Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 1 - Témoignages du 22 novembre 2004
OTTAWA, le lundi 22 novembre 2004
[Traduction]
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, autorisé à inviter le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à comparaître devant lui en compagnie de ses fonctionnaires afin de faire une mise à jour sur les mesures prises au sujet des recommandations contenues dans le rapport du comité intitulé Un toit précaire : Les biens matrimoniaux situés dans les réserves, déposé au Sénat le 4 novembre 2003, se réunit aujourd'hui à 16 h 5.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Honorables sénateurs, monsieur le ministre Scott, mesdames et messieurs les témoins, bienvenue au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous allons nous pencher aujourd'hui sur le rapport intitulé Un toit précaire : Les biens matrimoniaux situés dans les réserves, déposé au Sénat le 4 novembre 2003.
Le comité sénatorial avait été autorisé à ce moment-là à étudier l'interaction entre les lois provinciales et les lois fédérales en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux, tant personnels qu'immobiliers, se trouvant dans les réserves et, en particulier, l'exécution des décisions des tribunaux à cet égard. Il devait étudier également les pratiques d'attribution des terres dans les réserves, et plus particulièrement d'attribution coutumière, le statut des conjoints et la façon de répartir leurs biens immobiliers lors d'une rupture, qu'ils soient mariés ou en union de fait, et les solutions possibles qui maintiendraient un équilibre entre les intérêts personnels et les intérêts communautaires.
Le comité a déposé son rapport provisoire — et j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un rapport provisoire —, avec ses recommandations, le 4 novembre 2003. Le nouveau comité qui s'est réuni cet automne a décidé que, vu la formation d'un nouveau gouvernement, nous devrions inviter le ministère des Affaires indiennes et du Nord à comparaître devant nous pour savoir si le rapport a eu des suites. De plus, comme nous avions entrepris l'étude précédente à la demande de l'ancien ministre, M. Nault, nous voulions savoir s'il était justifié que notre comité sénatorial poursuive son étude et, si oui, sur quels éléments. Notre premier ordre de renvoi était extrêmement général, et l'étude prévue nous aurait pris beaucoup de temps. Si nous devons continuer, il serait plus approprié de nous concentrer sur certains aspects de la question pour pouvoir faire des recommandations plus concrètes.
Monsieur le ministre, je vous invite à nous présenter votre déclaration préliminaire.
L'honorable Andy Scott, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien : Merci, sénateur. Je suis très heureux d'être ici. Je voudrais vous présenter les gens du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC, qui m'accompagnent aujourd'hui. Mme Susan Barnes est notre secrétaire parlementaire et s'intéresse depuis longtemps à la question; Mme Sandra Ginnish dirige la Direction générale des traités, de la recherche, des relations internationales et de l'égalité entre sexes; et Mme Wendy Cornet est conseillère spéciale auprès du ministère et spécialiste des questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.
Pour avoir été un certain temps président du Comité des droits de la personne de la Chambre des communes, il y a des jours où je vous envie. Je sais à quel point votre tâche est importante, et je sais aussi que c'est un nouveau poste pour vous. Je vous félicite de votre élection, sénateur. Je vous sais vivement gré, à vous et aux membres du comité, de prendre une partie de votre temps précieux pour examiner la difficile question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Votre comité a grandement appuyé les efforts du gouvernement. Plus particulièrement, je tiens à souligner le travail que le comité a fait dans ce dossier pendant la dernière législature. Votre rapport provisoire, intitulé Un toit précaire : Les biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves, présente un examen éclairé sur les enjeux fondamentaux à cet égard. C'est là une étape importante à franchir pour trouver une solution efficace et durable à ce problème complexe.
Je sais que de nombreux membres du comité ont déjà beaucoup réfléchi aux problèmes relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves et qu'ils sont très au courant de la question. Pour ceux qui la connaissent moins bien, j'aimerais résumer les défis auxquels nous faisons face en notre qualité de parlementaires.
J'aimerais aussi parler de la façon dont le contexte de notre examen du dossier des biens fonciers matrimoniaux, comme d'ailleurs de toutes les questions touchant les affaires autochtones, s'est élargi considérablement. Dans ce dossier, notre travail de parlementaires a ses racines dans l'esprit de partenariat, de confiance et de respect issu de la Table ronde Canada-Autochtones que les dirigeants autochtones et le premier ministre ont convoquée et tenue ensemble en avril dernier.
Tandis que nous progressons ensemble dans notre examen, il est essentiel d'axer notre réflexion sur les nombreuses difficultés auxquelles les femmes autochtones se heurtent. Le comité se rappellera que mon prédécesseur, le ministre Mitchell, a comparu devant lui en mars dernier. Aujourd'hui, je mettrai les membres du comité au courant de ce qui s'est produit de nouveau depuis ce temps.
Si l'on considère d'abord la nature du problème, on voit que la définition des biens immobiliers matrimoniaux est facile à comprendre. L'expression désigne les terres et les résidences utilisées pour les besoins de la famille, peu importe qu'elles appartiennent à l'un des conjoints ou aux deux. Les droits de propriété et les droits civils relèvent des provinces, qui ont adopté des lois d'application générale pour protéger les intérêts des conjoints relativement aux biens fonciers matrimoniaux.
Ces lois prévoient d'importantes mesures de protection fondées sur les principes de l'égalité entre conjoints quand un mariage échoue ou qu'une union de fait se dissout. Or, elles ne s'appliquent pas pleinement dans les réserves. En outre, il n'y a dans la Loi sur les Indiens aucune disposition qui aide les habitants des réserves en ce qui concerne les biens fonciers matrimoniaux.
