Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 20 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 8 afin d'étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte; je vous souhaite la bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères qui est la première réunion publique cet automne sur l'Afrique. Il s'agit de la première réunion de fond avec des témoins depuis que les membres du comité sont revenus d'Afrique.
[Français]
Notre rencontre d'aujourd'hui sera divisée en deux parties. Nous recevrons donc, dans un premier temps, des fonctionnaires de l'Agence canadienne de développement international et, dans un deuxième temps, des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada.
Nous avons invité ces deux ministères à comparaître aujourd'hui afin de nous permettre de mieux comprendre certains enjeux découverts lors de notre récente mission d'information en Afrique.
[Traduction]
Je suis heureux de vous présenter nos quatre témoins de la Direction générale de l'Afrique de l'Agence canadienne de développement international : Mme Barbara Brown, directrice générale, Afrique de l'Ouest et du Centre; M. Michel Lemelin, directeur général, Afrique australe, de la Corne et de l'Est; Mme Ellen Wright, chef, Unité de la gouvernance, de la sécurité et des communications, Secrétariat du Fonds canadien pour l'Afrique; et Mme Isabelle Bérard, directrice par intérim, Politiques, planification stratégique et services techniques de la Direction générale de l'Afrique.
Étant donné que le but de la réunion était de permettre aux membres du comité de poser des questions ayant trait à leurs propres observations faites en Afrique, les témoins n'ont pas été invités à faire des exposés.
Le sénateur Di Nino : Il s'agit d'une entreprise très complexe et intéressante du Comité sénatorial des affaires étrangères.
Nous arrivons tout juste d'un voyage de deux semaines en Éthiopie, dans la République démocratique du Congo, au Nigeria et au Mali. Tout ce que nous avons entendu a été confirmé. Nous avons eu certains succès. Nous avons eu certaines expériences positives, mais d'après ce que nous avons vu et entendu des témoins avant et certainement pendant notre voyage, je pense que l'approche du monde pour venir en aide à l'Afrique a été un échec. Nous appelons cela un échec de 40 à 50 ans. Ce n'est pas que nous voulions échouer, mais il y a eu de la frustration de la part du monde ainsi que de la part des pays africains qui recevaient notre aide. Mes observations sont fondées sur des choses que nous avons entendues, y compris des observations provenant de personnes de l'Union africaine qui, évidemment, représentent beaucoup plus que les quatre pays que nous avons visités. J'ai un certain nombre de questions liées à l'économie.
Nous avons apporté de l'aide — une partie de cette aide motivée par la pitié et une partie motivée par la conscience —, mais nous n'avons pas accordé d'attention à la question de la création d'emplois, aux occasions dans le domaine économique qui aident à semer ou à déclencher des occasions de développement économique créatrices d'emplois.
Voilà quelle pourrait être ma première question pour voir si quelqu'un a quelque chose à dire et, s'il vous plaît, veuillez me le dire si vous pensez que je me trompe.
Barbara Brown, directrice générale, Afrique de l'Ouest et du Centre, Agence canadienne de développement international : Je vais essayer de répondre d'une manière assez générale. Premièrement, pour ceux d'entre nous qui travaillons sur les questions de l'Afrique depuis de nombreuses années, nous sommes heureux de l'intérêt que vous manifestez. Il ne pouvait pas être facile de voyager en Afrique au cours des dernières semaines et pour ceux d'entre vous qui ont voyagé là-bas il y a 40 ans, comme certains d'entre vous l'ont fait, ce n'est pas toujours facile d'y retourner.
Il y a eu, surtout au cours des 20 dernières années, beaucoup de conflits en Afrique et dans de nombreuses régions, comme la partie orientale de la République démocratique du Congo. Il s'agit d'une situation assez désespérée comparativement à celle qui régnait il y a 40 ou même 10 ans.
Ceci dit, oui, notre aide n'a pas toujours frappé la cible. Cela ne fait aucun doute. Il y a certains succès intéressants. En particulier, un de ces succès dont les Canadiens devraient être fiers, je pense, parce que je représente l'Afrique de l'Ouest — et, évidemment, nous ne sommes qu'un petit acteur parmi de nombreux autres —, c'est le travail de nos coopératives et caisses populaires en Afrique de l'Ouest. Par le truchement de Desjardins International, nous avons participé à la création de caisses populaires, de réseaux de caisses populaires et maintenant, au cours de la prochaine étape, à l'établissement de liens entre les réseaux dans différents pays de l'Afrique de l'Ouest. Dans le cas de l'Afrique de l'Ouest, cette initiative a eu des répercussions directes — peut-être pas sur les emplois —, mais sur la production de recettes pour les plus pauvres d'entre les pauvres. Les caisses populaires débutent avec de très, très petites sommes d'argent. Elles s'adressent aux groupes défavorisés, les femmes et les petites entreprises. Elles s'adressent aux régions rurales. Si nous pensons être découragés par les résultats de la coopération, voilà un succès important. Cela ne veut pas dire qu'il y a des caisses populaires partout en Afrique de l'Ouest. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'un travail facile. Si nous parlons d'avantages économiques immédiats pour certaines personnes très défavorisées, le travail que nous avons fait par l'intermédiaire de la Canadian Cooperative Association et Développement international Desjardins a été vraiment important pour l'économie de l'Afrique de l'Ouest.
Monsieur Lemelin, y a-t-il des exemples semblables en Afrique australe?
[Français]
Michel Lemelin, directeur général, Afrique australe, de la Corne et de l'Est, Agence canadienne de développement international : Monsieur le président, je voudrais amener la question sous un autre angle. Si l'on regarde les secteurs d'intervention qui ont été privilégiés par l'aide ou le développement international au cours des 20 dernières années, on retrouve peut-être trop d'attention sur les secteurs sociaux comme l'éducation et la santé.
Et le niveau de base, où nous avons massivement essayé de développer la très petite entreprise et les moyens de subsistance privés que les gens pouvaient mettre sur place, n'est pas ce qui crée des emplois au sens moderne du terme. Ce n'est pas ce qui bâtit des industries modernes ou des secteurs modernes d'intervention. Mais cela crée des activités. Dans le domaine de la santé et de l'éducation, on a formé des professeurs et des travailleurs de la santé. On espère qu'ils resteront en Afrique plutôt que d'immigrer dans les pays développés.
Il y a peut-être un lien entre le fait qu'on a été tellement intéressé par les secteurs sociaux, où se manifestaient davantage les caractéristiques de la pauvreté, et les secteurs industriels. On n'a pas bien réussi à travailler au développement du secteur privé moderne. Peut-être parce qu'on n'en est pas là. Il y a tellement eu d'attention portée aux pays les plus pauvres, où l'on essaie de se concentrer sur l'aide à apporter aux gens pour qu'ils se sortent de la misère et de la pauvreté, que l'on n'a peut-être pas bâti une industrie.
Mais il y a de l'espoir, il y a de la place pour en faire davantage.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Il ne s'agit certainement pas d'une critique. Je serais heureux que vous ne le preniez pas de cette manière. Ce n'est pas uniquement le Canada; le monde a fait des choses semblables à celles que nous avons faites. De toute évidence, les résultats que nous recherchions n'ont pas été obtenus, à mon avis du moins. La pauvreté existe toujours. Il y a environ 40 ans, l'Afrique pouvait subvenir à ses besoins alimentaires; aujourd'hui, elle doit importer des aliments. Il y a de très nombreuses choses que nous pourrions et que nous devrions faire, particulièrement du côté des subventions agricoles; à cause des subventions accordées aux agriculteurs en Europe, en Amérique du Nord et dans d'autres parties du monde, il est moins coûteux pour certains pays d'Afrique d'importer les aliments que de les produire eux-mêmes.
Ce qui est frustrant, c'est qu'après de si nombreuses années, nous devrions voir beaucoup plus de résultats. Au Mali, nous avons entendu des données statistiques indiquant qu'environ 48,3 p. 100 de la population est âgée de moins de 15 ans. On s'attend à ce que cette population augmente de manière exponentielle. On nous a dit que cette situation n'était pas très différente de celle que l'on peut voir dans la plupart des pays d'Afrique.
Il s'agit de données statistiques incroyables, si on pense au nombre de bouches à nourrir, au nombre de personnes à vêtir et au nombre de personnes à loger. Je ne pense pas que le modèle que nous avons eu jusqu'ici fonctionne. Veuillez me corriger si j'ai tort. Vous étiez là-bas il y a 40 ans, madame Brown, et vous avez certainement une meilleure connaissance des questions et de la manière dont les choses fonctionnent. Que devrions-nous faire? Comment devrions- nous changer notre façon de faire de manière que nous ne répétions pas les mêmes choses dans 40 ans d'aujourd'hui?
Mme Brown : Vous avez parlé des questions commerciales, ce qui se situe en dehors de notre mandat. Toutefois, si nous restons dans le domaine de la coopération internationale, nous devons d'abord nous rappeler qu'il s'agit d'une partie infime du tableau d'ensemble. Vous avez raison. Nous pouvons faire beaucoup plus avec les questions commerciales que nous pouvons en faire avec la coopération. C'est un fait que nous devons accepter.
Nous, les donateurs — et je ne parle pas de tous les donateurs et je ne parle pas uniquement du Canada — devons mieux travailler ensemble. Cela ne fait aucun doute. Le mot d'ordre à l'heure actuelle, c'est harmonisation. Récemment, à Rome et à Paris, les donateurs aux plus hauts niveaux se sont entendus pour harmoniser leurs approches et pour travailler ensemble de sorte que les Américains ne soient pas en train de faire quelque chose qui ne s'agence pas bien avec ce que les Canadiens et les Allemands font, et ainsi de suite. C'est essentiel. Nous nous engageons dans cette voie, ce qui est important pour nous du point de vue de la coopération.
