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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 2 - Témoignages du 29 novembre 2004


OTTAWA, le lundi 29 novembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui est autorisé à inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor, la présidente de la Commission de la fonction publique, leurs fonctionnaires, ainsi que d'autres témoins à comparaître devant le comité dans le but d'examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et d'étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés, se réunit aujourd'hui, à 16 heures.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs et invités, la séance du Comité sénatorial permanent des droits de la personne est ouverte. Nous allons entendre aujourd'hui la Commission de la fonction publique. Je souhaite la bienvenue à la présidente de la Commission de la fonction publique et à nos autres invités. Bienvenue au Sénat.

Comme vous le savez, le Sénat nous a donné un mandat que nous appliquons. Pour les besoins du procès-verbal, je vais seulement rappeler que nous sommes autorisés à inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor, la présidente de la Commission de la fonction publique, leurs fonctionnaires, ainsi que d'autres témoins à comparaître devant le comité dans le but d'examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et d'étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés.

Nous recevons aujourd'hui la Commission de la fonction publique. Avant de commencer, j'aimerais faire deux observations. Tout d'abord, nous n'allons pas examiner aujourd'hui de cas particuliers. Lorsqu'il est dit que nous « examinons des cas », nous étudions les systèmes, les politiques et les pratiques, et non pas des cas particuliers dont aurait été saisie la Commission de la fonction publique ou toute autre instance.

Il se peut aussi que vous, nos témoins d'aujourd'hui, ne nous parliez pas de discrimination mais bien de la manière dont vous traitez tous les Canadiens également au sein de la fonction publique. Nous voulons donc savoir comment vous égalisez les chances de recrutement pour tous les groupes du Canada; quelles lacunes vous entrevoyez dans votre système en ce moment et comment vous y remédiez; quels problèmes particuliers vous avez rencontrés et comment vous allez les résoudre; et, bien sûr, nous aimerions savoir si votre changement d'orientation vous a permis de réussir des choses tant dans le domaine de l'équité en matière d'emploi qu'au niveau des pratiques non discriminatoires que vous comptez faire respecter.

Je vous souhaite la bienvenue. Je crois savoir que vous avez un exposé.

Mme Maria Barrados, présidente, Commission de la fonction publique : Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour discuter des obstacles dans les pratiques d'embauche et d'octroi de promotions au sein de la fonction publique fédérale, ainsi que du degré de réalisation des objectifs d'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires.

M'accompagnent aujourd'hui de la Commission de la fonction publique, M. Greg Gauld, vice-président de la Direction générale de la politique et de la responsabilisation en matière de mérite, et Mme Paula Green, directrice générale, Équité et diversité.

J'aimerais parler aujourd'hui du rôle de la Commission de la fonction publique à ces égards, puis exposer les mesures que nous avons prises et nos réalisations.

[Français]

Comme vous le savez, la Commission de la fonction publique est un organisme indépendant, qui relève du Parlement. Elle est chargée de surveiller l'application du principe du mérite dans la dotation des postes et l'attribution des promotions au sein de la fonction publique fédérale. Les Canadiens et les Canadiennes ainsi que le Parlement comptent sur la commission pour maintenir une fonction publique représentative compétente et impartiale, qui est en mesure de servir les citoyens et les citoyennes dans les deux langues officielles.

Divers intervenants et diverses intervenantes collaborent au maintien d'une fonction publique représentative de la diversité de la société canadienne. En vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Commission de la fonction publique est chargée de relever et de supprimer les obstacles dans ses propres systèmes, politiques et pratiques de recrutement et de dotation. dans le cas du rôle et du mandat que lui confère la Loi sur l'emploi de la fonction publique. La Loi sur l'équité en matière d'emploi appelle aussi la commission à instituer des « mesures positives » — des politiques et des pratiques qui transcendent l'élimination des obstacles afin de promouvoir activement une fonction publique plus représentative et de combler les écarts de représentativité.

En vertu de ces deux lois, la Commission de la fonction publique approuve des programmes de dotation axés sur l'équité en matière d'emploi afin de donner aux ministères et aux organismes la souplesse nécessaire qui leur permettra d'instituer des « mesures positives » en vue de réaliser leurs objectifs en la matière.

J'aimerais décrire quelques-unes des mesures d'équité en matière d'emploi que la Commission de la fonction publique a mises de l'avant afin d'encadrer les ministères et les organismes et de les inciter à élaborer et mettre en œuvre des stratégies et des démarches qui favorisent l'équité en matière d'emploi.

[Traduction]

Comme vous le savez sans doute, en juin 2000, le gouvernement du Canada a annoncé le financement triennal du programme « Faire place au changement », conçu pour accroître la participation des minorités visibles au sein de la fonction publique fédérale. Ce financement de 7,2 millions de dollars a permis aux bureaux régionaux de la Commission de la fonction publique d'entreprendre un grand nombre d'activités. Nous avons encouragé les candidatures et les présentations de candidates et de candidats issus des groupes désignés. Nous avons créé et tenu à jour des répertoires de candidates et de candidats partiellement évalués de haut calibre, et nous avons appuyé les organisations dans leurs efforts visant à favoriser l'avancement professionnel des membres des minorités visibles dans la fonction publique fédérale.

Nos activités de liaison externe et autres ont permis d'accroître graduellement le nombre, le calibre et la représentativité des membres des groupes cibles de l'équité en matière d'emploi qui postulent un emploi à la fonction publique. La Commission de la fonction publique a contribué au recrutement externe de plus de 4 000 membres des minorités visibles au cours des trois dernières années.

En 1999-2000, le taux de recrutement des membres des minorités visibles était de 6,4 p. 100. Ce taux est passé et est stable à environ 10 p. 100 au cours de chacune des trois dernières années. Il demeure toutefois inférieur à l'objectif- repère de un sur cinq, ou de 20 p. 100, qui avait été fixé pour 2003.

La Commission s'inquiète de l'objectif-repère en ce qui concerne l'entrée dans le groupe de la direction, qui demeure un programme qu'elle administre. J'espère pouvoir dresser un bilan des efforts et des résultats des ministères dans mon prochain rapport annuel au Parlement.

En collaboration avec le gouvernement, nous avons établi le Groupe de consultation externe sur le programme « Faire face au changement », dont les membres exercent différentes professions et proviennent de milieux variés. Ce groupe offre des conseils sur les stratégies visant à promouvoir un milieu de travail représentatif et inclusif, et sur l'efficacité des stratégies visant à accroître le nombre de membres des groupes de minorités visibles recrutés. Ce groupe a présenté aux sous-ministres sa perspective sur l'importance d'une vision globale de la diversité au sein de la fonction publique et de l'amélioration des services à la collectivité canadienne. Il a aussi proposé un cadre global portant sur la diversité à mettre en œuvre dans les organismes centraux et les ministères.

L'initiative d'intégration de l'équité en emploi, dont le financement s'établissait à 2,4 millions de dollars répartis de 2002 à 2004, visait à permettre à la fonction publique d'intégrer davantage l'équité en matière d'emploi dans ses politiques et pratiques de dotation et de recrutement, aider les ministères et les organismes à devenir plus représentatifs de la population qu'ils servent et promouvoir davantage le principe du mérite, la diversité et l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique. Au cours de la période de deux ans, nous avons pu démontrer que les activités visant à favoriser l'équité en matière d'emploi peuvent être planifiées et intégrées dans les activités de gestion. Nous avons contribué à la réalisation de deux grands objectifs, soit un plus grand bassin de candidates et de candidats qualifiés parmi les groupes cibles de l'équité en matière d'emploi et de meilleures pratiques organisationnelles d'équité en matière d'emploi. Dans l'ensemble du Canada, le nombre réel de nominations de membres des groupes désignés a varié. On note une augmentation dans certaines régions, et une diminution ou le maintien dans d'autres.

Cela, à notre avis, montre que l'inclusion des membres des groupes désignés n'est pas encore chose acquise d'office ou partout, et que l'on doit tenir compte des différences régionales dans la planification des ressources humaines.

[Français]

Nous avons une direction de l'équité et de la diversité qui dispose d'un budget de 880 000 $. Parmi nos activités, nous avons établi un nouveau cadre pour les programmes d'équité en matière d'emploi et les programmes connexes de dotation et de recrutement, en mai 2004, afin d'habiliter les ministères et les organismes à combler les lacunes dans la représentativité tant aux niveaux ministériel que gouvernemental.

