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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 18 - Témoignages du 15 juin 2005 - Séance du matin


CHARLOTTETOWN, le mercredi 15 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit ce jour à 9 h 5 afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : J'aimerais ouvrir cette réunion en précisant que notre mandat est d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants, et plus particulièrement la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous sommes le Comité sénatorial permanent des droits de la personne et sommes ravis de siéger ici, aujourd'hui.

Nos premiers témoins représentent le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Madame McCormack, vous avez la parole.

Mme Cathy McCormack, consultante en éducation de la petite enfance, ministère de la Santé et des Services sociaux, Secrétariat des enfants, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Bonjour tout le monde. Il est très agréable de vous voir tous ici, avec quelques membres de votre personnel, et un sénateur bien de chez nous; c'est merveilleux. Notre exposé présentera certaines des façons dont l'Î.-P.-É. contribue aux objectifs du plan d'action du Canada en réponse à la Session extraordinaire des Nations Unies en faveur des enfants.

Je dirai d'abord quelques mots concernant notre service au sein du gouvernement. Carolyn Simpson traitera de la contribution à ce travail des récentes initiatives fédérales, provinciales et territoriales. Janice Ployer terminera la présentation avec des idées pour des mesures en faveur des enfants et des familles.

L'Î.-P.-É. travaille à la réalisation des objectifs du rapport Un Canada digne des enfants au moyen de notre Stratégie pour une enfance saine. Cette stratégie vise à améliorer la condition des enfants, du stade prénatal jusqu'au cycle primaire, en matière de sécurité, de santé, de réussite scolaire, de responsabilité et d'appartenance sociale. Notre stratégie isole des domaines d'action clés focalisant sur des aspects particuliers du développement d'enfants sains : soutien parental, litéracie familiale, éducation de la petite enfance, prévention de la violence familiale, prévention des traumatismes chez les enfants, environnement, santé mentale des enfants, grossesse, accouchement et nourrissons, et enfants avec besoins exceptionnels.

Dans la province, nous avons conscience que nul gouvernement ou personne ne peut accomplir seul tous ces objectifs, mais à titre de gouvernement provincial nous avons un rôle d'impulsion à jouer dans ce domaine. Avec notre stratégie, nous favorisons les partenariats et encourageons la participation de différentes façons. Certains de ces partenariats sont très structurés et d'autres plus informels.

Le mandat de notre Secrétariat est de faciliter la coopération interministérielle en matière de développement d'une enfance saine. Santé et Services sociaux est le ministère directeur et nous travaillons en partenariat avec cinq autres ministères : le ministère de l'Éducation, le ministère du Développement et de la Technologie, le ministère des Affaires communautaires et culturelles, le ministère de l'Énergie, de l'Environnement et des Forêts et le Bureau du procureur général.

Les pouvoirs publics et nos partenaires sociaux collaborent au sein d'un Groupe de travail sur les enfants. Ce groupe intersectoriel comprend des représentants de réseaux communautaires que je passerai en revue dans un instant, qui sont actifs dans des domaines d'action clés. Le gouvernement provincial est représenté par des responsables du Secrétariat des enfants. L'Agence de santé publique du Canada et notre Université de l'Île-du-Prince-Édouard sont également représentés dans ce groupe.

Nos groupes de travail sont des réseaux informels de personnes qui s'intéressent à des domaines d'action clés et la participation est ouverte à tous. Des membres de la communauté président leur réseau et représentent ce réseau au Groupe de travail sur les enfants, là où se nouent les partenariats formels et informels.

Certains de nos groupes, comme celui qui travaille sur la santé et l'éducation de la petite enfance, sont très formels. Il s'agit habituellement de membres de l'Early Childhood Development Association, avec l'intervention ponctuelle d'autres groupes, tels que notre Groupe sur les traumatismes des enfants. Actuellement, nous collaborons de près avec Zellers car nous lançons une initiative sur le port du casque de sécurité à bicyclette. Notre prochaine initiative porte sur la sécurité des sièges d'auto et nous nous concertons de près avec la GRC, car elle effectue des contrôles routiers et nous y participerons.

Nous avons également un Conseil du premier ministre sur le développement de la petite enfance, soit un groupe de particuliers qui conseille le premier ministre sur tout ce qui touche les enfants. Chaque automne le Conseil organise un séminaire de réflexion où des parents, des éducateurs, des professionnels de la santé, des représentants d'organisations communautaires et du gouvernement se réunissent pour une journée d'apprentissage. C'est par ce moyen que nous dressons la liste des priorités pour l'année suivante.

Ce Conseil récompense également le travail effectué par des particuliers et des organisations en décernant chaque année, en avril, le Prix de Champion des enfants.

Je cède maintenant la parole à Carolyn.

Mme Carolyn Simpson, administratrice du Programme provincial de jardin d'enfants, ministère de l'Éducation, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Bonjour à vous tous. Je ne sais combien d'entre vous ont déjà eu l'occasion de visiter notre province. Pour ceux qui en sont à leur premier séjour, bienvenue. Pour ceux qui reviennent, je suis sûre que vous appréciez cette belle journée de juin. Il fait très beau dehors. Comme Cathy l'a dit, je me nomme Carolyn Simpson et je suis membre du Secrétariat des enfants, représentant le ministère de l'Éducation, et je suis l'administratrice du Programme provincial de jardin d'enfants.

Avec son Initiative de développement de la petite enfance2000, l'Île-du-Prince-Édouard a reçu un soutien fédéral à des services nouveaux et élargis d'apprentissage précoce et de garde d'enfants. Par le biais de cette initiative, nous avons pu contribuer à la mise en œuvre de la Stratégie pour une enfance saine et à certains de ses objectifs et initiatives.

L'une de ses recommandations était la création de jardins d'enfants financés sur fonds publics dans la province. Notre programme de jardins d'enfants est unique en Amérique du Nord en ce sens que nous avons choisi d'intégrer les jardins d'enfants à notre secteur de la prime enfance. C'est là un élément de notre système pour la petite enfance qui donne d'excellents résultats depuis plus de 25 ans et notre province, en consultation avec les habitants et avec les éducateurs de la prime enfance, les enseignants d'école publique, les parents et d'autres, a choisi d'élaborer un programme commun cohérent. Cependant, l'une des caractéristiques clés qui plaît aux familles est que notre programme de jardins d'enfants reste intégré au système de la prime enfance et est donc adaptable aux valeurs et aux besoins familiaux particuliers. Les résultats sont assez bons — tout ne va pas sans difficulté, mais dans l'ensemble, c'est positif.

En outre, l'Initiative de développement de la petite enfance a contribué à un programme que nous appelons amicalement le projet MIKE — Measuring and Improving Kids' Environments. Ce projet vise à promouvoir et appuyer les pratiques exemplaires au niveau de la prestation de services de garderie et d'apprentissage précoce inclusifs et de qualité. Les coordonnateurs MIKE et les mentors de jardins d'enfants travaillent en collaboration très étroite, comme une équipe soudée, à l'intérieur de notre secteur de la petite enfance, afin d'améliorer le cadre de l'apprentissage précoce pour les enfants et les familles et le personnel dans les garderies et écoles maternelles.

Nous avons signé en 2003 le Cadre multilatéral sur l'apprentissage précoce et la garde d'enfants. Des fonds supplémentaires à l'appui de cet accord ont été annoncés en 2004. Le cadre multilatéral fournit un financement spécifiquement pour nos garderies agréées.

Plus récemment, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement dans les services de garde de 5 milliards de dollars sur cinq ans, comme nous le savons tous, afin d'assurer un certain nombre d'attributs que nous appelons nos principes QUAD : qualité, universalité, abordabilité et développement.

Alors que ces accords représentent des étapes importantes vers une vision de l'apprentissage précoce et de la garde d'enfants, il faudra un investissement bien plus important pour financer un système de garderies agréées qui puisse pleinement répondre à chacun des principes QUAD.

Nous savons, par exemple, que les professionnels de l'apprentissage précoce et de la garde d'enfants touchent des salaires dérisoires : c'est vrai au niveau national mais je parle plus précisément de l'Île-du-Prince-Édouard. Le salaire moyen ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, va de 7 $ à 10 $ l'heure, selon la saison, l'époque de l'année et même la région de la province. Un changement s'annonce en ce sens que les éducateurs de la petite enfance se sont syndiqués et vont être représentés par le Syndicat des employés du secteur public.

La rétention du personnel est manifestement un problème clé qui est lié, cela va sans dire, à la faiblesse des salaires et à l'absence d'avantages sociaux et à de piètres conditions de travail.

Chacun des accords précités offre un financement per carpita aux provinces et territoires. Aussi belle que soit notre île, nous avons une faible population et nous estimons qu'un financement per capita est insuffisant pour une province faiblement peuplée comme la nôtre. Les provinces entreprennent toutes sortes d'activités dont le coût ne diffère guère d'une province ou d'une région à l'autre. Par exemple, chacune des provinces doit revoir sa législation pour la réviser, l'adapter, la retravailler. Ce coût est le même partout. Si nous envisageons de créer une base de données, par exemple, afin de rationaliser nos prestations aux enfants et aux familles, ce coût est le même, quelle que soit la population. Voilà donc quelques exemples de ce que nous entendons par-là.

Je vais maintenant donner la parole à Janice.

Mme Janice Ployer, coordonnatrice, Développement de l'enfant en santé, ministère de la Santé et des Services sociaux, Secrétariat des enfants, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Grâce à l'initiative de l'Early Childhood Development Association of Prince Edward Island, qui est une organisation sans but lucratif qui se consacre à tous les aspects du développement des jeunes enfants, l'Î.-P.-É. a eu la chance d'être l'une des six premières collectivités à réaliser le projet pilote « Comprendre la petite enfance ».

L'Î.-P.-É. est à part en ce sens que la province toute entière a été considérée comme une collectivité Comprendre la petite enfance, ou CPE, comme nous disons ici. Cette initiative nous tient très à cœur car elle s'est avérée un atout merveilleux pour l'île. Le projet CPE a mobilisé la collectivité grâce à l'édification de capacité et à l'apprentissage, tout cela appuyé par la Stratégie pour une enfance saine et à une collaboration inspirée. Le projet s'est avéré une excellente source d'informations pour la prise de décisions éclairées à tous les niveaux : communautaire, familial, municipal et provincial.

Alors que le projet CPE- Î.-P.-É. arrive maintenant à sa fin, nous allons explorer d'autres possibilités pour le poursuivre, bien qu'en une capacité différente. Par le biais du Secrétariat des enfants, nous envisageons d'autres façons de relier les données recueillies par le CPE à d'autres sources, et nous songeons en particulier aux données environnementales.

Nous avons quelques suggestions à formuler concernant diverses politiques. Premièrement, nous applaudissons à l'accroissement des prestations de maternité et parentales. Elles aident à promouvoir l'attachement, l'allaitement, la participation des pères et représentent donc une mesure très positive pour les enfants et les familles.

Cependant, voici quelques suggestions. La première consiste à élargir les conditions d'admissibilité aux parents travaillant à leur propre compte et aux parents dans des situations de travail non conventionnelles. L'Île-du-Prince- Édouard, tout particulièrement, compte beaucoup d'emplois saisonniers et à temps partiel, mais particulièrement saisonniers, ce qui complique l'admissibilité à ces prestations. La suppression de la période d'attente de deux semaines soulagerait financièrement les familles qui perdent tout revenu pendant ces deux semaines. Une autre suggestion serait d'augmenter le nombre des heures assurables.

Le Women's Network of Prince Edward Island a fait un travail considérable dans ce domaine et constitue une excellente ressource pour d'autres recommandations et suggestions.

La Prestation de compassion est une excellente initiative qui aide les familles soignant un membre malade à traverser des périodes difficiles. Cette prestation pourrait être élargie à ceux qui soignent des enfants ou d'autres membres de la famille qui ne sont pas gravement malades mais ont néanmoins besoin de soins pendant une période donnée. Nous songeons à des enfants hospitalisés pendant un mois ou deux. Chez nous, ces enfants sont susceptibles d'être hospitalisés au Centre de santé IWK à Halifax, ce qui peut poser de graves difficultés financières aux familles, surtout celles qui sont salariées.

