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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 17 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 h 7 dans le cadre de son étude sur les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je souhaite à tout le monde la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Nous poursuivons notre étude spéciale sur l'Afrique. Aujourd'hui, nous traiterons de questions liées au secteur très important qu'est l'agriculture.

Tout d'abord, nous entendrons M. Rangarirai Machemedze, directeur intérimaire de l'Institut d'information et de négociations commerciales de l'Afrique australe et de l'Est, au Zimbabwe. L'institut est une initiative africaine visant à renforcer la capacité de l'Afrique à prendre une part plus importante dans le nouveau système de commerce mondial et à mieux gérer les impacts de la mondialisation.

M. Machemedze concentre son travail de recherche et de diffusion d'information sur l'Accord agricole et l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l'OMC.

[Français]

Notre deuxième témoin est M. Baba Dioum, coordonnateur général à la Conférence des ministres de l'agriculture de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, Sénégal. La conférence a pour objectif la création d'un marché régional de produits agricoles, l'amélioration de la compétitivité des produits agricoles d'exportation et le renforcement des capacités de formulation des politiques. La conférence compte une vingtaine de membres, du Sénégal jusqu'au Congo.

Finalement, nous aurons le plaisir d'entendre M. Ndiougo Fall, président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l'Afrique de l'Ouest (ROPPA), Sénégal. Le ROPPA est présent dans dix pays et défend l'agriculture familiale comme outil essentiel pour garantir des moyens de subsistance durables. Monsieur Fall est propriétaire d'une ferme de dix hectares dans la région de Thiès, au Sénégal. Il défend activement les intérêts des petits paysans, tant au niveau national qu'au niveau plus large de l'Afrique, depuis 1974.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

[Traduction]

Je profite également de l'occasion pour remercier Inter Pares et UPA Développement International qui nous ont informés de la visite à Ottawa de nos trois témoins. Je tiens à rappeler aux membres du comité et aux personnes intéressées que nous sommes toujours à l'affût de personnes de passage à Ottawa afin de leur donner l'occasion de venir nous rencontrer et d'enrichir notre étude.

Monsieur Machemedze, la parole est à vous.

M. Rangarirai Machemedze, directeur intérimaire, Institut d'information et de négociations commerciales de l'Afrique australe et de l'Est (SEATINI), Zimbabwe : Merci de m'avoir invité à venir vous parler de l'expérience du Zimbabwe dans le secteur de l'agriculture, du processus que nous avons appliqué et de nos autres programmes d'ajustement économique.

Le Zimbabwe aujourd'hui, comme d'ailleurs l'Afrique toute entière, traverse des crises politiques et économiques qui découlent de l'enchaînement de nombreux événements mis en oeuvre par les programmes d'ajustement économique de 1990 qui nous ont été imposés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Il serait faux de prétendre que le FMI et la Banque mondiale sont les seuls responsables de ces crises, mais leurs politiques ont joué un rôle majeur dans le déclenchement des problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui.

Lorsque le Zimbabwe a commencé à mettre en oeuvre le programme d'ajustement structurel économique, un certain nombre de secteurs de l'économie ont été touchés et ce sont les citoyens ordinaires qui en ont subi les conséquences. Pour mettre en oeuvre le PASE, le gouvernement a adopté les soi-disant principes du consensus de Washington qui ont eu pour effet de renverser la lente croissance de l'économie du Zimbabwe. Notre économie était et reste fondée sur l'agriculture mais à cause des réformes qui nous ont été imposées, nous avons eu une période de croissance négative.

Je ne vais pas approfondir les effets du PASE, mais je voudrais vous parler de la sécurité alimentaire. C'est une question très importante pour nous à l'heure actuelle.

La sécurité alimentaire au Zimbabwe repose essentiellement sur la production, le prix, la commercialisation et la consommation de maïs et d'autres cultures vivrières, d'une part, et la reproduction de la main-d'oeuvre, d'autre part. Contrairement aux pays développés où la production d'aliments est en grande partie une activité commerciale, au Zimbabwe, il s'agit aussi d'une production de subsistance pour la majorité de la population rurale. C'est pourquoi les effets de la mondialisation doivent être examinés sur le plan de la sécurité alimentaire et du point de vue de la durabilité des moyens de subsistance des populations rurales.

L'argument du libre-échangiste selon lequel le Zimbabwe devrait se procurer des aliments sur le marché international lorsque c'est la solution la moins chère et de se concentrer à l'exportation de produits comme les autruches ou les fleurs coupées est un argument dangereux, à notre avis. Non seulement il compromet la sécurité alimentaire nationale mais il menace également de pousser des millions de personnes à abandonner leurs terres alors que la production d'aliments est pour elles une source de nourriture immédiate ainsi qu'une source de revenu.

Vous aurez constaté qu'en vertu des politiques de la Banque mondiale et du FMI, nous étions obligés de réduire les tarifs douaniers sur les produits importés, notamment les produits agricoles. Nous étions en outre obligés d'éliminer les subventions aux agriculteurs. Par conséquent, le pays est resté exposé aux aléas de l'économie de marché, lesquels ne marchaient pas. La plupart des gens ont été obligés de déposer le bilan, et nous avons traversé une période de désindustrialisation.

Les mêmes politiques de libéralisation adoptées durant la période de Banque Mondiale/FMI faisaient maintenant partie intégrante de la période OMC. C'est la période que nous vivons actuellement, où on nous demande de réduire nos tarifs douaniers, surtout sur les produits agricoles. Compte tenu de la situation actuelle du Zimbabwe, où 70 p. 100 de la population participent à la production agricole, vous comprendrez que la plupart des agriculteurs seront tout simplement expulsés du marché.

Je dis à mes collègues que nous sommes en train de vivre une période d' « irakification ». Nous sommes en train de subir le même sort que l'Irak, puisque nous subissons un désarmement agricole au moyen des tarifs douaniers, puis nous sommes pilonnés avec les produits subventionnés bon marché qui nous arrivent de l'Occident. Nous faisons face à un problème grave.

Aux termes du Programme d'évaluation du secteur énergétique, le gouvernement a commencé à relaxer ses mesures de contrôle du secteur agricole et a appliqué des principes du marché à la production alimentaire dans sa stratégie de marketing. Le document officiel de 1991 sur le Programme faisait état d'une discussion exhaustive sur l'alimentation et l'agriculture. Il recommandait notamment l'utilisation de signaux de prix et le renforcement des activités du marché privé pour favoriser la croissance agricole; le recours à des mesures d'incitation pour encourager les agriculteurs privés à produire des cultures commerciales d'exportation; l'assouplissement des restrictions sur les ventes de maïs; et la rationalisation de ce que nous appelions l'Office de commercialisation des céréales.

Toutefois, dans les années 80, il y a eu une croissance phénoménale des services d'appoint et des crédits aux exploitants de fermes collectives. Ces mesures ont été radicalement comprimées durant les années 90, années où il y a eu aussi une réduction substantielle des subventions aux dotations agricoles. Le système d'achat centralisé des récoltes qui existait au début des années 80 a été graduellement abandonné, et les agriculteurs ont dû trouver leur propre marché. Étant donné que les exploitants de fermes collectives ont un besoin immédiat d'argent, ceux-ci sont devenus de plus en plus dépendants à l'égard d'intermédiaires et ont été obligés de vendre leurs produits à des prix bas imposés par le marché, ce qui a, somme toute, réduit leurs revenus et leur pouvoir d'achat. Par ailleurs, la plupart des agriculteurs blancs à vocation commerciale sont passés progressivement de la production de maïs à des fins de consommation intérieure à des récoltes d'exportation, notamment l'horticulture.