Ce cadre prévoit deux nouveaux programmes : le Programme d'équité en matière d'emploi de la Commission de la fonction publique, pour le recrutement externe des membres des groupes cibles de l'équité en matière d'emploi aux niveaux inférieurs à celui du Groupe de la direction; et le Programme d'équité en matière d'emploi pour les cadres de direction.

La Commission de la fonction publique a également approuvé des programmes de dotation particuliers en matière d'emploi pour 21 ministères et organismes. En plus de déléguer plus de pouvoirs et d'offrir plus de latitude aux ministères, nous leur avons fourni des politiques, des lignes directrices et des outils concernant l'équité en matière d'emploi, dont des lignes directrices pour l'évaluation équitable; une zone de sélection élargie pour les groupes cibles d'équité en matière d'emploi; la mise en disponibilité des jurys de sélection diversifiée ou des conseils à ce sujet.

Nous élaborons également un cadre de nomination en vertu de la nouvelle Loi sur l'emploi de la fonction publique qui comprendra des principes directeurs concernant l'équité en matière d'emploi en dotation. L'ensemble des politiques sera évalué dans l'optique de l'équité en matière d'emploi.

Puisque les nouvelles lois sur la modernisation de la fonction publique ont renforcé le rôle de surveillance de la commission, nous intégrons les préoccupations d'équité en matière d'emploi à nos démarches de vérification alors que nous évaluerons l'efficacité des stratégies des activités de dotation qui pourraient influer sur la représentativité de la fonction publique.

[Traduction]

Nous avons pris des mesures et continuons de le faire à plusieurs égards, et nous faisons des progrès. Selon les dernières statistiques disponibles, soit pour l'exercice 2002-2003, la représentation de chacun des groupes désignés s'est améliorée par rapport à l'année précédente. La représentation des membres des minorités visibles est passée de 6,8 p. 100 à 7,4 p. 100. La représentation des personnes handicapées est passée de 5,3 p. 100 à 5,6 p. 100, et la représentation des Autochtones est passée de 3,8 p. 100 à 3,9 p. 100. La représentation des Autochtones et des personnes handicapées à la fonction publique fédérale était supérieure à leur disponibilité sur le marché du travail. Mais il reste encore clairement du travail à faire. Ainsi, la représentation des membres des minorités visibles a été inférieure à leur disponibilité sur le marché du travail.

Dans plusieurs ministères et organismes, on décèle un manque d'harmonisation entre les plans d'équité en matière d'emploi et la planification organisationnelle. Et, bien que le programme « Faire place au changement » ait permis d'accroître la représentativité, l'atteinte des objectifs-repères se fait lentement. En particulier, pour que la fonction publique atteigne les objectifs-repères fixés pour les nominations au sein du Groupe de la direction, on devra cibler et planifier davantage leurs efforts. Le Programme d'équité en matière d'emploi pour les cadres de direction a permis d'accroître le nombre de nominations au niveau d'entrée dans le groupe EX. À mon avis, l'équité en matière d'emploi doit être intégrée aux activités quotidiennes, à commencer par les plans et les priorités. Il est inacceptable de la négliger pour ce qu'elle représente.

Madame la présidente, je serais heureuse de répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie.

Le sénateur Carstairs : Merci beaucoup pour cet exposé. Nous avons entendu quelques bonnes nouvelles, et cela est rassurant.

Bien que nous ayons assez bien réussi à embaucher des gens provenant de tous les groupes, à l'exceptions des minorités visibles, où il faut que nous passions de 10 p. 100 à 20 p. 100, je demeure préoccupée par les résultats décevants au niveau EX. Dans ce groupe, même les femmes ne sont pas suffisamment représentées. Pouvez-vous nous donner davantage de détails au sujet de vos politiques d'équité dans l'emploi? J'aimerais particulièrement savoir quels progrès vous avez réalisés au sein des jurys de sélection, qui me paraissent d'une importance tout à fait primordiale. Si un candidat ne voit pas un des siens — faute d'une meilleure expression — dans ce genre de jury, on sait qu'il lui sera beaucoup plus difficile d'obtenir le poste convoité.

Mme Barrados : Je vous remercie de votre question. Nous avons effectivement réalisé des progrès considérables en matière d'embauche, mais nous n'avons quand même pas atteint l'objectif fixé d'une personne sur cinq, et il nous faudrait donc dépasser les 10 p. 100 obtenus dans l'embauche des minorités visibles. C'est en effet dans ce dernier groupe qu'on observe énormément de sous-représentation. Vous avez tout à fait raison, la situation de l'embauche dans la catégorie EX est préoccupante, nous avons réussi à y faire entrer des gens, mais pas assez.

Nous nous sommes efforcés de créer un programme distinct encourageant les gens à amener des groupes. Cela peut se faire de diverses manières. Ainsi par exemple nous recommandons aux gens de cibler certaines des activités de recrutement, ce qui permet de recourir à un article de notre loi afin de limiter le concours aux gens provenant de minorités visibles. Ces moyens ont d'ailleurs donné d'excellents résultats.

D'autres initiatives ont été prises. Je songe à l'une d'entre elles qui a été mise en œuvre dans deux nouveaux ministères, qui faisaient autrefois partie de DRHC. On a lancé une intéressante initiative de recrutement et de formation systématiques d'un groupe de gens afin qu'ils soient prêts à occuper des postes de direction, et les candidats choisis parmi les groupes désignés ont été très impressionnants. Nous estimons cependant qu'on ne se sert pas assez souvent de ce genre de mécanismes. On y recourt de façon sélective.

Je sais que nous avons obtenu de bons résultats avec les jurys de sélection, mais M. Gauld ou Mme Green auront peut-être davantage de détails à donner à leur sujet.

Mme Paula Green, directrice générale, Équité et diversité, Commission de la fonction publique : Bonsoir. Au sujet des jurys de sélection comportant des membres de groupes divers, nous estimons qu'ils nous ont permis d'obtenir beaucoup de succès en matière de recrutement, lors de concours visant à combler des postes de EX. Nous avons observé que cette diversité dans la composition des jurys met les candidats plus à l'aise.

Toutefois, lorsqu'il s'agit de combler des postes de direction de niveau plus élevé, nous continuons à connaître des difficultés, parce que nous ne pouvons pas compter sur une masse critique de représentants des groupes désignés.

L'une des choses que nous envisageons, c'est de faire siéger aux jurys de sélection davantage de nos spécialistes en dotation pour le niveau EX qui viennent eux-mêmes des groupes visés par les mesures d'équité, ce qui fera avancer les choses.

M. Greg Gauld, vice-président, Politique et responsabilisation en matière de mérite, Commission de la fonction publique : J'ajoute que grâce aux sommes supplémentaires reçues ces dernières années, il a été possible de faire beaucoup de travail, notamment, d'étudier la composition des jurys de sélection, pas uniquement ceux qui cherchent à doter des postes EX mais tous les postes auxquels postuleront des candidats des minorités visibles.

Le sénateur Carstairs : J'ai une autre question à poser, à laquelle il sera peut-être impossible de répondre. Si je me reporte à ma propre expérience des minorités visibles, souvent dans ces milieux, l'anglais est la langue seconde, particulièrement à l'extérieur de la province de Québec. Dans les cas où la Commission de la fonction respecte les critères en matière de bilinguisme, les candidats étudient une troisième langue.

Est-ce que cela a créé des difficultés à certaines personnes qui postulaient et ont obtenu des postes de niveau EX?

Mme Barrados : Oui, c'est un problème. Grosso modo, 60 p. 100 des emplois que nous cherchons à pourvoir exigent la connaissance de l'anglais seulement et 40 p. 100 des deux langues officielles, c'est-à-dire que ces derniers postes sont désignés bilingue impératif ou non impératif, mais surtout impératif.

Bien entendu, au fur et à mesure que la nouvelle politique est mise en oeuvre, le nombre est beaucoup plus élevé chez les groupes de direction. À l'heure actuelle, tous les sous-ministres doivent être bilingues de façon impérative, ce qui signifie qu'ils doivent avoir une certaine connaissance du français dès qu'ils acceptent leur poste. Ce sera le cas de tous les postes EX-3 l'année prochaine, et des EX-2 deux ans plus tard.

