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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 13 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit à 16 heures aujourd'hui pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le sénateur Andreychuk : Je souhaite la bienvenue à nos invités et aux témoins du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous entreprenons aujourd'hui une étude historique qui nous permettra d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

À notre connaissance, le Parlement jusqu'ici n'a pas étudié ce sujet en particulier, et nous sommes impatients de consulter les Canadiens, tant des spécialistes que de simples citoyens, sur la façon dont nous pouvons mieux préserver les intérêts ainsi que les droits et les libertés des enfants au Canada comme ailleurs dans le monde.

Aujourd'hui, nous allons entendre deux groupes de témoins. En premier, M. Nicholas Bala, professeur de l'Université Queen's, puis le cabinet Wilson Christen, LLP, représenté par M. Jeffery Wilson, avocat et Mme Maryellen Symons, conseillère juridique.

M. Wilson prendra la parole en premier. Monsieur Wilson, représentez-vous le cabinet mentionné ou comparaissez- vous à titre personnel?

M. Jeffery Wilson, avocat, à titre personnel : Je m'appelle Jeffery Wilson, et à ma droite se trouve Maryellen Symons. Nous nous consacrons entièrement au droit des enfants, et nous avons aussi une certaine connaissance du droit international concernant les enfants. J'étais là au moment de la présentation du premier rapport que le Canada a présenté au comité ainsi qu'au 10e anniversaire de la convention. Nous comparaissons en tant que praticiens. Je représente ici une ONG.

Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités, malgré le délai très court et le peu de temps disponible. Nous aborderons deux questions. D'abord, la valeur de la convention en tant qu'instrument juridique au Canada, et ensuite ce qui peut être fait pour en accroître la valeur.

La première tâche consiste à examiner la valeur de la convention en tant qu'instrument juridique au Canada, et deuxièmement ce qui peut être fait pour en accroître la valeur, dans la mesure du possible. Par « valeur », nous entendons la valeur pour les moins de 18 ans, ce que la Convention vise à protéger.

Mme Maryellen Symons, avocate, à titre personnel : La première question porte donc sur la valeur de la Convention en tant qu'instrument juridique au Canada. Cette valeur n'a d'importance que pour ceux qui la voient. Compte tenu de ce qu'une bonne partie de la collectivité pense des enfants, du moins la grande majorité plutôt que le petit nombre qui sont représentés comme des objets sexuels sur les panneaux publicitaires, la convention, en tant que loi, n'a pas de valeur en droit ni d'effet.

Nous avons tiré de l'ouvrage Wilson on Children and the Law, un certain nombre de cas où le tribunal s'est référé à la convention. Vous trouverez également à l'annexe A une référence à une décision de la Cour suprême du Canada en faveur de notre proposition, selon laquelle les droits garantis par la Charte devraient être conformes aux obligations du Canada en vertu du droit international. Il s'agit de l'affaire Slaight communications Inc. c. Davidson [1989] 1 R.C.S. 1038.

Toutefois, la Cour suprême a également accepté un argument contraire qui fait en sorte que le Canada a ratifié en droit international conventionnel une convention qui n'est pas incorporée à notre législation interne. Il s'agit de l'affaire Baker c. Canada [1999] 2 R.C.S. 817.

La Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants est un exemple de droit international ayant été incorporé à notre législation interne. Un deuxième exemple est celui de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, qui a été adoptée par 12 des 13 autorités provinciales et territoriales au Canada et qui a été sanctionnée mais n'est toujours pas en vigueur au Québec.

Ce sont là de bons exemples. Nous aimerions maintenant passer à la seconde question, celle qui porte sur la façon d'accroître la valeur de la convention, laquelle comme je l'ai dit n'est pas intégrée au droit national et n'a donc que très peu sinon pas du tout d'utilité.

À la suite de notre brève discussion, une réponse responsable pourrait être que les législations fédérale et provinciales incorporent cette convention au droit canadien. Toutefois, nous ferions preuve de naïveté en croyant que les plus de 18 ans ont la capacité ou même le désir de consacrer dans la loi la notion de code des droits de l'enfant. Curieusement, voilà une tâche qui transcende assurément la loi de sorte que les moins 18 ans, en tant que minorité visible, ne reçoivent qu'un prix de consolation sous forme de « C'est dans votre intérêt » plutôt qu'une mention « C'est votre droit ».

Ainsi, les seules personnes que l'on peut frapper avec la présomption d'user de discipline raisonnable sont des humains de moins de 18 ans.

Dans les années 70, une commission dont faisait partie M. Thomas Berger a plaidé en faveur de l'adoption d'un code des droits de l'enfant en Colombie-Britannique. Pendant un certain temps, Mme Hillary Clinton, avocate qui à l'époque se portait à la défense des droits de l'enfant, insistait pour que les États-Unis adoptent un code similaire.

L'incorporation de la convention au droit canadien ne modifierait pas la vie des Canadiens. Toutefois, cela entraînerait l'obligation d'élaborer une grammaire du droit dont la prémisse serait que l'enfant est une entité apte à exercer des droits et à bénéficier de la protection offerte par ces droits dans des limites raisonnables, un exercice qui ne serait guère différent de la grammaire du droit que nous avons élaborée sur une période de 2 000 ans en ce qui a trait à la femme.

Si je continue de discourir sur ce sujet, d'aucuns soutiendront que c'est là un rêve d'enfance. Par conséquent, soyons réalistes et passons à l'annexe B de notre mémoire. Vous y trouverez les articles 42, 43 et 44 de la Convention. L'article 42 exige que les États parties dont le Canada, fassent ce qu'ils peuvent pour faire largement connaître les principes et les dispositions de la convention « par des moyens actifs et appropriés ». L'article 43 établit un Comité des droits de l'enfant, comité qui « se compose de 10 experts de haute moralité et possédant une compétence reconnue dans le domaine visé par la présente Convention ».

Les fonctions des membres du comité sont énoncées aux articles 43 et 44. Contrairement à d'autres conventions internationales (voilà un aspect qui pourrait faire l'objet d'un grief si nous avions plus de temps), cette Convention n'offre aucune possibilité d'arbitrage en cas de présumée violation d'un droit déclaré par voie de pétition dans le cadre d'un forum international. Le remède est beaucoup plus passif et paternaliste et reflète bien les tensions continues entre les moins et les plus de 18 ans. Le seul mécanisme exécutoire pour l'application de la convention est l'obligation des États parties de présenter au comité, tous les cinq ans, un rapport sur les mesures adoptées pour donner aux droits reconnus dans la Convention et sur les progrès en matière de réalisation de ces droits.

M. Wilson : J'ai comparu devant votre comité à titre de porte-parole de la coalition d'ONG lors de l'examen du premier rapport du Canada. J'étais également à Genève en tant que seul représentant d'ONG du Canada pour le dialogue et la réflexion commémorant le 10e anniversaire de la convention. Le rassemblement à Genève de jeunes venus du monde entier à l'invitation du commissaire aux droits de l'homme pour le 10e anniversaire de la convention est ce que j'ai pu observer de plus efficace et de plus significatif en matière d'échange de vues international.

À cette occasion, j'ai aussi laissé place à une autre ambition, celle d'être un journaliste d'enquête, pour enregistrer les délibérations. Malgré la mauvaise qualité de la bande sonore, j'en ai fait faire une centaine de copies que j'ai fait parvenir à tous ceux qui sont en situation d'autorité : juges de la Cour suprême, de la Cour fédérale et des cours provinciales d'appel, présidents de commissions, sénateurs, MM. Ken Dryden et Don Cherry.

J'ai été impressionné par la compréhension réaliste que les moins de 18 ans ont de leur statut et des mesures qu'ils doivent prendre pour améliorer leur position au sein de la collectivité. Bien entendu, cela ne diffère guère de la façon tout instinctive dont les enfants apprennent à s'occuper de leurs parents pour leur propre bien.

Vous comprendrez qu'en vertu des articles 43 et 44, le comité reçoit à quelques heures d'intervalle des rapports qui mettent l'accent tantôt sur la quantité de nourriture qu'il y a sur la table des enfants du pays visé, tantôt sur la façon dont un autre pays s'est engagé dans un dialogue sur les droits juridiques qui profite uniquement aux enfants vivant dans des pays industrialisés.

Imaginons la contribution du Canada s'il parvenait à poser la candidature d'un expert « de haute moralité et possédant une compétence reconnue » choisi parmi les moins de 18 ans! La durée du mandat au sein du comité est de deux ans. Honorables sénateurs, je vous assure que je puis vous trouver des jeunes de 16 ans ou plus, parmi ceux que j'ai représentés et d'autres qui ont survécu à des abus en milieu familial, à l'école, en prison ou à l'église. Vous seriez fier d'avoir un de ces jeunes comme représentant de notre expertise.

Pouvez-vous imaginer l'effet que cela aurait chez les moins de 18 ans et aussi quelle sensibilisation des plus de 18 ans de savoir que quelqu'un au sein d'un comité d'experts sait véritablement de quoi il parle plutôt que d'avoir un représentant dont l'expérience et le point de vue sont dilués, censurés ou modifiés par l'âge, la thérapie, le pouvoir ou l'argent? Voilà qui serait un pas en avant pour l'accroissement de la valeur de la convention dans son fonctionnement actuel. Merci.

La présidente : Merci. Nous allons maintenant entendre M. Nicholas Bala, professeur à l'Université Queen's. Je crois savoir que vous nous ferez part de vos travaux de recherche et de vos intérêts concernant un aspect particulier des droits des enfants.

M. Nicholas Bala, professeur, à titre personnel : Oui. Merci. C'est un honneur que d'avoir été invité à comparaître. Je n'ai eu que peu de temps pour me préparer. J'ai un mémoire écrit. Les observations que je ferai oralement viendront renforcer le contenu de mon mémoire en le présentant sous un jour légèrement différent mais similaire à la fois.

Je suis professeur en droit de la famille et des enfants à l'Université Queen's, mais je prends la parole à titre personnel. Depuis plus de 20 ans, je travaille sur un ensemble de questions qui ont trait au statut juridique des enfants. Je vais vous parler un peu de la convention en général puis un peu des trois secteurs où il me semble que le Canada manque à ses obligations aux termes de la convention et à l'égard desquelles le Sénat a une responsabilité, si vous le permettez.

Je pense que la convention est un document très important. Il a toutefois ses limites. C'est un document très ambigu, qui est censé s'appliquer à de nombreux pays différents. En particulier, le concept des droits de l'enfant, qui est au coeur même de la convention, est très ambigu dans certains contextes.

Les droits de l'enfant sont les droits que les enfants exerceront en leur propre capacité et selon leur bon vouloir. Dans d'autres contextes, les droits de l'enfant sont des droits qui seront exercés en leur nom, et parfois contrairement aux désirs de l'enfant. Par conséquent, c'est un document difficile à lire et à appliquer.

Des tribunaux canadiens en ont donné des interprétations différentes. Il y a eu des cas dans lesquels la convention a finalement été déterminante, ou tout au moins très significative, quant à la façon dont des tribunaux canadiens ont traité d'une affaire donnée. Dans l'affaire Baker c. Canada, que M. Wilson a mentionnée, on peut tout au moins l'avancer, la convention a été déterminante en demandant que les intérêts d'un enfant soient véritablement pris en compte au moment de décider si un parent devait être expulsé du pays.

En mars 2003, nous avons eu le renvoi relatif au projet de loi C-7, il s'agissait d'une contestation devant la Cour d'appel du Québec de dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents où la convention a été citée et discutée, comme d'autres documents nationaux d'ailleurs. Sans avoir permis de régler la question, elle a certainement permis de voir comment le tribunal interprétait son obligation, et en fin de compte, comment il interprétait la Charte des droits. Dans l'affaire Baker et dans le renvoi relatif au projet de loi C-7 — et il y a d'autres affaires pendantes devant les tribunaux — où la convention a été citée, bien qu'elle ne lie certainement pas les tribunaux canadiens, c'est important quant à la façon dont on a interprété, particulièrement dans ces deux cas, la Charte des droits.

