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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 18 - Témoignages du 15 juin 2005 - Séance de l'après-midi


CHARLOTTETOWN, le mercredi 15 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 13 h 10, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue. La séance de cet après-midi va commencer. Nous constituons le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a pour mandat d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants, et en particulier, les obligations émanant de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Notre premier témoin cet après-midi est Jamie Gallant, présidente et chef du Native Council of Prince Edward Island. Elle est accompagnée de Paula Thomas, directrice générale des Finances.

Vous avez la parole.

Mme Jamie Gallant, présidente et chef, Native Council of Prince Edward Island : Bonjour. Avant de commencer, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à Abegweit et au territoire traditionnel de la nation Mi'kmaq. Je remercie le comité sénatorial d'avoir accepté de m'écouter aujourd'hui.

Je m'appelle Jamie Gallant, je suis présidente et chef du Native Council of Prince Edward Island. Cette organisation provinciale est affiliée au Congrès des Peuples Autochtones, qui est une des cinq organisations autochtones nationales. Ces organisations représentent les Autochtones à l'échelle nationale et provinciale, et elles représentent les Indiens hors réserve, les Métis, les Indiens inscrits et non inscrits et les autres Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves établies par la Loi sur les Indiens et les communautés nordiques.

À l'Île-du-Prince-Édouard aujourd'hui, il y a environ 382 Indiens, si l'on en croit le recensement de 2001, qui vivent sur les quatre réserves de l'île; environ 960 Autochtones ne vivent pas sur les réserves et ne sont pas nécessairement de notre île ou des réserves de l'île. Dans la ville de Charlottetown, il y a environ 735 personnes qui s'identifient comme étant Autochtones.

Le dernier rapport du Canada aux Nations Unies emploie indifféremment les termes « Autochtones » et « Premières nations » partout, passant souvent de l'un à l'autre terme dans le même paragraphe. À notre avis, on embrouille ainsi la question de la représentation des Autochtones partout au Canada qui comprend tous les groupes indigènes, peu importe la définition juridique. Les « Premières nations » regroupent les personnes qui répondent à la définition juridique d'« Indiens », qui leur a été imposée par la Loi sur les Indiens et désignent les personnes qui habitent dans les réserves. Comme on ne m'accorde que très peu de temps, je vais me contenter de lire mon mémoire sans entrer dans ces détails.

Dans le dernier rapport du Canada aux Nations Unies, je vois que sous la rubrique « Programmes et services fédéraux », la majorité des informations renvoie aux « Autochtones », alors qu'en réalité ces programmes et services visent davantage les Indiens vivant dans les réserves, ceux qu'on appelle maintenant les « Premières nations ». On donne ainsi au lecteur la fausse impression que les Canadiens autochtones profitent tous des programmes fédéraux, alors qu'en réalité les enfants indiens vivant dans les réserves reçoivent des services très différents de ceux auxquels ont droit les autres enfants canadiens; les enfants en milieu urbain et les enfants hors réserve, qu'ils vivent dans des localités rurales ou non, se trouvent encore plus marginalisés par cette anomalie.

Patrimoine canadien soutient très activement les activités de notre organisation et mérite nos félicitations pour cela.

Même si l'article 44 dit que le rapport sera transmis aux divers paliers de gouvernement et aux organisations non gouvernementales, à ma connaissance, ni le Native Council ni le Congrès des Peuples Autochtones n'ont reçu le rapport du Canada, et personne ne nous a dit où l'on pouvait obtenir ce rapport.

A l'article 6, sur le droit à la vie, la survie et le développement, je réponds que les programmes visant à atténuer les effets dupost-colonialisme sur les sociétés autochtones n'a pas diminué le taux de suicide chez les jeunes Autochtones, qui est de cinq fois la moyenne nationale. Même si l'Île-du-Prince-Édouard est une toute petite province, nos communautés sont très unies. Il y a un an, un jeune membre d'Abegweit, l'une des Premières nations, s'est suicidé, et cela a créé une réaction en chaîne parmi nos jeunes. De plus en plus de membres de notre communauté tentent de se suicider, qu'ils vivent dans les réserves ou hors réserve, et cela marque profondément nos jeunes, nos enfants et nos familles.

En ce qui concerne l'article 8, la préservation de l'identité, où l'on parle des accords d'autonomie gouvernementale conclu avec les Autochtones, ces accords ne sont accessibles qu'aux citoyens des Premières nations. Ils ne donnent pas aux Autochtones compétence en matière de procédure civile relativement à la Loi sur le divorce. Le système actuel nuit aux cultures autochtones du fait que le soutien communautaire aux enfants est affaibli par la mentalité antagoniste qui résulte des procès intentés devant le tribunal de la famille. Les enfants sont objectivés au sein d'un groupe déjà marginalisé, ce qui compromet davantage les promesses fiduciaires du Canada en vertu des traités, et essentiellement, le Canada se soustrait à ses responsabilités envers les enfants autochtones. La socialisation culturelle se perd lorsqu'on refuse aux grands-parents l'accès à leurs petits-enfants dans le cadre des accords relatifs à la garde d'enfants. Les enfants perdent contact avec leur famille élargie.

Le rapport parle du programme d'aide aux enfants autochtones, et je réponds encore à cela que ce programme s'adresse aux citoyens des Premières nations. Les travailleurs sociaux dans le système ne comprennent rien aux cultures autochtones, ce qui nuit à nos enfants.

L'article 17, l'accès à l'information voulue et les besoins linguistiques, parle du Rescol. Le Rescol est un programme qui s'adresse encore aux enfants des Premières nations et n'est pas accessible aux enfants autochtones qui vivent hors réserve.

Nous nous sommes également penchés sur les programmes linguistiques autochtones, qui sont mis en œuvre par l'Assemblée des Premières Nations, normalement dans les réserves des Premières nations. Les enfants hors réserve et les enfants autochtones en milieu urbain risquent davantage de perdre leur langue parce qu'ils n'ont pas ce lien avec la culture que ces programmes assurent.

Seules les Premières nations ayant conclu un accord d'autonomie gouvernementale peuvent avoir leur propre droit de la famille et des services de garde alternatifs.

J'ai tiré ces informations du rapport sur la réponse du Canada, donc si je vous ai perdus, je m'en excuse.

Quand j'ai lu ce qu'on a dit sur l'adoption, à l'article 21, je constate qu'encore une fois, seules les Premières nations ayant un accord d'autonomie gouvernementale peuvent avoir compétence en matière de droit de la famille et d'adoption. D'après ce que je comprends, ces possibilités ne sont pas offertes aux communautés hors réserve.

En ce qui concerne l'article 19, qui traite de la violence, de la négligence et de la santé et du bien-être essentiel, encore une fois, seules les Premières nations peuvent gérer la conception et la prestation des services et programmes de santé et de bien-être.

En ce qui concerne la santé et les services de santé, articles 6 et 24, le Native Council de l'Île-du-Prince-Édouard envisage en ce moment la création d'un programme d'aide préscolaire aux Autochtones pour les enfants autochtones en milieu urbain. Il en existait un ici, je crois, il y a une vingtaine d'années. J'ignore ce qui est advenu de ce programme, mais on nous dit que nous n'avons pas assez d'enfants ici pour ça à l'Île-du-Prince-Édouard. Cela est discriminatoire à l'égard de nos enfants parce que nous avons autant de monde chez nous qu'au centre-ville de Toronto. Nos enfants ont quand même besoin de ces programmes et services pour pouvoir exceller et établir un lien avec leur culture et leurs communautés.

Nous constatons l'écart qu'il y a entre les indicateurs pour la santé des enfants autochtones et ceux de l'ensemble des enfants canadiens. Nous applaudissons à ces initiatives fédérales que sont la Stratégie nationale sur le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcool sur le fœtus, le Programme national de lutte contre l'usage abusif d'alcool et des drogues chez les Autochtones, le PNLAADA, et la Stratégie sur le diabète chez les Autochtones. Nous administrons le Programme national de lutte contre l'usage abusif d'alcool et de drogues chez les Autochtones et la Stratégie sur le diabète chez les Autochtones pour les personnes hors réserve de notre province.

Le transfert des installations de santé et des programmes de santé communautaires et des ressources qui les accompagnent ne profitent qu'aux Premières nations. Nous encourageons les initiatives relatives à la recherche sur la santé des Autochtones, et nous sommes en ce moment à la recherche de moyens qui nous permettraient de faire plus de recherches nous-mêmes.

L'aide fédérale que reçoivent les Premières nations pour assumer la responsabilité de leurs services de santé ne s'applique pas aux communautés autochtones hors réserve. En ce moment, nos gens reçoivent les services disponibles sur place, et certains de ces services qui s'adressent aux Premières nations sont pas assurés hors réserve, et encore là, cela crée des problèmes dans certains cas, dans certaines familles.

En ce qui concerne la sécurité sociale, la garde d'enfants et les installations, soit les articles 26 et 18, à ma connaissance, le Native Council de l'Île-du-Prince-Édouard ne profite pas des cadres qui guident et mettent en œuvre les initiatives de réinvestissement de la prestation nationale pour enfants étant donné, encore une fois, que celles-ci ne s'adressent qu'aux réserves.

Niveau de vie, article 27 : le Native Council of P.E.I. apprécie le Programme de logement de la S.C.H.L pour les ruraux et les Autochtones; cependant, ce programme ne pourra pas produire le nombre d'unités de logement requis. Le Programme d'aide à la remise en état des logements propriétaires-occupants, ou PAREL, a un volet Premières nations, tout particulièrement.

C'est essentiellement dans les réserves qu'on trouve des logements pour femmes monoparentales et les ménages autochtones. Il n'y a aucune mesures de protection suffisantes pour les femmes monoparentales qui perdent leur logement dans la réserve, étant donné que les conflits de juridiction ne nous permettent pas de contrer ces violations des droits de la personne. Les droits fonciers matrimoniaux constituent le principal problème pour les femmes autochtones qui sont obligées de quitter la réserve par suite de ce genre de décisions que prennent le chef et le conseil sans se préoccuper du sort fait à ces femmes et à leurs enfants. On marginalise ainsi davantage les femmes et les enfants autochtones du fait qu'on les oblige à vivre hors réserve dans des milieux urbains où les programmes et services fédéraux que j'ai mentionnés ne sont plus accessibles.

C'est en fait ce qui s'est produit ici à l'Île-du-Prince-Édouard, où le chef et le conseil ont décidé de bannir une monoparentale de la réserve en raison de circonstances que je ne connais pas. Cette personne a ensuite été obligée de confier ses enfants à l'aide à l'enfance parce qu'elle n'avait aucun soutien là où elle était.