Les programmes PACE et PCNP — Programme d'action communautaire pour les enfants et Programme canadien de nutrition prénatale — ont donné de très bons résultats dans l'île, ouvrant accès à toute une série de programmes et services aux enfants, femmes enceintes et familles en difficultés. Les programmes sont très bien établis et hautement appréciés dans nos collectivités.

Depuis leur lancement en 1994 et 1995, la demande des services offerts par ces programmes a régulièrement augmenté. Mais le financement est resté stagnant au niveau de 1994 dans le cas du PACE, et celui du PCNP n'a été augmenté qu'en 2000. Les hausses de coût et les contraintes de personnel font qu'il devient très difficile de répondre à la demande. Les deux programmes représentent des ressources extrêmement précieuses pour les enfants et familles de l'île et devraient être dotés de fonds suffisants.

L'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, ou ELNEJ, recueille des informations très précieuses qui aident à prendre des décisions éclairées. Cependant, dans le cas des petites provinces, les échantillons ne sont souvent pas assez grands pour fournir des renseignements provinciaux détaillés. Les agrégats régionaux sont certes utiles, mais ils ne reflètent pas nécessairement la population de l'île. Du fait que nous avions ici le projet pilote Comprendre la petite enfance, nous avons bénéficié d'un sur-échantillonnage de l'ELNEJ durant cette période; cette initiative nous a certainement été d'un grand avantage et elle va nous manquer.

Enfin, nous voulons faire ressortir qu'une politique pour les enfants est forcément aussi une politique pour les familles. Les Canadiens jouent de nombreux rôles au sein de leur famille et collectivité. Ils sont parents, employés, employeurs, étudiants et bénévoles. Maintenant que les Canadiens retardent le moment d'avoir des enfants, ils seront plus nombreux à devoir s'occuper en même temps et de leurs propres parents et de leurs jeunes enfants. Il faut réfléchir aux façons de soutenir tous les Canadiens tout au long de leur vie.

Voilà qui conclut mon propos.

La présidente : Merci beaucoup de cet exposé. Nous allons maintenant passer aux questions

Le sénateur Poy : Ma première question s'adresse à Mme Ployer. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet pilote Comprendre la petite enfance? Vous avez dit que l'Î.-P.-É. est l'une des six premières collectivités concernées. Qui sont les cinq autres?

Mme Ployer : Mes collègues vont devoir m'aider à répondre.

Le sénateur Poy : Pourriez-vous nous expliquer d'abord le projet? J'aimerais savoir en quoi il consiste.

Mme Ployer : Eh bien, mes collègues pourront compléter, mais je peux commencer.

Le sénateur Poy : Très bien.

Mme Ployer : Nous sommes venus comme un groupe et nous nous appuyons les uns les autres. Nous encourageons les partenariats et la collaboration dans tout ce que nous faisons. Comprendre la petite enfance est une initiative financée par Développement social Canada aujourd'hui, initialement Développement des ressources humaines Canada, et il s'agissait d'un travail d'édification de la capacité communautaire sur le plan de la collecte d'informations et de la recherche sur les enfants dans des localités précises du Canada, pour engager ensuite un processus d'échange de connaissances avec les membres des communautés en vue de mobiliser une action pour les enfants.

Ici, dans le cadre du projet, des données ont été recueillies auprès de quatre sources. L'une des initiatives constituait à effectuer des observations in situ pour déterminer l'état de la collectivité. Y a-t-il beaucoup de graffitis sur les bâtiments? Les maisons sont-elles en bon état? Les routes sont-elles sûres? Des données ont également été recueillies par le biais de l'Initiative de développement de la petite enfance. C'était là un outil utilisé par les éducateurs au niveau du jardin d'enfants pour mesurer différents aspects du développement des jeunes enfants. L'ELNEJ a également fourni quelques données. Quelle était la quatrième source, collègues?

Mme Simpson : Il y avait quelques données sur les parents dans l'ELNEJ. Janice a parlé des observations physiques dans la collectivité. Pour étoffer un peu, nous avons pu obtenir également, par l'intermédiaire des éducateurs de jardin d'enfants, une synopsis des cinq premières années de l'enfant par opposition à un cliché instantané au moment du jardin d'enfants. On couvrait donc toute la durée de leur vie — quelles étaient les ressources dans la communauté depuis la naissance de l'enfant, et cetera.

Mme Ployer : En fait, le quatrième outil auquel je songeais était l'étude cartographique. Ils ont pris les données recueillies et les ont transposées sur des cartes de l'Île-du-Prince-Édouard, si bien que l'on pouvait voir que dans tel endroit, par exemple, les revenus étaient plus faibles ou l'emploi moins stable que dans d'autres. Ensuite nous pouvions voir comment les enfants dans ces endroits se débrouillaient sur le plan de leur développement, pour établir des corrélations entre les conditions dans la collectivité et l'état des enfants.

Le sénateur Poy : Lorsque vous parlez de « petite enfance », c'est jusqu'à quel âge?

Mme Ployer : De zéro à cinq ans.

Le sénateur Poy : Mais vous étudiez toute la collectivité. Vous avez parlé de routes, et cetera.

Mme Ployer : Oui.

Le sénateur Poy : C'est dont une étude de la collectivité. Vous avez dit ensuite que des politiques ont été formulées. Qu'est-il advenu de ces politiques? J'aimerais savoir dans quelle mesure ces politiques ont été exécutées.

Mme Ployer : Eh bien, un bon exemple récent est une initiative de l'Early Childhood Development Association. Elle a effectué un certain nombre de présentations à la municipalité de Summerside, et cette dernière a ensuite décidé de créer un terrain de jeu spécifiquement pour les enfants en bas âge, car elle s'est rendue compte qu'elle fournissait des services aux enfants plus âgés mais pas nécessairement aux plus jeunes.

Dans le dialogue communautaire, il est parfois difficile de mettre le doigt sur des résultats spécifiques qui soient le fruit d'un partage d'information, mais nous avons certainement le sentiment, dans l'Î.-P.-É., que les gens parlent de la prime enfance, que plus de gens sont en faveur de programmes et politiques pour ces années-là. Nous-mêmes, pour la mise en œuvre de notre Stratégie pour une enfance saine, nous utilisons souvent les données recueillies par le projet Comprendre la petite enfance afin d'étayer les recommandations que nous formulons.

Mme Simpson : Pour prendre nos décisions.

Le sénateur Poy : L'une de vous pourrait-elle répondre à la question de savoir quelles étaient les cinq autres collectivités?

Mme Ployer : Stephenville, à Terre-Neuve. Il y en a une au Manitoba, qui est une partie de la ville de Winnipeg, je crois. North York. Initialement, il y en avait six, et le nombre est passé à 12 et l'on a récemment annoncé l'extension du projet à 100 sites à travers le Canada. Les sites initiaux ne sont plus admissibles à ce financement, et donc s'il semble que l'on vise maintenant une présence du CPE dans toutes les provinces du pays, du fait que l'île a été le site d'un projet pilote initial, nous ne sommes plus admissibles. C'est pourquoi nous cherchons une façon différente d'avoir une présence CPE dans l'Île-du-Prince-Édouard, mais en faisant les choses un peu différemment.

Le sénateur Pearson : J'aimerais rester sur ce sujet car nous n'avons pas encore eu l'occasion de parler des programmes mis en place au niveau fédéral.

Je pense qu'il serait utile que nous invitions un jour toute une série de témoins pour nous décrire les recherches sur le développement de l'enfance issues de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, des projets CPE, des leçons des programmes PACE/PCNP et toute cette sorte de choses.

Je crois que l'un des points de départ de CPE était l'idée que les enfants sont prêts à apprendre lorsque la communauté intervient plus — davantage d'enfants sont prêts à apprendre, et je crois que c'est l'étalon utilisé à la fin — lorsque les collectivités sont plus resserrées autour des enfants, d'où l'idée de la cartographie pour voir quelle sorte de relations existent avec le développement économique et le revenu, et cetera. Ces cartes sont extrêmement intéressantes du point de vue des corrélations que l'on a découvert. C'était là la raison d'être de CPE, l'un des objectifs, et si l'on tire les leçons des résultats, on peut stimuler l'engagement communautaire. Il me semble que c'était l'intention, n'est-ce pas? On commence avec le programme pilote sur trois ans — cinq ans? Cinq ans.

Pourriez-vous nous donner une idée, indépendamment des développements à Summerside, de ce qui a émergé de ce projet, un résultat durable? Est-ce que des comités ont été formés, ce genre de choses? Car ce que nous recherchons tous, tous ceux d'entre nous qui nous soucions du développement de la petite enfance, c'est une interaction sans faille entre les divers programmes en place. Et au fur et à mesure que davantage de crédits sont alloués à l'apprentissage précoce et aux garderies, etc, votre Secrétariat des enfants représente un modèle sur le plan de la coordination. J'aimerais donc que vous nous expliquiez un peu ce que vous envisagez comme idéal ultime, au niveau provincial?

Mme Ployer : L'un des éléments du projet CPE était de désigner des champions communautaires — Champions communautaires CPE, les appelait-on — qui soient formés à interpréter les données et en mesure de les expliquer aux membres de leur entourage. Ce pouvait être l'entourage géographique, ou l'entourage professionnel ou l'entourage de bénévolat, tout ce que vous voudrez. Donc, ces personnes sont en place et peuvent continuer à disséminer l'information.

Mme Simpson : Notre ministère, par exemple, utilise les données pour l'adaptation des programmes scolaires. Les chiffres dans notre province ont mis en évidence des poches de vulnérabilité, où les taux d'alphabétisation sont plus faibles. Pourquoi? Comment pouvons-nous aider les éducateurs de la petite enfance qui ont en charge ces enfants et leurs familles? Que cela signifie-t-il? Comment pouvons-nous collaborer pour élargir certains des programmes d'alphabétisation des familles? Qu'est-ce qui dans cette collectivité peut constituer un obstacle et qu'est-ce qui marche bien ailleurs et dont nous pourrions nous inspirer? Donc, les liens de collectivité à collectivité, pour s'entraider, représentent aussi une sorte de vision, en quelque sorte, sur le plan non pas d'une compétition pour les fonds municipaux mais plutôt d'une évolution commune et cette sorte de choses. Cela a été incroyablement précieux de ce point de vue.

Le sénateur Pearson : Bien.

Mme Ployer : L'un des succès du projet CPE réside dans le fait que, initialement, les données montraient que dans une partie de la province il y avait quelques difficultés au niveau du développement du langage, et de ce fait la population locale a appuyé un projet intitulé « Les petites expressions signifient beaucoup ». Un orthophoniste a été engagé pour faire un peu d'édification de capacité communautaire en matière de développement verbal et langagier, lequel a travaillé en collaboration étroite avec les éducateurs de la petite enfance de l'endroit. Cela a très bien marché et s'est répandu à travers toute l'île. C'est maintenant devenu une initiative provinciale.

Mme McCormack : L'Early Childhood Development Association a également travaillé sur la langue et la litéracie. Je ne sais pas si vous avez entendu parler des « sacs à histoires »? Si le sénateur Carstairs était là, elle saurait certainement de quoi il s'agit. L'Early Childhood Development Association s'est mise en partenariat avec le Women's Institute pour constituer une trousse, un sac de ressources pédagogiques accompagnant une histoire, de façon à ce que celle-ci devienne vivante pour les enfants. Tout cela se fait dans toute l'IPE, grâce aux données CPE qui ont mis en évidence un faible niveau de connaissances verbales, et il en est de même du projet « Les petites expressions signifient beaucoup » dont a parlé Janice.

Un autre exemple sont nos trois conseils scolaires de l'Î.-P.-É. Le Conseil de l'Est s'est penché sur la cartographie de toutes ses sept ou neuf écoles. Il a passé en revue toutes les écoles et les données sur les familles et les résultats des enfants de ces endroits. Il a pu ensuite organiser avec les enseignants des activités spéciales pour ces enfants qui arrivaient avec de faibles niveaux d'alphabétisation et n'étaient peut-être pas aussi actifs que certains autres; nous avons donc pu utiliser nos données cartographiques CPE de cette manière. Les cartes sont un outil incroyablement utile car elles rendent les données très visuelles et vivantes et réelles aux yeux des gens.