Par ailleurs, je reconnais certainement que la convention n'a, tant sur le plan juridique que sur le plan politique, qu'un effet très restreint au Canada. Naturellement, il est d'une certaine façon décevant de voir le peu d'incidence qu'elle a eue.

En particulier, je vous rappelle la plus récente affaire où la Cour suprême du Canada a dû interpréter et appliquer la convention. Le jugement dans l'affaire de The Canadian Foundation of Children, Youth and the Law a été rendu en janvier dernier. On contestait l'article 43 du Code criminel, qui traite de la fessée ou du châtiment corporel et de l'emploi d'une force raisonnable pour corriger un enfant.

Tout en étant personnellement d'accord sur le résultat final, je ne pense pas que l'article 43 était contraire à la Constitution. J'ai participé à cette affaire. J'ai été déçu de voir comment la Cour suprême interprétait et appliquait la convention. Dans son jugement majoritaire la Cour suprême a conclu que quiconque, et plus particulièrement un enfant, a le droit d'être traité conformément aux principes de justice fondamentale. La cour n'a pas du tout retenu l'idée que l'intérêt supérieur de l'enfant pouvait être un principe de justice fondamentale. En fait, elle a spécifiquement et carrément déclaré que l'intérêt supérieur de l'enfant n'était pas l'un des principes de justice naturels au Canada, et que par conséquent cette notion était dépourvue de valeur constitutionnelle.

La Cour suprême, je dirais, n'est pas en fin de compte liée par ses propres décisions. Elle dit une chose dans un cas et peut plus tard donner une interprétation différente. Pour les avocats, les juristes et les juges, il sera très difficile d'interpréter ce qui semble être une déclaration très générale laissant entendre que la Cour suprême ne prendrait pas l'initiative d'interpréter et d'appliquer la convention au Canada.

Même si je pense que la convention aura un effet à certains niveaux, il sera très limité dans le contexte judiciaire. Le principal effet de la convention se fera sentir sur le plan politique et moral au Parlement où les gens diront que le Canada a signé la convention, et que nous avons des obligations envers les enfants et que nous devons les respecter qu'il s'agisse d'enfants autistes, pauvres ou otages d'un divorce. Voilà des contextes où le Parlement du Canada a une responsabilité, et où nous devons respecter nos engagements envers la convention et nos enfants.

Il est intéressant de voir comment la convention est appliquée dans d'autres pays. De nombreux autres pays, certains industrialisés et certains du tiers monde, ont fait bien davantage que nous pour intégrer la convention à leur régime juridique. Des lois ou des documents constitutionnels mentionnent spécifiquement les enfants dans certains pays, leur reconnaissaient des droits ou reconnaissent l'obligation de l'État de répondre aux besoins de ces enfants en prévision de l'avenir social et politique du pays. Nous pourrions envisager de nous doter de lois qui reconnaîtraient plus clairement les enfants.

Deuxièmement, dans divers pays, il existe des ombudsmans pour les enfants ou des commissaires qui sont nommés et ont la responsabilité de veiller à la mise en oeuvre de la convention, à la surveillance de cette mise en oeuvre, à son interprétation ainsi qu'à celles d'autres questions connexes. Il est regrettable de voir le Canada accuser un tel retard.

Certaines provinces ont des commissaires à la protection des enfants, mais bien d'autres n'en n'ont pas. Dans certaines provinces, les commissaires ont un pouvoir limité.

Au niveau fédéral, madame le sénateur Pearson est une grande militante. Nous n'en avons certainement pas assez fait. Au niveau national, nous devons avoir quelqu'un qui ait la responsabilité de veiller à la mise en œuvre de la convention et à en surveiller sa mise en œuvre.

Je félicite certes le comité de vouloir examiner la convention, mais vos intentions sont ambitieuses et vos ressources limitées. Il nous faut un organisme indépendant et responsable qui soit plus efficace.

Le gouvernement du Canada, selon la convention, a la responsabilité de présenter un rapport et de faire appel aux ONG. Le gouvernement du Canada est dans une situation de conflit d'intérêts. Sauf le respect que je dois aux gens qui y travaillent assurément en toute bonne foi, je dois dire que trop souvent le gouvernement du Canada s'est présenté devant le comité des Nations Unies pour dire essentiellement : « Nous en faisons assez » plutôt que de dire : « Vers quoi allons-nous? Quelles sont nos lacunes ? » Le gouvernement s'en remet à des ONG insuffisamment financées pour documenter les manquements du Canada à ses obligations.

Je vous dirai qu'on attend de nous que nous nous dotions d'un groupe indépendant qui assure en permanence une surveillance nationale et remplisse sa fonction de façon systémique de même que pour des cas individuels mettant en cause des enfants, surtout si nous avons une mesure législative qui le permettrait.

Je vais vous parler très brièvement de trois domaines où le Canada a manqué à ses obligations aux termes de la convention. L'une des difficultés, c'est que pour tous ces domaines il existe une responsabilité fédérale importante. Il y a aussi une responsabilité provinciale. Dans presque tous les domaines, il y a un chevauchement de responsabilités du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. En bref, la Constitution n'a pas été rédigée en pensant aux enfants, et il faut y apporter une série de changements. C'est une question de changements législatifs et de formation et de changements des mentalités pour les professionnels qui travaillent dans le domaine. Il y a aussi la question des ressources. Tout cela est interrelié.

Nous avons manqué à nos obligations à l'égard des enfants qui sont victimes d'abus et qui agissent comme témoins dans le système judiciaire. Dans ce cas, le Parlement a omis d'agir.

Le projet de loi C-2 aurait traité du droit en matière de pornographie juvénile et des enfants témoins. Le Parlement a été saisi de cette mesure législative pendant deux ans, et cela n'a jamais donné grand chose. Voilà un exemple d'un domaine où le Sénat et la Chambre des communes devraient faire preuve de leadership.

Le Parlement est saisi de maintes questions. Or il semble que celles qui ont trait aux enfants sont toujours au bas de la liste des priorités.

Il est important d'adopter une loi nouvelle en ce qui concerne la marijuana. Ces défenseurs forment un lobby bien organisé. Mais comme il n'y a aucun lobby qui défende les droits des enfants, leur cause retombe en bas de liste.

Dans le document, nous traitons en deuxième lieu des adolescents dans le système de justice pour adolescents. Nous avons effectué une réforme importante en matière de système de justice pour adolescents. De bien des façons, c'est une amélioration par rapport à Loi sur les jeunes contrevenants et elle répond d'une certaine manière aux exigences de la convention, surtout en ce qui a trait aux droits juridiques des enfants dans le système juridique. Toutefois, nous avons beaucoup trop de jeunes qui ne reçoivent pas les services dont ils ont besoin.

Il est survenu un cas tragique et particulièrement frappant. M. Wilson a cherché à faire reconnaître les droits juridiques de jeunes détenus. Trop souvent, des jeunes détenus n'ont ni la protection ni les services dont ils ont besoin. Notre gouvernement les laisse choir.

L'affaire R. c. E.T.F. à Toronto traitait d'un jeune qui, parmi bien d'autres, avait été maltraité par le système correctionnel pour adolescents. Le juge a cité la convention et dit que nous n'en respections pas les dispositions. La seule solution consistait à remettre le jeune en liberté sans la moindre peine.

Un troisième domaine, et il y en a certes d'autres, c'est celui des enfants dans les cas de divorce et de séparation des parents. Madame le sénateur Pearson a rédigé un rapport en 1998 disant que nous devions faire davantage pour les enfants, notamment veiller à ce qu'ils soient entendus dans le système judiciaire. Les enfants dont les parents se séparent ont parfois besoin d'être représentés par un avocat dans certains cas. Certains enfants ont besoin des services de travailleurs sociaux et d'une participation directe au processus. Le Parlement est saisi de cette question depuis 1998, et nous n'avons encore pas vu la moindre mesure.

Je pourrais certainement continuer, mais je vais attendre vos questions.

La présidente : Je remercie tous les témoins d'être venus. On ne vous a accordé qu'un court délai. Au cours des dernières semaines, nous nous sommes organisés et nous voulions entamer l'étude de cette question.

Vous trois avez signalé que c'est un domaine qui doit retenir l'attention et qui n'a probablement pas reçu des parlementaires l'attention qu'il mérite. Nous espérons pouvoir y remédier et dissiper certaines des inquiétudes que vous avez exprimées.

Le sénateur Pearson : Je vous remercie d'avoir présenté un résumé succinct de certaines des questions qui vous préoccupent. Je vais vous poser une question au sujet des droits des enfants autochtones. M. Bala a parlé du problème du recoupement de compétences. Je crains fort que certaines des conditions que nous avons jugé déplorables dans le cas des centres de détention pour jeunes, par exemple, existent aussi ailleurs notamment dans des réserves. Pensez-vous qu'il serait possible d'utiliser la convention pour surmonter ces terribles questions de délimitation qui semblent nous empêcher de venir en aide à ces enfants?

M. Bala : Je vais laisser M. Wilson répondre à la question, mais je vais d'abord vous parler spontanément. Des dispositions de la convention traitent spécifiquement du contexte culturel et du statut. Au Canada, nous avons un contexte particulier du fait que les peuples autochtones ne sont pas simplement une minorité, ils ont en effet aussi un statut constitutionnel unique particulier. Comme les sénateurs le savent bien, l'histoire, la culture et le manque de respect font qu'un nombre tout à fait disproportionné d'enfants autochtones sont victimes de tous les types de problèmes imaginables — en matière d'éducation, de santé, de délinquance juvénile, d'aide à l'enfance.

Si nous avions un organisme national de surveillance, ce serait un domaine important à examiner. Particulièrement au niveau fédéral, où se situe la responsabilité envers les peuples autochtones, on pourrait s'en occuper plus directement. En fin de compte, toutes ces questions sont liées les unes aux autres, et l'amélioration du statut de nos enfants autochtones, dans ce contexte, je ne pense pas la voir de mon vivant. Il a fallu 500 ans pour en arriver là. J'espère que nous nous rapprochons du moment où les choses vont commencer à changer, quoique cela pourrait prendre encore de nombreuses générations. Il est à la fois éclairant et tragique de penser, quand on réfléchit aux questions qui se posent maintenant aux Autochtones, qu'un grand nombre d'entre elles se rapportent aux mauvais traitements qu'ont subis quand ils étaient enfants ces Autochtones maintenant devenus adultes, leaders et aînés. Je pense aux pensionnats qui ont dépouillé ces collectivités de leur capacité de s'organiser. Nous devrions songer à y affecter d'importantes ressources.

M. Wilson : Quand le Canada a ratifié la convention, il avait formulé deux réserves. Quand un pays ratifie une convention, il peut exprimer des réserves. L'une d'elles avait trait aux dispositions concernant l'adoption à l'article 21 de la convention, disposition que le Canada n'a pas acceptée parce qu'elle n'était pas conforme à la version des nations autochtones concernant les « soins coutumiers ». Les soins coutumiers sont différents de l'adoption.

Les articles 8 et 30 pourraient justement tenir compte de la situation lamentable des Premières nations. Cependant, j'essaie de vous persuader de ne pas voir dans la convention la solution à ces questions, parce que c'est cela le problème. Se demander si quelque chose dans la convention peut contribuer à remédier à la situation des Premières nations, c'est se faire faussement croire que cette convention a un sens. J'insiste pour dire qu'elle n'a pas été ratifiée ni intégrée dans le droit canadien et n'a donc aucun caractère exécutoire et peut tout au plus se prêter à une interprétation. Ce n'est qu'un instrument de persuasion morale. On peut faire valoir que, parce que le Canada et les assemblées législatives des provinces n'ont pas intégré la convention dans leur système législatif, il faut nécessairement en conclure que nous ne voulons pas ainsi insidieusement dire que c'est bien pour tous les autres pays ou quand nous sommes aux Nations Unies mais que nous n'en voulons pas chez nous.

