionnel ». Si les réformes ne s'opèrent pas, croyez-vous que nous aurons une entité fonctionnelle ou qu'elle sera dysfonctionnelle tant que les réformes n'auront pas toutes été menées à bien?
Mme Boulden : Tout dépend de quelle entité des Nations Unies vous parlez. C'est un organisme très grand qui comporte un grand nombre d'entités différentes. Vous vous concentrez sur le Secrétariat et le secrétaire général.
Le vice-président : Les organes de décision.
Mme Boulden : Dans ce cas, il y a l'Assemblée générale. Les gens se concentrent surtout sur le Conseil de sécurité. Je faisais probablement preuve d'une trop grande diplomatie lorsque je me suis exprimée à l'égard du fait que les États occidentaux participent de moins en moins à des opérations en Afrique. Ce désengagement traduit le sentiment qu'il existe deux poids, deux mesures. Le Conseil de sécurité ne participe qu'à des opérations qui intéressent les cinq États qui sont membres permanents, en particulier les États-Unis. Vous pouvez qualifier cela de dysfonctionnel. C'est en fait la façon de fonctionner qui avait été prévue. Quant à savoir si nous en sommes satisfaits en ce moment, c'est une autre question.
Le sénateur Corbin : Pendant que vous parliez, je lisais des parties de votre allocution dont vous avez fait abstraction. Une question qui me préoccupe, au sujet de laquelle je me suis interrogé à de nombreuses reprises, est celle que vous soulevez à la dernière page. Vous dites qu'une telle approche comporte certains obstacles de taille — c'est-à- dire l'approche axée sur l'intégration des 3D que vous mentionnez à la fin du paragraphe précédent — dont le moindre n'est pas la réticence inhérente aux acteurs et institutions internationales à concerter leurs interventions.
En diplomatie, on parle à nos collègues des autres délégations, on partage le fardeau, le coût, les études et les initiatives entreprises sur le terrain. Pouvez-vous me dire si vous visez quelqu'un en particulier lorsque vous parlez des acteurs et des institutions internationales, et pouvez-vous me dire qui sont-ils? J'enchaînerai en fonction de la réponse que vous me donnerez.
Mme Boulden : Sur la scène internationale, je pensais au refus des institutions financières internationales et des Nations Unies de coopérer ensemble.
Le sénateur Corbin : Pourquoi en est-il ainsi?
Mme Boulden : C'est pour la même raison qu'au Canada, par exemple, il y a une réticence inhérente à l'ACDI à coopérer avec les Affaires étrangères et avec la Défense nationale. C'est un problème permanent, qui est inhérent à tout gouvernement.
Le sénateur Corbin : C'est endémique.
Mme Boulden : Si vous étudiez les sciences politiques, vous constaterez que la théorie de la politique bureaucratique cherche à expliquer tout cela. Il s'agit d'une tendance persistante que l'on observe à peu près partout. Cela dit, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème insurmontable.
J'ai parlé de cela parce qu'on a de plus en plus l'impression que, pour gérer un conflit, il faut adopter une approche multidimensionnelle. Les États membres et d'autres acteurs ont incité les Nations Unies à essayer de coordonner davantage leurs interventions avec celles de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et d'autres acteurs.
À titre d'exemple, lorsqu'une opération est planifiée au sein des Nations Unies, un certain nombre d'États membres ne sont pas enclins à permettre l'arrivée de l'aide internationale avant que les opérations militaires ne soient terminées. Ils veulent une date de départ. Lorsque cela est fait, les militaires quittent et tous les organismes d'aide arrivent. Ils préconisent cette façon de procéder en vue d'éviter que les militaires soient présents indéfiniment parce qu'aucune date de départ n'a été fixée. Ils ne sont pas disposés à prendre cet engagement envers leur population. C'est le genre d'obstacle institutionnel auquel je fais référence.
Le sénateur Corbin : J'ai entendu dire hier de la part de sources que je ne nommerai pas, que l'ACDI, en vue de cibler plus précisément les pays qu'elle souhaite aider, a inclus dans la liste de ces pays en question, qui en compte environ 25, deux pays qui ne devraient pas recevoir d'aide du Canada selon les Affaires étrangères. Ce que vous nous dites vient confirmer que quelque chose ne fonctionne pas bien chez nous, pas seulement à l'étranger au sein des grands organismes. Il y a un problème ici même. Non seulement cela est-il dérangeant, mais cette situation dénote selon moi une très grande incapacité de la part de nos organismes gouvernementaux d'élaborer une approche commune qui concorde avec la politique étrangère que nous souhaitons poursuivre.