En ce qui concerne l'article 34, exploitation et violence sexuelles, nous sommes d'avis que les professionnels chargés de l'aide aux enfants autochtones n'ont pas la formation interculturelle voulue pour s'occuper avec compétence d'eux. Le cas récent du juge Ramsay qui agressait sexuellement de jeunes prostituées autochtones en Colombie-Britannique est des plus alarmants. Il est résulté de cette affaire que quelques membres de la GRC font aussi en ce moment l'objet d'une enquête.

L'Association canadienne des centres contre le viol s'est interrogée sur la prévalence de la tolérance. De nombreuses femmes autochtones au Canada ont été assassinées et un grand nombre d'autres femmes ont disparu sans que ces affaires aient été élucidées. Parmi elles, il y a aussi de jeunes femmes autochtones. Le fait qu'elles aboutissent dans la rue et la toxicomanie résulte peut-être de certains effets du post colonialisme. Notre organisation applaudit la campagne Sœurs d'esprit de l'Association des femmes autochtones. Nous sommes convaincues que c'est un projet de valeur.

Au sujet des programmes et services provinciaux, le Native Council est très reconnaissant au gouvernement provincial de l'assistance financière qu'il nous accorde dans de nombreux domaines, notamment le développement économique. Nous avons un accord tripartite avec le gouvernement, et il nous aide aussi dans la mise en œuvre de notre programme de lutte contre la drogue et l'alcool.

Le dernier rapport du Canada disait que l'Île-du-Prince-Édouard était financée par l'entremise du Fonds d'initiatives jeunesse et qu'on avait mis en œuvre ici un programme appelé « Help Every Aboriginal Learn », ou HEAL, auquel s'ajoutait un atelier adolescentes-mères qui traitait de la condition parentale.

D'après ce que nous en savons, les Autochtones hors réserve et vivant en milieu urbain reçoivent plus d'avantages et de programmes de la province, et ne profitent pas autant du financement fédéral accordé aux Premières nations et aux conseils tribaux. Le Native Council of P.E.I. serait favorable à un nouveau transfert fiscal à la province si celui-ci incorporait des services et des programmes s'adressant aux Autochtones vivant hors réserve.

En conclusion, je tiens à vous remercier d'avoir accepté d'entendre notre groupe ici aujourd'hui, et je vais répondre à vos questions.

Le président : Le Native Council de l'I.P.E. est une organisation hors réserve, mais comprend-elle les personnes qui pourraient avoir droit au statut d'Indien? Ou est-ce qu'elle regroupe tous les Autochtones qui n'ont pas de statut dans la réserve? Je viens de l'Ouest, et chaque province est différente.

Mme Gallant : Le Native Council de l'Île-du-Prince-Édouard regroupe des Autochtones. Moi-même je ne suis pas inscrite. Mon père est un Indien inscrit de la réserve de Lennox Island, à Lennox Island, dans la partie ouest de l'île. Nous regroupons des gens inscrits de l'une des réserves de l'île ou ailleurs au Canada. Nous avons des membres qui sont Cris, Saulteaux et ojibwés. Nous regroupons diverses nations ainsi que des personnes provenant des communautés Métis de l'ouest du pays. Notre organisation est hétérogène. Paula est une Indienne inscrite de Lennox Island.

Le sénateur Pearson : Merci beaucoup de votre exposé et merci d'avoir pris au sérieux le défi qui consiste à répondre à la convention, qui constituait en fait le cadre de vos remarques. Je crois que cela illustre bien l'utilité de la convention en tant que moyen de mettre les problèmes en lumière. Je crois que vous avez suscité, dans mon esprit du moins, des questions qui sont très utiles.

Je tenais à dire en premier lieu que j'ai retenu votre commentaire à propos de la définition de « Autochtone » et de « Première nation », parce que vous avez parfaitement raison : le terme « Première nation » est issu de la Loi sur les Indiens. On nous a déjà dit, au Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones, que nous devons repenser à la signification de ce terme, au lieu d'en faire un terme générique; et si on l'utilise, il faut expliquer chaque fois la façon dont on l'utilise.

Je suis donc heureuse que vous ayez attiré notre attention de nouveau sur cette question. Cela illustre le problème constant, particulièrement dans une petite province comme l'Île-du-Prince-Édouard, qui consiste à savoir qui a juridiction sur quoi. Comme les enfants autochtones passent d'un milieu à un autre, c'est comme s'ils devaient assumer eux-mêmes les responsabilités fiduciaires fédérales, et c'est comme si chacun changeait de définition en déménageant d'un endroit à un autre. C'est pourtant le même enfant, avec les mêmes antécédents. Telle est l'opinion que nous avons exprimée dans notre étude sur les jeunes Autochtones en milieu urbain : à savoir, que ce n'est pas l'endroit qui doit vous définir. Vous pouvez vous définirvous-même par d'autres façons, et ainsi vous devriez pouvoir conserver les privilèges, ou les responsabilités fédérales, partout où on va et ensuite définir cela dans des accords avec les provinces d'une manière qui soit équitable.

Je crois que vous avez parlé ensuite de cette injustice qui fait que certains enfants reçoivent plus ou moins de services selon l'endroit où ils vivent et selon l'autorité qui est responsable d'eux. Cela peut parfois favoriser l'enfant qui vit dans la réserve; et parfois le défavoriser. C'est la même chose pour les enfants autochtones hors réserve. Je crois que c'est une question que le Comité des droits de l'enfant nous a signalée à deux reprises en ce qui concerne les enfants autochtones, c'est donc une question à laquelle notre gouvernement n'a pas encore répondu, je vous remercie donc de l'avoir posée.

J'ai la certitude que vous devez connaître Cindy Blackstock de la First Nations Child and Family Caring Society of Canada. Elle et son groupe sont en train de formuler des observations émanant d'une journée d'étude sur les enfants autochtones qui a eu lieu il y a deux ans, et qui était basée sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle était présente lorsque le Canada a adressé son mémoire au Comité des droits de l'enfant. C'était une journée qui était consacrée aux questions concernant les enfants autochtones.

Je tenais à vous le faire savoir parce que c'est à mon avis une initiative à laquelle vous pourriez contribuer un jour. Nous ne nous penchons pas seulement sur les droits des enfants autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard mais essentiellement du monde entier, et il faudrait plus de cohérence dans la façon dont on définit ces enfants. Je crois que c'est une Autochtone de la Colombie-Britannique qui a fait un bon travail en ce qui concerne ces problèmes. Je crois que le Comité des droits de l'enfant a été saisi de cette question problème, et vous allez en entendre parler; je vais m'assurer que vous soyez tous rejoints.

En dernier lieu, je tenais à dire que l'une des choses que nous découvrons dans le cadre de notre enquête, c'est qu'on ne fait pas un effort suffisant, loin de là, pour communiquer les rapports, les résultats et les conclusions du Comité des droits de l'enfant. Ces informations n'ont pas été communiquées à des organisations autochtones comme le Congrès des peuples autochtones ou l'Assemblée des Premières nations ou les autres. Parmi nos recommandations, nous allons peut-être envisager un plan de communication, pour s'assurer que le gouvernement informe les divers groupes de ce qui se passe, si nous voulons faire un bon usage de la convention. Votre commentaire a été très utile.

Je ne sais que Ethel Blondin-Andrew et moi-même avons fait un effort pour distribuer à toutes les Premières nations une affiche portant sur la Convention relative aux droits de l'enfant, et en ce cas-ci, aux Premières nations par définition. Nous avons obtenu diverses réactions. Certaines en ont pris connaissance avec intérêt et d'autres non. Mais il s'agissait d'un effort ponctuel. Il faut un effort plus soutenu parce que je crois sincèrement que ces questions ont trait aux droits des enfants et que la convention est un très bon outil qui aidera nos jeunes.

Je ne sais pas si vous voulez commenter ce que je viens de vous dire, ou si vous voulez obtenir davantage d'information ou nous en communiquer davantage.

Mme Gallant : Oui. En réponse à votre première remarque concernant les Premières nations et les définitions qu'on emploie, d'après nous comme organisation et comme communauté, je crois que tout enfant devrait avoir accès aux programmes et services, peu importe son lieu de résidence et la catégorie à laquelle il appartient. C'est ce à quoi nous voulons en venir lorsque nous parlons des divers groupes d'Autochtones et des catégories qui ont été créées. En ma qualité de personne non-inscrite, même si je suis Autochtone, je n'ai pas accès, ni mes enfants non plus, aux programmes et services auxquels ont droit les enfants autochtones inscrits. Notre organisation et notre communauté jugent que cela n'est pas équitable et nuit au développement de nos enfants. Nous voulons que tous les enfants excellent, peu importe leur lieu de résidence ou leur catégorie.

Le sénateur Poy : Merci beaucoup de votre exposé, madame Gallant. Vous avez très bien expliqué la différence entre les Autochtones inscrits et non-inscrits. Est-ce que les Autochtones non-inscrits sont ceux qui ne vivent pas dans les réserves?

Mme Gallant : Non, pas nécessairement. Les Autochtones inscrits sont ceux qui peuvent s'inscrire dans le registre en vertu de la Loi sur les Indiens du gouvernement fédéral. La mère de mon père était une indienne inscrite et elle lui a transmis ce statut. Ma mère à moi n'est pas Autochtone. Lorsque mon père et ma mère se sont mariés, je n'ai pas pu me faire inscrire à cause de la définition de la Loi sur les Indiens. C'est le guide qui nous identifie, nous, Autochtones.

Vous n'êtes pas obligé d'être Autochtone pour vivredans une réserve. Un certain nombre de personnesentrent dans des relations culturelles mixtes, donc vous pourriez avoir une famille autochtone où la mère n'est pas Autochtone, ou alors c'est le père qui n'est pas Autochtone; mais leurs enfants auraient quand même le droit d'être inscrits selon leparagraphe 6(1) ou 6(2) de la Loi sur les Indiens. Il y a diverses catégories; c'est à ne pas s'y retrouver.

Le sénateur Poy : Autrement dit, le statut de votre père ne vous a pas été transmis?

Mme Gallant : Non.

Le sénateur Poy : Avez-vous le statut de votre mère?

Mme Gallant : Je n'ai le statut de personne. Je n'ai aucun statut. Je suis sans statut. Je vais demander à Paula de vous donner un peu plus d'explications étant donné qu'elle indienne inscrite et qu'elle peut probablement mieux vous renseigner.

Mme Paula Thomas, directrice générale des Finances, Native Council of Prince Edward Island : Je suis indienne inscrite, ce qui veut dire que mes deux parents étaient membres en règle d'une réserve. Ils m'ont transmis leur statut, ce qui fait de moi une Indienne inscrite en vertu du paragraphe 6(1).

