Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 2 - Témoignages du 7 décembre 2004
OTTAWA, le mardi 7 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, autorisé à inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor et la présidente de la Commission de la fonction publique, dans le but d'examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale, se réunit aujourd'hui à 16 h 4.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, aux invités et tout particulièrement à l'honorable Reg Alcock, président du Conseil du Trésor.
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne est mandaté pour inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor et la présidente de la Commission de la fonction publique, leurs fonctionnaires et d'autres témoins à comparaître devant lui dans le but d'examiner des cas de présumée discrimination dans l'embauche et la promotion au sein de la fonction publique fédérale et de déterminer dans quelle mesure les objectifs concernant l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont atteints.
Monsieur Alcock, soyez le bienvenu. La présidente de la Commission de la fonction publique a comparu devant le comité. Vous savez que nous ne nous penchons pas sur des cas en particulier, mais que nous examinons plutôt les processus, les politiques et les pratiques qui permettront à tous les Canadiens de participer activement aux initiatives de la Commission de la fonction publique, d'éliminer toute forme de discrimination et de voir comment vous assurez l'équité en matière d'emploi.
Par suite de l'adoption du nouveau projet de loi et compte tenu de toutes les autres pratiques, nous aimerions entendre votre déclaration d'ouverture. Vous avez la parole.
L'honorable Reg Alcock, président du Conseil du Trésor : Madame la présidente, je suis heureux d'être ici cet après- midi pour vous parler des progrès qu'a réalisés le gouvernement du Canada en créant une fonction publique qui soit représentative de la société canadienne, inclusive, qui reflète en tous points la riche diversité des peuples qui composent cette grande société multiculturelle qu'est la nôtre.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Glen Bailey, vice-président, Direction de la planification et responsabilisation en matière de ressources humaines, et de M. Wally Boxhill, directeur, Équité en emploi, Section de la politique, de la planification et des rapports. Ils travaillent tous deux pour la nouvelle Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada. C'est maintenant cette agence qui assume la responsabilité première, conjointement avec la Commission de la fonction publique et certains ministères et organismes, de veiller à la mise en application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, qui vise la fonction publique. La Commission canadienne des droits de la personne doit également faire le suivi de la Loi et effectuer des vérifications de conformité avec la Loi.
J'aimerais tout d'abord vous résumer les principaux éléments de la Loi et la répartition des responsabilités dans l'ensemble du gouvernement pour ce qui est de sa mise en œuvre. La Loi a pour objectif d'utiliser des mesures positives afin d'augmenter la représentation des groupes désignés et leur participation au marché du travail. Elle s'applique à tous les employeurs de compétence fédérale, et la responsabilité de l'application de la Loi relève du ministre du Travail. La Loi définit les obligations de la fonction publique en matière d'équité en milieu de travail pour les Autochtones, les membres des minorités visibles, les personnes handicapées et les femmes.
Sept principaux organismes participent à l'exécution des mesures établies dans la Loi. Voici leurs responsabilités : l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada exerce les fonctions d'employeur liées à l'équité en emploi et élabore les cadres de planification et de responsabilisation en matière de ressources humaines nécessaires pour atteindre les objectifs de la Loi, fournir une aide aux ministères pour la formation et contrôler et évaluer le rendement des ministères, et par le fait même, celui de l'ensemble de la fonction publique. L'Agence a élaboré divers programmes de formation, des pratiques exemplaires et des boîtes à outils destinés aux ministères.
Les ministères doivent atteindre leurs objectifs en fonction de la structure particulière de leurs effectifs et de leurs tendances en matière de recrutement.
La Commission canadienne des droits de la personne surveille et vérifie la conformité avec la Loi sur l'équité en matière d'emploi au moyen de vérifications ministérielles.
La Commission de la fonction publique est responsable du recrutement et de la dotation. Quant aux agents négociateurs, la Loi sur l'équité en matière d'emploi impose aux employeurs l'obligation de consulter et de collaborer. Cette obligation est remplie par l'entremise du Comité mixte de l'équité en emploi du Conseil national mixte dont M. Boxhill est le coprésident.
Les représentants des groupes désignés fournissent des conseils et font la promotion d'un rendement accru pour l'atteinte des objectifs poursuivis.
Le Groupe consultatif externe de Faire place au changement fournit des conseils externes indépendants à l'Agence et à la CFP au sujet de la mise en œuvre et de la direction du plan d'action et de l'initiative Faire place au changement, appelée couramment « Faire place au changement ».
J'ai rencontré, il y a deux semaines, trois membres du Groupe consultatif externe, y compris le président, M. Errol Mendes. Nous avons échangé des idées quant à la façon de faire avancer l'objectif qui est d'augmenter la représentation des minorités visibles dans la fonction publique et d'accroître la sensibilisation à la diversité de la société canadienne.
À l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, 35 employés sont affectés à ce programme et ils disposent d'un budget permanent de 3 millions de dollars. Au cours des dix dernières années, le gouvernement a dépensé 30 millions de dollars en fonds de programme pour financer des activités, comme les initiatives de recrutement que vous a décrites Mme Maria Barrados lors de son témoignage de la semaine dernière, ainsi que certains projets propres à chaque ministère. Il reste environ 15 millions de dollars à verser au cours des prochaines années.
Les représentants de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique travaillent en étroite collaboration avec les ministères à la création d'autres projets et je suis certain que vous aimeriez entendre parler des progrès réalisés.
Permettez-moi donc de résumer quelques-uns des principaux résultats obtenus au cours des dernières années. Près de 4 p. 100 de l'ensemble des employés de la fonction publique sont des Autochtones; ce pourcentage est supérieur à leur taux de participation au marché du travail. Cette proportion augmente de façon régulière. Le nombre d'employés autochtones du Groupe de la direction est de 124; ce nombre a doublé depuis 1988 1989.
Une forte proportion d'employés autochtones — presque un sur dix — suivent le Programme Cours et affectations de perfectionnement, qui dépiste les gestionnaires intermédiaires ayant de fortes chances de devenir des cadres supérieurs et cette importante représentation aura une forte incidence dans un avenir rapproché.
Toutes proportions gardées, les femmes sont représentées en plus grand nombre dans la fonction publique que sur le marché du travail canadien. Près de 53 p. 100 de la fonction publique est composée de femmes; cette proportion est supérieure de 5 p. 100 à celle de la dernière décennie. Au cours des cinq dernières années, le nombre de femmes occupant un poste de direction a augmenté de plus de 50 p. 100. Dans le groupe Direction, 35 p. 100 de la population totale des EX sont des femmes.