Si les choses ne se déroulent pas comme bien des personnes pensent qu'elles pourraient se dérouler au cours des prochaines semaines, notre comité se rendra à New York. Nous rencontrerons l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies.
Je suis certain que nous rencontrerons Mme Fréchette, l'adjointe de Kofi Annan, une brillante Canadienne qui comprend très bien ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous allons certes l'interroger au sujet des questions que vous avez soulevées.
Quelles sont les raisons profondes du refus des institutions financières internationales de coopérer davantage avec les institutions établies? Pourquoi décident-elles de foncer en Afrique et, à la manière d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, de perturber les systèmes et les politiques qui, bien qu'ils ne soient peut-être pas parfaits selon notre vision occidentale, ont bien servi les gens dans une certaine mesure? Pouvez-vous nous expliquer cette relation très particulière ou cette absence de relation? L'attitude de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international nous dérange tous. Tous les témoins qui ont comparu devant nous ont décrié leurs actions en Afrique. Pouvez-vous en dire plus long à ce sujet, s'il vous plaît?
Mme Boulden : Pour répondre à votre question à propos de la raison pour laquelle elles perturbent des systèmes qui ont bien servi les gens, je dois dire, sans vouloir prendre sur-le-champ leur défense, que ce n'est pas leur intention, de toute évidence, de perturber les systèmes. Elles vont là-bas dans l'intention d'aider.
Au cours des 20 dernières années ou plus, en particulier, les institutions financières internationales ont établi une série de réformes que doivent mettre en œuvre les États bénéficiaires afin d'obtenir le soutien financier. On admet de plus en plus que ces réformes sont non seulement perturbatrices, mais qu'elles sont aussi totalement contre-productives dans certains cas. Les institutions mettent passablement de temps non seulement à s'en rendre compte, mais aussi à modifier leur approche.
Les choses ne changent pas d'autant plus que ces institutions sont contrôlées principalement par des États occidentaux, en particulier les États-Unis. Elles fonctionnent selon un système de vote pondéré. Leurs fonds proviennent principalement de ces États, et ce sont eux qui décident et qui ont une profonde influence sur le type de politiques qu'elles poursuivent lorsqu'elles viennent en aide à des pays dans le monde.
Je crois par contre qu'elles tirent des enseignements des erreurs passées. Cependant, ces organismes sont tous dysfonctionnels jusqu'à un certain point. Pensez aux problèmes qui existent au sein du gouvernement canadien et multipliez-les par 1 000 quand il est question des Nations Unies ou de toute autre institution de la sorte.
Cela dit, la Banque mondiale a effectué du bon travail surtout en ce qui a trait au financement du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des troupes après les conflits. Cela fait ressortir encore une fois la question du moment des interventions. Il serait beaucoup mieux que le financement et les efforts commencent pratiquement dès le cessez-le-feu. Toutefois, en raison de la façon dont la communauté internationale a élaboré son approche au fil du temps, cela arrive beaucoup plus tard — après que des élections ont eu lieu, après une opération militaire des Nations Unies, et cetera. Par contre, on observe que le financement et les efforts commencent maintenant à avoir lieu davantage dès le début. Ce n'est là qu'un exemple.
Le sénateur Corbin : Cela ne compense pas le dommage qui a été fait au cours des 20 dernières années.
Mme Boulden : Non.
Le sénateur Corbin : Les organismes devraient s'amender. Ils ont perturbé la vie de vastes populations dans un grand nombre de pays. Du point de vue moral, ils ne peuvent pas simplement s'en laver les mains, n'est-ce pas?
Mme Boulden : Ils peuvent, mais ils ne devraient pas.
Le sénateur Corbin : C'est ce qu'ils font.
[Français]
Le sénateur Prud'homme : Ne vous surprenez pas de voir que les gens de l'ACDI ne parlent pas aux gens des affaires étrangères. C'est très connu que le SCRS ne parle pas à la GRC, que le commerce international, qui n'a pas encore une loi, est en train de nommer des ambassadeurs alors que le Sénat n'est pas encore saisi du projet de loi. On vie dans un pays un peu fantaisiste.