Le sénateur Pearson : Je suis heureuse d'avoir une sorte de rapport direct sur les résultats du projet, car nous l'avons appuyé à notre bout, à Ottawa, et il est très intéressant de voir les résultats concrets qui en sortent à l'autre bout.

Le sénateur Oliver : Comme vous le savez, la raison pour laquelle nous sommes ici et pour laquelle nous nous sommes rendus en Europe et ailleurs, c'est de faire le suivi de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies. Hier, nous étions au Nouveau-Brunswick, la veille à Terre-Neuve et nous nous sommes rendus jusqu'en Suède.

L'une des choses que nous avons apprises dans tous ces endroits c'est que, pour coordonner le travail en rapport avec cette convention, certaines juridictions ont mis en place un ombudsman, d'autres un défenseur des enfants. Ce que vous semblez avoir fait ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, a été la création d'un Secrétariat des enfants et d'un Groupe de travail sur les enfants, et c'est donc interministériel et une collaboration avec toutes sortes d'autres groupes.

Y a-t-il une personne en particulier qui soit responsable de la coordination de l'ensemble? Si oui, comment s'appelle cette personne? Est-ce un ombudsman, un directeur, un président ou un défenseur des enfants? Qui est la personne qui coordonne tout le travail de votre Secrétariat et de votre Groupe de travail?

Mme McCormack : C'est une très bonne question. Jusqu'il y a deux mois, nous avions une directrice du Secrétariat des enfants. Dans l'île, une restructuration administrative est en cours. Cette personne s'est prévalue d'avantages qui étaient offerts et elle est partie à la retraite fin avril. Le poste n'a pas encore été comblé.

Le sénateur Oliver : Elle est probablement partie devenir défenseur des enfants quelque part.

Mme McCormack : C'est justement ce dont elle nous a menacé avant de partir. Elle va nous surveiller de l'extérieur. Nous n'en sommes pas encore sûrs, mais nous pensons que son poste va être comblé et que la prochaine fois que vous viendrez, le titulaire sera assis à ma place.

Le sénateur Oliver : Quel est le titre de cette personne, je n'ai pas entendu.

Mme McCormack : C'est le directeur du Secrétariat des enfants. Ce n'est pas vraiment un ombudsman comme dans d'autres provinces, où il y a vraiment le rôle de défenseur.

Le sénateur Oliver : Est-ce que cette personne joue le rôle de défenseur des enfants? Cela fait-il partie de son mandat?

Mme McCormack : Oui. C'est même inscrit dans nos descriptions de travail au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ma description de travail dit que je suis une « défendeuse » des enfants. Je ne sais pas ce qu'il en est de la description de travail de Janice, mais la mienne est déjà relativement ancienne. C'est Katherine Flannagan-Rochon qui était la directrice et je suis pas mal sûre que sa description de travail contenait également cette mention.

Le sénateur Oliver : Lorsque nous faisons le tour des diverses juridictions et recevons tous ces nombreux témoins, tous disent ce qu'ils ont à dire, nous faisons nos valises et nous partons pour recommencer dans la ville suivante. Vous vous demandez peut-être comment nous faisons la synthèse de tout cela. Eh bien, nous avons des chargés de recherche qui préparent des questions, et cetera. L'une des questions préparées pour votre groupe concerne le fait que nombre des témoins ayant comparu devant ce comité se sont dits préoccupés du manque de formation portant sur les droits des enfants dans les administrations gouvernementales. Pouvez-vous nous dire précisément quelle formation et sensibilisation aux droits spécifiques des enfants sont assurées dans l'Î.-P.-É.?

Vous nous avez indiqué une chose dans votre exposé qui a éveillé mon intérêt. Vous nous avez dit qu'il existe un Conseil du premier ministre sur le développement d'une enfance saine qui prend la forme d'un rassemblement d'une journée. Est-ce qu'un rapport est rédigé à la suite de cela? Et est-ce que cela fait office de formation de sensibilisation ou non?

Mme Ployer : Le Conseil du Premier ministre sur le développement d'une enfance saine dépose chaque année un rapport sur les enfants dans lequel il met en lumière des initiatives nouvelles et intéressantes concernant les enfants. Il présente les données provenant de l'ELNEJ, ainsi que nos propres données CPE, par exemple, et d'autres données recueillies, et recense également nos investissements par le biais des initiatives et accords divers.

Le sénateur Oliver : Est-ce qu'il y a quelque chose de spécifique en rapport avec la Convention des Nations Unies?

Mme Ployer : La Convention des Nations Unies, non.

Le sénateur Oliver : Eh bien, que faites-vous sur le plan de la formation de sensibilisation?

Mme Ployer : C'est une bonne question. Je n'ai pas la réponse. Je ne sais pas si mes collègues savent.

Le sénateur Oliver : Eh bien, que fait-on dans l'Î.-P.-É. pour faire des droits des enfants une priorité? Tout le monde saute sur le microphone.

La présidente : Si vous me permettez, sénateur Oliver, nous étudions la Convention relative aux droits de l'enfant, qui est un document juridique mais qui a aussi des répercussions pratiques et sociales. C'est une convention qui énonce des droits, qui dit que les enfants ont tels et tels droits. Certains sont des droits en évolution. Certains sont des droits appartenant à d'autres jusqu'à ce que les enfants puissent les assumer pleinement. Nous sillonnons le Canada et nos audiences à Ottawa jusqu'à présent n'ont pas fait apparaître la sensibilisation à la convention à laquelle on pourrait s'attendre dix années après sa ratification.

Notre préoccupation particulière est que les enfants ne savent pas qu'ils possèdent ces droits. La question que le sénateur Oliver, à mon avis, vous pose très subtilement — et je vais vous la poser très brutalement — est la suivante : Est-ce que vous familiarisez les jeunes gens avec leurs droits en vertu de la convention? Et si oui, quels outils utilisez- vous pour cela? Je vais même vous donner un indice : si vous répondez « Pas grand-chose », vous ne serez pas les seuls.

Comment utilisez-vous la convention? Utilisez-vous la convention? Est-ce au niveau du Conseil du premier ministre sur le développement de la petite enfance? Voilà le genre de choses que nous cherchons à déterminer.

Le sénateur Oliver : Vous comprenez maintenant pourquoi il n'y a pas plus de d'hommes siégeant à ce comité. Il faut la touche féminine pour exprimer les choses aussi délicatement.

La présidente : Non, je les ai exprimées carrément. C'est vous qui avec mis de la délicatesse.

Mme McCormack : Je comprends ce que vous dites. Dans le passé, nous avons travaillé avec la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance et Sandy Griffin est une grande avocate des enfants et de la convention. La Fédération a fait beaucoup de choses, sous forme d'affiches, d'ateliers et d'articles dans son magasine Interactions, qui est distribué à tous nos éducateurs de la petite enfance.

Brenda Goodine, qui comparaîtra cet après-midi, pourrapeut-être vous en dire un peu plus sur le sujet selon la perspective de l'Early Childhood Development Association et de son action par le biais des éducateurs.

Dans l'administration gouvernementale, nous n'avons probablement pas fait autant que nous l'aurions pu et peut- être pas autant que ce que nous ferons après votre rappel.

La présidente : Une question complémentaire, avant de donner la parole au sénateur Hubley. La Convention relative aux droits de l'enfant, bien entendu, est là pour les enfants. Elle ne parle pas de ce que nous faisons pour eux. Elle parle des droits qu'ils possèdent et de la manière dont ces droits sont respectés dans la société. L'un des outils d'application de la convention, c'est que les États doivent faire rapport au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies. On nous dit à Ottawa qu'il est très difficile de savoir comment le rapport est rédigé et qui a son mot à dire. On nous dit au niveau fédéral que les provinces sont consultées, qu'elles fournissent au gouvernement fédéral les données sur les enjeux de la convention et que le fédéral rédige le rapport sur cette base.

Qui dans l'Î.-P.-É. rédige le rapport pour l'Île-du-Prince-Édouard et quelle sorte d'interaction avez-vous avec le gouvernement fédéral en vue de sa préparation, le prochain étant dû en 2009?

Mme Ployer : C'est un processus que nous allons devoir commencer l'an prochain.

La présidente : Oui, et c'est un processus qui se poursuit. Divers groupes nous ont dit qu'ils n'ont guère leur mot à dire. Certains ont été consultés au niveau fédéral mais les provinces transmettent leur information au gouvernement fédéral d'une manière ou d'une autre par le biais de ce comité permanent de droits de l'homme.

Le sénateur Pearson : En fait, elles remettent un rapport distinct.

La présidente : J'essaie justement de le déterminer, car c'est ce que nous a dit le gouvernement fédéral; nous aimerions savoir des gouvernements provinciaux qui rédige ce rapport. Avez-vous été consultés dans le passé concernant ce rapport et concernant les renseignements qui y figurent au sujet de l'Î.-P.-É.?

Mme Ployer : J'ai participé récemment à la préparation des réponses en vue d'un rapport général, mais c'était une enquête des Nations Unies sur les droits de l'homme à laquelle l'Île-du-Prince-Édouard répond. Il y avait des questions intéressant spécifiquement les enfants, mais aussi des questions sur d'autres aspects, par exemple le logement. Mais bien sûr, cela aussi concerne les enfants. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse du même rapport que celui dont vous parlez, mais j'imagine que la personne qui a la responsabilité de celui-ci s'occupera aussi de celui dont vous parlez, et il s'agit d'un avocat de notre Bureau du procureur général. Pour le rapport le plus récent, il a consulté les divers acteurs de l'administration qui connaissaient les questions spécifiques et il demandait leurs réponses. Il y a donc une personne bien précise, à ma connaissance.

La présidente : Au ministère du Procureur général de la province?

Mme Ployer : Oui, dans sa Section des services juridiques.

La présidente : Nous venons de recevoir un rapport du Groupe de travail qui formulait certaines remarques sur le Canada, et pas nécessairement élogieuses. Il y avait un certain nombre de commentaires positifs, mais d'autres étaient plus critiques de la manière dont le Canada applique la convention. Ces rapports vous sont-ils communiqués et vous a- t-on demandé d'y réagir?

Mme Ployer : Pas depuis que je suis là.

Mme McCormack : Peut-être ont-ils été communiqués à Kathy Flannagan-Rochon. Elle était la destinataire logique, mais je ne suis pas au courant.

La présidente : Donc, ce savoir est parti avec elle?

Le sénateur Pearson : La question soulevée par le sénateur Andreychuk est très importante et c'en est une que nous allons explorer dans toutes nos réunions provinciales car nous avons l'obligation, qui est celle des signataires de toutes les conventions, de disséminer largement l'information, et non seulement de faire participer la société civile à la rédaction du rapport — et les enfants eux-mêmes — mais aussi de disséminer largement la réponse et les observations du comité.

Nous formulerons des recommandations dans notre propre rapport et elles pourront vous aider dans ce travail. Merci.

Le sénateur Hubley : Merci, madame la présidente. Je doisdire que c'est un grand plaisir que d'être un sénateur del'Île-du-Prince-Édouard et d'avoir le privilège de siéger à l'un de nos comités lorsqu'il se réunit ici sur un sujet très important. Suite aux questions précédentes, peut-être la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant devrait-elle faire partie de ce que l'on enseigne à nos jeunes gens que l'on prépare à aller travailler dans nos garderies et jardins d'enfants.

Quelles sont les qualifications exigées des éducateurs de la petite enfance et cette formation est-elle disponible dansl'Île-du-Prince-Édouard? Vous avez mentionné plusieurs cours offerts aux éducateurs, je crois. Est-ce que des normes nationales sont appliquées à nos éducateurs? Je vous demanderais peut-être de répondre à cela pour commencer.

Mme McCormack : Nous avons un programme de formation dans l'Île-du-Prince-Édouard au Holland College. C'est le Programme d'éducation et de garde de la petite enfance et il est couronné par un diplôme. Nous négocions actuellement avec UPEI pour que l'université reconnaisse ce diplôme et que ses titulaires puissent poursuivre leurs études et obtenir un diplôme universitaire, s'ils le veulent.