Un changement majeur qui a eu lieu au cours des 10 dernières années est l'innovation que M. Wolfson a apportée à la Banque mondiale; il a fait en sorte que la banque travaille avec des pays africains et d'autres pays dans le monde pour élaborer des stratégies visant à réduire la pauvreté et à articuler toute notre coopération autour d'une bonne stratégie de réduction de la pauvreté. Cela touche les questions sociales et économiques. Cette stratégie doit être élaborée par le pays lui-même de sorte qu'en tant que donateurs en matière de développement, nous apportions notre contribution à un plan qui vient du pays lui-même et qui lui appartient. Il s'agit là d'une autre innovation importante.
Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons commencé à dire, d'une manière très concertée, et surtout en Afrique, que nous allons investir dans votre programme d'éducation de dix ans ou dans votre programme de santé de dix ans. Nous avons commencé ce que nous appelons l'appui budgétaire. Il y a beaucoup de questions à ce sujet. Les gens nous demandent : « Pourquoi faites-vous cela? » Je réponds : « Parce que pour nous, donateurs, il s'agit de la meilleure option pour le moment. » Nous travaillons avec les gouvernements. Nous leur demandons ce qu'ils feront avec ces 48 p. 100 de jeunes gens? Ces derniers doivent recevoir une éducation décente. Nous devons nous assurer que c'est effectivement le cas. Nous examinons leur plan et investissons dans leur plan de sorte que ce n'est pas notre plan, mais le leur. Nous travaillons côte à côte. Lorsqu'ils disent : « Nous avons besoin d'aide pour planifier un meilleur programme scolaire ou de meilleurs manuels scolaires », nous pouvons leur apporter cette aide.
Voilà trois choses importantes. Les donateurs doivent travailler ensemble. Nous devons continuer de travailler sur la stratégie de réduction de la pauvreté et nous devons investir dans les plans du gouvernement du Mali pour faire face à ces questions, et non pas arriver sur place avec nos idées et nos plans.
[Français]
Isabelle Bérard, directrice par interim, Politique, planification stratégique et services techniques, Agence canadienne de développement International : Monsieur le président, je voudrais approfondir les réponses données aux deux questions du sénateur Di Nino. À la question de savoir si nous avons failli à la tâche en Afrique, je serais portée à dire que nous avons appris. C'est tout de même 40 ans de développement et, en somme, le développement est un processus long et complexe.
Au cours des dernières années, nous avons certainement appris et tiré des leçons de nos expériences. Depuis les 10 dernières années, la communauté internationale s'est vraiment ralliée autour d'un certain nombre de concepts, comme la production de stratégies de réduction de la pauvreté et cette nécessité d'harmoniser nos interventions. Je crois que c'est très important.
Le Canada a aussi cheminé, dans la mesure où il a de plus en plus ciblé ses interventions, que ce soit au niveau sectoriel ou géographique. Ce n'était pas la réalité il y a 40 ans en termes de développement. Nous étions plutôt éparpillés, soit en termes sectoriels ou géographiques. Nous travaillons maintenant à redresser cette situation à la lumière des apprentissages que nous avons faits au cours des dernières années.
Je voulais ajouter le facteur concentration à ce que Barbara a énoncé. Je voulais également souligner que notre nouvel énoncé de politique internationale met l'accent sur la question du secteur privé. Nous reconnaissons actuellement l'importance de mettre une emphase particulière sur ce secteur.
Nous avons appris durant les dernières années et le développement du secteur privé apparaît clairement et de façon proéminente dans notre énoncé de politique internationale. L'intérêt de l'énoncé de politique internationale est qu'il couvre en fait plusieurs secteurs, et non seulement la partie développement de l'intervention canadienne à l'étranger mais les interventions au niveau commercial pour les affaires étrangères.
Il y a un besoin d'avoir une complémentarité d'outils pour faire en sorte qu'il y ait des choses qui se passent et qu'elles soient cohérentes et valables.
[Traduction]
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Segal ou au sénateur Andreychuk, j'aimerais faire une observation.
Je suis d'accord pour dire que du point de vue du progrès économique, c'est un fiasco. En Éthiopie, le revenu annuel moyen, s'il existe des données statistiques véritables, est inférieur maintenant à ce qu'il était dans les années 1960. Je ne peux voir comment on peut dire qu'il s'agit d'un grand succès du point de vue économique, pour ce qui est du niveau de vie des gens.
Par ailleurs, j'ai remarqué quelque chose que peut-être d'autres personnes n'ont pas remarqué.
Je n'ai vu que deux cas de trachome et normalement, on verrait des milliers de personnes touchées par cette maladie. Je suis habitué d'être entouré de ces personnes. Le trachome est une maladie des yeux transmise par les mouches.
Je n'ai pas vu un seul cas d'éléphantiasis et, encore une fois, cela ne m'a pas frappé. J'ai déjà vu des centaines de personnes atteintes de cette maladie; cependant, je n'en ai pas vu un seul cas cette fois.
La lèpre était une maladie très courante. J'ai déjà voyagé dans des autobus avec une dizaine de lépreux. Je n'y pensais même pas. En fait, j'ai vu cela.
Je suis prêt à dire qu'il y a eu certains progrès dans le domaine de la santé. J'étais en Éthiopie en 1959 ou 1960 et l'éléphantiasis était partout. Le comité a été très impressionné par la qualité de certains des spécialistes africains que nous avons rencontrés en Éthiopie. Ils étaient très intelligents, bien formés, bien éduqués et parfaitement en mesure de prendre les choses en main. Par exemple, je pense au chef du comité militaire de l'Union africaine. Il y avait toutes sortes de personnes très compétentes. C'est quelque chose que je n'aurais certainement pas vu en 1959 ou 1960.
Dans bien des cas, ce sont des blessures que les pays se sont infligées eux-mêmes. Nous avons parlé à un Éthiopien devenu agronome principal d'un autre pays et qui était responsable d'un programme important; il nous a dit qu'il y avait 3 300 agronomes ayant une formation supérieure en Éthiopie. Il y a des universités aux États-Unis où le chef du Département d'agronomie est Éthiopien.
Lorsque le régime marxiste a été imposé, ces derniers ont fui le pays. Nous disons : « Que faisons-nous en envoyant des agronomes en Éthiopie alors qu'il y a de nombreuses personnes là-bas qui sont déjà en mesure de faire le travail? »
Le comité s'est rendu au Tigré. Quiconque est déjà allé dans un pays semi-aride sait que les précipitations y sont intermittentes et que vous allez dans le lit desséché d'une rivière et que vous y creusez un trou. S'il y a de l'eau, c'est habituellement là que vous la trouverez. Les Éthiopiens font cela depuis 1 500 ans.
Ils creusent d'énormes trous qu'ils tapissent de pierres. Il y en avait 3 000 dans la région que nous avons visitée. Ils avaient une pompe. Ils avaient l'habitude d'utiliser une vis d'Archimède. Cela remonte certainement à l'Égypte ancienne. On utilise encore la vis d'Archimède et elle fonctionne assez bien. Le comité a examiné cette nouvelle pompe.
Un des économistes en chef de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique à Addis Abeba se montrait très critique à l'égard de ces projets et voulait que tout le monde remplisse un rapport à leur sujet. C'est projet pouvait coûter 75 $, mais juste pour remplir les rapports, il en coûtera probablement 300 $. Personne ne souhaite de mal à ces gens qui ont besoin d'eau. Il me semble qu'ils sont parfaitement capables de faire ce travail eux-mêmes. Ils le font depuis des temps immémoriaux.
Cela semblait être notre programme d'aide et vous regardez cela et vous dites : « Après 45 ans, est-ce que c'est tout? » Est-ce que cette personne pile sur une chose de 50 $ que j'aurais pu acheter? Pour cela, il doit y avoir un rapport. L'économiste était très brillant, très critique de ces pratiques, comme le chef de l'Union africaine, Alpha Oumar Konaré.
[Français]
Il disait la même chose : Qu'est-ce que c'est que ça? Ça ne peut pas marcher. C'est ce qu'il a dit.
[Traduction]
Pourquoi ne pas essayer d'augmenter le niveau de vie? Il est important que les gens n'aient pas le trachome, ou l'éléphantiasis, ou la lèpre. Ce sont des réalisations importantes. Je ne peux pas dire que ces maladies n'existent pas, mais je ne les ai pas vues. Si j'étais allé dans les collines, je les aurais probablement vues.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit le sénateur Di Nino. L'Éthiopie était un pays exportateur d'aliments en 1960. À certains égards, sa situation est pire qu'il y a 45 ans. Qu'est-il arrivé de tout cela?
[Français]
Mme Bérard : Vous n'avez pas tort dans votre constat et vos observations. En fait, vous touchez au cœur d'une question essentielle et fondamentale qui est l'imputabilité d'un gouvernement face à ses propres commettants versus un gouvernement face à une communauté ou à une élite au sein d'un pays qui devient presque imputable face aux autres donateurs. En 40 ans, on a réalisé avec les années, particulièrement dans les pays où il y avait une dépendance importante à l'aide, en Afrique l'on retrouve d'ailleurs plusieurs de ces pays, qu'il y a eu cette espèce de tournant où les populations et les gouvernements sont devenus de plus en plus imputables aux donateurs et à la communauté internationale plutôt qu'à leur propre population. Le résultat est qu'on les a distraits de leur fonction fondamentale, qui est de répondre aux besoins de leur population. C'est l'apprentissage qu'on a fait au cours des dernières années.
D'ailleurs, en Éthiopie, où vous étiez, je ne sais pas si on vous a cité certaines des études faites sur le nombre de missions dans ce pays pour une année calendrier spécifique. Il est difficile de ne pas me citer, avec tout le monde qui écoute et qui écrit ce sera compliqué, mais de mémoire, je sais que durant une année précise, on a fait l'étude du nombre de missions faites en Éthiopie. On a identifié plus de 2 500 missions pour lesquelles on a requis le temps des fonctionnaires et des parlementaires. Alors cela devient impossible à gérer et très difficile.
