Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 16 - Témoignages - Séance de l'après-midi
ST. JOHN'S, le lundi 13 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 13 h 10 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Le sénateur Landon Pearson (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Je vous souhaite la bienvenue à notre table ronde. Je vais demander tout d'abord à Florian Bizindavyi de présenter les jeunes personnes qui l'accompagnent, puis nous les écouterons.
M. Florian Bizindavyi, coordonnateur, Centre d'excellence et d'engagement de la jeunesse : Bon après-midi, sénateur. Le Centre d'excellence pour la participation des jeunes, un regroupement de partenaires à l'échelle nationale, est dirigé par la Commission des étudiants du Canada. C'est par l'entremise du Centre d'excellence pour la participation des jeunes que nous avons trouvé des jeunes gens disposés à venir devant vous exprimer certains points de vues et opinions.
Je vous laisserai un document qui explique le travail du Centre.
À Terre-Neuve, j'ai pu trouver des jeunes gens étonnants. Je suis accompagné de Shireen, Megan, Ryan et Rachel. Nous avons aussi des observateurs ici.
Mme Megan Fitzgerald : Merci beaucoup, Florian. Puisque c'est une réunion informelle, je ne vais pas m'exprimer avec force et autorité.
En notre nom à tous, permettez-moi de dire que ceci est pour nous une occasion, dirait-on, douce-amère, parce que l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant stipule que nous devrions pouvoir exprimer nos points de vue. J'ai 18 ans aujourd'hui, et c'est la première fois que cette occasion m'est donnée. C'est une occasion douce-amère pour nous tous. Nous sommes tellement emballés d'être ici pour exprimer nos points de vue devant des gens si importants, des gens qui peuvent réellement faire une différence au Canada. Il m'a fallu 18 ans pour en arriver là — et il y a tellement d'autres jeunes, ici à Terre-Neuve, qui n'auront jamais cette chance.
Ce n'était que mon préambule. Ryan et moi formons une équipe — l'équipe E — et nous allons parler de l'éducation et de l'habilitation, et de leur application à la Convention relative aux droits de l'enfant.
Je commencerai avec l'habilitation. Florian m'a appelée il y a environ une semaine pour me demander de venir ici. J'ai dit d'accord. Il m'a dit que je devrais lire la Convention relative aux droits de l'enfant. Je me suis demandé ce que ce pouvait bien être, parce que je n'en avais jamais entendu parler auparavant. J'avais honte de l'admettre — parce que je suis élitiste à mon école. Je suis très engagée à l'école, j'ai un très bon rendement scolaire et j'essaie d'être active dans la communauté. Et pourtant, pour quelqu'un comme moi qui en sait tellement sur tout ce qui se passe, du moins dans mon milieu, je ne connaissais rien de mes droits, tels qu'ils sont stipulés dans la Convention relative aux droits de l'enfant.
C'est un vaste élément de l'éducation et de l'habilitation des jeunes. Comment pouvons-nous nous sentir motivés et habilités à intégrer nos droits dans notre propre vie si nous les ignorons? C'est quelque chose sur quoi nous devons travailler ensemble — nous, en tant que jeunes et vous, en tant que gens d'influence. Nous devons y travailler, pour que nous puissions acquérir de l'autonomie et l'intégrer à nos vies.
Même les plus petits détails... Lorsque j'étais au téléphone — c'était un appel conférence avec Florian —, et que nous lisions les droits, je pensais que les droits sont une perspective tellement idéaliste d'une société et de la manière dont un enfant devrait vivre, et à côté de cela, bien sûr, il y a la réalité.
L'article 16 traite de la protection de la vie privée et du droit d'un enfant à sa propre vie privée, de son droit de s'exprimer, sur n'importe quelle scène, dans la mesure, c'est certain, où il ne nuit pas à d'autres personnes.
Même dans notre quotidien, à l'école, nous ne pouvons même pas écrire des notes sans que les enseignants s'en emparent. Des atteintes quotidiennes à nos droits, à des petits aspects de nos droits, consistent en de petites choses, comme la vérification de nos casiers, par les enseignants, les parents qui fouillent nos tiroirs, ce genre de choses. Bien qu'on nous dise que tout cela est fait pour notre bien — « Je veux seulement m'assurer que rien ne se passe », ce sont des violations de nos droits d'enfants. Comment pouvons-nous affirmer nos droits et les intégrer à nos vies si nous ne les connaissons même pas? C'est important.
Je comprends qu'il est très idéaliste de ma part de penser que chacun de nos droits sera respecté dans notre quotidien. Si j'écrivais des mots à un ou une camarade toute la journée pendant la classe, il faudrait que quelque chose soit fait, mais la confiscation et la lecture des notes, c'est aller trop loin. C'est l'une des choses fondamentales.
La deuxième chose, en ce qui concerne nos aptitudes à reconnaître et à appliquer nos droits, c'est qu'il faut motiver les enfants à lire la Convention et à s'informer sur leurs droits. Il est aussi important de motiver les gens au moyen de bonnes lois. Qui protégez-vous, en réalité? Lorsque j'en ai parlé chez moi, mon père a dit quelque chose de très profond. Il m'a dit : « Tu sais, Meg, je peux partir sur un bateau à l'instant même et emmener avec moi un adolescent, quelqu'un qui a 14 ans, et faire l'amour avec lui parce qu'il a l'âge du consentement, et ce serait acceptable. Par contre, si je partais la semaine prochaine et que je pêchais de la morue du bord de mon bateau, mon permis me serait retiré, mon bateau me serait confisqué et je me retrouverais sans travail ». Vraiment, c'est le genre de chose qui nous porte à réfléchir sur le système judiciaire et à nous demander qui nous protégeons. Il nous faut la motivation pour dire que ces droits sont bons, que c'est ce qu'il nous faut dans nos vies, alors faisons-en la promotion pour que les gens puissent les intégrer à leur quotidien.
C'est ce que j'avais à dire au sujet de l'habilitation, et maintenant, l'autre moitié de l'équipe E, Ryan, va parler de l'éducation.