Les nouveaux fonctionnaires des minorités visibles commençant au niveau de cadres subalternes auront eu l'occasion d'apprendre le français auparavant. On me dit que si cette question les intéresse et qu'ils la prennent à coeur, ils ont accès à de la formation et réussissent à apprendre le français. C'est beaucoup plus difficile pour les gens qui postulent, dès leur arrivée, des postes de cadres supérieurs. En règle générale, ils ont tendance à chercher des postes bilingues non impératifs ou en anglais seulement, et c'est d'ailleurs là qu'ils ont tendance à se concentrer, mais ces postes sont disponibles. Dans le cas des postes bilingues non impératifs, le candidat reçu a deux ans pour apprendre le français.

Le sénateur LeBreton : J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Carstairs puis j'aimerais en poser deux autres. Pouvez-vous développer quelque peu pour ce qui est de « promouvoir le recours à des jurys de sélection dont les membres sont d'origines diverses »? S'agit-il d'un jury de la Commission de la fonction publique ou bien d'un ministère? Comment choisit-on les membres qui en font partie? Comment s'en sert-on pour recruter, surtout des candidats des minorités visibles?

Mme Barrados : En ce qui a trait au recrutement dans la fonction publique, nous nous attendons à ce que le processus suivi comporte le plus souvent un jury officiel de sélection. Dans le cas des nominations aux niveaux supérieurs, comme dans les catégories EX1-3, la Commission de la fonction publique compte un membre au sein des jurys. Dans le cas des postes de niveaux EX-4 et 5, le Réseau du leadership est représenté au sein des jurys. La stratégie de tous ces processus et les nominations qui en résultent, bien que distinctes, sont autorisées par la Commission de la fonction publique.

Les autres membres viennent des ministères. Des directives sont fournies à ces derniers afin de les renseigner sur la façon de procéder. La Commission de la fonction publique et le Réseau du leadership ne participent pas directement au processus. Toutefois, on s'attend qu'il y ait un processus de sélection en bonne et due forme, et à cette fin nous fournissons des conseils et des directives, pour qu'on mette sur pied des jurys plus représentatifs de la diversité ethnoculturelle et pour qu'on dispose d'un bassin de gens qui peuvent en faire partie.

Aux échelons supérieurs, c'est difficile parce que tous les sous-ministres adjoints sont choisis par des jurys de sous- ministres. Or, vous ne l'ignorez pas, il n'y a pas beaucoup de sous-ministres provenant des minorités visibles.

Le sénateur LeBreton : Ma question porte sur la partie de votre mémoire où il est dit qu'il existe une direction de l'équité dans l'emploi dotée d'un budget de 880 000 $. Comment ces crédits budgétaires se comparent-ils à ce qu'on accorde à d'autres mandats semblables?

Mme Barrados : Il s'agit d'un budget assez modeste. Les autres millions de dollars ont été mentionnés dans la partie où il est question du programme Faire place au changement. On y trouve 2,4 millions de dollars affectés à l'initiative d'intégration. Maintenant, il y a aussi le groupe de Mme Green, où l'on s'occupe davantage de défendre cette cause et de l'intégrer à notre travail permanent. Un virage a donc été pris.

Ainsi que je le disais dans ma déclaration d'ouverture, grâce aux sommes qu'on nous a accordées, nous avons fait beaucoup de choses. Le temps nous dira si nous avons mis fin trop tôt à l'initiative spéciale. Cela dit, j'espère que la création d'un groupe qui s'occupe en permanence de cette cause nous permettra d'intégrer l'initiative à nos politiques permanentes, à nos cadres, à tout ce que nous faisons. Nous demandons que cela fasse partie intégrante de notre travail, et nous travaillerons sans relâche en ce sens.

Le sénateur LeBreton : Le budget en question était-il unique et distinct?

Mme Barrados : Le montant de 880 000 $ fait partie de notre budget de base et est permanent.

Le sénateur LeBreton : Il est donc annuel?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur LeBreton : Ces dernières années, une question a souvent été dans l'actualité et a même suscité énormément de controverses récemment, à savoir le recrutement de fonctionnaires de toutes les régions du pays. Il me semble qu'une telle initiative serait tout à fait pertinente lorsqu'on cherche à recruter des gens des minorités visibles, car dans certaines régions du Canada, je pense qu'il y a beaucoup plus de gens qui aimeraient pouvoir travailler dans la fonction publique fédérale. Avez-vous conçu un programme actif de recrutement afin de doter des postes à Ottawa, dans la région de la capitale nationale et ailleurs?

Mme Barrados : Oui, c'est une question qui me préoccupe. Je dois dire qu'à la plupart des comités auxquels j'assiste, quelqu'un m'interroge à ce sujet parce qu'on trouve que cela ne va pas assez vite. Le problème est que la Commission de la fonction publique a, de par la loi, le pouvoir de recourir à un élément du recrutement que l'on appelle « zone de sélection », qui limite le bassin de candidatures.

Il y a plus de fonctionnaires à Ottawa qu'en dehors d'Ottawa. Il y a un certain nombre d'offres d'emploi qui limitent la zone de sélection à la région d'Ottawa. Les députés ont dit à l'occasion que cela n'ouvrait pas entièrement ces postes au reste du Canada.

Nous avons ainsi fait en sorte que tous les postes de EX soient ouverts à tous les Canadiens. Il n'y a pas de restrictions dans ce cas. Nous avons élargi cela aux deux niveaux professionnels suivants. Il n'en demeure pas moins qu'il y a beaucoup d'emplois intéressants pour lesquels la zone de sélection est limitée. Nous avons d'autre part préconisé d'élargir la zone de sélection — le bassin — pour inclure les minorités visibles. Nous savons que cette limitation géographique peut limiter les chances des minorités visibles et c'est pourquoi nous avons tenté de faire quelque chose.

Le problème le plus important est une question de volume. Beaucoup d'emplois à la fonction publique, même certains des emplois aux premiers niveaux, sont considérés comme de bons emplois. Ils sont bien rémunérés, sûrs et intéressants et nous recevons ainsi des centaines et des centaines de candidatures. Comme employeur de l'administration fédérale, nous devons traiter chaque candidature de la même façon. Nous ne pouvons tirer au hasard ou choisir quelqu'un. Nous devons examiner chaque candidature à fond. Nous sommes en train d'automatiser le processus. Lorsque nous aurons le système voulu, on pourra faire acte de candidature de partout au Canada. Nous pourrons réduire le nombre à un chiffre gérable grâce à cette automatisation puis traiter ensuite individuellement avec les intéressés. C'était un problème de taille, mais nous sommes en train d'y remédier. J'ai reçu l'approbation du Conseil du Trésor pour les plans d'élaboration de ce projet et nous avons les spécialistes voulus. Je comprends ce que vous voulez dire et j'essaie de faire avancer les choses au plus vite mais il faut être réaliste.

Le sénateur LeBreton : Cet élargissement devrait augmenter vos chances de recruter plus de monde et de remonter considérablement les chiffres, n'est-ce pas?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Oliver : Bienvenue, madame. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous à plusieurs occasions sur ces questions. Je vous remercie de l'excellent exposé que vous nous avez fait aujourd'hui.

Vous avez notamment parlé de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Maintenant que celle-ci a été adoptée, un certain nombre de changements ont été apportés à la Commission de la fonction publique. Cette commission dont vous êtes aujourd'hui responsable est très différente de ce qu'elle était il y a un ou deux ans.

Pour ce qui est de la diversité et de l'équité en matière d'emploi, vous avez maintenant trois fonctions principales : vérification, contrôle et enquête. J'aurais trois questions.

Tout d'abord, pour ce qui est de votre fonction de vérification, qui est une des principales fonctions de la nouvelle Commission de la fonction publique, qu'est-ce que vos vérifications ont révélé quant aux problèmes systémiques que rencontrent les minorités visibles à la fonction publique depuis que vous êtes responsable?

Ma deuxième question porte sur le financement de l'initiative Faire place au changement. M. Perinbam a écrit un merveilleux rapport à l'intention du gouvernement canadien et des Canadiens. Il a dit, vous nous l'avez signalé, qu'il doit y avoir une minorité visible pour cinq nouvelles embauches. Les minorités visibles représentent près de 15 p. 100 de la population canadienne aujourd'hui et, au sein de l'administration, à peine 7 p. 100; dans la catégorie de la direction, le pourcentage est tellement faible que ça en est gênant. Les fonds sont-ils épuisés et seront-ils renouvelés? Le gouvernement canadien a annoncé il y a deux ans que cette politique visant à atteindre ce rapport de un pour cinq avait été adoptée par le gouvernement et serait appliquée. Comment l'appliquer s'il n'y a pas de budget?