La représentation globale des personnes handicapées est une fois et demie supérieure à leur participation au marché du travail. Plus de 200 employés de niveau EX sont des personnes handicapées, alors que ce nombre n'était que de 101 en 1999. Les personnes handicapées sont très bien représentées dans le Programme Cours et affectations de perfectionnement et le Programme de formation des cadres.
Il y a une croissance soutenue du nombre de membres des minorités visibles à tous les niveaux; en effet, on a constaté une augmentation de 5 000 employés de ce groupe depuis l'exercice 2000. La représentation globale des membres des minorités visibles reste toutefois inférieure à la participation au marché du travail (environ 8 p. 100 contre 10 p. 100). Nous sommes bien loin de l'objectif du plan d'action de l'initiative Faire place au changement de recruter un candidat sur cinq dans le groupe des minorités visibles à tous les niveaux, même si nous avons plus que doublé le pourcentage des membres des minorités visibles sélectionnés.
Nous avons réussi à recruter des membres des minorités visibles en vue de la participation à un grand nombre de programmes spéciaux visant à former les gestionnaires et les cadres de l'avenir. Le niveau de participation varie de un sur cinq pour le Programme de formation des cadres à un sur trois pour le programme Cours et affectations de perfectionnement. Depuis le lancement du plan d'action en 2000, nous avons doublé le nombre de membres des minorités visibles du groupe Direction.
J'ai mentionné il y a un instant l'initiative Faire place au changement. Comme il s'agit d'une initiative importante, j'estime nécessaire de vous dire quelques mots de plus à son sujet. Il s'agit d'un plan pour corriger la sous- représentation des membres des minorités visibles dans la fonction publique, qui est en place depuis le printemps 2000. Ce plan d'action établit un objectif repère de un sur cinq pour l'embauche, l'avancement et le perfectionnement professionnel des membres des minorités visibles. Il établit également des mesures pour la création d'une culture organisationnelle inclusive dans les lieux de travail du gouvernement fédéral.
L'engagement du gouvernement à l'égard du plan et de ses objectifs se concrétise par une aide financière. Trente millions de dollars, de 2000 à 2003, pour intégrer les objectifs du plan grâce à des investissements dans des projets dédiés à la sensibilisation, au perfectionnement professionnel, au recrutement, au maintien des effectifs ainsi qu'à la promotion du changement dans la culture organisationnelle. Quinze millions de dollars pour le Fonds pour l'équité en emploi ont été prévus pour 2003 2004 et 2004 2005, pour améliorer le rendement de la diversité, en mettant l'accent sur les minorités visibles et le défi des cadres.
Ces progrès ont donné lieu à de nombreuses réussites. Dans ma province natale du Manitoba, les fonds de l'initiative Faire place au changement ont été utilisés pour financer les efforts des représentants syndicaux régionaux, des membres du Conseil national des minorités visibles et des gestionnaires intermédiaires de la fonction publique afin de recruter et de maintenir en poste les membres des minorités visibles.
De 2000 à 2003, nous avons fait passer la participation des membres des minorités visibles au Manitoba de 238 (4,4 p. 100 des employés fédéraux) à 357 (soit 5,9 p. 100 des employés fédéraux). Le Programme de stagiaires en gestion dirigé par l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique a atteint son objectif de recrutement ciblé de membres des minorités visibles, le recrutement s'élevant à plus de 20 p. 100 pour ce groupe lors des dernières inscriptions.
Service correctionnel Canada a donné plus de 100 séances de formation en diversité à 2 000 gestionnaires et spécialistes des ressources humaines au cours de la dernière année. Selon les vérifications du Programme d'équité en matière d'emploi effectuées par la Commission canadienne des droits de la personne, 53 ministères et organismes exercent maintenant leurs activités en pleine conformité avec la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Vingt-trois pour cent des participants au Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs sont des membres des minorités visibles.
Le bureau régional de TPSGC en Ontario a établi des rapports spéciaux avec l'Association canadienne des paraplégiques, la Société canadienne de l'ouïe et Miziwi Biik, (un organisme autochtone) pour faciliter le recrutement de candidats des groupes désignés.
J'aimerais vous parler quelques minutes de notre façon de faire en sorte que l'équité en emploi soit au centre de nos activités courantes. Il ne fait aucun doute que nous ne réussirons à créer une main-d'œuvre véritablement représentative et une culture ouverte à la diversité que lorsque nos efforts seront présents dans tous les volets de la planification des ressources humaines et des activités. L'équité en emploi ne peut se limiter à des activités marginalisées ni être considérée une simple activité complémentaire.
L'équité en emploi est maintenant entièrement intégrée à la planification et à la responsabilisation en matière de ressources humaines. Elle constitue un élément central de l'examen individuel des ministères pour chaque groupe désigné. L'évaluation de la situation et des progrès réalisés fait partie des discussions que le secrétaire du Conseil du Trésor tient chaque année avec les sous-ministres. Ceux-ci ont une obligation de rendre compte.
Il existe aussi un lien direct entre les ententes de rendement des cadres de direction. Le greffier du Conseil privé a écrit aux administrateurs généraux pour leur exposer ses priorités pour l'année en cours et il a mis l'accent sur la diversité. Les sous-ministres et leurs cadres seront évalués selon leur rendement.
Bien sûr, chaque année, à titre de président du Conseil du Trésor, je dépose au Parlement un rapport dans lequel je présente les progrès réalisés en vue d'atteindre les objectifs dans l'ensemble de la fonction publique. Le rapport 2003- 2004 est en cours de préparation. Je compte le présenter bientôt. Je ne peux le décrire en détail avant son dépôt, mais je peux assurer les membres du comité que ce document démontrera clairement que nous continuons de réaliser des progrès.
À titre d'employeur le plus important du pays, la fonction publique doit faire montre de leadership devant les autres gouvernements et le secteur privé.
Au cours de la dernière année, en collaboration avec le sénateur Oliver, le gouvernement a financé un important programme de recherche dirigé par le Conference Board du Canada afin de définir les contraintes et les expériences des minorités visibles et les pratiques exemplaires ayant cours dans les secteurs public et privé afin d'éliminer ou de contourner ces obstacles.
Voici deux retombées positives du projet : on a tenu un sommet des leaders réunissant les cadres supérieurs du secteur privé afin de renforcer la participation des minorités visibles et on est à préparer un guide de l'employeur qui fournira aux gestionnaires des exemples de pratiques efficaces utilisées pour tirer le meilleur rendement possible des employés des minorités visibles.