M. Ryan Stratton : J'aimerais revenir sur certaines choses que disait Megan, et je commencerai avec l'article 29 qui, en fait, stipule que, pour inculquer aux enfants le respect, notamment, de leurs parents, de l'environnement, des droits de la personne, et cetera, les enfants doivent connaître leurs droits. C'est un plan qui se vaut, c'est ce que nous aimerions voir arriver, mais il nous faut, à cette fin, renforcer ceci. C'est une bonne idée que les enfants connaissent leurs droits, qu'on leur inculque le respect de tout ce qui les entoure et qu'ils puissent même mûrir plus jeunes, connaître leurs droits et avoir une espèce de régime de justice pour eux.
Lors de notre conférence téléphonique, nous avons convenu que si on exposait tous les droits des enfants aux enfants des écoles secondaires des premier et deuxième cycles, cela pourrait créer le chaos. Ils pourraient en abuser, les exploiter à leur avantage. Si on commence à enseigner leurs droits aux enfants de la maternelle à la sixième année, ils acquièrent le respect de tout ce qui les entoure, ils mûrissent plus jeunes et ils peuvent être civilisés et s'entendre.
L'article 29 est très valable. C'est un objectif qu'on voudrait atteindre, mais il nous faut le renforcer d'une manière ou d'une autre. C'est écrit noir sur blanc, mais qu'est-ce qu'on fait vraiment à son sujet? L'article 42 l'appuie — il dit que tout le monde, enfants comme adultes, devrait connaître les droits des enfants. Et encore une fois, c'est un excellent principe, un objectif très réaliste, mais comme l'a dit Megan, et je suis d'accord avec elle, nous ne connaissions pas nos propres droits en tant qu'enfants. Il faut sensibiliser le public et plus d'éducation sur ces droits.
En lisant l'article 42, j'ai vu qu'il mentionnait que certaines écoles ont décidé d'elles-mêmes d'enseigner les droits de la personne dans le cadre de cours d'éducation en santé, et c'est un bon premier pas. Cette occasion qui nous est donnée aujourd'hui est idéale pour vous dire que le problème, c'est que nous ne connaissons pas nos droits. Même ceux d'entre nous qui sommes tellement engagés, même nous, nous ne connaissons pas nos droits, et tout le monde devrait les connaître. C'est ce que fait ressortir l'article 42.
Le gouvernement est propriétaire de la SRC — la télévision et la radio. Pourquoi ne pas en tirer parti? Il y a des émissions éducatives, des dessins animés et des séries originales. Si les scénaristes de ces émissions connaissaient les droits de l'enfant, ils pourraient les incorporer aux leçons d'apprentissage, de partage, d'équité et de compassion. Il y a moyen de promouvoir les droits de la personne et d'exploiter véritablement la SRC à votre propre avantage.
Je pense que ce serait une première chose à faire qui serait fantastique, en plus de bien d'autres mesures, pour que tout le monde connaisse les droits de la personne.
Mme Rachel Gardiner : Ce dont je voudrais parler aujourd'hui est, en fait, de la manière dont le Canada, qui est un pays tellement industrialisé, est un pays qui ne s'occupe vraiment pas de ses enfants. Nous avons un pays qui est reconnu par les Nations Unies comme un endroit tellement merveilleux où vivre, mais le fait est que le tableau n'est pas si brillant à certains égards.
La survie et le développement des enfants dans une mesure optimale sont assurés par la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce qui me choque, quand je pense à cela, c'est le nombre d'enfants qui vivent dans la pauvreté, de nos jours, au Canada. Les gouvernements n'y ont pas été insensibles. Dans les années 1980, le parti au pouvoir a promis d'éradiquer la pauvreté des enfants pour l'année 2000; en 1980, un enfant sur sept vivait dans la pauvreté. En 1999, c'était un enfant sur cinq qui vivait dans la pauvreté — une augmentation radicale.
Bien évidemment, la pauvreté n'est pas un contexte qui favorise un développement optimal. Le gouvernement dit qu'il essaie d'atteindre les objectifs de cette convention. Si nous laissons un enfant sur sept vivre dans la pauvreté, nous ne les aidons vraiment pas à réaliser leur plein potentiel.
L'article 4 stipule ce qui suit :
Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent [...]
Le Canada, un pays industrialisé et perçu comme l'un des plus riches qui soient, n'exploite pas ses ressources au mieux de ses capacités pour aider ces enfants à réaliser un développement optimal et à orienter leur vie de manière à sortir de la pauvreté. Nous savons tous que la pauvreté est un cycle très dur. Il est difficile pour les enfants de sortir de la pauvreté une fois qu'ils ont commencé à y vivre, parce que souvent, ils n'ont pas la chance d'avoir de l'éducation postsecondaire puisque leur famille ne peut pas les soutenir.
C'est quelque chose que doit examiner le Canada. Il y a diverses façons d'axer plus de ressources sur les enfants, par le truchement de programmes de soins de l'enfance, de bourses d'éducation postsecondaire, de logements plus abordables pour les familles défavorisées. C'est un devoir du Canada, pour aider ces enfants à réaliser un développement optimal et avoir plus de chances dans la vie. Le meilleur moyen d'aider ces enfants est d'investir en eux à un jeune âge. Cela nous profitera à tous, non pas seulement aux enfants. Le Canada doit s'acquitter de ses obligations en vertu de cette convention, pour vraiment aider ces enfants qui souffrent.
Mme Shireen Marzouk : Aujourd'hui, j'ai choisi de parler de l'incapacité d'un enfant de faire en sorte d'être réuni avec ses parents, et particulièrement les réfugiés et immigrants.
J'ai assisté, vendredi dernier, à la réunion annuelle d'un conseil consultatif des réfugiés. Certains des récits qui y ont été faits sur ce qui se passe au Canada — un pays qui défend les droits de la personne et la protection des enfants — étaient très tristes.
Il n'y a aucun moyen, de nos jours, pour les enfants de réfugiés au Canada d'être réunis avec leurs parents ou frères et sœurs qui sont hors du Canada. Les réfugiés adultes peuvent le faire, et pourtant, pas les mineurs. Les mineurs, de nos jours, n'ont le droit de demander la résidence permanente que pour eux et ils ne peuvent pas englober leurs parents et frères et sœurs dans leur demande.