Le sénateur Poy : Quand vous dites « 6(1) », est-ce seulement un chiffre?

Mme Thomas : C'est une catégorie de la loi sur les Indiens.

Le père de mon fils n'est pas Autochtone, donc mon fils appartient à la catégorie du paragraphe 6(2). Cela veut dire qu'il ne peut pas transmettre son statut; même s'il a tous les droits et privilèges d'un Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens, il ne peut pas les transmettre.

Le sénateur Poy : Je vois.

Mme Thomas : En ma qualité d'Indienne inscrite en vertu du paragraphe 6(1), moi je le peux.

Le sénateur Poy : Donc quand vous dites que vous êtes Autochtone, cela n'a rien à voir avec la quantité de sang autochtone qui coule dans vos veines?

Mme Thomas : Non.

Le sénateur Poy : Je suis sûr que les autres sénateurs ont compris cela. Mais je ne peux pas dire que c'est mon cas. Vous dites qu'il y a une très grande différence au niveau des avantages entre les Autochtones qui vivent dans les réserves et ceux qui n'y habitent pas. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

Mme Gallant : Bien sûr. J'imagine que je ne parlerais pas d'« avantages sociaux »; je parlerais plutôt des programmes et des services qu'on offre. Les programmes et les services pour les communautés autochtones sont mis sur pied en fonction des Premières nations ou des personnes habitant dans les réserves. Le programme d'aide préscolaire aux enfants autochtones devient automatiquement un programme s'adressant à une réserve, et il est très difficile pour les communautés autochtones hors réserve d'avoir accès au financement qui nous permettrait d'administrer des programmes comme celui-là, pour aider soit les enfants, les jeunes, les adultes ou n'importe qui d'autre.

L'un de nos gros problèmes, c'est la santé. Dans une réserve, vous avez accès à un service de santé qui est situé en plein dans la réserve. Si vous ne vivez pas dans la réserve et que vous êtes un Indien inscrit ou non inscrit, peu importe, vous êtes alors obligé de vous rendre dans une clinique publique sans rendez-vous. Un tel lieu n'est pas aussi sensible à votre culture que l'est une clinique de santé située sur une réserve. Les divers programmes qui sont mis sur pied s'adressent davantage aux personnes vivant dans les réserves qu'à celles qui n'y habitent pas; par exemple, l'Initiative sur la participation des Autochtones au marché du travail. Je pourrais sûrement vous en dresser toute une liste.

Le sénateur Poy : Même pour l'éducation?

Mme Gallant : Oui. L'éducation postsecondaire passepar les Premières nations, ce qui veut donc dire que si je vis dans la réserve et que je veuille aller à l'université del'Île-du-Prince-Édouard, je fais ma demande et je deviens tout de suite une priorité. Cependant, si je suis une Indienne inscrite mais que je n'habite pas dans cette réserve et que je veux suivre le même cours à l'université que la personne qui vit dans la réserve, c'est autre chose : nous en avons fait l'expérience, les personnes inscrites mais hors réserve sont placées plus ou moins sur une liste d'attente. Une fois qu'on a servi tous ceux qui sont sur la réserve, les requérants hors réserve ont leur tour. C'est administré par les Premières nations, donc les Autochtones qui décident de ne pas vivre dans ces réserves sont désavantagés lorsqu'il s'agit d'avoir accès à ce programme.

Bon nombre des programmes qui s'adressent aux Premières nations ne desservent que les membres de ces communautés. Cependant, il y a des programmes où les membres de la bande qui ont quitté la bande peuvent quand même avoir accès à ces programmes ou services.

Le sénateur Poy : Le Native Council of l'I.P.E est-il au service de tous ceux qui habitent dans les réserves ou hors réserve, ou seulement de ceux hors réserve?

Mme Gallant : Nous travaillons en fait avec ceux qui sont hors réserve. Nous avons un certain nombre de membres qui ont quitté leur réserve et qui se sont installés à Charlottetown, ou à Summerside, ou peu importe où. Nous travaillons avec tous les Autochtones, et nous faisons valoir les intérêts des personnes hors réserve.

Le sénateur Oliver : Nous nous intéressons à la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'ai vos statistiques sur le nombre d'Autochtones ici, et j'aimerais en faire une petite analyse. Par exemple, les chiffres que vous nous avez donnés sont basés sur les statistiques de 2001, il y a donc aujourd'hui probablement environ 400 Indiens qui vivent dans les quatre réserves, environ 960 qui sont hors réserve, et dans la région de Charlottetown, il y a probablement 735 personnes qui s'identifient comme Autochtone. Combien d'entre eux ont entre 1 et 18 ans?

Mme Gallant : Je ne peux pas vous donner de réponse définitive, mais je dirais que c'est au moins 50 p. 100.

Le sénateur Oliver : Est-ce que le nombre d'enfants dans les réserves augmente ou diminue?

Mme Gallant : Je crois que le nombre d'Autochtones augmente, en règle générale. Je dirais que le nombre d'enfants nés dans des familles dans des réserves augmente, mais ensuite, ces familles quittent la réserve très peu de temps après la naissance de l'enfant.

Le sénateur Oliver : Pourquoi?

Mme Thomas : J'ai grandi dans une réserve. J'y ai passé la majorité de ma vie, mais je l'ai quittée pour poursuivre mes études. J'ai en fait été très surprise de voir comment la vie était différente hors réserve et j'ai très rapidement constaté que je voulais élever mes enfants hors réserve, à cause de la très grande fréquence d'agressions sexuelles, de toxicomanie, d'alcoolisme et en fait du nombre limité de possibilités qu'il y aurait pour moi ou pour mon enfant. Nombre de décisions faites dans une réserve des Premières nations sont unilatérales et sont vraiment axées sur la famille — dans ma réserve en tous les cas — donc beaucoup de familles croient que de meilleures occasions se présenteront si elles partent.

Le sénateur Oliver : J'apprécie énormément votre réponse; c'est justement la question que je voulais aborder. Une fois au courant du nombre d'enfants, dans les réserves et hors réserve, je voulais entamer une discussion portant sur les droits, les privilèges et la violence envers les enfants, afin de savoir si vous pouvez me dire si on enfreint ces droits. Quel genre de choses voudriez-vous dire à ce comité sénatorial qui étudie la question, et quelle sorte de mesures correctives aimeriez-vous voir pour contrer la violation des droits d'enfants autochtones?

Mme Thomas : Personnellement, je crois qu'il faut éduquer la population, surtout dans les réserves; on ne peut tenir cachés de sombres secrets, faire semblant que cela n'existe pas en espérant que la chose disparaisse.

Le sénateur Oliver : Vous parlez d'agressions sexuelles?

Mme Thomas : Tous les abus. Beaucoup de personnes diraient tout simplement, « Eh bien, mon oncle est adonné à la boisson. » Il n'en parle pas, et tous ses problèmes restent dans la réserve. C'est ce genre de choses qui prolongent le cycle de toute cette violence.

Le sénateur Oliver : Jamie, voulez-vous dire quelque chose?

Mme Gallant : Nous n'avons que deux collectivités, mais les deux que nous avons à l'Île-du-Prince-Édouard sont dans les réserves et sont très retirées. Elles sont loin des villes ou villages ou même d'un magasin. Personnellement, je n'ai jamais connu la vie dans une réserve. J'ai vécu dans une très petite communauté, une très petite ville. Mais la vie dans une réserve, si j'ai bien compris, est très isolée et tout le monde sait ce qui se passe. Il y a beaucoup d'abus et ils sont fondés sur la dépendance envers l'alcool, la drogue ou les médicaments — peu importe la cause. Je ne dis pas que cela se produit uniquement dans les réserves, parce que ce n'est pas le cas, mais que cela augmente et que ça commence à nuire aux enfants de ces collectivités. En tant que parent, si je devais vivre dans une réserve et que mes enfants devaient grandir avec ce style de vie, il est certain que je voudrais déménager pour le bien-être de mes enfants. C'est à partir de cette réalité que je vois la tendance de personnes qui quittent les pour déménager dans des communautés urbaines ou rurales. C'est ce que je comprends de ces réalités.

Le sénateur Oliver : Puis-je vous poser la question suivante alors, vu ce que vous avez dit tous les deux de la vie dans les réserves des jeunes d'un an à 18 ans? Là où il y a eu bien des cas de mauvais traitements, beaucoup à cause de la toxicomanie et d'alcoolisme, d'exploitation sexuelle, et cetera, aimeriez-vous faire une recommandation au comité concernant ce qu'on pourrait faire pour retirer ces enfants des réserves le plus tôt possible pour les intégrer dans la communauté? Est-ce que vous iriez jusque là ou est-ce une solution viable?

Mme Gallant : Je crois que c'est quelque chose qui nous est arrivé il y a très longtemps, quand on a retiré nos enfants de notre communauté pour les envoyer dans des pensionnats, et je vous cite ce cas simplement à titre d'exemple. Quand on enlève un enfant de la communauté, il perd le sens de la culture et le sentiment d'appartenance. Je crois qu'il faut fournir plus d'appui à ces enfants et à leurs familles dans les réserves.

Le sénateur Oliver : Les recours que vous préconiseriez seraient des mesures qui s'appliqueraient dans les réserves, tandis que Paula a dit qu'elle serait heureuse de déménager ailleurs.

Mme Gallant : Je crois que souvent, il existe beaucoup d'appui dans les réserves, mais je ne crois pas qu'on en profite pleinement. Je dirais qu'une fois que ces personnes décident que le temps est venu d'abandonner ce style de vie, elles seront à la recherche des mêmes formes de soutien une fois qu'elles auront déménagé à Summerside ou à Charlottetown. Je ne dis absolument pas qu'on devrait supprimer les services offerts actuellement à la communauté dans les réserves, mais qu'on devrait offrir plus de programmes et de services, afin que les gens aient cet appuihors- réserve quand ils finissent par décider qu'ils ne veulent plus vivre de cette façon. À ce moment-là, il ne s'agit pas de décider s'ils veulent vivre dans la réserve pour obtenir ce soutien. Ils auraient le choix. Très souvent, ils n'ont plus d'aide dès qu'ils décident de partir.

Parfois c'est une décision de vie ou de mort. Prenons le cas d'une femme qui vit avec un homme violent, qui est peut- être toxicomane ou alcoolique ou n'importe quoi d'autre, et elle doit partir pour sa propre sécurité et la sécurité de ses enfants; ce que nous disons c'est qu'on doit lui fournir les mêmes services à l'extérieur de la réserve.

Le sénateur Oliver : Paula, êtes-vous d'accord?

Mme Thomas : Tout à fait.

