Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 30 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Le sénateur Landon Pearson (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Honorables sénateurs, nous examinons, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Nous avons le grand plaisir aujourd'hui d'accueillir Mme Cindy Kiro, commissaire aux enfants de Nouvelle- Zélande, qui comparaît par vidéoconférence.
Madame Kiro, nous allons écouter votre déclaration liminaire, après quoi, nous passerons aux questions.
Cindy Kiro, commissaire aux enfants de la Nouvelle-Zélande (par vidéoconférence) : Honorables sénateurs, je comprends que vous vous intéressez en particulier au rôle du commissaire aux enfants de la Nouvelle-Zélande, notamment à propos de l'application par notre pays de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
J'aimerais vous faire l'historique du Bureau du commissaire aux enfants — poste qui existe en Nouvelle-Zélande depuis maintenant 14 ans. Je vais y inclure un aperçu de l'évolution de ce rôle, car je crois que l'on peut en tirer quelques leçons pour l'orientation que le Canada pourrait choisir. Je vais également résumer les obligations législatives qui me reviennent en tant que commissaire, certains de mes plans et priorités stratégiques, une partie des fonctions de mon bureau, afin de vous donner une idée du genre de travail que nous effectuons.
La Nouvelle-Zélande a un représentant légal des enfants depuis 1989. Ce poste, appelé à l'origine Commissaire pour les enfants, a été créé par notre principale loi relative à la protection des enfants, intitulée la Children, Young Persons and Their Families Act, 1989. En 2003, le Parlement de la Nouvelle-Zélande a adopté une nouvelle loi intitulée la Children's Commissioner Act, 2003.
J'aimerais préciser que j'ai encore des fonctions et des responsabilités à l'égard de la Children, Young Persons and Their Families Act, qui est toujours en vigueur et qui reste la principale loi relative à la protection des enfants. En outre, il existe une mesure législative particulière relative à mon rôle. Je suis le quatrième commissaire, les trois premiers étaient des hommes et je suis la première femme à occuper ce poste en vertu de la nouvelle loi.
La nouvelle loi consolide le rôle primaire du commissaire en tant que représentant légal des enfants et souligne également l'indépendance du rôle du commissaire.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant est annexée à la loi à cause de son importance quant à mon rôle. Le commissaire a une responsabilité législative et doit respecter la Convention dans l'exercice de tous ses pouvoirs.
Le changement de nom est très important. La loi initiale parlait du commissaire pour les enfants; c'est maintenant le Commissaire aux enfants. Ce changement vise à souligner le rôle qui revient aux enfants et indique également un important changement puisque, à l'origine, le rôle visait essentiellement la protection des enfants, notamment le fonctionnement de notre agence officielle d'aide à l'enfance. J'ai toujours des responsabilités à cet égard, dont je vais parler un peu plus tard, mais l'accent est maintenant plus clairement mis sur les droits des enfants. Ainsi, nous sommes passés d'un système plus axé sur la protection qui, selon moi, réagissait en fonction des cas à un système axé sur les droits, plus proactif et systémique et qui permet d'examiner comment intervenir pour empêcher certaines choses de se produire. Il s'agit d'un changement important intervenu au fil de ces 14 années.
La nouvelle loi prévoit une mission élargie afin d'englober les droits, les intérêts et la protection des enfants, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour les organisations non gouvernementales. Mon mandat n'est pas limité par les mesures que pourrait prendre le gouvernement; il inclut les membres de la collectivité, les membres de la famille, les cas individuels ainsi que d'autres organisations non gouvernementales.
En ma qualité de commissaire, je dois prendre en considération les points de vue des enfants, en tenir compte, reconnaître leur diversité et respecter les principes de la Children, Young Persons and Their Families Act. C'est un point important. J'ai une responsabilité législative particulière et dois donc écouter les points de vue des enfants et des jeunes. J'essaye le mieux possible de faire en sorte que ces points de vue soient diversifiés de manière à englober tous les enfants et, en particulier, ceux dont les points de vue peuvent ne pas nécessairement être entendus, par exemple, les enfants autochtones ou aborigènes ou les enfants fortement marginalisés comme les enfants handicapés. Je dois faire en sorte que ces enfants aient la possibilité d'être entendus par les décisionnaires.
Je vais maintenant passer à mes fonctions établies en vertu de la loi. J'ai plusieurs fonctions générales précisées au paragraphe 12(1) de la loi. Il s'agit de promouvoir les intérêts, les droits et le bien-être des enfants, favoriser et surveiller l'application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant par la Couronne, c'est-à-dire notre gouvernement, et promouvoir les points de vue et la participation des enfants.
Je dispose de pouvoirs d'enquête conférés par la loi. Ces pouvoirs sont limités par la loi puisque que je ne peux pas enquêter sur un cas particulier ou sur un cas relatif à des groupes d'enfants — ce qui me permettrait d'examiner des systèmes particuliers et la façon dont ils pourraient toucher les enfants, comme les systèmes scolaires — par rapport aux tribunaux. Je ne peux pas mener d'enquête qui recouperait la compétence ou les droits des tribunaux. De toute évidence, je ne peux pas non plus mener d'enquête qui recouperait une enquête effectuée par la police. Ce sont les limites de mes pouvoirs d'enquête. À part cela, ces pouvoirs sont assez généraux et visent à la fois les cas particuliers et ceux découlant du système.
C'est un bref résumé de mon rôle. Nous allons parler un peu plus en détail de la loi, des pouvoirs et du rôle du Commissaire aux enfants. La vision du Commissaire aux enfants est directe. Dans mon plan stratégique, j'indique que la vision de mon bureau consiste à faire en sorte que les droits et les intérêts des enfants et des jeunes soient reconnus et appuyés en Nouvelle-Zélande. Plusieurs répercussions en découlent. La promotion des intérêts et des droits des enfants et des jeunes signifie que les enfants et les jeunes seront traités avec respect, dignité et équité. Je m'y emploie en favorisant, surveillant, enquêtant et travaillant directement avec les enfants, les jeunes et d'autres intervenants clés, comme le gouvernement, diverses collectivités et nos peuples autochtones.