Par suite de ce vide juridique, les membres des Premières nations n'ont pas le même degré de sécurité ni le même accès aux droits fonciers que les autres Canadiens. En vertu des lois canadiennes, les tribunaux n'ont aucun pouvoir pour protéger les intérêts des conjoints dans les réserves à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux. L'absence de lois à ce sujet nuit à tous les habitants des réserves, mais les femmes et les enfants sont les plus vulnérables, surtout quand ils sont victimes de violence familiale.
Conscients de ces aspects, nous avons travaillé et continuons de travailler avec des collectivités et des groupes autochtones nationaux et provinciaux sur ce dossier important. Dans un contexte plus général, et dans un esprit de partenariat et de confiance mutuelle, nous continuons de collaborer avec les organismes et les dirigeants autochtones pour réduire l'écart qui persiste entre les conditions de vie des Premières nations, des Métis et des Inuits, d'une part, et celles des autres Canadiens, d'autre part.
Un aspect clé de tous ces efforts se rapporte à l'examen des questions soulevées par Amnistie Internationale dans son rapport intitulé On a volé la vie de nos sœurs, et aux questions semblables abordées par l'Association des femmes autochtones du Canada par le biais de sa campagne Sœurs d'esprit.
Les membres de l'Association des femmes autochtones du Canada participent à des activités de suivi de la Table ronde Canada-Autochtones dans six domaines clés, y compris ceux de la santé et du logement chez les Autochtones. Elles jouent un rôle actif dans les sessions de suivi de la Table ronde qui sont actuellement en cours.
De toute évidence, les efforts visant à régler les dossiers du logement et des biens fonciers matrimoniaux sont inextricablement liés. Mon ministère publiera bientôt un document intitulé « Le logement et les biens fonciers matrimoniaux dans les réserves ». Ce document examine la question du logement dans les réserves dans le contexte des biens immobiliers matrimoniaux, en se reportant à la politique fédérale sur le logement dans les réserves et aux modalités juridiques à ce chapitre.
En deux mots, il est clair que les questions intéressant les femmes autochtones sont une priorité nationale. Des efforts soutenus sont en cours pour les régler, le gouvernement collaborant en cela avec les femmes autochtones.
Comme je le signalais au début de mon allocution, le contexte où nous travaillons a évolué et s'est élargi. Revenons toutefois à la question qui nous occupe.
Il est clair que la situation actuelle est inéquitable, injuste et inacceptable. Tous les parlementaires le reconnaissent. Mais il ne suffit pas de reconnaître l'existence du problème. Afin de le régler, il faut poursuivre le travail avec les acteurs et les intervenants clés, c'est-à-dire les personnes touchées par ces relations brisées, les dirigeants et les collectivités autochtones, les parlementaires et le gouvernement du Canada.
L'automne dernier, le comité a entendu les témoignages poignants et réfléchis de femmes souffrant du fait que leurs droits fonciers ne sont pas bien protégés par la loi, des femmes résolues à trouver une solution juste et durable. Vous avez entendu leurs voix et leur appel à l'action, tout comme mes fonctionnaires. Il n'y a pas à douter que notre intervention sur ce plan est impérative. Le gouvernement fédéral doit travailler à régler cette question, et il le fera effectivement. Je peux assurer au comité que le gouvernement du Canada est fermement résolu à collaborer avec les femmes autochtones, et avec les dirigeants et les communautés des Premières nations, pour combler le vide juridique existant aujourd'hui à cet égard.
Et maintenant, madame la présidente, j'aimerais répondre directement à plusieurs recommandations formulées dans le rapport; je voudrais aussi résumer, pour le comité, les mesures que le gouvernement a prises récemment et indiquer comment il compte procéder dans le proche avenir.
Tout d'abord, pour faire suite aux recommandations que nous ont formulées les femmes autochtones, nous publierons bientôt un document de vulgarisation contenant de l'information relative aux droits des conjoints sur la résidence familiale dans les réserves. Ce document reprend et met à jour des textes existants rédigés en langue claire et simple sur les biens fonciers matrimoniaux. Nous avons fait cela afin d'accroître l'accessibilité à ces renseignements pour les personnes touchées par cette importante question.
Le comité a souligné la nécessité d'aborder la question des biens fonciers matrimoniaux dans les négociations et les accords sur l'autonomie gouvernementale. Je suis heureux de pouvoir déclarer que mon ministère progresse bien dans l'élaboration de lignes directrices destinées aux négociateurs fédéraux prenant part aux pourparlers sur l'autonomie gouvernementale. Ces lignes directrices visent à les aider à faire en sorte que les lacunes législatives relatives aux biens matrimoniaux ne se reproduisent pas dans le régime d'autonomie gouvernementale qui sera adopté.
Le comité a aussi reconnu que certaines Premières nations appliquent déjà des mesures relatives à la répartition des biens fonciers matrimoniaux et il a signalé qu'elles devraient pouvoir continuer de suivre ces mesures, du moment que la protection qu'elles offrent n'est pas inférieure à celle que procure la loi provinciale applicable. À cet égard, je dois souligner qu'en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, certaines d'entre elles ont élaboré leurs propres régimes de biens fonciers matrimoniaux qui traduisent les valeurs et la culture propres à chacune d'elles.
Par suite des innovations des Premières nations, 36 d'entre elles sont assujetties à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et cinq régimes de biens fonciers matrimoniaux ont été mis sur pied. Huit autres Premières nations se préparent actuellement à emprunter la même voie.
Comme plusieurs témoins ayant comparu devant le comité l'ont fait valoir, l'adoption de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations marque le franchissement d'une importante étape dans la bonne direction. Les témoignages de ces personnes sont précieux tant pour les parlementaires que pour mes fonctionnaires, dans leur réflexion sur la voie à suivre pour remédier à cette question.
