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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 19 - Témoignages du 28 juin 2005


OTTAWA, le mardi 28 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été renvoyé le projet de loi S-37, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, se réunit aujourd'hui à 17 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes ici cet après-midi pour traiter du projet de loi S-37, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels. Nos témoins, aujourd'hui, de Patrimoine canadien sont Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe à Citoyenneté et patrimoine; Mme Lyn Elliot Sherwood, directrice exécutive du Groupe du patrimoine; Mme Kathy Zedde, analyste principale de politique; et M. Jean-François Bonin, conseiller juridique.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Si vous voulez donner le coup d'envoi, madame Sarkar, le comité écoutera avec plaisir vos observations relativement au projet de loi S-37.

[Français]

Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe, Citoyenneté et patrimoine, Patrimoine canadien : Monsieur le président, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi S-37, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels.

Le président vous a présenté les fonctionnaires de Patrimoine canadien qui m'accompagnent. J'aimerais toutefois souligner que des fonctionnaires des ministères de la Justice et des Affaires étrangères sont aussi présents dans la salle afin de répondre à vos questions au besoin.

Mon intervention d'aujourd'hui vise à fournir un bref aperçu des objectifs du projet de loi qui traite des obligations du Canada découlant des deux protocoles de la Convention de La Haye et ainsi situer le projet de loi dans le contexte général de la convention.

Le Canada a adhéré à la Convention de La Haye en 1999, franchissant ainsi une autre étape de sa longue tradition de coopération internationale pour la protection du patrimoine. Ce projet de loi nous permettra d'adhérer aux deux protocoles de la convention et de s'engager à fond.

Le premier protocole de la convention traite des questions relatives à l'exportation de biens culturels à partir de territoires occupés et de la restitution de ces biens. Le deuxième protocole précise et élargit les dispositions de la convention et corrige certaines faiblesses de la convention. Parmi les dispositions les plus importantes on compte une série d'obligations relatives à la poursuite judiciaire contre ceux et celles qui portent atteinte aux bien culturels en période de conflits armés.

Plusieurs de nos obligations prévues aux protocoles seront de nature administrative et ne donneront suite à aucune mesure législative. D'autres, telle l'obligation d'initier des poursuites judiciaires en cas d'infractions aux protocoles, doivent être enchâssées dans la loi canadienne.

[Traduction]

La plupart des mesures législatives nécessaires sont maintenant en place en raison de la mise en application, en 2000, de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. La Loi sur la Défense nationale prévoit les mesures législatives relativement au personnel militaire canadien. Le projet de loi S-37 comblera les lacunes restantes par le biais de modifications au Code criminel et à la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels.

Du point de vue des forces armées, nos collègues du ministère de la Défense nationale nous ont dit, au moment de notre adhésion à la Convention en 1999, que celle-ci n'introduisait aucune obligation aux responsabilités additionnelles et qu'elle n'affecterait pas de manière significative l'étendue des pratiques établies des forces armées. Les obligations de la Convention sont en grande partie le reflet des obligations en vertu d'autres instruments, tels que les protocoles ou conventions de Genève. Le message du ministère de la Défense nationale est le même pour les protocoles de La Haye : l'adhésion aux protocoles n'entraînera pas de nouvelles obligations ni nouvelles responsabilités pour le personnel militaire.

D'un point de vue administratif, les protocoles précisent et élargissent les nombreuses obligations que nous avons déjà acceptées en adhérant à la Convention. Il est fréquent avec de tels accords que chaque pays fasse preuve d'un degré élevé de souplesse en adoptant une approche de mise en application qui lui est propre.

Par exemple, au Canada, en temps de paix, nos obligations de créer des inventaires et de planifier la préservation des collections en cas de conflit armé, sont satisfaites par le truchement de multiples activités de prévention des désastres réalisées par certains établissements et certains gouvernements. Bien que ces activités ne soient pas réalisées par suite de nos obligations établies par la Convention de La Haye, elles répondent aux obligations prévues par la Convention et à celles prévues par les protocoles.

Le projet de loi S-37 représente la dernière étape du travail de base qui permettra au Canada d'aller de l'avant. Il entraînera une mise en application plus approfondie de nos obligations actuelles découlant des traités en vertu de la Convention.

[Français]

Par le projet de loi S-37 et les modifications au Code criminel, certains actes considérés comme infractions lorsqu'ils sont commis au Canada le seront également lorsqu'ils seront commis par des Canadiens ou des Canadiennes à l'extérieur du Canada contre des bien culturels importants.

Par le projet de loi S-37 et les modifications à la Loi sur l'exportation et l'importation de bien culturels, un mécanisme de restitution d'un bien culturel provenant des territoires occupés sera instauré et l'exportation illégale de biens culturels de territoires occupés sera interdite. La loi permet déjà la poursuite judiciaire de ceux et celles qui importent des biens culturels illégalement d'un pays avec lequel le Canada a un accord dans le domaine des biens culturels.

Avec cette adhésion aux protocoles, le projet de loi renforcera l'engagement du Canada à protéger le patrimoine culturel mondial et fera comprendre clairement que le Canada n'acceptera pas d'être un refuge pour ceux et celles qui endommagent, détruisent et pillent les biens culturels en période de conflits armés.

[Traduction]

Pour conclure, j'aimerais remercier les honorables membres du comité de leur attention et il me ferait un plaisir de répondre à toute question sur ce sujet.

Le sénateur Johnson : Je suis tout à fait d'accord avec vos observations. J'ai quelques questions à poser pour tirer certaines choses au clair. J'étais le porte-parole de l'opposition pour ce projet de loi, mais nous l'appuyons.