Le président : Dans votre mémoire, concernant le niveau de vie, à l'article 27, vous dites que « les droits de biens matrimoniaux sont une question importante pour les femmes autochtones qui sont obligées de quitter la réserve à cause de décisions prises par le chef et le conseil sans la prise en compte des femmes et de leurs enfants ». Vous devez savoir que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a recommandé que le gouvernement prenne des mesures immédiates en vue d'appliquer la Charte canadienne des droits et des libertés, ce qui est à la disposition de tous les Canadiens, des femmes autochtones dans les réserves dans ces circonstances particulières. Malheureusement, le gouvernement n'a pas agi en ce sens et nous avons dû déposer un deuxième rapport demandant, en effet, que le gouvernement y apporte une solution immédiatement. Nous attendons actuellement pour voir si le ministre et la Chambre des communes passeront aux actes.

Je pense que vous avez bien identifié la question, avec raison. C'est entre le gouvernement fédéral, qui a une responsabilité fiduciaire, et les chefs et les conseils qui ont également une responsabilité envers leur communauté. En conséquence, nous avons de la difficulté à faire appliquer la Charte canadienne des droits et des libertés. La Convention relative aux droits de l'enfant reconnaît les droits des enfants et les droits des familles des enfants.

Croyez-vous que les chefs et les conseils soient au courant de leurs obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant? Est-ce qu'une recommandation de la part du comité, voulant que le gouvernement fédéral commence à diffuser de l'information immédiatement à l'échelle du Canada, dans la communauté autochtone, sur les droits des enfants et des familles en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, aiderait à susciter le genre d'action nécessaire dans les réserves?

Mme Gallant : D'abord, j'aimerais vous féliciter de faire cette recommandation et ensuite d'exiger qu'ils y donnent suite. Premièrement, je voudrais vous remercier.

En ce qui concerne les chefs et les conseils, à savoir s'ils comprennent leurs obligations selon la Charte canadienne des droits et des libertés et les droits des enfants, je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à la question, parce que je n'ai jamais vécu dans une réserve ni connu une telle situation. Je dirais que ce n'est pas une question qui revêt autant que d'autres une importance primordiale quand on est le dirigeant d'une communauté.

Le président : Vous qui êtes la plus jeune des élus ici, et je vous en félicite, vous êtes-vous déjà servi de la Convention relative aux droits de l'enfant dans le cadre de négociations avec les autorités provinciales ou fédérales ou même comme outil de sensibilisation auprès de vos propres citoyens?

Mme Gallant : Je peux vous dire très franchement que nous ne nous en sommes jamais servi dans le cadre de négociations. Comme je suis en poste que depuis peu, environ six mois seulement, je peux vous affirmer que notre administration n'en a pas encore tiré profit, mais je pense qu'on devrait s'en servir car il faut accroître le degré de sensibilisation chez les membres de notre collectivité. À cet égard, nous avons déjà organisé des séances de sensibilisation sur les droits des enfants. Ces ateliers n'avaient pas pour fondement la convention mais reposaient plutôt sur les constatations des experts locaux, mais il est clair qu'au sein de notre organisation nous allons nous intéresser à cette idée pour faire avancer les choses.

Le président : Je me souviens d'une époque où l'on ne parlait pas des Autochtones citadins. On considérait que ces personnes étaient presque des citoyens des Premières nations et malheureusement, c'était un problème de financement entre les gouvernements fédéral et provinciaux. On ne s'intéressait pas aux personnes mais plutôt au financement et aux autorités qui en étaient responsables. Ce n'est que depuis 20 ans environ qu'on s'est vraiment rendu compte qu'il y a beaucoup d'Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Ensuite, avec l'avènement de la Charte des droits et libertés, nous avons reconnu que les Métis faisaient partie des populations autochtones et avons commencé à faire face à la réalité des Autochtones citadins.

À votre avis, quels sont les problèmes clés auxquels font face les Autochtones citadins par rapport aux populations autochtones en général? Cela rejoint les questions au sujet des droits,et au sujet de l'intégration ou de l'assimilation et de toutes les discussions que nous avons eues portant sur la façon d'établir des rapports équitables entre Autochtones et non-Authochtones. Quel est le plus grave problème qui confronte les Autochtones citadins. On nous a dit que dans les communautés nordiques, l'isolation était responsable des suicides et de la toxicomanie chez les adolescents ainsi que le manque de ressources et d'éducation. Quel est le plus grand défi que doivent relever les Autochtones citadins dans l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme Gallant : Un des grands problèmes, c'est la définition de notre identité. C'est une lutte quotidienne. Les gouvernements provinciaux et fédéral ainsi que les organisations autochtones nous imposent leur définition.

Dans ma province, on ne parle pas de la question de la représentation des populations autochtones. D'habitude, c'est un sujet dont on préfère ne pas parler. Ce n'est pas vrai dans mon cas, mais c'est l'opinion qui prévaut. Il est clair que les programmes et les services destinés aux populations autochtones manquent de ressources. Il existe un obstacle en ce qui concerne nos communautés qui découle, je pense, des luttes politiques qui opposent les Autochtones vivant dans les réserves et à l'extérieur des réserves, c'est-à-dire quel groupe d'Indiens réussit à obtenir du financement. C'es triste, mais c'est comme ça que ça se passe dans notre province. En raison de notre petite taille et parce que je suis si jeune, on parle librement de ce genre de choses. Voilà donc certains des défis, dont on ne parle pas en général.

Lorsque les Autochtones quittent la réserve, leur vie change du tout au tout, comme l'a dit Paula, ce qui fait que nous devons faire beaucoup de travail avec les particuliers. Nous savons qu'il y a eu des personnes qui se sont installées à Charlottetown et qui y ont trouvé la vie étourdissante. Les Autochtones ont du mal à adopter leur nouveau style de vie et souffrent du manque de sensibilité culturelle lors de la transition d'un environnement à l'autre.

Nous sommes également victimes de discrimination, de discrimination grave. J'ai pour ma part été victime de discrimination parce que physiquement je ne ressemble pas à une Indienne. Les populations autochtones de l'Île-du- Prince-Édouard font face à toute une série de défis. Je dois tout de même féliciter le gouvernement provincial d'avoir si bien travaillé avec notre organisation jusqu'à maintenant. Nous avons été bien épaulés. En tant que particuliers, on peut soutenir une organisation, mais il est beaucoup plus difficile de venir en aide aux personnes qui ne font pas partie d'une organisation. Il nous reste beaucoup de chemin à parcourir pour que les Autochtones se sentent bien dans leur peau.

Le sénateur Pearson : Jamie, vous êtes un exemple de la valeur de la participation des jeunes. Comme vous le savez, un des principes de la convention, en fait le principe fondamental, c'est la participation des jeunes. Mes rapports avec les populations autochtones m'ont appris que le véritable défi c'est de permettre aux jeunes d'avoir voix au chapitre pour qu'ils puissent influencer ce qui se passe au sein de leur collectivité. Je le mentionne parce que non seulement vous êtes encore jeune, mais vous avez dit avoir pris conscience de la réalité à l'âge de 16 ans. Et il y a aussi le fait que vous êtes toutes les deux des femmes.

Que pensez-vous que nous devrions formuler comme recommandations au chapitre de la participation des jeunes Autochtones et de l'importance de cette participation? Nous aimerions que vous confirmiez nos intuitions.

Mm Gallant : Il est impérieux que l'on prête une oreille attentive aux propos des jeunes. Je suis jeune, c'est vrai, mais j'ai déjà vécu beaucoup plus de choses que je n'aurais jamais imaginées, donc il est clair que les jeunes, grâce à constatations et leurs histoires, peuvent influencer positivement les discussions et des démarches comme celles-ci. Si vous voulez vraiment faire participer les jeunes, il faut les accepter tels qu'ils sont et avoir une véritable conversation. Je pense qu'il y en a beaucoup qui sont découragés parce qu'on ne traite pas vraiment de la réalité. Et pourtant c'est ce dont il faut parler quand on discute avec les jeunes, surtout les jeunes Autochtones, qui vous raconteront leurs histoires. Ils veulent tout simplement être sûrs qu'on les écoutera et que ce sera dans le but de faire quelque chose.

Dans beaucoup de cas, on donne des emplois à nos jeunes pour la forme, mais à quoi ça les avancent-ils? Il y a tant de jeunes Autochtones dynamiques et confiants qui sont prêts à tout. Il s'agit simplement de les faire participer véritablement et pas pour la forme, comme ça a été le cas pour moi. Je suis convaincue que l'opinion et la sagesse des jeunes sera utile à ce comité comme à d'autres dans l'avenir.

Le sénateur Pearson : Dans le cadre de la structure des Premières nations au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le processus d'élection d'un chef et d'un conseila-t-il dissuadé les jeunes de participer ou n'a-t-il eu aucune influence?

Mme Gallant : Je suis désolée de ne pas pouvoir répondre à votre question. Peut-être Paula pourra-t-elle y répondre.

Le sénateur Pearson : Le modèle d'élection d'un chef et d'un conseil émane de la Loi sur les Indiens et a été imposé. Comme c'est un mécanisme qui a été imposé, les jeunes semblent avoir du mal à participer à la gouvernance des réserves.

Mme Thomas : Les jeunes qui habitent dans les réserves n'ont pas vraiment l'occasion de se faire entendre, mais depuis que j'ai quitté ma communauté je traite avec le conseil autochtone del'Île-du-Prince-Édouard qui est géré par un conseil d'administration ainsi qu'un conseil d'administration composé de jeunes qui ont le droit de vote et qui aident à prendre des décisions. Je pense que les jeunes participent beaucoup plus et de façon beaucoup plus active et passionnée quand on traite de questions qui les interpellent, car ils savent qu'ils ont alors voix au chapitre.

Dans les réserves, les jeunes ont des fonctions. En général, ils disent aux gens ce qu'ils veulent entendre en déjeunant ou en faisant ce qu'ils ont à faire, puis ils rentrent chez eux sans repenser à ce qu'ils ont fait pendant la journée. Je sais que quand moi j'étais jeune je ne pensais jamais à la politique parce que personne ne s'y intéressait.

Le sénateur Poy : Madame Gallant, vous êtes chef. Êtes-vous chef de bande?

Mme Gallant : Non.

Le sénateur Poy : Vous représentez le Conseil des peuples autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme Gallant : Oui, je suis présidente et chef du Conseil des peuples autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard qui est un regroupement de peuples autochtones issus de diverses Premières nations c'est-à-dire de personnes qui viennent des quatre coins du pays, qui se sont installées dans l'Île-du-Prince-Édouard et qui veulent qu'une organisation défende leurs intérêts, leur vie et leurs familles. C'est à ce moment-là que ces personnes deviennent membres du Conseil des peuples autochtones, qui défend leurs intérêts.

