Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 12 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 9 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants; et il est autorisé à inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor, la présidente de la Commission de la fonction publique, dans le but d'examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des droits de la personne d'aujourd'hui se divise en deux parties. Au cours de la première, nous allons examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Puis, de 17 h à 18 h, nous retournerons à notre mandat qui consiste à inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor et la présidente de la Commission de la fonction publique dans le but d'examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale.
Je reviens maintenant au mandat que nous avons d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Nous recevons aujourd'hui les coauteurs du livre intitulé Une juste place pour tous les enfants : Plaidoyer pour l'action. Christine Colin, médecin spécialiste en santé publique, Lorraine Fillion, travailleuse sociale et médiatrice familiale, et Hugues Létourneau, avocat, feront un exposé et contribueront ainsi à nos délibérations et à nos réflexions sur la Convention relative aux droits de l'enfant et sur les problèmes connexes qu'éprouvent les enfants du Canada. Nous sommes heureux de voir qu'ils ont réussi à produire un livre qui alimentera notre débat, et qu'ils sont ici aujourd'hui pour nous faire un exposé.
[Français]
M. Hugues Létourneau, avocat, à titre personnel : Nous vous remercions de votre accueil et de cette possibilité de vous exposer le contenu du livre que nous avons écrit.
Ce livre a été rédigé du début de l'année 2000 à l'année 2004. Il se veut l'expression d'une vision, celle de neuf professionnels des services de la santé et des services sociaux au Québec. Dans ce livre, nous partageons l'espoir d'un avenir meilleur pour nos enfants. Nous nous penchons sur les lacunes de notre société quant aux services offerts et nous formulons quelques propositions afin d'améliorer le bien-être des enfants.
Cet après-midi, Mme Colin vous présentera un point de vue sur ce livre. Madame Fillion vous entretiendra d'un secteur qu'elle connaît très bien, soit celui de la médiation et de la garde. Pour ma part, je vous ferai un court exposé sur la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, un tribunal spécialisé, et sur la façon dont ce tribunal pourrait être transformé pour répondre davantage aux besoins des enfants.
La docteure Christine Colin, médecin spécialiste en santé publique : Je me permets, à mon tour, de vous remercier du privilège de pouvoir vous présenter le fruit de nos réflexions. Nous avons prévu une quinzaine de minutes de présentation pour répondre par la suite à vos questions.
C'est en tant que coordonnatrice du livre que j'aimerais vous le présenter. Ce livre est l'évolution d'une démarche internationale qui a commencé à Bruxelles, en Belgique. Vous savez que la Belgique fut durement ébranlée par des actes de violence très sérieux commis envers les enfants. La communauté de pédiatrie et des affaires sociales s'est mobilisée et a invité, en avril 2002, à Bruxelles, 300 délégués des pays francophones pour répondre à cette réflexion et faire un manifeste, le Manifeste de Bruxelles, Pour le bien-être et la reconnaissance de la dignité de tous les enfants. Ce manifeste a été publié à temps pour être déposé au deuxième sommet mondial, à New York, dans le cadre de rencontres parallèles. Le sénateur Pearson est très familière avec ce sommet.
Deux ans avant le colloque de Bruxelles, on nous a suggéré de poursuivre la démarche de Bruxelles dans une dizaine de pays francophones et contribuer ainsi à la démarche de Bruxelles. C'est alors qu'on m'a demandé de coordonner le groupe du Québec. Nous avions amorcé les travaux un peu plus tôt en l'an 2000 et les avons poursuivis pendant quelques années. Nous disposions déjà d'un grand nombre d'écrits au Québec et nous ne voulions pas devoir tout recommencer. Nous avons donc tenté de produire une réflexion québécoise intégrée à la réflexion internationale, mais qui s'inscrivait dans notre réalité, au Canada et au Québec en particulier.
Je vais vous présenter brièvement chaque chapitre, car ils sont bien distincts. Le travail s'est effectué dans une grande concertation entre les auteurs, avec des séances de travail et une continuité qui s'est établie au niveau de notre réflexion collective.
Dans le préambule, le docteur Michel Lemay, pédopsychiatre renommé du Québec, se demande pourquoi il est si difficile d'actualiser les recommandations que nous connaissons en faveur des enfants. Nombre de travaux ont été réalisés sur ce sujet. Malgré tout, il nous a été difficile d'être efficace dans nos mesures en faveur des enfants. Cette difficulté vient, d'une part, du déchirement entre les besoins des enfants et ceux des adultes, déchirement qui se révèle de différentes façons. Cette difficulté vient, d'autre part, du fait que nous comprenons mal les obstacles qui se posent.
Une fois cette thématique posée, l'ouvrage consiste en trois parties. La première s'intitule « Les éléments fondateurs du développement de l'enfant. Les éléments fondateurs — développement de l'enfant ». Dans un premier chapitre, Michel Lemay parle de la famille et de l'enfant : une rencontre fondatrice. On replace les besoins de l'enfant pour son devenir. On parle également des médiations relationnelles, des dérives, de « l'enfant-roi », de l'enfant victime et du besoin absolu d'accepter les différences et l'égalité des chances.
Gloria Geliu, pédiatre très connue et membre de l'Ordre du Canada, nous parle de l'attachement absolument nécessaire pour un bon départ dans la vie, qui doit s'inscrire dans une relation réciproque de confiance entre le parent et l'enfant, mais aussi une relation dépendante de facteurs individuels ou sociétaux. Elle parle également de situations particulières que sont l'adoption, les handicaps ou d'autres situations.
Le troisième chapitre de cette première partie, rédigé par Marie-Claire Laurendeau, psychologue oeuvrant en santé publique, nous apparaît essentiel. Il traite de l'absolue nécessité de la participation des enfants et des adolescents au développement social et communautaire. À ses yeux, la participation est un droit qu'on doit protéger, qu'on doit défendre pour les enfants. Il est nécessaire d'inclure les jeunes dans le développement social, mais cette inclusion devient évidemment un atout pour les communautés. Nous sommes sensibles au fait qu'il y a actuellement certaines difficultés, même dans certaines communautés, d'accueillir les enfants et il nous semble qu'au contraire, il faut donner précocement des occasions de socialisation à tous les enfants. Il faut valoriser leur participation sociale, leur rendre disponible des modèles d'adultes participants, des réseaux d'adultes bienveillants et, bien entendu, tout cela contribuant à une excellente prévention des problèmes psychosociaux. On pourra revenir sur ces questions si vous le souhaitez.
La deuxième partie s'intitule : Respect des différences et égalités des chances. Il y a également trois chapitres. Le premier, que j'ai moi-même rédigé sur la base de mes travaux antérieurs, s'intitule : Promotion de la santé et du bien-être et prévention auprès des enfants et familles en milieu d'extrême pauvreté : soutien, contrôle ou solidarité? Le but est de s'inscrire dans une démarche de prévention et de promotion de la santé. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que, malheureusement, les inégalités et la pauvreté ne diminuent pas, et que malgré une certaine diminution, en 1999, les statistiques nous ramenaient à des taux de pauvreté supérieurs à ceux qui prévalaient avant les décisions qui avaient été prises, en 1989, d'abolir ou tout au moins de réduire considérablement la pauvreté. Ceci nous inquiète particulièrement. Vous savez aussi bien que moi qu'au-delà des chiffres, il y a des familles qui vivent des situations extrêmement difficiles.
Malgré le fait que la grande majorité des parents en milieu défavorisé comme ailleurs sont des parents aimants, ces situations de grande pauvreté influent sur la santé et sur le développement de l'enfant qui s'en trouvent compromis, que ce soit la santé physique ou le développement. Bien sûr, elles sont la source des nouvelles morbidités, comme nous les appelons maintenant, en termes de violence ou de difficulté de développement des enfants.
Au-delà, il nous semble que prévenir est possible, en particulier dans les services de prévention dans nos réseaux de santé et de services sociaux, à condition que puisse s'établir une relation de confiance avec les familles; relation de confiance basée sur de le non-jugement, le respect des différences et de la dignité, à condition que nos services soient assez intensifs et qu'ils s'établissent en partenariat et en solidarité avec les familles.
Des exemples sont donnés, en particulier le programme québécois Naître égaux — grandir en santé, un programme de prévention et de promotion de la santé auprès des femmes enceintes en milieu défavorisé. Au-delà de ces services directs auprès des familles, il nous semble essentiel de lutter contre la pauvreté, elle-même cause de ces difficultés. Nous présentons dans notre livre un plaidoyer pour des politiques audacieuses tournées vers l'avenir, progressistes, intersectorielles, développées en concertation et en complicité avec les différents réseaux.
Le chapitre suivant est rédigé par Cécile Rousseau et il traite du jeu des différences, en particulier des enfants de culture différente qui arrivent au Canada. Elle nous présente dans un premier temps les situations malheureusement connues de discrimination et de racisme. Elle explique aussi l'expérience de ces migrants, de ces jeunes ados pris entre deux cultures. Elle développe l'éventail des stratégies de résistance, le rôle des services sociaux comme médiateur et elle continue sur les questions d'identité personnelle et collective.
Nous proposons des solutions; il faut diminuer l'exclusion et penser la multiplicité, travailler avec les institutions, l'organisation communautaire, s'intéresser à une mission intégrative de l'école et générer des solidarités multiples et de l'empathie.
Le chapitre suivant est écrit par Lorraine Fillion, je vais donc lui laisser la parole pour nous le présenter.
Mme Lorraine Fillion, travailleuse sociale et médiatrice familiale : Je travaille depuis 30 ans avec les familles séparées et auprès des enfants de parents séparés. Ayant le plaisir et la chance de rencontrer des collègues d'autres provinces canadiennes, je peux dire que ce vaste mouvement de réflexion qui s'est créé dans la francophonie est certainement semblable à ce qui se passe au Canada. D'ailleurs, au départ, quand on nous avait demandé d'écrire un livre, on était un peu réticent parce qu'on se demandait si c'était un autre livre qui irait sur une tablette. Ce qui nous avait animé comme personnes qui allions collaborer, c'était qu'on voulait créer ce qu'on a appelé « un souffle pour l'action ». On voulait que cela permette aux gens d'agir.
Lorsque les parents se séparent, tout le monde est pour la parole des enfants. Si on interviewe des parents qui sont mariés ou qui vivent en union fait, les gens disent : « C'est vrai, il faut consulter l'enfant, il faut l'écouter. » Cependant, on n'écoute pas l'enfant. On l'écoute avec nos oreilles d'adultes et souvent, on dénature la vraie parole de l'enfant. On interprète, on réduit sa parole et finalement, on n'agit pas comme tel par rapport aux besoins de l'enfant. L'enfant est un créateur naturel. Si on demande aux enfants de parents séparés quels sont les problèmes qu'ils vivent, en deux minutes, ils vont vous lister tous les problèmes et plus vite, ils vont vous trouver les solutions. Ils sont très rapides pour trouver les solutions. Maintenant, le problème — c'est ce qu'ils vont dire — c'est que les parents ne sont pas d'accord pour mettre en place les solutions, ou la société ne le fait pas. Cependant, les solutions existent.
Je voudrais vous raconter l'histoire de la petite Valérie — que vous trouverez dans mon livre — parce qu'elle est très « parlante ». Sa mère était remariée et elle avait une petite sœur. Elle avait aussi des contacts avec son père. Le mari de sa mère, on l'appelle un beau-père. Elle dit : « Il n'est pas beau. Pourquoi est-ce qu'on l'appelle un beau-père? Il n'est pas beau, mais il est gentil. » On manque de mots pour nommer les nouveaux parents qu'un enfant va rencontrer sur sa route avec les familles recomposées. Par exemple, elle a une petite sœur, cela fait cinq ans que l'enfant est née. C'est sa sœur. La société lui dira que c'est sa demi-sœur. Elle dit : « Non, ce n'est pas une demi-sœur parce qu'elle n'a pas un demi-bras, un demi-corps. C'est ma soeur. » L'enfant réagira fortement pour dire que c'est sa sœur et la société dit non.