Le Zimbabwe, jadis reconnu comme étant un pays largement autosuffisant en matière de production alimentaire, entre maintenant dans une période d'insécurité alimentaire. Tout au long de la décennie, le gouvernement a aussi limité son rôle de garant des réserves céréalières et, par conséquent, sa capacité à assurer la sécurité alimentaire s'est érodée. Ce revirement s'est répercuté sur les réserves céréalières stratégiques, lesquelles ont chuté, passant d'une moyenne de 26 p. 100 de la production totale dans les années 80 à 20 p. 100 dans les années 90.

Aujourd'hui, les besoins du Zimbabwe sont évalués à 2,5 millions de tonnes métriques par année, mais ces dernières années, la production de maïs a essuyé un déclin, passant de 2,6 millions de tonnes métriques en 1996 à quelques 1,5 millions de tonnes métriques en 1999.

Nous sommes partie prenante des négociations qui se déroulent actuellement à l'OMC, notamment sur l'agriculture. Le Zimbabwe est un des rares pays qui jouissait d'une autosuffisance en matière de production alimentaire, mais en raison des règles du commerce international qui ont commencé avec le FMI-Banque mondiale et maintenant l'OMC, nous sommes devenus une nation tributaire des importations.

Un autre facteur qui nous inquiète au Zimbabwe, c'est celui des OMG. En effet, notre pays reçoit de l'aide alimentaire à cause de sa dépendance. Une crise a été créée, et l'aide alimentaire qui nous parvient est sous forme de maïs génétiquement modifié. J'ignore où est passé le maïs normal. D'où la question : Pourquoi le Zimbabwe accepte-t- il du maïs génétiquement modifié alors qu'il existe du maïs normal?

Pourquoi certains agriculteurs cultivent-ils du maïs génétiquement modifié? Nous savons à quel point il est difficile d'assurer le maintien et la durabilité de l'agriculture quand elle est basée sur des semences génétiquement modifiées. Ces semences sont le résultat de procédés hautement technologiques et exigent beaucoup d'irrigation, alors que la plupart des agriculteurs n'ont pas l'équipement nécessaire. En outre, ces semences exigent l'utilisation d'énormément de produits chimiques sous forme de fertilisants.

En fait, certaines semences contiennent des gènes terminateurs. Les agriculteurs qui s'en servent sont donc obligés d'acheter des semences chaque saison, puisque les gènes terminateurs ne permettent pas aux semences de germer la saison suivante. Voilà donc quelques défis auxquels notre pays fait face.

Je suis sûr que vous m'interrogerez sur le programme de réforme agraire au Zimbabwe, et c'est pourquoi je vais en parler maintenant. En effet, la réforme agraire est un instrument qui a été utilisé pour donner aux peuples autochtones la capacité de produire à des fins de consommation intérieure — production locale à des fins de consommation intérieure. La réforme se poursuit, mais elle a ses propres limites. Elle a aussi créé ses propres victimes, et je pense que toute révolution laisse dans son sillage des victimes et des incohérences. Certains agriculteurs sont devenus propriétaires d'un plus grand nombre de terres, deux ou trois fermes de plus, alors que d'autres n'ont rien reçu. C'est un des défis auxquels notre pays fait face.

De leur côté, les pays développés s'attendent à ce que nos pays s'attaquent aux contraintes ayant trait à l'offre. Or, nous avons de la difficulté à mobiliser les ressources pour développer nos secteurs agricoles. Nous avons réussi à développer ce secteur jusqu'à un certain niveau, mais nous devons les développer davantage pour être en mesure de produire à des fins de consommation intérieure sans perturber les marchés.

[Français]

M. Baba Dioum, coordonnateur général, Conférence des ministres de l'Agriculture et de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, Sénégal : Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord saluer cette auguste assemblée et magnifier le choix de votre thème qui est d'examiner en quoi la communauté internationale peut contribuer au développement et à la sécurité en Afrique. Je me réjouis de ce lien que l'on établit entre le développement et la sécurité, car l'instabilité, vous l'aurez compris, provient essentiellement de la pauvreté et du manque de développement.

Nous avons été invités pour témoigner au sujet de l'agriculture. Le sujet est important de par la place qu'occupe le secteur agricole dans les économies des 20 pays pour lesquels je travaille. On vous l'a souvent dit, 70 p. 100 de la population vit du secteur agricole. L'agriculture représente 60 p. 100 des exportations et représente plus de 30 p. 100 du produit intérieur brut. Si ce secteur est en santé, il est fort probable que l'économie de l'ensemble des pays concernés le sera également. Cela suppose un environnement qui favorise le développement de ce secteur.

Ou devrais-je commencer pour vous exposer la situation actuelle? Nous avons vécu des crises qui ont commencé au début des années 80, comme mon collègue l'a dit, avec l'ajustement structurel, qui n'était rien d'autre qu'une tentative visant à réguler l'économie nationale à travers des équilibres budgétaires. Cela signifiait moins de dépenses et plus de coupures. Les secteurs les plus vulnérables furent au niveau social, de l'éducation et de l'agriculture. Les populations agricoles constituèrent des cibles de choix pour le gouvernement, étant moins formés, moins organisés et issus du secteur rural. Les populations des villes, pour leur part, étaient plus aptes à contester certaines décisions et certaines mesures. Je fais d'ailleurs partie de ce groupe, étant fonctionnaire de formation et de métier. Dans ces secteurs, on disposait d'une plus grande marge de manœuvre permettant les ajustements nécessaires qui donnèrent lieu à certains succès. Nous avons pu atteindre des équilibres budgétaires macro-économiques. Toutefois, comme mon collègue l'a indiqué, l'impact de ces politiques sur le plan social mérite d'être vérifié.

J'aimerais attirer votre attention sur le contexte dans lequel doit évoluer aujourd'hui l'agriculture africaine. Nous n'avons pas été de grands acteurs à l'origine, car nous étions sous l'ère coloniale ou au début des indépendances. Au cycle de Marrakech nous avons été à la fois présents et absents ; présents physiquement, mais absents pour n'avoir fléchi d'aucune manière lors des accords commerciaux qui furent signés. Nous avons obtenu de l'aide alimentaire et de l'assistance technique afin de mieux négocier dans le futur. C'est ce qui s'est produit à Marrakech en 1994.

Aujourd'hui, le cycle de Doha nous promet au moins le développement. C'est le point sur lequel nous devrions nous arrêter afin de répondre à vos questions. Si Doha doit être un cycle de développement, le commerce doit y contribuer en trouvant des ressources pour nos pays, de la technologie et une capacité à gérer nos économies. Est-ce que Doha répondra à ces préoccupations? C'est la question que nous devons nous poser au cours de ce dialogue et au cours des négociations futures.

Le développement n'est rien d'autre qu'un investissement et des résultats. Un investissement suppose des ressources supplémentaires qui sont disponibles dans le commerce mondial selon le contexte actuel.

Nos pays doivent, cette fois-ci, participer de façon active aux discussions de Doha. Cette participation prendra la forme d'une position réfléchie et analysée, d'une discussion, d'une négociation pas à pas impliquant certaines concessions lorsque nécessaire sans toutefois céder sur l'essentiel. Lorsque nos populations tomberont davantage sous la pauvreté et la misère, nous devrons nous arrêter et indiquer que les négociations ne servent plus nos intérêts.