J'ai des priorités déterminées en fonction de la recherche et de l'expérience qui me poussent à croire que ces éléments ont un effet considérable sur les enfants les plus vulnérables en particulier, qui touchent leur bien-être. Ces priorités sont les suivantes : éliminer la violence faite aux enfants et aux jeunes; régler le problème de la pauvreté touchant les enfants et les jeunes; promouvoir les droits des enfants et sensibiliser davantage la population à cet égard.
La recherche est claire et convaincante : la violence et la pauvreté ont un effet important sur le bien-être des enfants. Toute forme de violence a des effets durables sur les enfants jusqu'à l'âge adulte et au-delà. Des problèmes comme celui de la pauvreté, les choix limités en matière d'éducation et les possibilités d'emploi restreintes ont un effet sur la santé, la sécurité et le bien-être général des enfants et de leurs familles et les empêchent d'être en mesure de contribuer de manière positive à leur propre collectivité, leur groupe tribal et au pays. Au chapitre de la sensibilisation aux droits des enfants, il s'agit essentiellement d'appuyer la lutte contre la pauvreté et contre la violence faite aux enfants.
Ces trois priorités sont interreliées et choisies de façon tout à fait délibérée, autant comme opportunités, en ce qui concerne les droits des enfants, mais aussi comme obstacles en matière de pauvreté et des effets de la violence faite aux enfants.
La Nouvelle-Zélande connaît des problèmes particuliers. Heureusement pour vous, le Canada ne s'est pas classé aussi bas que nous dans les tableaux UNICEF 2003 des décès causés par des mauvais traitements contre les enfants. La Nouvelle-Zélande se classe au cinquième rang des 27 pays de l'OCDE, si bien que nous avons un problème en ce qui concerne la violence faite aux enfants.
Je dois poser des questions particulières à ce sujet. Par exemple : que faut-il faire pour assurer la protection de nos enfants et de nos jeunes? Quels services, information et ressources faut-il offrir à cet égard? Comment puis-je faire en sorte que les jeunes et les enfants participent aux décisions qui touchent leurs vies? Je me ferais un plaisir d'en parler davantage.
Les poursuites engagées au tribunal de la famille et l'effet des conflits et de la séparation des parents sur la vie des enfants, ainsi que la capacité de ces derniers à participer au processus, a fait l'objet d'un débat dans notre pays.
J'ai assisté l'année dernière à une conférence à ce sujet en Colombie-Britannique. Je serais heureuse d'en parler également puisqu'elle englobait des gens de tout le Canada.
Je pose ces questions, reconnaissant la diversité des enfants et des jeunes dans notre pays. À cet égard, je dois entretenir un vaste réseau de relations. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne m'intéresse pas uniquement au gouvernement mais aussi aux organisations non gouvernementales, aux collectivités autochtones et autres.
Je vais maintenant donner quelques détails au sujet de l'organisation de mon bureau et de certains des rôles qui nous reviennent.
J'ai une équipe de 15 personnes, ce qui représente un petit bureau, qui s'occupe de l'ensemble du pays. Vous savez probablement que la population de la Nouvelle-Zélande est de près de 4 millions d'habitants. Notre pays n'est pas aussi étendu que le Canada, bien sûr. J'ai deux bureaux. Le principal se trouve à Wellington, qui est la capitale et qui est proche du gouvernement et je travaille régulièrement avec celui-ci. J'ai également un bureau dans la ville la plus grande, Auckland, au nord de Wellington et j'y ai également des employés.
Mon personnel est hétérogène et c'est un choix délibéré de ma part. Il se compose de personnes qui ont été des travailleurs sociaux, des enseignants, des avocats, des médecins, des journalistes, des activistes et, élément important, des parents. C'est donc un groupe très diversifié qui travaille dans mon bureau, au sein de ma petite équipe. Tous ces gens apportent une expertise considérable et nous transmettent leur expérience.
Sur quoi travaillons-nous? Le travail de mon bureau s'articule essentiellement autour du groupe témoin des jeunes, créé par le commissaire précédent. Le groupe, qui est diversifié, inclut neuf personnes de toute la Nouvelle-Zélande. Il se compose d'enfants qui se sont occupés de leurs parents, d'une jeune mère adolescente, de gens qui ont été actifs au sein des collectivités autochtones et des gens qui ont été actifs au sein du gouvernement local. Le groupe comprend également des étudiants qui sont parmi les meilleurs mais aussi, des étudiants un peu moins bons. Il comprend des jeunes gens handicapés. C'est le groupe de jeunes le plus étonnant et talentueux que je pouvais imaginer.
Soit dit en passant, l'un des jeunes qui faisait partie de mon groupe jusqu'à l'année dernière est devenu le chanteur principal de l'un des groupes rock le plus connu de la Nouvelle-Zélande.
Le groupe est donc certainement hétérogène. Il se réunit toutes les six semaines et participe à tous les éléments clés du travail de mon bureau. L'année dernière, par exemple, ils ont participé avec la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Zélande et avec moi-même à la rédaction du premier plan d'action de la Nouvelle-Zélande pour les droits de la personne. J'ai présidé le groupe consultatif sectoriel de l'enfant qui a rédigé la partie relative aux enfants et aux jeunes et mon groupe témoin de jeunes constituait la moitié de ce groupe; il représentait la moitié de ce groupe consultatif sectoriel. Je me ferais un plaisir d'en parler davantage un peu plus tard.