Pour ces enfants, dans leur cœur, il y a beaucoup plus de place qu'on pense. Par rapport à ces termes — je sais que le sénateur Pearson et d'autres y ont pensé — je pense qu'il faut changer la terminologie juridique dans les solutions pour aider ces nouvelles familles. En 2005, de parler encore de garde, de droit de visite, ce n'est pas refléter la situation des familles séparées et recomposées où de plus en plus de pères s'impliquent. Il y a d'autres pays qui pourraient nous inspirer pour qu'on puisse reconnaître davantage l'équité ou l'équilibre entre le père et la mère.
Un père qui se présente à l'école avec son jugement selon lequel la mère a la garde et lui des droits de visite et qui demande une copie du bulletin scolaire de son enfant pourrait se faire dire par le directeur d'école qu'il n'a pas ce droit parce qu'il n'a qu'un droit de visite. C'est quelque chose qu'on rencontre encore en 2005. C'est inacceptable si on se place du point de vue de l'enfant qui aimerait bien que son père puisse venir à l'école. Le père ne reçoit pas les convocations de l'école, les informations, et cetera.
Dans le chapitre, ce que j'ai essayé de dire, c'est que les familles séparées et divorcées sont riches, créatives et capables de retrouver un équilibre. On sait que ce n'est pas le divorce comme tel qui est mauvais pour l'enfant, c'est la façon dont il se passe; si les parents sont présents dans sa vie ou non.
S'il y a un soutien à cette nouvelle parentalité et qu'il est placé à l'abri du conflit, l'enfant s'en sortira bien. Le recours à la médiation, c'est aussi en amont, donc de façon très préventive qu'on puisse proposer aux familles d'utiliser la médiation familiale et de faire un meilleur usage du système judiciaire. En fait, je crois que les juges et les avocats ont leur place. On a besoin d'eux dans la société parce qu'ils ferment la balise juridique. De plus, la médiation en amont pourrait prévenir des escalades de conflit devant les tribunaux.
Maintenant, si on veut donner la parole à l'enfant, il ne faut pas non plus tomber dans l'excès en donnant à l'enfant un même statut juridique que celui de ses parents, en lui fournissant un avocat qui puisse plaider sa cause et son désir, alors que c'est autre chose qu'on recherche, soit l'intérêt de l'enfant. Il y a comme un balancier à retrouver. Oui, on peut donner la parole à l'enfant pour qu'il soit entendu, sans censure, tout en mettant de l'avant les solutions qu'il va proposer.
Maintenant, qu'est-ce qu'on est prêts à faire? Je ne pense pas qu'il faille attendre et dire que le gouvernement doit agir. Je pense que chacun peut et doit faire quelque chose. C'est un peu dans cet esprit que j'ai écrit ce chapitre.
Ce soir en rentrant à la maison, il faut se demander qu'est-ce qu'on peut faire pour son enfant et pour l'enfant de quelqu'un d'autre et comment est-ce qu'on peut être davantage à l'écoute. C'est un peu ce mouvement qui nous amène à penser qu'on peut agir pour aider les familles Voilà, c'est grosso modo ce que j'ai tenté d'écrire.
Dre Colin : La première partie du livre traite donc à la fois des besoins personnels, familiaux et communautaires de l'enfant. La deuxième partie traite de situations difficiles, que ce soit les enfants en milieu défavorisé, les enfants de culture et de pays différents arrivés au Canada ou les enfants de familles où il y avait une séparation. Enfin, la troisième partie, quant à lui, traite davantage des services et des politiques qui nous semblent importants pour donner une juste place à chaque enfant : Services pour les enfants et les jeunes.
Au premier chapitre, le Dr Luc Blanchet, pédopsychiatre, développe une pensée intersectorielle dans l'organisation des services. Je passerai plus rapidement sur cette section en disant que nous sommes confrontés à des cloisonnements, à des silos entre les services dont ont besoin les enfants et les parents.
C'est pourquoi nous avons développé une réflexion qui souhaite mettre de l'avant des actions intersectorielles en prévention sur les conditions de vie, sur les déterminants et sur les zones d'intervention et ce, à tous les niveaux de notre intervention préventive et curative.
Pour cela, nous souhaitons que l'on mise sur les réseaux communautaires, qu'il y ait des plans globaux d'intervention, des innovations et des expérimentations qui permettent d'éviter les situations difficiles que l'on connaît tous avec des enfants que l'on renvoie d'un bureau à l'autre et, surtout, qui permettent des interventions précoces, intensives et continues, toujours dans le but d'être plus efficaces.
Le deuxième chapitre est l'œuvre de Me Létourneau. Je lui cède donc la parole.
M. Létourneau : Au cours des Au cours des 25 dernières années, j'ai pratiqué exclusivement devant le tribunal de la Jeunesse. J'ai cru bon faire une réflexion sur ce tribunal qui est né en même temps que l'Année internationale de l'enfance, en 1979, au même moment où le Québec se dotait d'une nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse.
J'ai examiné ce tribunal comme étant le troisième palier de notre système démocratique et un accès, peut-être la seule fois de sa vie, pour l'enfant ainsi que pour ses parents à ce tribunal. J'ai tenté d'établir un lien historique entre la création de ce tribunal en 1979, ce qu'il devenu et peut-être ce qu'il pourrait être dans les prochaines années.
Dans un premier temps, ce tribunal avait été considéré comme étant un tribunal de droit commun. On y appliquait les mêmes règles que devant les autres tribunaux, avec les mêmes perspectives, les mêmes exigences de preuve. Il faut dire que dans la région de Montréal, on parle de plus de 12 000 auditions de cas de protection.
Ce tribunal se préoccupe à la fois d'enfants maltraités, d'enfants victimes d'abus sexuels, d'enfants négligés et d'enfants victimes d'abandon. Il a aussi juridiction sur la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents ainsi que sur l'adoption des enfants.
L'approche a été la suivante. Ce tribunal, on n'en parle plus comme étant un tribunal de droit commun, mais comme un tribunal spécialisé qui doit aussi exister dans plusieurs provinces au Canada. De ce fait, les tribunaux d'appel ont beaucoup de réticence à intervenir dans l'une des décisions rendues par la Cour du Québec, chambre de la Jeunesse. Ce tribunal, au cours des années, est devenu de plus en plus le porteur du bon droit.
Suite à quelques réflexions et quelques discussions, nous en sommes venus à la conclusion que dorénavant, ce tribunal devrait se reconnaître d'autres types d'obligation que celui d'entendre des situations d'enfants — donc de faire du cas par cas — et aussi se reconnaître une obligation beaucoup plus éducative. C'est donc dans ce contexte que j'ai développé quelques critères que je vais partager avec vous.
Dans un premier temps, la Loi sur la protection de la jeunesse ne définit pas ce qu'est un abus sexuel, un abus physique, une négligence. Mais ce qu'on sait, c'est qu'il faut qu'à la fois le Directeur de la protection de la jeunesse et le tribunal reconnaissent qu'un enfant est dans cette situation pour se donner la juridiction d'intervenir dans la vie de cet enfant et dans la vie de sa famille.
À partir de cette situation, nous croyons qu'il serait intéressant d'analyser quelques fonctions qui sont un peu discordantes de ce que nous reconnaissons normalement en termes d'obligations aux tribunaux.
Premièrement, nous croyons que le tribunal devrait structurer des communications et des échanges entre ses juges afin de favoriser l'émergence de consensus sur ce qui constitue, par exemple, un abus sexuel, un mauvais traitement, de la négligence et de l'abandon.
Dans la plupart des tribunaux, le juge est nommé à vie, il est maître dans sa cour et les autres juges sont également maîtres dans leur cour. Pour notre part, nous aimerions aller vers une perspective d'une discussion et d'un échange beaucoup plus soutenus entre les juges de ce tribunal.
Nous aimerions également que le tribunal se dote de moyens de communication électroniques permettant de faire connaître à la population les consensus qu'il adopterait afin que ce soient portés à la connaissance des parents les comportements qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas.
Il s'agit donc que la population sache ce qu'est un mauvais traitement, un abus sexuel ou de la négligence. Présentement, ces termes ne sont connus que par les gens qui œuvrent dans le milieu, mais lorsque vient le temps de transférer cette connaissance et ces décisions, la situation est beaucoup plus complexe.
Il faut aussi lui reconnaître des devoirs éducatifs afin de faire en sorte que la souffrance de l'enfant ne soit pas vaine. Bien au contraire, cette souffrance devrait ouvrir la porte à une protection obtenue plus rapidement pour un enfant qui vivrait une situation similaire.
On a souvent l'impression que l'on recommence les mêmes causes, que les juges se penchent de nouveau sur les mêmes faits et que cet enfant, qui vit la même misère que celui ou celle qui est passé devant le tribunal il y a cinq ou six ans, doit refaire le même chemin.
Enfin, par leur communication avec le public, il faudrait, entre autres, avoir l'objectif de diminuer le nombre d'enfants vivant des situations de compromission, en préservant autant que possible la crédibilité de la cour, mais aussi celle du Directeur de la protection de la jeunesse.
La personne au Québec qui saisit la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, c'est le Directeur de la protection de la jeunesse. C'est lui ou elle, dépendant de la personne qui occupe ce poste, qui a l'obligation de recevoir les signalements, de les évaluer et de les porter devant la cour. Ceci afin de permettre à l'enfant d'accéder à notre système démocratique par l'intermédiaire du Directeur de la protection de la jeunesse et du tribunal qui lui donnerait ainsi une voie au bien-être, plutôt qu'à la souffrance.
Voici en quelques mots notre vision d'un tribunal qui iraitau-delà du qualificatif d'un tribunal spécialisé.
Dre Colin : Avant de vous présenter très rapidement la conclusion, je voulais seulement évoquer que vous avez un exemple, avec mes deux collègues, à la fois de l'expertise et de l'engagement des auteurs qui se sont impliqués dans ce livre intitulé « Une juste place pour tous les enfants : Plaidoyer pour l'action ». En tant que médecin spécialiste de santé publique, ayant œuvré depuis près de 20 ans maintenant auprès de familles défavorisées, directement comme médecin de santé publique ou par l'intermédiaire de la recherche, j'ai pu contribuer à ce chapitre concernant les enfants vivant en situation de pauvreté et leur famille.
Si nos six autres collègues étaient là, chacun évidemment pourrait aller beaucoup plus dans le détail de leur chapitre respectif.
En conclusion, nous avons voulu écrire un plaidoyer pour les enfants et un plaidoyer pour l'action, où il s'agit de réduire la pauvreté d'abord et avant tout. On sait tous que c'est le premier facteur qui influence la santé et le bien-être. Ensuite, nous l'avons fait pour contrer l'abus, l'exploitation et l'exclusion des enfants; en troisième lieu, pour développer des activités de prévention et de promotion de la santé et du bien-être des enfants; en quatrième lieu, afin de développer des interventions cliniques réellement interdisciplinaires et intersectorielles; en cinquième lieu, pour augmenter et trouver des façons novatrices pour favoriser la participation sociale des jeunes.
Le point suivant concerne une justice plus ouverte et collective, comme on vient de l'évoquer. Ensuite, on parle d'accueillir les différences entre les enfants. On parle aussi de développer des politiques progressistes et évolutives — vous connaissez bien ce point — et de ne pas ignorer la recherche sociale et lui donner le plus de place possible.