On peut penser à l'exemple du coton à Cancun et à d'autres produits qui pourraient causer des effets négatifs. Les subventions, les contraintes liées à l'accès au marché et les espèces fixes font en sorte qu'aujourd'hui on peut ouvrir un marché temporairement et le fermer, par exemple, à l'aide du système de contrôle sanitaire. Par conséquent, on donne d'une main et on retire de l'autre.

La complexité des négociations constitue, à mon avis, la contrainte la plus importante. Le contexte superposé dans lequel se situe aujourd'hui les pays africains ajoute à cette difficulté. Nous négocions avec les institutions internationales et dans le cadre d'une aide bilatérale, mais sous certaines conditions. Tous les programmes d'aide ou de financement sont acceptés sous conditions. Ces conditions sont parfois incompatibles avec le commerce. On offre, par exemple, un financement en retour de privilèges aux entreprises ou aux experts. Il ne s'agit plus de commerce mais plutôt d'une contrainte aux négociations bilatérales et multilatérales.

C'est également une contrainte de dire, « ouvrez vos marchés pour nous permettre de vous financer ». Voilà où il a fallu apporter un ajustement structurel.

Bien avant Doha, nous avions ouvert nos marchés et baissé nos tarifs en vertu des politiques d'ajustement structurel. Nos tarifs baisseront peut-être de nouveau dans le cadre de l'OMC.

La deuxième difficulté est la politique de recherche et d'intégration de nos économies régionales. En Afrique, aujourd'hui, on essaie de créer des espaces de libre-échange. Les pays vont donc tenter d'harmoniser leurs échanges afin de définir un espace économique viable où se feront des échanges de proximité. Mais, encore une fois, comment nous protéger? Comment arriver à des tarifs extérieurs communs qui nous protègent sur les produits que nous voulons échanger, notamment sur les céréales qui nous permettrons de nourrir notre population?

Troisièmement, nous négocions avec l'Europe sur les espaces économiques qui, aujourd'hui, sont prédéfinis. On nous demande de nous regrouper pour pouvoir négocier des espaces de libre-échange avec eux. Il existe tout de même une aide européenne sous forme de fonds de développement. Cette aide est importante, car 50 p. 100 de nos échanges se font avec le continent européen.

Allons-nous lâcher la proie pour l'ombre, négocier avec les Européens d'abord pour voir en quoi nous pouvons nous ajuster avec le cycle Doha ou allons-nous négocier simultanément dans des conditions où, quelques fois, se retrouvent des contradictions? C'est ce que nous négocions au niveau de l'Union européenne, ACP à travers les espaces économiques et aussi avec les contraintes que nous avons au niveau de l'OMC. Globalement, je dis qu'il faut au moins arriver, non pas à des séquences de négociation, mais à ce que les mesures prises au niveau de l'OMC soient compatibles avec notre volonté d'intégration régionale, et notre volonté d'avoir un marché régional dans lequel nos productions pourront effectivement trouver prise.

Ceci dit, monsieur le président, je ne crois pas à l'autarcie, c'est-à-dire en un espace qui se dit vivre replié sur lui- même. Je crois au commerce international et aux échanges. Je crois à un commerce juste, des règles justes. Je crois aussi aux rapports de force. Je sais qu'il y aura toujours des forts et des faibles. Dans un tel contexte, comment les faibles vont-ils cohabiter avec les forts dans un souci de préserver le minimum de leur intérêt? Voilà la question qui mérite d'être posée aujourd'hui.

M. Ndiogou Fall, président, Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'Afrique de l'Ouest (ROPPA), Sénégal : Monsieur le président, je suis président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l'Afrique de l'Ouest (ROPPA) qui regroupe les organisations nationales de 10 pays de cette région. Arrivé à un tel niveau de structuration des producteurs a été un processus long, mais qui témoigne des efforts consentis par les producteurs à participer à la définition des politiques, apporter leur contribution au développement, et cetera.

Cela a été facilité, bien entendu, par l'élan de démocratisation au niveau de la région, mais aussi, en partie, par le désengagement de l'État parce que lorsque celui-ci s'est désengagé, les producteurs se sont engagés pour occuper un certain nombre d'espaces, assumer un certain nombre de services dont ils ont besoin et que l'État a délaissés parfois de manière très prématurée, sous la pression de certaines institutions qui ont déjà été nommées; le FMI et la Banque mondiale dans le cadre des politiques d'ajustement.

Pour parler plus précisément de l'agriculture et donner un certain nombre de témoignages, on peut retenir que ces 30 dernières années de politique commerciale libéralisée et de mondialisation ont conduit à des situations très difficiles dans le monde agricole ouest africain. L'impact de ces politiques, de manière générale, a été négatif. Tous les chiffres du KMUD et de la Banque mondiale montrent que nous sommes en régression. Notre part par rapport au commerce international est passée de 6 p. 100 à moins de 1 p. 100. La pauvreté, nous le savons tous, a augmenté dans les régions africaines et en corollaire, l'augmentation de l'exode et de l'immigration. Ce monde rural qui emploie jusqu'ici 70 p. 100 de la population, cette agriculture qui constitue un levier important, traverse une crise profonde. Cette crise affecte l'ensemble des secteurs. Je voudrais tout simplement donner pour exemple deux ou trois filières, dont vous avez certainement entendu parler.

La première, c'est la filière volaille ouest africaine qui, ouverte à la concurrence internationale, est presque en voie de disparition dans l'ensemble des pays. Au Cameroun, en l'espace de trois ans, entre 2002 et 2005, c'est 110 000 emplois qui ont été perdus. Des emplois directs dans le secteur de l'élevage de poules. Pourquoi? Parce que les produits de volailles subventionnés d'Europe, d'Amérique et peut-être du Canada arrivent à des prix très bas sur nos marchés.

La plupart du temps, ce sont des découpes qui n'ont aucune valeur marchande et que nul ne peut concurrencer. Cette crise du secteur de la volaille a entraîné, en même temps, une perte d'emplois au niveau du secteur urbain. Tous ceux qui s'occupaient de la fabrication artisanale de petits matériels d'alimentation — abreuvoirs et autres — ont perdu leur emploi. L'industrie naissante fonctionne aujourd'hui à moins d'un tiers de sa capacité. Dans le secteur agricole, la production de maïs qui était absorbé en grande partie par l'élevage de volailles est en train de disparaître parce que nous ne trouvons pas d'acheteurs.

Sur le plan du riz, tout le monde reconnaît que l'Afrique de l'ouest dispose d'un potentiel extrêmement important pour assurer, en très peu de temps, son autosuffisance en riz. Aujourd'hui, l'ensemble des pays exporte plus de la moitié de leurs besoins en riz, alors qu'on peut produire du riz au niveau de notre propre continent et assurer l'approvisionnement des consommateurs de la région. Pourquoi? Parce qu'ici, également, sous pression du FMI et de la Banque mondiale, les taxes ont été ramenées au niveau plancher, favorisant l'entrée massive de produits de riz venant d'Asie et des États-Unis.

Cela cause des problèmes car, pour un nombre important de gouvernements, des efforts énormes ont été consentis pour mettre en place des barrages qu'il faut payer parce qu'il s'agit d'une dette pour aménager des terres. Aujourd'hui, on tire encore sur le contribuable pauvre qu'on empêche de se développer pour payer cette dette tout simplement parce que les infrastructures que cela a permis de mettre en place ne sont plus utilisées. La boucle du Niger dispose de plus d'un million d'hectares de terres aménageables. Ces terres ne sont pas aménagées à 10 p. 100.