Le sénateur Poy : Faut-il devenir membre de votre conseil ou est-ce automatique?

Mme Gallant : Lorsqu'on défend les intérêts des membres du Conseil des peuples autochtones de l'Île-du-Prince- Édouard, c'est vraiment des membres qu'il s'agit. Par contre, pour ce qui est des programmes et des services que nous offrons, toute personne autochtone y a accès, qu'elle soit membre du conseil ou non, parce que nous sommes convaincus que cela ne devrait pas servir de critère pour déterminer qui aurait accès à des services qui sont accessibles à tous les Autochtones en vertu de leur qualité d'Autochone.

Le sénateur Poy : Y a-t-il beaucoup de jeunes qui siègent au Conseil des peuples autochtones de l'I.P.E?

Mme Gallant : Oui, beaucoup.

Le sénateur Poy : Sont-ils actifs?

Mme Gallant : Ils sont très actifs. Comme l'a dit Paula, nous avons un conseil provincial qui ne regroupe que des jeunes. La structure même de notre organisation permet aux jeunes d'avoir voix au chapitre et leur donne un organe décisionnel. Notre conseil regroupe deux représentants de chacun des trois comtés de la province. L'assemblée générale annuelle des jeunes leur permet de se retrouver, comme dans notre organisation, et de formuler des recommandations qui sont données à notre conseil et aux membres de la communauté. Nous nous assurons également que les jeunes participent à notre assemblée générale annuelle en leur donnant l'occasion de participer aux discussions et d'orienter les activités des 12 prochains mois de notre organisation, ce qui nous permet de nous assurer que nous répondons à leurs besoins ainsi qu'à ceux de l'ensemble de la communauté. Les jeunes sont très présents et très actifs, vous pouvez me croire sur parole.

Le sénateur Poy : Paula disait que les jeunes qui habitent dans les réserves n'ont pas voix au chapitre. La concurrence doit être féroce entre les chefs et les conseils des réserves et votre organisation parce que je suppose qu'il y a des jeunes qui voudraient quitter leur structure actuelle pour se joindre à votre organisation. Est-ce le cas?

Mme Gallant : Je suis convaincue que nous avons tous des choix à faire. Nous sommes tous libres de choisir où nous voulons vivre dans cette province ou ailleurs au pays. Donc ce ne sont pas vraiment des arguments que nous avons avancés. C'est vrai qu'on a pu dire « Vous recevez de l'argent pour ces personnes selon des critères de structure ou autres, et nous serions heureux que vous nous donniez votre appui ». Mais nous n'avons jamais voulu discuter de l'endroit où vivent les gens. Pour nous, c'est plutôt une question de représentation.

Le sénateur Poy : Je parle du leadership. Y a-t-il des conflits avec les leaders des réserves? Est-ce qu'ils essaient de vous retirer du financement, par exemple?

Mme Gallant : Nous ne recevons pas de financement. Quand on travaille en politique et quand on vit dans un environnement politisé, il y a toujours des conflits. Les Autochtones grandissent dans une société politisée, c'est aussi simple que ça. Les conflits qui peuvent exister entre les deux collectivités portent plutôt sur la représentation que sur des divergences d'opinions entre leaders. Il peut y avoir des désaccords au sujet de programmes, mais au bout du compte quand il s'agit de prendre une décision au sujet d'une personne, c'est là qu'on adopte une approche plus civilisée et qu'on se met à discuter. Nous défendons tous nos propres intérêts. Quand il y a des désaccords, nous avons nos propres caractéristiques et défendons nos intérêts mais, nous avons tous le même objectif. C'est comme cela que je conçois la chose.

Le sénateur Poy : Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Je pense que nous avons pris plus de temps que prévu. Merci d'être venus et d'avoir parlé si franchement de la situation dans l'Île-du-Prince-Édouard.Vous êtes de bons défenseurs de votre cause et décrivez les relations dont vous avez parlé de façon diplomatique. Je pense que l'Île-du-Prince-Édouard, votre organisation et les enfants de la province sont entre de bonnes mains.

Nous espérons que vous allez continuer à vous intéresser à la Convention relative aux droits de l'enfant et à définir les rôles que vous pouvez jouer à titre de leaders de vos communautés pour faire valoir les droits qu'ont les enfants en vertu de cette convention. Nous espérons que vous trouverez dans notre rapport des suggestions qui vous seront utiles.

Merci de votre témoignage. Sachez que notre étude est loin d'être terminée, et par conséquent si vous avez autre chose à ajouter, n'hésitez pas à nous contacter.

Mme Brenda Goodine, experte-conseil en petite enfance, Association pour le développement de la petite enfance del'Île- du-Prince-Édouard : Sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole au nom de l'Association pour le développement de la petite enfance. L'étude que mène votre comité afin de faire valoir les droits des enfants au Canada et ailleurs tombe à point nommé. En effet, les 10 dernières années ont été très intéressantes pour ceux qui s'occupent de l'éducation des jeunes enfants dans le cadre du système de la petite enfance.

C'est grâce aux efforts du gouvernement fédéral en matière d'affectation de ressources et de conception de programmes que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ont pu créer de nouveaux services et de nouveaux mécanismes de soutien destinés aux jeunes enfants de la province. Dans l'île, nous avons constaté que les enfants et les familles ont maintenant accès aux services et aux structures de soutien dont ils ont tant besoin, notamment les programmes de ressources destinées aux familles et le système de garderies financées par le Trésor public.

Le projet de recherche Comprendre la petite enfance comprend des informations utiles qui aident le processus de prise de décisions ainsi que la planification qui permettent à nos enfants d'être parmi ceux qui sont les mieux préparés à affronter les défis du système scolaire public.

À bien des égards, nous pouvons être fiers des progrès réalisés. Les partenariats ainsi que les relations de travail entre les trois paliers de gouvernement et les groupes communautaires qui défendent les intérêts des jeunes enfants ont été renforcés. Par contre, on peut se demander si tous les enfants dans l'île jouissent véritablement de leurs droits. Les recherches menées dans ce domaine démontrent que les soins et les programmes scolaires destinés aux jeunes enfants de grande qualité permettent à tous les enfants de s'épanouir, peu importe leur condition sociale ou économique.

Même si l'Île-du-Prince-Édouard connaît un des plus hauts taux de disponibilité de places en garderie certifiée, il n'y a que 4 000 de ces places par tranche de 10 000 enfants environ. Or plus de 80 p. 100 des mères dont les enfants ont moins de six ans travaillent. En raison de la conjoncture sociale et économique, les familles ont besoin de gagner deux revenus, si possible, afin de jouir de la qualité de vie de base auxquels nous nous attendons au Canada. C'est dans ce contexte que l'importance et le rôle de soins et de programmes scolaires destinés aux enfants en bas âge de grande qualité se clarifie. Les programmes scolaires de la petite enfance ainsi que les garderies constituent un réseau de soutien critique pour les familles qui veulent que leurs enfants bénéficient de soins adéquats ainsi que d'une bonne éducation pour pouvoir s'épanouir pleinement.

Comment fait-on pour déterminer la qualité d'un système ou d'un programme de garderies ou d'apprentissage? Nous savons que les compétences et la formation des éducateurs qui travaillent auprès de jeunes enfants ont un impact direct sur la qualité des programmes qui sont dispensés. Ensuite, le type d'environnement et de ressources qui sont à la portée des enfants pour qu'ils puissent jouer pour apprendre est un autre indice. De plus, l'engagement et l'aide fournis par les autres partenaires et intervenants influent sur la qualité.

Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons un groupe de 400 éducateurs dévoués; par contre les conditions de travail actuelles n'incitent pas les gens à se former au niveau postsecondaire. Au cours des trois dernières années, on a élaboré un partenariat innovateur avec la SRDC (la Corporation de recherche sociale et de démonstration), par le biais des programmes de formation à l'emploi qui a permis aux éducateurs de la petite enfance ayant au moins trois années d'expérience dans le domaine, de décrocher un diplôme de soins et d'éducation chez les enfants en bas âge. En dépit de ce programme, il y a toujours beaucoup de personnes qui travaillent sans avoir été formées.

Les salaires et les conditions de travail sont toujours des obstacles et n'aident certainement pas les éducateurs travaillant auprès de jeunes enfants à offrir des service de qualité. Un grand nombre de personnes travaillant dans le secteur de la petite enfance, qu'elles aient été formées ou non, doivent avoir deux emplois pour jouir d'une qualité de vie comme celle à laquelle on peut s'attendre au Canada. Quand les adultes qui prennent soin de nos enfants ont du mal à subvenir à leurs propres besoins et à maintenir leur qualité de vie, ça ne peut qu'entraver leur capacité de répondre aux besoins de nos enfants, en matière de garde et d'apprentissage. Cela a un impact sur la qualité des programmes destinés aux enfants et, par ricochet, sur les droits des enfants à des services de garderie et d'éducation de grande qualité. On ne peut pas dire que nous avons un réseau d'éducateurs de la petite enfance bien formés, et ceux qui le sont sont dépassés par les conditions de travail. Les éducateurs les mieux formés quittent toujours le secteur pour aller chercher du travail ailleurs.

Il faut absolument qu'on crée un mécanisme qui permette de recruter et de soutenir les éducateurs de la petite enfance talentueux et compétents afin d'assurer la prestation des programmes de grande qualité. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent continuer à collaborer pour faire avancer la professionnalisation des éducateurs de la petite enfance en établissant des normes de qualité professionnelle et des mécanismes d'accréditation et bien sûr en affectant les ressources financières suffisantes pour assurer des salaires décents.

Les intervenants et les communautés ont fait preuve de créativité et d'imagination, notamment au niveau des programmes, afin d'assurer un environnement le plus propice à l'apprentissage que possible. Dans le cadre du programme MIKE, qui vise à mesurer et à améliorer l'environnement des enfants, j'ai eu l'occasion de voir comment fonctionne un grand nombre de programmes accrédités à temps plein de garde et d'éducation de la petite enfance ainsi que des programmes indépendants destinés aux enfants d'âge scolaire. Grâce au programme MIKE, les éducateurs ont pu évaluer leur environnement, identifier leurs points forts et les obstacles et continuer à travailler quotidiennement à l'amélioration de la qualité. Par contre, la créativité et la débrouillardise ne pourront pas à elles seules assurer un environnement de qualité pour l'ensemble des enfants. Il n'y a que peu d'installations qui ont été construites selon des principes architecturaux universels permettant l'inclusion de tous les enfants. Les règlements et les lois permettent de subvenir aux besoins de base en matière de santé et de sécurité des enfants mais ne permettent pas d'assurer des normes de qualité suffisantes pour assurer l'épanouissement des enfants.