La question que j'ai à poser est la suivante : à quoi sert à un enfant de vivre sans ses parents? À la réunion à laquelle j'ai assisté, j'ai entendu un garçon de 16 ans. Il est venu au Canada avec sa mère, et une semaine plus tard, elle était renvoyée au Soudan. Le garçon est maintenant traité pour stress post-traumatique et dépression. Pourquoi les enfants sont-ils séparés de leurs parents?
L'article 7 de la Charte stipule qu'un enfant a le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. À 16 ans, en vertu de la Convention, on est encore un enfant — tout être humain âgé de moins de 18 ans est considéré comme un enfant. L'article 9 de la Convention stipule, en partie, que : « Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré [...] ».
Il est ironique qu'un pays qui est tellement déterminé à protéger les réfugiés, les droits des enfants et les principes de la réunification des familles ait une loi qui ne permet pas aux enfants réfugiés d'être réunis avec leurs parents et frères et sœurs. Comme le disait Rachel tout à l'heure, nous essayons de faire en sorte que nos jeunes soient plus instruits, pour leur donner cette possibilité. Il a été très important pour moi d'avoir mes parents dans ma vie, pour m'aider à devenir la personne que je suis aujourd'hui. Le garçon de 16 ans du Soudan est maintenant au Canada, tandis que sa mère est au Soudan, à l'autre bout du monde. Un enfant en développement a encore besoin du soutien psychologique de parents, de gardiens ou de frères et sœurs, de toute personne qui en a la charge.
Bien des choses peuvent être faites. Tout d'abord, on pourrait permettre aux enfants réfugiés d'inscrire le nom d'un parent, d'un frère ou d'une sœur sur la demande de résidence permanente; on pourrait supprimer l'interdiction de parrainage de l'aide sociale. De plus, il faudrait permettre aux enfants de personne reconnues comme des réfugiés canadiens à être amenés au Canada. Il arrive que des enfants soient laissés derrière dans un pays particulier tandis que le parent vient au Canada.
Par exemple, un homme qui vivait au Ghana — il a sept ou huit enfants là-bas — nous a raconté son histoire. Son village, au Ghana, a été incendié, et pendant deux ans, il a été en fuite, allant d'un village à l'autre. Il est allé au bureau de l'immigration du Canada au Ghana, où on lui a dit qu'il avait droit à quatre places. Il leur a dit qu'il avait sept enfants. On lui a répondu « il y a quatre places, c'est à prendre ou à laisser ». Il a pensé « peut-être que pourrais emmener trois des enfants maintenant et faire venir les quatre autres plus tard ». Alors il a dit au bureau de l'immigration qu'il prendrait les quatre places. Il est maintenant ici au Canada, avec ses trois fils. C'était tellement triste de l'entendre dire qu'il craint maintenant de ne jamais revoir ses quatre autres enfants.
Il a dit que la démarche est très longue, et en plus, il faut des tests d'ADN pour prouver que les quatre enfants sont les siens. Ce sont des enfants. Nous essayons de leur éviter ce genre de choses. Le Canada ne prend aucune mesure pour devenir un meilleur pays pour ce genre de cause.
La vice-présidente : Je tiens à vous remercier tous de vos commentaires.
Avant de commencer, je voudrais faire un bref commentaire à Megan, pour la rassurer, ainsi que son père, qu'une fois que le projet de loi C-2 aura été adopté, tous les enfants de moins de 18 ans seront protégés contre l'exploitation sexuelle. L'âge et le consentement n'auront aucun lien à moins de 18 ans. C'est une bonne nouvelle à ramener chez vous. Espérons que cette loi sera bientôt adoptée.
Tout ce que vous avez dit, tous, ici, est extrêmement intéressant. Je suis particulièrement frappé par la question de la protection de la vie privée, puisque, parmi les nombreux exemples que j'ai entendus sur le droit à la vie privée, c'en est un auquel je n'avais jamais pensé. Je me rappelle les fouilles de casiers et ce genre de mesures. Comme vous le dites, cependant, c'est une chose que de confisquer une note, mais c'en est une autre que de la lire. C'est quelque chose dont je vais devoir me souvenir, sur laquelle nous pouvons travailler.
La question de l'éducation est un enjeu énorme, et le rôle des médias dans l'éducation est extrêmement important. Nous avons entendu de bonnes nouvelles ce matin au sujet de matériel didactique qui devenait disponibles, alors nous espérons que personne ne finira le secondaire à Terre-Neuve à l'avenir sans avoir été exposé à la Convention.
Je pense que les questions entourant l'immigration sont très importantes. Nous avons accueilli ici le ministre de l'Immigration, la semaine dernière. Ce sont des questions très complexes. Le droit d'un enfant de ne pas être séparé contre son gré ou sa volonté sera très important. Ce n'est pas un problème facile à résoudre. On ne voudrait pas exposer les enfants à une exploitation possible s'il est envoyé ici dans le but d'y faire venir tous les autres. C'est un enjeu délicat et difficile, et c'est pourquoi il est tellement important de discuter des droits, parce qu'alors on peut examiner les enjeux dans toute leur complexité. Si on n'en parle pas du point de vue des droits, on ne donne pas à la question le même genre de dimension.
Je pense que ce dont vous parlez, Rachel, est ce qu'on appelle le principe du premier appel qui, selon le principe enchâssé dans la Convention relative aux droits de l'enfant, stipule que les enfants devraient avoir le premier service des ressources d'un pays.
Le sénateur Carstairs : J'étais enseignante jusqu'en 1984. Je me rappelle avoir confisqué des notes, mais je dois préciser que je ne les lisais pas. Je ne pensais pas avoir le droit de les lire, mais il est certain que j'avais le droit de les confisquer. J'étais très mal à l'aise à l'idée de vérifier les casiers des enfants, même lorsque nous avions de sérieux soupçons qu'il pourrait s'y trouver des drogues, mais j'ai été horrifiée de découvrir la quantité d'ouvrages pornographiques qu'il y avait dans les casiers — ce qui m'a amenée à me demander s'il ne faudrait pas vérifier les casiers plus régulièrement.