Avec l'aide du gouvernement fédéral, dans le cadre de notre Accord de développement du marché du travail, nous avons mis en place ces deux dernières années des programmes de formation accélérée pour ceux qui travaillent déjà dans le domaine et souhaitent obtenir leur diplôme. En outre, nous venons de négocier avec la province du Québec pour qu'elle offre un programme de formation francophone accélérée ici et, il y a trois ans, nous avons offert un programme pour Autochtones.Nous cherchons à améliorer les qualifications de noséducateurs de la petite enfance. Aujourd'hui, probablement plus de 80 p. 100 d'entre eux possèdent au moins un diplôme.

Votre idée est excellente et peut-être cela fait-il déjà partie du programme enseigné au Holland College; je ne suis pas sûre. Carolyn et moi siégeons tous deux à son comité consultatif et nous pourrons formuler cette recommandation, c'est sûr. C'est une excellente idée. Il n'y a pas actuellement d'accréditation nationale des éducateurs de la petite enfance, encore que la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance y songe. La Fédération a élaboré des normes de pratiques qu'elle cherche à faire adopter à travers le Canada en ce moment même, ce qui représenterait au moins un certain niveau de responsabilisation, et c'est donc un pas vers une accréditation nationale. Je pense donc que les choses sont bien en train.

Le sénateur Hubley : Pour les enfants à besoins spéciaux de très jeune âge, vous devez travailler en collaboration très étroite avec le ministère de la Santé. Je crois que vous avez mentionné que vous faites même partie du ministère de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que l'on a quelque chose de spécial pour les enfants ayant des besoins particuliers dans le système des garderies et jardins d'enfants? Cela fait-il partie de la formation que reçoivent les éducateurs?

Mme McCormack : Oui, c'est un élément important de la formation. Nous avions par le passé un programme au Holland College où ceux qui avaient soit leur diplôme de Développement de la petite enfance soit celui de Services humains pouvaient obtenir les deux diplômes avec une année de formation de plus. Nous avons environ 220 enfants ayant une déficience dans nos programmes. Nous fournissons une subvention pour que ces enfants puissent être accueillis dans ces établissements. Nous avons un programme très spécifique pour les enfants autistes. Nous les soutenons également dans nos programmes d'éducation de la petite enfance.

Le sénateur Oliver : À 100 p. 100?

Mme McCormack : Oui, à 100 p. 100. Je crois que nous avons actuellement 17 enfants autistes en établissement préscolaire soutenus par ce programme. Comme l'a dit Carolyn, du fait que les jardins d'enfants chez nous restent communautaires, le ministère de la Santé et des Services sociaux fournit également le financement pour les enfants handicapés à l'école maternelle.

La présidente : Comme complément à la question du sénateur Oliver, qu'arrive-t-il des enfants autistes arrivés à l'âge de cinq ans?

Mme McCormack : À l'âge de cinq ans, ils continuent dans nos programmes de jardin d'enfants.

La présidente : Est-ce qu'ils continuent à être financés à 100 p. 100 par la suite dans l'Î.-P.-É.?

Mme McCormack : Après le jardin d'enfants, une fois à l'école?

La présidente : Oui.

Mme McCormack : Oui, s'ils en ont besoin, ils ont unaide-éducateur à temps plein dans notre système scolaire et ils peuvent fréquenter l'école jusqu'à l'âge de 21 ans. Nous avons également des programmes, tant dans notre université que, pour la première fois cette année, au Collège Holland. Les parents d'un enfant avec qui je travaillais directement au jardin d'enfants m'ont dit lors de la cérémonie de remise du prix de Champion des enfants qu'il était inscrit au Collège Holland cet automne.

Mme Simpson : Nous avons en fait déjà un étudiant fréquentant le collège.

La présidente : Vous avez focalisé sur les éducateurs de la petite enfance, ce qui implique un système de garde d'enfants plus institutionnalisé. La province d'où je viens, la Saskatchewan, est une province très rurale. L'un de nos problèmes, c'est que nous ne pouvons monter des garderies et très souvent nous devons nous tourner vers des membres de la famille élargie pour s'occuper des enfants et nous cherchons à donner aux familles un soutien pour la garde des enfants au foyer, que ces enfants aient des besoins spéciaux ou non. Comment approchez-vous cela? Le programme fédéral semble se concentrer, si je comprends bien ce nouveau programme, sur les garderies et l'amélioration de leur qualité. Qu'en est-il des autres, ou bien vous occupez-vous uniquement de ces centres?

Mme McCormack : Non, certainement pas. Le ministère de la Santé et des Services sociaux offre un programme de subventions aux parents pour la garde des enfants. Par exemple, nous avons très peu de places dans cette province pour les nourrissons. Nous n'avons qu'environ 70 places. Les parents qui ont des nourrissons, s'ils doivent travailler ou étudier, bénéficient de ces subventions et peuvent faire venir quelqu'un les garder dans leur maison ou emmener leurs enfants dans la maison de quelqu'un d'autre. Nous essayons de monter des garderies familiales dans les campagnes de l'île et cela marche assez bien. Une garderie familiale compte un maximum de sept enfants au domicile d'une personne, mais avec néanmoins des inspections et une assistance, avec des ressources fournies par l'Early Childhood Development Association.

Vous avez raison : le nouveau programme est pour les centres agréés. Nous sommes en pourparlers avec l'Early Childhood Development Association pour essayer de mettre en place un mécanisme qui renseigne les parents sur ce qu'ils peuvent attendre de leur garderie, qu'elle soit agréée ou non. Quelle sorte de soins et quelle sorte d'éducation l'enfant devrait-il recevoir, même s'il est gardé au domicile de quelqu'un? Il n'est pas indispensable que ce soit quelque chose de totalement différent. On pourrait même avoir une sorte de registre. La gardienne non agréée pourrait s'inscrire auprès de l'Early Childhood Development Association et être tenue, peut-être, de respecter une certaine norme — par exemple la connaissance des soins d'urgence — ou avoir accès à une espèce de formation continue par le biais de l'association. Les gardiennes pourraient alors être inscrites dans un registre et les parents sauraient où s'adresser.

C'est l'une des questions que l'on me pose sans cesse et je suis sûre que la même chose est vraie pour Carolyn. Les gens ne savent pas où s'adresser pour trouver des gardiennes, même dans leur localité. Il me semble que quelque chose cloche lorsqu'il faut aller à l'épicerie pour voir s'il n'y a pas une annonce collée derrière la porte et nous cherchons d'autres façons pour aider les parents. Dans l'Î.-P.-É., nous avons des places pour environ 59 p. 100 de nos enfants âgés de deux à six ans. Nous avons un très fort pourcentage de personnes qui souhaitent avoir accès à des garderies agréées et qui trouvent des places.

La présidente : Je me souviens qu'il y a 20 ans tous les établissements d'incarcération à long terme des mineurs — pas tous, mais certains — se trouvaient en Nouvelle-Écosse; les services spécialisés pour les mineurs en conflit avec la loi étaient sur le continent. Qu'en est-il maintenant sur le plan de votre capacité d'accueil de ces jeunes gens placés sous garde? Avez-vous un établissement sur l'île et est-il totalement séparé des établissements pour adultes? Quelqu'un d'entre vous peut-il répondre à cela?

Mme McCormack : Ce n'est certainement pas notre spécialité, mais je vais essayer de répondre. Jusqu'il y a environ un an, cela se pratiquait encore. Nos enfants devaient aller sur le continent s'ils avaient des problèmes de comportement. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour changer cela ces dernières années, et pour vous parler franchement, c'était principalement à cause du coût de l'internement sur le continent, plus le fait qu'ils étaient coupés de leur collectivité ou de leur famille.

Nous venons de prendre livraison, il y a un an environ, de l'un de nos établissements pour jeunes contrevenants à West Prince. C'est là où vont maintenant nos jeunes difficiles à gérer qui ont besoin de protection, tant pour eux- mêmes que pour la société. Néanmoins, c'est dans une petite localité.

Mon fils vit dans une localité non loin de là et il a coutume de faire du bénévolat à la patinoire; l'un de ses amis travaille au centre. Il lui a dit : « Pourquoi n'amène-tu pas les jeunes ici? », et de cette façon ils ont eu accès à du temps de patinoire l'hiver dernier et ont eu des contacts avec des bénévoles de la collectivité où ils vivent.

Il y a certainement encore beaucoup de chemin à faire, car pour nous c'est un terrain entièrement nouveau. Cela ne fait qu'un an que nous faisons cela et je ne connais pas les résultats. Nous allons devoir demander à notre Directeur de la protection de l'enfance. Néanmoins ces mineurs sont dans l'île, leur famille peut leur rendre visite, ils peuvent sortir et avoir au moins une certaine expérience de vie dans la société — cela, je le sais de première main. Pour le reste, je ne suis pas sûre.

Le sénateur Pearson : Votre question portait-elle sur la garde en milieu fermé?

La présidente : Eh bien, tous les types de garde.

Le sénateur Pearson : J'ai visité un établissement de garde en milieu fermé proche de Summerside, qui est excellent. Au moment de sa construction, il était à la pointe du progrès et entièrement séparé des adultes. Ce dont je me souviens, c'est que les détenus n'étaient pas nombreux — Dieu merci — mais une forte proportion étaient des mineurs autochtones et l'une des grandes réussites de cet établissement était qu'il leur assurait l'éducation qu'ils n'avaient pas eue précédemment et qu'il offrait une scolarité secondaire qui n'était pas à leur portée auparavant. Je suppose que c'est toujours un bon établissement. Je crois qu'il y avait là 13 ou 14 mineurs. Ils étaient peu nombreux.

La présidente : Peut-être le ministère compétent — celui du Procureur général — pourrait-il nous adresser une lettre ultérieurement expliquant comment vous détenez les enfants en vertu de la Loi sur le bien-être social, puis en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, et confirmer si tous les enfants sont maintenant détenus dans la province et dans tous les cas séparés des adultes?

C'est un aspect sur lequel nous nous penchons car c'est l'une des exigences de la convention. Si quelqu'un pouvait nous répondre avec ces renseignements, ce serait utile.

Le sénateur Pearson : J'apprécie réellement les réponses que vous avez données. J'ai une autre question : Est-ce que l'Î.-P.-É. a déjà signé l'Accord sur le développement de la petite enfance?

Mme McCormack : Non. Comme l'a indiqué Carolyn, la formule de financement de base reste à régler.

Le sénateur Pearson : C'était justement le point suivant que j'allais aborder. Il me semble que pour vous et les territoires, par exemple, puisqu'ils ont aussi une population très faible, il est plus rationnel d'avoir une formule de financement autre que per capita, pour obtenir des crédits additionnels. Nous sommes heureux que cela ait été dit pour le procès-verbal.

Ma question suivante porte sur la participation des enfants à votre séminaire de réflexion sur l'enfance. Je vois qu'il y a là des parents, des éducateurs, des professionnels de la santé, des organisations communautaires et je me demande si les enfants y sont aussi? Et si non, pourquoi pas? Et si non, changez cela, s'il vous plaît.

Mme McCormack : Lors de notre premier séminaire de réflexion, nous nous sommes dit la même chose : il faudrait avoir des enfants. Nous en avons donc invités. Ils ont fait des dessins pour exprimer ce à quoi ils pensaient, ce dont ils avaient besoin, ce qui était important pour eux. Ils ont probablement participé au séminaire pendant une heure et le goûter était pour eux le moment le plus important, bien entendu. Ils avaient des ballons et ont été pris en photo avec le premier ministre et celui-ci a demandé à l'un d'eux s'il savait qui il était.

« Vous êtes la personne importante de l'île ».

Je ne sais pas si les parents leur avaient cela ou non, mais les parents accompagnaient les enfants et ces derniers étaient tout excités de rencontrer le premier ministre et de manger du gâteau.

Nous n'avons pas eu d'enfants depuis. Mais nous avons d'excellentes discussions sur la façon de les englober dans nos séminaires de réflexion sans les ennuyer et comment assurer leur participation réelle, mais nous n'avons pas encore tiré de conclusions. Tout cela est assez nouveau pour nous et nous n'avons eu jusqu'à présent que trois séminaires, et cet aspect reste en suspens.