Quelle est la date visée pour donner la sanction aux deux protocoles de la Convention de La Haye?

Mme Sarkar : Je laisserai Mme Zedde répondre à la plupart des questions.

Mme Kathy Zedde, analyste principale de politique, Politiques du patrimoine, Patrimoine canadien : Selon le moment où sera adopté le projet de loi, nous espérons, pour l'instant, être en mesure d'adhérer aux protocoles avant la fin de l'année civile.

Le sénateur Johnson : L'article 34 de la Convention stipule clairement que les moyens d'adhérer aux mesures prévues par la Convention doivent être mis en place six mois avant leur entrée en vigueur. Quelles mesures le gouvernement a-t-il pris depuis l'entrée en vigueur de la Convention au Canada, en 1999, pour respecter ces exigences : par exemple, de dresser des plans de protection et d'évacuation des biens culturels?

Les mesures préparatoires qu'exige l'article 5 du deuxième protocole sont beaucoup plus claires et plus rigoureuses que celles de la Convention. Ont-elles déjà été mises en œuvre, ou y aura-t-il des ajustements aux plans actuels?

Mme Zedde : Lorsque nous avons signé la Convention, le Canada a émis un protocole d'accord limitant notre interprétation de l'article 28 de la Convention, qui porte sur les poursuites fondées sur les infractions. À ce moment-là, nous n'étions pas en mesure de poursuivre ceux qui avaient commis des délits contre les biens culturels à l'étranger. Nous avons limité notre interprétation de cet article dans un protocole d'accord. Ce projet de loi, quand il sera adopté, nous permettra de rétracter ce protocole d'accord. C'est pourquoi nous n'avions pas encore établi ce type de mesures législatives avant aujourd'hui.

En ce qui concerne certaines des mesures applicables en temps de paix, comme le disait Mme Sarkar, une bonne part de ces mesures ont été entreprises par des institutions culturelles particulières dans le contexte de leur propre plan de prévention des catastrophes. Nous avons aussi, au niveau fédéral, un comité interministériel de préparation aux situations d'urgence auquel participe Patrimoine canadien, avec les institutions patrimoniales du pays. Cela comprend les musées nationaux, la Bibliothèque et les Archives nationales et Parcs Canada. Le comité coordonne les efforts et protège l'information sur la préparation aux catastrophes.

Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile met en œuvre une initiative de plus grande envergure. Le Programme national de fiabilité des infrastructures essentielles a été mis en œuvre à la suite des événements du 11 septembre pour coordonner les efforts relativement à toutes sortes de catastrophes pouvant frapper l'infrastructure essentielle nationale, qui engloberont les principaux symboles nationaux et institutions culturelles. Des consultations sont en cours actuellement. Elles devraient être terminées cet été, et un plan devrait être en place d'ici à l'automne.

C'est le genre de choses qui ont été faites jusqu'à maintenant. Elles n'ont pas été faites directement en réaction au Protocole de La Haye. La communauté patrimoniale du Canada est assez avancée pour comprendre les avantages qu'il y a à avoir des plans de préparation aux catastrophes qui font partie intégrante de leur structure opérationnelle normale.

L'Institut canadien de conservation, qui est un organisme de notre ministère, participe depuis plusieurs années à la formation des professionnels du milieu patrimonial à la préparation aux situations d'urgence et à la formulation de ce type de plans.

Le sénateur Johnson : Je serais curieux de savoir pourquoi tellement de temps s'est écoulé entre la sanction de la Convention de La Haye en 1954 et notre adhésion à ces protocoles?

Mme Lyn Elliot Sherwood, directrice exécutive, Groupe du patrimoine, Patrimoine canadien : La Convention de La Haye a été adoptée, à l'origine, dans le contexte de la guerre froide. En raison de tensions nées pendant la guerre froide, plusieurs pays occidentaux ont été lents à adopter des mesures qui auraient pu, dans ce contexte, les empêcher de composer avec des cibles militaires comme le Kremlin, qui est à la fois un lieu historique extraordinaire et une cible militaire.

Le contexte de l'après guerre froide et de la glasnost a grandement favorisé l'ouverture à un examen des conséquences militaires de l'adhésion à la Convention. Par conséquent, le Canada s'y est joint en 1999.

Mme Zedde : Vous demandiez pourquoi, si nous avons adhéré à la Convention en 1999, ce n'est que maintenant que nous agissons relativement au protocole?

Le sénateur Johnson : Ne doit-il pas y avoir une réunion cet automne? Si ce projet de loi n'est pas adopté, nous ne serons pas à la table. C'est un projet de loi émanant du Sénat, et la Chambre des communes est ajournée pour l'été. Il doit y avoir une réunion en octobre.

Mme Zedde : Je répondrai à cette en deux parties. Tout d'abord, lorsque le deuxième protocole a été adopté en 1999, nous l'avons tout d'abord examiné pour voir ce qui manquerait dans les lois canadiennes pour complètement le mettre en œuvre. Entre-temps, la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre a été promulguée en 2000. Depuis ce moment-là, nos efforts ont surtout pour tenter de déterminer exactement ce qu'il faudrait. À un moment donné, nous ne pensions même pas devoir faire plus. Néanmoins, nous avons tout dernièrement reconnu certaines lacunes que nous nous efforçons maintenant de combler.

Le deuxième protocole est entré en vigueur seulement en mars dernier. Conjugué à certains événements survenus sur la scène internationale, cela a créé pour nous une occasion d'aller de l'avant.