Je vous lis les trois dernières phrases de ce livre, qui se veut comme un souffle pour l'action, comme l'a évoqué Mme Fillion :
Nous voudrions que ce livre entraîne un vaste mouvement de mobilisation sociale qui doit se lever comme une nuée de papillons pour soulever un vent de changement en faveur des enfants. L'enfant est un trésor en puissance à découvrir, à aimer et à respecter dans son mystère d'être. Il ne demande qu'à grandir dans un terreau fertile pour assurer l'avenir du pays et de l'humanité.
Ce livre, pour l'instant, a été diffusé au Québec, dans la francophonie et nous souhaiterions beaucoup avoir les moyens de le diffuser encore plus largement, notamment au Canada dans une traduction anglaise. Voilà ce que nous voulions vous présenter.
[Traduction]
La présidente : Peut-être que, du fait que vous témoignez devant notre comité, votre auditoire acceptera l'offre que vous faites d'en assurer une plus grande diffusion. Cependant, je ne peux pas résister à la tentation de poser la question à M. Létourneau. Lorsque j'étais au tribunal, et chose certaine, du fait de ma propre formation...
Le sénateur Baker : Comme juge.
La présidente : Oui, merci, comme avocate et comme juge — je le dis pour mémoire — notre approche au droit de la famille et à la famille comme telle consistait à dire que nous donnions à la famille le plus de discrétion possible pour qu'elle se dote de ses propres règles et édifie ses propres structures, ses propres valeurs, et les tribunaux n'intervenaient que si l'on franchissait le seuil le plus bas que la société tolère.
Vous semblez dire aujourd'hui que, réflexion faite et après des années de travail sur le terrain, ce que vous recherchez, c'est le consensus. Est-ce un consensus de définition, de comportement ou de tolérance face à certains problèmes? Voulez-vous en faire un outil didactique qui échappe aux tribunaux, ou êtes-vous en train de définir plus précisément ce que vous jugez être une famille, et ce qui serait un comportement tolérant de la part des parents et des enfants, notamment? Autrement dit, à l'époque où j'étais juge, je tenais compte du fait que, même si certaines valeurs que je jugeais bonnes pour les parents n'étaient peut-être pas partagées par tous, dans la mesure où les enfants n'étaient pas maltraités physiquement ou sexuellement, par exemple, on leur accordait une certaine discrétion. Parfois, j'avais devant moi des familles et je me disais que ce n'était pas comme ça que j'aurais élevé ces enfants, mais je comprenais qu'on employait dans ces cas-là d'autres méthodes. Vous éloignez-vous de cela maintenant pour privilégier un modèle consensuel pour l'éducation des enfants? Voilà la question que je vous pose.
[Français]
M. Létourneau : Le Tribunal de la jeunesse en est un qui se rapporte particulièrement à l'enfance victime de mauvais traitements, comme les abus sexuels ou la négligence, et cetera. On parle peut-être de 2 p. 100 ou 3 p. 100 des enfants qui en sont victimes. Par rapport à cette situation, ce que je voyais, c'est comment les autres enfants peuvent profiter de la souffrance d'un des leurs pour faire en sorte que leurs parents puissent savoir la position que le tribunal prend par rapport à tel type d'actes qui sont faits à des enfants. C'était dans cette communication de la cour avec les citoyens, que ce soit par les journaux, aux conférences de presse ou par la publication de communiqués de presse, de faire savoir à la population que ce type d'actes n'est pas accepté comme comportement éducatif ou comme attitude à l'égard de ces enfants.
Il est certain que l'on ne recherche pas une normalisation. Ce que l'on recherche, c'est de protéger des enfants et d'éviter que d'autres enfants vivent le même type d'attitude éducative par leurs parents, parce que parfois leurs parents pensent que c'est la bonne façon d'éduquer des enfants. Il faut faire connaître, prévenir et s'assurer du mieux-être, et non pas toujours intervenir dans un contexte pour protéger les enfants. C'était la pensée qui nous guidait dans cette projection de nouvelles responsabilités dévolues à un tribunal.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Tout d'abord, je tiens à féliciter les trois témoins que nous avons aujourd'hui, chacun d'entre vous. Vous n'avez pas seulement écrit un nouveau livre, que nous aurons tous lu, j'en suis sûr, avant que notre comité ne rédige son rapport, mais aussi, en faisant cela, vous avez contribué tous les trois beaucoup aux droits des enfants et à l'amélioration de la condition des enfants, chacun d'entre vous, dans votre profession, et pas seulement au Québec mais partout au pays.
Je veux être sûr de bien comprendre votre réponse à la question de la présidente. Êtes-vous en train de dire qu'on devrait peut-être élargir les critères d'examen de la Cour d'appel, et intervenir pour d'autres choses que les erreurs en droit et ainsi englober une plus grande juridiction qui comprendrait la prise de décision?
Quand vous dites que les juges doivent se réunir et discuter du fondement des jugements, on sait que les juges lisent tous les jugements des autres pour articuler leurs propres jugements, et on ne voit pas souvent d'écart. Dans les cas extraordinaires, il y en a. Dans certains de vos cas, par exemple, que j'ai lus, certains jugements qui s'écartaient de la norme ont été contestés jusqu'à la Cour suprême.
Proposez-vous que la Cour d'appel intervienne, alors que maintenant, elle ne peut intervenir que s'il s'agit d'une question de droit ou d'une erreur en droit qui aurait été commise par l'instance inférieure? Proposez-vous qu'il y ait une rencontre officielle ou officieuse de juges qui discuteraient de l'interprétation de la loi? Autrement dit, allez-vous plus loin que le simple fait de dire au public en quoi consiste le droit?
[Français]
M. Létourneau : Compte tenu du fait que les tribunaux sont le troisième palier de notre système démocratique, qu'un enfant maltraité ou négligé doive se présenter devant la cour avec ses parents, il est fort possible que ce sera une des rares fois où l'enfant et ses parents auront à vivre le processus judiciaire.
Que les tribunaux supérieurs, parce qu'ils ne se sentent pas compétents pour intervenir dans les décisions du tribunal spécialisé, reconnaissent le statut particulier de ce tribunal et donc qu'ils s'imposent une grande réserve. De cette réserve, le tribunal de première instance deviendra le porteur du bon droit. Cette réalité créerait une obligation pour ce tribunal de se doter d'un mode de fonctionnement différent des tribunaux de droit commun. Lorsque la Cour d'appel rend un jugement, elle le rend pour la Cour d'appel. Ce n'est pas seulement trois juges sur un banc qui rendent un jugement mais toute la cour.
Alors quand nous sommes devant un tribunal spécialisé, pour ne pas faire de comparaison avec un tribunal d'appel, il nous apparaît que pour certaines situations, il devait y avoir une forme d'uniformisation dans l'appréciation de certains critères. C'est dans ce contexte que nous faisons cette suggestion.
Cette suggestion n'est pas nouvelle. Le Tribunal des droits de la personne du Québec, par exemple, s'impose ce type de mécanisme. Je n'ai pas vérifié auprès des autres tribunaux de droits de la personne au Canada, mais je sais que ce que j'ai énoncé dans mon texte n'était pas nouveau. Ce qui serait nouveau est ce souci des juges de se réunir, d'entreprendre certaines discussions, d'établir des consensus — quand c'est possible et ce n'est pas une obligation — et de faire connaître certaines définitions qu'ils adopteraient.
Vous pourrez constater dans le livre que je reprends une définition de « mauvais traitement ». Cette définition a pris six ou sept ans d'études et d'enquêtes avant de faire l'unanimité dans le cadre d'un jugement sur son adoption par la cour. Les consensus sont possibles, mais ils ne sont possibles que par certains jugements et par la répétition des faits qui sont portés devant ce tribunal spécialisé. Nous aimerions éviter cette période d'attente à l'enfant.
Nous sommes convaincus que des adultes compétents, doués de sagesse, capables d'analyse du droit peuvent s'entendre sur certaines définitions.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Notre comité étudie les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Deux de nos témoins aujourd'hui ont rappelé qu'il est important de prendre en compte les vœux de l'enfant lorsqu'il s'agit de garde et d'accès.
Au Québec, vous avez une loi intitulée Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants, par exemple. Le Québec est différent des autres provinces dans la mesure où il a incorporé dans sa loi la Convention de La Haye. Je ne vois pas pourquoi on parle d'« interprovincial » parce qu'il n'existe pas d'autre loi semblable dans les autres provinces canadiennes.
Voici pourquoi je pose cette question : comment proposez-vous de régler ce problème quand on sait que la loi qui a été votée au Québec ne prend pas en compte les vœux de l'enfant? Il est question de « l'âge et de la maturité de l'enfant ». Ce sont les mots essentiels, « âge et maturité ». Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'il appartient au juge de décider, et dans de nombreux cas, un adolescent de 14 ans n'a pas l'âge et la maturité voulus, si j'en crois certains jugements.
Si notre comité devait proposer d'appliquer la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui contient l'article 12 où il est dit qu'il faut prendre en compte les droits de l'enfant, et que l'État rémunère les experts recrutés pour faire connaître les vues de l'enfant si celui-ci ne veut pas les exprimer, croyez-vous que ce serait une solution? Autrement dit, incorporer dans le droit canadien la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Est-ce que cela exaucerait vos vœux?
[Français]
Mme Fillion : Vous faites référence à plusieurs choses. En matière d'enlèvement, je suis favorable à ce que l'enfant soit entendu par un expert, par un évaluateur ou par ses parents. En tant que société, nous voulons que les familles soient soutenues, aidées, afin d'entendre l'enfant. Ce sont les parents qui tout d'abord doivent entendre la parole de leur enfant, mais on sait que dans certaines occasions, ce n'est pas possible.
Si l'enfant peut être entendu — on parle d'une situation complexe où il est question d'enlèvement — qu'il le soit, si possible, par un expert pour savoir ce qu'il vit, ce qu'il souhaite, ce qu'il a vécu avec l'un ou l'autre de ses parents et quel fut le type de ses relations. C'est une façon d'entendre l'enfant. Alors que la parole de l'enfant soit amenée au juge afin qu'il décide quand il n'y a pas d'entente entre les parents. Mais le tribunal peutlui-même rencontrer l'enfant et en faire l'appréciation.
Par rapport au souhait de Me Létourneau, qu'il y ait au tribunal une discussion plus informelle entre les juges et que la même chose puisse exister avec les évaluateurs. Dans les provinces anglaises, on parle de « child custody evaluator »; nous, nous parlons d'expert en matière de garde d'enfant.
Si vous demandez à un évaluateur de garde d'enfant ce qu'est un bon parent, il se peut que vous receviez autant de réponses qu'il y a d'évaluateurs, parce que au-delà d'une belle définition de ce qu'est un parent, qui doit être affectueux avec son enfant, le nourrir, le loger, le vêtir, l'éduquer, il reste de la place pour nos propres valeurs.
Je pense que cela joue aussi dans la définition de l'intérêt de l'enfant par le juge, ou la définition de sévices en matière sexuelles ou physiques. Beaucoup de choses vont appartenir à la personne qui joue le rôle du juge, de l'évaluateur ou de l'avocat.
Concernant votre question de savoir ce que l'on peut faire par rapport à la parole de l'enfant, je pense que l'enfant doit être entendu de toutes ces façons, que ce soit par ses parents, par l'évaluateur ou par le juge.
M. Létourneau : Si vous me permettez un petit commentaire, lorsque qu'il est question des droits de l'enfant et des droits des parents, car ce sont souvent ces conflits qui font l'objet de manchettes, il faut considérer l'enfant mineur; il est en droit de recevoir de son parent. Le parent, pour sa part, a la responsabilité de donner, de s'occuper de son enfant, de l'éduquer, de l'élever. Les droits sont au service de cette responsabilité. Quand l'enfant s'exprime, il le fait en fonction de ses besoins et en fonction aussi de ses désirs. Il y a les besoins et les désirs et il faut être capable de pouvoir s'ajuster aussi à ce que des enfants peuvent vouloir, ce qu'un enfant de cinq ans peut exprimer, comment il faut l'interpréter et comment on fait la différence entre cet enfant de cinq ans et un enfant de quatorze ans. Il y a là toute une différence.