L'un des membres de notre groupe de travail sur les enfants, qui gère Anderson House, qui est un foyer d'accueil de femmes battues, garde toujours un fauteuil vide à la table pour l'enfant, afin que nous ayons l'enfant à l'esprit en permanence. Mais non, nous devons faire un meilleur travail sur le plan de leur participation à notre séminaire de réflexion, c'est sûr. C'est effectivement paradoxal : un séminaire de réflexion sur l'enfance et il n'y a pas d'enfants.

Le sénateur Oliver : Peut-être un début serait-il de demander aux enfants comment ils pensent pouvoir le mieux participer. Peut-être pourriez-vous organiser une table ronde et poser cette question aux enfants eux-mêmes; vous serez probablement surpris par la diversité des réponses que vous obtiendrez. Ce pourrait être un bon endroit pour commencer.

La présidente : Pas d'autres questions. Nous voulons vous remercier d'être venues et veuillez nous excuser si nous vous avons posé des questions en dehors de votre champ de compétence. Nous avons essayé de déterminer — et c'est toujours l'un de nos problèmes — quels ministères inviter dans les différentes provinces car aucune n'a le même système, et notre centre d'intérêt c'est bien sûr la Convention relative aux droits de l'enfant. Parfois nous sommes tombés à côté et manifestement, ici, nous aurions dû avoir le ministère du Procureur général. C'est un aspect du problème : la Convention relative aux droits de l'enfant devrait être un sujet pour tous les ministères tellement sa couverture est large. Il a été très difficile de voir, de prime abord, comment chaque province traite la convention et les problèmes qu'elle soulève, et nous avons parfois tapé à côté au cours de cette tournée.

Donc, si nous avons posé un trop grand fardeau sur vos épaules, c'est parce que c'est le mieux que nous avons pu faire à ce stade. Pour souligner de nouveau, nous considérons que la convention devrait être un sujet de préoccupation pour tous les ministères ayant des politiques touchant les enfants — notre greffier vient de me rappeler que la convention va jusqu'à l'âge de 18 ans. Si vous lisez notre rapport, vous y trouverez quelques recommandations sur la façon dont le gouvernement fédéral, et par répercussion les gouvernements provinciaux, devraient intégrer la convention dans leur travail quotidien, et particulièrement au niveau de l'élaboration des politiques et des lois.

Vous n'êtes donc pas différents, en ce sens. Nous tous cherchons à voir comment concrétiser la convention. L'une des questions que nous ne vous avons pas posée, mais que vous pourrez peut-être répercuter à vos juristes et à d'autres, c'est que la convention a certes été signée par le gouvernement fédéral, mais après consultation des provinces, et l'exécution de la convention, en grande partie, relève de la compétence exclusive des provinces.

Nous cherchons à assurer que, dans l'avenir, la convention soit intégrée à notre droit canadien, qu'elle ne reste pas simplement un accord théorique prévoyant tous ces droits pour les enfants, mais que ces droits soient bien réels et pleinement exercés au Canada. C'est la volonté qui nous anime et nous voulons alerter tous les Canadiens à la nécessité de faire de la convention une réalité concrète pour nos jeunes gens au Canada. Vous pouvez être les propagateurs de ce message, afin que tout ne repose pas uniquement sur vos épaules.

Mais nous vous remercions de nous avoir fait part de vos expériences ici et nous espérons que vous lirez notre rapport. Si d'autres renseignements vous viennent à l'esprit dans les mois qui viennent qui pourraient nous être utiles pour notre étude et notre travail, n'hésitez pas à nous les communiquer. Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui vous entretenir avec nous.

Mme McCormack : Merci beaucoup. Nous sommes en train de réécrire notre législation et je vous promets que nous allons réfléchir à la façon d'intégrer cela. En outre, nous partons d'ici pour une réunion de notre Secrétariat des enfants, et nous inscrirons ce point à l'ordre du jour et aurons une discussion avec au moins six de nos ministères. Nous en avons neuf dans l'île. Nous avons neuf ministères et nous allons en couvrir six, et nous ne sommes donc pas loin du but.

La présidente : C'est une bonne couverture. Merci beaucoup.

Sénateurs, nous avons aujourd'hui un témoin spécial et inhabituel. Nous recevons l'honorable Elizabeth Hubley, sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard, qui va nous parler de la culture et des droits de l'enfant. Nous n'avons pas besoin de vous souhaiter la bienvenue à l'Î.-P.-É., c'est plutôt vous qui nous accueillez. Soyez la bienvenue au comité. Vous avez la parole et nous aurons ensuite quelques questions pour vous.

L'honorable Elizabeth Hubley, sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard, Sénat du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je souhaite, bien entendu, la bienvenue à vous tous. Je suis assise à une place inaccoutumée mais je suis heureuse de l'occasion de parler brièvement de culture. C'est évidemment un très vaste sujet. Je ne prétends pas être anthropologue ni gourou culturel mais j'aimerais parler néanmoins de ce que j'estime être les défis de la continuité et de la participation culturelle au sein de notre collectivité planétaire.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant constitue la déclaration la plus universellement acceptée des droits humains fondamentaux de toute l'histoire. Assise sur des systèmes juridiques et des traditions culturelles variées, elle fixe des normes et obligations non négociables pour tous les peuples.

Tels qu'ils sont énoncés dans la convention, les droits des enfants comprennent : le droit à la survie, à l'épanouissement maximal, à la protection contre les influences néfastes, les mauvais traitements et l'exploitation et à la pleine participation à la vie familiale, culturelle et sociale. Le préambule reconnaît l'importance des traditions et valeurs culturelles. Selon les mots de l'organisation internationale UNICEF : « Chaque droit énoncé dans la convention est inhérent à la dignité humaine et au développement harmonieux de l'enfant... »

L'article 4 appelle les États « à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits » reconnus dans la convention, tout en notant les ressources limitées disponibles dans certains pays.

Sans conteste, l'identité culturelle est une force essentielle dans notre vie. Les traditions culturelles et coutumes, tout comme la langue et les croyances religieuses, définissent qui nous sommes et nous devons embrasser notre diversité. Pour dire les choses simplement, je considère que chaque enfant a le droit d'être bercé dans son propre berceau culturel, d'entendre les histoires de son peuple, d'acquérir des coutumes et mœurs distinctives à transmettre d'une génération à l'autre; autrement dit, à être formé par la culture qui l'a précédé.

L'article 20 de la convention insiste sure cette « nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique ». Mais pour beaucoup, la continuité et la participation culturelles ne sont pas facilement assurées. Cela devient extrêmement difficile dans un pays rongé par la famine ou les maladies ou rendu instable par la violence civile et la guerre. De fait, le développement et la transmission culturelles exigent la stabilité sociale.

Lorsqu'un peuple est menacé et assiégé, les droits culturels cèdent forcément le pas aux besoins plus fondamentaux et à la survie. Comment peut-on calculer la perte et la destruction culturelle causées par l'épidémie de sida en Afrique centrale? Comment les enfants d'Iraq peuvent-ils surmonter culturellement les guerres qui ont dévasté une grande part de leur pays, donné lieu au pillage de leurs trésors naturels et anéanti leur système éducatif? Comment les survivants du génocide au Rwanda et au Darfour retrouvent-ils la fierté envers leur culture et leur patrimoine?

Ce sont des questions qu'il nous faut peser dans le fond de nos cœurs et si nous voulons véritablement affirmer les droits culturels des enfants alors, nous, la communauté internationale, devons tout d'abord les protéger, les nourrir et les abriter. Si nous sommes sérieux quant l'intérêt de la continuité culturelle, alors nous devons éviter les guerres qui détruisent la culture à ses racines même et dénient aux enfants tous les droits humains fondamentaux.

La deuxième observation que je ferai concerne l'isolationnisme culturel. Autant il faut promouvoir et célébrer la diversité culturelle partout dans le monde et chérir la riche tapisserie tissée de peuple en peuple, autant nous savons que la culture peut être une force négative lorsqu'elle se replie sur soi et s'isole. La culture la plus vivante est celle qui est sûre de son ancrage et de ses valeurs et ouverte sur le monde au-delà de ses confins. La culture la plus forte et la plus éclairée est celle qui se laisse influencer par les courants fluctuants de la migration et du commerce.

Il importe certes que nous préservions chacun notre culture distinctive, mais il est possible de le faire sans rejeter l'autre, sans fermer les portes et fenêtres au monde extérieur. L'article 17 de la convention encourage « la coopération internationale en vue de produire, d'échanger et de diffuser une information et du matériel provenant de différences sources culturelles, nationales et internationales... » Autrement dit, la convention reconnaît que l'isolationnisme culturel est stérile et que les enfants doivent avoir la possibilité de découvrir et de connaître des cultures autres que la leur.

Je souscris pleinement à cette approche. Ma propre province de l'Île-du-Prince-Édouard a toujours été une petite société ouverte sur le monde. Au XIXe siècle, les marins de l'île sillonnaient toutes les mers du monde. Aujourd'hui, nous accueillons des centaines de milliers de touristes chaque année et selon les paroles d'un chant populaire islois : « Par eux nous sommes enrichis, notre cercle en est élargi... » Nulle culture ne fleurit ou ne s'épanouit si elle n'est fécondée et influencée par d'autres cultures.

Mais si l'isolationnisme culturel est néfaste, une menace encore plus grande réside dans le raz-de-marée de la culture populaire de masse qui balaie le monde entier, affaiblissant les cultures indigènes et créant une sorte de soupe culturelle homogène consommée partout par un nombre croissant d'enfants. Nous vivons dans une communauté planétaire dont l'Internet et d'autres formes de communication de masse tissent les mailles de plus en plus serré. Les livres de J.K. Rowling, La guerre des étoiles, Shania Twain, le Hip-Hop américain, U2, Batman, la série télévisée Friends — la culture populaire occidentale est insidieuse. Grâce à la puissance commerciale des industries du spectacle et de l'édition, ces produits culturels jouissent d'un auditoire croissant et littéralement planétaire.

Des Grecs aux Espagnols et aux Britanniques, et maintenant aux Américains, tout au long de l'histoire y a-t-il eu des impérialistes culturels. La différence est qu'aujourd'hui la culture est transportée, non par des chemins de fer ou des navires à voile, mais par des paquets de données numériques se déplaçant à la vitesse de la lumière. En cette nouvelle ère électronique, les réalités rurales et urbaines se confondent. Les frontières géographiques s'effacent et il est très possible qu'à l'avenir nous partagions tous la même culture. Pour emprunter au vocabulaire scientifique, je crois que notre univers culturel se contracte au lieu de s'agrandir.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant est une bonne réalisation. Elle a été ratifiée par tous les pays sauf deux. La continuité et la participation culturelles sont des processus vitaux, mais comment assurer l'exercice des droits culturels? Comment faire en sorte que les enfants partout aient accès à leur propre histoire et à leur tradition culturelle indigène? Comment leur donnons-nous des possibilités d'expression artistique? Et qui est responsable de tout cela?

Premièrement, s'agissant de culture, je crois qu'une bonne offensive est la meilleure des défenses. Si une société possède les outils, les instruments et les ressources nécessaires, elle va préserver et fortifier sa culture propre. De fait, la meilleure façon de combattre ou contrebalancer la pléthore de la culture américaine de masse dont j'ai parlé consiste à réaliser ses propres films, éditer ses propres livres, développer son propre système audiovisuel. Nous avons fait cela au Canada. On peut débattre de l'efficacité des règles sur le contenu canadien, mais, en tant que nation, nous avons certainement encouragé et appuyé le développement culturel et y avons investi.

Le système éducatif, bien sûr, joue un rôle primordial dans l'apprentissage et la transmission de la culture. Je me souviens d'une annonce promotionnelle de la Fédération des enseignements de l'Île-du-Prince-Édouard, il y a quelques années, qui comparait le programme scolaire à une assiette de nourriture. Les mathématiques, les sciences et l'anglais étaient représentés comme la viande et les pommes de terre du repas, alors que les arts en étaient la garniture, le sel et le poivre. En tant que professeur de danse et artiste, je m'élève toujours contre ce genre de classement par ordre de priorité, cette hiérarchie de l'apprentissage, car je suis convaincue que les arts — la musique, la danse, le théâtre, l'écriture créative, la peinture — sont des matières fondamentales indispensables à notre épanouissement personnel. Et je crois aussi qu'il nous faut enseigner davantage d'histoire et de géographie canadiennes dans nos salles de classe et que les collectivités régionales, de l'Atlantique jusqu'au Pacifique et à l'Arctique, doivent apprendre à mieux se connaître les unes les autres.