En ce qui a trait à notre ami de l'Université St. Mary's, vous avez mal choisi votre semaine pour me rencontrer. Je suis heureux de vous connaître, mais vous savez, le beau grand Canada, multiculturel, bilingue!
Je suis parlementaire depuis 41 ans et si mes collègues unilingues anglais de l'autre côté avaient eu le traitement que j'ai eu sur la colline du Parlement très récemment, ils auraient crié si on leur avait dit en français : « Je ne parle pas l'anglais! Montrez-moi votre pièce d'identification. » Venez me rencontrer, je vous en parlerai. Il faut travailler quotidiennement en ce sens. Soyez très prudent parce qu'on pourrait induire les autres pays dans l'erreur de ce que nous sommes véritablement. Il faut travailler tous les jours ici.
Je n'ai rien de particulier à vous demander, si ce n'est que de souhaiter que nous prenions bien soin de ce que vous avez dit.
Je vais relire avec attention la transcription du témoignage de Mme Boulden puisqu'elle a parlé d'un sujet qui me fascine particulièrement. Je dois reconnaître que c'est malheureux. J'abonde dans le sens des propos du sénateur Corbin. Dans l'annonce qui a été faite, je n'ai nommé que mes collègues sénateurs anglophones. J'ai été gentil aujourd'hui, mais cela viendra demain au Sénat.
Vous avez absolument raison. Je suis fort surpris de l'annonce des 25 pays sur lesquels nous allons nous concentrer alors que nous avons mandat d'étudier l'Afrique et ce mandat fut donné sans aucune consultation. On a complètement éliminé tous les pays arabes. Certains diront que c'est ma marotte. Je suis surpris qu'il n'y ait pas aucun pays arabe qui pourtant ont besoin d'aide étrangère de l'ACDI, et aucun d'entre eux n'est sur la liste, des premiers du moins. Je suis un peu déçu. Vous allez me faire réfléchir. Je vous remercie infiniment de ce que vous avez tenté de nous dire pour nous sensibiliser. Les membres du comité sont très sensibles à ce que vous nous dites.
Je n'ai pas de question à poser, je n'ai qu'un commentaire à faire. Je vais le faire jusqu'à la fin de ce Parlement en méditation pour la manière dont je voterai à la prochaine élection fédérale. Cela vous prouve mon degré de rage contrôlée.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Ighodaro, les pays qui ont colonisé l'Afrique étaient pour la plupart des pays religieux, notamment la France, le Portugal et l'Espagne. La religion joue-t-elle un rôle aujourd'hui en Afrique? Personne n'en a parlé. Aux États-Unis et au Canada, la première chose que l'on remarque dans chaque village et dans chaque ville, c'est une église. Est-ce de même en Afrique?
M. Ighodaro : Veuillez m'excuser, j'ai parlé de la religion, mais peut-être que j'ai passé trop vite sur le sujet.
Le sénateur Mahovlich : J'ai dû rater cette partie.
M. Ighodaro : J'ai parlé dans mon exposé d'enjeux liés aux différences sociales. Si les gens ne m'écoutent pas parler de conflit ethnique ou de conflit religieux, alors j'ai une dernière occasion d'aborder ces sujets en les englobant dans les différences sociales. Il est vrai que des enjeux liés à la religion constituent un problème pour l'Afrique; ils ont mené à divers conflits, à des querelles et à des guerres. On ne peut pas faire abstraction de la religion quand on se penche sur les problèmes que vit l'Afrique.
La religion est fondamentalement imparfaite. Elle n'est pas réelle dans l'esprit des gens qui peuvent concevoir le but des religions et ce que fait la religion en Afrique. La religion selon la Bible est ce qui a fait en sorte notamment que les Africains ont accepté la notion de l'esclavage. On leur a enseigné que, si on reçoit une gifle, on ne riposte pas, et que Dieu s'occupera de tout.
La Bible a été fondamentalement mal utilisée. Le Coran n'a pas été respecté en Afrique puisque les Arabes ont brûlé les maisons des Africains, les ont capturés et les ont vendus aux Européens. Par conséquent, la religion ne fonctionne pas aux yeux des Africains; elle ne les amène pas à se rendre compte qu'ils ont droit à la dignité et à la religion et qu'ils ont droit de vivre n'importe où.