Les droits des enfants ne sont pas suffisamment pris en compte dans le cadre du développement économique de nos communautés, grandes comme petites. Je suis d'avis qu'il nous faut des lois et des lignes directrices pour obliger les municipalités et les promoteurs municipaux à respecter les droits des enfants. Par exemple, ils pourraient assumer une part de la responsabilité de l'épanouissement des enfants ou encore aider les familles en créant des espaces verts dans les nouvelles communautés — qui pourraient être des centres de jeux et de découvertes au lieu d'être des parcs traditionnels — et construire des installations conçues spécialement pour certaines activités dont pourraient être en partie responsables les communautés.

D'après les recherches qui ont été menées dans ce domaine, on sait que la qualité dépend du niveau de formation des éducateurs de la petite enfance et d'un environnement dans lequel se trouvent les enfants. D'après l'étude de l'OCDE, nous ne faisons pas partie des pays qui affectent le plus gros pourcentage de leur PIB à leurs enfants. En effet, nous affectons 2,6 p. 100 de notre PIB au système d'éducation publique pour les enfants de 6 à 18 ans et 0,22 p. 100 aux enfants d'âge préscolaire. Le manque de ressources financières a un impact direct sur la qualité du système de la petite enfance offert par les communautés et les provinces.

L'Accord sur l'apprentissage et la garde des jeunesenfants nous permettra de renforcer notre système mais il ne pourra garantir le respect des droits de l'ensemble des enfants vivant dans l'île. Les niveaux de financement, déterminés en vertu des lignes directrices de l'Entente-cadre sur l'union sociale, sont déterminés en fonction du nombre d'habitants, ce qui veut dire que l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas suffisamment d'argent pour augmenter l'accessibilité et la disponibilité, répondre aux préoccupations en matière de qualité et créer un système robuste d'apprentissage et de garde pour les enfants en bas âge. En matière d'affectation des ressources, il faudrait utiliser une formule équitable pour qu'un minimum de ressources soient disponibles, peu importe où vivent les enfants.

Peut-être qu'un jour quand notre nation réconciliera le droit à gagner sa vie et les droits des enfants, et viendra véritablement en aide à la famille d'aujourd'hui, nous pourrons nous assurer que les droits des enfants d'aujourd'hui et de demain seront respectés. Nous devons continuer nos efforts de sensibilisation à l'égard des droits des enfants et de la vision que les droits engendrent. Les décisions qui ont un impact sur les droits des enfants doivent être prises en fonction de ce qu'il y a de mieux pour les enfants plutôt que pour des raisons politiques. Ce serait fabuleux si, au cours des dix prochaines années, le Canada était en mesure de créer un système de garde et d'apprentissage de la petite enfance mettant en valeur les droits de l'enfant, si robuste qu'on s'en inspirerait à l'étranger!

Merci de m'avoir permis de m'exprimer et merci de veiller au bien-être des enfants canadiens.

Le sénateur Pearson : Merci de votre présence et de votre exposé. Étiez-vous à Régina il y a quelques semaines quand j'ai parlé des droits des enfants en bas âge?

Mme Goodine : Non, cela ne m'a pas été possible.

Le sénateur Pearson : À mon avis, il faudrait qu'on ait un système universel, comme notre système de soins de santé, mais qui ne soit pas obligatoire, c'est-à-dire qu'on ne soit pas obligé de faire garder son enfant. Les droits des enfants me tiennent véritablement à cœur et j'estime que les très jeunes enfants ont des besoins très divers. Une fois qu'ils atteignent l'âge scolaire, la porte se referme derrière eux. J'estime qu'on doit jouir d'une souplesse suffisante pour pouvoir répondre aux besoins et respecter les droits des enfants en bas âge.

Quand on parle des droits des enfants, il s'agit de « tous les droits pour l'ensemble des enfants ». Les différents droits sont interdépendants et je suis convaincue que le droit à la famille, par exemple, est intimement lié aux droits aux services de garde et à l'apprentissage de la petite enfance.

Dites-nous dans quelle mesure votre organisation fait participer les parents et quel est le degré d'attachement de l'enfant à ses parents, au sein du système.

Mme Goodine : Quand les programmes de la petite enfance sont de grande qualité, les interactions entre les éducateurs et les parents sont quotidiennes. C'est une des choses qui différencie quelque peu notre système du système d'éducation publique. Tous les matins et soirs, les parents et les éducateurs ont l'occasion de discuter et de travailler ensemble pour assurer l'éducation de ces jeunes enfants.

Lorsqu'il y a suffisamment de ressources au sein du système et qu'il existe un bon rapport entre les éducateurs et les parents, les parents participent activement à l'éducation de leurs enfants, et ce de diverses façons, notamment par le biais d'événements spéciaux ou de politiques de porte ouverte qui encouragent les parents à passer voir leurs enfants quand ils en ont envie. Les éducateurs s'efforcent de respecter chaque unité familiale et de réagir de façon appropriée. J'espère que j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Pearson : Ça fait partie de votre politique. Beaucoup de vos éducateurs sont sans doute parentseux- mêmes, ce qui fait qu'ils se retrouvent parfois dans la situation paradoxale où leurs enfants sont dans une autre garderie. Je ne voudrais pas être critique; j'expose tout simplement la réalité. Pour revenir à Régina, nous avons discuté de deux choses. La deuxième, c'était l'absence des hommes dans cette profession. Qu'en pensez-vous?

Mme Goodine : Je pense qu'il y a deux hommes sur 400 éducateurs. Voilà notre proportion.

Le sénateur Pearson : Dans le cadre de vos discussions sur la formation, c'est un autre aspect qu'il faudrait prendre en compte, à savoir comment attirer un plus grand nombre d'hommes à participer à la profession?

Mme Goodine : Je pense qu'il y a un lien direct avec les salaires et les conditions de travail, c'est-à-dire les obstacles que l'on retrouve dans le secteur actuellement. Je ne suis pas convaincue que nous ayons toujours attiré les personnes les plus compétentes, justement en raison des conditions de travail. Certaines personnes risquent de ne travailler dans le secteur que brièvement parce qu'elles aspirent àun niveau de vie plus élevé. Les programmes de garderie et d'éducation de la petite enfance sont des partenaires de premier plan des familles d'aujourd'hui. Je suis moi-même mère et serai toujours reconnaissante de l'aide que nous a fournie l'éducateur de la petite enfance qui a fait partie de notre vie pendant huit ans. En effet, cet éducateur compte parmi les personnes les plus importantes dans la vie de mon dernier enfant.

Le sénateur Pearson : Je ne crois pas que c'est nécessairement contradictoire, mais je crois qu'on doit se souvenir que l'on parle de tous les enfants et de tous leurs droits.

Mme Goodine : Oui, de tous les enfants et de tous leurs droits. Dans le secteur réglementé, nous avons certaines normes et lignes directrices, mais j'ai l'impression que beaucoup d'enfants se retrouvent dans des programmes non réglementés; ce qui ne veut pas dire que les gardiennes ne sont pas compétentes, que ce ne sont pas des personnes très responsables, jusqu'à un certain point. Cela étant dit, je ne crois pas qu'elles bénéficient d'une structure d'entraide qui leur permet de faire de leur mieux et donc je m'inquiète de ces milieux non réglementés où certaines personnes qui ne sont pas au courant des règlements locaux s'occupent de plus d'enfants qu'elles ne devraient le faire. Quel effet est-ce que cela peut avoir, et comment font les parents pour savoir ce qui est un service de qualité?

Le sénateur Pearson : Ça a beaucoup à voir avec l'éducation.

La présidente : Vous dites qu'il y a 4 000 places en services de garde d'enfants réglementés à l'Île-du-Prince-Édouard pour à peu près 10 000 enfants. Ces 4 000 places ne prennent pas en considération toute une panoplie de services de garde informels; est-ce exact?

Mme Goodine : C'est exact.

La présidente : Ces places sont réglementées par la province?

Mme Goodine : Oui.

La présidente : Donc tout autre type de garde — un ami, une mère, ou une grand-mère qui s'occupe de votre enfant — ne serait pas compris dans ces 4 000 places?

Mme Goodine : C'est cela.

La présidente : Vous dites qu'il faut des places pour à peu près 10 000 enfants. Est-ce le nombre d'enfants dans cette catégorie d'âge ou avez-vous mené une enquête pour établir que c'est ce qu'il manque. En d'autres mots, j'essaie de voir combien d'enfants ont entre un an et cinq ans à l'Île-du-Prince-Édouard, et comment vous en êtes arrivée à ce chiffre de 10 000 enfants?

Mme Goodine : Il y a, selon les dernières données de Statistique Canada à peu près 10 000 enfants qui ont entre un an et cinq ans. Les 4 000 places en services de garde d'enfants réglementés comprennent notre système de maternelle, la garde en milieu familial reconnue, de même que des services accrédités de groupe. Ce que je dis, c'est qu'à peu près 80 p. 100 des mères ont des enfants de moins de six ans. Plus de 80 p. 100 d'entre elles sont sur le marché du travail, mais nous n'accueillons pas 80 p. 100 des enfants parce que ces 4 000 places comprennent aussi la garde pour les enfants d'âge scolaire et la garde parascolaire.

La présidente : Je crois que c'est ça qui me semble peu clair. Vous dites que 80 p. 100 des mères sont sur le marché du travail. Comment en arrivez-vous à la conclusion, dans ce cas-là, que ces mères exigent des services de garde d'enfants réglementés? C'est ce que donne à penser votre exposé et j'aimerais savoir comment vous en êtes arrivée à cette conclusion.

Mme Goodine : Eh bien, c'est certainement une distorsion de ma part. Nous savons que les familles n'ont pas toutes le choix ni accès à des services de garde d'enfants réglementés. Sommes-nous certains que les parents ne veulent pas de ces services pour leurs enfants? À mon avis, voilà une autre question à poser aux parents.

La présidente : Cela fait longtemps que j'ai entendu quelqu'un parler de l'entente-cadre sur l'union sociale. On en a beaucoup entendu parler pendant les négociations. Je viens de voir la recherche effectuée par un de nos groupes de réflexion nationaux qui fait valoir que l'entente-cadre sur l'union sociale est au point mort, qu'au fond, les gouvernements ne s'en servent pas, qu'il faut passer à autre chose — ou peut-être pas.

Vous semblez encore y accorder de l'importance, mais c'est peut-être négatif, parce que vous dites que l'entente- cadre sur l'union sociale avait un préjugé défavorable à votre endroit dès le départ; est-ce exact?