Le fleuve du Sénégal dispose de plus de 300 000 hectares aménageables et moins de 10 p. 100 de ces terres sont aménagées. Nous connaissons tous aussi la situation du coton. C'est une filière, effectivement, dans laquelle l'ensemble des partenaires en développement avait considéré que l'Afrique avait un avantage comparatif. Les institutions internationales ont poussé à fond nos pays à s'engager dans cette filière pour justifier qu'on peut se limiter à une filière où on a un avantage comparatif et développer son économie. Aujourd'hui, les résultats démontrent que ce n'est pas possible. D'abord, parce que c'est une filière où l'on n'a aucune maîtrise.

Au moment où l'Afrique a produit, au coût le plus bas au monde, et disposé du coton de meilleure qualité, les subventions américaines et européennes sont venues limer la production cotonnière ouest africaine. Ce sont des dizaines de millions de petits producteurs qui sont retombés sous du seuil de la pauvreté. Pourtant, ce n'est pas parce qu'ils ne savent pas produire. Non. C'est que, quelque part, de grandes puissances ont subventionné leur production et nous ont imposé d'ouvrir nos marchés pour arriver à ces résultats. Si de telles tendances se maintiennent, il est certain que l'Afrique n'atteindra pas les objectifs du millénaire, objectifs autour desquels l'ensemble de la coopération internationale s'est mobilisé. Mais pire, on peut, à termes, se retrouver dans une situation encore plus grave. Avec cette tendance, nous n'atteindrons pas les objectifs du millénaire parce que nous reculons. Ce n'est pas la faute des Africains. C'est le résultat d'un système et c'est le système commercial international.

Lorsque l'Europe taxe, 163 euros pour chaque tonne de blé qui entre sur son territoire, le FMI interdit à la plupart des pays africains de taxer à plus de 50 p. 100 la tonne de blé qui entre sur son marché. Ce n'est pas juste. Voilà des situations auxquelles nous sommes confrontés tous les jours.

Aujourd'hui, dans le cadre des négociations des APE, l'Europe nous demande de libéraliser les échanges à 80 p. 100. Pourtant, on sait quelles sont les différences existant entre les agricultures européennes et les agricultures africaines. Un tel accord signifie tuer l'agriculture africaine et majorer très sensiblement la pauvreté et les conflits en Afrique.

Nous croyons que les règles commerciales, telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui, ne sont pas compatibles avec un développement au niveau de l'Afrique. Par conséquent, nous avons besoin de réformer ces règles. Ce que nous attendons, c'est que ces règles soient réformées et que les réformes, dans le cadre des politiques d'ajustement, qui ne sont rien d'autre qu'une libéralisation forcée, soient aussi réformées. Sans quoi, nous ne considérons effectivement pas qu'il y ait cohérence au niveau de l'aide internationale. La communauté internationale a consenti beaucoup d'efforts, mais son impact a été réduit par un système commercial inefficace. L'impact de cette aide a été réduit par les contraintes du FMI et de la Banque mondiale. Je ne pense pas que l'on doive continuer à donner de l'aide quelque part, lorsque, de l'autre côté, d'autres font tout pour que nous ne nous développions pas. Il faut assurer une plus grande cohérence dans le système d'aide et les politiques internationales, sans quoi les aides n'ont aucune utilité.

Plusieurs Africains pensent que cette aide ne constitue qu'une contrainte pour les maintenir dans une éternelle situation de pauvreté. Cela pose un problème de crédibilité par rapport aux institutions internationales.

Dans le domaine de ces réformes, nous pensons que ce qui est indispensable et nécessaire est de faire en sorte que les politiques nationales puissent épouser chaque contexte national. Ce qui est bon aux États-Unis ne l'est pas nécessairement pour le Sénégal; ce qui peut marcher au Canada peut ne pas marcher en Guinée. Nous ne sommes pas dans le même contexte, nous n'avons pas les mêmes possibilités, nous n'avons pas les mêmes conditions. Nous ne pouvons pas tout harmoniser au niveau mondial.

Tant que des dispositions ne seront pas prises pour permettre à chaque groupe de pays de définir la politique la plus appropriée par rapport à son environnement et aux besoins de sa population, on ne réglera pas le problème de la pauvreté et des conflits dont on a parlé.

Nous croyons que de ce point de vue, une réforme profonde de l'OMC est indispensable et nécessaire. C'est ce qui nous a amenés au Canada afin de parler du système de contrôle de l'offre. Pourquoi? Parce que la plupart du temps, les instruments que les pays pauvres peuvent utiliser afin d'encadrer leur agriculture et les développer sont interdits par l'OMC. Nous n'avons pas les mêmes moyens que les pays développés. Si on a des milliards pour subventionner, c'est légal. Si on ne les a pas, tout autre instrument doit être récriminé.

Voilà la situation qui fait qu'aujourd'hui, effectivement, nous avons des difficultés. Notre priorité est de se pencher sur l'amélioration du contexte dans lequel nous travaillons. C'est ce contexte qui nous pose problème parce que les producteurs ne parviennent même plus à vendre leurs productions sur leur propre marché, à plus forte raison sur le marché mondial.

Monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions des sénateurs.

Le président : Merci beaucoup, le sujet est très intéressant. Le comité est un peu au courant de ces problèmes. Je donne la parole au sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme : Monsieur Fall, je suis stupéfait de votre facilité à nous exprimer des problèmes qui semblent, à première vue, si complexes. Un des bénéfices que vous pouvez tirer de votre visite est que ce comité est télévisé à travers tout le Canada. Votre résumé de la situation est tellement clair que je suis certain qu'il intéressera les étudiants universitaires qui sont habitués à de grands concepts. Vous êtes dans la réalité absolue.

Je m'intéresse depuis toujours au Moyen-Orient et à l'Afrique. J'ai consacré 40 ans de ma vie au Moyen-Orient. J'apprends énormément depuis que ce comité a choisi l'Afrique. Je pense qu'on pourrait surnommer l'Afrique la « mal aimée » ou la « trop aimée ». Souvent, c'est la grande oubliée. Vous nous avez montré les contradictions des systèmes qui donnent de la main gauche et qui reprennent de la main droite, ce qui est absolument un non-sens.

Lorsque l'on dit : « Nous allons effacer la dette de l'Afrique », cela semble un geste d'une grande générosité. Ce geste est inutile si c'est pour reprendre de l'autre main. Ce ne sera pas un remède miracle si on n'attache pas à cela d'autres politiques de réforme. En apparence, nos élus semblent satisfaits.

Le sénateur Corbin : Je voudrais commencer par remercier les témoins pour leurs présentations. J'aimerais savoir si vous êtes familiers avec les Programmes d'aide canadiens chez vous, que ce soit des Programmes gouvernementaux ou du secteur bénévole ou privé. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Fall : Nous avons bénéficié plusieurs fois de l'aide canadienne. Mon organisation, le ROPPA, a bénéficié de l'aide de l'ACDI pour un Programme de renforcement de capacités. Cela nous a permis de comprendre beaucoup de choses dans le fonctionnement du système commercial international.

Nous voyons également les infrastructures qui sont réalisées dans certains de nos pays ainsi que l'appui au secteur agricole à proprement parler.

Dans mon pays, le Sénégal, c'est essentiellement autour de l'horticulture, dans une région productrice de fruits et légumes. Mon appréciation par rapport à cette aide, compte tenu des contraintes que nous avons évoquées, c'est qu'effectivement, sur le plan du producteur en tant que tel, une plus grande implication dans la définition des programmes est nécessaire.