À juste titre, le comité a aussi précisé dans son rapport que les droits des enfants vivant dans les réserves constituent un volet fondamental de la question. À l'heure actuelle, un article de la Loi sur les Indiens autorise les enfants à charge des membres des bandes habitant dans une réserve à continuer à vivre avec ces derniers. Il convient très certainement de tenir compte de la recommandation du comité préconisant l'élargissement de la portée de cet article de la Loi, au moment de prendre les prochaines mesures pour régler la question.
Enfin, le comité a recommandé de modifier la Loi sur les Indiens pour qu'elle reconnaisse les droits d'occupation des deux conjoints. Cette modification protégerait le conjoint dont le nom ne figure pas sur le certificat de possession; les conjoints seraient aussi protégés dans les cas où une tierce parte détiendrait le certificat. Comme cette recommandation se rapporte à la modification de la Loi sur les Indiens et à la possession de terres dans les réserves, il est impératif de consulter officiellement les intervenants au sujet de tout changement éventuel. En fait, dans bon nombre des recommandations préliminaires formulées dans le rapport du comité, celui-ci propose de songer à des moyens législatifs.
Permettez-moi de vous dire que je souscris à la nécessité d'une solution législative. Les projets de recherche et les activités de sensibilisation entrepris par mon ministère ont montré de plus en plus clairement qu'il faut élaborer un cadre législatif sur les biens fonciers matrimoniaux. Cependant, comme le comité le sait bien, cela ne peut se faire du jour au lendemain. Tout cadre législatif relatif à cette question devrait être évalué soigneusement en collaboration avec les dirigeants des Premières nations et les parlementaires.
Comme un tel changement influerait grandement sur la gestion des terres des réserves, il est primordial que les intervenants soient officiellement consultés sur toute proposition qui viserait à modifier la Loi sur les Indiens. Afin de susciter des consultations significatives, mon ministère a, comme je l'ai déjà dit, entrepris divers projets de recherche et il a distribué des documents en langue courante dans tout le Canada. En engageant dès que possible les intervenants dans le processus, mon ministère cherche à mieux faire connaître la question, de manière que les particuliers et les organismes puissent participer pleinement aux consultations, apporter une contribution éclairée et prendre des décisions judicieuses.
Cette démarche axée sur la collaboration va tout à fait dans le sens de l'engagement que le gouvernement a pris de collaborer avec les dirigeants des Premières nations au sujet des initiatives qui touchent l'avenir des peuples autochtones.
C'est aussi une démarche que j'ai promis de suivre car, tout comme le Premier ministre, je suis convaincu que c'est là le seul moyen d'opérer des changements efficaces et durables.
En conséquence, je compte demander que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes entreprenne la consultation vitale que toute modification législative exige. Ce comité de la Chambre sera prié de s'entretenir avec les intervenants et de produire un rapport qui définira un cadre législatif clair et détaillé pour remédier aux lacunes de nature législative et attributive concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.
Il convient pour plusieurs raisons de renvoyer cette question au comité de la Chambre. Cette démarche favorisera en effet la plus vaste consultation publique possible, et permettra aux dirigeants des Premières nations et aux parlementaires des deux chambres de participer tôt à l'élaboration des modifications législatives. L'étude plus approfondie faite par le comité de la Chambre et l'examen mené par les intervenants ne pourront que faire complément à l'excellent travail déjà exécuté par votre comité. Celui-ci a affirmé que de telles consultations marqueraient une première étape d'un processus de collaboration plus vaste avec les gouvernements des Premières nations, l'objectif étant de trouver des solutions permanentes qui respecteront les cultures autochtones et la Charte des droits et libertés. Les consultations que le comité de la Chambre mènera procureront aussi aux femmes autochtones et à d'autres intervenants une autre occasion de s'exprimer sur cette question.
Madame la présidente, avant de conclure mon allocution et de répondre aux questions — ce que nous pourrons tous faire —, j'aimerais remercier de nouveau le comité de son excellent travail, de ses réalisations remarquables et de son rapport provisoire mûrement réfléchi. Le dossier des biens immobiliers matrimoniaux et les nombreux problèmes qui se posent aux femmes autochtones sont complexes et comportent de multiples aspects. Les efforts du comité, ses audiences et son rapport nous ont grandement éclairés, mon ministère et moi, et ont été fort utiles à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Vous nous avez aidés à mieux comprendre cette question complexe; vous nous avez permis de connaître les difficultés auxquelles se heurtent les familles vivant dans les réserves et vous avez apporté une contribution essentielle au règlement de cette question. Je vous en remercie.
Le sénateur Carstairs : Je vous remercie de votre présentation, monsieur le ministre. Je trouve toutefois désolant que vous ayez décidé de renvoyer cette question au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, comme vous le dites à la page 22, alors que vous ne comptez pas en saisir le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
M. Scott : J'en ai discuté avec le sénateur qui préside ce comité, et qui a approuvé la démarche que je compte adopter.
Le sénateur Oliver : Il n'y aura même pas de comité spécial mixte.
M. Scott : J'ai parlé au sénateur qui préside le Comité sénatorial des peuples autochtones et je lui expliqué ce que je comptais faire. Je suis prêt à envisager des variations sur ce thème, mais j'ai consulté diverses personnes. J'en ai parlé au sénateur qui préside le comité, et ma proposition a été acceptée.