Le sénateur Robichaud : Madame Boulden, dans la dernière phrase de votre allocution, vous dites que la communauté internationale n'a pas répondu adéquatement à la crise du Darfour ni aux autres crises en Afrique de l'Ouest. Vous avez déclaré que, malgré tout ce qui s'est passé, nous n'avons pas tiré beaucoup d'enseignements. Si un autre conflit survenait, nous ne serions pas mieux à même d'y faire face.
Mme Boulden : Tout dépend si on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide. Tout dépend du point de vue. C'est essentiellement là où je voulais en venir. On peut prétendre que nous avons fait beaucoup de progrès et que nous avons tiré beaucoup de leçons, mais comme le montre la crise du Darfour en particulier, si une autre crise importante survenait, je ne suis pas convaincue que notre intervention serait rapide et adéquate.
Il existe une réticence fondamentale à envoyer des troupes en Afrique. Cette réticence se maintient depuis les événements qui ont eu lieu au Rwanda et en Somalie, en dépit de toutes les autres activités et discussions qui ont été menées. On a beaucoup discuté de la responsabilité de protéger. D'une certaine façon, le Darfour est un exemple type, penserait-on, mais on en a pas parlé et la crise dans ce pays n'a pas suscité une grande réponse de la part de la communauté internationale. Je ne suis pas pessimiste de nature, mais il est facile de l'être dans ce cas-ci.
Chaque fois que des crises sont survenues en Afrique, la communauté internationale était occupée ailleurs. Lorsqu'une crise a éclaté au Libéria en 1990 et 1991, la communauté internationale s'occupait de l'invasion du Koweït et des opérations militaires en vue de le libérer. À la fin des années 90, on s'employait largement à régler la situation au Kosovo, tandis qu'un certain nombre de crises avaient lieu en Afrique. La communauté internationale établit des priorités, surtout les pays occidentaux. C'est un fait. Il faut décider si nous voulons changer cela ou si nous acceptons que c'est la façon dont les États fonctionnent.
Le sénateur Robichaud : Sommes-nous en voie de le décider?
Mme Boulden : Parlez-vous du Canada?
Le sénateur Robichaud : Oui, le Canada et le rôle qu'il doit jouer au sein de la communauté internationale. Lorsque je vois à la télévision ce qui se passe, j'essaie d'évaluer ce qui est fait, la façon dont c'est fait et comment nous pourrions faire pour prévenir de telles situations ou du moins pour protéger les enfants. Je me sens terriblement mal lorsque je constate que des enfants sont utilisés et torturés. Ils ne peuvent rien dans des situations de la sorte. Quelle vision doivent-ils avoir du monde, étant donné ce qui leur arrive? Ils n'ont aucunement l'occasion de contribuer à leur pays. Nous savons tous cela et pourtant nous ne sommes pas plus avancés. Cela me bouleverse.
Mme Boulden : Je suis d'accord. Quand il est question de crises militaires, de guerres civiles, de conflits qui surviennent ou même du génocide au Rwanda, nous savons avec certitude que la rapidité d'intervention est importante. Plus vite l'aide est acheminée, mieux c'est. Six semaines ou même six jours peuvent être beaucoup trop longs. Il faut intervenir le plus rapidement possible. C'est un défi énorme. Quant à l'aspect militaire, vous avez probablement entendu le sénateur Dallaire à ce sujet. Une réponse rapide exige beaucoup de la part du Canada, et encore davantage des Nations Unies. Je suis entièrement d'accord. Nous en savons en fait beaucoup plus. Le Canada s'est énormément efforcé de savoir quels sont les besoins. Nous avons encore des problèmes à cet égard.
Le sénateur Corbin : Madame Boulden, ma question est de nature personnelle. Vous avez été présentée comme étant titulaire de la chaire de recherche du Canada en relations internationales et sécurité au Collège militaire royal du Canada. J'aimerais que vous nous expliquiez en quoi consiste votre travail. Il est important pour nous d'essayer de comprendre le type de formation que reçoivent nos futurs dirigeants militaires au sein de cet excellent collège. Je suis sûr que vous participez à des séminaires et à des discussions qui servent à lancer des idées et à trouver des solutions valables. Pouvez-vous m'éclairer, s'il vous plaît?
Mme Boulden : Je suis arrivée au Collège militaire royal du Canada il y a un peu plus d'un an, c'est-à-dire en janvier 2004, après avoir travaillé à l'Université Oxford pendant trois ans et demi grâce à une bourse de recherche. Le gouvernement canadien a créé le Programme des chaires de recherche du Canada, qu'il finance, pour faire revenir au pays des universitaires et faire en sorte qu'ils demeurent ici au lieu d'aller à l'étranger. Vous connaissez peut-être ce programme.