En ce qui concerne la réunion qui doit avoir lieu à l'autonome, la prochaine Conférence générale de l'UNESCO, qui se tient en octobre, ce sera la première conférence générale à avoir lieu depuis l'entrée en vigueur du deuxième protocole, et le nouveau comité sera élu à ce moment-là. Il est vrai qu'à l'origine, nous avions espéré déjà constituer à ce moment-là un État partie de plein droit et pouvoir participer à cette réunion en tant qu'État partie du deuxième protocole. De toute évidence, cela ne pourra pas se faire. Par contre, comme toujours lors de ces réunions à l'UNESCO, nous y serons en tant qu'observateurs. Nous avons le pouvoir de faire des interventions. Selon le point où nous en serons à ce moment-là dans nos démarches pour nous y joindre — par exemple, si nous avons déposé notre instrument d'adhésion sans toutefois que le délai de 90 jours soit encore écoulé avant que nous puissions être considérés comme un État partie de plein droit — nous pensons que nos points de vue auront plus de poids, même si nous ne sommes toujours qu'observateurs.

Le sénateur Grafstein : J'aimerais parler des principes de ce projet de loi : la définition des biens culturels. Si vous voulez bien aller à l'annexe, article 6, article premier. C'est une infraction criminelle que nous proposons, au Canada. Par conséquent, il est assez important d'avoir une définition très précise des biens meubles ou immeubles qui ont une connotation culturelle.

L'article 1 stipule :

les biens meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples...

Comment cette définition peut-elle le moindrement être assez précise pour justifier une poursuite criminelle?

Je vais vous donner un exemple. Est-ce que ces nouvelles caméras, ici, qui permettent au Canada d'observer une partie du nouveau cadre institutionnel pour la télévision, sont de grande importance pour le patrimoine culturel des peuples parce qu'elles transmettent cette audience historique? Que signifie « grande importance »? Est-ce qu'il y a une définition juridique?

Je vais aussi vous donner des exemples qui me troublent. À bien regarder ces accords internationaux, nous imposons une norme criminelle au Canada. Je ne vois pas d'objection à l'objet du projet de loi; c'est sa formulation qui me gêne. Nous revenons à des questions de rédaction et de précision. Ce comité s'intéresse aux affaires internationales, mais nous nous soucions tous d'une certaines précision du libellé. Que signifient les expressions « grande importance » et « patrimoine culturel des peuples »?

Mme Zedde : C'est la définition des biens culturels que comporte la Convention de la Haye. Comme c'est souvent le cas dans les conventions de ce genre, certaines formulations sont imprécises.

Le sénateur Grafstein : C'est justement ce qui me gêne. Est-ce que ce n'est pas vague à dessein?

Mme Zedde : Je laisserai l'un de mes collègues experts juridiques répondre à la question sur les implications juridiques de cette formulation.

M. Jean-François Bonin, conseiller juridique, Patrimoine canadien : Je comprends très bien votre question. C'est difficile, parce que nous essayons de mettre en œuvre une convention qui revient à un compromis dans le domaine culturel. Tout est tellement relatif. À la fin d'une séance de négociation, on finit avec des expressions qui obtiennent une espèce de consensus.

En bon citoyen du monde, le Canada essaie normalement d'être aussi près que possible, dans ses lois, de la terminologie des traités que concrétisent ces lois.

Il y a incertitude. Ces termes sont vagues. Si nous regardons la pratique canadienne en matière de poursuites, les autorités ne poursuivront que les délinquants ou présumés délinquants qui commettent un délit qui concerne un bien qui est nettement de haute importance.

Le sénateur Grafstein : La grande importance devient maintenant de la haute importance. Le public est en droit de savoir, monsieur, quelle en est la définition. C'est une norme criminelle. Nous sommes ici pour peaufiner le projet de loi. Est-ce que vous vous entendez maintenant que les procureurs généraux des provinces ou le procureur général du Canada ont le pouvoir discrétionnaire de décider de qui est important ou de ce qui ne l'est pas? De ce qui est plus ou moins grande importance? Ce n'est pas la primauté du droit. La primauté du consensus n'est pas la primauté du droit.

M. Bonin : Je ne veux pas vous contredire, monsieur. Je comprends vos propos. Le tribunal devra un jour décider de ce que signifie l'expression « grande importance » selon les valeurs canadiennes. Malheureusement, aucune loi n'est jamais sûre à 100 p. 100.

Le président : D'après l'animal, puisque c'est un protocole, je suppose que certaines imprécisions sont possibles. Si nous voulions changer le protocole, il nous faudrait recommencer à zéro, avec un grand nombre de pays. Combien de pays participent à ce protocole?

Le sénateur Grafstein : Monsieur le président, il y a une autre façon d'aborder la question. Il y a une autre méthode internationale pour composer avec les traités internationaux qui sont vagues. Nous l'avons déjà fait. Nous faisons des mises en garde. Nous disons que nous adopterons ce protocole, mais nous le mettrons en œuvre que dans la mesure où ces tests préliminaires sont concluants. Il y a des corollaires. Les Britanniques, les Français et les Russes le font tout le temps, et certainement aussi les Américains.

Je suis sûr qu'aucun membre de ce comité ne conteste la noblesse de l'objectif de ce projet de loi. De toute évidence, comme l'a dit le sénateur Johnson, bien du temps a passé avant qu'il se concrétise, pour de nombreuses raisons d'ordre politique. Je ne le contesterai pas non plus. Cependant, maintenant, il s'agit d'un acte criminel. Lorsqu'il s'agit d'actes criminels, nous avons l'obligation, à cette Chambre, de nous assurer que ce n'est pas vague, qu'il n'y ait pas d'incertitude.