Ces jeunes sont essentiels pour le travail de mon bureau; ils me donnent des conseils, ils se réunissent toutes les six semaines et je les rencontre toutes les six semaines.
J'ai organisé un symposium en février 2004 qui a permis de rassembler 150 jeunes de toute la Nouvelle-Zélande. J'y avais également invité 150 décisionnaires clés, dont le premier ministre de la Nouvelle-Zélande et les ministres clés touchés — le ministre du Développement social et le ministre de l'Éducation. Ont participé également au symposium les hauts fonctionnaires de tous les grands ministères qui s'occupent des enfants : Santé, Développement social, Enfants, Jeunes et Familles, Éducation. Ils étaient tous là et ont pu parler directement avec les jeunes. En outre, les hauts dirigeants des principales ONG étaient également présents et ont parlé directement avec les jeunes.
C'était la première fois qu'un tel symposium était organisé, mais ce ne sera pas la dernière. Il s'agit là encore de rassembler des jeunes, appuyés essentiellement par le gouvernement local et d'autres leaders communautaires, avec des décisionnaires clés afin de parler de questions qui revêtent la plus haute importance pour moi au sujet de l'avenir de la Nouvelle-Zélande.
Mon bureau s'occupe également de promouvoir la défense de la cause des enfants. Mon personnel organise un atelier intensif de deux jours à l'échelle du pays. Nous nous rendons dans des collectivités rurales isolées, ainsi que dans de grands centres urbains, pour offrir cet atelier, qui enseigne la défense de la cause des enfants aux gens. Je me ferais un plaisir de vous envoyer la documentation qui pourrait vous intéresser. Nous sommes heureux de partager ce que nous avons avec tous ceux qui sont intéressés. Nous avons plusieurs personnes dans les collectivités qui participent à ces ateliers de défense de la cause des enfants, mais nous en organisons également pour le gouvernement.
Ces ateliers traitent essentiellement de la façon d'améliorer les résultats pour les enfants grâce à la défense de la cause des enfants, notamment en rapport avec le système judiciaire, de bien-être, de l'éducation et de la santé. Comment faire en sorte que ces systèmes soient plus à l'écoute des besoins des enfants au sein des collectivités locales? Nous faisons des exercices intéressants. Tous ceux qui participent reçoivent un certificat et sont inscrits dans une base de données, ce qui nous permet de créer un réseau national relatif à la défense de la cause des enfants. C'est un autre projet de mon bureau.
J'ai parlé un peu plus tôt des pouvoirs d'enquête dont je dispose. En 2003, j'ai publié une enquête relative à la mort de deux sœurs âgées de 11 et 12 ans. Ces deux sœurs ont été tuées par leur beau-père. On a noté plusieurs défaillances professionnelles et du système à cet égard et elles ont fait l'objet de plusieurs recommandations portant sur les responsabilités de la police, du ministère de la Famille, des Enfants et des Jeunes, des responsables de la santé et de l'éducation, du ministère de la Justice, du ministère du Développement social. Ces recommandations sont d'une assez grande ampleur.
Par suite de ces recommandations, je préside maintenant une réunion trimestrielle interagences avec ces ministères et organisations clés. Nous avons un rapport d'étape sur la mise en œuvre de ces recommandations. Là encore, il s'agit essentiellement de créer le genre de réseau d'appui nécessaire pour empêcher que cela ne se produise à l'avenir. C'est un exemple du recours aux pouvoirs d'enquête et à l'instauration d'une collaboration interagences.
Mon bureau participe également au travail de Plunket, le fournisseur le plus important des services à l'enfance de Nouvelle-Zélande. Plunket offre des services aux enfants à partir de la naissance jusqu'à l'âge de cinq ans. Plunket procède à des examens des bébés, surveille leur santé, les pèse, vérifie leur développement et parle aux mères et aux pères de la meilleure façon de s'en occuper.
J'ai un projet conjoint avec Plunket appelé Littlies Lobby. C'est un groupe de lobbying interparlementaire axé sur les enfants de moins de cinq ans qui vise à promouvoir leurs intérêts auprès des parlementaires.
Tous les trois mois, j'organise un petit déjeuner parlementaire avec Plunket qui se déroule dans le grand hall du Parlement. Les députés de tous les partis politiques, ainsi que d'autres représentants d'agences clés, sont invités. Nous avons un conférencier invité qui partage l'information et incite les participants à réfléchir à la question du développement et de la nécessité d'investir dès les premières années de la vie. Nous avons eu comme conférencier invité M. Bruce Perry et avant lui, Mme Joan Durrant. Ces deux personnes sont fortement associées au Canada, ce qui, à mon avis, est excellent. Nous avons un taux élevé de participation et ces petits déjeuners offrent la possibilité de soulever des questions dans un contexte favorable qui transcende les divisions entre partis.
Je fais également de la recherche et j'ai plusieurs publications à mon actif. L'année dernière, mon bureau qui avait commandé une étude a publié « The Discipline and Guidance of Children ». Vous pouvez y avoir accès sur notre site Web, comme c'est le cas pour tous nos documents. « The Discipline and Guidance of Children » résume toute la documentation internationale sur la discipline et le recours à la force physique contre les enfants. C'est un plaisir pour moi d'en parler.
Mon bureau publie tous les trois mois un bulletin de nouvelles qui est distribué à 2 000 organismes. J'accepterai volontiers d'inscrire votre nom à notre liste de distribution. Cette publication pourrait vous intéresser.
Pour terminer, la Nouvelle-Zélande a donné au commissaire à l'enfance le mandat de défendre les droits et de promouvoir le bien-être des enfants et des jeunes de la Nouvelle-Zélande. Elle lui a attribué des responsabilités précises au regard de la Convention relative aux droits de l'enfant. Celles-ci sont définies dans le corps et dans l'annexe du texte de loi qui régit le bureau du commissaire.