En vertu des articles 8 et 30, je pourrais aller devant les tribunaux et expliquer la situation dans le cadre de la Child Welfare Act de l'Ontario et la plupart des autres lois provinciales de ce genre sauf au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Les lois sur la protection de l'enfance présentent de nombreux problèmes lorsque l'on tâche de traiter des autochtones parce qu'elles violent clairement leurs droits ancestraux. Lorsque j'essaye d'expliquer la convention à des enfants de 15, 16 et 17 ans, il y a toujours parmi eux un fan du rappeur Eminem qui demande : « À quoi sert la convention? » C'est une question valable. M. Bala pourrait convenir qu'il s'agit d'un outil de persuasion morale mais je pourrais faire valoir l'argument selon lequel il est presque rétrograde pour le Canada d'avoir, d'une certaine façon, une convention qui n'a pas force exécutoire sur le plan juridique pour la distinguer d'autres conventions internationales qu'il a ratifiées. La convention est la plus efficace au niveau des mesures concernant le tiers monde parce qu'elle permet de relever la norme. Au Canada, même s'il n'y a pas de quoi pavoiser compte tenu du niveau de pauvreté qui y existe, on pourrait faire valoir que la convention est rétrograde. Les tribunaux semblent considérer qu'il s'agit d'une bonne chose mais la convention n'est pas efficace parce qu'elle n'est pas exécutoire. C'est un peu comme dire qu'il existe une convention énonçant qu'il est interdit de frapper une femme mais qui n'a aucune force obligatoire. Ce serait un document étrange. Les personnes que je représente comprennent très bien cette contradiction.

Le président : En ce qui concerne le caractère non obligatoire de la convention au Canada mais qui pourrait l'être, dans le cadre d'une étude précédente sur les instruments internationaux, des professeurs nous ont indiqué qu'il existe une certaine confusion au Canada quant au sens du terme « ratification ». L'un d'entre vous a indiqué aujourd'hui que cela oblige le Canada à rendre ses lois nationales conformes aux instruments internationaux. Nous signons l'instrument, nous le ratifions, et nous annonçons au monde entier que nous l'avons ratifié. Dans l'esprit de la population du Canada, cela signifie que nous sommes liés par cet instrument. Lorsque nous avons débuté l'étude en question sur les instruments internationaux, nous avons ainsi pu faire comprendre à un plus grand nombre de Canadiens que la ratification d'un instrument ne signifie pas qu'il a force de loi au Canada, que ce soit au niveau provincial ou fédéral. Les gens ont été sidérés d'apprendre une pareille chose et se sont interrogés sur l'utilité de signer un instrument qui n'est pas exécutoire au Canada.

Pour l'instant, la convention n'est qu'un outil de persuasion morale. Nous pourrions peut-être adopter une loi habilitante qui énoncerait qu'aux fins de la loi fédérale, la convention s'appliquerait au même titre qu'une loi nationale. Autrement dit, nous nous conformerions à la loi de sorte qu'en cas de doute, les instruments seraient pleinement exécutoire. Est-ce que ce genre de mesures permettrait d'améliorer la situation, la situation des enfants au Canada?

M. Wilson : Si j'étais Robert Munsch, je vous jurerais un amour éternel. Cependant, comme je ne suis pas Robert Munsch, ma réponse sera la suivante : au niveau provincial, la Loi portant réforme du droit de l'enfance traite des différends concernant la garde et la visite. La loi renferme une disposition qui énonce que les dispositions de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants s'appliqueront aux lois de l'Ontario. Sénateur, compte tenu du fait que la convention exige la ratification au niveau provincial et fédéral, il s'agit d'un exemple d'une province qui utilise un traité international, la Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, pour traiter de l'enlèvement à l'échelle internationale, et l'assemblée législative l'a intégrée aux lois de l'Ontario. Si un enlèvement a lieu en Ontario, nous faisons appel à la convention et les juges sont tenus d'appliquer les dispositions de la convention aux fins des lois de l'Ontario.

Prenons la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dans le domaine pénal, puisqu'il relève du fédéral. Supposons que cette loi renferme une disposition qui dit : « aux fins de l'application de la présente loi, la convention sur les droits de l'enfant s'appliquera et sera pleinement exécutoire ». Alors, si le Parlement devait l'adopter et sauf erreur, elle ferait partie alors des lois du pays et aurait force obligatoire. Nous pourrions trouver des lois similaires à la Loi portant réforme du droit de l'enfance dans chaque province. Il ne serait pas difficile de déterminer où insérer un article qui déclarerait que le Parlement ou une assemblée législative adopte l'application de la convention.

M. Bala et d'autres diraient que cela est injuste parce que de nombreuses dispositions semblent poser problème, ce qui est le cas lorsqu'il s'agit de droits dans quelque sphère que ce soit. Cela nous permettrait au moins de développer un vocabulaire du droit concernant les enfants, comme on l'a fait pour d'autres groupes. Les tribunaux examineraient la convention, comme nous l'avons fait avec d'autres groupes de notre société, et détermineraient qu'elle est assez intéressante parce qu'elle semble comporter quatre articles contradictoires. Les tribunaux développeraient un vocabulaire, après quoi nous pourrions accorder la priorité à des dispositions réellement exécutoires pour les jeunes Canadiens.

M. Bala : À certains égards, je suis d'accord avec ce que dit M. Wilson malgré certaines divergences. En droit, il est possible d'adopter une loi qui affirmerait que les lois canadienne doient formes à la convention. S'il s'agissait d'un document constitutionnel, cela ne pose pas de problèmes, mais s'il s'agit d'un simple texte de loi, il s'agirait alors d'une question qui a déjà été soulevée. En vertu de la Déclaration des droits de 1960, certains juges ont déclaré qu'il s'agissait d'un texte de loi ordinaire qui n'avait pas priorité.

Si vous considérez que cette loi doit avoir priorité et primer d'autres lois, ce qui me préoccupe c'est que la convention même est très générale, très vague, de façon délibérée pour permettre à pratiquement tous les pays au monde d'y adhérer. Elle soulève des questions qui à mon avis ne relèvent pas vraiment des tribunaux. Il y a des cas où cela serait utile mais on risquerait de se heurter à des problèmes. La Cour suprême du Canada a été saisie de la question de la prestation de services aux enfants autistes de la Colombie-Britannique. La Cour suprême a déclaré que les tribunaux n'étaient pas l'instance indiquée pour prendre ce genre de décisions ce qui ne signifie pas que la question n'est pas importante, mais que c'est à des politiciens de s'en occuper dans le contexte des dépenses. Nous ignorons comment les juges réagiraient à ce type de lois.

À bien des égards, la convention est un document qui reflète certaines aspirations. Je considère qu'il est préférable de le reconnaître. Elle peut être interprétée dans une certaine perspective. Il est important qu'elle existe, il est utile qu'elle existe non seulement dans les pays du tiers monde mais aussi dans les pays du premier monde et que l'on reconnaisse qu'il s'agit principalement d'un document politique au Canada. Pour traduire en pratique les intentions politiques de ce document, il faudrait établir un bureau chargé d'en surveiller l'application au Canada et d'en faire rapport à la population canadienne et au Parlement canadien en disent, « Nous avons signé cette convention et voici les engagements que nous n'avons pas réussi à respecter. Nous devons faire mieux et voici certaines propositions. » Il s'agit d'un jugement politique, au lieu de dire : « Portons chacun de ces cas devant les tribunaux et laissons les juges s'en occuper. » Je préférerais que soit instauré au sein du gouvernement fédéral un mécanisme interne de défense et de contrôle de la convention plutôt que d'adopter une loi et de voir comment elle serait appliquée. La création d'un poste de commissaire national pour les enfants chargé de surveiller l'application de la convention, d'en faire rapport à l'échelle internationale et de la défendre au pays serait à mon avis un objectif réalisable. Si vous dites, nous nous attendons à ce que le Parlement adopte cette loi, un politicien répondrait sommes-nous en train de confier l'administration du pays aux tribunaux? Ce n'est pas ce que nous voulons. Ce n'est pas le rôle des tribunaux, mais ce serait une expérience intéressante.

Le sénateur LeBreton : Pour enchaîner sur les questions du sénateur Pearson lorsqu'elle a parlé des Autochtones, vous nous avez présenté la triste conclusion selon laquelle c'est un domaine où la performance du Canada laisse à désirer.

Qu'en est-il des autres états-membres semblables au Canada qui comptent d'importantes populations aborigènes comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie? Ce sont-ils mieux débrouillés que nous à cet égard?

M. Wilson : La Nouvelle-Zélande s'est beaucoup mieux débrouillée que le Canada à cet égard. Je ne peux pas parler de la situation en Australie. Les États-Unis n'ont pas signé la convention.

Le sénateur LeBreton : Je n'ai pas mentionné les États-Unis.

M. Wilson : En Nouvelle-Zélande, il existe une disparité entre les provinces également quant à la façon dont ils s'occupent de la question autochtone. Le problème, essentiellement, ce sont les provinces qui considèrent l'intérêt supérieur comme un facteur indépendant de la culture autochtone et alors l'intérêt supérieur est la carte maîtresse par rapport aux provinces qui considèrent que la culture autochtone est équivalente à l'intérêt supérieur. On ne peut pas séparer la culture d'un enfant, ni son patrimoine et ses traditions de son intérêt supérieur.

Le sénateur LeBreton : Qu'a fait la Nouvelle-Zélande?

M. Wilson : La Nouvelle-Zélande a des programmes de parenté. Dès que l'enfant est considéré comme un enfant indigène, on fait intervenir la famille. À ma connaissance, cette situation est semblable à celle qui existe dans trois provinces du Canada qui adoptent immédiatement cette approche. Dès que l'on détermine qu'un enfant appartient aux Premières nations, le problème est alors traité dans le contexte de la Première nation.

M. Bala : Je conviens que dans le domaine de la protection de l'enfance et de la justice pour les jeunes, la Nouvelle- Zélande et même d'après ce que je crois comprendre l'Australie, font probablement du meilleur travail. L'un des problèmes c'est qu'il s'agit au Canada surtout d'une sphère de compétence provinciale, comme M. Wilson l'a signalé, et qu'il existe des variantes importantes entre les provinces. Cette question comporte un élément politique important. Je ne suis pas sûr que les tribunaux ou un document international permettront de régler une bonne partie de ces problèmes. Il faudra une volonté politique, des lois, des programmes, une formation et incontestablement des ressources.

M. Wilson : Je constate ici une différence intéressante et pas parce que je suis avocat. Je dirais que l'on peut faire ce que M. Bala propose, créer un poste de commissaire, un personnage à la Danny Kay pour politiser la chose. L'essentiel, c'est de dire la vérité aux groupes visés, en l'occurrence les jeunes, donc leur dire que ce document ne signifie rien, qu'il s'agit simplement d'un document politique ou de persuasion morale. L'aspect le plus important tant pour les adultes que pour les enfants est de les sensibiliser au fait que l'on dispose de ressources remarquables et que l'on a signé ce document, pas simplement à l'intention des enfants, et qu'il ne signifie rien. Indépendamment de ce que cela signifie pour les enfants, songez à ce que cela signifie pour les adultes; que nous avons signé un traité mais qu'il n'a qu'une influence morale.

Le président : Nous débutons notre étude et nous n'aurions pas d'objection à vous inviter à nouveau pour poursuivre ce débat.

Le sénateur Carstairs : Ce que j'ai trouvé de plus déprimant à propos de la décision rendue par les tribunaux sur l'article 43, c'est qu'elle m'a incitée à élargir le débat à savoir qu'il est clair que les enfants n'ont aucun droit en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, mais ont-ils des droits en vertu de la Charte?