Comme vous, je désire que l'on conserve notre élan dans ces importantes initiatives. J'estime que ces initiatives produiront bientôt le genre de fonction publique que nous désirons tous et toutes : une fonction publique ouverte à tous les Canadiens compétents et où les meilleurs au Canada et les meilleurs au monde viendront faire carrière.
Nous devons, tous autant que nous sommes, prendre part au processus pour que cette vision se concrétise. Je suis heureux de me trouver devant le comité permanent et j'espère poursuivre ce dialogue avec vous et avec d'autres comités parlementaires.
La présidente : M. Boxhill et M. Bailey sont là pour vous aider à répondre à des questions bien précises. Est-ce exact?
M. Alcock : Oui.
Le sénateur Oliver : Monsieur le ministre, soyez le bienvenu et félicitations pour cet excellent rapport. Ce qui m'a intéressé quand je vous ai entendu décrire votre rapport, c'est qu'il existe au Canada quatre groupes cibles. Dans votre document, vous dites justement que les femmes, les Autochtones et les personnes handicapées ont fait d'importants progrès. Le gouvernement mérite des félicitations pour les chiffres qu'il est en mesure de donner.
Le quatrième groupe est ce que l'on appelle les minorités visibles et, à ce sujet, le rapport n'est pas reluisant.
Je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que le racisme à l'endroit des minorités visibles dans la fonction publique du Canada est toujours omniprésent. J'ai reçu des dizaines et des dizaines de courriels ou de lettres de partout au Canada, de personnes qui travaillent dans la fonction publique du Canada et qui se plaignent des obstacles qu'elles doivent systématiquement surmonter pour progresser et être traitées de façon égale et équitable.
Monsieur le ministre, je sais que pour vous, c'est une honte. De nombreux membres des minorités visibles vous considèrent comme leur champion, comme le ministre qui se lèvera pour défendre leurs droits et qui n'est pas une mauviette, un ministre qui n'a pas peur de faire des changements innovateurs pour que tous les Canadiens soient sur un pied d'égalité.
Monsieur le ministre, il nous faut un nouvel agent du Parlement, un commissaire à la diversité, chargé de mettre en œuvre l'initiative Faire place au changement dont vous avez parlé, qui relèverait du BCP, la branche politique du gouvernement, rassemblant la force, le pouvoir et la volonté. Est-ce que vous allez agir immédiatement pour prendre les mesures nécessaires afin de créer un tel poste que l'on appellerait commissaire à la diversité?
Monsieur le ministre, je n'ai pas dit commissaire aux minorités visibles mais commissaire à la diversité parce que nous serons tous gagnants lorsque les gens auront compris comment la diversité peut faire fructifier l'économie et les affaires. Allez-vous militer en faveur de la création d'un tel poste?
M. Alcock : J'apprécie particulièrement votre intérêt et les efforts que vous faites pour défendre les autres. Pour le bénéfice des sénateurs, le sénateur Oliver et moi avons déjà discuté de cette question à plusieurs reprises ailleurs.
Je vous remercie de vos commentaires sur les progrès réalisés pour les femmes, les Autochtones et les personnes handicapées. Au niveau du nombre, c'est assez vrai. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir du côté des postes de direction. Nous n'avons pas atteint de cibles comparables à ce niveau, même si le recrutement et certaines des activités de perfectionnement en ce qui concerne nos initiatives de gestion spéciale sont encourageantes et que nous devrions y parvenir. Je rappelle à tous qu'une chance unique se présente alors que le groupe de la direction se prépare à la retraite. De fait, nous passons beaucoup de temps à chercher comment répondre à la demande.
Au chapitre des minorités visibles, il est vrai que nous avons réalisé des progrès importants, mais nous ne n'avons pas encore atteint nos objectifs. Nous n'y sommes pas encore parvenus. Cela serait vrai dans les deux cas, bien que, je le répète, nous ayons de l'avance au chapitre du recrutement comme nous devons le faire dans ce genre de programmes de gestion qui vont être utiles au niveau des cadres.
Nous partageons exactement les mêmes buts. Il nous faut trouver tous les mécanismes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs, et d'en profiter. Je vous ai dit que j'aimerais discuter un peu plus de la meilleure façon d'y parvenir, à savoir si la création d'un autre poste d'agent du Parlement serait le meilleur moyen ou non. Franchement, l'une des choses dont on parle, c'est la rémunération des cadres dans ce nouveau modèle de gestion parce que nous avons restructuré en profondeur la façon d'assurer la gestion et la responsabilisation au sein de la fonction publique. L'un des critères de ce programme de gestion du rendement est que les gestionnaires seront évalués en regard du succès qu'ils auront obtenu pour faire progresser ces objectifs. Peut-être cela nous aidera-t-il à atteindre nos objectifs.
Nous comptons déjà sur la surveillance de la Commission canadienne des droits de la personne. La seule hésitation que j'ai à vous donner un oui absolu, c'est seulement au sujet de la création d'un autre poste d'agent du Parlement. Je crois que nous pouvons atteindre nos objectifs de bien des façons.
Le sénateur Oliver : Dans toutes les plaintes et préoccupations qu'on me fait parvenir régulièrement, les personnes semblent dire qu'il n'y a nulle part dans tout le Canada où les minorités visibles peuvent aller pour s'adresser à quelqu'un qui a le pouvoir et la volonté du gouvernement d'apporter les changements qui doivent être faits. Si un commissaire à la diversité pour tout le Canada disposait du même genre de pouvoirs que la commissaire aux langues officielles, il aurait de l'influence et pourrait y parvenir. Qui d'autre peut s'adresser à un sous-ministre et dire : « Vous n'avez pas réussi à atteindre les objectifs établis pour ces quatre groupes cibles, donc, je vais vous taper sur les doigts »? Cela ne suffit pas. Si le commissaire avait le rang de sous-ministre et l'oreille du premier ministre et du bureau du premier ministre au BCP, cela fonctionnerait parce que, d'après ce que j'ai compris, c'est ainsi que fonctionne la structure du pouvoir à Ottawa. Ai-je tort de supposer une telle chose?
M. Alcock : Vous avez tout à fait raison. Ni l'un ni l'autre des deux messieurs assis à mes côtés ne m'ayant encore tiré par la manche, je vais donc continuer.