Je possède des pouvoirs d'enquête qui m'ont permis de proposer des mesures d'action et, notamment, d'encourager la collaboration interagences. Je m'efforce de recueillir des preuves solides qui serviront de fondement aux politiques et aux activités de mon bureau.
La vice-présidente : Merci de cette description très détaillée. Nous sommes très impressionnés par ce que vous faites. J'ai de nombreuses questions à poser, mais je vais d'abord céder la parole à mes collègues.
Le sénateur Carstairs : Bonjour. Je voudrais vous poser une question au sujet de l'indépendance de votre bureau. Est-ce que vous relevez du Parlement? D'un ministre en particulier? Peuvent-ils limiter vos pouvoirs, votre mandat?
Mme Kiro : Vous soulevez une question importante qui est au cœur du débat.
Le bureau est indépendant. Je soumets tous les ans un rapport au Parlement. Le commissaire est nommé sur la recommandation du ministre du Développement social et de l'Emploi, par le gouverneur général de la Nouvelle- Zélande. Lui seul a le pouvoir de mettre fin à son mandat.
Le gouverneur général agit à titre de représentant de la Couronne, tout comme il le fait au Canada. Le commissariat est indépendant, mais le ministre joue un rôle clé et dispose de pouvoirs précis. Il ne peut me donner des ordres. Il peut uniquement m'obliger à respecter les obligations administratives qui me sont imposées. Par exemple, le ministre peut évaluer le rendement de mon bureau, mais seulement sur les plans administratif et financier. Il s'agit d'un changement par rapport à l'ancienne loi, le ministre pouvant désormais s'attendre à recevoir plus de renseignements au sujet du fonctionnement du bureau.
Autre point : le ministre ne peut m'interdire ou m'empêcher de m'exprimer sur un dossier. Aucun ministre, d'ailleurs, n'a le pouvoir de le faire. Je peux très bien, si je veux, commenter une politique du gouvernement. Je peux aborder la question en public et en privé.
La loi m'autorise à exiger la tenue d'une rencontre avec le premier ministre de la Nouvelle-Zélande pour discuter avec elle d'une question liée aux droits des enfants de la Nouvelle-Zélande, par exemple. Je n'ai pas à en informer le ministre.
Donc, la loi est très claire : elle protège l'indépendance du commissaire, ce qui me permet d'assumer mon rôle de défenseur des droits des enfants. Cela englobe le droit de m'exprimer librement sur toute question qui a trait aux intérêts, aux droits et au bien-être d'un enfant ou des enfants.
Les choses se passent de cette façon dans la pratique. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande tient absolument à garantir cette indépendance. L'entente conclue avec le ministre du Développement social et de l'Emploi insiste sur l'indépendance du bureau, et celle-ci est bel et bien assurée. Le gouvernement s'efforce de faire respecter l'intention de la loi.
Toutefois, je suis consciente du fait qu'il existe un lien. Je compte sur le gouvernement pour obtenir du financement. Les fonds ne sont pas alloués par le Parlement dans son ensemble, mais sont prélevés sur l'enveloppe budgétaire qui est consacrée au développement social, laquelle englobe le bien-être social.
Je dois faire preuve de responsabilité quand j'aborde des sujets qui, parfois, peuvent être difficiles pour le gouvernement. Je dois agir de manière réfléchie, responsable. Je dois pouvoir appuyer mes arguments sur des preuves solides, des conseils judicieux. Je dois respecter le rôle que remplissent les ministres et le gouvernement quand ils prennent des décisions sur les questions que j'aborde avec eux.
Je dois faire preuve de pragmatisme et bien gérer, au jour le jour, ces rapports, ces pressions, le pouvoir qui m'est donné de m'exprimer librement. J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Carstairs : Vous l'avez fait. Merci.
Ma deuxième question porte sur le mandat que vous avez à l'égard des peuples autochtones, des Maoris.
Au Canada, les collectivités autochtones, qu'elles soient indiennes, inuites ou métisses, affichent des statistiques déplorables en matière d'espérance de vie, de taux de suicide et de rendement scolaire.
Quel rôle votre bureau joue-t-il auprès des Autochtones de la Nouvelle-Zélande et est-ce que ce dossier constitue pour vous une priorité?
Mme Kiro : Oui. Il existe des parallèles entre l'expérience des collectivités autochtones du Canada et celle des populations maories de la Nouvelle-Zélande. Je tiens à préciser que je suis une Maorie, ce qui veut dire que je suis la première Autochtone à occuper le poste de commissaire en Nouvelle-Zélande. Cette situation est le fruit du hasard. Je n'ai pas été nommée de façon délibérée. Reste que ce sujet m'intéresse beaucoup.
Le sort des enfants maoris constitue une priorité pour mon bureau, et ce, pour deux raisons. D'abord, les statistiques et les expériences négatives que vous venez de décrire concernant les collectivités autochtones du Canada s'appliquent également aux enfants maoris, en Nouvelle-Zélande. Je vous expliquerai plus tard les mesures que nous prenons à ce chapitre.
Ensuite, ce dossier constitue une priorité pour moi et pour mon bureau, car l'État et la société ont des droits et des obligations à l'égard de ces peuples et collectivités. Franchement, ces populations ne se trouvent qu'en Nouvelle- Zélande. L'histoire, le développement, les connaissances, les riches expériences des Maoris constituent une source d'enseignements pour la Nouvelle-Zélande. Nous devons en tirer parti.