M. Bala : Il ne fait aucun doute que les enfants ont des droits en vertu de la Charte. Les tribunaux, même dans le cas de la Charte, qui est un document relativement facile à comprendre comparativement à la convention, ont beaucoup de difficulté parce que les enfants ont des droits et leurs parents ont aussi des droits et des responsabilités. Je considère que la décision qui a été rendue au sujet de l'article 43 est une tentative pour considérer les enfants dans le contexte de leurs familles, de reconnaître que les parents ont la responsabilité principale à l'endroit de leurs enfants, et de respecter les droits et responsabilités des parents. Je considère cette décision d'un œil optimiste, en ce sens que la Cour a nettement limité la portée de l'article 43, et on peut considérer qu'il s'agit d'une victoire pour les enfants. C'est ce que l'on constate d'ailleurs dans un bon nombre d'arrêts rendus par la cour suprême où il existe ce chevauchement entre l'intérêt supérieur de l'enfant et les droits prévus par la Charte, surtout pour les enfants de moins de douze ans, lorsque les droits conférés aux parents par les tribunaux sont souvent dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Au moment de l'adolescence, lorsque les enfants peuvent commencer à exercer eux-mêmes leurs droits, nous constatons des cas où les tribunaux confèrent aux adolescents des droits constitutionnels prévus par la Charte. La question fondamentale, c'est qu'on ne s'attend pas à ce que les enfants soient traités de la même façon que des adultes. Il s'agit de déterminer si nous devrions donner à des jeunes de 16, 14 ou 8 ans le droit de voter? Peut-être pas, donc nous devons réfléchir au type de droits dont il s'agit et au contexte.

Mme Symons : Lorsque nous parlons des droits des adultes et des droits des enfants, il est facile de croire que les enfants sont trop jeunes pour exercer un droit, donc on ne peut pas le leur accorder. Ce à quoi nous devrions réfléchir c'est de savoir comment, compte tenu de l'âge, de la maturité, de l'environnement de l'enfant, cet enfant peut-il exercer ce droit? Que devons-nous faire pour permettre à l'enfant d'exercer un droit d'une façon qui correspond à son âge, à son niveau de développement et au contexte social environnant? Au lieu de fixer des limites et de dire, un enfant d'un certain âge ne peut pas exercer un certains droit, demandons-nous comment peut-il l'exercer? Comment peut-on le concrétiser?

M. Bala : L'existence de droits sous-entend systématiquement l'existence d'une obligation. Il peut s'agir d'une obligation pour l'État ou pour les parents. C'est ce qui rend l'arrêt rendu à propos de l'article 43 si intéressant. Si les droits vont à l'encontre de l'État, on peut avoir un point de vue. Si les droits vont à l'encontre des parents, la cour avait un point de vue différent.

Ce qui est intéressant, dans l'arrêt concernant l'article 43, c'est que la cour a déclaré qu'elle conférerait aux parents des pouvoirs plus vastes sur les enfants que ceux conférés aux enseignants. Le contexte a beaucoup d'importance. Dans certaines causes, les tribunaux n'ont pas suffisamment reconnu les droits des enfants en vertu de la Charte.

Le sénateur Carstairs : Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on s'est déchargé de l'article 43 sur les tribunaux. Il s'agit d'une question politique dont aurait dû s'occuper les politiciens. J'ai de la difficulté à comprendre l'interprétation qui en a été faite, à savoir que c'est très bien si vous avez deux ans mais pas bien si vous avez 23 mois et très bien si vous avez 12 ans mais pas si vous avez 12 ans et demi. Ce sont les réserves que cela m'inspire car j'aimerais que l'on abolisse l'article dans son intégralité. Je l'ai précisé à maintes reprises.

Un groupe de gens du Québec est venu me voir l'année dernière pour me présenter une situation où des enfants dont la garde avait été confiée à des tiers parce qu'ils avaient des troubles mentaux ou des problèmes d'adaptation importants, qui ne s'adaptaient pas bien à la société, sont incarcérés avec des enfants qui ont commis des actes criminels. Lorsque j'ai commencé à examiner la situation, j'ai constaté que cela semble être précisément ce qui se passe partout au pays. Cela me semble tout à fait injustifié, pour la simple raison que dans un cas l'enfant n'a de toute évidence commis aucun acte répréhensible contre la société et dans l'autre cas l'enfant a peut-être commis un acte répréhensible contre la société.

Que peut-on prescrire d'autre que la mise sur pied de deux établissements distincts? Ces enfants ont-ils des droits en vertu de la Charte? De toute évidence ils n'ont aucun droit en vertu de la convention puisque vous m'avez dit que la convention ne confère aucun droit aux enfants.

M. Wilson : Elle comporte de nombreuses dispositions.

Le sénateur Carstairs : Je sais qu'elle comporte de nombreuses dispositions. Ce qui me préoccupe, c'est comment pouvons-nous traiter ces enfants d'une façon appropriée?

M. Wilson : En ce qui concerne l'article 43, tout a commencé à cause d'un vide factuel. Il n'existait aucun fondement factuel. Au fil des ans, j'ai dû me résigner à accepter que la seule façon dont on pouvait obtenir gain de cause concernant la défense des droits des enfants, c'est de s'appuyer sur la cause qui a un effet d'entraînement. Si on procède à grande échelle, on se trouve alors à attaquer un trop grand nombre de politiques et d'intérêts acquis, et on n'arrive à rien.

Dans le cas que vous décrivez, si un enfant qui présente des troubles affectifs est gardé dans un établissement qui n'est absolument pas approprié, cet enfant a-t-il des droits? Dans la plupart des provinces du pays, je crois que la réponse est oui. Puis-je invoquer la Charte? Je dirais que la réponse est oui, en vertu de l'article 7 de la Charte — le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

Il faudrait présenter des arguments qui se rapportent au fait particulier de la situation. Ce sont des causes dont on n'entend pas beaucoup parler à cause du temps et de l'argent perdus. On est très peu payé. Ce sont des causes auxquelles on consacre énormément de temps et qui sont aussi accaparantes que 100 divorces, mais qui ne sont absolument pas rentables.

Il faut énormément de temps pour présenter les éléments de preuve et faire valoir de façon convaincante que la liberté et la sécurité de l'intérêt d'un enfant ont été violées dans un cas en particulier. Cela devient plus compliqué lorsqu'il s'agit d'un recours collectif. Si vous agissez dans un vide factuel, c'est très compliqué.

Dans les causes de défense de l'enfant, vous voulez présenter au juge des faits suffisamment convaincants pour obtenir gain de cause en invoquant la clémence. Invoquer la clémence permet d'apporter graduellement des changements aux droits des enfants, de façon générale.

M. Bala : Je suis d'accord avec cette analyse générale. Nous avons des cas individuels où des jeunes en établissement de garde ont invoqué des traitements ou peines cruels et inusités en vertu de l'article 12. C'est un aspect important de la défense de l'enfant. M. Wilson a présenté une cause où cet argument a été accepté.

Le chevauchement du système de protection de l'enfance et du système de justice pour les jeunes pose problème. Un enfant peut avoir été maltraité et avoir un problème de comportement. Un autre jeune peut avoir divers problèmes sociaux et avoir commis une infraction. Ces deux jeunes peuvent être traités de la même façon et gardés dans le même établissement. Comment sont-ils traités? Qu'il s'agisse de contrevenants ou d'enfants qui ont besoin de protection, ils sont en fait mal traités. C'est là le problème dont il faut s'occuper. Dans certains cas, cela peut se faire par le biais de procès individuels.

Je considère que le recours à des procès individuels n'exclut pas le recours à un commissaire chargé de défendre les droits des enfants. Ces deux recours peuvent être utilisés. Lorsque vous parlez de cas individuels, le commissaire à l'enfance pourrait en fait présenter ce genre de causes. Les causes individuelles peuvent susciter de toutes sortes de façons un changement systémique. Ces deux méthodes ont leur raison d'être.

Le sénateur Carstairs : Êtes-vous préoccupé à l'idée que l'on crée un poste de commissaire à l'enfance? C'est une question qui me préoccupe.

J'observe ce qui se passe lorsqu'il existe des instances de défense de l'enfant. Les politiciens utilisent comme prétexte l'existence d'un commissaire à l'enfance pour se décharger de leurs responsabilités.

M. Bala : C'est une possibilité et c'est une situation qui pourrait se produire. Il demeure toutefois préférable d'avoir une personne susceptible de défendre les enfants. D'un autre côté, les hommes politiques peuvent limiter l'indépendance de ce poste, ne pas suffisamment le financer ou quoi que ce soit. Cela donnera lieu à certaines tensions. S'il existe un bureau de défense indépendant, les enfants seront plus susceptibles d'être représentés.

Dans certains cabinets, il existe un ministre à l'enfance. Dans une perspective fédérale, l'avantage c'est que le gouvernement fédéral a une responsabilité limitée en matière de services directs aux enfants comparativement aux provinces. Donc il n'y aurait pas autant de chevauchement entre la prestation de services directs et la responsabilité ministérielle dans ce genre de poste.

Il pourrait s'agir d'un poste important, surtout compte tenu de l'obligation internationale assumée par le Canada et dont il doit faire rapport au comité des Nations Unies. Il est important qu'il soit indépendant de la prestation de services directs.

M. Wilson : L'exception concerne les enfants autochtones dont la principale responsabilité, même si elle a été déléguée aux provinces, relève du gouvernement fédéral et des ministères fédéraux. Il faudrait que le défenseur des enfants détienne certains pouvoirs. Il faut qu'il puisse intervenir. S'il ne peut pas intervenir, cela poserait un grave problème.

M. Bala : Je suis tout à fait d'accord là-dessus. Il ne faut pas que la création d'un poste de commissaire à l'enfance soit une simple manoeuvre de relations publiques pour le gouvernement fédéral. Il faut que cette personne possède des pouvoirs d'enquête pour formuler des recommandations ou offrir directement des recours aux enfants. Cette personne devrait également posséder des pouvoirs juridiques, disposer d'un budget clair et être autonome.

Vous avez posé une question extrêmement importante. La présence d'un commissaire à l'éthique signifie-t-elle que les politiciens n'ont plus à se préoccuper d'éthique? La présence d'un commissaire à l'éthique et de hauts fonctionnaires de ce genre, ont souligné et accru l'importance de la question.

Il existe une tension légitime entre le gouvernement et ces bureaux. Tant qu'ils possèdent la visibilité, l'indépendance et les pouvoirs voulus, ils permettent d'améliorer la situation en ce qui concerne les différents types de cas dont ils s'occupent. Le vérificateur général en est un autre bon exemple.

La présidente : Je tiens à rappeler aux sénateurs que nous discuterons des diverses options et que nous sommes fiers d'être une société diverse. Certains Autochtones et certains néo-Canadiens ont des façons différentes d'élever leurs enfants. C'est l'une des questions complexes dont nous devrons tenir compte, plutôt que de tenir compte simplement d'une façon de procéder en plus de la situation des Autochtones. On m'a prévenue que l'éducation des enfants est une notion personnalisée depuis plusieurs dizaines d'années et que nous essayons de trouver certains points communs. Faut-il choisir l'option juridique? Faut-il opter pour le rôle de soutien d'un ombudsman? Ce sont autant de questions avec lesquelles nous devrons nous débattre.

Le sénateur Poy : Existe-t-il des aspects de la loi qui influent sur les droits des enfants et relèvent exclusivement de la compétence provinciale ou fédérale? Quel est le palier qui aurait préséance? Y a-t-il un recoupement entre les deux?

M. Wilson : Le droit de l'immigration relève de la compétence fédérale et il peut y avoir recoupement.

Le sénateur Poy : Que se passerait-il une fois les enfants devenus résidents?

M. Wilson : La justice pénale relève de la compétence fédérale.

M. Bala : La Loi sur le divorce relève de la compétence fédérale.

Le sénateur Poy : Cependant, la séparation relève de la compétence provinciale.

M. Bala : Dans un grand nombre de ces domaines, il y a un élément fédéral et un élément provincial. En ce qui concerne les services à l'intention des enfants, plus que dans bien d'autres, il y a chevauchement des compétences. Par exemple, la Loi sur la justice pour les jeunes est de toute évidence de compétence fédérale. Les enfants qui sont victimes, les enfants-témoins dans le système de justice pénale, le projet de loi C-2, et la pornographie juvénile relèvent de la compétence fédérale. L'application de ces lois en partie est une responsabilité provinciale. Il y a donc un certain chevauchement dans un grand nombre de domaines mais il existe une sphère importante de responsabilités fédérale à l'endroit des enfants.