Troisièmement, vous avez ce que l'on appelle des ententes de délégation avec les ministères. J'estime que s'il doit y avoir un changement dans un ministère et s'il faut dire : « Il n'y a pas suffisamment de femmes, de minorités visibles ou d'Autochtones dans ce ministère, cela doit changer », la personne qui peut le dire et obtenir des résultats, c'est bien le sous-ministre. Vous, en tant que présidente de la Commission de la fonction publique, vous avez un pouvoir réel sur un sous-ministre. J'aimerais que vous nous expliquiez quel est ce pouvoir et comment vous veillerez au respect des ententes de délégation que vous avez avec les sous-ministres pour vous assurer que les minorités visibles sont effectivement traitées de façon équitable dans tous les ministères.

Mme Barrados : Je commencerai et je demanderai à M. Gauld de compléter par certains détails car vous avez posé des questions assez fondamentales quant à la Commission de la fonction publique et à l'orientation que nous prenons.

Tout d'abord, en ce qui concerne la vérification et nos constatations touchant les problèmes systémiques pour les minorités visibles, quand je suis arrivée à la Commission, il y a un an, nous avions trois vérificateurs et ceux-ci ne faisaient pas de vérifications. Notre priorité a donc été de recruter des vérificateurs. Nous l'avons fait.

Le sénateur Oliver : Combien en avez-vous maintenant?

Mme Barrados : Nous en avons maintenant 18, et nous en attendons d'autres si bien que nous devrions atteindre le chiffre de 20. Ils ne sont évidemment pas tous arrivés en même temps. Nous avons eu un certain nombre de problèmes à régler. Nous avons dû nous pencher sur les responsabilités du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada parce que certains pouvoirs ont été retirés et certaines conditions mises à la délégation de pouvoir. Nous avons dû nous occuper des vérifications de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire parce que nous avions reçu beaucoup de plaintes et qu'il y avait un certain nombre de problèmes. J'ai un tout petit groupe qui ne me permet pas de tout faire.

Tout cela pour dire que nous n'avons encore aucun de ces résultats de vérification. Notre programme de vérification se développe et les vérificateurs savent que ce doit être une des choses qu'ils ont à examiner dans leur travail mais, pour le moment, je n'ai aucun résultat de vérification à vous présenter.

Pour ce qui est de Faire place au changement, mes collègues sont plus au courant que moi. Je crois que nous n'avons plus de budget pour cela. On avait engagé de l'argent. C'était un programme qui a pris fin en 2003. Nous avons reçu un montant moindre pour cette initiative d'intégration et l'effort a maintenant pris une autre direction. C'est le greffier lui- même qui en a fait une de ses priorités. Il a mis les sous-ministres au défi d'améliorer la situation et l'on envisage de mettre les questions de diversité et de représentativité des minorités visibles en particulier dans tous les processus existants, ce que nous essayons nous-mêmes de faire. Je répète qu'il va falloir décider si cela suffit. Le Groupe consultatif sur Faire place au changement est très actif. Nous le rencontrons régulièrement.

Le sénateur Oliver : Qu'est-ce que ce comité, s'il est actif, a fait pour essayer de renouveler le financement nécessaire pour donner suite à l'initiative Perinbam d'un sur cinq?

Mme Barrados : Il est actif en ce sens qu'il nous donne des conseils pour que les systèmes fonctionnent mieux. Il existe des mécanismes, tels que celui que j'ai mentionné à Développement des ressources humaines Canada qui est financé par le ministère et n'a pas besoin de budget spécial. Ce qui est important, c'est qu'il y ait la volonté d'agir.

Ce n'est pas moi non plus qui peux demander davantage de fonds au Conseil du Trésor ou à l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique, parce que j'ai l'impression que dans le cadre de nos fonctions générales, il y a des choses que je puis faire et que nous pouvons réaliser.

Pour ce qui est de la délégation, c'est là que nous devons exercer davantage nos pouvoirs.

Le sénateur Oliver : Pourriez-vous expliquer ce qu'est une entente de délégation?

Mme Barrados : Nous sommes en pleine transition. Nous avons actuellement des ententes pour la délégation des pouvoirs de dotation exclusifs à la Commission de la fonction publique aux sous-ministres. Environ 90 p. 100 des activités de dotation ont déjà été déléguées, mais il y a 10 p. 100 de recrutement très visible dans la catégorie de la direction — par exemple, les priorités ministérielles et le recrutement externe — qui restent entre les mains de la Commission de la fonction publique. Cela sera également délégué dans le contexte de la nouvelle loi. Nous sommes en train de changer cela. Une partie de cette délégation inclura des obligations concernant la diversité. Il y aura une exigence spécifique attachée à cette délégation.

Nous nous occupons également du groupe EX, celui qui me préoccupe le plus car nous n'avons certainement pas les chiffres voulus. Il faut avoir une masse critique pour avoir un impact. J'ai demandé aux ministères qui n'ont pas usé de leurs pouvoirs comme ils l'auraient dû, quelles étaient les possibilités envisagées et quels étaient leurs plans d'amélioration.

Le sénateur Oliver : Pouvez-vous nous dire de quels ministères il s'agit? Serait-ce des ministères comme la Justice ou les Finances? Pouvez-vous nous dire avec qui vous avez dû parler?

Mme Barrados : Je demanderai à M. Gauld de vous donner les chiffres. Nous avons repéré ceux qui s'efforçaient d'atteindre les chiffres voulus. Je crois que nous avons une liste des ministères auxquels nous avons envoyé des lettres pour demander quels étaient leurs projets et comment ils entendaient s'y prendre. C'est quelque part dans ce livre. Si nous ne l'avons pas sous la main, nous vous enverrons cette liste. Nous avons reçu certaines réponses insatisfaisantes telles que : « Nous n'avons aucun plan ».

Le sénateur LeBreton : Je conviens que ce n'est pas satisfaisant.

Mme Barrados : Ce n'est certainement pas une réponse satisfaisante. Certains aussi nous ont dit : « Eh bien, nous vous rappellerons ». Il y a au moins un ministère qui m'a effectivement rappelée et a soumis un bon plan et je sais qu'il l'a fait suite à ma lettre mais, cela n'a pas d'importance, c'est le résultat qui compte. Il y en a un certain nombre qui, à mon avis, prennent la chose un peu à la légère.

Nous assurons un suivi pour nous assurer que c'est pris plus au sérieux. Tout le monde est au courant. Nous examinons et analysons tout cela. Je rappellerai chacun de ces sous-ministres pour soulever cette question spécifique et leur rappeler tout ce qu'ils peuvent faire et le genre d'initiatives et d'options à leur disposition. J'aurai d'autre part une conversation avec le greffier au sujet de ces ministères qui, à mon avis, ne prennent pas la chose assez au sérieux. J'ai l'intention de l'indiquer aussi dans mon rapport annuel au Parlement.

C'est ce que nous faisons actuellement avant les changements dans les délégations de pouvoir. Ce sera fait cette année.

Une des conditions mises aux ententes de délégation sera la surveillance et le suivi avec vérification.

Le sénateur Oliver : Inclurez-vous des sanctions monétaires?

Mme Barrados : Je n'ai pas précisément de sanction monétaire à imposer, mais j'ai une façon de sanctionner. Je peux notamment mettre des conditions à la délégation. Une autre sanction à laquelle je puis avoir recours est de faire une évaluation du rendement d'un ministère. J'ai l'intention de mettre cela dans le processus d'évaluation du rendement des sous-ministres. J'offrirai le système qui effectue ces évaluations de rendement. J'ai aussi la possibilité de faire rapport publiquement au Parlement.

Monsieur Gauld, voudriez-vous ajouter quelque chose?

M. Gauld : Nous n'avons pas la liste de ces 18 ministères ici, mais je pourrais l'obtenir. Une des choses intéressantes qui est ressortie, c'est que les ministères dont nous avons jusqu'ici reçu des rapports — et ce n'est pas les 18 — indiquent que sur les 171 vacances de postes au niveau EX qu'ils prévoient doter à court terme, il n'y en a que six pour lesquels ils recourraient à des méthodes spéciales de ciblage sur les minorités visibles.