Très souvent, les intentions sont bonnes. On peut consacrer beaucoup de moyens mais on passe juste à côté de l'essentiel, tout simplement parce qu'on n'a pas suffisamment interrogé le bénéficiaire pour savoir sur quoi il faut mettre l'accent. Par exemple, si on prend les programmes qui s'inscrivent dans le cadre des stratégies de lutte contre la pauvreté, l'ensemble de la communauté internationale s'est engagé à soutenir ces programmes, mais la façon dont ces programmes sont conçus fait que l'on fait tout sauf de la lutte contre la pauvreté.

Lutter contre la pauvreté suppose qu'on s'attaque aux secteurs où les pauvres sont actifs. Dans beaucoup de pays, en Afrique de l'est, les programmes sont orientés vers des infrastructures routières; c'est très bon parce que cela permet la mise en marché, mais celui qui ne produit pas ne mettra rien sur le marché. La plupart du temps, ces infrastructures sont destinées à relier les centres touristiques à la capitale. Le petit pauvre n'a rien à voir avec le tourisme. Les autres aspects qui permettent véritablement aux producteurs d'augmenter leur production, d'augmenter leur plus-value, font la plupart du temps défaut, tout simplement, parce que la participation à la définition des projets et des programmes est faible.

Ici aussi, il faut dire que la cause principale est qu'on comprend très mal quels sont les mécanismes qui permettent d'assurer une véritable participation. Tout le monde est favorable à la participation, les mécanismes qui la favorisent n'existent, la plupart du temps, nulle part au niveau de la manière d'identifier les projets et les programmes. La plupart des coopérations fonctionnent avec rapidité. Il faut consulter deux ou trois personnes et ensuite on a une idée de ce qui peut régler le problème du pauvre Sénégalais; et très rapidement on met en place un projet.

Je crois qu'il faut prendre en compte le rythme de réflexion et d'avancement de la personne concernée; c'est nécessaire et cela coûte du temps.

M. Dioum : Dans mon expérience professionnelle, j'ai côtoyé et même négocié plusieurs fois avec la coopération canadienne. Ce que je retiens, c'est peut-être d'accepter, contrairement à d'autres, leurs connaissances insuffisantes, sinon leur méconnaissance de l'Afrique et cela permet de mieux consulter les gouvernements et les bénéficiaires. Cela, au moins est un avantage.

Je crois que vous êtes précurseurs dans la mise en avant du thème de la femme au centre des préoccupations des programmes de développement. Cela a été un événement que j'ai vécu à travers un contexte d'ajustement dans lequel vous avez pu imposer, pour ne pas dire prendre en compte, la femme dans les programmes de développement.

Ce que je vis présentement, à travers des coopérations avec l'ACDI ou d'autres, c'est que vous mettez l'accent sur les ressources humaines, le renforcement des capacités et la formation. Cela m'apparaît être des bons choix en ce qui nous concerne. Quelqu'un l'a dit tout à l'heure, les politiques mal conçues viennent du fait que ce sont souvent des fonctionnaires qui les formulaient — dont moi-même d'ailleurs.

Aujourd'hui, les politiques doivent être concertées - je pense que vous êtes engagés dans cette voie — mais une concertation suppose un vrai cadre où se réunissent les acteurs, mais aussi des compétences pour être capables de mener le dialogue au même niveau. Tout à l'heure on l'a entendu, l'État s'est désengagé, le secteur productif en milieu rural n'était pas suffisamment préparé et ne pouvait pas mener ce dialogue, donc il faut le renforcer. Cela est également une démarche que nous saluons. Il faut non seulement renforcer les capacités des producteurs mais aussi celles des fonctionnaires qui dialoguent avec eux et qui n'avaient pas l'habitude de le faire. Il faut beaucoup de reconversion de mentalités pour accepter l'idée que le paysan peut avoir un point de vue argumenté et pas seulement un point de vue syndical de revendication. Et je pense que sur ce point nous faisons des progrès, et c'est peut-être ce que j'apprécie le plus.

Moi-même, j'ai eu, il y a quelque temps, à venir ici, à mes propres frais, pour regarder ce que vous faisiez dans le domaine de la gestion de l'offre. J'ai trouvé que c'était une alternative relativement intéressante pour nos pays. Je voulais aussi voir comment, à partir de la base, on peut financer même le risque agricole. Cela m'est apparu très important et c'était un champ neuf pour moi, mais c'est un champ que j'aimerais voir développer dans les mécanismes d'aide et de soutien à nos politiques.

[Traduction]

M. Machemedze : Je suis au courant de deux programmes qui sont financés par le Canada. Le premier est au Zimbabwe, et il est financé par l'Agence canadienne du développement international. C'est un programme de promotion de l'égalité entre les sexes qui vise à appuyer les conseils de district du Zimbabwe dans leurs efforts pour intégrer les femmes dans leur programme. Je suis sûr que vous conviendrez avec moi que bon nombre de programmes, s'ils étaient laissés aux seuls soins des hommes, seraient exclusifs. L'ACDI finance donc cette activité.

De plus, la Fédération canadienne des municipalités finance un projet ayant trait à des questions de gouvernance dans les conseils de district ruraux, des questions telles les saines pratiques de comptabilité des ressources.

J'ai entendu parler d'un programme sur lequel je n'ai toutefois pas de nombreux détails concrets. J'inviterai donc le comité à enquêter là-dessus pour voir si le fonds que le Canada fournit à l'Afrique est vraiment utilisé à des fins de développement ou si on est en train de financer le même genre de programmes au Canada. J'ai entendu parler du programme de biotechnologie en Afrique centrale et en Afrique orientale, programme où le Canada injecte 30 millions de dollars. Il s'agit d'un programme de biotechnologie. Il s'agit essentiellement d'OGM. Les structures en place en Afrique centrale et en Afrique orientale ne sont pas encore fonctionnelles au point de permettre l'utilisation de ces fonds, mais c'est une question sur laquelle vous pourriez faire enquête, histoire de savoir si ces fonds aideront effectivement les secteurs productifs en Afrique ou s'ils ne feront qu'exacerber la pauvreté et la famine dans les pays bénéficiaires de financement qui adopteront ces technologies qui ne conviennent pas à leurs besoins locaux. J'inviterai le Sénat à enquêter davantage sur ce programme.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Je suis une grande admiratrice de l'Afrique. Je suis membre de la Commission de la coopération et du développement des parlementaires de la Francophonie. J'ai travaillé sur l'élaboration du dernier sommet sur le développement.

Tout récemment, je lisais dans L'intelligent, une publication du Jeune Afrique, un article concernant le responsable de l'Afrique au niveau du PNUD. On lui a demandé qu'est-ce qu'il fallait faire pour le développement de l'Afrique? Il a répondu qu'on devait développer l'agriculture en premier lieu, le textile et l'informatique.

En réponse à cette question, vous avez mentionné le système de contrôle de l'offre et une plus grande cohérence. Qu'est-ce qui a empêché le développement de l'Agriculture en l'Afrique? Prenons l'exemple de l'Asie qui s'en sort parce qu'on y a développé l'agriculture.

Je reviendrai plus tard sur la question du NEPAD et des pays francophones à l'OMC. Si je me fie à vos publications, je pense que vous êtes l'expert en agriculture, monsieur Dioum.