M. Wilson : Il existe une délégation de pouvoirs suffisante pour éviter l'obligation de rendre compte.

La présidente : Notre temps est écoulé. Je tiens à remercier les témoins de nous avoir aidés à débuter notre étude de cette façon parce que cette information nous permettra de définir nos délibérations quant à la portée dans laquelle nous encouragerons le gouvernement à incorporer les réalités de la convention dans les lois canadiennes et la mesure dans laquelle nous pouvons recourir à d'autres mécanismes pour inciter les gouvernements à utiliser les notions et les objectifs prévus par la convention. Qui sait? Nous finirons peut-être par citer un peu des deux.

Avons-nous trompé le public canadien? Aux États-unis, tout le monde sait que les Américains ne ratifient pas les conventions mais s'ils les ratifiaient, elles auraient force de loi au pays. Cela devient automatique et par conséquent la ratification est synonyme de loi et les Américains en sont conscients. Au Canada, la ratification suscite de grandes attentes. On nous considère alors comme des bienfaiteurs et il ne s'agit plus simplement d'objectifs. En ce qui concerne les conventions internationales, devrions-nous procéder différemment et donner une idée plus réaliste de ce que les conventions permettent d'accomplir? Est-ce que cela ne susciterait pas des attentes plus réalistes?

M. Wilson : En ce qui concerne les enfants, vous devriez publier un démenti. Il ne s'agit pas d'une remarque désinvolte parce que nous envoyons des brochures et nous faisons un travail de sensibilisation. Nous avons un certain nombre de porte-parole qui fournissent des conseils sur le sens de la convention. Nous incitons un certain nombre d'enfants à croire, et j'ai l'impression que je devrais invoquer le cinquième amendement lorsque je ferai cette déclaration aux États-Unis, que ce sont leurs droits dans des livres que nous publions lorsque nous faisons la promotion de la convention. Ils finissent par se rendre compte de la réalité. Je laisserai à d'autres le soin de déterminer ce que pensent les adultes. Cependant, les enfants subissent un processus et il faut voir ce qui se produit lorsqu'ils se rendent compte que la convention ne veut rien dire. C'est une question avec laquelle les sénateurs devront se débattre.

M. Bala : Il existe de nombreux documents, parfois même des ordonnances des tribunaux, qui ont tendance à susciter des aspirations plutôt qu'à inspirer des mesures concrètes. Je crois que ces déclarations morales qui suscitent des aspirations ont leur raison d'être tout autant que les garanties juridiques. Je ne voudrais pas que nous négligions l'importance des déclarations politiques et morales simplement parce qu'elles n'ont pas de poids sur le plan légal. Il faut de toute évidence sensibiliser le public à la signification des documents internationaux. On a fait allusion à la complexité particulière du contexte canadien, tant sur le plan fédéral que provincial, en plus de nos obligations en vertu du droit international.

Je suis d'accord avec M. Wilson. Certaines publicités du gouvernement fédéral peuvent parfois induire en erreur. Il est utile que les gens qui ont des enfants d'âge scolaire sachent que ces derniers ont des droits au sein de leur famille. Cela ne veut pas dire que les enfants peuvent embaucher un avocat et se présenter au tribunal pour exercer leurs droits, mais cela signifie que les parents devraient être au courant. Des explications sur le contexte seraient utiles pour les enfants. Noël approche. Je ne pense pas que nous devrions adopter une loi interdisant aux enfants de croire au père Noël même si le Parlement ne pourrait pas adopter de loi affirmant que le père Noël existe.

La présidente : Cette séance est télévisée. Je tiens à dire à tous les enfants qui peut-être nous regardent que le père Noël existe.

M. Bala : C'est le Sénat qui l'affirme.

La présidente : Je remercie nos témoins de nous avoir donné leurs opinions et d'avoir défini le cadre de notre étude.

Mme Tara Ashtakala, coordinatrice intérimaire, Coalition canadienne pour les droits des enfants : La Coalition canadienne pour les droits des enfants, la CCDE, regroupe plus de 50 organisations nationales et internationales ainsi que des jeunes partenaires qui oeuvrent pour la promotion et l'exercice des droits des enfants définis dans la Convention relative aux droits des enfants et dans d'autres initiatives et instruments internationaux. Nous surveillons les enjeux d'actualité et les incidents reliés aux droits des enfants, nous y réagissons et, en l'occurrence, nous jouons un rôle sur le plan de l'analyse et de la sensibilisation. Nous n'avons pas de personnel et toutes nos activités sont menées à bien par des conseillers et des membres dévoués et exceptionnels.

Notre objectif est de faire en sorte que sur le plan national et international, notre pays, par sa contribution, témoigne d'un monde qui traite les enfants avec la dignité et le soin que tout être humain mérite. La CCDE vous est reconnaissante de lui donner l'occasion de témoigner devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour lui présenter ses suggestions sur la façon dont notre gouvernement peut mieux s'acquitter de ses responsabilités dans la mise en œuvre des obligations internationales en ce qui concerne les droits des enfants.

Honorables sénateurs, on a choisi Tommy Douglas comme le Canadien le plus influent non seulement parce qu'il est l'auteur de notre régime de soins de santé mais également parce que toutes ses initiatives étaient motivées par la ferme conviction que chaque Canadien avait le droit d'obtenir satisfaction de ses besoins fondamentaux. En outre, il ne s'est pas arrêté à l'assurance-maladie car il a lutté pour obtenir des avantages sociaux universels, comme un régime national de pensions, prouvant ainsi sa conviction que tous les besoins fondamentaux d'une personne sont interreliés et d'une importante égale pour son bien-être.

Cette notion d'interrelation et d'interconnexion trouve un écho très particulier dans l'âme canadienne. Toutefois, le consensus sans précédent qui a rallié la communauté internationale autour des droits des enfants est à la fois source d'inspiration et de confort pour les Canadiens. La ratification quasi universelle de la convention et l'appui unanime de la séance spéciale des Nations Unies sur les enfants pour que les droits des enfants soient inscrits à l'ordre du jour international reprennent l'appui traditionnel du Canada pour la promotion des droits de la personne et la coopération multilatérale. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire avant que nous puissions dire que nous nous sommes acquittés de nos obligations en vertu de la convention. En effet, le Canada n'a pas encore aplani les inquiétudes exprimées par le comité sur les droits de l'enfant à propos des rapports sur la mise en œuvre de la convention. Tant que ce ne sera pas fait, notre progrès sur d'autres fronts sera entravé par l'inégalité entre les enfants soumis aux politiques canadiennes.

Les recommandations de la CCDE porteront en l'occurrence sur quatre secteurs où la conformité pourrait être améliorée. Tout d'abord, le respect des droits de la personne selon des principes de cohérence et de coordination. Tout comme il faut considérer le bien-être des enfants comme un tout et du point de vue de tous les aspects de leur développement, nous devons considérer nos obligations à leur égard en vertu de divers traités sur les droits de la personne comme indivisibles et interdépendantes. Au gouvernement du Canada, il importe d'endiguer tous les aspects des droits de l'enfant. Ce pays a depuis longtemps fièrement signé toute une gamme de processus et de traités multilatéraux. De plus en plus, les ministères ont des sections de relations internationales. Les ministères susceptibles d'avoir à intervenir dans la mise en œuvre nationale des traités envoient des représentants aux séances de négociation. De plus en plus, ce sont les ministres ou des cadres supérieurs qui dirigent ces délégations. Toutefois, la CCDE n'a pas réussi à trouver un point central au sein du gouvernement, notamment au ministère des Affaires étrangères. Par exemple, il arrive souvent que les délégués à une conférence sur un traité ne soient pas au courant que certains collègues font partie d'une délégation concernant un autre traité. Il arrive parfois qu'ils ne soient même pas au courant de l'existence de cet autre traité, même si les sujets sont étroitement reliés.

Par exemple, aucun des fonctionnaires de Santé Canada qui s'occupent de la mise en œuvre nationale de la Convention relative aux droits de l'enfant ou du plan d'action national n'a participé à l'équipe de négociation pour la convention que les Nations Unies se proposent d'adopter en ce qui concerne les droits et la dignité des personnes handicapées.

À cet égard, les enfants sont évidemment très concernés. Il y a d'une part le fait que les droits indivisibles et interreliés des enfants pourraient progresser grâce à une collaboration et à un échange d'idées entre les divers représentants canadiens. Mais, qui plus est, les ministères représentés au sein de ces délégations peuvent aussi profiter de l'échange de renseignements essentiels aux rapports présentés dans le cadre des traités et aux mesures de mise en œuvre à l'échelle nationale.

Il n'est pas besoin de réinventer la roue. Il existe déjà un modèle de coordination interministérielle du droit international des traités. Le Comité national canadien sur le droit international humanitaire est présidé par le ministère des Affaires étrangères et ses fonctions de secrétariat sont assumées par la Croix-Rouge. Actuellement, siègent à ce comité des représentants du ministère de la Défense nationale, du ministère de la Justice, de l'ACDI et de la GRC. Le mandat d'un comité semblable qui s'occuperait de la surveillance de la mise œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant pourrait très bien s'inspirer de ce comité interministériel.

Pour un éventuel comité national de mise en œuvre, nous proposons qu'on fasse appel à des représentants de Développement social Canada, du ministère des Affaires indiennes et du Nord, de Patrimoine canadien, du ministère des Affaires étrangères, du Service des affaires intergouvernementales et de Finances Canada. Ainsi, ils pourraient répondre aux critiques qui touchent les cinq domaines abordés dans les observations des cinq organes chargés des traités qui concernent les droits de la personne. Ces cinq domaines sont les suivants. Absence d'une configuration nationale générale pour les droits de la personne en raison du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces; trop peu d'attention à l'impact disproportionné que produisent les modifications et les ententes économiques sur les groupes vulnérables, mieux cerner la situation des Autochtones et redresser la disparité de leur situation; diffusion des conclusions des divers comités chargés des traités et œuvre éducative en ce qui concerne les conventions; enfin, présentation de rapports en temps opportun.

La recommandation suivante porte sur les priorités en matière de dépenses. Dans le discours du Trône, le premier ministre rappelait que la pauvreté, le désespoir et la violence découlent d'habitude d'une absence d'institutions gouvernementales ancrées dans la primauté du droit. La CCDE et ses membres adoptent le point de vue opposé.

La pauvreté est la principale cause de millions de morts évitables chaque année. C'est la cause de la malnutrition des enfants, de l'absentéisme scolaire ou du travail forcé des enfants. Elle cause des dégâts que les corps et les esprits des enfants ressentent toute leur vie et qui perpétue le cycle de la pauvreté d'une génération à l'autre. Voilà pourquoi réduire la pauvreté doit procéder de la protection et de l'accomplissement des droits des enfants.

Les investissements dans les enfants constituent la meilleure garantie d'un développement humain durable et équitable. Or, l'importance de l'aide au développement international est absente du discours du Trône. La coopération internationale est une obligation cruciale pour aider les enfants à faire respecter leurs droits en vertu de la convention.

Les priorités de développement social annoncées par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, en 2000 s'inspiraient de ces thèmes. Essentiellement, l'agence affirmait que la réduction de la pauvreté mène à un monde plus sûr et que le monde, de plus en plus, était interdépendant. Quatre ans plus tard, plus d'enfants encore souffrent de privations et à cause des conflits entre adultes. L'engagement de l'ACDI de doubler l'investissement doit être applaudi et renforcé et il doit aller au-delà des enfants touchés par la guerre et des enfants forcés de travailler. Cela est essentiel si nous voulons, comme l'a dit le premier ministre, jouer un rôle fier et influent dans le monde.