Vous avez raison de dire que la personne qui fera le plus avancer les choses à ce sujet est le fonctionnaire de plus haut rang au pays, le greffier du Conseil privé, qui s'occupe des évaluations de rendement des sous-ministres. Il a inclus dans la mesure de leur rendement leur capacité d'atteindre ces objectifs. Vous avez donc là un outil très puissant.
L'agent du Parlement fera un travail très utile pour exposer les problèmes. Cela ne fait absolument aucun doute, mais aucun agent du Parlement ne peut intervenir pour susciter un changement. Quand bien même nulle autre que la vérificatrice générale dirait d'une chose qu'elle ne va pas et qu'elle doit être corrigée, elle ne pourrait ordonner un changement et ce, de façon bien délibérée, parce qu'elle doit ensuite effectuer la vérification des mesures adoptées.
De même, la Commission des droits de la personne dispose effectivement du pouvoir que vous cherchez à obtenir, c'est-à-dire d'examiner les plaintes, d'y répondre et d'en faire part dans un rapport au premier ministre ou à la Chambre. Lorsque la population active sera totalement diversifiée et que le problème se sera estompé, on pourra alors avec bonheur passer à autre chose.
Si vous estimez et c'est l'accord que vous et moi devons chercher à conclure qu'un instrument différent de ceux que nous avons actuellement serait utile, je suis tout à fait disposé à en discuter avec vous. Je réagis simplement à l'expression agent du Parlement qui, à mon avis, serait un outil beaucoup plus gênant.
Pour atteindre l'objectif que vous souhaitez atteindre, sénateur Oliver, je tiens à vous assurer que je suis 100 p. 100 avec vous.
Le sénateur Oliver : Parce que vous n'êtes pas un dégonflé.
M. Alcock : Je fais très attention à cela. Le sénateur Carstairs est là. Elle sait que j'essaie de prendre moins de place depuis des années.
Le sénateur Poy : Monsieur le ministre, vous avez dit que le seul groupe pour lequel on ne constate pas autant de progrès ou de progrès acceptables est celui des minorités visibles.
Croyez-vous que la politique des langues officielles, telle qu'elle est appliquée au gouvernement fédéral, porte atteinte au principe du mérite? Le problème se répète maintes et maintes fois. Est-ce que les meilleurs candidats ou bien n'entrent pas dans la fonction publique à cause du bilinguisme, ou bien quittent la fonction publique après quelques années à cause de cette politique?
M. Alcock : Comme vous le signalez, c'est là un problème. Nous avons reçu certains commentaires sur l'impact non seulement de la politique sur les langues officielles dans son ensemble, mais sur le resserrement des compétences au niveau EX.
La question des nouveaux Canadiens et leur difficulté à apprendre une nouvelle langue soit l'une ou l'autre des deux langues officielles et ensuite une troisième langue a été soulevée. Elle mérite enquête pour voir si cela constitue un obstacle. J'en ai parlé avec les responsables de Faire face au changement lorsque je les ai rencontrés.
Mais j'aimerais préciser autre chose. J'ai à mon bureau quatre jeunes qui travaillent pour moi et qui entreraient très bien dans ces catégories, car ils sont des membres des minorités visibles, et sont tous entièrement bilingues. Comme nous le savons bien, la première génération des nouveaux Canadiens accorde en général beaucoup d'attention à l'éducation et encore, dans l'ensemble, acquiert des compétences très rapidement. Cela n'enlève rien au problème qu'éprouve un nouveau Canadien qui arrive ici. Je pense que notre politique mérite un bon examen.
Le sénateur Poy : Ce ne sont pas seulement les nouveaux Canadiens. Le problème de la langue pourrait être au niveau régional. Si l'on parle de pourcentage, il se pourrait que quelqu'un de la Colombie-Britannique ne soit pas aussi bilingue, disons, que quelqu'un du Québec ou de la région ici.
M. Alcock : Oui, bien que cela nous amène à quelque chose d'autre. Je le répète, pour un nouvel arrivant au Canada qui doit apprendre une langue, et ensuite les deux langues officielles, cela pose des problèmes sur lesquels nous devrions nous pencher.
En plus, nous sommes un pays officiellement bilingue et ce, depuis longtemps. Les gens qui veulent faire carrière dans la fonction publique le savent. Ce n'est pas comme c'était dans les années 1970 à l'époque où on ne faisait qu'élaborer les politiques. Si vous sortez d'une école secondaire, que vous entrez à l'université et que vous désirez travailler dans la fonction publique fédérale, vous savez que cela est une exigence. Vous savez qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'être complètement bilingue si vous êtes dans une région non désignée du pays et que vous occupez un poste non désigné, mais vous savez que si vous voulez progresser dans l'échelle des cadres, que c'est là une chose que vous allez devoir faire. Je me demande si c'est une exigence si difficile dans un pays officiellement bilingue. Il y a 100 000 enfants dans l'Ouest du Canada qui sont inscrits à des programmes d'immersion actuellement. On est suffisamment prévenu aujourd'hui et on peut trouver suffisamment de soutien que là n'est pas le problème. Je ne suis pas convaincu que c'est un obstacle si grand que certains veulent le faire croire.
Le sénateur Poy : D'après les documents que j'ai lus, il semble que l'exigence linguistique passe souvent avant le mérite dans la fonction publique. Ce qui compte, ce n'est pas ce que les gens peuvent faire ou quelle formation ils ont. L'exigence linguistique semble être un assez gros problème dans la fonction publique.
M. Alcock : Sénateur, je viens de l'Ouest. La question a toujours fait problème pratiquement toute ma vie professionnelle durant. Je suis assez vieux pour avoir grandi avec ce problème.
Certains sont préoccupés actuellement par les exigences plus rigoureuses au niveau EX et par les règles impératives de dotation qui ont été adoptées. Vous avez peut-être vu que ces questions ont été soulevées récemment.
On ne sait jamais si la preuve confirme la préoccupation. On entend les gens citer des exemples de problèmes, mais il n'y a encore rien d'absolu. Certains ont exprimé des préoccupations au sujet des tests. Ceux qui les administrent sont disposés à examiner la question.
Quand on regarde les statistiques au sujet du nombre de postes désignés, il est toujours difficile de connaître le nombre d'anglophones par rapport aux francophones. Les statistiques actuelles ne corroborent pas cette préoccupation.
Le sénateur Poy : On dit qu'en 2011, la croissance nette de la main-d'œuvre proviendra de l'immigration. Est-ce que vous avez des mesures en place pour faire face à la nouvelle main-d'œuvre qui entrera au pays?