Le sénateur Carstairs : Je suis contente que vous en ayez parlé à ce sénateur. Cependant, le dilemme auquel nous sommes confrontés constamment, c'est que les gens ne semblent pas comprendre — et, croyez-moi, c'était la même chose avec l'ancien gouvernement — que les lois doivent être adoptées non pas par une seule chambre, mais par les deux. Souvent, quand nous ne sommes pas inclus dans le processus initial, l'adoption des lois est retardée considérablement parce que les membres du Comité des Autochtones doivent faire du rattrapage.
Si vous avez discuté de la question avec la présidence, il y a peut-être des membres de ce comité qui ont plus d'information que moi à ce sujet-là.
Vous dites dans le corps de votre texte qu'il se passe certaines choses et que vous faites des progrès, ce qui est, bien sûr, particulièrement important pour ce processus. Vous annoncez la parution d'un certain nombre de documents. Quand ces documents devraient-ils être prêts et diffusés à grande échelle?
Mme Sandra Ginnish, directrice générale, Direction générale des traités, de la recherche, des relations internationales et de l'égalité entre sexes, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : Le ministre a parlé de deux documents. Le premier est un document de vulgarisation, qui devrait être prêt d'ici six semaines. La rédaction est terminée. Il ne reste plus qu'à le réviser et à le faire approuver.
Quand il sera prêt, il sera envoyé à toutes les communautés des Premières nations, à toutes les organisations autochtones provinciales, territoriales et nationales, y compris les organisations féminines, ainsi qu'aux centres d'amitié, aux centres culturels et aux refuges des Premières nations. Ce sera un document à grande diffusion.
Le deuxième document, qui devrait être prêt d'ici deux mois, portera sur le dossier du logement.
M. Scott : Je dois mentionner, pour la gouverne du comité, qu'il en sera question à la table ronde chargée d'examiner le logement; elle commencera à se réunir à Ottawa dès cette semaine, je pense.
Le sénateur Carstairs : Vous avez déclaré que vous étiez nettement en faveur de l'adoption de mesures législatives. Mais évidemment, cela prend du temps. Avez-vous établi des échéances au sujet du dépôt des textes législatifs nécessaires devant le Parlement?
M. Scott : En un mot, non. Nous n'avons pas fixé de date précise. Une fois que j'en aurai discuté avec le comité des Communes, nous aurons une meilleure idée du temps qu'il lui faudra pour faire le travail qu'il compte faire, et cela nous permettra de savoir à peu près quand nous pourrons nous y mettre de notre côté. C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.
Le sénateur Pearson : Merci de votre comparution, monsieur le ministre. Je ne faisais pas partie du comité quand ce rapport a été préparé, mais j'ai suivi ses travaux avec beaucoup d'intérêt parce que cette question a été soulevée fréquemment quand le comité des Autochtones a étudié les questions de droits de garde et de visite. Et nous sommes toujours là, cinq ans plus tard, encore en train d'essayer de mettre fin à ce que nous percevons comme une injustice.
Vous dites que vous avez parlé au sénateur qui préside le Comité des peuples autochtones. Je suis membre de ce comité. Je dois avouer que je n'ai pas toujours assisté à ses séances au complet; il est possible que cette question ait été évoquée. Mais personne n'a dit aux membres du comité — et je sais qu'il y a un autre membre que cela préoccupe beaucoup aussi — que vous aviez eu ces discussions. Je pense que c'est important. J'y reviendrai peut-être. Mais ce n'est pas votre problème; c'est le mien. Je vais en reparler au comité.
M. Scott : Dans les circonstances, je ne suis pas certain de la structure que prendrait une étude des deux chambres. En tout cas, dans l'esprit d'ouverture que nous avons l'intention d'adopter, le comité pourra en discuter. Pour suivre la procédure normale, j'ai simplement confirmé avec la présidence.
Le sénateur Pearson : Le Comité des peuples autochtones va tenter de suivre ce qui va se faire au comité des Communes et d'évaluer le rôle que nous pourrions jouer. Le sénateur Carstairs a bien résumé le problème. Si le Sénat est saisi d'un dossier après que la Chambre en a discuté, nous sommes en retard. Il est préférable que nous puissions étudier les dossiers dès le départ.
J'ai plusieurs questions qui se rattachent à des sujets déjà abordés en comité. Compte tenu des changements dans les rapports sociaux, comme dans le cas des unions de fait, nous recommandions notamment qu'il se fasse de la recherche sur la fréquence de ces unions et sur leur incidence dans la façon de partager les terres. Y a-t-il de la recherche effectuée, comme nous le recommandions, sur la prévalence des unions de fait dans les réserves et sur la façon dont les biens sont répartis dans ces cas-là?
Mme Wendy Cornet, conseillère spéciale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : Je crois qu'il serait possible d'établir la prévalence des unions de fait à partir des données de Statistique Canada. Il y a des données disponibles actuellement, mais celles que nous avons ne sont pas réparties par âge. Les enfants sont inclus aussi. Il faut que ces données soient mieux ventilées.
Quelle était la deuxième partie de votre question?
Le sénateur Pearson : Ma question portait sur la prévalence des unions de fait. Je ne vois pas comment les enfants peuvent être inclus. Ils ne vivent pas en union de fait.
Mme Cornet : Les données de Statistique Canada incluent les gens mariés et les célibataires; ils sont tous dans le même panier. Malheureusement, pour le moment, nous n'avons pas de données qui font cette distinction. Mais nous devrions pouvoir en obtenir.
Le sénateur Pearson : Dans certaines des réserves que j'ai eu l'occasion de visiter, on m'a dit qu'il y avait beaucoup d'unions souples.
Mme Cornet : C'est exact. Il y a pas mal de différences entre les provinces en ce qui concerne la façon de traiter les unions de fait. C'est une des questions sur lesquelles nous devrons nous pencher.