Permettez-moi de poser une autre question. Jusqu'où remontons-nous en ce qui concerne les biens culturels? Est-ce qu'il y a la moindre préclusion juridique fondée sur un bien meuble ou immeuble de grande importance pour le patrimoine culturel des peuples?

M. Christopher Ram, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Monsieur le président, si vous me le permettez, pour répondre à la question originale du sénateur Grafstein, quand on met en œuvre un protocole comme celui-là, en ce qui concerne la stratégie de rédaction de mesures législative, nous sommes confrontés à un certain dilemme. D'un côté, si on emploie la formulation du protocole dans ce cas-ci, on a une définition dont l'imprécision pourrait soulever quelque préoccupation. D'un autre côté, si on intègre une définition dans la loi, on court le risque que les tribunaux l'interprètent d'une manière qui n'est pas conforme à l'exigence du traité. Le Canada se démarque alors de la conformité et cela entraîne la nécessité de modifications et d'autres problèmes en chemin.

Dans ce cas-ci, la décision a été prise, en consultation avec la Section des droits de la personne du ministère de la Justice, qui a examiné la loi pour assurer sa conformité avec la Charte, que la définition était claire et suffisamment certaine, étant donné que de toute évidence, nos tribunaux devront l'interpréter, on le présume, à la lumière du jargon du traité, pour déterminer s'il peut vraiment y avoir certitude. Ce n'est pas un choix facile.

Le sénateur Grafstein : Le Parlement peut être critiqué si nous ne faisons pas notre travail. Nous avons été critiqués et on nous a dit que nous reportons sur les tribunaux la responsabilité de l'interprétation de la précision des lois. Cependant, notre travail n'est pas de dire « C'est vague, mais laissons les tribunaux l'interpréter. » Avant de laisser les tribunaux interpréter, notre travail est d'être satisfaits, convaincus au-delà d'un certain point que c'est raisonnablement précis. On nous dit maintenant que c'est vague et que nous devrons laisser les tribunaux en décider.

Le président : Est-ce bien ce qu'on nous a dit?

Le sénateur Grafstein : C'est ce qu'on vient de nous dire.

M. Ram : Si vous permettez, notre avis n'est pas que c'est vague. Nous avons consulté la Section des droits de la personne à ce sujet particulier. Nous avons envisagé la possibilité d'incorporer une définition dans la loi. C'était une solution, mais une solution difficile.

Le sénateur Grafstein : D'accord, mais quel était leur avis au sujet du terme « grande »? Comment définir « grande »? Qu'est-ce qui est de « grande importance »? Donnez-nous des exemples de grande importance.

M. Ram : Il faudrait que ce soit élaboré dans la jurisprudence quand la question se posera.

Le sénateur Grafstein : Au cas par cas.

M. Ram : Si quelqu'un était poursuivi, la Couronne devrait prouver au-delà de tout doute raisonnable que les biens en question étaient de grande importance. Elle devrait appeler des témoins experts, et les tribunaux auraient à prendre une décision d'après les preuves reçues. S'il devait y avoir un nombre suffisant de ces dossiers, une jurisprudence serait constituée.

Ce n'est pas à notre portée, si on peut dire, à notre portée en tant que gouvernement ou à votre portée en tant que législateurs, de dicter la formulation du protocole. C'est décidé entre pays, dans un contexte de négociations. En tant que rédacteur de droit criminel, il est certain que j'aimerais que la formulation soit plus précise, mais c'est le monde dans lequel nous vivons.

Le sénateur Grafstein : Oui et non. J'ai deux ou trois questions à poser.

M. Ram : J'espère vous avoir été utile.

Le sénateur Grafstein : C'était une réponse.

Jusqu'à quand remonte le Code criminel? Jusqu'à quand, rétrospectivement, ce Code criminel peut-il s'appliquer, relativement à ces dispositions? Autrement dit, si un bien a été pris il y a une centaine d'années, est-ce qu'il s'applique?

M. Ram : À ce que j'ai compris, il ne s'appliquera absolument pas de manière rétrospective.

Le sénateur Grafstein : C'est à partir de ce jour.

M. Ram : À partir de la date de la sanction royale.

Le sénateur Grafstein : S'il y avait un bien culturel de grande importance caché dans un grenier au Canada, est-ce qu'il serait assujetti à cette loi particulière?

M. Ram : Il pourrait l'être dans certaines situations, mais il faudrait que ce soit une nouvelle infraction. Par exemple, le projet de loi prévoit le fait de cacher frauduleusement. Si un bien a été pillé — je crois bien que c'est le terme qui a dans le traité — pendant la Deuxième Guerre mondiale mais qu'il est maintenant frauduleusement caché au Canada, elle pourrait s'appliquer, mais elle ne s'appliquerait pas au méfait originel relativement à ce bien, survenu en 1946, si on garde le même exemple.

Le sénateur Grafstein : Je remarque une mention, dans vos notes, des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon. Savez-vous pourquoi le Royaume-Uni a choisi de ne pas ratifier la Convention?

Mme Zedde : Le Royaumne-Uni a annoncé, il y a eu un an en mai, qu'il n'allait pas ratifier la Convention et accéder aux deux protocoles. Il n'a pas expliqué publiquement pourquoi il a attendu si longtemps. Il a annoncé qu'il n'irait pas plus loin. Le Japon a aussi déclaré être sur le point de ratifier la Convention.

Le sénateur Grafstein : Et les États-Unis?