M. Alcock : Cette question nous ramène à ce premier commentaire. Je pense effectivement qu'il y a là un problème. Beaucoup de gens entrent dans la fonction publique et n'ont pas besoin de satisfaire aux exigences du bilinguisme à leurs débuts. La dotation impérative est obligatoire à deux niveaux. Il y a des postes désignés bilingues au fur et à mesure qu'on avance dans les catégories de cadres supérieurs. Dans la plupart des cas, les gens ne sont pas à ce niveau au moment de leur entrée dans la fonction publique.
On pourrait parler de la triple exigence d'apprendre l'une des deux langues officielles et d'avoir à en apprendre une autre ensuite. Il faut nous pencher là-dessus.
Bien honnêtement, je n'ai pas de solution à vous proposer. C'est un problème relativement nouveau qui m'a été soumis. Pour plaider cette cause, nous devrions au moins prendre le temps de l'examiner afin d'en déterminer les impacts et la façon de les aborder. Vous avez tout à fait raison.
Je dirais que c'est un problème qui se répercutera dans toute la fonction publique. Nous allons nous disputer âprement les employés dans une décennie et ce, à tous les niveaux. Nous allons être en concurrence directe pour les postes professionnels. Si nous ne commençons pas à envisager comment régler ce problème maintenant, nous allons avoir un problème très grave.
Le sénateur Pearson : Bien que je n'aie pas de documents à l'appui, quelqu'un m'a dit que le secteur privé réussit plus facilement que le secteur public à attirer les membres des minorités visibles. Comme je n'ai pas les documents, je vous répète ce que j'ai entendu. J'aimerais savoir si, à votre avis, nous nous faisons concurrence pour obtenir un certain nombre de ces jeunes personnes extrêmement talentueuses. Nous n'offrons pas une rémunération aussi intéressante qu'ailleurs. Est-ce également un problème? Est-ce un défi?
M. Alcock : Sénateur Pearson, les gens cherchent ici des documents pour voir si l'on peut fournir des preuves de ce que vous avancez au sujet du secteur privé. Puisque vous avez ouvert la porte, permettez-moi de prendre quelques minutes pour aborder le deuxième volet de votre question.
Comme vous le savez, je suis l'employeur et l'agent négociateur de la fonction publique. Avant que nous entreprenions cette dernière ronde de négociations, je disposais de diverses études qui portaient sur la masse salariale du secteur public.
Cela est indéniable aux niveaux supérieurs de la fonction publique. On peut dire que le titulaire d'un poste de niveau EX 1 a sensiblement le même salaire qu'une personne qui occupe un poste comparable dans le secteur privé, mais dès que l'on monte dans l'échelle, la comparaison ne tient plus. Le gouvernement est nettement en deçà. Nous devons tout simplement faire face au problème.
Nous réclamons une norme beaucoup plus élevée. Les crédits reconnus par les provinces et l'accréditation professionnelle en ce qui a trait à la fonction moderne de contrôleur et aux fonctions de vérification vont nous placer en concurrence directe avec de grandes agences du secteur privé qui s'adaptent aux nouvelles règles des commissions des valeurs mobilières. Pour ce qui est des programmes informatiques et des techniciens, nous avons dû ajuster nos salaires pour être concurrentiels.
Autre chose qui me dérange, c'est ce malaise plus général dans la gestion du secteur public. Je me rends souvent dans les campus. Je suis assez vieux pour pouvoir dire maintenant : « Quand j'étais jeune. »
Quand j'étais jeune, occuper un poste dans la fonction publique, c'était bien. C'était emballant. La fonction publique était un employeur de choix parce qu'on y faisait des choses intéressantes et excitantes.
Aujourd'hui, si vous vous adressez à 350 étudiants sur un campus universitaire et que vous demandez combien d'entre eux prévoient faire carrière dans la fonction publique, vous êtes chanceux si quelqu'un lève la main. Je ne crois pas que l'argent soit le seul élément en cause, mais ça concerne aussi le malaise général qui existe dans la fonction publique.
J'ai dit au sénateur Oliver, au Comité sénatorial des finances nationales, que l'une des choses que j'aime bien au sujet de ce comité, c'est qu'il examine les questions de façon sérieuse et s'y attaque avec intérêt. Nous devons rebâtir la gestion du secteur public pour en faire un milieu accueillant pour tout le monde, pas seulement pour les membres des minorités visibles.
Le sénateur Pearson : Avez-vous trouvé l'information?
M. Alcock : N'est-ce pas déprimant?
La présidente : Vous rassemblerez tous les documents et les déposerez auprès du greffier.
M. Alcock : Je peux dire au sénateur qu'en ce qui a trait à la représentation des femmes, nous sommes en avance. Pour la représentation des Autochtones, même chose. Pour la représentation des personnes handicapées, aussi, mais nous traînons de la patte, comme on dit 7,4 p. 100 en mars 2003 à la fonction publique fédérale et 12,2 p. 100 dans le secteur privé.
Le sénateur Pearson : Merci.
M. Alcock : C'est intéressant.
Le sénateur LeBreton : J'aimerais poser deux questions, dont une concerne les femmes. L'un de vos prédécesseurs et une collègue à nous au Sénat, le sénateur Carney, lorsqu'elle était présidente du Conseil du Trésor, a commandé une étude que je garde dans mon bureau. Le sénateur Carney insisterait probablement pour qu'elle y reste. C'était un rapport sur l'embauche des femmes, particulièrement au niveau supérieur. J'espère que c'était là une lecture obligatoire lorsque vous avez accepté le poste de président du Conseil du Trésor.
Dans votre déclaration, vous avez dit que, dans le groupe de la direction, 35 p. 100 de la population totale étaient des femmes. Quel était le pourcentage il y a cinq ans?
M. Alcock : Puis-je ajouter un autre élément d'information que l'on vient tout juste de me donner au cas où le comité souhaiterait entreprendre un examen de la répartition régionale de la fonction publique fédérale? Quarante pour cent des fonctionnaires sont à Ottawa, mais il n'y a pas ici une vaste population minoritaire. Il y a beaucoup de membres des minorités visibles à Toronto, Vancouver et Montréal. Le secteur privé peut profiter d'un bassin plus vaste.
Le sénateur LeBreton : Vous m'avez volé ma deuxième question. J'ai posé la même à la présidente de la Commission de la fonction publique au sujet du recrutement.
M. Alcock : On me dit qu'en 1999, c'était 26,9 p. 100.
Le sénateur LeBreton : Le pourcentage est passé de près de 30 p. 100 à 35 p. 100 en cinq ans.