La Loi sur les enfants, les jeunes et les familles qu'a adoptée la Nouvelle-Zélande découle des expériences vécues par les communautés maories. La formule de la concertation des familles s'appuie sur les valeurs traditionnelles des Maoris, les méthodes qu'ils utilisent pour régler les conflits familiaux. Ce mécanisme est maintenant reconnu à l'échelle internationale; il permet de venir à bout de situations difficiles entourant le bien-être de l'enfant au sein des familles.
Pour ces deux raisons, le sort des enfants maoris dans mon pays constitue une priorité pour mon bureau. L'approche que j'utilise dans ce dossier comporte deux volets. D'abord, je m'attaque aux causes profondes des obstacles auxquels se heurtent les enfants et les jeunes maoris. Dans mon pays, ces causes profondes sont la pauvreté et la violence. Elles encouragent l'aliénation sociale et la perte d'identité, empêchent les enfants d'avoir accès aux services de base ou de bénéficier des avantages qui en découlent pour surmonter les obstacles auxquels ils sont confrontés. Ce sont là des problèmes réels en Nouvelle-Zélande, tout comme au Canada.
Ensuite, j'essaie d'établir des liens positifs avec les institutions qui cherchent à protéger les enfants et les jeunes maoris. À l'intérieur des structures tribales, nous avons des iwi, qui sont des tribus, et des hapu, qui sont des sous- tribus. Ces structures sont similaires aux clans et aux bandes que l'on retrouve au Canada.
Les structures tribales ont été grandement érodées par suite de la colonisation, mais elles existent toujours. Il y a des groupements familiaux qui sont liés par généalogie. Mon bureau essaie d'établir des contacts avec les principaux groupes tribaux et de s'attaquer aux problèmes qui touchent les enfants et les jeunes au sein de ces groupes.
Ce n'est pas une tâche facile. Il y a beaucoup de complications, de liens qui doivent être établis. Certaines structures sont affaiblies, manquent cruellement de ressources et ont de la difficulté à survivre.
Je fais preuve de la même rigueur quand je remets en cause les politiques de ces structures ou celles du gouvernement. Les communautés tribales traditionnelles ont des défis à relever. Elles se montrent peu disposées à régler les problèmes de violence, à changer les comportements, la tolérance qu'elles affichent à l'égard de la violence dont sont victimes nos enfants. Mon rôle consiste à aborder ces questions difficiles avec ces groupes, ce qui n'est pas toujours facile. Encore une fois, il faut faire preuve de pragmatisme dans ce dossier.
Mon travail consiste surtout à créer des possibilités de développement au sein de ces communautés, à bien comprendre les expériences que vivent les enfants au sein de celles-ci. C'est, pour moi, une priorité. J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur LeBreton : Votre exposé était fort intéressant, madame Kiro.
Vous dites que l'on a changé le nom du poste à celui de commissaire à l'enfance pour accorder une plus grande place aux enfants. J'aimerais savoir comment ce changement de nom, ce changement d'attitude, a permis aux enfants d'avoir davantage accès à vos services.
Mme Kiro : D'abord, je ne fournis aucun service. Je n'en finance pas non plus. Je ne fournis pas directement de services aux enfants, sauf de façon limitée. De plus, je n'élabore pas de politiques qui s'appliquent aux enfants. Toutefois, j'exerce une influence sur celles-ci, et j'en assure la promotion. Je peux commenter les politiques, les services, les pratiques des ministères dans n'importe quel de ces domaines.
Le bureau relevait antérieurement de la Loi sur les enfants, les jeunes et les familles. Il est maintenant régi par une loi distincte, la Loi sur le commissaire à l'enfance. Ce transfert a entraîné un certain nombre de changements. Je suis maintenant tenue, en vertu de la loi, de consulter les enfants, de recueillir leur point de vue, ce qui n'était pas le cas en vertu de l'ancienne loi. De plus, je dois recueillir des points de vue divers. La loi précise que je dois tenir compte des enfants qui sont particulièrement vulnérables, c'est-à-dire les enfants qui sont les plus susceptibles d'être marginalisés ou de ne pas être entendus. Je dois m'assurer que leurs vues transparaissent dans les politiques d'intérêt public, les données et les éléments de preuve sur lesquels se fondent les responsables des politiques et les décideurs quand ils prennent des décisions.
Cette exigence a pour effet de hausser la barre encore plus haut. Elle m'oblige à prendre des mesures pour respecter mes obligations. J'y arrive de diverses façons. J'ai donné l'exemple du groupe de référence des jeunes. Plus important encore, je dois rencontrer les jeunes et, dans la mesure du possible, encourager les ministres, les organismes gouvernementaux et les ONG à consulter les enfants. J'ai recours à divers moyens pour remplir ce rôle.
Par exemple, je participe à un projet qui s'intitule la Journée des enfants. Chaque année, en Nouvelle-Zélande, nous célébrons la journée des enfants. Je travaille avec plusieurs groupes communautaires, de même que le ministère des Services aux enfants, aux jeunes et aux familles. Nous célébrons cette journée avec les enfants. Nous en profitons pour envoyer des messages simples, surtout aux parents, mais également aux autres personnes qui ont des enfants — et cela englobe presque tout le monde — dans le but de les encourager, par exemple, à passer du temps avec leurs enfants, à les écouter, à profiter de leur compagnie en faisant avec eux des choses très simples.
Au moins une fois par semaine, je prononce un discours devant un groupe, souvent lors de conférences, mais aussi lors petites réunions publiques, ou encore devant des associations professionnelles. Je rencontre des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux. Je visite régulièrement des écoles. Chaque fois que je le fais, je me fais un devoir de rencontrer des enfants et des jeunes. Je surveille de près les politiques et pratiques du ministère des Services aux enfants, aux jeunes et aux familles, qui est un service de protection de l'enfance régit par une loi. Je visite les établissements et les institutions pour enfants, qui ont pour mandat de s'occuper des enfants, de les protéger, d'accueillir les jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Quand je me rends dans ces endroits, je passe du temps, seule, avec les jeunes.