Mme Zeddy : Rien des États-Unis.

Le sénateur Downe : Savez-vous pourquoi les États-Unis n'y accéderont pas?

Mme Zeddy : D'après ce que nous avons compris, c'est conforme à leur approche générale relativement à ce type d'accords multinationaux.

Il y a une chose sur laquelle j'aimerais insister, c'est que la Convention et le Protocole de La Haye sont fondés sur les mêmes principes, non seulement, que d'autres traités comme les protocoles afférents aux Conventions de Genève, mais aussi au droit coutumier international concernant la guerre. Ainsi, les États-Unis ont déclaré publiquement respecter les principes de ces autres accords, qui sont conformes à La Haye. C'est tout ce que je peux vous dire.

Le sénateur Downe : D'après ce que vous savez, ils n'ont pas dit craindre que les forces armées puissent être poursuivies pour des actes commis à l'étranger?

Mme Zedde : Je ne suis au courant d'aucune déclaration particulière qu'ils aient pu faire au sujet de cette convention-ci.

Le sénateur Downe : Y a-t-il avec vous, ici, quelqu'un du ministère de la Défense nationale, ou les avez-vous consultés pour connaître leurs avis?

Mme Zedde : Le ministère de la Défense nationale participe à cette initiative dans le cadre d'un groupe de travail interministériel. Il n'a pas de représentants ici aujourd'hui, mais il appuie l'initiative.

Le sénateur Downe : A-t-ils des objections?

Mme Zedde : Non.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que cette loi s'appliquerait dès qu'elle aura reçue la sanction royale. Si j'ai en ma possession un objet reconnu comme ayant une certaine valeur par le pays d'origine où je l'ai obtenu et si je décide de vendre ou d'exporter cet objet, cela devient-il une offense? Pourrais-je subir les conséquences de la loi?

[Traduction]

Mme Zedde : Si vous étiez en possession légale, au Canada, d'un objet que vous souhaitiez exporter pour une raison ou une autre, il serait simplement assujetti aux exigences normales du permis d'exportation en vertu de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels. Les dispositions de ce projet de loi ne viseraient que les actes comme le vol, le détournement de biens, et cetera, en dehors du Canada après que la loi soit entrée en vigueur.

Le sénateur Robichaud : Puis-je être le propriétaire légal de quelque chose qui a été volé il y a quelques années?

Mme Zedde : C'est une question un peu plus vaste. La réponse c'est que dans certaines circonstances, au Canada, c'est possible.

Le sénateur Di Nino : Le pillage d'œuvres d'art survenus pendant les diverses guerres ne serait pas couvert par ce projet de loi, d'aucune façon?

Mme Zedde : Non.

Le sénateur Di Nino : Il vise l'avenir plutôt que du passé. Le seul moment du passé qui serait inclus, c'est si quelqu'un cachait une œuvre d'art ou un bien culturel. Ai-je bien compris qu'en vertu de ce projet de loi, ce serait une infraction?

M. Ram : Votre question concerne le fait de cacher frauduleusement. Il y a des circonstances où il est possible pour quelqu'un de commettre un délit aujourd'hui relativement à des biens qui ont été pillés, ou quelque chose du genre, antérieurement. Je n'en suis pas absolument sûr, mais je crois que c'est possible. Puisque le projet de loi s'applique à partir de la date où il a reçu la sanction royale, si la Couronne peut prouver que vous avez commis tous les aspects du délit à un moment donné après la date de la sanction royale, vous seriez visé.

Le sénateur Di Nino : Je vois que nous avons attendu 45 ans pour accéder à la Convention de 1954, une dizaine d'années après la fin de la guerre froide pour la ratifier, et encore six ans pour adopter ces mesures législatives. Depuis 20 ou 30 ans, il y a eu un tollé au sujet du vol de biens d'une valeur historique phénoménale. Est-ce que l'un de vous sait pourquoi le Canada a attendu si longtemps pour créer des mesures législatives pour contrer cela?

Mme Sherwood : L'ouverture des rapports mondiaux, à la suite de la glasnost, a permis aux pays d'élargir leur perspective sur leurs obligations à l'égard des biens culturels, qui n'exigeait pas ce qui était perçu comme un équilibrage excessif avec les obligations militaires.

Il est important de souligner qu'il y a eu au Canada des entretiens avec d'autres niveaux de gouvernement tout au long des années 1990, qui ont abouti à l'adhésion à la Convention. En 1999, le cadre juridique permettant au Canada d'intenter des poursuites pour des délits commis hors du Canada n'était pas bien établi comme partie intégrante de notre régime juridique. Ce problème a été résolu en 2000, avec l'adoption de la Loi sur le crime contre l'humanité et les crimes de guerre, qui établissait ce principe.

Le deuxième protocole a été adopté il y a deux ans et approche d'une résolution. Nous avons travaillé en parallèle de ce processus au sein du gouvernement, avec des collègues du ministère de la Défense nationale pour nous assurer de bien comprendre les implications pour les forces armées du Canada, son ministère des Affaires étrangères, évaluer les enjeux selon leur perspective, et au ministère de la Justice, pour comprendre pleinement toutes les implications juridiques des poursuites intentées hors du pays. Le deuxième protocole n'est entré en vigueur qu'en mars 2004, avec l'adhésion d'un nombre requis de pays.

Il est vrai que les rouages du gouvernement tournent lentement. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui en mesure de présenter les modifications législatives nécessaires pour que cela aille plus loin.