Nous recommandons en troisième lieu que l'on accorde un appui financier supérieur aux organes d'administration des traités en ce qui concerne les droits des enfants. Le premier ministre a louangé vigoureusement les efforts du groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement aux Nations Unies qui a récemment déposé un rapport sur la réforme du système onusien dans le domaine de la paix et de la sécurité internationale. Il y a longtemps que les États- Unis travaillent à des réformes internes, y compris des propositions pour aider les organes de défense des droits, comme le comité sur les droits de l'enfant, à s'occuper de l'arriéré et des dépenses que les obligations de faire rapport imposent aux États signataires.

Que peut-on faire pour aider le gouvernement à réduire la grosse facture d'hôtel des délégations qui attendent à Genève leur tour pour présenter leurs rapports aux organes de défense des droits? Le Comité des droits de l'enfant a recommandé d'augmenter le nombre des membres du comité pour que le travail se fasse simultanément dans deux salles. Cela permettra donc de réduire l'arriéré.

Toutefois, cette nouvelle méthode de travail exige des ressources financières et humaines concrètes. Les états signataires sont prompts à critiquer les lenteurs du processus, mais ils n'ont pas offert d'aide constructive. Le gouvernement du Canada doit être félicité pour les cinq millions de dollars qu'il donnera sur cinq ans au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, lequel surveille le travail des organes de défense des droits comme le Comité des droits de l'enfant. Nous recommandons qu'on ne devrait pas hésiter à fournir l'aide supplémentaire nécessaire pour permettre au comité de faire le travail que nous considérons tous comme essentiel.

En terminant, je voudrais expliquer comment la convention peut être le moteur de la politique publique. Il faut féliciter le comité d'entreprendre l'étude de la façon dont ce traité en particulier, la Convention relative aux droits de l'enfant, peut être mieux appliqué en matière de politique publique canadienne, car la question est d'actualité. Même si la Convention relative aux droits de l'enfant, comme nous l'avons entendu dire par le témoin précédent, ne peut pas être invoquée devant les tribunaux canadiens, elle a été et est toujours citée de plus en plus dans certaines affaires, plus de 100 jusqu'à présent, en première instance, en appel ou à la Cour suprême du Canada. Les juges ont eu recours à la convention pour expliquer leur interprétation, pour donner un contexte de politique comme fondement d'une décision, pour expliquer la jurisprudence en vertu de la charte et pour déterminer la peine en droit pénal. Il est donc manifeste que la convention a un effet déterminant sur la politique publique au Canada et qu'il est temps que les mesures législatives d'un bout à l'autre du pays soient harmonisées selon les principes de la convention, si nous voulons éviter que de plus en plus l'orientation au Canada soit déterminée par les tribunaux et non par le Parlement.

Je terminerai en rappelant que le 5 octobre 2004, dans le discours du Trône, le premier ministre a affirmé qu'il n'était plus possible de partager entre orientation nationale et orientation internationale. La Coalition canadienne pour les droits des enfants est tout à fait d'accord.

Le respect profond des droits de la personne que proclament les dirigeants et les ministres au Canada doit être cohérent et coordonné au sein de toutes nos institutions, dans nos orientations et dans nos actions au Canada comme de par le monde. Les Canadiens célèbrent Tommy Douglas comme le Canadien le plus influent, et nous ne devrions pas hésiter à adhérer à l'universalité au Canada, surtout en ce qui concerne les droits des enfants.

Mme Dianne Bascombe, directrice exécutive, Alliance nationale pour les enfants : Je représente ici l'Alliance nationale pour les enfants. Je vais vous décrire brièvement qui nous sommes et la façon dont nous abordons la Convention relative aux droits de l'enfant.

Nous constituons un réseau de 62 organisations nationales et nous travaillons essentiellement à l'échelle nationale. Nous existons depuis 1996 et nous avons travaillé dur dans les coulisses et à l'avant-scène à l'élaboration du programme national pour les enfants, au programme de la petite enfance et à l'accomplissement de certains changements de politiques nationales concernant les enfants.

Nous ne sommes pas une organisation mais un réseau dont les décisions se prennent par consensus. Quand nous annonçons une position, c'est qu'elle recueille l'assentiment des 62 organisations membres. Nous sommes plus multidisciplinaires et intersectoriels, puisque nous réunissons des organisations qui œuvrent dans les domaines de l'éducation, de la santé, des services sociaux et de l'alphabétisation, des médecins et des infirmières, des écoles et des commissions scolaires. Des groupes qui ne travaillent pas forcément ensemble se réunissent au sein du réseau pour s'entendre sur des orientations nationales.

Notre mission est la promotion de la santé et du bien-être des enfants au Canada. Nous faisons beaucoup de travail pour susciter le dialogue et consolider le réseau de tous ceux qui travaillent avec les enfants et les familles. Nous élaborons des politiques. Nous renforçons la capacité de nos organisations membres et nous faisons la promotion de la mise en œuvre du plan d'action national pour les enfants.

La Convention relative aux droits de l'enfant a toujours été dans notre cas des documents cadres qui a guidé nos travaux depuis 1996. Notre perspective à nous, c'est qu'elle inclut le droit à l'approvisionnement, à la protection et à la participation. À cet égard, elle aide à définir l'œuvre de l'alliance.

Je voudrais vous parler aujourd'hui principalement du suivi de la mise en œuvre de la convention. Je vous ferai part de nos expériences et de ce que nous considérons comme des nouvelles tendances qui pourraient nous aider grandement dans notre désir d'œuvrer collectivement en vue de faire le suivi de la mise en œuvre de la convention dans tous les secteurs. Un des secteurs qui nous semble très utile, c'est cette notion que les enfants doivent être les premiers à pouvoir se servir des ressources d'un pays, et c'est un des principes liés de très près à la convention.

En fait de suivi à assurer, il est important de noter que les Nations Unies, dans leurs observations faites en 1975 et en 2003, s'inquiétaient de l'absence d'un mécanisme permanent de suivi au Canada. En 2003, les Nations Unies signalaient aussi dans leurs observations de la fin qu'il n'existait pas au Canada d'ombudsman national protégeant les droits des enfants.

Les Nations Unies se sont également prononcées de façon très ferme dans un autre domaine en regard duquel beaucoup de pays ont déjà agi. Les Nations Unies ont signalé qu'il est fondamental pour préserver les principes de la convention que les ONG prennent part à la mise en œuvre de celle-ci.

Il faut reconnaître que le suivi de la mise en œuvre est une tâche complexe et permanente. Même si les rapports ne sont déposés que périodiquement, il faut beaucoup de travail pour colliger les données et pour que le cadre de suivi soit étayé par des faits. Autrement dit, le travail doit se faire de façon permanente tout au long de l'année, même si les rapports ne sont déposés que périodiquement. La complexité de la convention l'enrichit, puisqu'elle tient compte des droits humains, économiques et sociaux, tout en ayant un point de vue intégré des droits humains, ce qui rejaillit de bien des manières sur la façon dont nous concevons nos politiques nationales et internationales.

La convention représente des droits et libertés interreliés. À nos yeux, toute cette notion de suivi de la mise en œuvre doit équilibrer la recherche et la participation des ONG et doit nous permettre de jeter un regard critique sur la façon dont nous protégeons collectivement les enfants du Canada. Il est absolument essentiel et fondamental que les enfants et les jeunes prennent part au suivi de sa mise en œuvre.

L'expérience acquise depuis dix ans avec les ONG nous permet également de vous signaler certains des obstacles qui empêchent le suivi en question et qui ont déjà été mentionnés par les Nations Unies dans ses observations.

Les difficultés proviennent entre autres choses du manque de coordination d'une compétence à l'autre et d'un ministère fédéral à l'autre. Nous l'avons constaté en effet par l'absence d'un mécanisme servant à regrouper les ministères en vue de l'élaboration d'un plan national d'action, entre autres choses. Le gouvernement fédéral n'a pas de centre de responsabilités et de ressources qui pourrait servir de poids d'ancrage pour le suivi de la mise en œuvre.

Nous reconnaissons néanmoins que les façons de faire du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires sur les questions de politique sociale et de droits des enfants ne sont pas conçus de façon à nous aider à aborder d'une façon cohérente et d'un secteur à l'autre les politiques qui touchent les enfants, ce qui est néanmoins fondamental pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention.

Il n'existe pas, par exemple, d'ombudsman fédéral des droits des enfants.

Il y a également un autre domaine qui nous préoccupe de plus en plus, dans le milieu des ONG, et qui illustre bien certaines des difficultés que rencontre le gouvernement lui-même, et il s'agit de l'accès aux données et de leur disponibilité.

La collecte et l'analyse des données souffrent cruellement d'un manque de ressources à l'échelle fédérale, tout comme à l'échelle provinciale, territoriale et même locale. Nous manquons de données pouvant permettre de dresser un tableau exact des populations vulnérables telles que les enfants autochtones vivant hors réserve. Nous n'avons pas les moyens de coordonner nos sources de données d'une compétence à l'autre. Certaines des nouvelles restrictions qu'impose la Loi sur la protection des renseignements personnels commencent à nous nuire car elles nous empêchent d'avoir accès à des données permettant de déterminer la situation des enfants canadiens et de les utiliser. Depuis dix ans, les ONG parviennent de moins en moins à colliger des données et à faire de l'analyse de politique et de recherche.

Si le gouvernement fédéral s'engageait véritablement à assurer le suivi de la mise en œuvre, il pourrait faire d'énormes gains dans certains secteurs. Ainsi, le gouvernement fédéral n'a pas mis de côté les ressources nécessaires pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant dans ses propres ministères. Le gouvernement et les ONG ont du mal à regrouper les ressources, ce qui limite notre capacité collective d'effectuer le suivi de façon exhaustive et en nous fondant sur les faits.

Les problèmes persistent horizontalement, d'un ministère à l'autre. L'appui aux ONG destiné à les aider à jouer le rôle dans le suivi a été réduit au minimum et il est ponctuel. Prenons, par exemple, la mise en œuvre d'un plan national d'action. Le sénateur Pearson et son personnel ont fait un travail remarquable, mais il leur a fallu se battre pour obtenir les ressources permettant d'agir à l'échelle pancanadienne.

Un des rôles que peuvent jouer les ONG, et seules elles peuvent le faire, c'est de mettre au point des repères et des calendriers concrets permettant de faire bouger le plan national d'action. Le gouvernement fédéral a, de son côté, la possibilité de proposer au conseil des ministres des initiatives. Mais les ONG sont nécessaires pour faire avancer la vision des repères et des calendriers, mais aussi pour surmonter les obstacles existants d'une compétence à l'autre, puisqu'une bonne partie de notre politique réside au Canada, non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi aux administrations provinciales, territoriales et municipales. Cela illustre d'ailleurs l'absence de mécanisme permanent axé sur les organisations et sur le processus en vue d'œuvrer avec les provinces et les territoires pour assurer le suivi au fil du temps.

Les ONG reconnaissent fort bien le rôle et la responsabilité qu'elles ont d'assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention. D'ailleurs, les Nations Unies s'attendent à ce que nous fassions rapport de sa mise en œuvre au Canada. Nous pouvons miser sur nos réseaux et nos compétences. Nous pouvons miser à la fois sur la recherche et sur la pratique pour suivre les efforts déployés. Le secteur des ONG a aussi la possibilité d'œuvrer d'une province à l'autre.

Ce que l'alliance réclame au gouvernement fédéral depuis déjà plusieurs années, c'est un mécanisme permanent de suivi au Canada qui permet d'étayer les rapports des ONG et du gouvernement et d'assurer la transition de l'un à l'autre.

Le suivi de la mise en œuvre de la convention onusienne est une partie essentielle et intégrante de toute la surveillance que l'on doit faire de la situation des enfants au Canada; nous devons également assurer le suivi d'accords canadiens tels que l'Entente-cadre sur l'union sociale, l'Accord sur le développement de la petite enfance et le Cadre pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous devons regarder l'ensemble des politiques, internationales et canadiennes, telles qu'elles s'appliquent de façon générale aux enfants.