De cette façon, l'information n'est pas filtrée parles fournisseurs de soins ou les directeurs des institutions. Je m'adresse directement aux jeunes. Je fais la même chose dans les écoles. Je m'entretiens directement avec les enfants. J'écoute ce qu'ils ont à dire au sujet des questions qui les concernent.
Ces rencontres très publiques, proactives, me permettent d'entrer en contact avec les enfants de divers milieux, ce qui m'aide à remplir mon mandat.
Je prends également soin de consulter toute une foule d'organismes, d'entendre ce qu'ils ont à dire au sujet des enfants, de ce qui se passe. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a été l'hôte, récemment, d'un forum sur l'emploi à l'intention des jeunes. Nous n'avons pas de réseau similaire à celui qui existe au Royaume-Uni. Toutefois, mon bureau essaie d'en créer un. Nous avons financé la première réunion qui a eu lieu, récemment, à ce sujet. J'ai rencontré des jeunes. Je leur ai parlé des questions qui les intéressent. Je pense qu'ils ont beaucoup apprécié l'expérience.
J'essaie de sortir de mon bureau, d'aller à la rencontre des gens, des jeunes. Je les invite également à venir me rendre visite.
Le sénateur LeBreton : Vous avez dit, dans votre exposé, que vous devez, de par la loi, consulter les jeunes et les enfants. Vous avez fait allusion au groupe de référence des jeunes, un groupe composé de neuf jeunes âgés de 12 à 17 ans que vous rencontrez toutes les six à huit semaines. Il y a, manifestement, un roulement. Pendant combien de temps ces jeunes peuvent-ils faire partie du groupe? J'imagine qu'ils ne peuvent plus en faire partie une fois qu'ils ont atteint l'âge de 17 ans. Comment choisissez-vous les jeunes? Qui les recommande? Comment faites-vous pour choisir les neuf jeunes qui vont faire partie du groupe? Y a-t-il un grand roulement?
Mme Kiro : La durée du mandat est de deux ans. Certains jeunes qui font actuellement partie du groupe étaient là quand le groupe a été fondé. C'est la deuxième fois seulement que nous faisons cela. La durée de leur mandat sera donc de trois ans. C'est assez inhabituel, parce qu'il s'agit du premier groupe de ce genre. Le mandat est de deux ans. L'âge est le critère clé : une fois qu'ils ont 18 ans, ils sont remplacés par d'autres jeunes.
Nous avons un processus de sélection qui est ouvert. Par exemple, nous faisons de la publicité dans les médias qui s'adressent aux jeunes. Nous passons des annonces dans une revue nationale appelée Tearaway, à laquelle de nombreux jeunes sont abonnés. Nous faisons de la publicité dans les écoles, dans un certain nombre de sites Web qui s'adressent aux jeunes. Il faut qu'une personne présente une demande si elle veut que sa candidature soit prise en compte. J'ai reçu 300 demandes cette fois-ci. Nous les avons examinées, après quoi, nous avons établi une liste de candidats.
Le groupe actuel a participé au processus de sélection. Je dois dire qu'il était assez sévère à l'égard des autres jeunes. Je pense que les adultes sont beaucoup plus conciliants. Nous avons une très bonne idée des qualités que nous recherchons, des critères que nous devons appliquer. Manifestement, nous voulons des gens qui ont une expérience variée, mais également des jeunes qui ont fait montre de leadership et de courage.
Nous avons une jeune mère de 15 ans. Elle a connu une vie difficile. Elle fait partie des populations du Pacifique, un groupe très marginalisé de la Nouvelle-Zélande. Or, elle a pris l'initiative de retourner à l'école. Elle fait partie d'autres groupes composés de jeunes mères. J'ai trouvé qu'elle faisait preuve de leadership et de sérieux, qu'elle s'intéressait de près aux autres jeunes femmes qui vivaient des expériences similaires. Nous avons pensé qu'elle apporterait une contribution positive au groupe.
Certaines personnes se démarquent des autres pour des raisons bien précises. Nous avons demandé à tous ceux qui ont posé leur candidature s'ils étaient prêts à faire partie d'un réseau. Nous ne voulons pas, bien entendu, décourager les jeunes qui ont pris le temps de communiquer avec nous. Nous voulons leur donner la possibilité de jouer un rôle de leadership, parce qu'ils sont tout simplement extraordinaires. Quand nous sommes arrivés au processus de sélection final, il est devenu de plus en plus difficile pour nous de faire un choix.
Notre personnel a participé à cette sélection. Nous avons aussi demandé l'avis de certains intéressés externes clés au sujet du genre de qualités qu'il faudrait rechercher. En fin de compte, je dois avouer que c'est moi qui ai pris la décision.
Nous en avons beaucoup appris. J'ai une employée qui est avocate et qui se dévoue énormément dans ce rôle. Elle est une analyste de politique très chevronnée. Elle a travaillé pour notre ministère du Développement de la jeunesse pendant sept ans. C'est une personne merveilleuse, et je suis sûre qu'elle serait heureuse de vous expliquer en détail le processus — les critères de sélection et le genre de questions qui ont été posées aux jeunes candidats. Elle a assisté aux réunions du groupe témoin de jeunes pendant qu'ils débattaient des candidats et elle était à mes côtés quand j'ai moi- même examiné les candidats et quand l'a fait le personnel. Elle a fait partie de tout le processus, et je vous offre volontiers ses services, si elle peut vous être utile.
La vice-présidente : Avez-vous une ligne téléphonique que peuvent utiliser les enfants?
Mme Kiro : Oui. C'est un numéro d'appel sans frais : 0-800-KIDS.