Le sénateur Oliver : Est-ce qu'il s'agit des quatre groupes cibles?

M. Gauld : Je parle ici des minorités visibles. Ainsi que l'a dit la présidente, c'est une des raisons pour lesquelles nous les rappelons.

La présidente : Allez-vous pouvoir déposer la lettre auprès du comité ainsi que la liste des ministères?

Mme Barrados : Je puis vous envoyer copie de la lettre que j'ai adressée aux ministères ainsi que la liste des ministères à qui je l'ai envoyée. Toutefois, en toute justice, je devrai en faire l'analyse afin d'être certaine qu'ils ont bien compris. Parfois, des hauts fonctionnaires vont m'envoyer quelque chose, sans se rendre compte que leur sous-ministre va lui aussi recevoir un avis. Il faut que ce genre de choses se produise en premier.

La présidente : Je sais que ce processus démarre à peine, mais il serait utile que vous commenciez par les lettres.

Mme Barrados : Oui, tout à fait.

Le sénateur Poy : J'aimerais poursuivre sur la lancée de la question posée par le sénateur Oliver. Vous avez dit avoir des ententes de délégation avec des ministères. Je songe particulièrement à l'ACDI, aux Affaires étrangères et à Patrimoine canadien. D'après ce qu'on peut observer, et si l'on tient compte de la nature de leur travail et leur clientèle, on pourrait s'attendre qu'ils soient plus représentatifs de la population.

Pouvez-vous préciser davantage ce que vous avez recommandé à ces ministères de faire pour que leurs effectifs soient plus divers?

Mme Barrados : Je vais demander à M. Gauld de vous donner les renseignements précis là-dessus, c'est lui qui est au courant.

Cela dit, en règle générale, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration compte une bonne représentation des minorités visibles. À mes yeux, les autres ne remportent pas la palme, mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'il y a problème. Je suis tenue de faire cet exercice. La Santé est un autre ministère qui a obtenu de bons résultats.

M. Gauld pourra vous éclairer davantage au sujet de la vérification.

Le sénateur Poy : Commençons par Patrimoine canadien.

M. Gauld : Depuis quelques années, Patrimoine canadien s'est doté d'un plan de dotation stratégique des échelons supérieurs. Le ministère nous fournit le plan détaillé, en contrepartie de quoi nous donnons l'autorisation au service de dotation d'aller de l'avant, au moyen d'une autorisation de dotation en bloc. Il a aussi veillé à cibler bon nombre de postes en matière de dotation. Il a enfin pris des mesures proactives afin d'augmenter la représentation des minorités visibles aux échelons EX, avec notre aide et au moyen de la dotation stratégique du personnel de direction.

Les Affaires étrangères sont l'un des ministères qui feront l'objet de nouvelles vérifications générales de la dotation cette année. Les vérificateurs doivent s'y rendre sous peu pour étudier la situation. On trouve là certains régimes de dotation distincts en raison de la nature et de l'histoire du ministère.

En route pour venir ici, nous discutions de l'ACDI. Ce dernier organisme n'est pas au sommet de la liste, mais vous pouvez toujours vous reporter au rapport annuel du Conseil du Trésor sur l'équité dans l'emploi dans la fonction publique fédérale. Vous y trouverez les chiffres officiels les plus récents portant sur les groupes désignés dans tous les ministères. C'est d'abord là que nous irions nous-mêmes pour obtenir ce genre de données. Nous ne conservons pas de chiffres démographiques. Ce qui nous préoccupe davantage, ce sont les tendances; combien il y a de gens nommés pendant une année donnée. Les chiffres officiels sur la représentation des minorités visibles proviennent de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada.

Le sénateur Poy : Avez-vous des données quelconques sur la présence des minorités visibles au niveau EX à Patrimoine canadien?

M. Gauld : Ce n'est pas nous qui avons les chiffres définitifs sur le nombre de EX qui viennent des minorités. Il faudra que vous obteniez cela du ministère ou de l'Agence. Nous pouvons toujours vous donner une idée approximative du nombre de gens qui s'identifient eux-mêmes comme membre de minorités visibles aux fins d'un recrutement ciblé. Toutefois, dans bon nombre de cas, les gens ne s'auto-identifieront peut-être pas dans le cas d'un concours visant à doter un poste EX. En général, nous ne considérons pas comme définitifs les renseignements dont nous disposons avant de les avoir confrontés à ceux de l'Agence.

Le sénateur Poy : Y a-t-il moyen d'obtenir ces renseignements?

M. Gauld : Nous pouvons certainement en faire la demande à l'Agence.

Mme Barrados : Nous pouvons étudier la situation. Il va sans dire que je serais fort étonnée que tout soit satisfaisant.

Le sénateur Poy : D'après mon expérience, je ne crois pas que ce le soit.

Mme Barrados : Ce n'est pas le cas à l'échelle du gouvernement. Nous savons, par exemple, qu'il n'y a pas suffisamment de minoritaires visibles dans la catégorie EX.

Le sénateur Poy : La catégorie EX, c'est la catégorie de la direction?

Mme Barrados : Oui. Les EX-1 à 5 appartiennent tous à cette catégorie. Nous savons qu'il n'y a pas suffisamment de gens des minorités visibles dans ce groupe. Nous savons que l'employeur n'en recrute pas suffisamment et qu'on manque de programmes spéciaux pour faire augmenter leur nombre. Je ne suis pas satisfaite. Ce n'est pas assez. Il faut faire mieux.

Le sénateur Poy : Je voudrais revenir à la question posée par le sénateur Carstairs sur les minorités visibles et les exigences linguistiques. Vous avez affirmé que 60 p. 100 des cadres de direction travaillent surtout en anglais et que 40 p. 100 doivent parler couramment les deux langues. Est-ce au niveau le plus élevé?

Mme Barrados : Non, c'est pour toute la fonction publique.

Le sénateur Poy : J'irai donc plus loin. Notre pays dépend des immigrants pour combler ses besoins en main- d'œuvre. Ces dix dernières années, la plupart des nouveaux arrivants venaient d'Asie; ce sont donc des minorités visibles qui, pour la plupart, surtout au sein de la population active, ne parlent couramment qu'une seule langue officielle. J'ai vérifié, et ils parlent surtout anglais. Selon les statistiques, 43,44 p. 100 parlent couramment l'anglais et 4,65 p. 100 parlent couramment le français.

Quelle est l'incidence des exigences linguistiques sur l'avancement des minorités visibles, surtout dans la catégorie de la direction et pour les nouvelles recrues?

Les gens des minorités visibles sont de plus en plus nombreux et représenteront près de 20 p. 100 de la population canadienne d'ici 2010. Cette tendance en matière d'immigration devrait se poursuivre et notre main-d'œuvre comptera de plus en plus sur les immigrants au fur et à mesure que les travailleurs atteindront l'âge de la retraite. Quarante-sept pour cent des fonctionnaires auront droit à la retraite d'ici 10 ans. D'ici 2011, la croissance nette de la main-d'œuvre au Canada sera entièrement attribuable à l'immigration.

Qu'entend faire le gouvernement pour aider la fonction publique à attirer les ressources humaines disponibles? J'aimerais connaître vos projets.

Mme Barrados : Ce sont là des questions pertinentes. Dans notre rapport annuel, nous traitons de notre préoccupation quant à la capacité de la fonction publique de faire du recrutement vigoureux pour faire face aux changements démographiques qui s'annoncent.

Actuellement, et j'ai l'impression que cette tendance se maintiendra, il y a beaucoup d'emplois pour lesquels ce n'est vraiment pas un problème. Il y a beaucoup de postulants pour les postes dans la fonction publique. Toutefois, pour les postes plus spécialisés, axés sur le savoir, qui mènent à des postes de leadership, la concurrence sera beaucoup plus dure.

À la Commission de la fonction publique, nous comptons scinder les fonctions qu'il nous reste et créer ce que j'appelle un service quasi autonome au sein duquel ceux qui s'occupent actuellement du recrutement externe deviendront un organisme de recrutement qui concentrera ses efforts sur le recrutement des personnes les plus compétentes pour les emplois au sein de la fonction publique. C'est ce vers quoi nous nous dirigeons.