Le sénateur Pearson : Avez-vous fait des choses précises sur la question de la répartition?
Mme Cornet : Nous avons examiné toutes les lois provinciales et territoriales pour voir comment on y traitait les unions de fait et les unions entre conjoints de même sexe. Nous avons une bonne idée de la diversité des approches adoptées. Nous sommes également conscients du fait que la Cour suprême du Canada a rendu une décision selon laquelle il n'est pas contraire à la Charte, ni aux principes d'égalité, de ne pas inclure les couples en union de fait dans les régimes de biens matrimoniaux. Essentiellement, c'est à chaque gouvernement de décider s'il veut les inclure ou non. Cela fait partie des questions plus vastes dont il faut tenir compte dans toute étude sur les membres des Premières nations.
Le sénateur Oliver : Je remercie moi aussi le ministre et Mme Barnes d'être venus témoigner cet après-midi.
Le gouvernement du Canada a défini quatre groupes cibles ayant besoin d'une protection spéciale. Actuellement, nous nous intéressons à deux groupes, à savoir les femmes et les femmes autochtones. Les deux autres groupes sont les minorités visibles et les personnes handicapées. Ayant beaucoup travaillé moi-même avec les minorités visibles je peux vous expliquer comment nous procédons lorsque nous abordons le gouvernement et lorsque nous nous adressons aux ministres. Nous leur disons : « Nous avons entendu toutes les observations concernant la résolution des problèmes clés. Maintenant, il est temps de passer à l'action. Quand allez-vous prendre les mesures nécessaires? » J'ai pris en note certains passages de votre exposé que j'aimerais citer maintenant. Vous avez déclaré : « Nous préparons un document. Nous préparons des lignes directrices. Nous avons entrepris des projets de recherche. Nous renvoyons toutes ces informations uniquement au comité de la Chambre des communes. Nous nous préparons en vue de consultations officielles. Les recommandations de votre comité devraient sans aucun doute être prises en compte. »
Je vous demande donc : où est le projet de loi qui aboutira enfin à quelque chose de durable et de pertinent? Les quatre groupes cibles ont déclaré à plusieurs reprises que les études avaient assez duré et qu'il était temps de passer à l'action.
À la page 15 de votre mémoire, vous déclarez que le comité a aussi reconnu que certaines Premières nations appliquent déjà des mesures de répartition des biens fonciers matrimoniaux et il a signalé qu'elles devraient pouvoir continuer de suivre ces mesures, du moment que la protection qu'elles offrent n'est pas inférieure à celle que procure la loi provinciale applicable. Que peut faire le gouvernement fédéral afin de faire en sorte de proposer au moins l'équivalent des dispositions provinciales?
M. Scott : La loi que nous envisageons visera, évidemment, cet objectif. Je vais m'expliquer quant aux verbes plutôt passifs que vous avez relevés dans nos commentaires.
Certaines des références se rapportaient aux travaux auxquels se livrera le comité. D'autres se rapportaient à la loi que le gouvernement élaborera d'après les travaux du comité. Voilà ce qui guidait mes commentaires. J'ai utilisé un langage prudent, parce que je ne voulais pas m'exprimer de manière trop affirmative sur ce que le comité pourrait décider ou faire, parce que je ne voulais pas préjuger du résultat de ses travaux. Cela étant dit, nous voulons que les choses progressent rapidement. Je tiens à le signaler, afin que cela soit clair pour le comité.
Les travaux auxquels nous avons pris part ont simplement consisté à préparer le milieu pour ces consultations. Je suis convaincu qu'il nous faudra disposer d'un certain engagement de la part de la collectivité si nous voulons obtenir une réponse juste et durable. C'est indispensable pour atteindre nos objectifs. Je peux comprendre que les personnes qui souhaitent nous voir agir rapidement et de manière décisive sont animées des meilleures intentions, mais je crains que nous ne soyons pas en mesure d'obtenir l'appui dont nous avons besoin — en particulier dans une situation minoritaire — pour y parvenir. Je préfère une solution juste et durable plutôt que de proposer des mesures que l'on ne peut pas mettre en pratique.
Le sénateur Oliver : Quel est le lien entre les consultations que vous souhaitez entreprendre auprès des groupes autochtones et les travaux du comité? Le comité doit-il d'abord terminer ses travaux et présenter ses recommandations avant que les consultations puissent commencer? Quel est le chevauchement entre les deux?
M. Scott : « Chevauchement » est un mot descriptif. Nous nous penchons actuellement sur les biens matrimoniaux et leurs incidences sur le logement dans les réserves. Nous devrons faire preuve de créativité ou nous engager à tenir compte, dans la décision finale du gouvernement, de tous les éléments qui sont soulevés actuellement. De notre côté, nous avons l'intention de demander au comité de la Chambre des communes de définir un cadre législatif avec la participation de la collectivité. Je crois que l'on a fait référence aux travaux du comité avant qu'il soit question de prendre une initiative quelconque. Le comité présentera une recommandation sur la façon de procéder et nous prendrons des mesures en présentant un projet de loi.
Le sénateur Oliver : On peut lire, à la page 9 de votre document de présentation :
De toute évidence, les efforts visant à régler les dossiers du logement et des biens fonciers matrimoniaux sont inextricablement liés. Mon ministère publiera bientôt un document intitulé « Le logement et les biens fonciers matrimoniaux dans les réserves ».
Je suis étonné de vous entendre parler d'un autre document et non pas d'un projet de loi. Ce document contiendra-t- il toutes les dispositions normales qui pourraient se retrouver dans un projet de loi ou sera-t-il simplement un document de réflexion générale?