Le sénateur Corbin : Non.
Mme Boulden : C'est l'objectif de ce programme. J'enseigne, mais pas autant qu'avant parce que je suis titulaire d'une chaire de recherche et que je dois effectuer continuellement de la recherche et rédiger. C'est la première fois que j'enseigne à des étudiants de premier cycle. J'ai aussi donné des cours dans le cadre du programme de maîtrise en Études sur la guerre. Cette expérience s'est avérée intéressante et positive. J'ai enseigné à de nombreuses personnes brillantes et déterminées. Elles sont particulièrement déterminées à accomplir le genre de choses dont nous avons parlé.
Le sénateur Corbin : S'agit-il exclusivement de militaires, ou enseignez-vous également à d'autres personnes?
Mme Boulden : Les étudiants de premier cycle sont tous des élèves-officiers. Aux cycles supérieurs, les étudiants sont des civils et des militaires.
Le sénateur Corbin : Quels genres de civils? Des fonctionnaires?
Mme Boulden : Parfois. Un ou deux étudiants civils dans mes cours de cycle supérieur sont là parce qu'ils s'intéressent aux questions liées aux études sur la guerre.
Le sénateur Corbin : Existe-t-il d'autres chaires de recherche similaires au Canada?
Mme Boulden : Oui, il en existe dans divers domaines. Il y en a en sciences, en arts, dans divers domaines.
Le sénateur Corbin : Je veux dire dans votre domaine à vous.
Mme Boulden : Il y en a probablement dix ou douze au pays.
Le sénateur Corbin : Sont-elles réparties dans diverses universités?
Mme Boulden : Oui. Je ne connais pas le nombre exact, mais c'est aux alentours de cela.
Le vice-président : Merci, madame Boulden, d'avoir répondu à des questions de nature personnelle. Vous n'étiez pas obligée d'y répondre, mais je vous en remercie.
J'ai un bref commentaire à formuler et ensuite j'ai une question à poser à M. Ighodaro.
J'ai déclaré en Chambre que s'il y avait eu beaucoup d'enfants blancs au Soudan, la réponse aurait été différente. Je ne vais pas parler de cela ce soir, mais je crois que nous pourrions tenir une discussion approfondie sur le sujet.
Monsieur Ighodaro, quelle est votre opinion au sujet de la vieille question de savoir s'il faut attribuer l'aide en fonction du dossier d'un pays sur le plan du respect des droits de la personne, et cetera. Pouvez-vous répondre à cela en deux minutes?
M. Ighodaro : La société canadienne et ses dirigeants sont des chefs de file dans le domaine des droits de la personne. Le monde considère le Canada comme un modèle en ce qui concerne le respect des droits de la personne. Le Canada ne se bat pas. Je ne sais pas pourquoi nous avons une armée. Nous devrions plutôt avoir une force de la paix. Les gens de partout dans le monde qui ont été victimes d'abus, déplacés et emprisonnés admirent le Canada. Ils aiment notre pays avant même de l'avoir vu. Des millions de personnes n'ont pas la chance de le voir. Ce n'est pas une vieille question; c'est une question d'actualité, une question contemporaine. En raison des lois et de la Constitution que nous avons, cette question se posera toujours. Je le crois fermement, peu importe les problèmes auxquels nous serons confrontés.
Le vice-président : Monsieur Ighodaro, je pense que je n'ai pas bien formulé ma question. On laisse entendre que l'aide devrait être accordée uniquement aux pays qui s'emploient à améliorer le respect des droits de la personne. Est-ce bon ou mauvais? Cela devrait-il être même une question?
M. Ighodaro : Ce n'est pas une bonne chose. Les personnes qui s'imposent, par l'entremise de l'anarchie ou de la dictature, seront en mesure de dire aux Canadiens ce qu'ils veulent entendre, et l'aide ne se rendra pas aux gens dont le Canada se préoccupe. Le Canada est un pays intelligent et trouvera une façon d'acheminer l'aide aux personnes qui ont besoin de lui.
Le vice-président : Je vous remercie tous les deux d'être venus. Nous vous avons retenus plus longtemps que prévu. Nous vous témoignons notre reconnaissance et nous vous assurons que votre contribution sera consignée de façon appropriée dans notre rapport.
La séance est levée.