En ce qui a trait aux exigences linguistiques, il faut trouver le juste milieu. La politique sur les langues officielles stipule que nous devons offrir des services aux Canadiens dans la langue officielle de leur choix et que les employés doivent pouvoir se faire superviser dans la langue officielle de leur choix. La fonction publique doit être gérée ainsi et fournir ces services.

La question est donc de savoir que faire dans le cas de ceux qui n'ont pas eu la chance d'apprendre la langue officielle qui n'est pas leur langue maternelle. Il y a des francophones qui ont du mal à apprendre l'anglais. À cet égard, certaines mesures peuvent être prises. Premièrement, nous devons améliorer les occasions de formation que nous offrons actuellement aux nouveaux arrivants à la fonction publique qui n'ont pas encore à satisfaire aux exigences linguistiques d'un poste bilingue. Au niveau d'entrée, on peut facilement accéder à la fonction publique en ne parlant que l'anglais. Mais il faut offrir aux titulaires de ces postes de la formation en français et les encourager à suivre ces cours avant que le bilinguisme ne soit exigé pour une promotion ou un autre emploi. Nous devons faire cela.

Nous devons aussi nous assurer d'offrir de la formation à ceux pour qui et l'anglais et le français sont une deuxième langue, car ils n'ont pas le même point de départ que nous, qui avons fréquenté l'école au Canada. L'école de langues et le centre d'évaluation psychologique ont réalisé des progrès et font en sorte que ceux qui suivent les cours de langue les réussissent.

Ce qui me préoccupe le plus, c'est ce que nous faisons pour le groupe des cadres de direction. Pour eux, nous pouvons utiliser la dotation non impérative. Il existe deux formes de dotation, la dotation impérative et la dotation non impérative. Il sera possible d'accéder au groupe de la direction par le biais de la dotation non impérative. Cela signifie que si l'employé est désireux d'apprendre le français et prêt à le faire, il peut obtenir le poste avant de recevoir sa formation en français. On peut aussi recruter des gens de l'extérieur pour le groupe de la direction en leur donnant deux ans pour apprendre le français.

Nous devons nous assurer que ces mesures sont efficaces pour nous et que nous y avons recours pour le recrutement de membres des minorités visibles. Il faut qu'ils soient représentés dans la fonction publique, mais il faut aussi que nous respections nos obligations et les exigences relatives aux langues officielles.

Le sénateur Poy : Faites-vous du recrutement dans les collectivités des minorités visibles? Il y a toujours un obstacle. Si vous n'allez pas là où elles sont, dans bien des cas, elles croient qu'on ne veut pas d'elles et qu'il est inutile d'essayer. Il est encore plus important pour le gouvernement d'aller y faire du recrutement.

Mme Barrados : La Commission de la fonction publique compte 16 bureaux régionaux et de district d'un océan à l'autre. Ces bureaux sont ceux qui ont fait le plus pour le rayonnement de la Commission de la fonction publique et qui ont mis en œuvre les programmes dont j'ai fait mention dans mon allocution d'ouverture; ce sont les employés de ces bureaux qui encouragent les gens à poser leur candidature et qui sensibilisent les ministères à créer des groupes d'évaluation des candidatures.

Nous avons réussi à augmenter le nombre de candidats et il y a maintenant un taux disproportionné de candidatures de minorités visibles. Malheureusement, nous ne réussissons pas à leur trouver des postes. Nous avons suscité leur intérêt et les avons amenés à postuler, mais cela ne s'est pas reflété dans le nombre de membres des minorités visibles recrutés.

Le sénateur Poy : Le sénateur Oliver vous a demandé si vous évaluez le rendement de chaque ministère. La fonction publique examine-t-elle les pratiques exemplaires du secteur privé dans la promotion de la diversité? Le secteur privé connaît beaucoup de succès à ce chapitre. Ainsi, chez BMO, ceux qui atteignent les objectifs en matière de diversité obtiennent une prime. Le gouvernement en fait-il autant?

Mme Barrados : C'est une bonne question à poser au greffier qui évaluera les sous-ministres. Je présume que ce sera une priorité pour lui quand il évaluera l'opportunité d'accorder une prime au rendement, mais je ne relève pas de ce système. Je suis un agent indépendant du Parlement. Ce serait une bonne question à lui poser.

En ce qui a trait à votre question sur l'expérience du secteur privé, Mme Green a collaboré avec le Conference Board et pourra peut-être répondre à votre question.

Mme Green : Le sénateur Oliver connaît probablement mieux que moi l'étude qu'a menée le Conference Board. Nous sommes l'un des participants. Nous avons constaté que nous connaissons le même problème que dans le secteur privé, à savoir, l'avancement des cadres. Il incombe à chaque employé et à l'organisation de supprimer ces obstacles. Le leadership des échelons supérieurs est extrêmement important. Au sommet de Toronto, certains ont déclaré que quand le patron décide de changer les choses, les employés emboîtent le pas et c'est ainsi que les changements se réalisent.

Nous donnons l'exemple quand nous engageons des membres des minorités visibles. Une fois que nous avons recruté ces employés, nous devons nous assurer que l'organisation leur offre un milieu accueillant où ils voudront rester. Il est aussi important pour les membres de chaque groupe minoritaire de s'engager à se perfectionner, à profiter des possibilités de perfectionnement professionnel, à former des réseaux et à servir de mentor aux nouveaux arrivants.

Le sénateur Poy : Vous avez fait mention du leadership. J'ai l'impression qu'il y a plus de leadership dans le secteur privé, car le pourcentage des membres des minorités visibles y est plus élevé que dans le secteur public. C'est une question de détermination.

Mme Green : Oui, dans l'ensemble, mais le rendement du secteur privé n'est pas bien meilleur aux échelons supérieurs.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : J'ai bien aimé votre présentation et plus particulièrement, votre dernière phrase, à la page 6, qui m'a interpellée. Il est dit que l'équité en matière d'emploi doit être intégrée aux activités quotidiennes. C'est tellement vrai.

De toutes les activités quotidiennes, pour une personne en recherche d'emploi, la vérification du site Web est de loin la plus importante. Cependant, de plus en plus, les postes affichés sur le site Web limitent les candidatures à des employés actuels.

Jusqu'à quel point cette pratique est-elle courante? Si elle l'est, ne peut-elle pas aussi limiter les chances d'emploi pour les femmes, les minorités visibles, par exemple, qui se cherchent des emplois?

Mme Barrados : Il y a maintenant, dans la loi, l'obligation de faire une nomination interne afin de combler les nouveaux postes à la fonction publique, plutôt que de donner l'opportunité aux gens de l'extérieur. Cela va changer. Évidemment, lorsque nous aurons un haut taux de retraite, cela va changer aussi.

Comme je l'ai dit, ce défi est également présent à cause des limites sur les zones de sélection. Nous voulons changer cela.

M. Gauld : Dans la loi actuelle, on doit justifier un recours au recrutement externe. On doit d'abord voir s'il est possible de combler le poste à l'intérieur. Cette contrainte n'existe pas dans la nouvelle loi, qui sera en vigueur à partir de décembre 2005.

Il faut s'habituer à chercher des gens à l'intérieur. Il y a également un modèle d'engagement pour des périodes déterminées. Ce qui est signalé dans notre rapport annuel, c'est que les gestionnaires trouvent plus facile d'engager une personne localement, pour une période déterminée, et rendre ensuite cette personne permanente. Ceci a pour effet de chercher des employés permanents dans un bassin local. À Ottawa, où il y a peut-être moins de minorités visibles, ce sont des gens de la région qui deviennent permanents.

Il y a une grande partie du recrutement externe qui se fait par ce biais. C'est une des constatations du rapport annuel de la commission, c'est une des choses auxquelles nous devons remédier. Nous avons beaucoup de gens recrutés à l'extérieur, offrant une grande représentativité des minorités visibles, tel le Programme de recrutement postsecondaire. Ce programme n'est pas beaucoup utilisé par les ministères. Souvent, les ministères privilégient la voie de l'engagement temporaire pour ensuite donner la permanence.

Le sénateur Losier-Cool : Quelles sont les lacunes ou les faiblesses que vous avez constatées dans la nouvelle loi qui sera en vigueur en 2005, qui n'aident pas votre projet de loi sur l'équité?