Le sénateur Di Nino : Il est important d'indiquer aux fins du compte rendu que les rouages de la justice n'ont pas seulement tourné lentement; ils ont carrément cessé de tourner depuis 55 ou 60 ans, ce qui ne devrait pas être acceptable pour un pays comme le Canada. Il y a grand besoin de restitution d'œuvres d'art qui n'ont pas seulement une valeur artistique, mais qui représentent aussi le patrimoine de bien des pays du monde, particulièrement de certains pays de l'Europe.

Ce projet de loi concerne l'application extraterritoriale de la Loi canadienne. Pouvons-nous l'appliquer dans un pays où les Canadiens peuvent avoir participé au genre d'activités illégales dont il s'agit dans ces projets de loi, ou les autres pays signataires de cette Convention doivent-ils y participer?

M. Bonin : Seuls les biens qui ont été pris d'un État signataire de ce protocole sont protégés par le protocole.

Le sénateur Di Nino : Si un Canadien se trouvant dans un pays qui ne participe pas à ce protocole commettait une infraction reconnue par cette loi, il ne serait pas assujetti à la loi; c'est bien cela?

Mme Zedde : Le délit d'exportation illégale — autrement dit, la modification à la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels — n'exige pas que l'exportation illégale se fasse d'un pays membre signataire du second protocole. Cependant, les infractions au Code criminel — le vol, le méfait, l'incendie criminel, et cetera — ne sont pas limités aux pays parties à la Convention ou aux protocoles.

Le sénateur Grafstein : J'essaie de comprendre la restriction. Lorsque je regarde la loi, rien ne semble empêcher qu'elle soit appliquée rétrospectivement. Où voyez-vous que ce sont des mesures législatives axées sur l'avenir et qui ne touchent pas des actes antérieurs? Autrement dit, on nous a dit que ce projet de loi a un effet prospectif. Nous avons entendu le sénateur Di Nino exprimer l'avis que, peut-être, le projet de loi pourrait toucher des actes antérieurs. Où, dans le projet de loi, lit-on qu'il ne s'appliquera qu'à partir de maintenant? Lorsque je lis l'annexe et l'énonciation, il y est question de la Convention faite à la Haye le 14 mai 1954.

Le président : La question qui se pose est : où est-il écrit, dans le projet de loi, qu'il ne s'applique qu'à partir de la date où il reçoit la sanction royale et pas avant?

Le sénateur Grafstein : Pour les biens culturels pris avant, sous la définition de l'article premier.

M. Ram : Il se peut que cette question aille plus loin que ce à quoi je peux répondre; ce pourrait être la Loi d'interprétation sur laquelle nous nous appuyons — il faudrait que je vérifie. Il y a une présomption contre la rétroactivité. Le texte législatif doit préciser qu'il est rétroactif pour l'être; c'est l'approche générale de nos rédacteurs. Il faudrait que je vérifie.

Le sénateur Grafstein : Nous avons des exemples de rétroactivité au Sénat, sans qu'il y ait eu référence à la Loi d'interprétation.

M. Ram : Je peux m'engager à me renseigner pour vous. Je ne connais pas la réponse pour l'instant.

Le président : Il faudrait que je présume, sénateur Grafstein, que si un projet de loi n'a pas été adopté, il n'est pas entré en vigueur et n'entre en vigueur qu'au moment de son adoption.

Le sénateur Grafstein : Oui et non, monsieur le président parce que cela se rapporte à une convention qui a été adoptée en 1954, que nous avons adoptée d'une certaine façon. Ce que nous faisons ici, c'est que nous mettons en œuvre les mesures législatives, mais l'objet de la Convention est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi.

Le président : Je ne voudrais pas vous contredire, sénateur Grafstein, mais si je me souviens bien, Mme Sarkar a bien dit au début de l'audience que ce projet de loi comble des lacunes — qu'il y a déjà des aspects couverts, mais d'autres qui ne l'étaient pas. Le projet de loi S-37 ne cherche qu'à combler certaines lacunes.

Est-ce bien ce que vous avez dit, madame Sarkar?

Mme Sarkar : C'est bien cela. Cette discussion se rapporte à une autre question posée au sujet du délai, qui est l'une des raisons qui font qu'il est plus facile maintenant d'harmoniser des différents ministères qui devaient s'y engager. Nous avons eu la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et la Loi sur la Défense nationale, alors on a pu combler des lacunes, que nous n'aurions pas pu combler tant que ces lois n'étaient pas en vigueur.

Le sénateur Grafstein : Dans vos notes, vous avez parlé de « biens culturels » qui sont définis, et nous avons parlé de la définition à l'article 1 de la Convention. L'article 36.1(2) du projet de loi stipule :

(2) Il est interdit de sciemment exporter ou autrement retirer du territoire occupé d'un État partie au deuxième protocole un bien culturel au sens de l'alinéa (a) de l'article 1 de la Convention, [...]

Quelle est la définition de « occupé »? Où est-ce qu'on trouverait cela?

Mme Zedde : À ce que je comprends, un État occupé a une définition très précise dans le droit international.

Le sénateur Grafstein : La définition est précise, mais la trouverions-nous? Il n'en est pas question dans l'annexe. Il en est question dans le projet de loi. L'annexe ne parle pas de territoires occupés, elle parle de biens culturels « quels que soient leur origine ou leur propriétaire ». C'est limité à une personne qui exporte des biens culturels d'un territoire occupé.

On nous a dit que nous sommes tenus de garder la définition de l'article premier, mais où est la définition de l'origine du bien?

Mme Sarkar : Nous essayons de trouver la personne qui pourrait vous répondre.