Mme Goodine : Eh bien, c'est comme ça que je conçois et que j'interprète ces ententes et ces engagements lorsque j'essaie de comprendre pourquoi nous recevons si peu des ressources. Ils ont changé le système de transferts sociaux et nous avons maintenant l'entente-cadre sur l'union sociale, bien que quand on la lit, il est difficile de comprendre de quoi il est vraiment question. En tant qu'organisme communautaire, on nous dit que ce sont les raisons pour lesquelles on reçoit le financement qu'on reçoit.

Le sénateur Oliver : Ceci est un comité sénatorial est les comités sénatoriaux font plusieurs choses : d'une part, ils élaborent de nouvelles politiques publiques; d'autre part, ils envisagent les nouvelles lois possibles. Ce qui m'a frappé dans votre exposé, c'est quand vous parliez du troisième ordre de gouvernement. Nous avons le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités; vous faites des suggestions de lois qui concerneraient les municipalités. Nous sommes un comité fédéral qui représente le Parlement canadien et en vertu de la Loi constitutionnelle, il y a certaines choses qui relèvent du gouvernement fédéral et d'autres des gouvernements provinciaux. J'aimerais étudier votre proposition en ce qui a trait à des lois et des lignes directrices pour encourager les municipalités et les promoteurs municipaux à rendre des comptes et à prendre en considération les droits des enfants. Vous dites qu'ils pourraient devenir des partenaires actifs, qu'ils pourraient promouvoir une enfance saine et appuyer les familles en réservant des espaces verts pour le jeu et la découverte. Est-ce que ce serait une responsabilité du gouvernement fédéral ou s'agirait-il plutôt de droits civils qui seraient du ressort des gouvernements provinciaux?

Mme Goodine : J'imagine que vous êtes mieux placés que moi pour savoir ce qu'il en est. Pour moi, il était question de faire valoir toutes les idées possibles. En tant que groupe communautaire, nous comptons sur l'aide des autres pour mieux comprendre ces renseignements. Il semblerait que le gouvernement fédéral peut décider de certaines choses, mais l'effet se fait rarement sentir au niveau local. Il nous reste encore du travail à faire pour aider les administrations municipales à comprendre leur rôle et leurs responsabilités. Selon les médias, il y aurait des transferts fédéraux affectés à l'infrastructure dans les collectivités, et cetera. En tant que comité sénatorial, pouvez-vous influer sur l'affectation des ressources? C'est la question que je vous pose.

Le sénateur Pearson : Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire. En deuxième lieu, vous mentionnez la conception et la réalisation d'installations faites sur mesure. Pouvez-vous m'en dire un peu plus long sur cette installation? De quoi est-il question?

Mme Goodine : Il faudrait que les jeunes enfants et les programmes de garde d'enfants ne se retrouvent plus dans les sous-sols ou au second étage de certains édifices, mais plutôt dans des installations conçues sur mesure pour ces enfants. De telles installations auraient des fenêtres plus basses, permettraient un accès facile, pour qu'un enfant avec ou sans problèmes de mobilité puisse avoir accès à l'environnement facilement. Il existe beaucoup d'installations. Encore une fois, les collectivités ont les meilleures intentions, et les propriétaires des programmes ont fait de leur mieux avec les installations auxquelles ils ont eu accès. Très peu de programmes à l'Île-du-Prince-Édouard ont été créés en prenant en considération les besoins de l'enfant; donc il y a beaucoup de bâtiments qui ont été adaptés, et qui ne sont pas nécessairement accessibles ni ne s'adressent à tous les enfants.

Le sénateur Pearson : Je m'intéresse à ces installations sur mesure. Existe-t-il des livrets ou des dépliants qui énumèrent, définissent et expliquent ce que sont des installations faites sur mesure pour les enfants, qui reconnaissent les besoins et les droits des enfants?

Mme Goodine : Je ne me souviens pas d'un document en particulier, mais je sais que d'autres provinces au Canada sont bien en avance sur nous à l'Île-du-Prince-Édouard. Je pense tout particulièrement à la Colombie-Britannique, à la ville de Vancouver. Ils ont travaillé sur des principes de construction. Il y a certains architectes en bâtiments, des architectes paysagistes aussi, qui étudient les espaces de jeu et les structures que l'on peut bâtir et qui sont axées sur les jeunes enfants, pour mieux répondre à leurs besoins d'apprentissage et de jeux.

Le sénateur Pearson : C'est vraiment fascinant.

Le sénateur Poy : J'aimerais vous poser une question concernant les éducateurs de la petite enfance. Vous avez dit que vous avez un groupe d'à peu près 400 personnes engagées, mais vous avez aussi dit que les salaires et les conditions de travail dans ce secteur restent un obstacle et affectent les capacités des personnes qui travaillent dans ce secteur. Est- ce que ces 400 personnes ont des diplômes d'enseignant, et sont-ils reconnus en tant qu'enseignants?

Mme Goodine : Pas toutes, non.

Le sénateur Poy : Seulement certaines?

Mme Goodine : Seulement certaines.

Le sénateur Poy : Donc ces personnes recevraient un salaire très différent de celui que reçoivent les personnes qui ont des certificats ou des diplômes d'enseignant?

Mme Goodine : Ça fait partie du défi dans notre secteur. Il n'y a pas une très grande différence entre le salaire horaire que reçoit quelqu'un qui est formé et agréé et quelqu'un qui ne l'est pas.

Le sénateur Poy : Ils reçoivent tous le même salaire?

Mme Goodine : Plus ou moins. Ça varie. Il pourrait y avoir une différence de un ou deux dollars dans le taux horaire.

Le sénateur Poy : Pouvez-vous comparer le salaire d'une éducatrice auprès des jeunes enfants à celui de quelqu'un qui enseigne à la maternelle?

Mme Goodine : La maternelle fait partie de notre système d'éducation des jeunes enfants et je crois que le taux horaire se situe autour de 12 $, au minimum. Cependant, si vous enseignez à des jeunes de quatre ans et que vous avez un diplômed'éducation de la petite enfance, il se peut que vous gagniezde 8,50 $ à 9,50 $ l'heure. Les ressources ont été affectées de façon à ce que certaines personnes enseignant à un certain groupe d'âge reçoivent plus que d'autres.

Le sénateur Poy : C'est à cause du gouvernement provincial?

Mme Goodine : La maternelle subventionnée par l'État est un programme qui dure trois heures par jour. Si je travaille dans une maternelle trois heures par jour le matin, je gagne 12 $ de l'heure. Mais si je travaille l'après-midi avec des enfants de quatre ans, même en faisant appel aux mêmes compétences, pour un groupe d'âge différent, je gagnerai probablement moins.

Le sénateur Poy : Est-ce que ces installations sont approuvées par le gouvernement provincial?

Mme Goodine : Oui.

Le sénateur Poy : Vous avez dit qu'il y a des incohérences, que certaines installations sont meilleures que d'autres?

Mme Goodine : Oui.

Le sénateur Poy : À cause d'une question de disponibilité?

Mme Goodine : Oui. En plus, beaucoup des programmes relèvent de l'entreprise privée et louent des installations disponibles dans la collectivité. Très peu de ces installations ont été achetées et construites. Il y a très peu de programmes à but non lucratif à l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais que ça fait l'objet d'un débat national. Le système devrait-il être complètement à but non lucratif ou bien relevé du secteur privé?

À l'Île-du-Prince-Édouard, en fait, tout est à but non lucratif. Dans beaucoup de collectivités, si l'église locale a des locaux, elle les loue à des programmes de garde d'enfants ou des maternelles. Ce n'est pas vraiment que la salle paroissiale en tant que telle soit néfaste; c'est surtout que le programme est souvent offert dans un sous-sol. Il faut souvent descendre un escalier. Souvent il n'y a pas de fenêtres. Les enfants n'ont pas nécessairement accès aux choses dont ils ont normalement besoin.

Je vis dans la ville qui connaît le plus grand essor àl'Île-du-Prince-Édouard et l'on vient juste de compléter une vision de réaménagement du centre-ville. Quand on a demandé aux planificateurs ce qu'il en était des programmes de garde et d'éducation de la petite enfance, parce qu'ils avaient envisagé une nouvelle école secondaire de premier cycle, une nouvelle école de deuxième cycle, une nouvelle église et toutes sortes de choses, leur première réaction était de dire que ça se retrouverait dans le sous-sol de l'église.

Le sénateur Poy : La petite enfance, c'est-à-dire de quatre ans et moins?

Mme Goodine : Les programmes de garde et d'éducation pour la petite enfance à l'Île-du-Prince-Édouard sont pour des enfants de cinq ans et moins.

Le sénateur Poy : De cinq ans et moins.

Mme Goodine : La maternelle fait partie de notre système de garde et d'éducation de la petite enfance.

Le sénateur Poy : Mais dans ce cas-là, la maternelle relèverait d'un programme provincial?

Mme Goodine : Pour ce qui est du financement, oui. Les parents n'ont pas à payer pour la maternelle. Mais ils doivent encore payer pour faire garder leurs enfants qui ont quatre ans et moins.

Le sénateur Poy : Quel pourcentage des installations sont privées plutôt que subventionnées par l'État? Vous avez mentionné que certaines de ces installations sont exploitées par le secteur privé?

Mme Goodine : La plupart de nos programmes àl'Île-du-Prince-Édouard le sont.

Le sénateur Poy : Ce sont des programmes réglementés par le gouvernement?

Mme Goodine : Ils sont réglementés par le gouvernement, et ceux qui offrent un programme au niveau de la maternelle reçoivent un financement du ministère de l'Éducation en guise d'appui à ces programmes.

La présidente : Lorsque vous dites « privé » et je crois que vous avez aussi utilisé l'expression « à but non lucratif », en disant « privé », voulez-vous dire quelqu'un qui établit un service de garde en milieu familial ou offre des places?

Mme Goodine : Oui.

La présidente : Ces gens pourraient faire de l'argent ou non, j'imagine. Les centres sans but lucratif, vont-ils réinvestir dans les installations?

Mme Goodine : Je crois que je vois les choses différemment. Ici, « à but non lucratif » veut dire un programme qui est géré par un conseil d'administration au sein d'une entité sans but lucratif; tandis que « privé » ou le secteur commercial veut dire quelqu'un qui est souvent éducateur de la petite enfance qui décide de lancer son propre programme, loue des locaux, embauche des employés et offre un programme une fois qu'il a passé par le processus des demandes et d'accréditation.

La présidente : Donc les 4 000 places comprennent les deux?

Mme Goodine : Oui.

La présidente : Très bien. Car je crois que vous avez parlé de « à but non lucratif » et ensuite vous avez employé le mot « privé », et vous avez dit, « eh bien, je ne crois pas qu'ils fassent beaucoup d'argent ». Est-ce ce que vous vouliez dire?