Mme Barrados : Ce n'est pas une lacune. Nous sommes dans une période de transition et la mise en application des nouvelles lois se fera vers la fin de 2005. Je pense que c'est une amélioration que de donner la possibilité de tenir plus de concours ouverts à tous.

Cette utilisation du Programme de recrutement postsecondaire, je pense que ce n'est pas une question de loi, c'est l'habitude. Les gens ne sont pas prêts à planifier ou à utiliser ce programme. Ils veulent faire leurs choses à leur façon, à court terme. C'est plus facile, mais les conséquences sont négatives.

[Traduction]

La présidente : J'aurais quelques questions à vous poser. Vous avez 18 ou 20 vérificateurs mais vous n'avez pas encore eu le résultat de leurs travaux; vous commencez à peine. Quand croyez-vous avoir mené suffisamment de vérifications pour pouvoir faire une évaluation?

Mme Barrados : Je m'attends à ce que, au moment du dépôt de notre rapport annuel l'an prochain, dépôt qui se fait, comme vous le savez, deux ou trois semaines après la reprise des travaux parlementaires à l'automne, trois ou quatre nouvelles vérifications auront été faites en plus du suivi des vérifications déjà en cours. Il ne suffit pas de faire une vérification ponctuelle. Le suivi est très important. Comme le dit si bien mon amie Sheila Fraser, il ne faut pas hésiter à harceler les gens.

La présidente : J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Losier-Cool sur la nouvelle Loi sur la modernisation de la fonction publique. Quand la loi a été adoptée, on a beaucoup discuté de disparités régionales et de la possibilité que la délégation de pouvoirs aux régions n'ait les résultats contraires des résultats escomptés — autrement dit, que plus les régions détiennent le pouvoir, moins les patrons seront satisfaits sur place.

Comment pouvez-vous garantir que cette loi, qui prévoit la délégation de pouvoirs et une discrétion accrue aux différents niveaux, ne rendra pas la situation plus difficile pour les femmes et les minorités visibles en général au sein de la fonction publique? Ce que je veux dire, c'est que quand on veut, on trouve toujours une façon de contourner les règles. Il a fallu des années pour cerner le problème et mettre en place un nouveau système. Ne croyez-vous pas que cela pourrait nous faire perdre des acquis?

Mme Barrados : C'est une inquiétude légitime. Nous avons beaucoup discuté et débattu des nouvelles mesures législatives et il a été décidé de déléguer ces pouvoirs, mais d'assortir cette délégation d'un système solide de reddition de comptes.

Comme vous le savez, lorsqu'on discutait de ce projet de loi, il était beaucoup question de savoir si la Commission de la fonction publique devrait conserver le pouvoir de nomination, et il a été décidé de maintenir le statu quo car on ne savait trop qui d'autre devait assumer ce pouvoir puisqu'il importait qu'il reste distinct et indépendant de l'exécutif.

La loi confère à la Commission de la fonction publique le pouvoir de déléguer, mais la délégation est assortie d'exigences strictes en matière de reddition de comptes; autrement dit, la délégation se fait selon un processus officiel. On s'entend sur ce que dit la loi quant à ce que nous faisons et quant aux pouvoirs que je peux déléguer. Tout cela figurera dans des ententes officielles. Nous nous employons à les rédiger et à mener des consultations. Nous voulons éviter les ententes volumineuses et privilégier les déclarations brèves et concises, auxquelles s'ajouteront les détails essentiels, afin que les ministres puissent les lire et comprendre les responsabilités qu'ils assument ainsi.

Il y aura aussi un véritable contrôle et une véritable vérification car, sinon, on ne s'attardera pas à ces choses comme on devrait le faire. Nous nous sommes engagés à faire ce qui doit être fait. Nous procéderons à la délégation, mais nous prévoirons des ressources pour le contrôle et la vérification et, avec les outils dont nous disposons, nous imposerons des conditions strictes dans les accords de délégation, lesquels feront l'objet de rapports. Il y aura des rapports internes et externes.

La présidente : Vous avez déclaré publiquement que vous vous considérez comme un haut fonctionnaire du Parlement, peut-être pas au même niveau que la vérificatrice générale ou la commissaire à la protection de la vie privée, mais vous avez le mandat de faire rapport au Parlement. Cela étant, est-il avantageux pour un comité comme le nôtre de poursuivre son dialogue ou son examen annuel — qui pourrait être plus fréquent — qu'il tient avec vous sur les différents sujets abordés aujourd'hui?

Mme Barrados : Absolument. Il est important de discuter avec les comités du Parlement. Nos tâches sont très nombreuses. Nous nous occupons de nombreux ministères, de nombreux détails, de nombreuses nominations. Des discussions comme celles-ci nous rappellent où se situent les priorités. Je peux vous assurer que les conversations que j'ai eues avec le sénateur Oliver m'ont amenée à demander à mes collègues de penser à ce que le sénateur Oliver penserait, lui.

Voilà pourquoi ces discussions sont bonnes. Absolument, madame la présidente, je serais très heureuse de participer à des discussions avec vous régulièrement.

La présidente : Notre préoccupation relativement à la discrimination et à l'équité en emploi découle de l'intérêt pour la justice, laquelle se traduit dans nos lois et nos obligations. Votre commission tient-elle compte des obligations internationales du Canada au chapitre de l'équité et de l'égalité?

Mme Barrados : Je ne sais trop ce que vous avez en tête. Nos obligations se situent au niveau de la dotation en personnel et des nominations au sein de la fonction publique. Notre tâche est d'affecter les bons employés aux bons postes. Je ne vois pas quelles obligations internationales s'appliqueraient dans notre situation.

La présidente : Pour créer une culture de respect pour la diversité, les minorités, la justice et l'égalité, il faut tenir compte du contexte. Le contexte comprend les engagements que nous avons pris dans la Charte des droits et des libertés et à l'échelle internationale. Comment pouvez-vous convaincre la fonction publique de l'importance de cet enjeu dans le contexte national et international?

Mme Barrados : C'est tout un défi. Nous participons aux réunions de comités comme le vôtre, nous tenons des discussions, nous faisons notre travail, nous présentons des rapports sur les bonnes pratiques, et nous exerçons des pressions sur ceux dont le rendement laisse à désirer.

Quand je m'adresse à un groupe de gens provenant de divers pays, j'en profite pour aborder ces questions et expliquer comment nous procédons. Nous profitons de toutes les tribunes qui nous sont offertes.

C'est un engagement constant. Comme je l'ai dit, cela doit faire partie intégrante de la façon dont nous nous acquittons de nos fonctions, car nous ne connaîtrons aucun succès si nous nous concentrons sur l'équité seulement de temps à autre. Cela doit sous-tendre tout ce que nous faisons. Comme je l'ai dit dans mes propos liminaires, le pouvoir de nomination est axé sur l'équité et la diversité; c'est ainsi que nous nous assurons que tous se dirigent dans la bonne direction.

Le sénateur Pearson : À titre d'exemple de ce dont parlait le sénateur Andreychuk, nous assisterons à la Conférence de l'ONU sur « Pékin plus 10 » où nous traiterons de l'analyse comparative entre les sexes. À Pékin il y a 10 ans, on nous a affirmé que tous les ministères, tous les organismes, tous ceux qui ont des liens avec le Parlement disposaient d'un outil qu'on appelle l'analyse comparative entre les sexes. Utilisez-vous cet outil de façon précise?

Mme Barrados : Mme Green me dit que oui, alors, je lui laisserai le soin de vous répondre.

Mme Green : Toutes nos politiques, tous nos plans et nos priorités font l'objet d'une analyse comparative entre les sexes.

Le sénateur Oliver : J'ai deux questions à vous poser. La première est une question de nature plus technique et vous ne pourrez probablement pas y répondre maintenant; j'aimerais toutefois que vous me communiquiez la réponse par écrit plus tard. Il s'agit de la façon dont les codeurs du Recensement et les fonctionnaires de Statistique Canada rédigent les questionnaires pour déterminer la disponibilité au sein de la population active. La méthodologie employée est celle de la disponibilité au sein de la population active. À l'heure actuelle, cette méthode sous-estime considérablement la disponibilité pour les groupes désignés au chapitre de l'équité en emploi, surtout les minorités visibles. Cette méthode constitue un obstacle systémique pour l'emploi des minorités visibles plus que pour les autres groupes EE et ce sont les perspectives d'emplois pour la génération actuelle et les générations futures qui sont en cause.