Madame la présidente, la culture est le combustible de l'âme. Les droits culturels des enfants doivent être défendus et concrétisés partout dans le monde.

J'ai tenté de décrire avec ces quelques mots le monde nouveau dans lequel doit opérer la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'espère que ces observations et réflexions seront une contribution à vos délibérations et je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Poy : Elizabeth, il est réellement agréable de vous voir ici, chez vous.

Le sénateur Hubley : Merci.

Le sénateur Poy : Je suis d'accord avec nombre des choses que vous avez dites. J'ai une question sur cette phrase que vous avez eue : « Chaque enfant a le droit d'être bercé dans son propre berceau culturel ». Dans quelle mesure cela est-il vrai dansl'Île-du-Prince-Édouard pour vos enfants autochtones? Quelle est l'efficacité de votre système éducatif à cet égard?

Le sénateur Hubley : Je pense que nous faisons cela bien dans l'Île-du-Prince-Édouard. L'une des plus grosses communautés Mi'kmaq habite Lennox Island. Les jeunes sont scolarisés dans la réserve et font leur secondaire à la West Isle High School. À West Isle, on leur enseigne l'histoire des peuples autochtones; c'est l'une des matières. On y promeut également l'artisanat dans lequel ils excellent. La collectivité Mi'kmaq a une assez forte présence dans l'Île-du- Prince-Édouard. Elle est bien connue. Sa danse et sa musique sont représentées en beaucoup d'occasions et pas confinées uniquement dans les réserves; elles sont de toutes les fêtes. Nous avons un pow-wow dans l'Île-du-Prince- Édouard, un événement majeur pour lequel affluent les Mi'kmaq de toutes les Maritimes. Cela devient une manifestation populaireaujourd'hui, véritablement communautaire qui fait l'objet d'une grande promotion. Cela fait partie des spectacles estivaux del'Île-du-Prince-Édouard.

Il existe toujours des défis sur le plan éducatif et je suis sûre qu'il y a de meilleures façons de faire les choses, mais je crois que dans l'île, surtout pour ce qui est de la collectivité que j'ai décrite, nous nous débrouillons assez bien.

Le sénateur Poy : Forment-ils la majorité des Autochtones de l'île?

Le sénateur Hubley : Oui.

Le sénateur Poy : L'enseignement se fait-il dans leur propre langue?

Le sénateur Hubley : Non. Leur programme d'enseignement comprend la narration dans leur langue ancestrale.

Le sénateur Poy : Vous avez donc des anciens qui viennent raconter ces histoires?

Le sénateur Hubley : C'est juste. La participation des anciens à l'éducation est très importante. J'avais soulevé moi- même la question. La préservation de la langue se fait principalement par le milieu familial. Lorsque je leur ai demandé ce qu'il en était à l'école, ils m'ont dit qu'ils s'efforçaient de faire venir des anciens à l'école pour parler la langue, dans le cadre du programme éducatif.

Le sénateur Poy : Quel est le pourcentage des enfants autochtones, par rapport aux autres?

Le sénateur Hubley : Je crois que c'est de 3 à 5 p. 100. Ce n'est guère plus que cela.

Le sénateur Pearson : Merci beaucoup de votre merveilleux exposé. Vous avez abordé un grand nombre d'enjeux importants concernant le droit à la culture, le droit à l'expression artistique, et cetera. des enfants et ce sont là des considérations extrêmement utiles pour notre étude. J'ai aimé votre analogie avec le sel. J'entends par-là que je n'aimais pas cette description de l'art qui vous été présentée comme un luxe superflu, mais si vous remontez — je ne me souviens plus de la référence biblique exacte, mais on dit d'une chose qu'elle est le sel de la terre.

Le sénateur Hubley : Oui, le sel de la terre.

Le sénateur Pearson : J'aime penser que le droit à l'art et à la culture de l'enfant est comme son droit d'avoir du sel — comme vous le savez, les recherches montrent que la participation aux activités artistiques et culturelles est vitale pour le bon développement de l'enfant et vous en avez fait état. Les enfants ont besoin de possibilités de s'exprimer et de jouer et ils s'épanouissent lorsque c'est le cas. Vous le savez de par votre expérience directe. Par la participation et la création au moyen de toutes sortes de médias, notamment la technologie, les enfants sont exposés à des moyens autres de savoir et développent leur imagination, leurs idées, leur sens de l'observation et leur affectivité. Nous savons également, grâce aux recherches effectuées dans le cadre du programme Arts Smarts à McConnell, et cetera. que les bienfaits de l'activité créative tout au long de l'enfance englobent de meilleurs résultats scolaires, une meilleure santé, de meilleures aptitudes sociales et une plus grande faculté de raisonnement et une moindre propension à la criminalité. Donc, pour tous ceux d'entre nous qui s'intéressent aux droits des enfants, il est réellement important de multiplier les opportunités d'expression artistique.

Selon votre expérience, quelle recommandation notre comité pourrait-il formuler concernant le droit à la culture et l'expression artistique des enfants?

Le sénateur Hubley : Je ne sais pas si je pourrais le formuler, sinon pour souligner ce que j'ai déjà dit. J'aimerais vousraconter une exposition de peinture qui a été organisée dans l'Île-du-Prince-Édouard par Jim Baker, aujourd'hui décédé. C'était des œuvres d'enfants africains qui ont connu la guerre civile. C'était tellement parlant de voir ces images et comment ces jeunes exprimaient ce qu'ils vivaient à l'époque, et certains étaient de très, très jeunes enfants. La plupart des gens seraient effrayés de voir cela. Il n'y avait pas de papillons ni de fleurs, mais des fusils et du sang et des pleurs; les enfants, même s'ils ne peuvent exprimer par des mots ce qu'il leur arrive, le font avec beaucoup de détails grâce au dessin et à la couleur.

Mon autre crainte, en rapport avec l'importance de la culture, c'est que dans les pays en conflit, c'est ce conflit même qui devient la culture de la jeune génération. C'est cela qu'elle apprend. C'est cela qu'elle connaît. Remplacer cela par ce que nous considérons être leur histoire — les aliments qu'ils mangent, leurs danses, leurs chants, leurs musiques — il faut des générations pour réparer cela et toute cette génération sera privée.

C'est comme être sur une île déserte. D'abord il faut survivre, trouver de l'eau et de la nourriture. Ce n'est que plus tard que l'on peut commencer à exprimer ce qui est à l'intérieur de soi. Je ne sais pas trop comment on peut décorer un palmier, mais c'est ce que l'on sera porté à faire. C'est là où intervient la culture telle que nous la connaissons, la définissons.

La culture est réellement ce qui nous arrive depuis le moment où nous sommes nés. Si nous ne pouvons épargner aux enfants les misères qui accompagnent les conflits, alors je pense que nous créons un monde moins riche pour nous- mêmes. Je trouve important que la culture soit en place. Mais je ne sais pas comment le garantir. J'aimerais pouvoir dire que nous pouvons intervenir dans un pays, mais avant que nous reconstruisions le système éducatif et sanitaire, je ne suis pas certaine que les esprits soient ouverts à l'appréciation de leurs traditions et de leur culture. Et je pense que c'est là où réside le défi au niveau de ces droits de l'enfance.

Le sénateur Pearson : Cela me fait penser aux dessins des enfants de ce camp de concentration en Tchécoslovaquie qui ont fait le tour du monde et à l'opéra des enfants qui a été créé pour ce groupe et qui va être représenté prochainement en Saskatchewan. C'était la survie par l'art.

Le sénateur Hubley : Oui, par l'art.

Le sénateur Pearson : Il ne faut pas que cela soit oublié, comme une priorité moindre — je ne dis pas que la culture est prioritaire. Comme on dit, on ne peut vivre de chansons, mais la culture doit être l'accompagnement car sinon elle tend à être oubliée car les gens n'y pensent pas, obnubilés par les besoins de la survie immédiate. J'ai réellement apprécié vos remarques et je vous en remercie.

Le sénateur Hubley : L'autre remarque que je ferais, c'est que la culture peut vous soutenir dans les moments de grand désespoir. Dans les périodes qui sont décrites par ces petits dessins — ou ces grands dessins, c'est peut-être une chanson qui va vous apporter un peu de réconfort même si tout le reste dans le monde semble s'écrouler.

Le sénateur Pearson : Ou les poèmes que les prisonniers à l'ère soviétique se racontaient pour survivre des longues années en isolement.

Le sénateur Hubley : Nous écoutons ces histoires et nous disons combien elles sont merveilleuses il est vrai que dans beaucoup de régions du monde aujourd'hui la seule chose qui reste à ces gens c'est le souvenir de ces paroles, de ces écrits venus du passé. Mais les enfants n'ont pas cela. Ils ne connaissent pas encore cette histoire. Il faut se demander ce qui va porter cet esprit d'enfant pour qu'il s'intègre au monde futur? Je ne veux pas brosser un tableau trop noir, mais je pense qu'il faut remplacer leur culture très rapidement, leur restituer les meilleurs éléments. Merci.

Le sénateur Oliver : Sénateur Hubley, je tiens à vous remercier pour une excellente présentation. Vous avez dit un certain nombre de choses auxquelles je souscris pleinement et avez exprimé un certain nombre de préoccupations culturelles que je partage.

La raison pour laquelle nous sommes ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, aujourd'hui, c'est la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Vous en avez fait état et vous avez posé cette question : comment faire en sorte que les droits culturels soient pris en considération? Vous avez parlé des traditions culturelles et des droits de nombreux peuples différents du monde et le sénateur Poy vous a posé des questions sur un groupe de population particulier de l'île, les Autochtones.

J'aimerais vous parler de quelque chose que j'ai ludans les journaux sur la région Atlantique, plus particulièrement la Nouvelle-Écosse. Les journaux disaient qu'avec la pyramide des âges inversée et l'évolution démographique, pour que Terre-Neuve, l'Î.-P.-É., laNouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick continuent leur croissance, il faudra faire venir davantage d'immigrants car nous ne faisons plus assez d'enfants. Pour que nos économies puissent croître, nous allons devoir dépendre de l'immigration. Vous en avez d'ailleurs fait état dans votre texte et je cite : « La culture la plus forte et la plus éclairée est celle qui se laisse influencer par les courants fluctuants de l'immigration et du commerce »; c'est de cela que nous parlons, faire venir chez nous des gens d'ailleurs.

Les journaux de la région Atlantique, ne cessent pas non plus de déplorer que nous, le Canada atlantique, ne parvenons pas à fixer les immigrants qui arrivent dans la région, car ils veulent plutôt s'installer à Toronto et Vancouver et même Calgary. Si c'est le cas, comment allons-nous former nos enfants, conformément à la convention, aux traditions culturelles de ce monde sans frontières dont vous parlez? Comment le ferons-nous si nous ne parvenons pas à fixer ces nouveaux arrivants ici, dans la région Atlantique? C'est une longue question, pardonnez-moi.

Le sénateur Hubley : Je pense qu'il y a beaucoup de façons d'appréhender d'autres cultures. Dans l'Île-du-Prince- Édouard, nous avons reçu des immigrants du Liban, de la Chine et du Japon. Il y a du multiculturalisme dans l'Île-du- Prince-Édouard. Les humains tendent à être à l'aise avec ceux qui partagent les mêmes choses. L'immigration à grande échelle démontre que les nouveaux arrivants tendent à rechercher la familiarité de leurs semblables et trouvent cela dans les grands centres — et ne parlons même pas de nos hivers dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a aussi les perspectives économiques. Ce sont là des réalités. Il faut un emploi pour gagner de l'argent. Les raisons peuvent être nombreuses. Mais j'aime l'idée d'embrasser différentes cultures. Je sais que notre propre culture devient plus forte au contact d'une autre. D'une certaine façon, il y a intégration. Prenons ce qui est probablement une forme d'art réellement pure : l'une des formes d'art les plus pures que je connaisse, c'est le step dancing. Cette danse a été formée peut-être pendant la révolution industrielle en Europe, quand les gens portaient des sabots en bois pour résister sur les planchers froids des usines. Pour se distraire, ils commençaient, peut-être le vendredi après-midi, à taper avec leurs sabots de petits rythmes et cela se propageait — une personne commençait et une autre enchaînait avec un rythme un peu différent, et c'est ainsi qu'est né le step dancing il y a bien des années de cela.