Au fil des années, cette évolution a mené à une distraction. Je reviens à un commentaire de ma collègue. C'est ce qui nous a engagés dans la voie de l'appui budgétaire. Au cours des dernières années, les donateurs se sont engagés de plus en plus dans cette voie où nous réunissons nos efforts collectivement. Nous tentons avec le gouvernement de faire tourner la table de l'imputabilité, de faire en sorte que les gouvernements deviennent imputables face à leur population et que l'on réduise le fardeau de demandes, de visites, et cetera.
En somme, je vais utiliser une analogie qui n'est pas parfaite mais qui est similaire à nos transferts aux provinces. Si, lorsqu'on fait des transferts aux provinces, on demandait aux gouvernements provinciaux de nous faire des rapports et si on mettait des tonnes de conditions, les gouvernements provinciaux finiraient par devenir imputables au gouvernement fédéral et répondre seulement à ce gouvernement.
Alors que, dans le fond, le système de transferts provinciaux est un peu différent et donne une certaine flexibilité, une certaine marge aux provinces.
Le principe de l'appui budgétaire est un peu similaire à celui-là. C'est une analogie qui n'est peut-être pas parfaite, mais c'est un peu l'esprit dans lequel les donateurs sont actuellement en train de travailler, c'est-à-dire de faire en sorte que les gouvernements deviennent responsables vis-à-vis de leurs commettants et que, finalement, on ne les distraie pas de leurs engagements aux populations. Je pense que vous touchez à quelque chose de fondamental et de très important, et c'est une observation intéressante. Il est bien que vous ayez rencontré cet économiste qui a alimenté votre réflexion à ce sujet.
M. Lemelin : Un autre aspect de la même question est la distinction que l'on fait maintenant entre une approche projet et une approche programme. Dans le passé, c'est vrai, et c'était un peu l'héritage des premières approches du développement, les ONG, les communautés religieuses et autres encadraient une école, créaient une université; maintenant, au lieu d'agir localement de cette façon, on cherche davantage quelles sont toutes les dimensions du problème avec l'ensemble des intervenants dans un secteur.
Prenons, par exemple, l'agriculture et la sécurité alimentaire en Éthiopie. Il est très clair que si on regarde la problématique de la famine et que l'on pense en termes d'aide alimentaire, on va fournir des denrées, on va essayer de nourrir les gens pendant la période de famine et on va recommencer chaque année.
Si on approche le problème de façon à améliorer la production agricole et alimentaire, si on pense en termes de transformation, de commercialisation, d'accès au marché, si on pense en termes d'une filière, comme vous avez pu le voir au Mali pour le coton et l'oignon, c'est une toute autre perspective.
Dans le cadre des discussions qui ont eu lieu sur le plan international, pour améliorer l'efficacité de l'aide, c'est à ce genre de réflexion qu'on est arrivé, à savoir qu'il faut absolument laisser aux pays le leadership de la stratégie. Il faut qu'ils définissent eux-mêmes ce qu'ils veulent faire dans un secteur particulier; il faut discuter de façon extensive avec les bailleurs de fonds et, à un moment donné, s'entendre sur un plan d'action. Ce plan d'action est ensuite budgétisé et c'est à ce moment qu'on arrive avec des appuis budgétaires. Un appui budgétaire, ce n'est pas donner de l'argent à un gouvernement pour qu'il fasse ce qu'il veut, c'est financer un plan clairement établi, pour lequel des mesures et des indicateurs sont précisés, des mesures de suivi mis en place et des évaluations faites au fur et à mesure. Les paiements sont alors conditionnels à certains progrès dans le domaine visé.
De cette façon, on espère être capable d'éviter de regarder un problème de façon très serrée. C'est peut-être important d'aider quelques villages à produire des tomates, mais si après une ou deux saisons, ils produisent des tomates qui pourrissent parce qu'il n'y a pas de marché, cela ne donne rien. Il faut donc vraiment s'intégrer dans une perspective plus large.
L'autre aspect de la coopération canadienne, tout comme celle de la coopération française ou britannique, c'est qu'elle ne peut pas arriver à saisir l'ampleur de ces problèmes et faire une différence qui soit pertinente par elle-même. Si tout le monde travaille ensemble, il s'établit des priorités dans les actions à entreprendre et, ensemble, on est capable de financer tout le projet.
Cela suppose un leadership du pays, sa prise en charge, l'« ownership »; cela suppose une harmonisation de nos politiques autant que les leurs, que nos politiques commerciales ne viennent pas défaire ce que l'on fait du côté développement — c'est toute la question de la discussion autour des subsides dans le domaine de l'agriculture. La discussion de Doha est très présente dans cette problématique. Cela nous permet, finalement, de regarder les choses comme un programme plutôt que comme une série de projets. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des petites interventions discrètes qui peuvent être faites ici et là, mais l'ensemble de notre coopération devrait être beaucoup plus global.
C'est la raison pour laquelle l'ACDI va appuyer des pays et que de 75 à 80 p. 100 de notre programme pourrait aller en appuis budgétaires. Mais, comme je l'ai dit tantôt, c'est parce que c'est inscrit dans un programme, c'est prévu dans les plans d'actions et suivi des résultats escomptés.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Comme je suis devenu membre du comité hier seulement, je n'ai pas eu l'occasion de participer à cette énorme entreprise physique et intellectuelle qu'ont vécu mes collègues dans leur périple remarquable dans une grande partie de l'Afrique. J'admire la perception réaliste qu'ils apportent à cette discussion et que je ne peux apporter moi-même.
Il serait des plus utile que nos invités nous parlent de deux éléments de l'exposé des faits. Nous avons beaucoup entendu parler de corruption. Je ne suis pas de ceux qui pensent que nous devrions appliquer une règle de deux poids deux mesures à nos amis africains ou que nous devrions leur imposer des normes qui n'auraient pas existé à des moments similaires de notre développement démocratique il y a 80, 100 ou 150 ans, pour ce qui est du processus.
Je pense que l'APD et d'autres règles et lignes directrices sont claires au sujet de la question de la réceptivité et de l'absorbabilité de l'aide et des investissements. Je suis intéressé de savoir où nous en sommes rendus, d'après vous, sur le plan de l'absorbabilité par rapport à l'idée que la plupart des fonds consacrés finissent là où ils étaient destinés plutôt que dans un compte de banque suisse ou quoi que ce soit d'autre comme le laisse entendre l'exposé des faits.
Ma question complémentaire porte sur un débat très actif et constructif au sein de l'ACDI, ce qui est une bonne chose, autour de la pertinence, du rôle et de l'importance de la démocratisation. Dans ce contexte, je pense à la démocratisation non seulement, par exemple, comme la capacité de choisir son propre gouvernement — on peut regarder le cas du Zimbabwe, par exemple, et constater qu'il manque certains éléments dans cette exécution particulière —, mais également, dans le contexte des droits de la personne et de la primauté du droit.
En tant que hauts fonctionnaires qui orientent les investissements, en un sens, en coopération avec d'autres donateurs au nom du contribuable canadien et à l'appui d'objectifs de développement légitimes de nos frères et sœurs en Afrique, je suis intéressé à connaître votre point de vue sur ces deux éléments. Du point de vue du Canada, quel changement pourrions-nous envisager? Quelle nouvelle approche à la politique pourrait être constructive autour de la présente table pour vous aider, vous et vos collègues, dans le travail que vous essayez de faire? C'est une commande de taille, mais toute indication de votre part serait des plus instructive.
Mme Brown : Premièrement, vous verrez à partir du nouvel énoncé de politique que les questions de gouvernance, de droits de la personne et de démocratie sont l'une de nos priorités. Il n'y a absolument aucun doute là-dessus. Un des grands progrès réalisés en Afrique au cours des 10 dernières années, c'est que les dirigeants africains acceptent maintenant de parler de la question de la gouvernance et de la corruption. Ils ont mis sur pied un mécanisme africain d'examen par les pairs dans le cadre du NEPAD, qu'ils commencent à mettre en oeuvre. Je reviens tout juste d'un voyage au Ghana, qui est un des premiers, sinon le premier, pays à signer son adhésion à ce mécanisme. Ils n'ont pas encore répondu aux observations, mais la communauté internationale peut les forcer à le faire. C'est quelque chose d'utile. On prend ces questions très au sérieux, bien que cela ne signifie pas qu'il y a des réponses faciles.
Si on revient à l'exemple du Ghana, nous avons deux programmes d'appui budgétaire dans ce pays. Le premier porte sur le secteur de l'agriculture. Nous faisons ce que M. Lemelin a dit, c'est-à-dire, nous examinons avec eux leur stratégie et leur plan d'action et nous renforçons le ministère de l'Agriculture. Le deuxième programme d'appui budgétaire se fait en collaboration avec un groupe de huit autres donateurs et fait intervenir le budget général.
Nous faisons cela au Ghana parce que ce pays a eu plusieurs élections démocratiques supervisées aux cours desquelles nous nous sommes assurés qu'il y avait un processus démocratique et une gouvernance bien en place. Nous faisons beaucoup de choses pour nous couvrir, l'une d'elle étant notre travail avec le gouvernement du Ghana pour nous assurer que ses systèmes de gestion financière sont renforcés. Son budget est de 3 milliards de dollars, ce qui est comparable au budget de la ville de Montréal, et sa population est de 20 millions d'habitants; alors, le Ghana n'a pas les ressources pour fournir des services. Il n'y a pas non plus de gouvernements provinciaux pour fournir du financement additionnel pour les services. Il est extrêmement important pour nous de nous assurer que le gouvernement du Ghana atteigne cette série d'indicateurs et de points de déclenchement établis collectivement par les donateurs, et la situation est étroitement surveillée par l'ensemble des donateurs, et non un par un, à tous les six mois. L'argent n'est pas accordé tant que les points de déclenchement n'ont pas été atteints.