Ce qui m'a touchée, dans tous vos récits et vos interprétations, c'est combien nous nous y sommes mal pris pour faire connaître vos droits. Je me rappelle, en 1982, avoir fait lire la Charte des droits et libertés à tous mes étudiants du secondaire. Ils devaient tous en lire chaque ligne. Ils m'ont pensé folle. « Pourquoi vous nous faites lire cette Charte? » J'ai pensé qu'il était essentiel qu'ils connaissent leurs droits en tant que Canadiens.
Il y a un article dont vous n'avez pas parlé, qui me tient à cœur, et c'est celui qui concerne le châtiment corporel des enfants. Je suis vivement opposée au châtiment corporel des enfants, que ce soit avec la ceinture à l'école, le bâton ou la cuillère en bois à la maison, ou quoi que ce soit d'autre, parce que pour moi, c'est déshumanisant et que cela enseigne la violence.
J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez du fait que notre loi, au Canada, permet encore le châtiment corporel des enfants.
Mme Fitzgerald : Vous savez, ils se sont un peu moqués de moi avant notre venue ici. On me disait des choses du genre : « Est-ce que tu vas devoir parler pendant 25 minutes? » J'essaie de ne pas le faire, mais ils nous regardent tous, alors je n'ai pas de choix.
Je suis coupable — je l'avoue tout de suite — de n'avoir pas lu la Convention dans son intégralité. Quand nous avons parlé à Florian au téléphone, il nous a dit de lire jusqu'à l'article 16. Cependant, maintenant que je sais le châtiment corporel est autorisé, je suis révoltée, vraiment. Chez moi, si je faisais quelque chose de mal — ma mère ne disait jamais rien, n'a jamais levé la main sur nous. Mon père n'a jamais, non plus, levé la main sur nous. Personne ne l'a jamais fait. Cependant, si je faisais quelque chose de mal, je me faisais dire « attends que ton père soit rentré », mais il ne faisait rien. Il faisait claquer la ceinture, et je courais m'excuser, maman, je suis désolée. Il ne nous a jamais touchés. Je ne sais même pas pourquoi j'avais tellement peur. Je savais qu'il n'allait pas nous faire mal. Je savais qu'il ne nous ferait jamais cela, mais il faisait claquer la ceinture et cela me faisait tellement peur, que je peux voir que ça marche presque.
La violence n'est pas la réponse à tout, je ne le pense pas. C'est tout à fait révoltant. Je suis ébahie que la loi permette le châtiment corporel des enfants. Je vais faire de mon mieux cet été pour travailler là-dessus et voir jusqu'où peut aller cet entretien avec vous, parce que c'est vraiment terrible. Je ne peux rien dire d'autre. C'est dégoûtant. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres sénateurs, mais je suis d'accord avec elle. Nous allons nous battre contre cela ensemble.
À l'école, c'est vraiment ce qu'il y a de pire pour moi. Ce qui se passait à la maison, je pense, est un peu différent, en quelque sorte, parce que c'est là qu'on doit apprendre ses valeurs, ses responsabilités d'enfant, et ce qu'on veut être quand on va devenir grand. C'est à la maison qu'on apprend cela. À l'école, on nous enseigne les mathématiques, les sciences et les aptitudes sociales, mais le châtiment corporel à l'école, pour moi, c'est tout simplement un concept horrifiant. Pourquoi les enfants, les gens qui nous suivent pendant neuf mois de nos vies, auraient le droit d'employer la violence contre nous si nous discutons en classe, nous socialisons ou quoi que ce soit d'autre. En aucun cas je crois que les enseignants, des gens qui nous connaissent à peine, devraient avoir le droit de recourir au châtiment corporel. Je pense que c'est tout simplement révoltant. C'est tout ce que j'ai à dire.
La vice-présidente : Merci, Megan. C'est une déclaration pleine d'émotion. Je suis heureux de dire que le châtiment corporel n'est plus permis dans les écoles, mais ce n'est encore que très, très récent.
M. Stratton : J'aimerais dire un petit mot là-dessus. La ligne entre le châtiment corporel et la violence contre l'enfant est certainement très mince. Si on parle à un tribunal — est-ce que vous lui imposez un châtiment corporel ou est-ce que vous le frappiez? Si le châtiment corporel était exclu, il n'y aurait pas cette mince différence, qui peut permettre de se tirer de cette accusation de violence contre un enfant.
La violence ne sert absolument à rien, parce que les parents sont censés nous aider à prendre les bonnes décisions. Ils sont censés vous aider. Si vous avez peur de vos parents, si vous avez peur qu'ils vous frappent, vous ne serez pas ouvert avec eux, vous ne leur parlerez pas et vous n'aurez pas de bons rapports avec eux.
Si les enfants n'ont pas la chance d'avoir une bonne relation avec leurs parents, il manque un élément important de cet encadrement. Il leur manque beaucoup de renseignements que les parents peuvent donner aux enfants pour les aider à prendre de sages décisions. Quand on a peur de nos parents, on ne va pas s'adresser à eux. On ne sera pas leurs amis. On ne leur fera pas confiance. On ne partagera rien avec eux parce qu'on aura peur d'eux. C'est ce que j'avais à dire là- dessus.
Mme Gardiner : Ce qu'ont dit Ryan et Meg résume ce que j'ai à dire aussi. Ce que disait Ryan au sujet de la violence contre les enfants est tout à fait vrai. Il soulève un excellent argument en disant que si le châtiment corporel devenait illégal, il n'y aurait plus cette mince différence entre le châtiment corporel et la violence contre l'enfant, entre quelque chose qui est permis et quelque chose qui est illégal et qui peut être sévèrement puni.
Il y a bien d'autres façons d'enseigner aux enfants ce qui est bon et ce qui est mal, ce qui devrait être permis ou non, parce que ce n'est pas le seul moyen d'enseigner aux enfants. Il y a tellement d'autres façons que les gens connaissent. Ce n'est pas un grand secret.
Mme Marzouk : Je pense que Rachel a soulevé un bon élément. Le châtiment corporel était utilisé, il y a longtemps, dans les écoles, pour la discipline, et c'était efficace, mais ce n'était pas la bonne façon de faire les choses. Rachel a dit qu'il y avait d'autres moyens d'enseigner aux enfants le bien et le mal. Cela revient évidemment à ce que disait Ryan tout à l'heure au sujet de la violence contre les enfants.