M. Dioum : C'est une longue histoire pour dire pourquoi l'agriculture ne s'est pas développée. Je n'incrimine pas le colonialisme, c'était de bonne guerre. Nos économies agricoles étaient fondamentalement extraverties, c'est-à-dire produites pour l'extérieur. Chaque territoire était assigné d'un rôle dépendant d'un pouvoir central. Le Sénégal cultivait l'arachide pour, entre autres, les usines de Bordeaux et de Marseille, afin de produire l'huile d'arachide. La Côte d'Ivoire cultivait le café et le cacao. La Guinée cultivait la banane et l'ananas était cultivé par le Cameroun. C'est de cette façon qu'on nous assignait des rôles.

L'agriculteur sénégalais savait cultiver l'arachide parce qu'on lui avait assigné ce rôle et tous les autres segments de la filière étaient occupés par d'autres. Certains étaient chargés de produire, d'autres de transformer, de commercialiser et de transporter.

Le Sénégal, en particulier, était un consommateur de riz de même que les autres pays de l'Afrique de l'ouest, mais nous n'en produisions pas. L'origine de ce mécanisme provient de la crise de la piastre en Indochine. Lorsque la France a voulu rapatrier les fortunes françaises en Indochine, il a fallu imaginer un commerce triangulaire, soit acheter du riz, le transporter au Sénégal. On change la piastre en franc français. On vous encourage donc à investir dans cette colonie.

Nous connaissons la date et le contenu de la cargaison du premier bateau qui a transporté du riz au Sénégal. On a développé la consommation. Du coup, vous commencez à consommer un produit que vous ne produisez pas. Les habitudes alimentaires changent par rapport à l'importation. Vous vendiez l'arachide pour acheter du riz importé d'Indochine chez le commerçant à côté. Voilà des contraintes qui ont fait que le marché a été un des principaux freins du développement agricole dans nos pays.

Je suis de ceux qui disent, de par mes publications ou de par mes réflexions, que c'est le marché qui tire la production. Quand vous ne vendez pas, vous ne pouvez pas produire. Vous produisez juste pour vous nourrir.

A-t-on créé un marché pour cela? Je ne crois pas. Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins parce que si nous voulons que l'agriculture se développe, il faut qu'il y ait un véritable marché captif qui tire la production et qui fait que la population a des revenus pour acheter la technologie leur permettant de produire davantage et mieux par rapport aux normes du marché. C'est ce qui s'est passé en Asie. L'Inde a cherché d'abord à produire pour satisfaire son propre marché, ce qui lui a permis de dépasser cette étape-là aujourd'hui.

Le président : C'est très intéressant.

[Traduction]

M. Machemedze : Les politiques que nous conduisons en Afrique au niveau national visaient en réalité à développer le secteur agricole. Le Zimbabwe avait de très bonnes politiques de développement agricole. En effet, le secteur s'est développé à un niveau tel qu'il était devenu un des meilleurs en Afrique, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'est même l'un des pires aujourd'hui. Comment est-ce possible? C'est la même question que celle que j'ai posée tout à l'heure.

Pour y répondre, je poserai deux questions : Dans le contexte du nouveau paradigme libéral, comment se fait-il que quand tout ce que nous faisions autrefois n'était pas bon, le FMI et la Banque mondiale nous disaient que tout allait bien? Comment se fait-il que maintenant que nous sommes en train de faire tout ce qui est bon, on nous dit que rien ne marche?

Les politiques actuelles portant sur l'Afrique sont contraires au développement. Si on suit les tendances mondiales, en toute franchise, il y a surproduction dans les pays développés, et ces derniers cherchent donc des marchés. Où sont ces marchés? Eh bien, l'Afrique est certainement l'un d'entre eux.

En second lieu, dans ces mêmes pays, il y a de plus en plus de chômage, et il faut contrer cela. Comment s'y prend-t-on? On déloge les agriculteurs et on prend leur place. Cela a pour résultat de ne laisser que quelques grandes compagnies, de grandes exploitations agricoles. Ce sont elles qui amassent les profits.

Les pays développés ont trouvé un marché en Afrique parce qu'ils ont évincé les agriculteurs de là-bas. Ils ont tué le secteur agricole à force de subventions et d'autres moyens comme les hausses de tarifs. Je vais vous donner une brève explication de cela.

Si les pays en voie de développement veulent exporter des matières premières et que les pays développés en veulent, on les laisse entrer. Même chose s'ils veulent exporter des oranges. Toutefois, lorsque les pays en développement transforment les oranges en jus et veulent ensuite exporter le produit transformé, les pays développés vont augmenter les taxes et créer des obstacles à la percée des marchés du Nord.

Comment l'industrie de la transformation agricole peut-elle se développer dans une telle situation? Je parle, bien sûr, de la hausse des tarifs. Les petits agriculteurs assujettis aux politiques du FMI et de la Banque mondiale ont été forcés de laisser tomber des cultures favorables au développement de leur secteur local au profit de culture essentielle au marché étranger, comme par exemple la floriculture. Auparavant, nous cultivions du maïs, et maintenant, ce sont des fleurs. En quoi cela aide-t-il l'Afrique? Nous avons besoin de devises, mais encore une fois, nous faisons face à des obstacles au commerce.

Il y a aussi la question des mesures sanitaires et phytosanitaires imposées aux pays africains. Par exemple, une entreprise européenne voulait importer des oranges du Zimbabwe; ses représentants tenaient à inspecter les lieux où on les transformait en jus. Arrivés sur place, ils ont constaté que les technologies utilisées étaient plutôt désuètes. Elles l'étaient, c'est vrai, mais elles réussissaient quand même à produire du jus d'oranges. Ils ont cependant affirmé qu'il fallait recourir à une technologie numérique pour produire le jus en question, une haute technologie. Or, dans un pays comme le Zimbabwe, où obtient-on l'argent nécessaire à l'achat d'une telle technologie? Et si on l'obtient, c'est grâce à des emprunts. Viennent ensuite les frais de services de cette dette. Il faut donc emprunter de nouveau. Compte tenu de cela, comment le secteur agricole peut-il se développer? De plus, ces conditions font partie intégrante des politiques de l'OMC.

Vous avez entendu les protestations des pays en voie de développement. Ils ont dit : « Comment pouvons-nous protéger nos propres agricultures alors que tous les jours, les autres pays nous bombardent de demandes? » À l'heure actuelle, le secteur de l'élevage bovin a presque disparu en Namibie et au Botswana. On y reçoit beaucoup de bœufs de l'Europe, qui transitent par l'Afrique du Sud en raison de l'Accord de libre-échange conclu entre ce pays et l'Union européenne. Le Botswana et la Namibie sont quasiment des filiales de l'économie sud-africaine. Une fois arrivé en Afrique du Sud, le bœuf est simplement réexporté dans ces pays. Comment peut-on développer le secteur de l'élevage bovin lorsque la viande importée coûte beaucoup moins cher que le bœuf local? Il n'y a pas moyen de le faire. Le secteur va tout simplement péricliter.

Il faut qu'on écoute les agriculteurs et les simples citoyens qui souffrent de cela à tous les jours, qu'on tienne compte de leurs préoccupations. L'agriculture est essentielle au développement. Si le secteur agricole est faible, le secteur industriel le sera lui aussi. Nos économies se fondent sur l'agriculture; par conséquent, la seule industrialisation possible prendra la forme de la transformation des produits agricoles. Or, comment cela peut-il se réaliser quand il n'y a aucune production? En même temps, comment la production agricole elle-même peut-elle progresser quand il n'y a pas d'industrie locale pour transformer ces produits?