Au sein du gouvernement du Ghana, nous avons mis de côté des ressources spéciales pour l'aider à bâtir son système de gestion des dépenses. Nous avons découvert qu'à cause du manque de ressources, le ministère des Finances ne gérait que le budget salarial du gouvernement. Il n'a pas de relations avec les ministères d'exécution parce que tous les budgets de programmes viennent de donateurs par le biais de ces projets et programmes séparés dont vous avez parlés. Un des avantages a été que les ministères d'exécution reçoivent leur argent par l'intermédiaire du ministère des Finances, et nous essayons de faire en sorte que ce système fonctionne mieux.
Je demanderais à mes collègues d'ajouter leurs observations. Michel Lemelin a certains exemples intéressants de son côté du continent. Concernant les changements que nous recommanderions pour mieux communiquer le message aux Canadiens... nous parlons du petit projet, pour lesquels nous n'avons pas beaucoup d'enthousiasme, mais les gens qui donnent de l'argent pour la coopération en matière de développement sont plus satisfaits s'ils peuvent constater que leur don de 25 $ a amélioré la pompe dans tel ou tel village.
Nous avons de la difficulté à faire comprendre qu'il est beaucoup plus sensé globalement d'investir dans la stratégie de soins de santé du gouvernement du Mali que d'installer un appareil dans un hôpital, qui pourrait ne pas être sur la liste des priorités du ministre de la Santé compétent du gouvernement du Mali.
M. Lemelin : Il y avait les questions de corruption et d'absorbabilité. En ce qui concerne la démocratisation, nous avons un bon exemple qui montre combien cela peut être difficile en Afrique. Non seulement s'agit-il de les initier à un système de pluripartisme et d'avoir quelques élections, mais également, il s'agit d'ancrer les institutions de telle manière qu'il puisse y avoir participation publique par le biais de la représentation.
Les sénateurs ont probablement lu au sujet des manifestations en Éthiopie au cours desquelles les forces policières ont abattu de nombreuses personnes.
Le président : Combien de personnes?
M. Lemelin : Vingt-deux personnes ont été abattues aujourd'hui. Nous pensions que l'Éthiopie s'en tirait assez bien parce qu'il s'agit de sa troisième élection générale. Pendant toute la durée des élections, les choses semblaient assez calmes, mais après que les résultats ont été connus, les problèmes ont commencé. Il y a un autre aspect. Nous devons nous préoccuper non seulement de la démocratisation au niveau national, mais également de la démocratisation au niveau régional et municipal.
Il faut beaucoup de temps pour que cela puisse être ancré dans le quotidien. Croire que l'on peut changer un pays comme l'Éthiopie en 10 ans, qui a connu un régime politique entièrement différent et n'a aucun antécédent de participation dans les affaires publiques, n'est tout simplement pas réaliste. Que devrions-nous faire lorsque nous nous rendons compte que la gouvernance et la démocratisation ne tournent pas comme nous l'aurions espéré? Est-ce que notre coopération et notre aide au développement doivent être conditionnelles à leur démocratisation et aux progrès qu'ils font à cet égard? Cela devient une situation difficile. Je ne veux pas répondre à cette question aujourd'hui, parce que j'ai eu trop souvent à y faire face dans les années passées. C'est toujours difficile. Devrions-nous continuer d'aider ces pays qui ont un déficit démocratique? C'est aussi mal qu'un déficit économique, dans un sens, mais nous n'arrêtons pas d'aider dans ce cas. Devrions-nous arrêter d'aider ces pays lorsqu'ils ont un déficit démocratique? Je pose la question aux sénateurs.
Ellen Wright, chef, Unité de la gouvernance, de la sécurité et des communications, Secrétariat du Fonds canadien pour l'Afrique, Agence canadienne de développement international : J'aimerais revenir sur un point dont a parlé Mme Brown, à savoir le Mécanisme africain d'examen par les pairs, qui est une des choses les plus innovatrices élaborée par les Africains. En vertu de ce programme, les Africains se sont engagés à examiner les programmes de gouvernance les uns les autres. C'est quelque chose qui demande beaucoup plus de cran que n'importe quel programme auquel nous aurions accepté de participer. Pouvez-vous imaginer les Américains et les Canadiens s'entendre pour que chacun des pays examine les programmes de l'autre et qu'ensuite, chacun des deux pays donne suite aux résultats de cet examen?
Le sénateur Segal : Je ne pense pas qu'une province accepterait de le faire avec une autre.
Mme Wright : Vingt-quatre pays ont signé cette entente et le Ghana a été le premier à le faire. Le Rwanda et le Kenya ont commencé des examens. Il est intéressant de voir quels pays ont signé et quels pays n'ont pas signé. Le Nigeria a signé l'entente et entreprendra un examen bientôt. Étant l'un des pays les plus corrompus au monde, selon Transparency International, il sera intéressant de voir comment le Nigeria justifie la corruption. Un pays comme l'Angola a signé et, sortant tout juste d'une guerre civile, expliquera son déficit en matière de bonne gouvernance par cette situation. Ces pays sont très durs les uns envers les autres et nous devons leur rendre hommage.
Du point de vue parlementaire, j'espère que le sénateur Andreychuk parlera aux sénateurs, à un moment donné, d'un programme d'appui aux parlementaires en Afrique et de la création d'un réseau appelé Réseau des parlementaires africains contre la corruption, APNAC. Le sénateur Andreychuk était récemment au Sénégal pour participer à un dialogue sur les politiques avec 12 parlementaires africains.
Le sénateur Andreychuk : Ils provenaient de pays différents.
Mme Wright : Il y avait huit Canadiens qui participaient à ce dialogue sur les politiques. Le même programme qui a donné lieu à ce dialogue a aussi donné naissance à l'APNAC et il y a eu des résultats. Sénateur Di Nino, je comprends que vous disiez que cela ne fonctionne pas et que nous ne voyons pas de réussites, mais nous acceptons les petits succès. Par exemple, suite à la création de l'APNAC, programme qui a été créé à l'instigation des Canadiens et sur lequel nous avons travaillé avec des parlementaires africains, l'Ouganda a adopté une loi pour lutter contre la corruption. Le président du comité de lutte contre la corruption en Ouganda est membre de l'APNAC. Nous voyons certains changements définitifs dans les lois en Ouganda. Les réussites sont peut-être minces, mais il y en a.
[Français]
Le sénateur Corbin : Lors de notre rencontre avec Alpha Oumar Konaré, de l'Union africaine — ancien président du Mali —, il nous a dit que l'un des problèmes majeurs en Afrique était celui des transports, plus précisément des liens à l'intérieur des pays et entre les pays. Selon lui, c'est une contrainte sérieuse à l'amélioration du développement économique. Est-ce que l'ACDI participe à des programmes qui visent à améliorer les réseaux de transport en Afrique, que ce soit la navigation ou le transport aérien? Nous avons découvert, par exemple, qu'il était parfois impossible de passer d'un pays à l'autre parce qu'il n'y avait pas de service aérien. Il faut alors noliser de petits avions. Qu'est-ce que l'ACDI fait dans ce domaine sur le plan macroéconomique?
M. Lemelin : Il y a plusieurs années, nous avons implanté beaucoup d'infrastructures. Lorsque j'ai commencé à travailler pour l'ACDI, j'ai supervisé des projets d'infrastructures, mais nous avons cessé de le faire à cause des coûts. Soyons honnêtes, cela coûte une fortune et nous n'avons pas les moyens d'intervenir de façon significative dans la construction de routes ou d'autres liens de transport en Afrique. Nous laissons plutôt cela aux banques ou au secteur privé.
Nous sommes conscients que cela est important. Lorsque nous regardons les enjeux de façon plus globale, les dimensions de communication physique et de télécommunication sont toujours présentes parce qu'elles font partie du développement au premier plan. C'est un peu malheureux que nous ayons quitté ce domaine. D'ailleurs, probablement que plusieurs entreprises canadiennes ont trouvé le jeu difficile parce que nous avons supporté plusieurs de nos firmes d'ingénieur. D'autres ont appris à travailler en Afrique et ailleurs pour des projets de l'ACDI, mais elles ont très bien réussi à se placer sur les marchés internationaux pour avoir accès aux marchés qui existent déjà.
Quant à l'appui budgétaire, il faut dire que les pays ont des programmes de développement des transports pour ce qui est des liens internationaux, dont le NEPAD. Le plan d'action prévoit un volet de transport et nos sociétés canadiennes sont assez bien placées pour aller chercher des marchés dans ces domaines. Cela existe, mais l'ACDI n'est pas présente en termes de financement.
Mme Bérard : Je souhaiterais compléter les propos de M. Lemelin. Il est vrai que du point de vue latéral, nous n'avons pratiquement aucune activité du côté des infrastructures. Par contre, à travers nos investissements multilatéraux, plusieurs choses sont faites, mais évidemment, c'est avec plusieurs autres donateurs. Par ailleurs, nous offrons des sommes à la Banque africaine de développement où il y a des programmes spécifiques pour les infrastructures dans le cadre de ces programmes.
Je tiens à souligner que les Britanniques, dans leur rapport sur la Commission de l'Afrique, ont insisté sur la question des infrastructures et ont créé un consortium. Leur toute première réunion a eu lieu à Londres il y a quelques semaines. Nous avons pris part à cette réunion. Les donateurs ont décidé de se réunir pour mieux coordonner leurs efforts dans ce sens. Il y a des choses qui se font au niveau du dialogue.
[Traduction]
Le président : J'aimerais simplement ajouter que cela ne nous a jamais été expliqué. Nous avons été exposés à tellement d'information. Tous les gens que nous avons rencontrés étaient d'accord pour dire que la famine en Éthiopie n'aurait pas dû avoir lieu. L'Éthiopie produit des aliments en abondance et la difficulté, c'est de les faire parvenir jusqu'au Tigré. Il n'y a pas de raison d'avoir une famine dans ce pays.
Pourquoi cette question n'a-t-elle pas été réglée il y a 40 ans? C'est comme si on avait la même conversation qu'en 1962. On n'a pas expliqué cela. Il y a certaines routes nouvelles. Pourquoi n'ont-ils pas construit de nouvelles routes entre la région où l'on produit des aliments et la région où l'on a besoin d'aliments?