Lorsqu'on est exposé à ce genre de choses quand on est jeune, on est traumatisé en tant qu'enfant aussi, parce que cela nous expose à la violence. Les écoles n'ont pas besoin de plus de violence. Il y a déjà assez de violence dans nos écoles. Il y a bien des problèmes de nos jours dans nos écoles, et les étudiants n'ont pas besoin de ces pressions supplémentaires en devant aller à l'école et subir les enseignants qui les frappent. C'est mal.
Je ne sais pas comment c'est pour vous, mais à mon école, il n'y a pas ce genre de châtiment. Il y a d'autres façons, comme les retenues, qui servent à discipliner un enfant, et je pense que c'est beaucoup plus efficace et un bien meilleur moyen d'enseigner aux enfants que ce qu'ils font n'est pas bien.
Le sénateur Poy : J'aimerais vous inviter tous les quatre à réfléchir à propos de l'intimidation à l'école. Pensez-vous que c'est une extension de châtiment corporel subi à la maison et dans les écoles qui revient à dire « je suis plus grand, je suis plus fort »? Toute cette affaire au sujet du châtiment corporel revient au fait que les parents et les enseignants peuvent frapper des enfants qui sont plus jeunes et, souvent, plus petits — pas toujours, mais bien souvent. L'intimidation est une extension de cela parce que ceux qui sont physiquement plus forts vont intimider les plus faibles. J'aimerais que vous parliez de cela.
Megan, vous parlez de protection de la vie privée. Vous avez parlé de lettres, à la maison, que lisent les parents. Je suis parent et j'ai toujours fait très attention, en élevant mes enfants, à respecter leur vie privée. Si leur porte était fermée, je frappais toujours avant d'entrer. Je ne serais jamais entrée sans y être invitée. Je n'aurais jamais rien lu qu'ils avaient écrit et mis dans leur bureau, ni même sur leur bureau. Pensez-vous que les parents ont le droit de lire les lettres des enfants? Est-ce qu'ils les protègent, ou est-ce de l'ingérence dans leur vie privée? Selon moi c'est de l'ingérence. Peut-être pourrez-vous répondre à cela, et nous pourrons poursuivre avec l'intimidation.
Mme Fitzgerald : Je suis des deux côtés. Je pense certainement que c'est une atteinte à la vie privée. C'est personnel. Même si, quand on est enfant, on vit sous le toit de nos parents et qu'on ne paie certainement pas pour notre chambre, elle est à nous, elle nous est donnée, alors les parents doivent savoir un peu ce qui se passe dans nos vies. Si on ne parle pas à nos parents, comment peuvent-ils savoir ce qui se passe s'ils ne lisent pas? Mais je ne pense pas que ce soit forcément bien. C'est certainement une atteinte à la vie privée, mais d'un autre côté, les journaux Internet sont maintenant très populaires. Je connais l'histoire d'une jeune fille d'environ 13 ans, je pense. Elle avait écrit dans son journal sur Internet qu'elle ne voulait plus vivre, qu'elle voulait se tuer.
Son journal était privé, alors ce n'est pas tout le monde qui pouvait le lire, mais elle avait laissé une page ouverte sur l'ordinateur et sa mère l'a lue. Sa mère a donc ainsi appris ce qui se passait, et c'est la seule façon dont elle a pu le savoir. C'est la seule manière par laquelle elle a pu apprendre qu'il y avait de tels problèmes avec cette enfant. Dans ce cas-là, si la mère n'avait pas lu le journal, je sais que les gens qui connaissent la question sont tout à fait convaincus que la jeune fille se serait suicidée. Dans certains cas, il est utile de savoir ce qui se passe dans la vie de notre enfant, mais c'est effectivement de l'ingérence dans leur vie privée. Je pense que c'est quelque chose dont il faut parler dans la famille, et non pas seulement qu'en tant que droit au Canada, ou droit prévu par la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est quelque chose qui doit être discuté ouvertement dans la famille.
Si quelque chose est tellement intime, si on ne veut pas que cette chose soit trouvée, à mon avis, elle ne le sera pas. J'ai de bonnes cachettes pour les choses que je tiens à ne pas laisser découvrir. Il est difficile de dire si c'est bien ou pas, mais il y a certainement des aspects, des deux côtés de la question, pour lesquels je suis pour et contre. Je sais que c'est le pire genre de réponse que vous pourrez jamais recevoir.
Le sénateur Poy : Cet enfant qui a laissé la page ouverte sur son ordinateur, à mon avis, voulait qu'elle soit lue. Comme vous l'avez dit, vous connaissez toutes les cachettes, alors vous ne laissez pas quelque chose comme cela à l'écran de l'ordinateur. Je pense que c'était un message. Quand quelqu'un a besoin d'aide et ne veut pas en parler, d'une façon ou d'une autre, il y a toujours ce message d'appel à l'aide, et cela pourrait bien en être un.
Je voudrais revenir sur quelque chose dont parlait Ryan, au sujet du recours à la SRC pour enseigner aux Canadiens, et même des bandes dessinées pour les petits enfants, pour qu'ils connaissent leurs droits. Je pense que c'est une excellente idée, et Ryan sera dans le bon programme pour cela. Il va étudier à Ryerson, en radio et télévision, alors il sera dans le bon domaine.
La vice-présidente : Ryan, il y a une excellente série télévisée, mais elle est dépassée, alors le temps est venu de la refaire. Elle était faite par l'Office national du film, et ça s'appelait Droits au cœur et ça s'adressait à tous les groupes d'âge. Ils ont un plateau pour les trois principaux groupes d'âge. Si vous adoptez ce projet, renseignez-vous là-dessus et vous verrez où d'autres gens ont été. Cela vous donnera certaines idées. C'est une œuvre graphique. Elle est merveilleuse.