Le même raisonnement vaut pour le secteur des textiles. Vous avez certainement entendu parler de notre crise du coton par rapport au FMI. Les cours du coton sont au niveau le plus bas jamais observé. Le Zimbabwe, en Afrique australe, est le plus important producteur de coton. Il exporte 70 p. 100 de sa production et n'en garde qu'un 30 p. 100. Les 70 p. 100 exportés se vendant à des prix très bas. Actuellement, les producteurs s'abstiennent de vendre leur coton parce que ça ne leur rapporte pas assez.

Les prix sont beaucoup plus bas cette année par rapport à l'année dernière. L'agriculteur ayant des enfants d'âge scolaire qui doit nourrir et faire vivre sa famille souffre donc de cela.

C'était un aperçu des difficultés que connaissent nos secteurs agricoles et qui expliquent leur absence de développement.

[Français]

M. Fall : Sur cette question, la responsabilité de nos autorités publiques est engagée. Certains éléments nous distinguent des pays d'Asie. Les pays d'Asie font confiance à leurs agriculteurs. L'agriculture en Inde repose essentiellement sur les petites exploitations familiales. Ces exploitations sont productives et sont aptes à se développer. Dans la plupart des pays d'Asie, on apporte un soutien important à ce secteur.

Chez nous, la situation est tout à fait contraire. Nos autorités croient qu'il faut des fermes de type américain où l'agriculture, par exemple, est gérée à l'aide d'ordinateurs. Les petites exploitations ne sont pas recommandées. Les politiques cherchent à aller en ce sens alors que les moyens n'existent pas. L'Amérique a développé, petit à petit, son agriculture pour en arriver à ce modèle. Aujourd'hui, la plupart des producteurs agricoles de nos pays sont de petits exploitants qui ne sont pas considérés à leur juste valeur. Cette situation doit changer.

En Asie, on reconnaît l'agriculture de petite échelle et on appui son développement. Nous devons tenir compte de notre situation actuelle. Il ne sert à rien de regarder de l'autre côté alors que nous n'avons pas les moyens de pratiquer ce type d'agriculture.

Le deuxième facteur de différenciation est le suivant. À travers les politiques d'ajustements, tout ce qui devait encadrer le secteur de l'agriculture et favoriser son développement a été éliminé. Dans nos pays, c'est le Fonds monétaire international et la Banque mondiale qui jouent le rôle d'administrateur. On ne favorise pas la recherche. S'ils le désirent, les agriculteurs doivent eux-mêmes payer le prix de la recherche. Je ne crois pas qu'il en est de même en Asie.

Il faut éliminer la vulgarisation. Les Conseils agricoles n'existent presque plus dans les pays africains. Les producteurs sont laissés à eux-mêmes. On dit qu'il faut tout privatiser immédiatement.

Voilà certains éléments importants de différenciation qui font en sorte que nous n'avons pas connu le même niveau de croissance que l'Asie. L'Asie a travaillé sur les questions de recherche, de vulgarisation et de Conseils agricoles. Il faut également ajouter les autres facteurs tels que les crédits. Un pays comme l'Inde a protégé son agriculture. Aujourd'hui, il nous est impossible d'en faire autant en Afrique.

Au mois de février, j'ai assisté à une réunion des gouverneurs du FIDA qui se tenait à Rome. Le ministre de Madagascar posait la question à savoir pourquoi on autorise les pays d'Asie à appliquer des politiques de protection fiables, alors qu'au Madagascar on les refuse. Le Madagascar voit sa politique agricole tomber, alors que la consommation principale dans ce pays est le riz. Voilà une autre différence.

Le sénateur Robichaud : Vous avez fait allusion à nos systèmes de gestion de l'offre. Avez-vous vu dans ces systèmes un moyen de regrouper les petits agriculteurs afin de leur permettre de s'organiser pour avoir un certain contrôle sur la production et ensuite pouvoir pénétrer des marchés? Serait-ce une solution pour le producteur africain?

M. Dioum : Vous savez, l'histoire se répète. Plusieurs gens de ma génération ont eu à mettre en œuvre des politiques. Nous avions une agriculture et des politiques administrées. À l'époque, des offices fixaient les prix sur l'ensemble des produits agricoles tels les céréales et les oléagineuses.

Le démantèlement de ces offices est arrivé avec les politiques d'ajustement. Pourquoi? Parce que, simplement, ces offices étaient source de déséquilibre financier. Du fait que lorsque cela coûtait moins cher sur le marché international, vous l'achetiez quand même au producteur pour tenter de rémunérer un tant soit peu ses efforts, et on a compris que c'était une forme de soutien qu'il fallait éliminer. Avant, il y avait un marché actif, potentiel, et même si la consommation était dépassée l'office achetait. C'était un élément. Comme je dis toujours, tant que le producteur peut vendre, il va continuer à produire.

Voici ce que j'ai vu de la gestion de l'offre : il ne faut pas se la cacher, quand j'ai écouté mes amis pendant trois jours, quand j'ai visité leur système, j'ai demandé les niveaux de protection pour la volaille, pour le lait, pour le bœuf. Ils m'ont cité des chiffres faramineux. J'ai dit que nous n'avions jamais eu cette chance de protéger nos productions. Je sais qu'il y a des petits agriculteurs, des petits fermiers laitiers, mais néanmoins, où qu'ils se situent sur le territoire canadien, selon une pondération, leur production peut être vendue. Cela, au moins, est une situation favorable au développement de l'agriculture. On peut le faire; on l'a déjà fait dans le passé. Mais cela suppose qu'on ait les instruments de protection nécessaires, les quotas, si nécessaire, pour pouvoir effectivement contrôler la circulation de ces produits dans nos marchés, quand c'est nécessaire.

Quand on l'a fait, et je prends un exemple que je connais, celui de la pomme de terre au Sénégal, on a eu des pointes de production remarquables parce qu'on a eu les conditions qui le permettaient. Pendant la période de production locale, on fermait les frontières pour les importations de pommes de terre et d'oignons. Cela a permis un développement fulgurant du secteur maraîcher. Mais lorsqu'on a adopté ces politiques qui disaient qu'on ne pouvait pas protéger au-delà de tel pourcentage ou de tel niveau, et que les subventions, dans les pays qui exportaient, n'arrêtaient pas d'augmenter et s'ajustaient selon les conditions du marché local, on ne pouvait plus être compétitif. Voilà une filière qui a plus ou moins disparu, au Sénégal, dans les régions où il y avait des potentialités. Aujourd'hui, la Guinée, qui est tentée de développer ce secteur, va rencontrer les politiques d'importation et ainsi de suite.

C'est possible. Je ne dis peut-être pas de transférer en l'état ce que j'ai vu, mais c'est possible. Au moins dans les formes, il y a là un champ d'investigation extrêmement important pour nous; et je continue d'y travailler à mes frais en attendant que je trouve des Canadiens qui acceptent de nous soutenir dans cette démarche. Au plan de la démarche agricole, mais aussi des négociations internationales, je suis sûr qu'il y aura un pont à jeter entre le Canada et les pays africains, dans ce domaine de la gestion de l'offre.