Le président : Pendant qu'ils trouvent la réponse à votre question, je vais laisser la parole au sénateur Johnson.

Le sénateur Johnson : Est-ce qu'il y a 105 États parties aux protocoles maintenant?

Mme Zedde : Il y a 114 États parties à la Convention, 91 au premier protocole et 31 et au deuxième protocole.

Le sénateur Johnson : D'après ce que j'ai compris, les États-Unis, bien qu'ils n'aient pas accédé à la Convention, acceptent bon nombre de ses principes en temps de guerre. Y a-t-il des indices permettant de croire qu'ils pourraient y adhérer?

Mme Zedde : Aucun.

Le sénateur Johnson : L'Association des musées canadiens travaille depuis quelque temps déjà avec d'autres organisations pour créer un comité canadien du Bouclier Bleu. Ce comité a été créé en 1996 pour aider à protéger les biens culturels en temps de conflit et on lui a assigné un rôle de conseiller spécial auprès du comité interministériel dans le deuxième protocole.

D'après l'AMC, votre ministère n'a offert qu'un soutien très tiède au concept d'un comité national pour aider dans les interventions relativement aux menaces contre les biens culturels. Dans quelle mesure le ministère du Patrimoine canadien appuie-t-il la création d'un tel organe? Aussi, cet organe est-il nécessaire, d'après vous, et comment serait-il constitué? S'il n'y avait pas d'organe de ce genre, quel ministère ou organisme fédéral prendrait la direction de la coordination dans l'intervention du Canada relativement à la menace contre les biens culturels en temps de conflits armés?

Mme Sherwood : Nous avons collaboré avec l'Association des musées canadiens principalement par l'entremise de l'Institut canadien de conservation, qui est un centre national d'expertise au sein du ministère. Nous nous entendons généralement sur l'importance de la préparation aux catastrophes et de la planification pour les situations d'urgence. Nous sommes encore à discuter des meilleurs moyens de procéder, que ce soit par la création d'un nouvel organe ou l'ajout de responsabilités à une organisation existante, comme l'Institut canadien de conservation.

Nous travaillons aussi avec des collègues provinciaux et territoriaux de la compétence desquels relèveraient bon nombre des institutions du pays. Dans le cadre de discussions continues avec eux sur les stratégies, nous allons chercher les meilleures approches organisationnelles. Il est important de souligner le travail et la formation qui ont déjà été faits en matière de planification des catastrophes et de préparation aux situations d'urgence, ainsi que des capacités d'intervention.

Le sénateur Johnson : Est-ce que vous estimez que c'est un organe inutile?

Mme Sherwood : Nous pesons encore les pour et les contre, ainsi que les coûts de la création d'un organe distinct par opposition à son intégration dans un organisme existant.

Le sénateur Johnson : Ils ont été très actifs en exerçant des pressions relativement à cette question.

Mme Sherwood : Il importe de souligner que l'Association des musées canadiens a effectivement écrit une lettre d'appui à l'adhésion aux protocoles, en applaudissant les initiatives. Nous savons qu'ils l'appuient vivement.

Le président : J'ai vu des hochements de tête, alors peut-être a-t-on une réponse à la question du sénateur Grafstein.

M. Bonin : Nous n'avons pas trouvé, dans les ouvrages que nous avons avec nous, la définition de « occupé ». Cependant, nous savons que « occupation », « puissance occupante » et « territoire occupé » sont des expressions très courantes dans le droit international. Nous les trouvons surtout dans les Conventions de Genève et les protocoles connexes. Il y a beaucoup de jurisprudence et d'interprétations relativement à ces expressions. Une étude de la jurisprudence pourrait vous donner ce qu'on pourrait considérer comme une définition.

Le sénateur Grafstein : Je comprends. C'est important, si le comité adopte une modification au Code criminel, d'avoir une définition précise, qui nous préoccupe. Nous devrions vraiment savoir, du moins en ce qui concerne le projet de loi, quel est le situs, soit la définition du bien culturel. Nous ne la connaissons pas. L'expression « territoire occupé » fait l'objet d'un débat de temps à autre.

Enfin, je voudrais mentionner la rétroactivité. Lorsque nous avons adopté une mesure fiscale, le comité se préoccupait de rétroactivité. Ça remontait au début des années 1980. Il y a eu un énorme débat il y a quelques semaines au Sénat justement sur ce sujet.

Le président : C'était controversé. Je me rappelle que le ministère a remis une lettre décrivant certaines limites ou caractéristiques pouvant être appliquées à la rétroactivité.

Le sénateur Grafstein : J'avais l'impression, avant d'avoir lu ce document, que nous avions déjà en vigueur des dispositions pour protéger l'expropriation des biens culturels en général. C'est une lacune de la loi que je ne connaissais pas.

Si nous devons décider d'une loi criminelle — et il s'agit ici une modification au Code criminel — ces dispositions devant nous, doivent avoir une certaine précision, pour que nous puissions les étudier et décider si elles sont précises ou si elles sont vagues et incertaines. C'est notre travail. Les tribunaux auront leur travail à faire, mais nous avons le nôtre.

Le sénateur Corbin : Sous l'onglet 7 du document d'information qui a été préparé, que nous a remis, je suppose, le ministère, il y a des lettres de soutien émanant de plusieurs provinces. Est-ce que toutes les provinces sont censées appuyer cette initiative pour qu'elle puisse aller de l'avant? Pourquoi n'y a-t-il pas de lettres de soutien de l'Ontario et du Québec?