Le sénateur Oliver : Megan a commencé son intervention en disant que c'était une expérience douce-amère. Je pense que pour nous, c'est une douce expérience, à cause des dizaines et des dizaines de témoins que nous avons entendus. Cette séance particulière est l'une des plus révélatrices et des plus intéressantes que nous ayons eue. Nous, la population du Canada et les sénateurs, avons de la chance que vous, étudiants, ayez convenu de venir nous faire part de vos points de vues sur la question. C'est une douce expérience pour nous.
J'ai deux questions à poser. Deux témoins ont dit que nous devons savoir ce que sont nos droits, et nous échouons si nous ne les connaissons pas. J'ai pratiqué le droit pendant 32 ans et bien des clients sont venus me voir. Très franchement, la plupart des Canadiens n'ont aucune idée de ce que sont leurs droits. Dans le bon vieux temps, ils me payaient pour les renseigner sur ce qu'étaient leurs droits.
Je plaisante, mais ma question sérieuse, c'est que je me demande quels droits vous voulez connaître. Voulez-vous connaître les droits stipulés par la Charte des Nations Unies? Voulez-vous connaître les droits stipulés dans les lois provinciales et fédérale relatives aux droits de la personne? Voulez-vous connaître les droits prévus par la Charte des droits et libertés et combien d'autres, le droit à la protection des renseignements personnels? Quels droits voulez-vous connaître?
Ma deuxième question, qui est d'ordre philosophique, c'est qu'il y a tellement de choses que chaque citoyen et chaque personne au Canada a le droit d'avoir, et on ne peut pas toutes les avoir. Comment déterminer les priorités? Par exemple, Rachel m'y a fait penser quand elle parlait de la pauvreté. Tout Canadien, c'est certain, a le droit de ne pas être affamé, d'avoir de la nourriture, mais tout Canadien a aussi le droit d'avoir un toit et un foyer, de ne pas dormir dans la rue. Tout le monde a le droit à l'éducation, tout le monde a le droit aux soins de santé, et cetera., mais le fait est que 25 p. 100 des Canadiens sont analphabètes. C'est un fait, tout simplement.
Que pouvons-nous choisir? Devrions-nous déployer tous nos efforts pour nous assurer que tous les enfants aient le droit de lire et d'écrire, et laisser tomber l'idée qu'ils aient une maison? Qu'est-ce qui devrait être une priorité? J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous le voulez bien.
Mme Gardiner : Quand vous parlez du droit à une maison, à la nourriture et à l'éducation, je pense que la nourriture et le toit devraient avoir priorité parce que, lorsqu'un enfant a ce genre d'environnement où s'épanouir, l'éducation vient d'elle-même. Si nous donnons à quelqu'un l'éducation sans environnement où il peut s'épanouir, dans lequel il est aimé, dans lequel il est en sécurité, cette éducation ne sert pas à grand-chose. Elle n'a pas sur eux autant d'effet que s'ils étaient dans un environnement où ils se sentent à l'aise, en sécurité, et où on subvient à leurs besoins.
Si un enfant peut recevoir de l'instruction mais n'a nulle part où aller avec elle, elle ne lui sert à rien. Bien sûr, il reçoit une espèce d'éducation, mais il n'a pas de contexte où l'appliquer, un environnement où il peut enrichir son éducation.
Ce qu'il leur faut d'abord, c'est de la nourriture et un toit, et avoir des chances de développement optimal. Quand ils ont cela, c'est là que l'éducation devient la clé, et c'est là que l'éducation aura le plus d'effet sur eux.
Mme Marzouk : J'ai passé un examen de psychologie, il y a deux ou trois jours, quand nous étudiions le développement de l'enfant, et il y avait une pyramide, appelée la hiérarchie de Maslow des besoins d'un enfant; les besoins physiologiques et la sécurité. Les deux choses qui sont les plus importantes sont qu'un enfant se sente en sécurité et qu'il soit nourri. L'éducation vient ensuite, mais elle vient quand ces deux besoins sont comblés. S'ils ne se sentent pas en sécurité, comment peuvent-ils se concentrer sur l'instruction, quand leurs besoins fondamentaux ne sont pas comblés?
Ce sont des enfants. Ils sont capables de tellement de choses. Comme le disait Rachel, on voudrait qu'ils prospèrent et grandissent pour devenir des adultes, mais s'il leur manque ces deux choses au départ, comment peuvent-ils aller plus loin?
Le sénateur Oliver : Qu'en est-il des milliers d'enfants qui meurent chaque année de la malaria, du sida et de l'hépatite?
Mme Marzouk : Est-ce que vous parlez du système de santé au Canada?
Le sénateur Oliver : Je pensais au monde, mais je sais bien qu'ici, c'est le Canada.
Mme Marzouk : Que pouvons-nous faire à ce sujet? Je ne comprends pas vraiment votre question.
Le sénateur Oliver : Globalement, les soins de santé doivent en être une composante, c'est tout.
Mme Marzouk : Oui, absolument. Cela fait partie de l'aspect physiologique. Si quelqu'un est en train de mourir d'une maladie, pourquoi s'intéresserait-il à l'instruction? S'il souffre et ne peut pas sortir du lit, pourquoi s'intéresserait-il à apprendre? C'est un bon argument.
M. Stratton : J'aimerais appuyer ce que dit tout le monde en ajoutant que si je suis chez moi, malade et au lit, je ne ferai pas de devoirs et je ne me soucierai pas d'étudier. Tant qu'on est nourri, qu'on a un endroit où vivre et qu'on connaît le confort, on peut penser à étudier sans avoir faim, sans avoir froid. Je pense que c'est la base, les besoins physiques sont comblés, et alors on peut penser à s'instruire.
Votre première question, c'était quels droits on devrait connaître. En tant qu'enfant, il serait impossible de lire tous les détails de tous les droits. En grandissant à l'école, si on est exposé à un sommaire général des droits — voici certains de vos droits à tel sujet, relativement à tous les différents sujets en surface — c'est cela qui suscite l'intérêt, si on veut en apprendre plus sur les droits, si on veut approfondir le sens réel de ces droits, alors, on fera des recherches par nous- mêmes.