Le sénateur Andreychuk : Comment cultivez-vous un pays et le faites-vous fonctionner? Nous avons encore des difficultés avec le nôtre. Je ne pense pas que nous ayons la bonne formule. Nous pouvons certainement aller dans certaines régions pour examiner la situation.
Il y a eu la colonisation; ensuite, dans les années 1960, il y a eu l'indépendance. Nous avons appuyé des dirigeants tant l'Est que l'Ouest — vous devez tout simplement comprendre la Somalie et l'Éthiopie. Vous auriez pu aller en Somalie à un moment donné alors qu'elle était appuyée par l'Ouest et y retourner quelques mois plus tard, et elle était appuyée par l'Est.
Il ne se passait pas grand-chose.
Et puis, nous avons eu une seconde génération de dirigeants. Le conflit Est-Ouest avait disparu. Nous parlons d'il y a 10 à 15 ans. La différence que je vois en Afrique sur la question de la gouvernance, qui à mon avis est une des questions clés qui pourrait entraîner beaucoup d'autres choses, c'est que nous avons encore une génération de dirigeants qui ne comprend pas. Il y a des dirigeants qui sont issus de l'indépendance, qui ont vécu pendant cette période, qui ne comprennent pas vraiment ce qu'est un État-nation et quelles sont leurs responsabilités.
Ensuite, nous avons eu une nouvelle génération de dirigeants et nous avons vu des signes encourageants. Nous voyons maintenant certains de ces dirigeants s'accrocher trop longtemps et causer les mêmes problèmes que les dirigeants de la première génération.
La gouvernance semble être le problème. Quelle part de notre effort sert véritablement à bâtir des structures de gouvernance, au-delà de ce que je peux voir? Nous voyons que nous travaillons avec les gouvernements, mais travailler avec les parlements sera l'élément clé si nous voulons que ces gouvernements rendent des comptes à leur peuple.
Dans un grand nombre de ces pays, il n'y a pas de contre-vérification à moins que vous regardiez les jeunes parlements. Voyons-nous cela comme faisant partie de notre structure d'éducation? Il me semble que c'est la clé. C'est sur cette question que le NEPAD est ancré même si, malheureusement, personne n'a été consulté. Le programme NEPAD a été mis sur pied par les dirigeants et, en réalité, par seulement sept d'entre eux. Maintenant, nous essayons de voir ce que pensent les gens de la base de la structure du NEPAD.
Ne s'agit-il pas, après 40 ans, de la première fois que nous nous débattons vraiment avec la gouvernance réelle en Afrique? J'aimerais vos observations là-dessus.
Le président : Personne n'est particulièrement empressé.
M. Lemelin : Nous sommes conscients de cette question parce que nous faisons certaines choses avec le Centre parlementaire et d'autres groupes.
Il y a également quelque chose au sujet du Soudan. À cause de la nouvelle constitution et du fait que les gens de ce pays envisagent une certaine forme de fédéralisme, ils sont intéressés à entendre parler de l'expérience canadienne dans ce domaine. Ici et là, nous traitons avec ces questions.
En Éthiopie, nous travaillons avec les parlementaires. Nous étions même sur le point d'entreprendre quelque chose si les activités du Parlement avaient repris sur une base régulière, mais certains ont tout simplement entrepris un boycottage. De plus, nous faisons beaucoup de choses au sujet des élections ici et là — avant, pendant et après les élections. C'est très important. Nous voyons la gouvernance en grande partie comme une réforme du secteur public. C'est une question qui est également importante parce que si vous n'avez pas de gens compétents pour mettre en œuvre le programme et comprendre la logique et la culture de la démocratisation et du fonctionnement d'un gouvernement moderne, vous n'irez nulle part.
Le sénateur Andreychuk : Nous avons essayé les élections, nous avons parlé de multipartisme, et nous parlons maintenant de faire des séminaires sur la façon de structurer leurs comités. Je crois que tout cela est nécessaire. Cependant, à mon avis, la clé, c'est que lorsque nous travaillons en Afrique, nous donnions à la reddition de comptes le même sens que nous lui donnons au Canada. Par exemple, j'ai participé à une conférence du FMI en Tanzanie. Les parlementaires siégeant au comité des finances ont appris pour la première fois ce que le gouvernement était en train de négocier avec le FMI. Avant cela, ils ont dit qu'ils recevaient « le plan » dans leur petit bureau et on leur demandait de voter sur ce dernier avant 14 heures. Nous comprenons maintenant que la gouvernance, ce n'est pas uniquement l'affaire du chef d'État ou du gouvernement, mais il faut que ce soit une structure de gouvernance réelle qui doit être bien ancrée. Nous avons mis l'accent sur les institutions multilatérales. Il est certain que nous n'obtiendrons pas les réformes que nous voulons si nous ne construisons pas vraiment la gouvernance de la manière appropriée.
M. Lemelin : Les gouvernements n'ont pas appris à travailler avec les parlements. Ils commencent à le faire, mais dans de nombreux cas, c'est dans un grand pays comme le Malawi.
Le sénateur Andreychuk : Le sénateur Di Nino a posé la question concernant les pays qui, il y a un certain nombre d'années, étaient autonomes du point de vue de l'agriculture et pour qui cela ne semble plus être le cas aujourd'hui. Il s'agit d'une question que nous avons posée lorsque nous sommes allés en Afrique. Est-ce que c'est une question que vous avez choisi de ne pas répondre ou est-ce une question avec laquelle vous vous débattez vous-même?
M. Lemelin : Il faut prendre en considération de nombreux facteurs ici. Il y a une dégradation des sols dans de nombreuses régions. Il y a certainement une raison. Nous avons vu la désertification et l'érosion.
Le président : En Éthiopie, seulement 13 p. 100 du sol arabe est cultivé. De toute évidence, la dégradation du sol n'a rien à voir avec cette situation.
M. Lemelin : Je mentionne un facteur parmi de nombreux autres. Il y a également la croissance de la population.
Le sénateur Di Nino : Nous avons entendu dire qu'il était plus économique d'importer certains produits que de les cultiver. Le compte-rendu doit refléter le fait que les subventions accordées aux agriculteurs en Europe, particulièrement dans deux ou trois pays, aux États-Unis et au Canada tuent certains de ces agriculteurs. Quelqu'un a soulevé la question du coton. Nous étions dans un champ de coton où 40 ou 50 agriculteurs nous suppliaient de transmettre le message que non seulement nous détruisons tous leurs efforts en faisant en sorte que le prix du coton soit si bas qu'ils ne peuvent en faire la culture, mais également que le coût des engrais a tellement augmenté qu'ils ne peuvent se permettre d'en acheter.
Le président : Je suis d'accord avec vous, sénateur Di Nino, et je crois que cela figure au compte-rendu. Vous avez raison. Cela n'a rien à voir avec la dégradation du sol. Le Congo à lui seul pourrait nourrir toute l'Afrique. L'Éthiopie n'a que 13 p. 100 de ses terres arabes cultivées. Le Nigeria a un énorme potentiel agricole. Même le Mali, qui est essentiellement un pays de savane et qui est semi-aride dans le nord n'a pas de difficulté.
Nous avons vu cela et je pense que les membres du comité comprennent. Je suis d'accord avec vous, sénateur Di Nino, et je crois que c'est le cas de tout le monde.
[Français]
Le sénateur Robichaud : À écouter les propos autour de la table, on pourrait croire qu'on a perdu 40 ans et que rien n'a vraiment réussi, quoique vos réponses aient tenté de nous donner des éléments positifs.
Afin de terminer votre témoignage sur une note positive, pourriez-vous nous donner des raisons ou des exemples qui nous confirmeraient que l'on doit continuer et surtout ne pas abandonner ce que nous faisons dans ces pays?
Les gens qui nous écoutent pourraient croire que cela ne vaut pas la peine et que l'on devrait laisser tomber.
[Traduction]
Mme. Brown : Il y a des raisons et je peux vous donner des exemples. Cependant, nous ne pouvons pas, en tant que citoyens du monde, abandonner une partie de la planète. Ce n'est pas simplement une question de bonté sentimentale, mais une question d'intérêt personnel. Nous ne pouvons pas laisser une partie de la planète continuer à se battre contre la pauvreté, le VIH, le sida, et cetera. Je ne pense pas que ce soit une option.
Je pense que si nous sommes déterminés, si nous avons vraiment une approche très large, si nous sommes prêts à reconnaître nos erreurs et à apprendre d'elles et si nous sommes prêts à rester sur place le temps qu'il faut, certaines questions ne seront pas résolues en un an ou deux, mais certaines pourraient l'être.
L'exemple qui vient toujours à l'esprit, c'est celui de l'eau potable, qui est très importante au développement économique. Les personnes malades ne seront pas utiles au travail et ne seront pas en mesure de supporter leur famille. Nous avons vu cela ici au Canada. Aucun d'entre nous ne peux survivre sans eau potable.
Le Canada a joué un rôle majeur dans le nord du Ghana. Nous sommes là depuis 25 à 30 ans et au cours des cinq à dix premières années, nous avons fait des tonnes d'erreurs. Nous avons eu les bonnes vieilles pompes à bras des Prairies. Ces dernières ne pouvaient pas résister à l'effort que leur demandaient 300 femmes africaines fortes et se brisaient. Cependant, nous avons appris de nos erreurs avec les années.
Lorsqu'aujourd'hui vous regardez les données statistiques sur le nord du Ghana, dans la partie isolée du pays, premièrement, vous constatez que la couverture de cette région est bien meilleure que dans la partie mitoyenne du Ghana. C'est parce que le Canada est là depuis 25 ans. Deuxièmement, certaines maladies majeures comme l'infestation par le ver de Guinée commencent à revenir. Les gens sont inquiets parce qu'ils avaient réussi à se débarrasser de ces maladies. Il s'agit d'un problème majeur qui est le résultat du manque d'eau potable.