[Traduction]
Le sénateur Pearson : Merci à tous d'être venus. J'ai lu votre livre avec le plus grand intérêt. Le chapitre sur la participation des jeunes au développement communautaire contient la meilleure description que j'ai lue sur la participation des jeunes du point de vue du développement. Je vous en félicite.
J'ai beaucoup aimé ce que vous avez écrit dans votre chapitre, madame Fillion. Vous amenez l'enfant à exprimer ses vues en reformulant la question. On pense souvent qu'on connaît l'opinion de l'enfant, mais les questions qu'on a posées nous donnent en fait la réponse que nous voulons entendre et non leur réponse à eux.
Docteure Colin, vous avez mentionné la loi du Québec contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Pouvez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
[Français]
Dre Colin : Effectivement, on pense que c'est une loi tout à fait exceptionnelle. Il y a très peu d'exemples dans le monde, c'est peut-être la deuxième. Il y a une loi similaire en France mais elle ne va pas aussi loin. C'est une loi qui a été adoptée à la suite de la proposition d'un député et qui a fait l'objet de beaucoup de réflexion dans les communautés. L'objet même de cette loi était d'abolir la pauvreté, d'une certaine façon — l'intitulé exact n'est pas tout à fait celui-là. Il y a eu un vaste mouvement populaire d'appui à cette loi. Les organismes communautaires eux-mêmes ont travaillé ensemble, une coalition s'est instituée pour faire avancer le projet de loi et en arriver à l'adoption de la loi. En 2004, si ma mémoire est bonne, la loi a été adoptée à l'unanimité au Québec.
Pour nous, c'est évidemment un progrès important, puisqu'on parle vraiment de droit de l'enfant. J'en profite aussi pour dire que dans le domaine de la pauvreté, selon mon expérience, il y a quand même une majorité de situations où les droits de l'enfant sont les mêmes que ceux des parents, autrement dit où il n'y a pas d'opposition entre les droits des parents et les droits de l'enfant et où on peut parler de droit de la famille à vivre dans des conditions décentes — même si je ne suis pas une spécialiste du droit, contrairement à mon voisin. Donc, cette loi représente définitivement une avancée majeure.
Nous avons quand même des soucis actuellement parce que l'application de la loi, comme vous vous en doutez, est beaucoup plus difficile et délicate. Même dans les décisions récentes du gouvernement, en particulier lorsqu'on parle de compressions budgétaires, la loi n'a peut-être pas été tout à fait respectée comme on le souhaitait. En conclusion sur ce point, c'est une avancée majeure parce qu'elle a vraiment fait l'objet d'un consensus de la part de beaucoup d'intervenants et c'est un cri d'alarme, une position de la société québécoise. Maintenant qu'elle est adoptée, en revanche, il y a encore beaucoup de travail à faire pour qu'on puisse vraiment la mettre en œuvre.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs : Merci. Il est clair qu'il faut entendre les enfants. Ce qui me préoccupe, c'est le fait que les enfants aient leur propre système de valeurs, qui est parfois très différent de celui des adultes. J'ai connu des enfants qui, par exemple, dans des cas de séparation, avaient essayé de déterminer lequel des deux parents avait le plus besoin d'eux. J'ai vu des enfants dans des situations de maltraitance qui faisaient presque n'importe quoi pour protéger le parent, même le parent qui les maltraitait beaucoup. J'ai vu des situations où des enfants vont dire n'importe quoi rien que pour plaire.
Comment donne-t-on à l'enfant le sentiment d'aise qui lui faut pour lui permettre d'agir dans son intérêt supérieur à lui plutôt que dans l'intérêt supérieur des autres, ou selon la conception qu'il s'en fait?
[Français]
Mme Fillion : J'ai rencontré beaucoup d'enfants de parents séparés, tels que vous les nommez, des enfants qui n'ont pas d'enfance et qui prennent soin d'un parent alcoolique ou dépressif. J'ai l'exemple d'un enfant qui me dit : « Lorraine, je dois rester avec ma mère parce qu'elle a besoin de moi ». Comme le disait Me Létourneau, les rôles sont inversés; c'est l'enfant qui devient parent et le parent qui devient l'enfant.
Quand on dit qu'un enfant a le droit d'être entendu, comme adulte et comme parent, cela ne veut pas dire qu'il faut accorder à l'enfant tout que ce qu'il demande. Je pense que c'est le problème de l'absence de règles. Quand un parent est dépressif et donne beaucoup trop de responsabilités à un enfant, cet enfant n'a pas de vie, pas d'enfance; il va même parfois apprécier son statut comme étant privilégié par rapport à cela. Mais on sait que cela entrave son développement. C'est un enfant qui a manqué de règles claires de la part de son parent, qui devrait lui dire : « Cela n'est pas ton problème; tu t'occupes de tes affaires et moi des miennes ».
Je pense qu'il doit être entendu mais c'est rassurant que des décisions soient prises et cela ne veut pas dire que la demande de l'enfant va être reçue. Peut-être que la réponse est de dire non; peut-être qu'il vaut mieux pour l'enfant qu'il soit avec l'autre parent et qu'il visite sa mère, de sorte que quand il va aller chez sa mère, il n'aura pas l'entière responsabilité de la maison.
Pour cela il faut faire très attention. Quand je dis que l'enfant doit être entendu, cela ne veut pas dire qu'il faut automatiquement recevoir sa demande et y acquiescer, pas du tout.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs : Docteure Colin, la question suivante porte sur la notion d'interventions intensives. Je n'ai pas eu la chance de lire votre livre. Qu'entendez-vous par « interventions intensives »?
[Français]
Dre Colin : En fait, je fais surtout référence sur ce point aux interventions de nature préventive qui se font dans notre réseau de santé publique au Québec et dans notre réseau de services communautaires. Beaucoup de recherches ont documenté — certaines en particulier en Ontario et au Québec arrivaient aux mêmes conclusions; il y en a ailleurs dans le monde et aux États-Unis — qu'il vaut mieux faire une intervention plus solide et plus régulière, donner davantage de services auprès de moins de familles pour avoir des résultats.
Prenons, par exemple, le cas des femmes enceintes en milieu défavorisé, auxquelles on peut faire un certain nombre de visites de prévention pour les aider à développer une grossesse saine — je ne parle pas seulement de leur comportement mais également de la prise en charge par le milieu.
Si on fait une visite au mois ou aux deux mois, nous n'aurons pas beaucoup de résultats, alors que nous en aurons si faisons une visite aux semaines ou aux deux semaines, une visite assez prolongée, la durée est très importante, une visite où vraiment il va y avoir rencontre de la personne aidée et de l'intervenant, nous allons développer une relation de confiance qui va aider ces femmes à développer leur propre potentiel. Souvent, l'intervention des professionnels est nécessaire pour révéler le potentiel des mères en milieu de pauvreté qui n'ont pas confiance en elles, qui vivent avec une estime d'elles très basse, mais qui ont un potentiel. À ce moment, l'intensité de l'intervention est importante. Si nous ne faisons que passer de temps en temps, nous ne pourrons pas vraiment avoir des résultats. Dans le programme que nous avons mis sur pied, il y avait une intervention d'au moins une heure à peu près au deux semaines qui débutait assez tôt dans la grossesse et qui se rendait jusqu'au bout. C'étaient des équipes interdisciplinaires avec une action intersectorielle dans le milieu. Il y avait également un soutien alimentaire fourni, et avec toute cette intervention, nous avons pu diminuer de moitié la dépression post-natale des mères. Quand nous savons la différence que cela fera pour les enfants, c'est majeur, mais ces interventions nécessitent des moyens puisqu'elles sont assez intenses.
Mme Fillion : Toute à l'heure, madame parlait de l'écoute de la parole de l'enfant. Ce que j'ai constaté chez les enfants de parents séparés, c'est non seulement d'écouter ce qu'ils veulent, mais d'écouter leurs solutions. C'est ce qui est magique. Quand il y a un problème dans leur famille, ils ont réfléchi à des solutions et leurs solutions sont souvent très simples et pas si fantaisistes. Et c'est quelque chose que je voulais aussi apporter devant vous. Il est important de former des groupes de support pour les enfants de parents séparés pour qu'ils puissent s'exprimer en groupes. Je sais qu'ils en existent très peu, j'ai des contacts avec d'autres collègues des provinces canadiennes. Il y aussi ce qu'on appelle en anglais — The Co-parenting Education Program — des groupes pour les parents séparés. Il s'agit de mettre en commun cette réflexion de parents et si nous pouvions en faire la promotion au Canada, surtout pour les groupes de paroles d'enfants. Ils n'en existent presque pas. Ce serait un souhait.
Le sénateur Losier-Cool : Merci pour ce petit bouquin. Je le prêterai à mes collègues au Nouveau-Brunswick qui travaillent dans ce domaine. Je ne veux pas faire l'avocat du diable. Suite aux commentaires du Dr Collin et de Mme Fillion et à la réponse au Sénateur Carstairs d'être à l'écoute des enfants, de temps en temps ou très rarement, heureusement, nous avons entendu à la télévision ou bien dans les médias le contraire, c'est-à-dire où la direction de la jeunesse a été trop zélée et a enlevé vite les enfants à leurs familles, ce qui a créé des commentaires négatifs. Avez-vous rencontré certains de ces cas? Ces commentaires ont-ils une valeur?
Dre Colin : Je pense que mes collègues auront peut être des visions de complémentaires ou même différentes. Ce point, pour nous qui travaillons dans les milieux de pauvreté, est extrêmement crucial. Je pense après beaucoup d'expérience et beaucoup de réflexion en cours en ce moment, qu'il faut peut-être éviter les deux extrêmes. Dans les propos que vous rapportez, je pense que nous nous trouvons dans des situations où nous avons un peu vite jugé les familles incompétentes et retiré l'enfant, sans au moins prendre le temps de donner à la famille des moyens pour la soutenir. Quand nous investissons auprès de la famille elle-même, encore une fois de façon assez intense pour que cela soit efficace, peut être que la famille pourra retrouver son énergie, sa compétence et qu'on pourra éviter le placement de l'enfant. Je pense que nous pouvons illustrer cela sur des constats inverses que nous faisons partout, sur les placements d'enfants qui ont été retirés et placés dans des séquences absolument effrayantes, d'une famille à une autre, qui ont développé des rejets importants, qui se sont rendus eux-mêmes inacceptables, et qui deviennent de jeunes adultes brisés et pour qui la vie est très difficile. Donc c'est un petit peu cela qui mène à ce constat.
D'autre part, je crois qu'il ne faut pas non plus penser que toutes les familles peuvent retrouver une façon de vivre adéquate pour l'enfant. J'ai pensé cela dans le temps, mais je pense aujourd'hui qu'il y a un jugement à porter, mais je reste persuadée que nous pourrions certainement encore réduire les placements d'enfant. Tous les fonds investis pour les institutions ou pour les placements devraient d'abord être investis dans les familles, mais le plus tôt possible et dans la prévention. Je me suis beaucoup intéressée au programme dès la grossesse. Nous nous apercevons que si nous aidons la future maman dans son environnement, si par la suite nous continuons après la naissance, notre investissement pendant la grossesse donne des fruits dès l'arrivée de l'enfant. La maman ne se sent plus menacée quand il y a un problème et elle fait venir un travailleur social ou une infirmière. Elle est rassurée par le type de liens qu'elle a pu développer avec les intervenants. Elle va demander de l'aide plus rapidement et l'enfant va être secouru plus rapidement au sein de la famille.