À l'école, ils peuvent parler de consommation de tabac, d'éducation sexuelle et de mathématiques, mais si on veut en savoir plus, on peut se renseigner soi-même. Je pense que si on est exposé à toutes sortes de droits différents qui sont des résumés généraux, si on s'y intéresse, on se renseignera. Je pense que tout le monde devrait recevoir cette information, du moins en résumé, pour savoir exactement ce qui se passe et où on peut se renseigner de façon plus approfondie.
Mme Fitzgerald : Je suis heureuse de ne pas faire votre travail.
La vice-présidente : J'allais suggérer que vous vous joigniez tous à nous.
Mme Fitzgerald : Sénateur Oliver, il est tellement difficile pour nous d'être ici, assis devant vous, en tant que jeunes et qu'enfants, et de parler et d'agir comme si nous savions tout. Vous nous posez des questions, et en fait, on se rend compte qu'on ne sait pas grand-chose.
J'ai grandi avec l'impression que je savais tout. J'ai compris cela quand j'ai eu 17 ans. Je suis une sorte de madame je-sais-tout, mais ces questions sont soulevées, et il nous est difficile de connaître les réponses, particulièrement à la question que vous avez soulevée sur les droits que nous devrions connaître. Au risque de me répéter, il est difficile de savoir quel genre d'instruction devrait être fournie à n'importe quel enfant. Pourquoi les mathématiques devraient-elles être plus importantes qu'un cours sur la santé? Mais bien entendu, les mathématiques sont obligatoires dans notre système d'éducation.
Il est difficile, toujours, de déchiffrer quels éléments de nos vies devraient être enseignés à l'école. Cela s'applique aux droits que nous devrions connaître. Il est certain, comme l'a dit Ryan, que nous devrions en savoir juste assez pour savoir. Je n'avais pas la moindre idée de l'existence de ces droits jusqu'à ce que je les lise la semaine dernière, parce qu'on n'en a jamais parlé à l'école; on n'en a jamais parlé dans mes cours d'études sociales, de développement mondial, d'histoire ou d'autre chose. Si au moins on en avait parlé, on pourrait être un peu motivé pour en apprendre plus. D'après ce que je sais actuellement, ce n'est pas dans mon programme d'enseignement à l'école. Peut-être dans certaines plus grandes écoles, dans d'autres cours, ce genre de choses, on peut avoir tout un cours sur les droits de la personne. Cependant, à l'école primaire, quand on apprend qu'il est mauvais pour la santé de fumer et que la marijuana ne va pas nous aider dans notre vie, on est loin de penser que nos enseignants ne sont pas censés lire les notes qu'on échange entre élèves. On est loin de croire que nos parents ne sont pas censés nous frapper.
On sait que la violence est une mauvaise chose, mais on ne nous a jamais enseigné ces droits fondamentaux. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas importants — actuellement, les lois de l'immigration, les droits de l'immigration et les droits de séparation sont tellement importants dans nos vies de Canadiens, et tout ce qui se passe dans la société actuellement — mais pour moi, ce sont des choses qu'il ne m'est pas utile d'apprendre aujourd'hui. Il faudrait qu'on nous enseigne plutôt les droits fondamentaux à la vie privée, le droit de parler et le droit d'être entendus. C'est le genre de droits qui va retenir l'attention des jeunes et des enfants.
La vice-présidente : Je pense que vous dites là quelque chose d'extrêmement important. Vous nous avez beaucoup appris. L'élément le plus fondamental des droits de la personne est le respect, et le plus petit des enfants a droit au respect. C'est essentiel, à mon avis. Le sénateur Oliver a s'est beaucoup intéressé aux droits de la personne, et c'est ce que j'en pense. Il y a quelque chose, dans la Convention de Vienne, qui dit que tous les droits de la personne sont inhérents, universels, interdépendants et interreliés.
Ce n'est pas comme la hiérarchie des besoins dont parle Maslow. Il est certain qu'on ne peut pas bien étudier si on a faim, mais cela ne signifie pas qu'on n'a pas le droit à l'éducation si on a faim. On a toujours le droit à l'éducation. Cela signifie qu'on pourrait ne pas être en mesure d'en tirer pleinement parti. Je voulais seulement émettre ce petit message.
Le sénateur Cochrane : Je tiens à tous vous féliciter parce que je vous trouve merveilleux. Vous êtes un atout pour votre province. Vous nous avez donné d'excellents éléments de réflexion. Le sénateur Carstairs m'a un peu coupé l'herbe sous les pieds parce que je voulais demander à chacun de vous comment nous pouvons amener des jeunes gens comme vous à participer au système politique, à formuler les lois et à réaliser cela. Comment pouvons-nous y parvenir? Les jeunes gens ne s'intéressent pas à la scène politique.
M. Stratton : Je vais commencer avec cela. Je ne veux pas blesser personne, ici, mais lorsque les personnes âgées veulent faire participer les jeunes, il leur faut un intermédiaire. Si quelqu'un, ici, et je ne veux vexer personne, venait me dire, nous voulons que vous participez, je penserais, qu'est-ce qui se passe vraiment ici? Est-ce qu'ils vont seulement rester assis à regarder leurs notes toute la journée?
Si vous avez une organisation comme la Commission des étudiants, comme ce que fait Florian, ici, si vous savez qu'il est votre ressource pour les jeunes, alors vous devriez entretenir des rapports étroits avec des groupes de jeunes comme celui-là.
Il viendra ici, tout emballé. Il prendra des notes et se renseignera sur l'objet de vos recherches. Ensuite, il résumera tout cela pour nous, nous captivera, fera monter notre enthousiasme, et nous voudrons participer parce qu'il nous dira que ce pourrait être une occasion rêvée pour nous. Cependant, lorsque nous vous apportons cela, à vous, des personnes âgées, c'est vous qui pouvez en faire une réalité parce que vous avez ce pouvoir. S'il y a un pont entre ce que vous faites avec la politique et les jeunes, et c'est important pour nous, et nous sommes emballés, alors je pense que les jeunes s'engageront.
Ceci n'était pas une grosse affaire publique. Il n'en a pas été questions dans les actualités ni à la télévision. Il n'y a pas de grand battage publicitaire pour cette consultation. Vraiment, je ne dirais pas qu'il y a tellement de jeunes qui savent qu'un comité du Sénat est ici, en ce moment même. S'ils savaient qu'il y a un comité du Sénat maintenant, pensez-vous que bien des jeunes seraient dehors à se battre pour des causes, qu'ils feraient des pressions et qu'ils voudraient vous parler?