Troisièmement, grâce à notre longue présence là-bas, les fonctionnaires canadiens ont, en fait, contribué à l'élaboration d'une bonne politique communautaire des eaux pour le Ghana, par laquelle les gens peuvent entreprendre des projets de petite, moyenne ou grandes taille concernant l'eau communautaire en suivant certaines étapes qui ont été apprises par l'application de bonnes pratiques, comme la consultation de la communauté, la participation des femmes, et cetera.
Il s'agit d'un exemple dans un pays. Nous avons tendance à ne regarder que les problèmes qui surgissent devant nous. Il y a beaucoup de choses que nous, en tant que pays, et nous, en tant que communauté de développement, avons faites qui nous donnent la volonté de continuer. Nous devons continuer et nous devons garder l'espoir. Je le crois sincèrement. Ne pas le faire n'est pas un choix.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, je ne voulais aucunement suggérer que l'on abandonne la bataille. Je veux seulement que les gens comprennent et que l'on puisse s'accrocher à quelque chose de concret. Il y a des choses qui ont bien fonctionné et il faut continuer. C'est un travail de longue haleine. On a besoin de s'accrocher à quelque chose, quand même.
Mme Brown : Il faut mieux communiquer. Il y a eu des succès, mais on ne les a pas bien communiqués.
M. Lemelin : Malgré les déceptions qu'on peut avoir des résultats, qu'est-ce que cela aurait été si on n'avait pas fait ce que l'on a fait collectivement?
Le sénateur Robichaud : Pour me faire l'avocat du diable, des témoins nous ont dit que lorsqu'ils ont commencé les interventions, il y a 25, 30 ans, que les gens qui vivaient d'agriculture pouvaient se suffire, et maintenant, ce n'est plus le cas. Il y a donc des côtés sombres.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Nous pourrions continuer à parler des problèmes rencontrés durant notre voyage en Afrique; mais, nous n'avons pas le temps.
Nos prochains témoins représentent Citoyenneté et Immigration Canada.
Madame Siddall, j'ai lu votre très intéressant exposé, mais seulement la page 7 se rapporte à la raison pour laquelle nous vous avons demandé de comparaître devant le comité. Nous nous sommes intéressés que par ce qui concerne l'Afrique. Vous n'avez pas à lire votre exposé, sauf si les sénateurs le souhaitent. Je sais que le sénateur Di Nino et le sénateur Corbin vous poseront des questions. Je peux vous les résumer et le sénateur Di Nino pourra les développer.
Prenons le Congo par exemple. Ce qui nous intéresse, ce sont les ministres de gouvernements africains qui veulent venir au Canada, notamment les parlementaires. Mais, parlons de ministres qui prennent assez rapidement ces décisions. Ils disent, comme nous ici, qu'ils doivent se rendre à Toronto, à Montréal, à Vancouver ou à Ottawa pour rencontrer telle et telle personne. On nous a dit que la demande doit être envoyée à Abidjan et que la délivrance des visas dans les meilleurs délais ou, simplement, la délivrance de visas sont devenues problématiques. Nous tentons de traiter avec l'Afrique de bien des façons, mais les dirigeants africains ont beaucoup de difficultés à venir au Canada car ils ne peuvent pas obtenir de visas.
En gros, c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas, sénateur Di Nino et sénateur Corbin?
Le sénateur Corbin : Tout d'abord, pourrions-nous imprimer les notes d'allocution pour les ajouter au procès-verbal des délibérations d'aujourd'hui?
Le président : Oui, pour gagner du temps, nous pourrions utiliser les notes d'allocution telles qu'elles ont été lues. Nous les attacherons au procès-verbal des délibérations d'aujourd'hui.
Le sénateur Di Nino : Monsieur le président, vous avez souligné le problème dont nous voulons parler. Des parlementaires africains, en particulier des ministres, nous ont dit qu'ils avaient beaucoup de mal à obtenir des visas pour venir au Canada. On nous a aussi donné une statistique, qui n'est peut-être pas exacte, mais elle témoigne des préoccupations dont on nous a fait part. Cette statistique indique que 80 p. 100 des demandes faites par les étudiants ont été refusées dans un pays. Je crois que c'était au Nigeria, est-ce exact?
Le président : Peut-être, je ne suis pas sûr.
Le sénateur Di Nino : Dans le cadre de notre étude finale sur cette question, nous aimerions comprendre ce qui se passe. Nous souhaitons que nos propres gens nous disent ce qu'il en est.
Janet Siddall, sous-ministre adjointe intérimaire, Opérations, Citoyenneté et Immigration Canada : Il n'y a aucun doute que l'arrivée de résidents temporaires venant d'Afrique pose un problème pour plusieurs raisons. J'ai entendu tout à l'heure vos préoccupations au sujet de la corruption et le fait que des régimes africains précédents causaient des problèmes à cause de leurs antécédents en matière de respect des droits de la personne, et cetera.
Quand il s'agit de hauts fonctionnaires, nous voulons évidemment faciliter les échanges entre le Canada et ces pays africains. Cependant, dans de nombreux cas, nous devons suivre un processus de filtrage. J'aurais voulu que mes collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, soient présents car ils jouent un rôle de premier plan dans la politique du Canada en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
Quelques pays, notamment certains que vous avez visités, préoccupent le Canada au niveau de la complicité dans des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité et de ce fait, nous sommes obligés de faire un contrôle rigoureux. L'Agence des services frontaliers effectue le contrôle pour nous. La politique du gouvernement du Canada n'est pas un refuge. Nous plaçons la barre très haute. Comme vous le savez, il n'est pas insensé de croire que quelqu'un était au courant ou a participé à des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, y compris des hauts fonctionnaires des régimes. Dans quelques cas, le Canada a désigné des régimes africains comme étant des régimes brutaux. Quiconque a occupé de hautes fonctions dans ce régime était et demeure non admissible au Canada en vertu des dispositions de la loi.
Je suppose que si vous recevez des plaintes concernant les retards, c'est pour cette raison. Si leur admissibilité au Canada ne pose pas de problèmes, nous accélérons le processus. Dans beaucoup de nos missions, où il n'y a pas d'agents de visa, nous nous sommes entendus avec nos collègues des Affaires étrangères pour qu'ils délivrent des visas diplomatiques aux visiteurs de haut niveau.
Nous avons collaboré étroitement avec nos partenaires de l'ASFC et des Affaires étrangères pour identifier le plus tôt possible un visiteur potentiel au Canada qui tomberait sous le coup des interdictions prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Quand il est confirmé que la visite sert les intérêts nationaux du Canada, nous demandons habituellement aux Affaires étrangères ou au ministère qui a lancé l'invitation une recommandation prioritaire. Nous facilitons l'entrée au Canada de cette personne en délivrant un permis de résidence temporaire.
Je suis d'accord avec vous. J'ai moi-même entendu ce genre de plaintes de la part du haut commissaire nigérien et de l'ambassadeur du Rwanda. Ils déplorent que le Canada applique cette politique. Ils estiment que nous devrions reconnaître le changement politique, qu'ils sont sur la voie du développement de la démocratie. Ils ne comprennent pas notre politique, ils la trouvent intrusive. Ils n'aiment pas le genre de questions que nous posons. Ils n'aiment pas les questionnaires que nous leur demandons de remplir et qui permettent à nos collègues de l'Agence des services frontaliers de faire un filtrage rigoureux. Toutefois, c'est la position du gouvernement du Canada.
Dans ses fonctions de faire le premier filtrage des visiteurs étrangers venant au Canada, Citoyenneté et Immigration Canada doit appliquer les dispositions de la loi. Si nous sommes prévenus à l'avance, nous pouvons commencer le contrôle et déterminer rapidement s'il y a un problème.
Je sais que c'est devenu, dans certains cas, une pomme de discorde dans les relations bilatérales. J'en parle tout le temps à nos collègues des Affaires étrangères. Nous faisons de notre mieux pour informer, non seulement nos collègues canadiens, mais aussi les gouvernements avec lesquels nous avons affaire quand il y a un problème afin qu'ils comprennent les exigences de notre Loi sur l'immigration. Nous faisons de notre mieux pour l'appliquer dans le sens de la mesure.
Dans ces cas, les délais durent au minimum 10 jours civils, c'est-à-dire la période nécessaire pour terminer le filtrage quand il y a des problèmes.
Le sénateur Di Nino : Pouvez-vous nous parler du cas des étudiants?
Mme Siddall : Les critères d'évaluation des étudiants sont les mêmes partout dans le monde. Il faut que ce soit un étudiant qui suive activement à temps plein des cours et qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Il doit prouver qu'il les fonds suffisants pour couvrir le coût de ses études. Il doit prouver qu'il est suffisamment attaché à son pays d'origine pour quitter le Canada après la période de séjour autorisée.
Les étudiants africains ont beaucoup de mal à répondre à cette exigence. Les taux d'acceptation des étudiants admis au niveau du postsecondaire, du baccalauréat, et cetera, sont très élevés. Cependant, je dois vous dire que la majorité des cas d'étudiants africains que nous examinons proviennent de conseillers. Les gens font des demandes d'inscription à différents types de cours bien inférieurs au niveau postsecondaire et il y a beaucoup de fraudes. Les passeurs clandestins et d'autres personnes utilisent les étudiants pour entrer au Canada. Ils savent très bien que nous essayons de promouvoir et de faciliter l'admission des étudiants au Canada.
Je dois dire que la situation est particulièrement critique en ce qui concerne le Nigeria ou, vous l'avez dit, nos taux de refus sont élevés.
Cependant, j'ai relevé un rapport provenant de notre bureau des visas au Nigeria l'année dernière. Nous examinons, à des fins d'assurance de la qualité, les demandes frauduleuses et nous avons recensé qu'il y avait 50 p. 100 de documents frauduleux ou d'autres types de fausses déclarations dans les demandes présentées par des étudiants.
Je sais évidemment que vous ne suggérez pas que Citoyenneté et Immigration Canada délivre des visas d'étudiants à des demandeurs qui commettent une fraude ou font de fausses déclarations. Ils font des déclarations trompeuses au sujet de leur dossier scolaires et de leur capacité financière à payer leurs études.