Et aussi, le fait que nous ne créons pas d'opposition au départ entre l'enfant et la famille va vraiment aider l'épanouissement de l'enfant dans la famille et le développement du potentiel des parents. Je ne sais si je me fais bien comprendre, mais ce sont quand même des équilibres très difficiles. Nous sommes dans une société très difficile. Nous devons investir davantage dans la prévention. C'est payant. C'est payant pour les personnes qui sont aidées et pour la société. Il y a des tas de programmes à l'appui. Au bout du compte, nous voyons que nous allons diminuer la délinquance, les grossesses précoces. Nous aurons tout un effet à long terme qui sera vraiment bénéfique pour tout le monde, pour les enfants et pour la société.
Le sénateur Losier-Cool : Monsieur Létourneau, vous parliez d'un manque d'information, ce qui constitue vraiment un abus, est-ce que c'est plutôt socio-économique ? Est-ce que c'est plutôt chez les parents? Parce que si cela est vrai, et que vous voulez faire de l'information électronique, est-ce que cela va atteindre ceux que cela doit atteindre?
Dre Colin : C'est une question délicate. Je ne crois pas que cela soit l'apanage d'un milieu socio-économique. Je crois qu'il y a des problèmes de violence ou de maltraitance envers les enfants dans tous les milieux. On peut voir, même avec les biais de déclaration, davantage de situations difficiles vécues par les enfants en milieu défavorisé, tout simplement parce que les familles vivent dans un état de tension telle que la violence est une réaction beaucoup plus immédiate. Par contre, il faut aussi garder à l'esprit que la grande majorité des familles en milieu défavorisé, sont des familles aimantes, qui ne maltraitent pas leurs enfants et qui les amènent dans une situation de développement qui est absolument remarquable compte tenu de leurs conditions de vie.
[Traduction]
La présidente : Je tiens à remercier tous nos témoins. Vous avez brillé aujourd'hui par votre savoir et votre passion pour l'enfance. Vous ne partez pas sans nous donner quelques devoirs à faire. Nous allons lire votre livre. Ne vous surprenez donc pas si vos idées et recommandations se retrouvent dans notre rapport.
Nous allons maintenant nous pencher sur les cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale. Le comité a reçu pour mandat d'inviter de temps en temps le président du Conseil du Trésor, la présidente de la Commission de la fonction publique et toute autre personne qui pourrait nous aider dans notre tâche.
Nous recevons aujourd'hui Alex Himelfarb, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, et M. Wayne McCutcheon,sous-secrétaire du Cabinet, Secrétariat du personnel supérieur et projets spéciaux. Bienvenue à tous les deux.
Comme vous le savez, nous nous sommes penchés sur cette question, et on nous a fait savoir que, avec la nouvelle restructuration de la Commission de la fonction publique, votre bureau a un rôle à jouer, monsieur Himelfarb. Si vous avez une allocution liminaire où vous nous diriez comment vous entrevoyez votre rôle, nous vous écouterons, après quoi nous vous poserons des questions. Nous savons que vous avez été malade, et nous espérons que vous êtes en bien meilleure santé et qu'on ne vous fatiguera pas trop.
M. Alex Himelfarb, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Bureau du Conseil privé : Merci. Je suis en pleine forme.
[Français]
Merci pour l'invitation et l'occasion de m'intéresser à ces questions et merci aussi pour votre patience.
[Traduction]
J'ai un texte structuré et plus long, que je ne me propose pas de lire, mais je le remettrai à la greffière.
La présidente : Merci.
M. Himelfarb : Permettez-moi d'en tracer les grandes lignes, ce qui nous donnera plus de temps pour la vraie discussion.
L'engagement que nous avons pris d'assurer l'équité en matière d'emploi, de créer une fonction publique représentative, est une de mes priorités les plus élevées et l'une des priorités que j'ai fixées pour mes services, en tant que greffier, au cours des trois dernières années. Il est évident que depuis plusieurs années nous marquons le pas, même par rapport au secteur privé, dans l'édification d'une main-d'œuvre représentative. Cela a été particulièrement le cas de certains groupes cibles, dont les minorités visibles. L'initiative « Faire place au changement » en particulier représentait, au minimum du moins, un tournant, un changement dans notre sensibilité, le début d'un changement culturel à plus long terme et l'établissement de points de comparaison. Depuis ce temps, on peut dire que nous avons avancé dans la bonne voie, mais à un rythme qui est considérablement plus lent que celui que nous espérions. L'orientation est très bonne, mais le rythme du changement laisse à désirer.
Quel est le rôle du greffier? J'ai plusieurs rôles. L'un d'entre eux m'oblige à donner l'exemple en m'assurant que cet objectif demeure en vue, en m'assurant que c'est une priorité pour tous les sous-ministres et en m'assurant qu'il est intégré dans les comptes que rendent les sous-ministres. Quand on en fait une priorité essentielle, les sous-ministres sont évalués selon les progrès qu'ils ont accomplis dans l'atteinte de cet objectif, et cela est intégré dans notre contrat de gestion du rendement. Vous pourriez dire que nous n'avons pas été très rigoureux jusqu'à présent et que nos données sont insuffisantes et ne nous permettent pas de procéder à une évaluation très rigoureuse. Très franchement, c'est l'un des très nombreux objectifs en fonction desquels on évalue le rendement des sous-ministres.
Maria Barrados vous l'aura dit, elle a récemment fait parvenir au sénateur Oliver la liste des ministères qui font moins de progrès que d'autres. Elle a accepté de collaborer davantage avec le comité qui procède aux évaluations pour s'assurer qu'il a une idée exacte du rendement sur ce point, bon ou mauvais. Il faut entre autres s'assurer que les sous- ministres sont convaincus, qu'ils donnent l'exemple et qu'ils rendent des comptes à ce sujet.
J'ai un autre rôle qui est celui de patron du Conseil privé. Le Conseil privé est un ministère relativement petit. On n'y fait pas beaucoup de dotation. La dotation se fait surtout par des détachements. C'est aussi un lieu central où l'on acquiert une vision pangouvernementale et où l'on offre aux cadres une formation accélérée. Nous avons créé, mais nous ne l'avons pas encore annoncé, un rôle pour le Conseil privé dans la formation accélérée des membres issus des groupes cibles. Je vais remettre au comité des textes qui disent comment nous nous proposons d'identifier un nombre élevé de postes au Conseil privé pour les minorités visibles et autres groupes cibles pour la formation accélérée donnant accès au groupe des cadres supérieurs.
J'ai un autre rôle qui consiste à donner le ton au changement culturel, à exiger des comptes des sous-ministres et à gérer le Conseil privé de telle manière qu'il fasse partie de la solution et non du problème. L'un des critères de succès en fonction duquel je pourrais personnellement être évalué, du moins partiellement, et où vous m'accorderiez probablement une note moins que parfaite, c'est la composition du groupe de sous-ministres lui-même. C'est un domaine où je m'attends à des critiques, et si vous ne comptez pas le faire, je vous y encourage. Nous avons fait beaucoup de progrès au niveau de la problématique homme-femme, et nous avons des données à ce sujet que nous pouvons vous communiquer. Cependant, mes progrès sont très modestes — en fait, ils sont tellement modestes que c'en est gênant — au niveau des minorités visibles dans le groupe de sous-ministres : zéro pour les Autochtones et zéro pour les personnes ayant des handicaps, ou pas loin.
C'est un domaine où je peux dire que notre échec est patent. C'est important. Quand on a une masse critique au niveau supérieur, une bonne partie du problème disparaît de lui-même. L'un des engagements que j'ai pris personnellement, c'est de contribuer à tout le moins à corriger cela. De même, intervient ici le fait qu'on a une conscience, où quelqu'un qui se charge de rappeler constamment à l'ordre ceux dont la vigilance faiblit sur ce point. Nous avons fait une expérience à l'école. C'était un pas dans la bonne direction, et nous songeons reproduire cette expérience pour nous assurer d'avoir toujours une voix au niveau supérieur qui se fera entendre dans ces dossiers.
Mon exposé oral est beaucoup moins complet que mon texte, que je vous remettrai, et le matériel qui décrit le programme, mais cela vous donnera une idée des échecs que j'avoue et de mon engagement à y remédier.
La présidente : Si vous continuez comme ça, on va croire que vous êtes au confessionnal.
M. Himelfarb : Madame la présidente, j'ai beaucoup péché.
La présidente : Merci pour ces textes, qui nous seront utiles, et nous aurons ainsi plus de temps pour vous poser des questions.
Le sénateur Oliver : Merci, monsieur Himelfarb. C'est un honneur pour notre comité que d'entendre le greffier. Je sais que vous avez pris un engagement personnel dans ces dossiers, je suis donc ravi de vous voir ici. J'apprécie également votre franchise.
La première question que je m'apprêtais à vous poser concernait les postes de sous-ministre, et vous y avez déjà répondu, mais j'aimerais savoir pourquoi. Pourquoi n'avez-vous pas réussi à recommander au premier ministre certains candidats très compétents appartenant à des minorités visibles qui auraient occupé des postes de sous-ministre dans la fonction publique du Canada?
M. Himelfarb : Il y a quelques raisons à cela. Au départ, nous en avions un, puis deux et maintenant nous en avons trois. L'orientation est bonne; c'est seulement que le rythme est incroyablement lent et pénible. Pourquoi? C'est en partie parce que l'on a rarement recruté à l'extérieur des sous-ministres.
Le sénateur Oliver : Cela s'est déjà vu au cours de l'histoire du Canada. Nous connaissons tous les noms des personnes concernées.
M. Himelfarb : Franchement, c'est très rare parmi lessous-ministres. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une situation acceptable, d'ailleurs. Autant que possible, nous devons recruter des candidats externes. Toutefois, ces postes ont traditionnellement été comblés par des personnes qui font partie du bassin de candidats qui sont à un niveau de sous- ministre et de sous-ministre adjoint principal. Or, parmi ce bassin de candidats, on retrouve surtout des hommes blancs.
Si je suis si fier du fait que nous avons probablement dépassé les objectifs de quelques programmes, et même les objectifs du programme Faire place au changement, c'est en partie parce que ces bassins de candidats changent. Les deux programmes pour lesquels nos résultats dépassent les objectifs sont le Programme CAP ou Programme de cours et affectation de changement, ainsi que le PPACS, le Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs. Dans ces deux cas, les personnes issues de minorités visibles ou appartenant à des groupes cibles constituent plus de 20 p. 100 des employés récemment embauchés. Les prétextes qu'on avançait autrefois n'ont plus de raison d'être lorsqu'il s'agit des sous-ministres.
Parallèlement, vous avez raison de dire que nous devons recruter plus systématiquement des candidats de l'extérieur de la fonction publique. Je crois que votre comité serait tout à fait justifié de demander à un gouvernement de rendre des comptes lorsque le bassin de candidats augmente ou lorsqu'un certain nombre de personnes prennent leur retraite. En outre, il n'y a pas eu de postes à combler. En effet, une grande stabilité règne chez les sous-ministres, mais cette stabilité sera mise à rude épreuve, car les sous-ministres ont tous en commun le fait qu'ils se font vieux. Il y aura donc une occasion de revivifier l'équipe des sous-ministres en choisissant des candidats plus jeunes et plus représentatifs de la diversité de notre pays. Des progrès seront marqués d'ici un an, et des progrès spectaculaires d'ici deux ans. Je partage votre opinion, sénateur Oliver : on aurait déjà dû faire avancer ce dossier bien avant aujourd'hui.