Dans l'Île-du-Prince-Édouard, notre step dancing, en soi, témoigne d'une très forte influence écossaise car le step dancing écossais s'est singularisé du fait de l'isolement — comme l'étaient les Acadiens et les Irlandais. Et maintenant nous avons tout cela dans l'Île-du-Prince-Édouard et notre step dancing reflète toutes ces influences. Alors nous voyons, de temps en temps, avec la popularité du clogging, des petits pas de clogging se glisser dans les pas du step dancing. Nous avons même connu l'influence du charleston dans le step dancing. Mais on en revient toujours à l'original. On remonte toujours à l'original car la musique l'impose. C'est la musique qui exerce la discipline sur la danse et dans la mesure où la musique le permet vous pouvez glisser quelques petits pas autres dans le genre du step dancing, mais la musique gardera la danse aussi pure que possible.

Je ne sais pas trop où j'allais en parlant de cela, sinon pour dire que les influences vont et viennent, mais qu'elles ajouteront toujours des intérêts nouveaux à vos propres traditions. C'est toujours une addition plutôt qu'une soustraction. Un nouvel élément s'ajoute à votre tradition. Ce n'est pas une substitution, ce n'est pas que vous perdez vos propres valeurs. Mais parce que vous êtes né dans un terroir, celui-ci vous définit, que ce soit la prairie ou la montagne ou la mer ou la Nouvelle-Écosse ou la ville. Ce terroir vous définit également comme personne. Il a une grande influence sur ce que vous devenez et sur votre culture. Cela ne vous quitte jamais, c'est imprégné.

Le sénateur Oliver : Mais la préoccupation que je soulevais c'est le problème dont parlent beaucoup les médias ces derniers temps, soit le fait que les nouveaux immigrants arrivant dans la région Atlantique, particulièrement en provenance de l'Afrique, du Moyen-Orient, des pays musulmans, de la Chine, de la Thaïlande, des Philippines, ne restent pas mais partent plus loin — à Montréal, Toronto, Vancouver, et cetera. Si nos enfants de la région Atlantique ne sont pas exposés à l'influence de ces néo-Canadiens du Moyen-Orient et d'ailleurs, ne va-t-il pas leur manquer quelque chose de très important? Oui, ils peuvent toujours cliquer sur l'Internet pour apprendre ou bien aller au cinéma; mais il y a une grosse différence entre ces moyens électroniques et rencontrer quelqu'un et jouer avec et se raconter des histoires en personne. C'est cela qui me préoccupe. Est-ce qu'il ne va pas manquer quelque chose à nos enfants du Canada atlantique?

Le sénateur Hubley : Je pense que oui. Je pense que c'est là une expérience qu'ils n'auront pas et qui me paraît importante. Je ne sais pas comment résoudre ce problème. Je suis totalement d'accord avec vous, l'expérience de première main, personnelle, est absolument la meilleure façon de se familiariser avec une autre culture.

La présidente : J'ai parcouru votre texte pendant votre présentation et je l'ai relu depuis. J'aimerais que vous précisiez votre pensée sur plusieurs points. J'ai retenu la même phrase que le sénateur Oliver, page 3, sous la rubrique « Isolationnisme culturel ». Vous écrivez : « La culture la plus forte et la plus éclairée est celle qui se laisse influencer par les courants fluctuants de l'immigration et du commerce ». J'ai trouvé que c'est là une formulation intéressante. Puis, à la page 4, sous « Le danger de la culture de masse », vous signalez que « Des Grecs aux Espagnols et aux Britanniques, et maintenant aux Américains, il y a eu des impérialistes culturels tout au long de l'histoire ». Et vous concluez ensuite sous « Le danger de la culture de masse » : « Pour emprunter des termes scientifiques, je crois que notre univers culturel se contracte plutôt que de s'agrandir ».

Je vois une certaine contradiction dans ce que vous dites ici, et vous ouvrez là tout le débat qui fait rage et j'aimerais que vous précisiez votre pensée. Il existe une école de pensée, à l'Organisation mondiale du commerce, par exemple, qui veut que certains aspects de la culture soient réellement du commerce et il est avantageux pour nous de les commercialiser, de les diffuser. C'est l'un de nos outils de survie et une façon de projeter le visage du Canada. Vous avez mis Shania Twain sur la liste; on pourrait probablement y ajouter tout un tas d'autres, notamment l'Orchestre symphonique de Montréal, et cetera. dont nous tirons un avantage aussi bien commercial que culturel de par le rayonnement dans le monde.

Il existe une autre école de pensée, celle de l'UNESCO, où le Canada joue un autre rôle, qui consiste à essayer de donner un coup d'arrêt à ce que vous avez appelé l'impérialisme culturel. Quel est, à votre avis, l'influence la plus forte, puisque nous parlons ici d'enfants et non de libéralisation des échanges par opposition à la culture et sa protection. Nous parlons d'enfants. Vous terminez en disant que « L'univers culturel se contracte au lieu de s'agrandir ».

Les enfants vous diront que par leurs technologies, ils élaborent leur propre culture et qu'ils deviennent des citoyens réellement plus universels que nous ne l'avons jamais été, et que donc, de leur point de vue, ce n'est pas de l'impérialisme. C'est le reflet de l'enfant, des enfants qu'ils sont aujourd'hui, par opposition aux enfants que nous étions. Nous étions influencés par nos parents, par notre quartier, par notre école. Les jeunes aujourd'hui sont influencés par toutes sortes de forces venues du monde entier : certaines sont très positives, favorisant la création, et d'autres sont négatives car les enfants peuvent trouver sur l'Internet toutes sortes de choses qu'ils ne devraient pas voir.

Je vois donc là une certaine contradiction et vous voudrezpeut-être développer ce thème du commerce contre la culture. Dans quel camp vous situez-vous? Et, deuxièmement, est-ce que les enfants ne retirent pas un bénéfice des nouvelles technologies et de ce nouveau monde élargi dans lequel ils vivent?

Le sénateur Hubley : Il y a là beaucoup de questions.

La présidente : C'est vous qui les avez mises sur la table.

Le sénateur Hubley : Lorsque je parle de contraction par opposition à l'agrandissement, je parle de la diminution de la diversité des cultures qui existaient dans le monde, lorsque chaque nation avait la sienne. Il en existait un très, très grand nombre. Aujourd'hui, du fait que nous avons un système tellement universel qui permet de savoir ce qui se passe partout dans le monde, est-ce qu'il remplace ce qui aurait été créé auparavant? Est-ce que ce monde électronique dans lequel nous vivons est le mieux pour la culture? Et dans la négative — et c'est à nous de décider — que pouvons-nous faire pour renforcer la culture par d'autres moyens? Comment transmettre ce qui est important pour nous, comme peuple, à nos enfants? Il y a compétition, cela ne fait aucun doute. Le temps prouvera peut-être que c'était une évolution merveilleuse, ou bien au contraire que nous avons perdu quantité de traditions et cultures merveilleuses qui auront dépéri parce que les enfants sont accaparés par l'Internet et le bavardage en ligne.

Cela dit, pour en revenir aux expériences, j'ai l'impression que cette expérience aussi formera une part de la culture. Mais je dis une partie seulement. Je ne veux pas que cela devienne la plus grosse partie, mais cela sera un élément du monde tel que nous le connaîtrons dorénavant. C'est ce que nos enfants verront.

En un sens, je perçois une contraction de la culture en ce sens qu'elle sera en partie remplacée — cela ne fait aucun doute — au lieu de s'agrandir. Il y aura davantage de gens dans le monde faisant les mêmes choses, au lieu de gens faisant quantité de choses différentes, à cause de la faculté aujourd'hui de se brancher sur toute région du monde et de voir ce qui s'y passe, avec le caractère envahissant d'une culture donnée — les Shania Twain ou les U2. Cela crée sa propre dynamique dans le monde et c'est ce qui est le plus prévalent qui va façonner les sociétés. Je m'étonnais lorsque je regardais des émissions de télévision filmées dans des pays du tiers-monde, loin de nous : tout le monde portait des jeans et je me disais : « N'est-ce pas incroyable? Ils sont comme nos enfants, ils sont pareils ». Ils sont tous pareils parce que c'est ainsi qu'ils voient s'habiller les autres enfants, sans parler que lorsque nous leur envoyons des dons de vêtements, ce sont les nôtres qu'ils reçoivent. Une bonne partie de leur habillement vient de là. Les blue jeans sont maintenant universels, tout comme les casquettes de baseball; tout cela fait partie de la culture. C'est ainsi que le bon et le moins bon se propagent dans le monde.Peut-être pensons-nous que ce n'est pas important, mais c'est de la culture. Maintenant, on porte costume et cravate dans le monde entier. Ce n'était pas le cas jadis, mais il y a eu des influences qui ont façonné l'habillement — ce qui est approprié, ce qui est acceptable, ce que font les gens ailleurs. Maintenant, tout le monde porte costume et cravate.

La présidente : Souhaitiez-vous aborder les enjeux commerciaux?

Le sénateur Hubley : Eh bien, c'est vous qui l'avez fait. Je réitère ce que j'ai dit précédemment, à savoir que la culture est vivante. Elle va forcément être affectée par la migration, ce qui serait merveilleux, comme l'a fait ressortir le sénateur Oliver. C'est une expérience que nous devrions tous pouvoir faire.

Je trouve que très peu d'enfants voient la différence des cultures et la différence de... ils s'acceptent les uns les autres de manière très naturelle. Les préjugés sont appris et le fait pour les enfants d'être exposés à d'autres cultures est réellement important pour leur compréhension de qui ils sont, pour l'acceptation, pour la tolérance, pour toutes des choses positives associées à cela. Je pense que la migration en est un élément et le partage de sa culture aussi. Ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, la culture est un bien marchand. C'est ce que les gens viennent voir. Ils veulent voir Anne of Green Gables l'été. Nous envoyons Anne of Green Gables au Japon car c'est un pays qui a embrassé ce personnage, contrairement à toute attente. C'est là un partage de culture, mais l'autre chose au sujet de la culture, et là nous parlons des arts d'interprétation, c'est qu'elle suppose que la culture soit vivante dans les petites localités pour que la population ait l'occasion d'apprendre la culture, d'apprendre la musique traditionnelle. Cela doit commencer tout en bas. Le fait que nous puissions exporter ces biens culturels et en faire une utilisation marchande témoigne de la réussite d'une culture, en ce sens qu'elle circule dans tout le monde. C'est très intéressant, ce côté commercial. Lorsque nous échangeons des cultures, nous échangeons une des formes les plus pures car nous cherchons à définir par elle qui nous sommes comme peuple et à nous présenter sous notre meilleur éclairage, lorsque nous exposons notre culture en tournée dans le monde.

Je n'ai peut-être pas précisément répondu à votre question, madame la présidente, mais j'essaie très fort.

La présidente : Eh bien, il s'agit d'un domaine très difficile. Pendant que vous parliez des technologies, je me souviens lorsque — je suis assez vieille, et c'est cela qu'il y a de merveilleux du fait de siéger au Sénat, vous pouvez parler du bon vieux temps lorsqu'est apparue la télévision. Elvis Presley était choquant à la télévision et nos journaux étaient remplis d'avertissements du genre « Cela va détruire notre culture et transformer nos jeunes d'une façon dont nous ne voulons pas ». Puis il y a eu les Beatles, et cetera. Eh bien, je pense, savez-vous, que certains d'entre nous ont assez bien tourné.

Cela m'inquiète toujours lorsque nous jugeons l'influence qu'aura la nouvelle vague de jeans ou de salons de clavardage — est-ce parce que nous ne comprenons pas ces enfants dans la même perspective, étant donné que nous avons déjà vécu notre propre époque, rompant avec le reste? C'est à ce niveau-là que se situe le débat.