Comme je viens de le dire, vous avez devancé ma prochaine question. Je l'ai posée à la présidente de la Commission de la fonction publique. En ce qui concerne le recrutement chez les minorités visibles, le bassin potentiel dans la région de la capitale nationale n'est pas aussi vaste qu'il le serait à Toronto, Montréal ou Vancouver pour ne nommer que ces trois grands centres de même que, probablement, dans d'autres régions du pays.
Nous avons donc ce problème qui veut que seules certaines personnes peuvent présenter leur candidature si elles vivent dans une certaine zone de sélection. Quelles mesures adopteriez-vous pour éliminer les frontières en ce qui concerne les personnes qui peuvent être recrutées et quelles mesures incitatives sont offertes pour attirer les minorités visibles à déposer d'abord leur candidature et à déménager ensuite de Toronto, de Vancouver ou de Montréal dans la région de la capitale nationale? Est-ce que l'on offre une aide quelconque à ces gens à cet égard?
M. Alcock : La question est intéressante. J'ai envisagé la politique sur la sélection à l'échelle nationale d'un point de vue différent. Bien honnêtement, j'ai simplement demandé si l'on savait si cette politique avait été examinée.
La politique sur la zone nationale de sélection avait simplement pour objectif de contrôler le volume de demandes. Je crois qu'elle a été adoptée dans les années 1960. Mme Barrados travaille maintenant à l'élaboration d'une proposition visant à permettre le recrutement électronique à l'échelle nationale pour contrer ce problème.
Il ne m'est jamais venu à l'esprit, pas plus qu'à celui des personnes qui sont probablement plus sages que moi au Ministère, de me demander si cette politique a un impact sur l'accès aux gens de Montréal, de Toronto et des grands centres où il y a un plus grand nombre de minorités visibles.
Connaissez-vous la réponse à cette question?
M. Glen Bailey, vice-président, Planification et responsabilisation en matière de ressources humaines, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada : Non, je ne l'ai pas. Je ne suis pas certain que cet angle précis de la question ait été examiné, mais nous nous sommes penchés sur le recrutement postsecondaire ou d'autres initiatives précises de recrutement dont nous avons parlé dans certains ministères. Comme l'a précisé Mme Barrados lors de son dernier témoignage, des efforts ont été déployés pour cibler les minorités visibles et d'autres groupes désignés dans le processus de recrutement.
Le sénateur LeBreton : Toronto est l'une, sinon la ville la plus multiculturelle du monde. Je suis d'accord pour dire qu'il faut amener les gens à penser que la fonction publique offre une carrière beaucoup plus attirante. Il me semble que ce serait là un bon endroit pour commencer non seulement le recrutement actif, parce qu'il y a des gens très talentueux, mais aussi pour lancer un programme qui leur permettrait de progresser.
M. Alcock : Honnêtement, vous me prenez au dépourvu. Il semble que mes deux amis soient aussi perplexes que moi.
Je vais examiner la question. Elle vaut la peine de s'y intéresser. Toronto est une ville magnifique, presque autant que Winnipeg. Il y a plusieurs endroits, en dehors d'ici, où l'on pourrait faire du recrutement.
Le sénateur LeBreton : Nous semblons être entourés de gens de Winnipeg aujourd'hui.
M. Alcock : On se déplace en meute.
La présidente : Cela n'est pas de la discrimination.
Peut-être pourriez-vous nous donner une réponse une fois que vous aurez examiné ce problème. La question que j'ai soulevée, et qui a été abordée par quelques autres sénateurs et députés de la Chambre, est que si nous voulons changer la perception de la fonction publique, nous devons arriver à joindre les étudiants plus tôt de sorte qu'ils puissent comprendre la question. Les programmes d'emplois d'été sont destinés aux résidents d'Ottawa. Cela exclut les jeunes du reste du Canada, y compris des jeunes que je connais de l'Université de Saskatchewan, qui seraient disposés à venir travailler ici à leurs propres frais. Ils ne demandent pas au gouvernement de payer leurs déplacements. Ils veulent acquérir de l'expérience, mais on les écarte.
Quand on réfléchit à la question, il faudrait envisager de le faire sur une nouvelle base. Certains pensent qu'il y a discrimination à l'égard des régions.
M. Alcock : En ce qui a trait à la première question concernant un recrutement efficace dans les grands centres, je vais vous revenir là-dessus dès que nous pourrons trouver une réponse.
Pour ce qui est des emplois d'été, je connais ces deux jeunes femmes assez bien. Elles m'ont écrit. Je les ai rencontrées. J'ai eu une conversation assez intéressante avec elles à ce sujet. Ce sont deux étudiantes en droit extrêmement brillantes de Saskatoon. Elles ont soulevé un véritable problème que nous sommes en train d'examiner.
La présidente : Elles sont capables de s'affirmer et elles fréquentent une école de droit, ce qui les aide. Lorsqu'on envisage le vaste spectre des personnes dans le domaine de l'agriculture, de la santé, et cetera, il s'y trouve des jeunes qui ne savent pas qu'ils ont la possibilité de venir à Ottawa et qui ne sauraient comment y parvenir. Si ce programme leur était offert, je pense qu'on verrait un grand changement dans la fonction publique.
M. Alcock : Absolument. Il y a d'autres problèmes. Vous avez raison. Nous allons poursuivre notre examen de la question.
Nos processus de recrutement nous causent d'autres problèmes. Nous sommes en période de transition, passant d'une façon traditionnelle de faire les choses à ce nouveau régime de gestion et de modernisation de la fonction publique qui doit s'atteler à notre capacité de recrutement.
Je ne sais pas si vous avez parlé de son rapport à Mme Barrados, mais les résultats obtenus au regard de l'énergie que nous dépensons actuellement en matière de recrutement ne sont pas encourageants.
J'espère que nous ressortirons de cette période de transition en meilleure forme pour assumer certaines de ces responsabilités. Il y a actuellement des défis à relever.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question concerne la formation linguistique, la maîtrise des deux langues officielles et l'égalité des chances des membres de la minorité visible.
Nous savons tous très bien que l'immigration va contribuer à l'accroissement de la population au Canada. Nous savons tous très bien que le nombre de Canadiens parlant le français n'augmente pas tellement comparativement au nombre de Canadiens parlant l'anglais.