Le sénateur Poy : Vous avez mentionné que vous aviez le pouvoir d'enquêter. Je suis curieuse. Est-ce la police et les services sociaux qui vous appellent ou est-ce plutôt vous qui entrez en contact avec eux?
Le sénateur Pearson vient tout juste de vous demander si les enfants peuvent vous appeler directement. À quel point est-ce facile pour eux d'entrer en communication avec un interlocuteur? Il existe des lignes 1-800 où tout ce que vous obtenez, c'est un répondeur. À quelle fréquence le personnel de votre bureau les rappelle-t-il?
Les enfants peuvent appeler à votre bureau, mais peuvent-ils s'y présenter pour vous raconter leurs problèmes, vous dire que leurs parents ne les traitent pas bien ou qu'ils souhaitent se plaindre de leur enseignant? Que faites-vous dans ces cas-là?
Comment exercez-vous vos pouvoirs? Ce n'est pas vous qui adoptez les lois. Pouvez-vous dire aux services sociaux quoi faire ou pouvez-vous ordonner aux parents de faire et de ne pas faire certaines choses?
Mme Kiro : Le contact par téléphone se fait en réalité en composant le 0-800-OUR-CHILD.
J'ai un groupe d'intervenants à mon bureau. Son travail est de donner suite à ces demandes du grand public, y compris aux appels qui nous parviennent au moyen de la ligne 0-800. Quelqu'un est sur place 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, pour prendre ces appels. Je précise qu'il est très rare qu'un enfant appelle le bureau. Ce sera plus vraisemblablement un parent ou un grand-parent qui appelle pour nous informer de la situation d'un enfant.
Nous tentons de trouver des moyens d'encourager en réalité les enfants à appeler directement. L'enfant peut se présenter au bureau, et je vois en fait plusieurs enfants le faire. Ils ont tendance à avoir des liens familiaux avec les membres du personnel essentiellement, mais il y a constamment des enfants et des bébés au bureau. N'importe quel enfant qui le souhaite peut entrer dans le bureau.
Pour ce qui est de faciliter aux enfants l'entrée en communication avec nous, il existe plusieurs lignes téléphoniques nationales faciles à utiliser, des lignes d'aide, des lignes d'écoute pour les jeunes et ainsi de suite. Ces lignes reçoivent des millions d'appels par année d'enfants et de jeunes. J'ai essayé d'être d'un grand soutien à ces lignes. Par exemple, j'ai rédigé des lettres pour demander des fonds de sorte qu'elles puissent vraiment être mises à la disposition des enfants et des jeunes, parce que je reconnais que les enfants souhaitent souvent parler avec d'autres jeunes. Souvent, les enfants souhaitent parler à quelqu'un de leur âge. Le besoin pour ce genre de service existe. Je vérifie qu'on me fournit régulièrement des rapports au sujet du genre de problèmes qu'abordent véritablement les enfants et les jeunes.
Il existe toute une gamme de problèmes, et l'intimidation se classe très haut dans la liste. Les enfants utilisent ces lignes téléphoniques parce qu'un enfant victime d'intimidation à l'école, par exemple, les inquiète.
Je ne me vois pas tant comme un fournisseur de service que comme quelqu'un qui doit faire en sorte que le service est fourni. Vous comprendrez mieux quand je vous parlerai de mes pouvoirs d'enquête et de la façon dont je les exerce.
À propos justement de pouvoirs d'enquête, la loi instituant ma fonction me confie la responsabilité particulière de surveiller les politiques, les pratiques et les services du ministère de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille. J'assume vraiment un rôle de surveillance à l'égard de ce ministère.
Le ministère a 3 000 employés. Il dispose d'un budget imposant, de centaines de millions de dollars, et son rôle est national. Je dispose moi-même de 15 employés et de 2 millions de dollars, et il faut donc que je sois réaliste au sujet de mon rôle de surveillance. C'est pourquoi j'ai un protocole d'entente avec le ministère. Le protocole précise quels renseignements doivent m'être fournis. Par exemple, je dois être avisée du décès d'un enfant recueilli dans les cinq jours. Tout événement grave se rapportant à un enfant recueilli, particulièrement s'il est placé en établissement, doit m'être signalé. Je dois aussi être avisée de tous les cas où l'article 47 de la loi sur l'enfance, les jeunes et leurs familles est invoqué. Cet article concerne les mandats de protection ou le mandat de placement. Cela inclut non seulement le nom de l'enfant, mais parfois, les circonstances entourant la décision de retirer l'enfant de son milieu.
Certains genres de renseignements sont couramment fournis par le ministère, et ils agissent comme déclencheurs. J'ai un gestionnaire des enquêtes qui suit ces rapports. Parfois, nous relevons un problème ou une tendance. Ainsi, lorsqu'un jeune est détenu dans une cellule par exemple, la police en informe le ministère de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille, qui doit à son tour m'en aviser. Si nous remarquons un nombre croissant de jeunes détenus dans des cellules, je peux communiquer avec le commissaire de police ou avec le principal dirigeant du ministère de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille et demander une rencontre pour discuter de la raison de cette tendance. Je peux demander une explication de la raison pour laquelle cette tendance se manifeste dans une région particulière.
En réponse à votre question, je peux, de mon propre chef, lancer une enquête dans toute affaire particulière. Je pourrais le faire à la suite d'information que j'ai reçue du ministère, par exemple, au sujet du décès d'un enfant ou, comme cela s'est produit récemment, à cause d'une série d'événements dont j'ai été témoin. Ainsi, je suis en train de mener une enquête sur des enfants qui ont été hospitalisés par suite de mauvais traitements soupçonnés et qui sont à nouveau maltraités à l'hôpital. L'enquête inclut la police, le ministère de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille et le service de santé. Je tiens à savoir qui était responsable de voir à la sécurité de l'enfant lorsque la maltraitance était soupçonnée et qu'il a été admis à l'hôpital. Qui en réalité est responsable? Qui va assumer la responsabilité de la garde de cet enfant pour que l'auteur des mauvais traitements, qui pourrait être le père, le beau-père, la mère ou un autre membre de la famille, ne puisse l'approcher et le maltraiter pendant qu'il est à l'hôpital?