Le sénateur Di Nino : Cela nous est tombé dessus sans préavis et nous sommes quelque peu surpris de ne pas en avoir été informés. C'est un problème que nous aurions pu régler si nous nous étions mieux préparés. Je ne veux blâmer personne. Vous êtes ici aujourd'hui pour nous dire comment cela est-il arrivé. Nous avons constaté que certaines choses que vous nous avez dites existaient, mais nous voulions obtenir les réponses directement de la bouche de l'intéressé, pour ainsi dire.
Mme Siddall : Je ne suis pas sûre que mon ministère ait été invité pour vous en parler avant aujourd'hui.
Le sénateur Di Nino : Non, il n'a pas été invité. Personne n'est mis en cause. Nous ne nous sommes pas bien préparés.
Mme Siddall : Il est indéniable que les problèmes relatifs aux visas sont toujours soulevés auprès des délégations canadiennes.
Le président : Pouvez-vous nous fournir des données comparatives sur la position du Canada et celle de vos concurrents en Allemagne, au Royaume-Uni et en France?
J'ai étudié en Allemagne et aux États-Unis avec beaucoup d'étudiants nigériens. Sommes-nous les seuls à agir de cette façon ou bien d'autres pays font-ils de même?
Mme Siddall : Je peux faire une recherche sur les taux d'acceptation des étudiants nigériens en comparaison aux autres pays. Je sais que nos taux d'acceptation sont très élevés, de 75 à 80 p. 100, dans les établissements d'enseignement postsecondaire.
Ce sont les établissements offrant un enseignement autre que postsecondaire qui nous posent un problème et aussi à nos collègues qui recensent des taux de refus assez élevés pour les demandes de permis de séjour pour suivre des études dans des établissements n'offrant pas un enseignement postsecondaire. C'est de mémoire que je fournis ces renseignements en me fondant sur des exposés que j'avais consultés.
Certains pays ont des politiques différentes qui ne prennent même pas en considération les étudiants qui font des demandes pour suivre des études à un niveau inférieur à celui du postsecondaire.
Le président : Je comprends, mais à moins d'avoir des statistiques ou des renseignements, je ne pourrai pas comparer. J'inclus, dans ce problème, les diplomates, les ministres et les parlementaires.
Sommes-nous les seuls à appliquer des règles qui rendent difficile le dialogue avec nos ennemis? Que font le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et les États-Unis quand un ministre congolais veut visiter Washington, Londres, Paris ou Berlin?
Mme Siddall : Au sujet de notre position contre les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, le Canada est au premier rang par rapport aux autres pays et il est celui qui est le plus ferme.
Le président : Devrions-nous les envoyer dans les autres pays?
Mme Siddall : Les dispositions que nous avons prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés placent probablement la barre plus haut que les lois de tout autre pays. C'est dans la mise en œuvre de notre politique que nous différons. Notre loi s'applique à tout le monde et, par conséquent, nous devons faire une exception à la règle pour accepter une personne au Canada qui a été jugée non admissible.
C'est très différent du système américain, l'exception à la règle est appliquée inversement. Autrement dit, ils choisissent quand ils veulent considérer une personne comme étant non admissible.
Je ferai une recherche comparative sur les lois en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité telles qu'elles sont appliquées au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et aux États-Unis et je vous en ferai part.
Le président : Ces pays seraient nos concurrents en ce qui concerne ces gens. Nous sommes peut-être en train de nous isoler.
Le sénateur Andreychuk : Nous avons, au Sénat, étudié le système de l'enseignement postsecondaire il y a plusieurs années.
En invoquant le fait que nous devrions accepter un plus grand nombre d'étudiants étrangers, le dilemme posé par les établissements d'enseignement postsecondaire traditionnels, tels que l'école d'informatique à Toronto, était l'une des difficultés car il s'agit d'une formation supplémentaire axée sur les entreprises.
Le fait que nous abordions le problème de l'accréditation constituait une partie du problème. Est-ce vraiment ces établissements d'enseignement postsecondaire qui devraient vous permettre de délivrer des visas d'étudiants ou autre chose? Est-ce que cela fait toujours partie du problème ou a-t-on trouvé une solution?
Mme Siddall : Je crois que nous avons réalisé des progrès, mais l'accréditation des établissements d'enseignement entre dans le domaine des compétences provinciales et pas dans celui de la Loi sur l'immigration, nous devons donc collaborer avec les provinces pour déterminer quel établissement est authentique ou ne l'est pas.
Les institutions privées posent un problème. Si je peux utiliser l'expression « écoles de visas », dans la mesure où elles existent largement pour faciliter l'arrivée d'étudiants étrangers au Canada avec des visas d'étudiant. Je crois que c'est encore une question d'intégrité du programme, c'est donc à ce niveau que nous examinons soigneusement les intentions de l'étudiant.
Sont-ils vraiment des étudiants? Est-ce que leur programme d'études correspond à leur dossier scolaire? Possèdent- ils des fonds suffisants pour couvrir le coût de leur éducation au Canada? Sont-ils suffisamment attachés à leur pays d'origine pour quitter le Canada après leur séjour en tant qu'étudiant?
Nous avons les moyens, sur le plan de l'immigration, d'examiner l'intégrité des intentions de la personne. Notre programme ne nous assure pas les moyens d'évaluer l'intégrité de l'établissement qui délivre des lettres d'acceptation.
De toute évidence, s'il s'agit d'un établissement public d'enseignement post-secondaire, nous sommes rassurés car nous savons qu'il ne délivre pas de lettres d'acceptation à des étudiants non qualifiés.
Le sénateur Andreychuk : Les étudiants eux-mêmes constituent la partie canadienne du problème.
Une partie du problème des visas d'étudiant, si mes souvenirs de mes années de service sont bons, était de déterminer à qui délivrer un visa. Les écoles canadiennes avaient un système de quotas fournissant le nombre de places encore disponibles. Environ une semaine avant le début de l'année scolaire, les écoles annonçaient qu'elles pouvaient accepter 10 étudiants de plus dans le cadre du programme international. Et à ce moment, l'ambassade était confrontée au problème épineux du traitement rapide des demandes.
Il n'y avait pas de préparation faite suffisamment tôt pour répondre aux demandes de visa. On recevait un appel téléphonique disant que les établissements pourraient accepter 10 étudiants de plus, mais qu'ils devraient se présenter le lundi prochain. Est-ce toujours le cas?
Mme Siddall : Mon collègue, M. Gilbert, répondra à cette question.
Rénald Gilbert, directeur, Politique et programmes de l'immigration économique, Direction générale de la sélection, Citoyenneté et Immigration Canada : Vous avez raison. C'est un problème qui existe depuis longtemps, mais il est moins important qu'il ne l'était il y a quelques années. Il y a une très nette tendance au cours des 15 dernières années montrant que beaucoup d'établissements d'enseignement veulent faire de la place aux étudiants étrangers parce qu'ils payent des droits de scolarité plus élevés.
Mais, autant que nous le sachions ce problème s'est amoindri ces cinq dernières années. S'il n'y a qu'un petit nombre de places réservées aux étudiants étrangers, s'il y a encore des places, c'est souvent parce que l'école fait de la publicité à l'étranger pour avoir le plus d'inscriptions possibles. Dans certains cas, il y a moins d'enfants canadiens qui s'inscrivent.
Ce n'est plus un grand problème, mais ça devient une préoccupation car les étudiants déposent leur demande à la dernière minute. Le problème n'est pas aussi important qu'à l'époque que vous mentionnez.
Le sénateur Andreychuk : J'ai une question sur l'ensemble du programme de visa.
Est-ce que nos politiques s'appliquent également à un diplomate, un fonctionnaire du gouvernement, un parlementaire, un ministre ou au citoyen ordinaire d'un autre pays? Sont-ils assujettis à la même vérification minutieuse?
Autrement dit, si j'étais citoyen nigérien qui fait une demande pour entrer au Canada, est-ce que l'examen sera le même pour moi que pour un diplomate, un parlementaire ou un homme d'affaires? Sont-ils tous assujettis aux mêmes règles? Je sais que le projet de loi C-35, que nous avons adopté, prévoit un processus différent pour les personnes voulant participer à des conférences internationales tenues au Canada. Je sais que c'est une exception, mais, autrement, le processus est-il le même?
Mme Siddall : Oui, en ce qui a trait à la vérification d'un demandeur potentiel par rapport à ce que nous appelons les dispositions d'admissibilité de la loi — criminalité, sécurité et santé — c'est la même chose pour tout le monde, peu importe le rang, la nationalité ou l'endroit d'où ils viennent.
Le sénateur Andreychuk : C'est ma dernière question. Nous faisons assurément l'objet d'un examen approfondi et nous examinons la loi antiterrorisme, et les ministres nous assurent que le Canada est plus vigilent aux frontières et avec les personnes qu'ils accueillent. Le concept antiterroriste a-t-il affecté le programme de visa?
Mme Siddall : Particulièrement depuis le 11 septembre, nous avons fait des investissements considérables pour améliorer nos vérifications à l'étranger et aux points d'entrée. La réponse courte est oui. Nous sommes aussi vigilants et nos systèmes et bases de données informatiques sont améliorés. Nous avons amélioré nos unités spécialisées, qui font partie maintenant partie de l'Agence des services frontaliers. Ces unités faisaient partie avant de CIC, qui est responsable de la vérification liée à la sécurité, aux crimes de guerre et aux crimes de l'humanité.
M. Gilbert : Les vérifications aux États-Unis sont plus approfondies. Une des conséquences de cela est que le Canada est devenu plus intéressant pour bon nombre d'étudiants qui ne sont pas intéressés à aller aux États-Unis. Un bon nombre de parents hésitent à envoyer leurs enfants aux États-Unis. Même si nous effectuons des examens plus détaillés, cela n'a pas eu d'effet négatif sur le nombre d'étudiants venus étudier ici. Nous entendons souvent dire qu'ils choisissent de venir au Canada, car ils ne veulent pas aller aux États-Unis.