M. Fall : Pour la question de l'offre, il y a d'abord des aspects très importants pour nous, car cela recoupe notre vision de ce que doit être, dans un premier temps, une agriculture. Fondamentalement une agriculture a pour fonction d'approvisionner les populations en denrées alimentaires. Par conséquent elle doit être orientée vers le marché intérieur. Tel que nous avons compris le système de gestion de l'offre, cela s'oriente vers la consommation canadienne. De ce point de vue, c'est très important. Nous ne pensons pas qu'il soit sûr de laisser l'approvisionnement alimentaire d'un peuple aux mains d'autres peuples. Nous ne souhaitons pas entrer dans un mécanisme où notre alimentation dépendra d'un bateau qui vient des États-Unis. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons produire chez nous ce que nous voulons manger. C'est cela notre préoccupation et je crois que le système de gestion de l'offre le permet.

Le deuxième aspect est que cela ne cause de distorsion à aucune autre agriculture. En tout cas tel que nous l'avons compris. Or, les autres mécanismes posent des problèmes aux autres agricultures. De ce point de vue également, c'est un système qui nous paraît très intéressant.

Le troisième aspect, c'est que sa mise en œuvre implique certainement un certain nombre de conditions, ce qui nous semble être à la portée des pays africains parce que ce n'est pas trop coûteux. On peut, petit à petit, en responsabilisant les producteurs, promouvoir un tel système au niveau de nos pays. Cela ne doit pas trop coûter cher à nos pouvoirs publics qui n'ont pas d'argent.

Conformément à ce que dit M. Baba Dioum, nous pensons également que, lorsque les pays développés nous disent qu'ils vont continuer à subventionner nos agriculteurs — ce que nous ne refusons pas car l'argument à cet effet tient bien la route — les pays développés nous disent : « Nous vous subventionnons parce que nous voulons assurer à nos agriculteurs un niveau de vie acceptable ». Cela est très acceptable. Mais nous disons que, si on le fait, nous aussi avons le droit d'avoir un niveau de vie acceptable et par conséquent les subventions ne doivent pas nous causer des problèmes. À partir de ce moment, un système de gestion de l'offre qui intègre la protection aux frontières peut constituer un compromis. Vous perdez vos subventions mais nous nous protégeons et nous mettons en place un système de gestion de l'offre.

Celui qui n'accepte pas cela a certainement des intentions non avouées et par conséquent on pense que le système de gestion de l'offre peut constituer un consensus au niveau des négociations internationales. Nous savons que c'est attaqué, c'est bousculé, mais le Canada doit tenir et dire « nous sommes d'accord pour des mécanismes de ce genre parce nous pensons que cela va nous permettre de développer notre d'agriculture. »

[Traduction]

M. Machemedze : Je suis sûr que mes collègues ont déjà exposé la plupart de ces arguments. Je me contenterai de dire qu'un régime de gestion des approvisionnements garantissant marchés et prix aux agriculteurs entraînerait nécessairement une bonne production. Par conséquent, il fonctionnera.

En Afrique, particulièrement au Zimbabwe, des programmes de ce genre réglementaient la production du lait, du coton et du maïs. Nous disposions d'offices de commercialisation des céréales, du lait et du coton. Malheureusement, au moment où on s'est apprêté à prendre la place de nos producteurs, on nous a forcé à privatiser ces organismes et à nous en remettre exclusivement aux aléas du marché. Les éléments qui faisaient partie du régime de gestion des approvisionnements faisaient également partie de cet autre système. Cela fonctionnera certainement en Afrique.

Le président : À titre de renseignement, j'avise les membres du comité que notre comité de direction s'est réuni il y a deux ou trois jours. Vous n'ignorez sans doute pas que nous ne nous rendrons pas à l'ONU demain. Toutefois, compte tenu des témoignages que nous avons entendus au sujet de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et des questions soulevées par notre témoin, nous avons décidé d'aller à Washington.

[Français]

Ce n'est pas juste les témoins d'aujourd'hui parce qu'on a déjà cette évidence qui fait qu'on demande aux pays de faire des choses qu'on ne fait pas nous-mêmes. C'est cela la question, pour moi. On demande aux gens dans les pays de l'Afrique d'utiliser des politiques que nous n'utilisons pas nous-mêmes. Il y a des questions à poser au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale à Washington.

C'est pour cela que nous devrons aller à Washington et aux Nations Unies, car il est évident qu'il y a des questions à poser.

[Traduction]

Selon les témoignages que nous avons entendus, les coûts entraînés par les importations en Afrique de produits agricoles sont aussi élevés que l'aide accordée à ce continent. Si l'on en croit des témoignages d'experts, ce qu'on appelle communément l'aide ne fait qu'équilibrer les coûts de ces importations alimentaires pour les pays africains. Rappelons qu'il y a 30 ans, ces mêmes pays subvenaient à leur propre besoin à cet égard. Le comité voudra en savoir plus long sur cette question.

[Français]

Pouvez-vous nous donner le pourcentage de la population du Sénégal et du Zimbabwe qui travaille en agriculture? Nous collectionnons un peu ces chiffres. Il y a des gens qui sont surpris de ces pourcentages assez impressionnants. Si vous pouviez nous donner ces chiffres pour le Sénégal, par exemple.

M. Fall : Le Sénégal est l'un des pays les plus urbanisés de l'Afrique de l'Ouest, avec un taux d'urbanisation de 56 p. 100. Une grande partie de ces populations urbaines continue à vivre de l'agriculture. Ainsi, 60 p. 100 de la population tire directement leurs revenus de l'activité agricole.

Le président : Vous avez aussi des pêcheurs, n'est-ce pas?

M. Fall : Oui.

Le président : Pouvez-vous nous donner un pourcentage pour ce secteur?

M. Fall : Je ne pourrais pas vous donner la proportion de pêcheurs par rapport à la population. Mais la pêche constitue le premier secteur d'exportation du Sénégal. Nous retirons plus de 33 milliards de francs CFA par année de produits de pêche vendus sur les marchés. C'est essentiellement réalisé par la pêche artisanale, les petits pêcheurs.

Le président : Nous parlons de 60 p. 100 de la population du Sénégal qui travaille dans le domaine de l'agriculture?

M. Fall : Exactement.

[Traduction]

Monsieur Machemedze, pouvez-vous nous donner des pourcentages approximatifs?

M. Machemedze : Je n'ai pas en main les chiffres les plus récents. On a réattribué beaucoup de terres au Zimbabwe. Beaucoup de gens ont donc été rétablis ailleurs. Aussi, certains qui auparavant n'étaient pas agriculteurs le sont devenus. Il faudrait donc des chiffres mis à jour. Grâce à nos réseaux et à nos collègues ici, je serai en mesure de vous faire parvenir les renseignements pertinents, une fois qu'ils auront été collectés.

[Français]

Le président : J'aimerais remercier les témoins de leur présence, ce soir. Ils sont venus de loin pour venir nous rencontrer.

Le sénateur Prud'homme : Monsieur Fall, en lisant votre biographie, nous nous rendons compte que vous avez été Commandeur de l'Ordre national du Lion du Sénégal, Officier de l'Ordre du mérite du Sénégal, de l'Ordre national du Lion du Sénégal et Chevalier de l'Ordre national du Lion du Sénégal.

Nous sommes des frères, maintenant. Le sénateur Corbin et moi, dans les années 70, avons été reçus commandeurs de l'Ordre national du Lion du Sénégal par le président Senghor. Nous devrons dorénavant le déclarer parce qu'avec les nouvelles lois, si on est trop sympathiques envers le Sénégal, on pourrait nous accuser d'être en conflit d'intérêts.

Je vous remercie respectueusement.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous allons vous revoir très prochainement.

La séance est levée.


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