Le sénateur Oliver : Auparavant, Mme Mawani, dont vous avez parlé aujourd'hui, travaillait au CCG. Pourquoi n'a-t-elle pas été remplacée comme conseillère spéciale auprès de vous, c'est-à-dire auprès du greffier, au sujet des membres des minorités visibles dans la fonction publique?
M. Himelfarb : Elle sera remplacée. Je discute actuellement avec quelques personnes qui ne font pas partie de la fonction publique afin qu'elles acceptent des postes de niveau très élevé. La nomination de Mme Mawani était très importante. Il s'agissait d'une bonne amie et elle s'est très bien acquittée de ses responsabilités. Elle est maintenant ambassadrice de la Fondation Aga Khan et y représente le Canada au sujet de ces dossiers, de façon remarquable, dans le monde entier.
La seule question qui se pose consiste à déterminer s'il convenait de demander au centre d'atteindre cet objectif, ou plutôt s'il convenait de rendre le Bureau du Conseil privé responsable de ces questions.
Le sénateur Oliver : Je m'apprêtais à vous poser cette question.
M. Himelfarb : La réponse à votre question est oui.
Le sénateur Oliver : Ma question suivante a été soulevée lors du témoignage de Mme Barrados et de M. Alcock.
Vous êtes le fonctionnaire le plus haut placé du Canada, et le poste que vous occupez relève du Bureau du Conseil privé, l'instance la plus puissante au Canada. Lorsque le premier ministre veut prendre des mesures pour venir en aide aux Autochtones, il met sur pied une commission à partir du Bureau du Conseil privé. Pourquoi le Bureau du Conseil privé ne compte-t-il pas un commissaire à la diversité? Ainsi, l'initiative qui a pour objet de ramener le groupe des minorités visibles à égalité avec les quatre autres groupes cibles, alors que le groupe des minorités visibles se classe actuellement dernier, bénéficierait de l'élan et de l'autorité nécessaires. La nomination d'un commissaire à la diversité est la solution. Pourquoi le gouvernement n'agit-il pas en ce sens et ne nomme-t-il pas quelqu'un à ce poste au sein du Bureau du conseil privé?
M. Himelfarb : Je n'ai jamais pensé qu'un fonctionnaire quel qu'il soit était en position de pouvoir, bien que ce concept soit extrêmement intéressant.
On envisage l'idée de nommer un conseiller central sur ces questions, cela ne fait aucun doute, mais je ne suis pas certain qu'on considère la possibilité de nommer un commissaire. Je ne veux pas qu'il y ait de chevauchement avec les fonctions de la Commission des droits de la personne. Je ne veux pas usurper son autorité, et je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de procéder, ni qu'il existe un consensus à cet égard. Il faut désigner un conseiller principal, qui serait un coordonnateur et un responsable de la liaison. En outre, le Conseil des minorités visibles et d'autres organisations pourraient faire appel au conseiller principal pour l'inciter à prendre des mesures. De plus, le conseiller principal pourrait faire progresser le dossier et faire en sorte que nous demeurions sensibilisés à ces questions. Nous avons tenté cette expérience au centre afin que le rôle du conseiller soit intégré à la formation et à l'apprentissage. Bien que la personne retenue ait fait un excellent travail, je ne crois pas que la structure ait été satisfaisante. Je mène actuellement des consultations au sujet du candidat que nous choisirons et au sujet de la structure. Je préférerais que cette personne fasse partie du Bureau du Conseil privé.
Le sénateur Oliver : Ce bureau, ou plutôt, son responsable, serait-il nommé commissaire à la diversité ou simplement conseiller du greffier?
M. Himelfarb : Conseiller du greffier.
Le sénateur Oliver : Pourquoi ne nous doterions pas d'un commissaire officiel comme le commissaire aux langues officielles? Quelle raison y a-t-il de ne pas créer un commissaire à la diversité?
M. Himelfarb : Il n'existe actuellement aucun consensus sur le fait que les fonctions de ce nouveau commissaire n'empièteraient pas sur les fonctions d'autres personnes à qui l'on a confié ce mandat. Je ne suis même pas certain qu'à court terme, la nomination d'un commissaire aurait plus d'effet que celle d'un conseiller. Nous continuons d'en discuter avec Mme Barrados et M. Alcock, et de consulter d'autres personnes. En toute honnêteté, je ne pense pas qu'il faut désigner un commissaire, mais ces décisions ne m'appartiennent pas. Je crois fermement en la possibilité de nommer un conseiller, et cette décision relève de ma compétence. Quoi qu'il en soit, un poste important sera créé.
Le sénateur Carstairs : Vous avez parlé d'évaluation de rendement. Étudie-t-on la possibilité de relier l'obtention de primes au rendement des sous-ministres aux résultats qu'ils obtiennent en faisant la promotion d'une diversité accrue au sein de leur personnel?
M. Himelfarb : Une telle initiative produira plus d'effets que les changements institutionnels, aussi lamentables que soit ce constat eut égard aux motivations des êtres humains. Désormais, les primes sont assorties de cette condition. On tient compte des progrès réalisés par rapport aux objectifs d'équité et de représentativité lors de l'évaluation annuelle du rendement des sous-ministres. C'est la conséquence de l'engagement du gouvernement. Nous n'avons pas recueilli de données pertinentes de façon rigoureuse, et le rôle précis que jouent ces facteurs dans le processus d'évaluation n'est probablement pas suffisamment uniforme.
À cet égard, Mme Barrados a consenti à travailler de près avec nous pour faire en sorte d'uniformiser notre collecte de données, conformément à ce qu'elle a indiqué dans la lettre qu'elle vous a envoyée, et ce, afin que nous disposions tous des renseignements pertinents sur le rendement adéquat ou insuffisant des employés concernés. Ainsi, la population serait mise au courant de ces données, tout comme nous, ce qui vous permettrait de déterminer si la gestion des rendements se fait en toute intégrité.
Mme Barrados a également accompli un travail prodigieux. En effet, les sous-ministres qui constatent des lacunes dans le rendement de leur ministère à cet égard, et qui n'ont pas de plans plausibles en vue de combler ces lacunes, éprouveront des difficultés au chapitre de la dotation. Or, je vous signale que Mme Barrados effectue une promotion remarquable de ce type de changement de culture, ce qui a beaucoup d'effets positifs.
Le sénateur Carstairs : Lorsque je m'occupais de dotation en personnel, je recevais très peu de candidatures de membres de minorités visibles, ce qui me préoccupait. Je me demandais comment faire pour les inciter à se joindre à la fonction publique. Comment susciter chez les membres de minorités visibles un intérêt plus marqué à présenter leur candidature à des postes de fonctionnaires? Comme c'est le cas pour tous les groupes professionnels, les enfants envisagent d'exercer la profession de leurs parents et se demandent si cela leur plairait. S'il n'y a pas un grand nombre d'employés de tous les échelons de la fonction publique qui sont issus des minorités visibles, alors les enfants de ces personnes envisageront-ils eux aussi de devenir fonctionnaire? Je ne sais pas ce qu'on peut faire pour promouvoir ce choix de carrière.
M. Himelfarb : C'est une question extrêmement importante, qui est à la fois très complexe. Cette question comporte plusieurs volets, alors permettez-moi de répondre à chacun de ces volets. Parmi les facteurs qui sont en jeu figure la culture qui existe dans la fonction publique. On ne peut attirer des candidats s'ils ont l'impression que la culture qui prévaut chez leur employeur potentiel fait en sorte qu'ils ne seront pas bien accueillis. Nous devons montrer de façon convaincante que les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles qui sont au bas de l'échelle se sentiront bien accueillis dans la fonction publique. Cela signifie que nous devons être plus dynamique lorsqu'il s'agit d'embaucher de nouveaux fonctionnaires. Les contraintes de notre système de dotation ont rendu le recrutement dynamique plus difficile. Nous avons donc été passif. Si je me rallie avec autant d'ardeur aux changements que nous apportons au régime de dotation, c'est parce que ces changements nous permettent de faire un recrutement plus dynamique, en créant notamment des bassins de candidats issus de groupes visés. Une telle mesure sera légale en vertu du nouveau régime. En outre, nous n'avions pas auparavant la possibilité de demander à des agences de recrutement de cadres de se concentrer sur des groupes particuliers qui sont sous-représentés. Nous allons pouvoir le faire à l'avenir en éliminant certaines de ces contraintes, alors que nous n'étions pas en mesure de le faire dans le passé. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre que des membres des minorités visibles présentent leur candidature à des postes dans la fonction publique, car ces personnes ne le font pas.
Nous travaillons actuellement avec la Commission de la fonction publique en vue de dresser un inventaire utile des bassins de candidats issus des groupes visés. Je dois avouer que, de façon ironique, le Bureau du Conseil privé n'a pas obtenu de résultat époustouflant à cet égard. Cela tient en partie au fait que nous n'avons pas beaucoup de postes à combler. En effet, la plupart de nos nouveaux employés sont détachés d'autres ministères. En outre, nous recherchons des candidats chevronnés qui se situent aux échelons supérieurs de la fonction publique et qui fournissent un excellent rendement, par conséquent, notre bassin de candidats ne correspond pas aux critères dont nous discutons. Nous sommes parvenus à une entente selon laquelle nous avons défini un certain nombre de postes qui devront absolument être comblés par des candidats issus de minorités visibles. Nous travaillons avec la Commission de la fonction publique en vue de créer un bassin de candidats préqualifiés, et nous allons recruter de nouveaux employés de façon dynamique parce qu'une attitude passive ne donne aucun résultat satisfaisant.
Cela nous ramène directement au point soulevé par le sénateur Oliver. En effet, lorsqu'il y a une masse critique de cadres supérieurs qui sont membres des minorités visibles, alors les communautés concernées estiment que la fonction publique est prête à les accueillir. Si nous ne réalisons pas de progrès réels et visibles, il sera difficile de convaincre des candidats potentiels que la fonction publique est un milieu de travail qui leur convient. C'est devenu une priorité urgente et j'en fais l'une de mes priorités aussi.
Le sénateur LeBreton : Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Himelfarb et McCutcheon. Selon la note d'information préparée par la Bibliothèque du Parlement, 52,8 p. 100 des employés de la fonction publique sont des femmes. Combien de personnes font partie du bassin des cadres supérieurs et quel est le nombre de femmes?
M. Himelfarb : M. McCutcheon vous fournira ces chiffres. S'ils sont bons, j'en prendrai la responsabilité. Si non, je vous dirai quelle raison explique la situation actuelle.
M. Wayne McCutcheon, sous-secrétaire du Cabinet, Secrétariat du personnel supérieur et projets spéciaux, Bureau du Conseil privé : Je peux peut-être apporter des éclaircissements : posez-vous une question au sujet du bassin des cadres supérieurs?
Le sénateur LeBreton : Oui. M. Himelfarb a utilisé l'expression bassin des cadres supérieurs. Quel est le nombre total de personnes qui en font partie? Parmi ce groupe, combien y a-t-il de femmes?
M. McCutcheon : Pour ce qui est des sous-ministres, actuellement, 10 postes sur 33 sont occupés par des femmes, ce qui constitue une proportion de 33 p. 100. L'un des groupes principaux parmi lesquels nous recrutons des sous- ministres est celui des sous-ministres adjoints. Or, 13 des 21 sous-ministres adjoints sont des femmes, par conséquent, les femmes représentent 62 p. 100 de ce groupe.
Le sénateur LeBreton : Cela constitue-t-il l'ensemble du bassin des cadres supérieurs?
M. McCutcheon : Pour ce qui est des autres chiffres, il faudrait alors inclure les sous-ministres adjoints de même que les cadres supérieurs qui se situent à l'échelon inférieur à celui desous-ministres adjoints.
Le sénateur LeBreton : Croyez-vous que ces chiffres sont uniformes?