Pourriez-vous déterminer si cette allégation est fondée et à quoi elle est attribuable?

Madame la présidente, j'aimerais poser encore une question. Quand on parle du travail de la fonction publique, du Conseil du Trésor et d'autres, on parle souvent de recrutement et de dotation. D'après mon expérience sur la colline du Parlement, le recrutement n'est pas très difficile, car il y a toujours un bassin énorme de membres des minorités visibles aptes au travail, talentueux, admissibles, et prêts à être promus à la catégorie EX. Par conséquent, le recrutement est moins difficile que la dotation en personnel et le maintien à l'effectif.

S'agissant du maintien à l'effectif, plusieurs personnes ont déclaré que s'il y avait, à la fonction publique canadienne, un milieu tel que si vous n'avez pas la même religion que la plupart des Canadiens, ou si vous avez des habitudes culturelles différentes de celles de la plupart des Canadiens, il existait un système culturel prêt à vous accepter, cela permettrait de mieux conserver le personnel qualifié issu de minorités visibles. Pourriez-vous me dire quels systèmes existent actuellement à la Commission de la fonction publique qui permettent précisément d'offrir la formation culturelle nécessaire à cet égard?

Je sais que vous avez rencontré récemment Jacqueline Edwards qui représente le Conseil national des minorités visibles, et qui depuis un certain temps défend l'idée de nommer un commissaire à la diversité pour trouver une solution aux problèmes des minorités visibles dans la fonction publique. Ce commissaire relèverait du Conseil privé. Quel est votre avis à ce sujet et y aurait-il ainsi chevauchement avec vos propres fonctions?

Mme Barrados : S'agissant de la première question, la disponibilité dans la population active, j'ai cru comprendre que l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada était en train de revoir cela précisément en raison de cette inquiétude concernant les chiffres, et on m'a dit qu'elle allait publier les chiffres révisés d'ici un mois.

Mme Green : Avec la publication du rapport annuel.

Mme Barrados : C'est donc ce que va faire l'agence dans le cadre de son rapport annuel, et je pense ainsi qu'il y a eu une reconnaissance de faite. Et d'ailleurs, certains des chiffres préliminaires que j'ai pu voir le confirment.

S'agissant de votre seconde question, qui concerne le recrutement et le maintien à l'effectif, j'en conviens avec vous, il y a là un bon réservoir de ressources humaines. En revanche, les pouvoirs détenus par la Commission de la fonction publique concernent les nominations. Il y a plusieurs autres questions qui se rapportent à la gestion des ressources humaines qui ne relèvent pas d'elle. Ma tâche, en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, consiste à arriver à de meilleurs résultats et faire en sorte que le système produise également de meilleurs résultats, pour assurer une juste représentation parmi tous ceux qui entrent dans les rangs. Mais la question du maintien à l'effectif et de la gestion des ressources humaines ne relève pas de moi, mais plutôt de l'Agence. Elle est beaucoup mieux équipée pour s'en occuper.

J'en conviens, il y a probablement bien des gens qui se sentent prêts à occuper un poste de EX, mais ces gens n'ont bien souvent pas l'expérience nécessaire. À mon avis, il faut les faire entrer et prendre les mesures nécessaires pour qu'ils acquièrent l'expérience et les connaissances nécessaires afin de pouvoir réussir.

Au gouvernement du Canada, les postes EX sous-tendent une énorme responsabilité en matière de gestion des ressources financières et humaines. Dans mon poste précédent ainsi que dans celui que j'occupe actuellement, j'ai pu constater, et je le constate encore, que souvent les gens qui n'avaient pas ce genre d'antécédents posaient problème. On veut qu'ils puissent réussir. Si nous faisons entrer ces gens chez nous, nous devons leur donner la possibilité d'obtenir la formation nécessaire afin de pouvoir réussir dans leur poste et de rester dans les rangs, sinon, il est certain qu'ils finiront par se décourager et par démissionner.

Pour ce qui est d'une charge de commissaire à la diversité, votre question est intéressante. Nous avons déjà plusieurs protagonistes dans ce domaine. Avant d'en ajouter un autre, j'aimerais avoir la conviction que ceux qui sont déjà en place font leur travail. Il y a la Commission de la fonction publique, qui a toutes sortes de pouvoirs et de moyens dont elle peut se servir pour procéder aux nominations. Il y a la Commission des droits de la personne. Il y a l'employeur, le Conseil du Trésor. Il y a aussi l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique, il y a une conseillère en matière de diversité qui travaille à l'école même et qui conseille également le greffier.

Il y a donc tous ces différents protagonistes. Je ne suis pas certaine qu'en en ajoutant un de plus, nous pourrions faire avancer les choses. À mon avis, il faut parvenir à prouver qu'il y a tel ou tel problème qu'il est impossible de résoudre avec les éléments actuellement en place étant donné qu'il est toujours possible de faire bouger bien des choses qui existent déjà avant de devoir impérativement créer quelque chose de nouveau.

La présidente : Merci d'être venus et de vous être montrés si francs et ouverts dans notre dialogue. Je suis convaincue que cette séance est la première de plusieurs autres à venir où nous pourrons discuter de cette question car notre objectif est de supprimer toute discrimination ou entrave qui pourrait exister dans le système. Je suis sûre, d'autre part, que nous sommes sur la même longueur d'ondes. Merci d'avoir pris le temps de partager votre expérience avec nous.

Le sénateur Carstairs : Nous avons entendu un excellent témoignage mais il est une question qui déborde un peu notre mandat. On a laissé entendre, comme vous le savez, qu'on pourrait demander au greffier du Conseil privé si les primes accordées aux sous-ministres devraient être liées à leur stratégie de diversité. Je voudrais que nous songions, mais pas aujourd'hui, à éventuellement élargir notre mandat pour inclure le greffier du Conseil privé. Nous pourrions lui écrire, forts de ce qui a été dit, pour lui demander sa réponse.

Nous devons réfléchir à cela si bien que je ne demande pas de décision aujourd'hui.

La présidente : Dans notre mandat, figure « de temps à autre, le président du Conseil du Trésor, la présidente de la Commission de la fonction publique, les fonctionnaires de ces organismes, de même que d'autres témoins » Vous pouvez réfléchir à cela.

Je voudrais également que les membres du comité nous disent s'ils souhaitent que d'autres témoins soient appelés sur cette question avant que nous préparions notre rapport. Qu'on nous dise également s'il y a des recommandations précises que les membres du comité souhaiteraient inclure dans notre rapport.

M. Alcock va comparaître sans doute la semaine prochaine. Ce n'est pas confirmé. Les plages qu'on nous a proposées nous compliquent la tâche mais quant à lui, il doit être présent à certaines réunions de comité, ce qui se comprend. Je n'ai pas voulu l'inviter à comparaître quand il était disponible parce qu'il y avait conflit avec tous les autres comités où les sénateurs doivent être présents. J'essaie donc de trouver un compromis. Toutefois, pour l'heure, nous envisageons de l'inviter le mardi 7 décembre. Si cela signifie qu'il faudra demander la permission au Sénat d'entendre M. Alcock même si le Sénat siège, soit. J'espère que ça ira. Autrement, il a déjà signalé qu'il serait disponible à 19 heures, le 7 décembre, mais il y a un conflit avec d'autres comités. Pour éviter cela, et puisqu'il s'agira d'une séance en dehors des plages habituelles, il vaudrait peut-être mieux l'exhorter à venir au milieu de l'après-midi.

Le sénateur LeBreton : Je suis depuis récemment le whip de mon parti, et je dois signaler que d'habitude, nous n'aimons pas que les comités se réunissent en dehors des plages prévues sauf si un ministre comparaît. Si vous donnez avis au Sénat, ce sera un cas où nous aurons consenti à siéger en dehors de la plage régulière.

La présidente : Ce devrait être pour demain. Il faut bien dire qu'il y a eu de nombreux entretiens concernant les dates.

Le sénateur Oliver : Il va comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances dans un mois et demi.

La présidente : Nous allons tenter de poursuivre cette étude. Si nous nous réunissons le 7, il se peut que nous annulions la réunion du comité prévue pour le 6 à moins que nous puissions entendre des témoins par rapport aux autres études.

La séance est levée.


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