Mais pour que nous puissions collectivement rendre des comptes sur la façon dont les enfants canadiens évoluent, nous devons pouvoir suivre le progrès au fil du temps, et pour ce faire, il nous faut un mécanisme.

Notre tâche, pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention, c'est de raconter l'histoire des enfants du Canada, et pour y parvenir, il nous faut avoir plus de connaissances et mieux comprendre la situation. Il faudrait donc un mécanisme permanent nous permettant d'aborder à long terme et de façon cohérente le suivi.

Pour que le suivi de la mise en œuvre se fasse de façon musclée, il faut qu'il soit fondé sur les faits et qu'il reconnaisse le modèle écologique comme faisant partie des fondements et incluant le rôle de la famille, des collectivités et du gouvernement. Tout cela est déjà intégré dans la convention; c'est-à-dire que l'engagement des collectivités et les voix des enfants et des jeunes sont des éléments fondamentaux. En effet, c'est la seule façon pour nous de tenir compte des droits interreliés et de leur influence sur la vie des enfants. Pour y arriver, on peut se tourner vers le travail effectué par l'UNICEF autour des mêmes enjeux; ce travail nous permet de voir les lacunes et de ne pas être menés uniquement par les données. Nous devons nous pencher sur toute la gamme des articles et des droits et libertés inscrits à la convention, pour poser les bonnes questions et nous demander ce que cela implique véritablement pour les enfants et les jeunes du Canada.

Le modèle mis au point par la CCDE pour le suivi inclut des données et des faits tirés des lois et des règlements, la consultation de la jurisprudence, des politiques, de la pratique, de la recherche et des statistiques, de même que de l'opinion publique et des jeunes et des enfants. C'est donc une démarche à plusieurs étapes.

La complexité vient également du fait que l'engagement doit passer par tous les paliers de gouvernement, par les ONG et par le secteur privé; il faut donc que l'engagement soit intergouvernemental ainsi qu'à tous les paliers de gouvernement. L'engagement doit aussi être horizontal pour qu'il respecte l'interrelation entre tous les droits des enfants, et tienne compte de la santé, de l'aspect social, de l'éducation, des loisirs, de l'environnement, de la justice, et cetera. Il faut également une perspective verticale, depuis la voix des enfants et des jeunes jusqu'aux données pancanadiennes.

Notre alliance continuera à recommander, comme elle l'a fait jusqu'à maintenant, l'instauration d'un mécanisme permanent de suivi au Canada. Ce conseil, comme nous l'appelons pour l'instant, serait le point d'ancrage collectif de tous les intervenants et leur permettrait d'exercer leurs rôles et leurs responsabilités en matière de suivi de la situation des enfants du Canada. Nous songeons à un cadre inclusif qui irait plus loin que le simple suivi de la mise en œuvre de la convention, même si celle-ci englobe presque tout. Ce conseil permettrait au Canada de faire le suivi des accords canadiens et internationaux dans un cadre cohérent et coordonné.

Voici certains éléments qui pourraient être inclus au mandat et qui pourraient nous être utiles : augmenter le corpus de connaissances sur la santé et le bien-être des enfants du Canada; la possibilité de développer et d'alimenter des réseaux multidisciplinaires et intersectoriels; la possibilité de suivre le progrès des accords internationaux et canadiens. Nous augmenterions ainsi la capacité des divers milieux de raconter l'histoire des enfants du Canada et, ce faisant, nous pourrions voir jusqu'à quel point les accords comme la Convention relative aux droits de l'enfant sont respectés. Il faut trouver des façons d'impliquer les enfants et les jeunes dans toutes ces démarches. Ce conseil doit abriter aussi un champion, ombudsman ou commissaire national, peu importe son titre, qui soit le point d'ancrage.

Ce conseil devrait pouvoir effectuer de façon permanente de la recherche et faire du développement, et devrait avoir comme fonction d'acquérir les connaissances, la traduction, le réseautage et le partenariat, d'assurer le suivi, de faire rapport et de mobiliser en vue du changement.

Dans cette optique d'instaurer un mécanisme durable de surveillance, on peut envisager aussi un autre modèle de partenariat avec les gouvernements et le secteur des ONG. Nous ne cherchons pas à instaurer une lourde bureaucratie, puisque en ce qui concerne la santé, l'Institut canadien de l'information sur la santé, qui compte 300 employés, sert déjà de centre de surveillance de certains des accords canadiens en matière de santé. Ce n'est pas ce que nous envisageons, mais nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir des mécanismes solides, et qui continuent à être bien financés. Ces mécanismes permettraient d'agir comme facilitateur, coordonnateur, catalysateur, organe de transition et de développement des capacités, sur lequel on pourrait miser pour accroître la capacité actuelle des collectivités de faire un suivi et de faire le lien entre la recherche théorique et la pratique et la politique. Nous songeons à un réseau distribué qui nous permettrait de regrouper toutes nos forces. Le système actuel de collecte de données sur la façon dont les enfants du Canada se portent est fragmenté. Il n'existe pas de mécanismes permettant de colliger les données et les faits et de faire entendre les voix des jeunes et des enfants en vue d'en faire rapport aux Nations Unies.

La présidente : Merci beaucoup. M. Dudding pourra répondre également aux questions.

[English]

Le sénateur Losier-Cool : Ma question est peut-être plutôt une réflexion que l'on entend souvent. Encore la semaine dernière, la ministre responsable de l'ACDI comparaissait devant le Comité des affaires étrangères.

[Translation]

Le sénateur Losier-Cool : Vous m'avez convaincue : vous êtes les experts dans ce dossier. Madame Ashtakala, vous dites regrouper une cinquantaine d'organisations aux paliers international et national. On entend fréquemment dire que l'Afrique s'appauvrit d'année en année malgré les efforts de nombreux groupes d'intervenants et malgré les sommes considérables dépensées par les gouvernements en aide internationale. Pourquoi?

[English]

L'Afrique est de plus en plus pauvre, plus pauvre qu'elle ne l'était il y a 20 ans. Le taux de mortalité infantile demeure élevé. On voit aussi un nombre grandissant d'enfants-soldats.

Jusqu'à quel point travaillez-vous avec l'ACDI pour influencer les programmes? Les sommes d'argent sont-elles dirigées aux bons endroits? Pourquoi en sommes-nous rendus à ce point?

[Translation]

Mme Ashtakala : La coalition inclut des organismes de développement international et des organisations internationales humanitaires. Le partenariat entre les membres de la coalition et l'ACDI a été au bénéfice de tous au fil des ans et a constitué un processus d'apprentissage de part et d'autre. L'ACDI a fait beaucoup de chemin en réussissant à intégrer les droits des enfants et les droits humains en général dans tous ses programmes. D'ailleurs, l'ACDI a fait de la protection des enfants sa priorité, avec les besoins de base, ou la sexospécificité, entre autres.

Pourquoi a-t-on l'impression d'injecter de l'argent constamment en Afrique? C'est à la fois une perception et une réalité. Souvent, l'aide était dirigée vers les mauvais secteurs, tandis que certains secteurs avaient plus de besoins que d'autres. Le continent africain est victime de conflits civils qui sont survenus principalement après la fin de la guerre froide. Pendant la guerre froide, l'aide était ciblée de façon sélective. L'argent, les armes et tous les éléments afférents étaient dirigés vers des pays bien précis pour combler des besoins bien précis. À la fin de la guerre froide, plus rien ne tenait, et la fureur, le désespoir et la pauvreté refoulés depuis si longtemps ont fait irruption.

Je parle au nom d'une organisation qui œuvre avec l'ACDI, et je puis vous dire que l'ACDI écoute ce qu'ont à dire les organisations qui oeuvrent dans ce secteur et a modelé petit à petit ses méthodes aux réalités exprimées par nos travailleurs. Cela prend sans doute du temps, et les Canadiens peuvent s'impatienter devant ce qui semble être une aggravation de la situation malgré tout l'argent injecté. Mais il faut du temps, car les problèmes sont très ancrés.

Le sénateur Losier-Cool : Quels sont les liens qu'a votre organisation avec l'ACDI? Siégez-vous à la même table que certains de ceux qui œuvrent sur place?

M. Peter M. Dudding, directeur exécutif, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada : Oui, nous siégeons à la même table. Du côté de l'ACDI, depuis qu'elle a embrassé la vision des droits des enfants, elle s'est engagée de façon accrue dans un dialogue fructueux avec les ONG canadiennes qui s'intéressent aux enfants d'une façon qui, d'après mon expérience, est véritablement sans précédent ou qu'on aurait osé espérer il y a cinq ans.

Revenons à votre question précédente. En 1992, lorsque j'ai quitté le Sri Lanka, lorsque nous posions des questions au sujet des abus sexuels, les Sri Lankais nous répondaient invariablement qu'ils ne savaient pas de quoi nous parlions, qu'ils n'abusaient pas de leurs enfants et qu'il s'agissait uniquement d'un problème créé par les pédophiles étrangers. Lorsque je suis retourné en 2002 au Sri Lanka, j'ai été agréablement surpris de constater que tout le monde là-bas parlait de la Convention relative aux droits de l'enfant. On avait d'ailleurs créé une autorité nationale de protection des enfants, de même que l'on s'était attaqué sérieusement à la mise à jour de toutes les lois nationales ayant une incidence sur les enfants et les femmes.

Je me suis ensuite attaqué aux problèmes de l'Inde, pays qui compte 20 millions de naissances chaque année. J'y ai aussi découvert que l'on avait créé une autorité nationale de protection des enfants financée entièrement par le gouvernement indien. On a fait instaurer un service d'écoute téléphonique destiné aux enfants dans 40 des grandes villes de l'Inde. Moi qui suis parfois cynique et même sceptique, je peux vous dire que la ratification dans le monde d'un des accords les plus exhaustifs sur les droits de la personne a fait toute la différence du monde, particulièrement pour ces deux pays. Du point de vue de nos enfants et de nos petits-enfants, l'importance s'est de sensibiliser de plus en plus la population du monde à l'interdépendance dans laquelle nous vivons. Même si nous vivons à l'époque de la « forteresse nord-américaine », il reste que la population de la planète ne cessera d'augmenter de façon exponentielle jusqu'en 2050. Or, les trois milliards d'enfants de plus qui naîtront à l'extérieur de l'Occident industrialisé et riche. Il est donc essentiel que l'on envisage ces questions dans une perspective planétaire. Je ne saurais trop vous encourager à le faire.

Je représente une ONG canadienne, et je constate avec intérêt que mes chapitres urbains, à Montréal ou à Vancouver, sensibilisent de plus en plus la population de leur région à la question de la diversité pour qu'elle soit au cœur de notre réflexion et qu'elle soit au centre des services qui desservent la population locale. Autrement dit, il ne s'agit pas uniquement de comprendre ce que vivent les Haïtiens de Montréal, mais il faut plutôt comprendre comment ils s'intègrent dans leur famille et dans leur famille élargie restée en Haïti pour que l'on puisse répondre à leurs besoins.

Le sénateur Losier-Cool : Vous avez mentionné les membres de la coalition canadienne et je vois que, parmi ceux-ci, il y a des associations qui s'occupent des enfants francophones en situation minoritaire, pour leur fournir des services dans leur propre langue. Je vois aussi la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Bravo et merci.

Le sénateur LeBreton : Merci de votre témoignage convaincant. On semble se demander comment faire, mais on a néanmoins parlé de la possibilité d'avoir un ombudsman et un commissaire. On a même mentionné un conseil, de même que l'Institut canadien d'information sur la santé, que je connais un peu. Existe-t-il actuellement au Canada une organisation qui serait le modèle à suivre?

Madame Bascombe, vous affirmez qu'il n'existe pas au gouvernement fédéral de centre de responsabilités ni de ressources. Où devrait-il être logé, à votre avis?

Mme Bascombe : Pour répondre à votre première question, aucune organisation déjà créée ne pourrait s'occuper de tout cela, et c'est pourquoi nous recommandons la mise sur pied d'un conseil qui servirait de point d'ancrage pour tous les organismes qui œuvrent dans ce domaine.