M. Himelfarb : Nous vous fournirons ces chiffres. Au sujet des cadres supérieurs, les personnes qui connaissent les réponses à ces questions sont assises derrière nous.
Le sénateur LeBreton. : C'est habituellement le cas.
M. Himelfarb : Pour ce qui est de la collectivité de la haute direction, 34,9 p. 100 des personnes qui en font partie sont des femmes.
Le sénateur LeBreton : Cela signifie environ un tiers des cadres de direction. Lorsque vous avez affirmé que vous embauchez rarement des candidats de l'extérieur de la fonction publique, j'ai mis par écrit l'observation suivante : « Cela ressemble quelque peu à une société fermée. » C'est l'un des problèmes. Cela nous ramène à la question des chiffres peu reluisants qui s'appliquent aux minorités visibles. Lorsque le ministre Alcock a comparu devant notre comité, j'ai suggéré que la fonction publique devait peut-être déployer des efforts vigoureux pour se faire connaître des communautés comme celle de Toronto, par exemple, une énorme communauté de minorités visibles qui joue un rôle très actif dans le monde des affaires, dans le milieu juridique et dans le secteur de la haute technologie. Je lui ai dit qu'il convenaitpeut-être d'aller recruter les membres des minorités visibles là où ces personnes se trouvent, que c'était la façon de susciter un intérêt plus marqué chez les groupes visés. Il m'a dit que c'était une bonne idée, mais je ne sais pas si cette bonne idée a franchi les murs de la salle de comité.
Je ne sais pas si la solution réside dans les agences de recrutement de cadres supérieurs, mais le secteur privé rend visite aux universités et y déploie des efforts vigoureux de recrutement. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue il y a environ 15 ans avec une personne qui travaillait pour l'Université de Western Ontario. Cette personne m'a dit que les entreprises du secteur des hautes technologies de même que de tous les secteurs qui constituent le tissu économique de notre pays mènent des activités très dynamiques de recrutement dans les universités. Pourquoi la fonction publique ne le ferait-elle pas? Pourquoi la fonction publique ne s'aventure-t-elle pas sur le terrain en vue d'attirer les candidats potentiels qui sont les meilleurs et les plus brillants à partir des universités de tout le pays?
M. Himelfarb : Nous faisons cela. Permettez-moi d'y venir indirectement. Quand je disais que nous n'allions pas à l'extérieur, je parlais des sous-ministres, en partie parce que le fait de travailler à Ottawa est une expérience anthropologique. Nous avons constaté de manière générale qu'il faut un certain temps pour acquérir notre jargon, notre culture et nos habitudes. Cela n'a pas très bien marché au niveau des sous-ministres. Sous le niveau de sous- ministre, c'est habituellement, important, et dans ces cas-là, nous allons à l'extérieur. Nous ne l'avons pas fait assez systématiquement pour les minorités visibles. Nous l'avons fait pour d'autres catégories, mais pas pour les minorités visibles jusqu'à récemment.
Dans le groupe de relève des sous-ministres, nous avons atteint un record historique en ce qui concerne les femmes. Je ne dis pas que c'est satisfaisant, mais il s'agit d'un progrès tangible, et j'en suis fier. Cela s'est fait au cours des trois dernières années.
En ce qui concerne les minorités visibles, deux ministères, les Ressources humaines et le Développement social, ont lancé de concert avec Maria Barrados une stratégie de recrutement active pour les minorités visibles, c'est-à-dire qu'on va où elles sont et dans les universités, et cela a très bien fonctionné.
Pourquoi n'avons-nous pas fait cela par le passé? Nous l'avons fait. Il y a maintenant 11 ministères qui collaborent avec la Commission de la fonction publique et qui font exactement les mêmes démarches, particulièrement depuis qu'ils figurent sur la liste des ministères délinquants à cet égard. Ils comprennent l'urgence de la chose, ils agissent et ils vont recruter.
Le sénateur LeBreton : Vous avez parlé d'Ottawa, et je dis souvent que c'est « Athènes sur Rideau ». Les gens de l'extérieur d'Ottawa pensent cela, et je suis sûre que cette perception est renforcée par le comportement de nombreuses personnes à Ottawa. Cependant, l'administration gouvernementale est présente partout au pays. Un nombre élevé de fonctionnaires travaillent dans d'autres régions du pays. Les membres de ce groupe doivent sûrement s'habituer à travailler avec les gens d'Ottawa. En quoi avez-vous du mal à les faire venir d'une autre région du pays pour qu'ils s'installent à Ottawa, à la condition que vous leur promettiez qu'ils n'auront pas à vivre le reste de leur vie ici, si c'est cela qui fait problème? En quoi avez-vous du mal à faire venir ces gens à Ottawa pour occuper des postes au niveau central?
M. Himelfarb : Nous réussissons mieux dans presque toutes les catégories. Presque personne ne devient sous- ministre du jour au lendemain, mais dans les groupes de relève, nous faisons des progrès, même si ce n'est pas assez vite, et nous allons recruter ces gens.
Il y avait deux facettes à ce problème. Il y avait d'abord le fait que nous ne faisions pas savoir à ces groupes que nous étions prêts à les accueillir, donc souvent, ils ne se donnaient même pas la peine de faire une demande, et nous avons dû envoyer ce message de nouveau, avec plus de force. Nous commençons tard, mais nous commençons.
L'autre problème tenait à la masse critique. Je crois que bon nombre de ces problèmes vont disparaître quand il y a aura une masse critique de représentants des groupes cibles au niveau supérieur parce que c'est à compter de ce moment que le problème disparaît. Nous devons atteindre ce seuil critique, rapidement.
Le sénateur Baker : Les témoins auraient-ils l'obligeance de nous parler de cette pratique du gouvernement fédéral qui a consisté, depuis les dix dernières années, à combler des postes seulement à partir de certaines régions du Canada? Avez-vous un commentaire à ce sujet?
Je vais vous donner un exemple. Quand on va à Vancouver ou à Halifax, ou dans l'une des extrémités du pays, le principal grief qu'on entend, c'est qu'on ne permet pas aux gens de ces régions de postuler des emplois dans la fonction publique dans les autres régions du Canada. On pourrait dire qu'il s'agit-là d'une violation de la Charte, mais je me demande dans quelle mesure cette pratique est protégée par l'article 1 de la Charte.
Qu'est-ce qui autorise le gouvernement fédéral à faire de l'emplacement géographique un critère de sélection pour les gens qui postulent un emploi dans la fonction publique fédérale?
M. Himelfarb : Je ne prétends pas être un expert de la question de l'échelle nationale et des limites que cela suppose, particulièrement pour les employés occasionnels ou temporaires où la vitesse et la durée comptent, il est évident que l'orientation générale privilégie l'échelle nationale. Nous tâchons d'y arriver en investissant dans les nouvelles technologies qui font que nous sommes beaucoup plus à même de travailler à l'échelle nationale et de supprimer les obstacles régionaux à l'accès à l'emploi.
Cela étant dit, je peux vous donner une réponse plus complète, mais il y a un consensus sur ce que vous dites, à savoir que nos emplois devraient être accessibles aux Canadiens où qu'ils se trouvent.
Le sénateur Baker : Je suis d'accord pour dire que cela doit être notre orientation, mais malheureusement, ce n'est pas la réalité. Comme je l'ai dit, c'est un phénomène récent. Je crois que cela remonte probablement à 10 ou à 15 ans, et lorsque vous cliquez sur l'Internet pour trouver des emplois fédéraux et des ministères, on définit une zone géographique où l'on peut faire une demande. Chose certaine, une personne de Halifax ne peut postuler un emploi annoncé ici, et j'ai la certitude que nos attachés de recherche confirmeraient cela. Il y a une restriction géographique à l'embauche.
Savez-vous pourquoi cette restriction existe? J'ai compris ce que vous avez dit il y a un instant, au sujet des emplois occasionnels à temps partiel, mais pourquoi ne pas s'en remettre à la personne qui fait la demande? Il se peut qu'un emploi occasionnel à temps partiel à Ottawa présente une valeur pour le simple citoyen de Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Je veux seulement savoir si les témoins savent pourquoi on a mis en place cette politique. Peuvent-ils nous dire comment cela est justifié en droit et en vertu de la Charte, alors qu'on ne peut pas exercer de discrimination à l'égard d'une personne selon son lieu de résidence? Je ne dis pas que c'est une nette violation de la Charte, mais je prends cela comme exemple, et il y a peut-être une justification, et l'article 1 de la Charte est la seule chose à laquelle je peux penser. Qu'est-ce qui justifie cela? Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
M. Himelfarb : Je pense que nous avons probablement accordé plus de poids à des considérations administratives et financières — le pur traitement administratif, la volonté de réduire le nombre de demandes, la politique sur les dépenses de déménagement et ainsi de suite — et je ne dis pas que ce sont de bonnes raisons, mais j'imagine qu'on a invoqué ce genre de raisons. Je pense qu'il y a dans l'avant dernier budget un engagement visant à mettre en place les moyens administratifs et technologiques qui nous permettrons d'aller à l'échelle nationale. Est-ce l'orientation que nous devons prendre? Absolument.
Le sénateur Baker : Une dernière question : avez-vous un commentaire à faire sur la politique du gouvernement fédéral qui autorise encore, contrairement à la loi telle que je la comprends, le versement d'un salaire inégal pour un travail d'égale valeur selon l'endroit où l'on vit au pays? Je songe aux taux salariaux régionaux qui sont en vigueur dans la fonction publique du Canada. À Port Churchill aujourd'hui, il y a des brise-glace amarrés au quai, et un brise-glace provient d'une région du pays et l'autre, d'une autre région du pays, et les salaires des travailleurs qui font exactement le même travail sont complètement différents. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet, ou savez-vous comment cela est justifié par la Charte? L'article 1 est-il la loi suprême? Je peux comprendre qu'il doit s'agir d'une directive du Conseil du Trésor, de toute évidence, si l'on autorise ce genre de choses.
M. Himelfarb : Ou cela résulte peut-être de la négociation collective. Nous sommes pris à parti des deux côtés. On nous prend à parti parce que nous n'autorisons pas les taux salariaux régionaux, ce qui fait que nous ne sommes pas concurrentiels dans des villes comme Toronto et Vancouver pour le recrutement de comptables et de vérificateurs qui peuvent être mieux rémunérés dans le secteur privé, et nous ne haussons pas nos taux. On nous reproche de ne pas le faire parce que dans de nombreuses régions, nous n'avons pas de taux salariaux régionaux; nos taux sont uniformes. Dans d'autres régions, nous avons instauré le taux régional par la voie de la négociation collective parce que nous avons tenu compte de la demande, et on nous reproche de le faire.
En réaction, nous avons commencé à tenir compte du principe de la demande dans certaines régions où nous ne pouvons pas attirer des gens avec le taux salarial actuel, et c'est ainsi que le principe de la demande s'est inscrit dans la convention collective. C'est une question très difficile, et il y a des tensions des deux côtés de la médaille; pas seulement d'un côté.
Le sénateur Baker : À mon avis, il y a un principe qui intervient. C'est le principe qu'on appelle à travail égal, salaire égal. C'est la loi. Si les syndicats ne veulent pas se conformer à la loi et veulent négocier en marge de la loi, il faut leur dire qu'ils ne peuvent pas faire ça. Chose certaine, le gouvernement du Canada ne doit pas autoriser ce genre de choses. Même chose pour le recrutement. Comme le dit le sénateur Oliver, si vous voulez que les gens profitent des emplois de la fonction publique, il faut leur donner à tout le moins la possibilité de postuler.
Votre allocution liminaire était remarquable, et je vous en félicite. Nous pourrions la reprendre mot pour mot dans n'importe quel rapport, à mon avis.