Des études démontrent que l'immigration est un des facteurs qui pourraient contribuer à ceci pour les raisons suivantes. Les nouveaux arrivants n'ont pas nécessairement des chances équivalentes d'apprendre le français lorsqu'ils le désirent que d'apprendre la langue anglaise.
J'ai eu l'occasion de discuter de la formation en français avec de nouveaux arrivants en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan ainsi qu'à Winnipeg, dans ma province. Ils disent qu'il est très facile d'obtenir de la formation en anglais comparativement à la formation en français qui n'est pas souvent pas disponible.
L'ambassadeur de France qui vient d'arriver au Canada il y a quelque mois nous donnait l'exemple de la Colombie- Britannique où la population chinoise veut tellement apprendre le français que l'Alliance française ne fournit pas à ouvrir des bureaux satellites pour offrir des cours de français à la population chinoise en Colombie- Britannique. L'ambassadeur nous confirmait cela lors d'une mini conférence qu'il a donnée.
Mes questions sont les suivantes. est-ce que la loi sur l'équité en matière d'emploi s'applique à l'égalité des chances pour ces nouveaux arrivants d'apprendre les deux langues officielles du pays? Si non, est-ce que des politiques touchent cette question? Avez-vous un rôle à jouer à cet égard et est-ce qu'il y a des objectifs?
[Traduction]
M. Alcock : Parlez-vous seulement des nouveaux immigrants au Canada, et de leur capacité d'apprendre les deux langues officielles, ou si vous parlez des nouveaux immigrants au Canada qui seraient membres de la fonction publique fédérale?
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question concerne réellement ces deux groupes. S'ils n'ont pas l'égalité des chances d'apprendre les deux langues lorsqu'ils arrivent au Canada, comment peuvent-ils avoir l'égalité des chances de pouvoir avoir accès à un emploi dans la fonction publique?
[Traduction]
M. Alcock : Je travaille là-dessus.
[Français]
Mme Diane Monet, vice-présidente, Langues officielles, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada : En ce qui concerne l'immigration et le développement des communautés minoritaires, le Plan d'action sur les langues officielles a prévu des initiatives et un financement pour venir en aide aux communautés minoritaires.
Je sais qu'il y a plusieurs projets au ministère de l'Immigration qui travaille dans le même sens. Il ne s'agit pas seulement d'accueillir des immigrants francophones, il s'agit également d'encourager l'accueil au sein des communautés afin que ces nouveaux arrivants puissent mener leur vie au sein des communautés minoritaires au Canada.
Cela m'encourage de savoir que l'Alliance française n'arrive pas à tout financer. Cela veut dire que beaucoup de gens s'intéressent à la formation linguistique. En ce qui concerne la fonction publique, je veux souligner qu'il y a 39 p. 100 de postes bilingues dans la fonction publique. Donc, il y a amplement d'occasion pour les Canadiens, qu'ils soient immigrants récents ou non, d'avoir une carrière dans la fonction publique, sans même être bilingues. Cela répond un peu à votre question, à savoir s'ils ont accès aux postes au sein de l'administration fédérale. La réponse est oui et la formation linguistique existe dans la fonction publique s'ils accèdent à un poste bilingue et on encourage de plus en plus la formation proactive.
[Traduction]
M. Alcock : Dans le sondage mené auprès des employés de la fonction publique en 2002, 11 p. 100 des répondants membres des minorités visibles ont indiqué que le fait de ne pas avoir accès à une formation linguistique avait eu d'importantes répercussions sur leur carrière au cours des trois années précédentes. Cela semble étayer ce que vous dites.
Ainsi, les changements de politique mettent à nouveau l'accent sur le fait d'offrir un meilleur accès à la formation linguistique plus tôt dans la carrière des gens. Cela est étayé d'une étude en cours sur la prestation future de la formation linguistique et des tests linguistiques. Cette étude est menée par l'École de la fonction publique du Canada. Comme vous le savez, cette école est en voie de restructuration, et fait partie de mon portefeuille.
Les groupes d'apprentissage accéléré et de formation au leadership, au sein desquels les membres des minorités visibles sont bien représentés, ont également une composante langue seconde pour aider les gens.
Il est encore raisonnable de dire que, si vous venez au Canada et que votre langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, vous devrez relever un défi supplémentaire pour entrer et progresser dans la fonction publique. Vous devrez apprendre deux autres langues.
Le sénateur Carstairs : Le processus commence bien avant l'entrée dans la fonction publique. Dans une analyse rapide que j'ai faite des exigences de l'école secondaire publique, j'ai noté que les mathématiques, l'anglais, la littérature française, les sciences et les sciences sociales sont des matières obligatoires pour tous. La langue seconde n'est obligatoire dans aucune province ni aucun territoire au Canada.
Est-ce que vous et vos fonctionnaires avez déjà discuté avec les ministres provinciaux et territoriaux de l'Éducation de la possibilité de faire de la langue seconde du Canada une exigence pour obtenir un diplôme d'études secondaires, au moins au niveau du tronc commun?
Mme Monnet : C'est là une discussion que l'on devrait avoir avec les fonctionnaires de Patrimoine canadien qui sont en voie de revoir les ententes avec les provinces dans le domaine de l'éducation.
À ma connaissance, il n'y a pas de telles discussions. Cependant, je vous précise que cela n'est pas de mon domaine.
M. Alcock : Cela va bien au-delà du soutien accordé aux programmes de formation en langue française dans les écoles provinciales. Vous devriez proposer qu'il y ait une certaine négociation avec les ministres provinciaux de l'Éducation pour voir si on pourrait en faire une exigence principale.
Le sénateur Carstairs : Je parle ici de discussions de base portant sur les besoins futurs de la fonction publique et les besoins sans cesse croissants du nombre de personnes bilingues. Je ne crois pas que cela ait quelque chose à voir avec Patrimoine canadien, mais tout à voir avec le Conseil du Trésor qui devra indiquer aux ministères de l'Éducation de tout le pays que nous avons noté un problème. Le Conseil du Trésor devrait se demander si on peut obtenir de l'aide des provinces pour faire de la formation linguistique une composante du programme de tronc commun.
Au fait, cela faisait partie de ce programme de tronc commun jusqu'au milieu des années 1960. Je devais parler français afin d'obtenir mon diplôme d'études secondaires, tout comme vous. Néanmoins, la Loi sur les langues officielles a été adoptée et on a délaissé cette exigence. Cela semble être ma pomme de discorde pour aujourd'hui.