Si vous donniez la possibilité aux jeunes, si vous leur disiez que des possibilités existent et que vous engagez l'un des leurs comme intermédiaire pour les embarquer dans votre démarche, vous pouvez faire participer les jeunes à n'importe quoi, parce que nous voulons participer; nous cherchons des choses à faire. Nous en avons assez d'être chez nous à dire « je m'ennuie, je vais faire une balade ». Nous voulons avoir quelque chose à faire, et si l'occasion se présente, nous nous enthousiasmons vraiment.
Mme Marzouk : Je pense franchement que ce n'est pas seulement la responsabilité des gens qui sont engagés dans les groupes de jeunes, mais une responsabilité qui nous revient, à nous les jeunes qui sont engagés et actifs dans notre collectivité, d'éduquer ces gens autour de nous sur ce que nous faisons.
Comme l'a dit Ryan, c'est plus facile pour des gens de notre âge de nous adresser à des gens d'une génération plus jeune — je ne dis pas que vous êtes vieux. Ils sont plus énergiques, plus attrayants pour les jeunes parce que nous sommes engagés et que dans le fond, vous êtes le modèle à suivre pour les enfants.
Un problème est le manque de communication et d'éducation parmi les jeunes de nos jours, et cela peut commencer avec nos groupes d'étudiants dans les écoles. Ils arrivent à faire participer les jeunes. À mon école, nous avons plusieurs sociétés et divers clubs, et plus il y a de jeunes engagés, plus il y a de jeunes qui s'engagent. J'ai appris que de nos jours, c'est vraiment notre responsabilité d'agir.
Je vais vous donner un exemple. Je siège à l'exécutif des étudiants musulmans et un jeune homme s'est adressé aux membres plus âgés et nous a dit qu'il voulait que quelqu'un fasse une présentation à notre école. Le président, un professeur de génie, a dit : « Je vais faire la présentation ». J'ai dit : « C'est une école secondaire de deuxième cycle, et ils ne vous écouteront pas, ça, je peux vous le dire ».
Très franchement, quand quelqu'un comme lui dit : « Ce sont des musulmans, voici ce qu'ils font », il n'intéresse pas les étudiants du secondaire de deuxième cycle. Ils veulent quelqu'un d'énergique. L'un de mes amis et moi sommes allés à l'école. Il y a eu beaucoup de participants. C'était fantastique. Ils se sont levés et ont applaudi. Une fille a demandé mon autographe. On a l'impression de faire une différence. C'est notre responsabilité, en tant que jeunes, de motiver les gens qui sont là à se renseigner, à s'engager dans les communautés, à ouvrir leur esprit et à s'engager dans toutes sortes de choses.
Mme Gardiner : Je voudrais, moi aussi, dire que l'éducation est importante, parce que les jeunes ne comprennent pas ce qui se passe en politique. Lorsque ça passe aux nouvelles, ils ne comprennent pas vraiment grand-chose. Je pense que les gens deviennent plus engagés quand ils comprennent. Si les jeunes comprenaient en quoi divers aspects du régime politique les touchent, ils s'engageraient plus. Je pense que Shireen a raison, que les jeunes qui savent et qui comprennent en quoi cela les concerne peuvent instruire les autres jeunes sur la manière dont ils sont concernés en général afin que tout le monde puisse s'engager et que tout le monde puisse faire une différence.
Si les jeunes comprenaient comment ils peuvent faire une différence, je pense qu'ils s'engageraient probablement plus, alors l'éducation est la clé.
Mme Fitzgerald : Si j'étais quelqu'un d'influent, j'abaisserais l'âge du droit de vote. Avant que Belinda Stronach traverse le parquet et qu'il y ait une petite histoire d'amour, je ne m'intéressais absolument pas à la politique. C'est ce que ça m'a pris, et ça m'a tellement intéressée, c'était comme un feuilleton télévisé. J'étais tellement excitée que je suis restée debout à écouter la suite. Sachez que je dors beaucoup. Je suis restée éveillée pour regarder CTV. C'est une grande étape dans ma vie.
Avant que cela arrive, c'était toute la question du budget, et je savais que j'allais avoir 18 ans, et donc que j'allais devoir voter. Si je dois voter, cela veut dire que je dois apprendre tout. Je paniquais, le mois dernier, à essayer d'apprendre tout ce qui a déjà pu arriver en politique. J'ai eu de la chance qu'elle traverse le parquet, parce que cela a éveillé mon intérêt.
En tant que jeunes, tellement de choses se passent pour nous que nous ne ferons rien à moins d'y être obligés. Certains d'entre nous ne ferons rien à moins d'y être obligés. En abaissant l'âge du vote, vous créez l'occasion d'en apprendre plus sur le sujet, de devoir participer aux décisions et de nous informer sur ce qui se passe. Il faut avoir 18 ans pour voter. Où est-ce que nous prenons nos renseignements? Ce n'est plus au secondaire, parce qu'une fois qu'on a 18 ans, on a presque fini le secondaire. On n'apprend pas grand-chose sur la politique à l'école secondaire. On ne fait que commencer l'université, et il faut s'habituer à une toute nouvelle vie à l'université. On ne peut pas commencer à enseigner la politique à tout le monde à ce moment-là.
Je pense que si on abaissait l'âge du droit de vote, ce serait l'une des choses auxquelles on pourrait penser parce que si je savais que je devais voter à 16 ans, puis à 15 ans, j'aurais probablement été un peu plus intéressée et j'aurais essayé de m'engager. Je sais que c'est un gros problème et, bien sûr, Megan, on ne peut pas venir ici dire qu'il faut réduire l'âge du droit de vote en nous attendant à ce que vous retourniez à Ottawa et que vous le fassiez.
La vice-présidente : C'est un excellent mot de la fin. Merci beaucoup d'être venus. J'espère que vous avez eu autant de plaisir que nous. La séance a été enregistrée. Elle fait partie de notre compte rendu officiel, et c'est très important. Merci infiniment.
La séance est levée.