M. Scott : Je vais laisser à Sandra Ginnish le soin de vous en parler. Notre intention n'était pas d'en faire l'instrument principal pour cet exercice. Notre intention était de faire un outil de discussion pour aborder les questions plus vastes au sein de la collectivité.
Le sénateur Oliver : Est-ce que ce sera un livre blanc ou un livre vert? Est-ce que le document aura une importance particulière?
Mme Ginnish : Ce sera un document d'étude. Ce sera ni un document de discussion, ni un livre blanc. Ce document se penchera sur les liens existant entre les questions relatives aux biens patrimoniaux et l'attribution des logements dans les réserves. Il se penchera également sur les politiques de logement ayant cours actuellement dans les réserves. Ce sera essentiellement un document d'information visant à souligner les recoupements entre les questions relatives aux biens patrimoniaux et les questions de logement.
Le sénateur Oliver : Est-ce que nous n'en savons pas déjà beaucoup sur le sujet?
Mme Ginnish : Nous avons quelques connaissances sur le sujet, mais il y a encore beaucoup de choses à élucider.
M. Scott : Je pense également qu'une partie de l'exercice consiste à faire participer la collectivité. Nous avons des données, mais si nous voulons que la collectivité collabore à la mise au point d'une solution, nous devons aborder certaines questions et c'est, dans une large mesure, un des objectifs de l'exercice.
Le sénateur Oliver : Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé une question sur la Constitution et la primauté des pouvoirs fédéraux par rapport aux pouvoirs provinciaux, et je vous ai demandé quelle mesure le gouvernement fédéral pourrait prendre pour faire en sorte que les mesures appliquées dans les réserves se conforment aux lois provinciales. Vous ne m'avez pas répondu à ce sujet.
M. Scott : Notre intention est de déposer un projet de loi qui, comme je l'ai expliqué dans mon allocution, offrirait, au minimum, la même protection que celle qu'accordent les lois provinciales.
Mme Cornet : Les lois provinciales et territoriales des diverses régions contiennent des dispositions communes quant aux recours proposés. Voilà un élément sur lequel il serait intéressant de se pencher. Dans d'autres secteurs, toutefois, comme dans le cas des unions de fait, il n'y a pas de recoupement. Si l'on considère qu'il serait souhaitable, bien que cet avis ne soit pas partagé par tous, que les Premières nations soient liées par les mesures prises par les gouvernements provinciaux, comment interpréter leur façon de faire différente? La question des unions de fait est assez importante et son traitement par les diverses provinces n'est pas homogène.
Par contre, il y a des points communs entre les diverses régions. Par exemple, à l'extérieur des réserves, une personne peut se présenter devant le tribunal pour réclamer la possession provisoire exclusive du foyer conjugal. Dans une réserve, aucun tribunal n'est habilité à émettre une telle ordonnance, sauf dans une situation relevant de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations ou de l'autonomie gouvernementale. Par conséquent, on peut comparer certaines dispositions communes à l'ensemble des provinces et territoires qui n'ont pas cours dans les réserves. Dans les autres domaines marqués par une certaine diversité, il est impératif d'avoir un certain dialogue avec les Premières nations et d'autres intervenants afin de décider des mesures à prendre.
Doit-on laisser aux Premières nations le soin de définir leur propre politique? Quel est leur lien cohérent avec la provinciale si les compétences sont partagées? Tout cela soulève des questions techniques délicates et des questions de politique importantes.
La présidente : Je ne siégeais pas au comité lorsqu'il a étudié cette question, mais j'ai certainement pris part au dialogue avant qu'elle soit renvoyée au Comité des droits de la personne. Beaucoup d'entre nous estimions que les questions avaient été étudiées et que l'on pouvait en poursuivre l'examen, mais qu'entre-temps, les femmes autochtones étaient privées des protections dont bénéficient les autres femmes au Canada et que les femmes autochtones sont donc l'objet de mesures contraires à la Charte canadienne des droits et libertés et probablement contraires au droit international. Par conséquent, il nous semblait que le moment était venu de laisser les études de côté et de faire place à la volonté politique. Cependant, le comité, à la demande du ministre, a entrepris une étude et son rapport révèle un certain mécontentement face à l'inaction.
J'ai personnellement eu connaissance de la situation des femmes autochtones en 1967, lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit. La différence par rapport à 1967, c'est qu'aujourd'hui les femmes autochtones commencent à revendiquer leurs droits. Ce n'était pas le cas en 1967. Et pourtant, nous continuons aujourd'hui à parler au futur — d'un avenir où il est encore question d'études et de consultations. Il me semble que les membres du comité qui ont rédigé ce rapport préféreraient la négociation plutôt qu'un engagement.
Si la Chambre des communes doit de nouveau se pencher sur la question et faire appel à la participation de la communauté autochtone, aux femmes autochtones et aux autres intervenants, nous allons tout simplement retarder l'accès aux droits et avantages dont bénéficient les autres femmes et les femmes autochtones vont une fois de plus être défavorisées.