Mme Sherwood : C'est par mesure de courtoisie que nous annonçons aux provinces et territoires l'intention du gouvernement fédéral d'aller de l'avant quant à cette question. Nous n'avons reçu aucune manifestation de réserve de la part de l'Ontario et du Québec, mais ces provinces n'ont pas répondu à la lettre.

Le sénateur Corbin : Est-il possible qu'elles écrivent à un moment donné? Les dates de ces réponses sont récentes. Je vois le 4 avril, le 16 mars, et cetera.

Mme Sherwood : Il est encore possible que l'une d'elles répondent, mais nous n'avons encore rien reçu. J'ai rencontré mes homologues des provinces et territoires, dans un autre contexte, il y a deux semaines. À ce moment-là, personne n'a soulevé de question là-dessus. Il est possible que nous recevions d'autres lettres, mais le fait que nous n'en recevions pas n'empêchera pas le gouvernement fédéral d'aller de l'avant avec une initiative internationale.

Le sénateur Corbin : C'est par courtoisie. Même si le Québec, par exemple, ne répondait pas, est-ce que vous tiendriez pour acquis que puisqu'il n'a pas signifié son objection, vous avez son appui?

Mme Sherwood : Nous supposons qu'il n'a pas trouvé d'objection dont il souhaite nous faire part. Je ne voudrais pas pousser les provinces à manifester leur soutien, mais elles ont été très favorables à l'adhésion à la Convention elle-même et n'ont donné aucun signe, de façon informelle, y voir de problème.

Le sénateur Corbin : À ce que vous sachiez, il n'y a pas de raison apparente que ces provinces soulèvent maintenant des objections?

Mme Sherwood : Exactement.

Le sénateur Downe : C'est plus par courtoisie, n'est-ce pas, parce que le projet de loi prévoit la possibilité pour les procureurs généraux des provinces d'intenter des poursuites en vertu de cette loi?

Mme Sherwood : En effet. Je devrais m'exprimer clairement. Nous avons mené des consultations auprès des collègues des ministères de la Culture et du Patrimoine. Le ministre de Justice a consulté ses homologues d'autres compétences.

Le sénateur Downe : La même question qui a été posée il y a un moment devrait être posée aux représentants du ministère de la Justice. Y a-t-il eu la moindre objection de l'Ontario et du Québec, au sujet des poursuites?

M. Ram : Nous avons effectivement consulté les provinces. Elles n'ont pas répondu, ou n'ont soulevé aucune objection. Nous n'avons pas reçu de réponse de toutes les provinces.

Je voudrais aussi souligner que l'approche visant à englober des compétences fédérales et provinciales concurrentes dans ce projet de loi est conforme à ce que nous avons fait relativement à la mise en œuvre des autres traités. Si vous regardez l'article 7 du Code criminel et les infractions prévues par la Loi antiterroriste, et peut-être d'autres infractions aussi, c'est une pratique assez courante. Si un délit devait être commis ou survenir au Canada, il faudrait alors déterminer au cas par cas qui intenterait les poursuites, ou quel gouvernement serait le plus approprié pour intenter l'action en justice pour l'affaire.

Le président : Honorables sénateurs, nous avons atteint la fin de nos délibérations. Je suis entre vos mains. Devrions-nous entreprendre l'étude article par article du projet de loi?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je croyais que nous devions recevoir des réponses aux questions posées et pour lesquelles nous n'avions pas reçu de réponses précises.

[Traduction]

Le sénateur Corbin : Je penche dans le même sens. Pourrions-nous avoir des réponses à temps, disons, pour le débat sur la troisième lecture au Sénat? Ces réponses pourraient être intégrées au compte rendu du Sénat, à l'étape de l'examen du projet de loi. Est-ce que cela satisferait nos collègues?

Le président : Pourriez-vous vous engager à fournir ces renseignements au comité?

Mme Zedde : J'aimerais confirmer les deux questions restantes, telles que nous les comprenons. D'abord, il y a la définition du territoire occupé, et ensuite la question de la rétroactivité.

Le sénateur Grafstein : Et on peut le savoir.

Mme Zedde : Oui.

Le sénateur Grafstein : Il y avait une question sur la précision de la définition. Nous avons reçu une réponse d'ordre général à la question. Peut-être pourrions-nous avoir plus de jurisprudence sur ce sujet pour nous donner une idée de la manière dont ces questions ont été réglées par les tribunaux, le cas échéant. Ce serait utile.

Encore une fois, messieurs et mesdames les témoins, nous sommes d'accord avec l'objectif, mais c'est un acte criminel. Nous avons droit à quelque précision en ce qui concerne nos réponses.

Le président : Honorables sénateurs, passons à l'examen article par article.

Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est-il adopté?

Le sénateur Grafstein : Je vais m'abstenir de voter sur toutes ces articles jusqu'à ce que j'aie les documents. Je ne voudrais pas faire obstacle à ce processus, mais j'aimerais que mon « abstention » soit notée au compte rendu. Je ne m'oppose pas au projet de loi. Peut-être changerais-je d'avis d'après les renseignements que j'aurai reçus d'ici à la troisième lecture.

Le sénateur Downe : Je suis du même avis.

Le président : D'accord.

Est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'annexe est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Sommes-nous d'accord pour adopter le projet de loi?

Le sénateur Di Nino : Il est adopté à condition que nous recevions ces renseignements.

Le président : Oui, il est adopté à condition que nous obtenions les renseignements que demande le sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein : Ils seront fournis à tous les sénateurs.

Le président : Honorables sénateurs, sommes-nous d'accord pour que je présente ce projet de loi à la prochaine séance du Sénat?

Des voix : D'accord.

La séance est levée.


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