Vous avez parlé du commissaire à la diversité. Je suis d'accord avec vous. Je ne suis pas certaine que la solution réside dans la création d'un autre poste d'agent du Parlement. Cependant, je pense que la solution est de faire en sorte que les titulaires de poste EX doivent rendre des comptes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de lier leurs primes que, je crois savoir, 96 ou 97 p. 100 d'entre eux reçoivent à leurs progrès en matière de diversité?
M. Alcock : Je vais d'abord répondre à votre question sur les ministres provinciaux de l'Éducation. J'ai rencontré le ministre de l'Éducation du Manitoba au sujet d'une question connexe concernant les communautés autochtones. Il n'y a aucune raison qui nous empêche d' avoir tout au moins une telle conversation.
L'un des volets du mandat de l'Agence est d'examiner les besoins actuels, futurs et nouveaux de la fonction publique. Je pense que cela serait tout à fait possible.
Je suis sûr que le groupe du sénateur Oliver va aborder la question des primes au Comité des finances nationales parce que je veux parler de la rémunération des cadres. Nous sommes en train de passer à une forme différente de gestion dans la fonction publique. Nous allons tenir les sous-ministres et les cadres supérieurs responsables des résultats et non des processus. Cela est bien clair dans la Loi sur la modernisation de la fonction publique.
Ce chiffre de 97 p. 100 est quelque peu inexact. J'examine actuellement la question et je peux vous donner les véritables chiffres. Le programme est un peu plus compliqué que cela.
Vous demandez si cela pourrait faire partie des critères à partir desquels les primes sont évaluées. La réponse est : « Oui, absolument. »
Lundi, je me suis entretenu avec Carol Stephenson, qui dirige le Stephenson Group, et qui s'intéresse à la rémunération des cadres au gouvernement. Elle est la directrice de la Richard Ivey School of Business à l'Université de Western Ontario. Nous allons nous rencontrer en janvier pour parler des façons possibles d'élargir la portée de ce programme.
Nous allons proposer d'accroître les responsabilités précises des fonctionnaires. Je déposerai un rapport à ce sujet au début de la nouvelle année. Il serait très utile d'élargir ces programmes. C'est une façon pour revenir à la question du sénateur Pearson de commencer à récompenser également l'excellence.
Le sénateur Oliver : L'une des façons de révolutionner des endroits comme la fonction publique pour ce qui est de surmonter les obstacles auxquels font face les minorités visibles, c'est de nommer des membres des minorités visibles à des postes de cadre supérieur de prestige. Le premier ministre Mulroney l'a fait dans le cas de Lincoln Alexander et en nommant une personne membre des minorités visibles juge en chef de la Cour fédérale du Canada.
Je sais que vous examinez actuellement la gouvernance des entreprises et les conseils d'administration des sociétés d'État. Êtes-vous disposé à nous dire que vous travaillerez au Cabinet, et en votre capacité de fonctionnaire du gouvernement, pour vous assurer que les minorités visibles auront les mêmes possibilités d'occuper des postes de cadre supérieur au sein des conseils des sociétés d'État et d'avancement au sein de ces conseils?
Le sénateur Poy : Je ne sais pas si la fonction publique fait du recrutement dans les universités, particulièrement au moment de la collation des grades. Si tel est le cas, comment fait-elle concurrence aux sociétés privées?
M. Alcock : Sénateur Oliver, une réponse rapide à votre première question.
Absolument, je vais m'intéresser à cela. Cela est une composante du document sur la gouvernance que j'espère pouvoir déposer dans quelques jours.
On veut deux choses concernant les conseils d'administration. On veut obtenir de la compétence et des caractéristiques. On veut obtenir les caractéristiques du Canada qui incluraient la diversité, absolument.
En ce qui concerne le recrutement, je dirais que notre dossier n'est pas très reluisant. Nous sommes sur les campus et nous encourageons plusieurs jeunes Canadiens à poser leur candidature à des postes fédéraux. Environ 22 000 étudiants ont subi les examens et nous en avons engagé moins de 500. C'est renversant.
Des raisons systémiques expliquent ce phénomène, mais cela n'est pas acceptable. Mme Barrados sait que ce ne l'est pas. Elle en a fait mention dans son rapport et elle et moi en avons discuté. J'en ai discuté avec les gens à l'Agence.
Nous sommes pris dans cette transition entre l'ancienne façon de faire de la Commission de la fonction publique pour engager tout le monde et une nouvelle forme d'embauche. Dans la même année, nous avons engagé environ 490 personnes ou à peu près pour la Commission. Neuf mille de ces jeunes ont été jugés excellents. Nous en avons engagé moins de 500. Nous en avons engagé 30 000 d'autres façons.
Y a-t-il un problème ici? Oui, il y en a un. Est-ce que la Loi sur la modernisation de la fonction publique le règlera? Je crois que oui. Actuellement, nous sommes dans cette période de transition. Voilà ce que je peux vous dire bien franchement.
La présidente : Monsieur le ministre, je vais faire une réflexion et je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez. Il me semble que vous n'êtes pas aussi vieux que moi, mais vous avez une longue expérience, comme vous l'avez dit.
M. Alcock : Je me sens vieillir à chaque jour qui passe.
La présidente : Nous avons toujours abordé la discrimination du point de vue des femmes, des minorités, des Autochtones et des personnes handicapées. Maintenant, quand nous examinons notre main-d'œuvre, nous ne pouvons assurer à nous seuls la relève de notre propre population, nous devons nous tourner vers les gens dans ces quatre groupes désignés par le sénateur Oliver et les nouveaux immigrants. Nous devons voir ces gens comme une occasion qui est offerte au Canada et non comme des gens à former. Autrement dit, les gens ont une valeur égale que nous avons sous-estimée. Nous devons envisager le recrutement de personnes en fonction de leurs compétences particulières et de leur contribution et non leur ouvrir simplement la porte pour les laisser entrer et se joindre à nous. Ils nous arrivent avec des caractéristiques que nous devrions reconnaître comme étant des possibilités offertes au Canada.
Je vous laisse sur cette pensée, monsieur le ministre. Je vous remercie de votre ouverture d'esprit et de votre franchise. J'espère que ce sera le premier de nombreux dialogues à venir.
M. Alcock : Merci beaucoup, sénateur. Je suis très content d'être là aujourd'hui. Je suis très intéressé par les questions touchant la gestion de la fonction publique, comme vous en fera part le sénateur Oliver lors de mes visites à son comité. Chaque fois que vous souhaiterez discuter de questions de cette nature, je viendrai ci.
La présidente : J'apprécie votre offre.
La séance est levée.