L'autre aspect concerne le fait d'être Canadien. Il y a des vagues d'immigration. Je suis issue d'une vague ukrainienne. Injecter la culture canadienne en tant que fait canadien légitime était chose difficile, alors nous avons tous adhéré à des groupes de danse. J'ai su que nous faisions partie du tissu canadien le jour où la meilleure danseuse de danse écossaise dans ma ville a été Betty Chan.

Le sénateur Hubley : Oui, exactement.

La présidente : Elle a gagné à cause de son excellence. Elle a conservé sa culture chinoise et elle était identifiée par rapport à cela, mais elle a embrassé une autre culture comme faisant partie de ce que c'est que d'être canadien — et j'ai dit « Oui, nous sommes sur la bonne voie ».

Le sénateur Hubley : Nous sommes sur la bonne voie. Absolument.

La présidente : Je pense qu'il y a de nombreuses couches et que vous avez tenté de nous les indiquer. Le sénateur Poy a une autre question.

Le sénateur Poy : J'aimerais poursuivre la discussion, mais nous allons la ramener au Canada. Vous parliez d'impérialisme culturel et de la façon de faire contrepoids au Canada par rapport à ce qui se passe avec la culture américaine, en d'autres termes l'effet de la culture américaine sur le Canada. Vous parlez de tourner nos propres films, de publier nos propres livres, et cetera, et d'avoir notre propre système de radiodiffusion. Ce que nous avons. Ce dont parlait notre présidente c'était de la culture canadienne. Pour moi, la culture canadienne est véritablement le multiculturalisme étant donné l'importante immigration dans ce pays. J'aimerais que vous me disiez si vous pensez que le gouvernement fédéral fait assez pour promouvoir la publication de livres écrits par des personnes issues de différentes régions du monde — mettons d'Asie et du Moyen-Orient — et qui sont Canadiens.

Je suis très active dans ce domaine. Vous avez des auteurs canadiens d'origine asiatique, ou des films tournés par des Canadiens asiatiques et portant sur le Canada et leur vécu dans ce pays. Le gouvernement fédéral fait-il assez pour promouvoir cela comme faisant partie de la culture canadienne? Car pour moi c'est de cela qu'il s'agit. C'est un mélange et, peu importe d'où vous venez, c'est cela le Canada. Nous parlons du Canada et de toutes nos expériences différentes. Que pensez-vous et comment amélioreriez-vous les choses?

Le sénateur Hubley : Y a-t-il suffisamment d'argent? Je ne le pense pas. L'on peut toujours faire plus de ce côté-là. Sénateur Poy, je pense qu'il y a un groupe de Canadiens asiatiques qui ont produit un film qui a abouti à Cannes cette année, si je ne m'abuse. Ils voulaient leur propre véhicule d'expression et c'est ainsi qu'ils s'y sont pris. Oui, nous pourrions faire beaucoup plus. Tout gouvernement, qu'il soit provincial ou municipal — nous tous pourrions faire plus pour nous promouvoir nous-mêmes et embrasser les arts. Ce que vous avez fait ressortir dans ce que vous avez dit c'est que parfois notre reconnaissance de qui nous sommes vient de notre participation à notre société multiculturelle.

Comme l'a mentionné la présidente, je pense que Betty Chan a été championne de danse écossaise. Il arrive souvent, je pense, qu'en tant que Canadiens nous puissions embrasser ces autres cultures, avancer et faire partie d'autres cultures et nous renseigner à leur sujet tout en demeurant qui nous sommes. Cela fait alors partie de nous; cela ne nous retranche rien. Je pense que c'est cela l'importance de la culture. Vous aviez une autre question, sénateur Poy?

Le sénateur Poy : J'aimerais connaître votre avis quant à la question de savoir si le gouvernement fédéral, par le biais du Conseil des Arts du Canada ou de la CBC, par exemple, fait assez pour promouvoir le multiculturalisme au Canada, car pour moi c'est de la culture canadienne lorsque vous lisez des livres écrits par des personnes d'origine japonaise ou chinoise qui sont nées ici et qui écrivent sur leur vécu canadien. Fait-on assez? De mon point de vue, les personnes qui siègent au conseil d'administration de ces sociétés d'État sont en vérité celles qui contrôlent la distribution des fonds et ce qui se fait pour promouvoir la « culture canadienne »; s'il n'y a pas un nombre suffisant de personnes originaires de différentes parties du monde qui siègent à ces conseils, alors cela ne viendra pas, fois après fois.

Le sénateur Hubley : Ainsi, si nous n'avons pas une représentation multiculturelle au sein des conseils d'administration, nous ne jouirons pas de ce que tel groupe pourrait nous livrer sur le plan de la culture?

Le sénateur Poy : C'est exact.

Le sénateur Hubley : Il me faut dire que je suis d'accord avec vous. Cela étant dit, et il semble que ce soit un domaine dont nous avons déterminé que nous pourrions l'améliorer, peut-être que votre rapport pourrait comporter une recommandation disant qu'afin d'appuyer, de développer et de valoriser notre culture canadienne, il nous faut veiller à ce que les éléments nécessaires soient à la table lorsque les décisions sont prises en matière de financement pour la culture. Cela se trouve en effet très définitivement reflété au sein de nos conseils, oui, tout à fait.

Le sénateur Poy : Les nominations aux conseils d'administration sont très importantes.

Le sénateur Hubley : Oui, je pense qu'il y a plus que nous pourrions faire.

Le sénateur Poy : Beaucoup plus.

Le sénateur Hubley : Oui.

Le sénateur Oliver : Je pense que le sénateur Poy doit être félicitée d'avoir soulevé un point extrêmement important.

Le sénateur Poy : Merci.

La présidente : Et je suis certaine que le sénateur Pearson soulèvera une question tout aussi importante.

Le sénateur Hubley : Je dirais peut-être que nous n'avons pas encore d'Anne aux pignons verts asiatique, alors en attendant que ce soit le cas, nous avons peut-être encore du chemin à faire.

Le sénateur Pearson : Nous parlons un petit peu de la même chose, car c'est le droit de tous les enfants au Canada, je pense, si nous parlons de la convention et de sa mise en œuvre par le Canada, de se sentir fiers de leur citoyenneté et de leur identité nationale, et vous avez toujours souligné cela, et il y a la question de savoir s'ils sont citoyens de naissance ou par choix. Vous avez mentionné la nécessité que l'on enseigne un petit plus l'histoire, la géographie et ainsi de suite; je suis d'accord avec vous. Je ne suis pas certaine que nous respections comme il se doit notre droit d'en savoir plus sur nous-mêmes et sur notre multiplicité. D'un autre côté, je suis extrêmement encouragée par les nombreuses et longues années passées ici, en écoutant le sénateur Andreychuk parler d'Elvis Presley. Je remonte encore plus loin qu'Elvis Presley. Lorsque je parle de Frank Sinatra, je parle du jeune Frank Sinatra. Je pense que toute ces doléances quant à la perte de notre culture canadienne sont très intéressantes, car à bien des égards nous avons divergé plus que je ne l'aurais pensé, sur les plans valeurs et culture canadiennes d'ensemble, par rapport à nos voisins américains. Je pense que c'est la richesse des êtres humains, de leur capacité; vous ne pouvez pas définir les gens en fonction des jeans qu'ils portent. Vous savez, c'est là une forme d'expression en surface. Il se passe d'autres choses et j'ai beaucoup apprécié votre discussion sur la culture, y englobant non seulement les arts mais également tout l'environnement qui nous entoure. C'est pourquoi il est si important que nous respections les droits des enfants, car ce que nous voulons créer c'est une culture de respect; c'est un autre aspect de la culture. Pour en revenir à la convention et aux idées qui sont enchâssées dans la convention, j'aimerais que vous disiez encore quelques mots au sujet de la culture de respect pour les enfants.

Le sénateur Hubley : Les enfants, comme tout être humain, savent lorsqu'ils sont respectés. Je ne devrais pas dire qu'ils le savent; je pense que le fait de présenter des choses aux enfants — éducation, soins de santé, un milieu sûr — leur donne les assurances qu'il leur faut pour avancer. Je ne pense pas qu'un enfant qui porte le fardeau de la maladie, de la pauvreté ou de la famine puisse avoir une attitude telle qu'il lui soit possible de se concentrer sur ce que nous considérons comme étant des questions culturelles. C'est cela qui devient leur culture. Si nous ne pouvons pas alléger ce fardeau, si nous ne pouvons pas libérer cet enfant afin qu'il puisse se développer et devenir — pour emprunter une vieille formule — « un membre de la société qui y participe », si nous ne présentons pas à l'enfant une culture nourrissante, alors c'est nous qui en souffrirons les conséquences. Il existe tant d'extrêmes dans ce monde. Nous regardons nos enfants canadiens et nous voyons à quel point nous sommes heureux et chanceux de vivre dans ce merveilleux Canada. Nous regardons les conditions qui existent dans d'autres parties du monde et nous nous disons, du côté négatif, que ce doit être terrible. Je pense que c'est une erreur. Je pense que c'est non seulement terrible, mais qu'il y ait une société qui lutte en permanence pour sa survie n'est pas une chose qu'il est sage qu'une communauté mondiale tolère.

Pour revenir un petit peu en arrière, vous avez mentionné notre géographie et notre histoire. Absolument, il nous faut nous renseigner également au sujet de nous-mêmes. Nous nous sommes toujours enorgueillis de ce que nous en savions plus sur notre pays que nos amis du Sud n'en savaient sur le leur, et de ce que nous étions mieux renseignés sur leur pays — je pense que nous vivons dans une société mondiale. Cela étant, il nous faut en tant que peuple nous placer; il nous faut ressentir une appartenance à cette société mondiale ainsi qu'à notre société canadienne et à nos communautés, et cetera.

Le terme « respect » est tel qu'une fois que vous l'avez appris, vous le partagez. Si vous traitez les enfants avec respect, alors je pense que vous pourrez vous attendre à ce qu'ils soient également traités avec respect dans le reste du monde. Mais si nous ne respectons pas les enfants et si nous ne les engageons pas — demander aux enfants de cinq ans de nous livrer leurs meilleures idées serait peut-être un défi, mais cela en fait partie. Ils apprennent; ils se voient livrer tellement d'information, tellement vite, ces jours-ci, par nos médias, nos foyers et nos communautés. Il y a tellement d'informations à la disposition des enfants ces jours-ci qu'il nous faut veiller à ce qu'on leur donne les meilleures informations. Je pense qu'il nous faut également être protecteur en ce qui concerne ces informations. Il nous faut avoir l'œil sur les informations qui sont fournies.

La présidente : Merci, sénateur, de votre présentation.Vous avez conclu avec, comme note finale, que la convention est vraiment là pour les enfants. L'estime de soi est un élément très important dans le développement d'une personne, pour quecelle-ci contribue à la société, et c'est dans ce contexte-là que la convention a établi ce droit de l'enfant de participer pleinement à la vie familiale, culturelle et sociale. Si un enfant se voit reconnaître le droit à une certaine famille, quelle qu'en soit la définition, à une certaine culture et à une certaine sensibilité, quelles qu'en soient les définitions, et à une certaine vie sociale, ce qui veut dire la capacité de croître, alors je pense que sa propre estime de soi croîtra et qu'il saura faire partie d'une communauté qui contribuera.

Ces termes sont très généraux, ils sont très difficiles, et je vous remercie donc de vous être efforcée de les cerner. Ce que nous voulons faire c'est encourager les gouvernements à commencer à se pencher sur ces questions, non pas comme étant des questions d'adultes mais comme des questions qui doivent être posées dès le premier jour pour les enfants dans notre société; et nous autres adultes devons nous pencher sur les enfants et sur leur perspective. Si nous faisons les bonnes choses avec les enfants dès le départ, alors ils seront en mesure de s'attaquer à certains des problèmes qui pointent déjà à l'horizon.

Sur une note personnelle, je tiens à vous remercier d'avoir inclus les enfants du Darfour et d'autres régions du monde. Ces enfants ne se voient pas reconnaître le droit fondamental à la vie, et tout le reste découle de là, alors je pense qu'il nous faut nous rappeler du contexte mondial de la convention, et vous avez également souligné cela.

La séance est levée.


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