Je crois que le temps presse. Nous pouvons poursuivre les études et trouver peut-être une meilleure solution, mais c'est un domaine complexe qui nécessite une volonté politique de la part du ministre, du gouvernement et également des chefs autochtones, de prendre des mesures. Ils devront peut-être y apporter des correctifs si nous réalisons par la suite qu'elles ne sont pas bien adaptées, mais nous voulons être assurés que les délais seront respectés et qu'il n'y aura pas de retard. Lorsque le ministre a demandé au comité du Sénat de continuer à étudier la question, j'ai répondu : « Non, il est temps de passer à l'action. »
Le Sénat a cédé au ministre et a accepté de faire une étude supplémentaire. Combien d'autres études faudra-t-il encore faire? Je demande que l'on impose dès aujourd'hui ou très prochainement des limites de temps au comité de la Chambre. Le comité va-t-il reprendre là où nous avons terminé notre étude ou va-t-il repartir à zéro, consultant à nouveau les mêmes groupes, convoquant les mêmes réunions et présentant un rapport sur lequel le ministre et le ministère se pencheront une fois de plus? Je crois que tout cela ne sera pas terminé avant les prochaines élections. Pourtant, nous devons donner de l'espoir aux femmes et aux enfants autochtones.
M. Scott : Je m'engage aujourd'hui à aller jusqu'au bout des choses. Je suis convaincu que pour obtenir une solution durable, il est indispensable de disposer de l'appui de la collectivité et voilà ce que nous devons faire. Je ne demande pas au comité des Communes d'entreprendre une étude. Je lui demande de consulter la collectivité afin de mettre toutes les chances du côté de la loi. Si nous avions commencé par proposer une loi, je peux vous garantir que beaucoup de membres de la collectivité se seraient plaints de ne pas avoir été consultés. C'est un refrain que nous avons entendu récemment.
C'est une façon de solliciter la collaboration de la collectivité de manière respectueuse avant l'élaboration du projet de loi et il ne s'agit absolument pas d'une manœuvre dilatoire. Je crois que c'est la seule façon d'obtenir ce que nous voulons tous. On peut ne pas partager cette opinion, mais je suis convaincu que c'est la réalité.
La présidente : Est-ce qu'on peut dire qu'il s'agit d'une étude doublement préliminaire à la loi? Nous nous livrons souvent à des études préliminaires à la loi afin que tous soient informés et puissent présenter des commentaires. Dans ce cas, en revanche, il n'y aura pas de projet de loi à étudier. Je crains que le projet ne s'éparpille, se dilue et se perde dans les nombreuses nuances. Comment le comité des Communes définira-t-il son rôle? Son mandat sera-t-il suffisamment étroit pour aboutir à un projet de loi?
M. Scott : Je transmettrai au comité de la Chambre les avis que j'ai entendus aujourd'hui ici. Je tiendrai compte également des commentaires antérieurs. Dans mes négociations avec le comité des Communes, je soulignerai l'importance de ceci et je demanderai que l'étude se fasse promptement. Cependant, je crois que l'on obtiendra beaucoup plus facilement le résultat que recherche le comité si l'on ne s'adresse pas à la collectivité avec un projet de loi en main avant de consulter la collectivité de manière officielle. Cela présenterait pour nous un grand défi, compte tenu de l'approche que nous avons adoptée. J'aimerais éviter ce problème ou cette complication dans un domaine si complexe.
La présidente : Je suppose, monsieur le ministre, que vous ne niez pas que la situation actuelle ne respecte pas les droits des femmes et des enfants autochtones. On s'entend là-dessus. Le mandat de notre comité était essentiellement de faire ce constant sous l'angle des droits de la personne. Vous reconnaissez qu'il s'agit là d'une injustice qui exige réparation.
La présente étude semble porter sur les biens matrimoniaux. Le ministre précédent semblait avoir donné à notre comité un mandat beaucoup plus vaste portant sur l'attribution des terres et d'autres questions. Quelle est votre position sur les autres questions relevant du mandat?
M. Scott : Je dois dire que nous ne sommes pas allés plus loin dans nos discussions avec le comité que de lui proposer ceci comme point de départ. Les détails doivent encore être précisés. Mais avant tout, je veux délimiter la question de manière très précise. Je partage votre point de vue et je ne souhaite pas que des questions secondaires fassent déraper le processus. Cela étant dit, je réserve le droit de diriger les négociations avec le comité. Voilà mon opinion.
La présidente : Que faites-vous des droits de la personne?
M. Scott : Le texte précise que la situation est injuste et inacceptable. J'ai tenté de rassurer en disant que j'ai déjà travaillé dans ce domaine.
La présidente : Je suppose que vous ne prenez pas toutes ces questions de manière personnelle. Ce n'est pas vous, mais le gouvernement que nous remettons en question.
M. Scott : Je vous remercie, mais je me sens assez détaché.
La présidente : Nous ne remettons absolument pas en question votre engagement personnel.
Le sénateur Pearson : Je reprends certains propos de la présidente, en partie parce que c'est un dossier nouveau pour vous et en partie parce que nous avons conscience de la complexité de la situation. Une des tâches entreprises par notre comité consiste à examiner la réaction du gouvernement aux recommandations qui concluent les observations qui nous sont faites quand nous nous présentons aux comités des droits de la personne ou aux comités composés d'organes créés par traité au sujet des traités qui ont été signés et ratifiés. Là encore, le choix du moment est important.
Depuis 1999, le Comité des droits de la personne à Genève s'inquiète de la discrimination à l'endroit des femmes autochtones. L'adoption du point de vue du comité dans l'arrêt Lovelace, en juillet 1981, a entraîné la modification de la Loi sur les Indiens en 1985. Les femmes qui avaient perdu leur statut d'autochtone à la suite de leur mariage ont recouvré leur droit, mais cette modification ne touche que les femmes et leurs enfants et pas les générations ultérieures — je sais que vous êtes au courant de tout cela, mais il est bon de le répéter pour le compte rendu — qui ne pourront pas jouir du statut de membre de la collectivité. Le comité recommande que ces questions soient examinées par l'État. C'était le 7 avril 1999.