Cette enquête a été amorcée à la suite de trois cas survenus en très peu de temps dans des régions différentes de la Nouvelle-Zélande. Je suis donc en train de mener une enquête et je peux exiger que les régies de santé des districts, la police et le ministère de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille me fournissent certains renseignements.
Je dois préciser que chacun de ces organismes a été très coopératif dans le cadre de cette enquête. C'est attribuable, en partie, au fait qu'ils souhaitent aussi que ces problèmes soient réglés. Cela leur fournit un certain degré de certitude au sujet de qui est responsable de quoi et à quel moment. En réalité, il y a moyen d'être utile en précisant ce que sont les protocoles, la politique et les responsabilités dans de pareils cas.
En réponse à votre question au sujet des pouvoirs d'enquête, si je mène une enquête et qu'est lancée une poursuite ou une enquête policière, je dois suspendre mon enquête. Je ne peux rien faire qui puisse nuire à ces procédures. Si une procédure est en cours quand j'envisage de faire enquête, je dois attendre qu'elle ait pris fin avant de commenter à son sujet ou de lancer mon enquête. Toutefois, je peux tout de même mener ma propre enquête.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Madame Kiro, madame le sénateur Carstairs a parlé des enfants aborigènes en Nouvelle- Zélande. Les droits des enfants aborigènes comportent-ils des droits linguistiques ? Ma deuxième question est de savoir comment est nommé le commissaire à l'enfance ? Vous êtes nommée par le gouvernement, mais quel est le processus d'emploi pour votre poste ? Comment avez-vous été choisie pour être commissaire à l'enfance?
[Traduction]
Mme Kiro : Les enfants maoris de Nouvelle-Zélande ont des droits linguistiques. Le maori est une langue officielle de la Nouvelle-Zélande.
Quant à la façon dont j'ai été nommée à mon poste, j'ai postulé l'emploi — 75 personnes l'ont fait. Le gouvernement suit un processus de nomination très complet et rigoureux. J'ai dû subir une entrevue de trois heures, ce que j'ai trouvé un peu pénible. J'ai été questionnée par un des plus hauts fonctionnaires d'expérience en Nouvelle-Zélande, puis par un ex-juge en chef du tribunal de la jeunesse et par un juriste-expert et chef communautaire de la Nouvelle-Zélande. Ils étaient trois quand mon nom figurait sur la liste restreinte.
Il fallait que je sois recommandée par ce groupe indépendant au ministre du Développement social et de l'Emploi. Le ministre a le choix d'accepter ou de rejeter la recommandation. Heureusement, il l'a acceptée. Il présente ensuite une recommandation au gouverneur général et, manifestement, ce processus est assorti de toutes sortes d'exigences.
Ainsi, j'ai dû accepter que la police fasse enquête sur mon passé. Il a aussi fallu que le tribunal le vérifie. On a mené enquête ma qualité de fiduciaire, ma situation financière. J'ai dû signer certaines attestations réglementaires concernant l'exactitude de mes déclarations tout au long du processus. J'ai dû présenter une preuve légale et notariée de toutes mes compétences, mes publications, mes travaux antérieurs. À mon avis, le processus était incroyablement rigoureux, en fait, mais c'est la norme à laquelle il faut satisfaire.
Heureusement, j'en suis sortie en tête de liste et le ministre et le gouverneur général ont accepté la recommandation du groupe d'experts indépendant, et j'ai été nommée au poste.
Le sénateur Losier-Cool : Je vous remercie beaucoup. Vous nous avez convaincus qu'ils ont fait le bon choix.
La présidente : J'aurais une brève question à vous poser concernant le rôle de votre bureau dans les rapports présentés au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies.
Mme Kiro : Mon bureau n'a pas de responsabilité particulière à cet égard. Il s'agit-là d'une obligation de l'État. C'est donc le gouvernement qui fait rapport.
J'étais présente lors de la présentation du second rapport périodique et je l'étais aussi lors de la présentation du vôtre, parce que le Canada l'a fait la veille de la Nouvelle-Zélande.
La présidente : Je m'en souviens. J'étais là, oui.
Mme Kiro : Je n'ai pas de responsabilités particulières à cet égard, sauf que je peux en réalité rencontrer le comité et que j'ai réussi à le faire de façon informelle. J'ai rencontré par exemple le rapporteur néo-zélandais, qui fait partie du comité, et j'ai rencontré le président, de toute évidence. Cependant, je ne joue aucun rôle officiel, si ce n'est en tant qu'observateur.
La vice-présidente : Comme dernier commentaire pour boucler le tout, nous aimerions que, la prochaine fois que le Canada fera rapport au comité — je fais une observation, je ne pose pas de question —, les enfants participent à la rédaction. J'ignore si vous réussirez à persuader votre gouvernement de le faire, mais si c'était le cas, j'aimerais que vous nous disiez comment vous vous y êtes prise.
Mme Kiro : Je vais essayer. Je vous remercie.
La vice-présidente : C'est moi qui vous remercie. Ce débat nous a été très utile, et nous allons accepter votre offre de partager des documents avec nous. Nous partagerons volontiers avec vous tout ce que produit notre étude, à tout le moins le rapport final ou provisoire. Je vous remercie beaucoup.
Mme Kiro : Je vous en prie. Je vous souhaite franc succès dans vos délibérations.
La séance est levée.