Le sénateur Oliver : Je compte l'utiliser.
M. Himelfarb : Vous voulez dire l'utiliser contre moi?
Le sénateur Pearson : Merci beaucoup et bienvenue. J'ai des questions d'ordre pratique parce que les gens à qui je parle qui font partie de minorités visibles et qui sont incapables de trouver du travail ont quelques problèmes dont ils discutent, et dans ce groupe, il y a les Canadiens d'assez fraîche date. Ce sont ceux qui ont immigré de l'Éthiopie ou de l'Inde. Ils parlent plusieurs langues mais leur français est insuffisant. Je suis tout à fait d'accord avec le principe des deux langues officielles. La question n'est pas là. La question est de savoir où l'on peut trouver des accommodements.
Ce que ces gens-là me disent, c'est que les tests qu'ils doivent passer semblent inappropriés, parfois même pour leur niveau de connaissances; il y a des problèmes d'ordre culturel et autres qui font qu'ils ne connaissent pas les réponses ou qu'ils répondent d'une certaine façon, et ils se retrouvent alors avec une note un peu plus faible et ils n'obtiennent pas la note dont ils ont besoin. Je connais plusieurs personnes qui sont très compétentes à presque tous les égards et qui ne peuvent tout simplement pas entrer dans la fonction publique. Je ne sais pas s'il y a une réponse à cela. C'est une question difficile parce que c'est un mélange complexe de principes qui interviennent, mais j'ai l'impression qu'une partie du problème réside dans la façon dont on administre les tests.
M. Himelfarb : Merci, sénateur. J'aime la façon dont vous formulez votre question. Il y a deux principes fondamentaux à l'oeuvre, et à mon avis, ils ne se contredisent pas. Le principe des langues officielles est une des pierres angulaires du Canada, c'est un principe absolu et inviolable, qui doit prendre toute son expression dans la fonction publique. Notre attachement à la diversité est tout aussi fondamental pour le Canada. Ce sont à mon avis des principes complémentaires. Ce qui fonde la dualité linguistique fonde aussi notre attachement au multiculturalisme et à la diversité. Nous n'avons pas géré ce programme parfaitement. Pour beaucoup de gens, la façon dont nous enseignons et dont nous administrons les tests est inadéquate. Ces façons de faire ne tiennent peut-être pas toujours compte des différences culturelles, et c'est ce à quoi vous voulez en venir, en partie.
Voilà pourquoi nous avons entrepris de réexaminer au complet l'évaluation, la formation et l'administration des tests, tâche qui n'est pas encore complétée à l'école, et nous allons le faire en consultation avec la Commission de la fonction publique.
Le sénateur Pearson : Ce n'est pas ce qu'ils demandent. Là n'est pas la question.
M. Himelfarb : Nous devons nous assurer que c'est géré d'une façon qui tienne compte des sensibilités culturelles. L'autre chose qu'il faut faire parfois, c'est être novateur et réfléchir en fonction de nouveaux paramètres. Il y a l'ARC, par exemple, qui a créé des postes fantômes jusqu'au moment où les gens ont acquis les connaissances linguistiques voulues, parce qu'on savait qu'il fallait faire cet investissement. Quand quelqu'un parle le mandarin ou le hindi et a consacré du temps à apprendre l'une de ces langues, c'est un investissement énorme que d'en apprendre une autre. Nous devons trouver des moyens intelligents de respecter notre engagement envers ces deux principes et être plus créatifs, et je crois qu'il y a moyen de faire cela.
Le sénateur Oliver : J'ai une série de questions très brèves, d'une seule phrase.
Tout d'abord, vous avez été fier de nous dire que 34,9 p. 100 des membres du groupe de la direction sont des femmes. De ce nombre, combien sont des femmes appartenant à des minorités visibles?
M. Himelfarb : Les deux tiers des membres du groupe de la direction, des sous-ministres adjoints, sont des femmes. J'étais fier de ce fait, parce que je suis responsable de cette réalisation.
Le sénateur Oliver : Mais de ces femmes, de ce 34.9 p. 100, combien appartiennent à des minorités visibles?
M. Himelfarb : Quelque 4,8 p. 100 des cadres appartiennent à des minorités visibles, et non pas 4,8 p. 100 des femmes.
Le sénateur Oliver : Je ne saisis pas. Pouvez-vous me dire quel pourcentage des 34,9 p. 100, soit des femmes, appartiennent à des minorités visibles?
M. McCutcheon : Nous pouvons nous procurer ces renseignements.
La présidente : Vous devriez peut-être fournir ces renseignements au comité.
Le sénateur Oliver : Monsieur Himelfarb, quelles consignes donnez-vous à vos sous-ministres lorsque vous les rencontrez à intervalle régulier en ce qui a trait aux mesures qu'ils doivent prendre pour atteindre certaines de ces cibles, comme un sur cinq? Quelles mesures spéciales avez-vous prises pour vous assurer que ces changements auront lieu? Nous n'avons certainement pas réussi à atteindre ces objectifs.
M. Himelfarb : Encore une fois, nous avons fait des progrès, mais nous n'avons pas atteint les cibles. Les sous- ministres sont tenus de présenter des plans d'action, ce qu'ils ont fait, afin de préciser ce qu'ils comptent faire pour établir des cibles pour la Commission de la fonction publique. La Commission de la fonction publique évalue ces plans. Jusqu'à tout récemment, nous n'avions pas de rapports fiables sur la mise en œuvre de ces plans et nous ne disposions pas des données de référence. Nous apportons les changements nécessaires. La question est souvent soulevée en fait dans nos discussions avec notre partenaire, le Conseil national des minorités visibles, soit le CNMV. Nous sommes en contact permanent avec les représentants du conseil pour rappeler à nos sous-ministres qu'ils ont des responsabilités. C'est une question qui revient sans cesse.
Le sénateur Oliver : Soulever une question c'est bien joli, mais est-ce que cela a un impact?
M. Himelfarb : On en tient compte lors de l'évaluation du rendement des sous-ministres; nous demandons d'ailleurs que les réalisations au niveau de la représentation des minorités visibles soient mentionnées au niveau de l'exécutif, ce qui se fait au BCP. Nos données n'étaient pas suffisamment fiables et la participation des autres organisations n'avait pas suffit à garantir l'efficacité du programme. La Commission de la fonction publique a procédé à une évaluation, et elle est disposée à identifier les ministères qui s'acquittent de leurs responsabilités et ceux qui ne le font pas. Ce contrôle sera donc fait de façon beaucoup plus rigoureuse. Ces politiques ont toujours fait partie du système, mais leur mise en œuvre n'a jamais été aussi rigoureuse qu'elle ne l'est maintenant.
Le sénateur Oliver : Le Conference Board du Canada a publié un rapport qui fait état des obstacles à la promotion des minorités visibles dans le secteur privé et dans le secteur public. On a conclu que le racisme faisait partie intégrante du système. Voici ma question : qu'est-ce que vous, le greffier du Conseil privé, faites pour surmonter ce racisme qui empêche la promotion de représentants des minorités visibles au poste de cadres au sein de la fonction publique du Canada?
M. Himelfarb : La majorité des mesures qui sont prises le sont par la Commission des droits de la personne et par les autres mécanismes qui ont été mis sur pied pour traiter les plaintes de racisme. Il est clair que le partenariat que nous avons créé avec le Conseil national des minorités visibles, y compris son financement, vise à assurer que ce conseil pourra jouer un rôle de premier plan en vue de nous sensibiliser aux diverses formes de racisme, le racisme systémique et le racisme déclaré. J'ai toujours appuyé ce forum, car à mon avis il pourra jouer un rôle important dans ce changement culturel. Il existe également un comité consultatif externe sous la présidence de M. Earl Mendez qui m'offre des conseils, ainsi qu'au BCP et à tous les sous-ministres quant aux façons de lutter contre le racisme déclaré et le racisme systémique. Ces efforts se déroulent actuellement.
La présidente : Monsieur Himelfarb, j'aimerais vous poser une question. Lorsque j'étais à l'université il y a bien des années, toute personne intelligente qui avait beaucoup d'énergie et d'ambition se trouvait un emploi au sein de la fonction publique. Aujourd'hui, les étudiants à l'université me disent que les choses ont bien changé. Quand on leur demande des explications, ils disent qu'ils savent qu'ils ne travailleront pas à élaborer des questions stratégiques à l'intention des parlementaires parce que maintenant, ce sont les groupes d'intérêt, les médias de masse et j'en passe qui dictent ce genre de choses. Le défi que présentaient ces emplois n'existe plus aujourd'hui. Les étudiants ne sont simplement pas intéressés parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas à faire preuve de créativité. Comment répondre à leurs doléances?
M. Himelfarb : Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est probablement les meilleures perspectives d'emploi en ville. La fonction publique offre plus de chances que les autres emplois de contribuer à créer le monde de demain. Ce n'est pas mauvais que les idées viennent de diverses sources. Cela veut dire que nous devons améliorer nos valeurs et nous éloigner des intérêts sectoriels afin d'avoir vraiment à coeur l'intérêt public de sorte à faire mieux notre travail. Je crois qu'il est très sain d'avoir cette concurrence, et il n'est pas mauvais non plus que l'on fasse un peu moins de révérence à l'égard du gouvernement. Ce sont là en fait les caractéristiques d'une démocratie qui a atteint une certaine maturité. Nous n'avons pas vraiment su expliquer aux étudiants qu'il n'y a pas de meilleur emploi que celui qui vous permet d'améliorer notre pays, le Canada.
Il est probablement vrai que pour faire preuve de plus de créativité, il ne faut pas simplement se pencher sur la concurrence mais accepter les idées qui viennent de l'extérieur. Je crois que c'est le sénateur LeBreton qui a dit que la fonction publique était en fait un atelier fermé et que cela nous a nui. Nous devons ouvrir les portes et rendre la fonction publique plus perméable. Nous devons inviter les gens de l'extérieur. Nous devons faire connaître aux jeunes qu'être fonctionnaires, c'est excitant, qu'il s'agisse de femmes de minorités visibles ou de personnes autochtones. C'est le meilleur endroit où travailler à Ottawa et nous devons en convaincre les gens. Nous devons être plus ouverts et peut- être seront-ils plus portés à nous croire. Personnellement, je pense que les choses ne vont pas trop mal maintenant, et elles s'amélioreront.
La présidente : Le message est toujours le même, c'est quand même un bon choix de carrière.
Le sénateur Oliver : C'est peut-être le meilleur emploi en ville, mais si vous représentez une minorité visible, vous ne pouvez pas trouver d'emploi.
M. Himelfarb : Nous ouvrirons les portes de cet atelier fermé.
La présidente : Nous sommes ici pour nous pencher sur la fonction publique, et nous vous donnerons des conseilspuisque vous nous en avez donné certains. Peut-être ensemble pourrons-nous régler le problème de la discrimination qui se retrouve toujours au sein du système.
Le sénateur Oliver : Avant que vous n'ajourniez nos travaux, puis-je poser une question?
La présidente : Oui, mais soyez bref.
Le sénateur Oliver : La Bibliothèque du Parlement a préparé une liste de questions intéressantes qui portent sur les choses que peut faire le BCP. Madame la présidente, pourrions-nous remettre ces questions à M. Himelfarb pour que son personnel puisse fournir les réponses pertinentes au comité? Cela pourrait aider le comité dans ses travaux. Nous n'avons pas eu le temps, en une heure, de poser toutes les questions.
La présidente : Monsieur Himelfarb, notre greffière préparera ce document pour vous pour que vous puissiez nous fournir quand vous le pourrez ces réponses.
Je tiens à vous remercier d'être venu nous rencontrer aujourd'hui pour participer au débat sur la question.
La séance est levée.