Le sénateur LeBreton : N'est-il pas déjà de modèle que nous pourrions suivre?

Mme Bascombe : Nous avons examiné plusieurs modèles, dont certains sont à l'échelle internationale. Nous aimons bien l'idée d'un organisme qui dépendrait des coalitions et qui tablerait sur les forces qui existent déjà dans nos réseaux.

Il vaudrait la peine d'y englober les centres d'excellence financés par Santé Canada qui existent déjà, de même que les établissements de recherches comme les universités et les collèges. Cependant, cela doit se faire sous l'égide du secteur des ONG, à cause de nos forces et de la crédibilité que nous apportons à la table, puisque nous faisons la transition d'un secteur à l'autre et d'un palier gouvernemental à l'autre.

Ce n'est pas un modèle exact; nous y réfléchissons et nous discutons beaucoup entre nous et avec le gouvernement fédéral du type de modèle et de ce à quoi il pourrait servir. À notre avis, il devrait se situer à l'extérieur du gouvernement, pour permettre le partenariat avec celui-ci.

Le sénateur LeBreton : Vous dites qu'il n'y a pas de centre de responsabilités au sein du gouvernement fédéral. Où devrait-il loger, à votre avis.

Mme Bascombe : Nous n'avons pas proposé de modèle exact, mais nous croyons qu'il doit y avoir un mécanisme d'un ministère à l'autre qui permette l'horizontalité. Cela permettra au gouvernement du Canada de faire rapport sur la mise en œuvre de la convention onusienne, puisque l'enjeu touche tous les ministères et tous les paliers.

On avait pensé à un moment à prendre comme modèle le Bureau des enfants, mais ce dernier ne joue plus de rôle. Le centre en question pourrait se situer dans un seul ministère ou pourrait être un mécanisme interministériel; toutefois, il doit être suffisamment financé et doit avoir une certaine permanence. C'est très difficile et cela prend beaucoup de temps de créer une autre structure ponctuelle qui serve à tous les ministères chaque fois qu'un rapport doit être préparé. Comme il n'y a souvent pas de budget, chacun essaie de son côté de trouver des fonds pour faire faire le suivi.

Le sénateur LeBreton : Quand suggérez-vous que ce conseil soit créé et mis sur pied?

Mme Bascombe : Cela fait déjà cinq ans que nous en demandons la création. Il y a deux ans, le comité multipartite des finances de la Chambre des communes a recommandé qu'une instance de ce genre soit créée, mais rien n'a encore été fait. Demain, je dois rencontrer les gens du Bureau du Conseil privé, et j'en parlerai encore une fois.

Nous sommes l'un des rares pays à ne pas avoir de mécanisme de surveillance dont le financement soit stable. Les ONG nationales ont subi maintes diminutions de financement, et c'est pourquoi notre capacité collective de faire ce genre de travail diminue avec la perte de financement. Or, ce type de mandat ne s'inscrit pas dans un ministère donné ni dans un programme donné, et c'est pourquoi il finit par disparaître.

Le sénateur Pearson : À une époque, il existait le Conseil canadien de l'enfance et de la jeunesse qui, malheureusement et pour plusieurs raisons, n'existe plus. Ce modèle, une fois élargi, pourrait être celui que vous cherchez.

Pourriez-vous m'aider à faire la distinction entre les fonctions de surveillance et de mise en œuvre. En 1979, dans le cadre de l'Année internationale de l'enfant, cette commission avait demandé qu'un centre soit créé au gouvernement fédéral pour s'occuper des enfants. Cependant, ce dont a parlé M. Bala plus tôt ne me semble pas faire appel au même type de mécanisme de surveillance. Je crois qu'il existe deux, peut-être trois, mécanismes : l'un au gouvernement, l'autre indépendant du gouvernement, et le troisième chez les ONG. La surveillance est une condition préalable nécessaire à la mise en œuvre, ou en découle, mais surveillance n'est pas mise en œuvre. Ce mécanisme ne permettrait pas de dire au gouvernement quoi faire, même s'il peut conseiller le gouvernement. Nous avons donc besoin également d'un mécanisme qui puisse enjoindre le gouvernement d'agir.

Mme Bascombe : Au conseil, nous réfléchissons à la partie du casse-tête qui se trouve à l'extérieur du gouvernement. Nous ne faisons pas de mise en œuvre, mais nous assurons plutôt le suivi de celle-ci.

J'ai dit qu'il était nécessaire d'avoir un point d'ancrage au sein du gouvernement en vue de la mise en œuvre, et je crois que cela illustre la complémentarité des deux : une fonction à elle seule n'aurait pas autant de poids que si elle était jumelée avec l'autre.

Le sénateur Pearson : Je suggérerais trois composantes, pour ma part.

Le sénateur Poy : Vos deux organismes oeuvrent-ils conjointement?

Mme Bascombe : Nous travaillons côte à côte : nous pouvons nous parler sans nous déplacer, de vive voix.

Le sénateur Poy : Madame Bascombe, vous avez dit avoir 62 chapitres?

Mme Bascombe : Nous comptons 62 organisations nationales.

Le sénateur Poy : Et la Coalition canadienne pour les droits des enfants, madame Ashtakala?

Mme Ashtakala : La coalition canadienne compte plus de 50 organisations canadiennes et internationales.

Le sénateur Poy : Vous travaillez tous ensemble?

Mme Bascombe : Les membres de ces organisations nationales se recoupent souvent. Ainsi, l'Alliance nationale pour les enfants œuvre principalement sur la politique canadienne plutôt que sur la politique internationale. La CCDE, quant à elle, assure la transition entre l'international et le national, ce qui explique que nos deux listes de membres peuvent se chevaucher. Mais nos mandats sont différents. Le mandat de l'Alliance nationale pour les enfants est de se pencher sur la santé et le bien-être des enfants du Canada. Le mandat de la CCDE est lié de très près à la Convention relative aux droits de l'enfant. Pour l'alliance, la Convention relative aux droits de l'enfant constitue le principe fondamental et le document sur lequel vient se greffer notre travail.

Vous voyez que nos mandats diffèrent quelque peu, mais cela explique que nous ayons toujours travaillé en étroite collaboration.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé de mise en œuvre. Pouvez-vous nous décrire votre journée de travail?

Côtoyez-vous des enfants?

Mme Bascombe : En fait, je n'en vois jamais dans le cadre de mon travail. Nous oeuvrons avec les enfants et apportons à la table les voix des enfants et des jeunes par le truchement de nos membres qui sont des organisations de prestation de services de première ligne. D'ailleurs, à l'arrière de notre brochure, vous y verrez les membres de l'Alliance nationale pour les enfants : il s'agit d'organisations qui oeuvrent à l'échelle du Canada avec les enfants et les familles à l'échelle de la collectivité. Il s'agit d'organisations comme les Grands Frères et les Grandes Sœurs et les clubs d'enfants et d'adolescents. Il y a aussi des groupes qui oeuvrent avec des personnes handicapées, d'autres qui s'occupent d'éducation, et la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada qui s'intéresse aux questions de bien-être des enfants; il y a aussi des commissions scolaires et la Société d'aide à l'enfance. Nous avons des liens avec les organisations nationales qui sont elles aussi liées de très près aux organismes communautaires de base.

Le sénateur Poy : Ce sont eux qui vous transmettent leurs problèmes?

Mme Bascombe : Ce sont eux qui demandent à la table de se pencher sur certains enjeux. Nous avons une façon de faire qui nous mène de la recherche théorique à l'élaboration pratique de politiques, dans le cadre des politiques que nous encourageons les gouvernements à adopter. En cours de route, nous regardons les résultats de la recherche.

Nous regardons également ce qui se fait en pratique. Avant de proposer une solution politique, nous amenons à la table les intervenants de première ligne, les familles, les décideurs politiques et les chercheurs, afin d'élaborer tous ensemble notre position.

Actuellement, nous traitons des enjeux des jeunes. Nous tiendrons une table ronde en mars où nous rassemblerons des jeunes qui discuteront de l'élaboration de politiques jeunesse.

Le sénateur Poy : Dans le cadre d'activités de ce genre, consultez-vous parfois les enfants de familles divorcées ou séparées pour savoir quels sont les problèmes à leurs yeux?

Mme Bascombe : Non, nous ne l'avons jamais fait.

Le sénateur Poy : Madame Ashtakala, est-ce que votre organisation fait à peu près la même chose?

Mme Ashtakala : Oui, car nous sommes une coalition de groupes. À la différence de la coalition canadienne, nous nous engageons davantage auprès des jeunes car la participation des jeunes est un élément clé de notre travail. Dans toutes nos initiatives, nous faisons participer des jeunes, nous leur demandons de contribuer à l'élaboration de nos positions sur la convention et les autres droits des enfants.

Le sénateur Poy : Travaillez-vous en étroite collaboration avec les jeunes?

Mme Ashtakala : À cet égard, oui. Ils participent à nos initiatives directement.

Le sénateur Poy : Vous les rencontrez et discutez des enjeux avec eux?

Mme Ashtakala : Oui.

Le sénateur Poy : Au niveau national et international?

Mme Ashtakala : Oui.

Mme Bascombe : Une des choses qui nous inquiètent, c'est le manque de fonds et de capacité pour ce genre de travail qui se fait en grande partie dans l'ombre. Or, il faudrait des ressources permanentes et à long terme pour que les enfants et les adolescents puissent s'exprimer et s'engager de façon continue, et non pas être simplement consultés de temps à autre. C'est ce que prévoit notre vision. Au sein de la communauté des ONG bénévoles, avec le conseil, nous souhaitons adopter des stratégies d'engagement à long terme.

Toutes nos coalitions nationales — et je peux me faire le porte-parole de nous deux — manquent de ressources pour poursuivre leur engagement approfondi et continu au nom des enfants et des adolescents.

Le sénateur Poy : Recevez-vous une aide financière du gouvernement?

Mme Bascombe : Un peu.

Le sénateur Poy : Du gouvernement fédéral ou des autres paliers?

Mme Bascombe : L'Alliance nationale pour les enfants a conclu un accord de subvention et de contribution avec le gouvernement fédéral.

Mme Ashtakala : Notre coalition en a encore moins.

Le sénateur Poy : Receviez des fonds de l'ACDI?

Mme Ashtakala : Nous avons reçu des fonds de l'ACDI pour un projet ou deux, mais pas de façon régulière.

La présidente : J'ai une question pour Mme Bascombe parce que vous, madame Ashtakala, vous vous occupez de la convention. Madame Bascombe, vous oeuvrez au niveau national et la convention sert de fondement à vos principes. Selon vous, serait-il préférable pour le Canada, particulièrement pour les enfants, que la convention soit mise en œuvre d'une façon ou d'une autre plutôt que de se contenter de ratifier la convention sans l'inclure dans notre droit national?

Mme Bascombe : Nous appuyons vigoureusement la mise en œuvre de la convention. Nous préconisons l'adoption d'un mécanisme permanent de surveillance car nous estimons qu'à l'heure actuelle, il faut plaider la cause de la convention. Il faut aussi faire valoir l'importance d'un mécanisme de surveillance. Si nous ne pouvons surveiller la mise en œuvre de la convention, nous, les ONG bénévoles qui appuient la convention, ne disposerons pas des données, des preuves et des pouvoirs nécessaires pour continuer à pousser pour sa mise en œuvre, ce qui reste notre objectif ultime.

La présidente : Je remercie les témoins d'être venus. Nous avons commencé sur les chapeaux de roue et vous avez répondu tout aussi vite. Nous vous en savons gré. Nous recommuniquerons avec vous à mesure que progressera notre étude.

Cela met fin à cette partie de la séance. Nous faisons une courte pause avant d'aborder une autre question.

Mme Bascombe : Nous avons préparé nos documents très rapidement. Nous serions ravies de vous faire parvenir un mémoire plus exhaustif.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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