Le président : J'étais membre du comité sur le Livre vert dans les années 1970, au sujet de l'immigration. J'étais député du Canada et je représentais la plus grande communauté d'immigrants du Centre-ville de Toronto. Il me semble que les choses ont changé et que les députés ne sont plus très actifs. Nous avons entendu ce commentaire des Africains en ce qui a trait aux difficultés que des parlementaires et des hauts fonctionnaires connaissent pour venir au Canada. C'est difficile pour moi de défendre cette question alors que j'ai reçu récemment un visa pour aller au Congo. Je trouve que les règles qu'ils appliquent semblent beaucoup plus faciles que les règles que nous appliquons à leur égard. Je trouve que c'est presque raciste. Nous ne traitons pas les Africains de la même manière qu'ils nous traitent. Je n'aime pas cela.
En passant, nous avons appris lorsque nous effectuions notre étude sur la Russie que le même problème existe pour la Russie et les pays baltes. Les gens ne viennent pas ici tout simplement parce que c'est trop difficile. Notre système d'immigration est devenu zélé. Comme bien des personnes, je voyage. Lorsque j'arrive à la frontière canadienne, je trouve que c'est l'endroit où l'on fait le plus de zèle.
Selon moi, quelque chose ne fonctionne pas. Je me fonde sur l'année que j'ai passée à siéger au comité sur le Livre vert, alors que nous faisions des recommandations au sujet de la Loi sur l'immigration, en 1976 ou 1977, avec Richard Tate, comme vous vous en souviendrez peut-être.
Je sais que nous avons eu un programme japonais réussi. Un député estonien a dit qu'il enseignait à Concordia et qu'il a démissionné, car c'était trop difficile. Nous avons entendu ce problème au sujet de l'Afrique. Vous dites que c'est en raison de questions des droits humains dans des pays qui sont aux prises avec la guerre civile depuis des années. Si des personnes ne faisaient que se protéger, elles n'auraient pas droit de venir au Canada, d'après ce que je comprends.
Je sais qu'il y a peu de Canadiens qui vont dans des universités à l'extérieur du Canada, à l'exception des pays de l'OCDE. Je crois que nous nous isolons des réalités du monde. Je trouve personnellement que notre politique sur l'immigration, qui est la première chose que les personnes connaissent lorsqu'elles arrivent au Canada, est extrêmement zélée, mais peut-être que personne d'autre en a une, alors cela ne compte pas.
Le sénateur Andreychuk : Je désire remercier les témoins pour leur exposé, car cela nous a donné un bon aperçu. Le ministère de l'Immigration est bien différent aujourd'hui de ce qu'il était dans les années 70 et 80. Je ne partage pas votre point de vue sur le système de l'immigration. Je suis un féroce critique de Citoyenneté et Immigration Canada sur bien des questions, mais il y a également des forces dans notre systèmes qu'il faut relever.
Pour aller dans certains pays, il semble très facile d'obtenir un visa. Je remets cela en question. Ont-ils fait leurs devoirs? Parfois, je dois traverser plus d'obstacles pour obtenir un visa dans un autre pays qu'ici. Nous devons prendre garde à ce que nous disons. J'attends encore pour un visa après sept jours et je ne sais pas si je vais l'obtenir ni quand, cela fait partie du processus.
Ce que j'ai entendu dire au sujet du Nigeria, cependant, c'est qu'ils faisaient bande à part dans bien des domaines. Nous avons besoin de statistiques pour déterminer comment les autres pays traitent le Nigeria. L'évaluation nous donne un aperçu global du ministère de l'Immigration. Les problèmes de visa en Ukraine sont des problèmes que nous voulons régler, mais je ne suis pas certain si c'est juste en Afrique que nous avons des problèmes.
Le président : C'est ce que je viens justement de dire, sénateur Andreychuk.
Le sénateur Andreychuk : Je ne crois pas que la réponse doit venir des bureaucrates.
Le président : C'est une politique que les bureaucrates appliquent. La politique n'aurait pas résisté aux députés dans les années 70, qui sortaient à la moindre provocation.
Le 1er décembre 1972, lorsque nous avons modifié le système d'immigration au Canada, tout le monde sortait de leurs bureaux à chaque fois qu'il y avait un problème, qu'il s'agisse des pêches ou de l'agriculture.
Mme Siddall : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je soulève une objection sur vos commentaires à l'effet que nous avons un système raciste et que, d'une manière ou d'une autre, les fonctionnaires dévoués sont racistes dans l'administration d'une loi du Parlement.
Le monde d'aujourd'hui est très différent de ce qui existait en 1970. Le nombre de visiteurs qui viennent au Canada a plus que quadruplé. Nous sommes présents dans plus de pays à travers la planète. Nous avons identifié des risques que nous n'aurions jamais imaginés dans les années 1970.
Les pays que vous avez mentionnés sont des pays qui représentent de grands risques pour le Canada. Je vous suggère d'inviter l'Agence des frontières, le SCRS ou la GRC pour qu'ils vous expliquent les risques que nous courrons à cause du crime organisé qui vient de la Russie et de l'ancienne Union soviétique; des criminels de guerre et des auteurs de crimes contre l'humanité qui viennent d'Afrique et de l'ancienne Yougoslavie; et des problèmes des escadrons de la mort et des auteurs de crimes contre l'humanité qui viennent de l'Amérique latine.
Notre travail est de faciliter et de contrôler. Nous tentons d'équilibrer ce double mandat afin de rendre les choses plus faciles pour les voyageurs légitimes qui viennent au Canada, pour toutes les bonnes raisons que le comité a constatées lors de ses déplacements, mais nous avons également — et je suis un agent de visa qui travaillé en Afrique, en Asie et en Europe — la responsabilité de protéger la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens.
Nous prenons cette responsabilité très au sérieux. L'équilibre que nous essayons d'atteindre n'est jamais véritable. Nous refusons peut-être des personnes qui devraient obtenir un visa et parfois, nous émettons des visas à des personnes qui ne devraient pas en avoir. On parle de ces cas dans les médias, comme on parle des problèmes qui découles de personnes qui ont pu entrer au Canada mais qui n'auraient pas dû.
Le sénateur Di Nino : Je ne crois pas que le président parlait de vous, madame. Comme le sénateur Andreychuk l'a dit, s'il y a un problème, c'est un problème politique, et il faut que cela soit abordé avec les ministres et non avec les bureaucrates.
J'ai un point de vue légèrement différent à ce sujet. Laissez-moi vous dire ce qu'un député qui vient du Mali, je crois, a dit. Je crois qu'il est bon d'en parler. Il a dit qu'un des problèmes qu'ils ont au Mali, c'est qu'ils envoient des étudiants ici, nous les formons et ensuite, ils posent leurs candidatures à des postes ici et nous les gardons. J'utilise peut-être le mauvais mot, mais il a dit quelque chose comme ceci : « Vous êtes venus et vous avez volé nos ressources naturelles et maintenant vous volez nos ressources humaines qui pourraient nous aider à nous reconstruire. »
J'essaie de présenter un argument valide ici. Je sais que nous avons des politiques sur la manière de traiter de cela, mais devrions-nous regarder ce qui se passe dans ces pays et dire : « Si vous venez à titre d'étudiant, vous ne pouvez rester »? Comme nous l'avons dit auparavant au sujet de l'ACDI, nous essayons de voir si nous pouvons faire une contribution pour aider l'Afrique à s'aider elle-même. Ce sont les Africains qui vont résoudre leurs problèmes, pas nous. Après réflexion, cela semble être quelque chose que nous devrions au moins mettre sur le compte rendu, monsieur le président.
Mme Siddall : Nous convenons que cette question d'exode des cerveaux doit être examinée avec attention. Nous devons également nous rappeler qu'il y a les intérêts de ces pays, mais qu'il y a également les intérêts des personnes, et des questions comme les droits de la personne ou les droits de circulation et d'établissement. C'est un système universel. Pouvez-vous refuser de faire entrer une certaine nationalité et dire aux personnes de cette nationalité qu'elles ne pourront pas postuler pour une résidence permanente au Canada? Dans le cadre de notre politique sur les étudiants, nous effectuons un certain nombre de changements pour essayer de rendre le Canada plus attirant pour les étudiants étrangers, ce qui inclut des programmes de travail à l'extérieur du campus et des emplois après la graduation. Nous prenons soins que les étudiants subventionnés par leur gouvernement, par l'ACDI ou par les Affaires étrangères n'aient pas accès à ces programmes.
Cependant, il serait difficile du point de vue de la Charte de dire que si vous venez de la France, vous pouvez postuler pour la résidence permanente au Canada, mais que si vous venez du Mali, vous ne le pouvez pas. Il faut regarder toutes ces choses et déterminer si le fait de refuser des résidences permanentes, certaines catégories de résidences permanentes ou d'étudiants relève d'une décision de politique étrangère. Vous avez parlé de ce défi plus tôt. Pourquoi ne faisons-nous pas venir plus d'étudiants d'Afrique? Nous voulons qu'ils viennent, mais nous voulons les encourager à retourner dans leur pays. Je suggère de travailler avec les pays qui envoient ces étudiants afin que ceux-ci incitent les étudiants à revenir dans leur pays et à faire une contribution.
Le sénateur Di Nino : Il est clair que je n'ai pas eu l'intention de suggérer que nous devrions interdire l'accès aux étudiants de certains pays et pas d'autres. Je suis totalement d'accord avec vous.
Il serait important de mettre cela au compte rendu. C'était une bonne question. Je ne sais pas vraiment comment nous pouvons résoudre le problème aujourd'hui, mais si nous trouvons une solution, cela pourrait aider à résoudre le problème à long terme d'un certain nombre de pays africains.
Le président : Je remercie les témoins d'être venus. C'est un sujet difficile. Malheureusement, nous n'avons pas vraiment eu le temps de parler de ce sujet en profondeur, mais nous avons entendu certaines de vos préoccupations.
La séance est levée.