Les témoins que nous avons entendus ici nous ont dit que si les femmes autochtones qui ont des enfants à l'extérieur du mariage doivent en désigner le père, c'est tout simplement pour que le ministère puisse statuer sur les demandes d'inscription d'un enfant au Registre des Indiens. Les conséquences terre à terre de ce problème particulier continuent d'amplifier les injustices que nous avons constatées. Une grand-mère autochtone peut avoir deux petits-enfants dont l'un a le statut autochtone et l'autre pas. Je ne peux pas concevoir que mes petits-enfants aient des statuts différents.
Nous estimons que le temps presse, puisque le comité chargé d'étudier l'élimination de la discrimination raciale avait également entendu des témoignages concluants en 2002. Le sentiment d'urgence que nous essayons de vous transmettre se fonde sur des raisons pratiques. J'ai remarqué que vous utilisiez toujours le futur dans vos propos. Nous comprenons votre point de vue et nous reconnaissons qu'aucune solution ne donnera de bons résultats si la collectivité n'est pas consultée. Cependant, il faut déterminer qui est la collectivité. Nous avons constaté que beaucoup de personnes affirment que la collectivité ne parle pas en leur nom. Je comprends tous ces défis. J'aimerais connaître les détails du processus de consultation dont vous avez parlé un peu plus tôt. Je ne parle pas du comité de la Chambre des communes. Est-ce que vous avez mis sur pied des groupes d'étude composés d'associations fédérales-provinciales de femmes autochtones pour examiner le problème de façon concrète?
M. Scott : Les consultations et les recherches portent sur de nombreux domaines. La présidente a évoqué l'étendue de la question. Si nous nous dispersons, vous risquez de devoir patienter plus longtemps.
Le sénateur Pearson : Est-ce qu'il existe un groupe d'étude composé de ces éléments?
M. Scott : Pas pour le moment. Les documents de recherche mentionnés sont en place et les questions soulevées lors de la table ronde du mois d'avril ont été inscrites à l'ordre du jour de la table ronde sur le logement qui a cours en ce moment. Cependant, la portée de l'étude est plus générale.
Sur le plan de la complexité des questions, je prie le comité de ne pas interpréter la référence à des questions plus vastes comme une distraction. Nous devons les traiter toutes en même temps. Vous avez cité l'arrêt Lovelace. Venant du Nouveau-Brunswick, je connais très bien cette affaire. Je remercie mon ancien premier ministre pour le rôle que M. Hatfield a joué dans ce dossier que je connais par cœur. Je sais que ce jugement a réglé bien des choses, mais pas tout. J'ai conscience des défis qui nous attendent. J'ai conscience également des questions démographiques que vous avez soulevées, mais je suis prêt à les laisser de côté pour le moment afin de concentrer nos efforts sur une question précise. C'est un dossier si complexe que l'on s'y est parfois égaré par le passé. C'est comme un aimant qui attire d'autres questions. Les difficultés se présentent lorsque ces questions connexes viennent s'ajouter. Je suis vigilant et mon secrétaire parlementaire me rappelle à l'ordre lorsque je perds ma vigilance et lorsque nous devons agir avec concentration et précision.
Le sénateur Carstairs : Je suis tout à fait d'accord au sujet de la participation de la collectivité. Le problème est que l'on dit toujours la même chose lorsqu'il est question de légiférer sur les affaires autochtones. Chaque fois qu'un projet de loi nous est soumis, les membres de la collectivité nous disent qu'ils n'ont pas été consultés. J'aimerais savoir, pas nécessairement aujourd'hui, mais dans un avenir proche, une fois que ces documents seront disponibles, ce qui se passera exactement dans cette collectivité, dans la réserve du Pas ou ailleurs. Quelles discussions seront organisées dans cette collectivité au sujet de ces deux documents, afin que nous puissions affirmer en toute bonne foi qu'il y a eu consultation?
M. Scott : En ma qualité de ministre, j'ai déjà avisé de mes intentions l'APN et le CNM, ainsi que d'autres organisations nationales. Je recommanderai au comité et j'aurai également le pouvoir de le faire dans mon ministère, au cas où le comité prendrait une autre direction — puisqu'il est libre d'orienter ses travaux comme il l'entend — de veiller à choisir l'approche que nous avons adoptée, qui n'est pas nécessairement aussi directe que je l'aurais souhaité, dans ce but uniquement. Par conséquent, c'est pourquoi nous procédons de cette manière. Il faut que ce soit très clair. Aucune organisation nationale ou régionale ne pourra prétendre ne pas avoir été consultée, étant donné que je prendrai personnellement la responsabilité d'éliminer cette objection. C'est la seule raison pour laquelle nous procédons de cette manière. Je suis convaincu, après avoir consulté de nombreux dossiers jusqu'à présent, que la seule façon d'obtenir une solution durable à bon nombre des questions est de procéder à une consultation transparente et publique, de conclure les consultations et d'agir. En décidant d'agir d'entrée de jeu, on se heurterait à cette objection qui nous empêcherait d'agir.
La présidente : Merci beaucoup d'être venu témoigner aujourd'hui. C'est utile pour nous d'entendre votre point de vue. Comme je l'ai indiqué, le rapport déposé est un document international et notre comité devra définir les prochaines étapes, le cas échéant, et faire rapport au Sénat. Votre participation a été très utile et j'espère que nous poursuivrons le dialogue sur d'autres questions. J'espère aussi que cette question sera réglée dans un avenir proche. Merci d'être venu.
M. Scott : Je vous remercie et je peux vous assurer aujourd'hui que certaines suggestions qui ont été faites influenceront les prochaines étapes de notre démarche. Je me tiens à votre disposition pour revenir ultérieurement, afin de faire le point.
La séance est levée.