Mme Goodine : Oui, c'est ce que je voulais dire. Je crois que très peu font des profits, si vous examinez les livres.

La présidente : Parle-t-on au sein de la collectivité des services de garde et de la nécessité des mesures incitatives pour aider les familles à la maison ou pour améliorer les garderies? Autrement dit, est-ce qu'on en parle autant qu'avant dans ces milieux? Ou avez-vous plus de mal à faire participer la population dans ce débat? Vous venez de nous dire que dans votre ville est au milieu d'une transformation. Lorsque vous avez demandé où devrait être situé le programme sur le développement de la petite enfance, les gens ont dit « en bas de la liste ». Est-ce que cela montre que les gens n'accordent pas beaucoup d'importance à l'éducation de la petite enfance, et que la santé et d'autres questions font l'objet d'un débat plus large?

Mme Goodine : Je ne suis pas convaincu que nous ayons bien réussi à entrer en contact avec les parents des enfants d'âge préscolaire, pour écouter leurs opinions. C'est en partie en raison des circonstances dans lesquelles ces parents se trouvent. Ils sont au travail tous les jours. La plupart des réunions ont lieu le soir, après le travail, à des heures où les parents ont des problèmes de garde. Notre organisme affilié à Ottawa, la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, nous a indiqué que la majorité des parents veulent avoir accès à des services de garde réglementés s'ils doivent être au travail ou aux études.

J'imagine que c'est la même chose à l'Île-du-Prince-Édouard. Est-ce que cela veut dire que les gens veulent une série d'options? Absolument, parce qu'une garderie collective n'est peut-être pas une option pour chaque collectivité. Nous avons des villages qui vivent de la pêche et où les gens ont plus besoin de services de garde entre mai et octobre que pendant le reste de l'année. Nous n'avons toujours pas réussi à répondre aux besoins saisonniers des familles et à organiser le soutien autour d'eux, en tenant compte de leur situation.

La présidente : En passant, pourriez-vous nous dire quel est le salaire minimum à l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme Goodine : J'aurais besoin d'aide pour vous répondre — 6,80 $.

La présidente : Une autre question qui a été soulevée souvent est celle de la santé mentale au Canada. Un autre comité sénatorial étudie la question à l'heure actuelle. Le sénateur Pearson et moi, par exemple, siégeons au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. En modifiant des lois et en tenant compte des jeunes, nous constatons que bien des problèmes sont liés à des problèmes de santé mentale qui ne sont pas traités de sorte que ces jeunes grandissent et finissent par avoir des démêlés avec la justice. Ensuite, évidemment, ils sont pris dans le système, ou ils se trouvent dans le système criminel, lorsque la cause des problèmes au départ était, dans bien des cas, des problèmes de comportement ou des troubles mentaux.

Nous avons appris dans un projet de loi récemment que les ressources et les mesures de soutien pour déceler des problèmes chez les enfants tôt ne sont tout simplement pas là; dans d'autres cas, lorsque les écoles et les gardiennes identifient les problèmes, les ressources ne sont pas là pour les enfants. Hier, on nousa dit que certains pensaient que la solution c'était les médicaments, au lieu des autres solutions possibles au problème de comportement ou aux troubles mentaux. Pouvez-vous nous dire si l'Île-du-Prince-Édouard connaît ces problèmes? Sinon, quel est le problème le plus important du point de vue de l'enfant, non pas du système, que vous avez expliqué adéquatement.

Mme Goodine : Je travaille dans le cadre de ces programmes tous les jours, et le défi consiste à répondre aux besoins uniques des enfants. Selon nous, chaque enfant a des besoins spéciaux. Les mécanismes de financement sont en place pour nous aider à tenir compte de certains enfants ayant des besoins spéciaux, mais les enfants qui peuvent connaître des difficultés de comportement ou émotionnels posent un problème pour ces programmes.Existe-t-il toujours les ressources adéquates et les mesures de soutien pour faire le suivi? Je ne crois pas. Depuis quelques années, on a fait beaucoup de travail et la situation a évolué. L'Île-du-Prince-Édouard est petite et c'est un avantage. Une fois que les liens sont créés, nous pouvons travailler ensemble assez rapidement. Mais je dirais que c'est un domaine où nous essayons toujours de trouver des ressources adéquates pour aider les éducateurs à fournir le meilleur soutien possible.

La présidente : Est-ce que le syndrome d'alcoolisation foetale est suffisamment répandu pour être une préoccupation?

Mme Goodine : Je dirais qu'il s'agit d'un problème caché. Je ne suis pas convaincue que les diagnostics soient toujours clairs. Parfois, il faut agir comme si ce syndrome était un des facteurs qui contribuaient aux difficultés de l'enfant. On parle plutôt d'un spectrum; un enfant peut manifester certains comportements qui posent un problème pour les gens. Nous avons eu accès à des renseignements et à la formation, et la situation s'améliore. On pourrait certainement en faire plus.

Le sénateur Pearson : Je m'intéresse à quelque chose que nous avons entendu ce matin, et vous l'avez mentionné encore dans votre rapport, c'est-à-dire que l'Île-du-Prince-Édouard avait participé tôt à l'initiative Comprendre la petite enfance. Est-ce que c'était pour toute l'île?

Mme Goodine : Oui.

Le sénateur Pearson : Vous avez dû recevoir des données très intéressantes de cette initiative. Je pense qu'un des objectifs consistait à montrer quels programmes et quels services aux collectivités étaient en place pour les enfants.

Mme Goodine : Oui.

Le sénateur Pearson : Je pense que bien des gens ne comprennent toujours pas en quoi consiste un système de garderie, mais je pense que vous examinez une série d'options, allant d'une halte-accueil pour les parents aux garderies collectives. Est-ce exact?

Mme Goodine : Oui.

Le sénateur Pearson : C'est une série d'options et je pense que c'est important de le redire. Je pense que c'est ce qui nous permet de mieux répondre aux besoins diversifiés des enfants. Une collectivité autochtone vient de nous parler du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, des programmes à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve, du Programme d'action communautaire pour les enfants, du Programme canadien de nutrition prénatale. Est-ce qu'on en tient compte dans vos données sur les places en milieu de garde réglementé?

Mme Goodine : On ne les considère pas comme étant des places en milieu de garde réglementé. Les programmes qui fournissent des ressources aux familles ne constituent pas des places en milieu de garde réglementé, donc le travail qu'ils font avec les familles ne fait pas partie de nos 4 000 places. Le programme autochtone à l'intérieur de la réserve à l'heure actuelle ne relève pas de la province, quoi que nous collaborons et travaillons ensemble.

Le sénateur Pearson : Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones à l'extérieur de la réserve a été financé par le gouvernement fédéral. Avez-vous des programmes semblables pour les collectivités autochtones?

Mme Goodine : Non.

Le sénateur Pearson : J'avais compris que vous n'en aviez pas.

Mme Goodine : Nous avons un programme d'aide préscolaire. Ce programme d'aide préscolaire existe depuis bien des années, mais il s'agit d'un programme universel pour tous les enfants.

Le sénateur Pearson : Il ne s'agit pas d'un programme d'aide préscolaire aux Autochtones, mais je sais que ce type de programme reçoit un certain financement. Mais l'entente de développement pour la petite enfance prévoit de l'argent frais, et voilà pourquoi il y a une somme imposante de 100 millions de dollars, sauf erreur, destinée aux programmes pour les Autochtones. C'est formidable d'avoir l'occasion de nous orienter ainsi, car cela illustre à quel point il faut essayer d'intégrer toute une série de pièces, dès lors qu'il s'agit de la petite enfance, en espérant — évidemment — qu'il y ait coordination. Lorsque vous parlez des mères au travail, il se peut que des maris ou des hommes restent au foyer de leur côté pour s'occuper des enfants. On peut parler d'un certain changement de rôle.

Mme Goodine : En fait, grâce à la recherche sur l'initiative Comprendre la petite enfance, on a constaté que les enfants dont les pères restent au foyer de façon saisonnière et s'occupent d'eux pendant certaines parties de l'année réussissent mieux sur l'échelle EDI que ceux qui n'ont pas accès à leur père de cette façon et qui ne profitent pas de leur soutien.

Le sénateur Pearson : C'est intéressant. J'aime à penser qu'ils font des progrès, même si je sais qu'il reste encore énormément à faire.

Mme Goodine : On a parfois l'impression de faire du surplace.

Le sénateur Pearson : Il reste encore beaucoup à faire, mais il faut saisir l'occasion d'informer la population. Vous disiez ne pas savoir combien de parents souhaitaient véritablementprofiter des services de garde d'enfants. Vous pouvez répondre de façon générique à partir d'un sondage, comme l'a fait la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance. Mais pour l'Île-du-Prince-Édouard — et certains d'entre nous regardent du côté de leurs enfants et de leurs petits-enfants —, nous savons que certains parents ne le souhaitent pas particulièrement. Mais vous, vous demandez un accès pour tous ceux qui en veulent.

Mme Goodine : C'est exact. Notre province se demande comment poursuivre le type de données colligées dans l'initiative Comprendre la petite enfance, étant donné que le projet tire à sa fin. Il se terminera le 31 juillet. Ce fut un projet très précieux et, comme dirait Jamie, on a l'impression de commencer tout juste à être à l'aise dans notre propre peau et à apprendre comment utiliser l'information. La façon dont les services ont été donnés changera, et nous espérons qu'il sera possible d'y parvenir.

Le sénateur Pearson : Je félicite votre association et la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance d'avoir colligé tant de documentation ayant trait à la convention et incorporant cette dernière en vue d'aider tous les intéressés à comprendre le rôle qu'ils doivent jouer. Il est toujours plus difficile de faire comprendre aux petits enfants qu'ils ont des droits et qu'ils peuvent les faire respecter, ainsi que de rappeler aux travailleurs qui s'occupent de leur formation que c'est un aspect à ne jamais négliger. Voilà ce que nous encourageons, mais je sais que la fédération a déjà fait de l'excellent travail. J'espère que ses membres profitent de vos documents.

La présidente : Merci d'avoir comparu cet après-midi et de nous avoir brossé un tableau de l'Île-du-Prince-Édouard du point de vue de l'apprentissage de la petite enfance. J'espère que vous suivrez de près nos travaux et les recommandations que nous formulerons au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant et, de façon plus vaste, au sujet des besoins des petits Canadiens. Merci beaucoup de votre participation.

Mme Michele Pineau, Prince Edward Island Association for Community Living : D'entrée de jeu, je vous remercie au nom de notre association et également au nom de la Société de l'autisme de l'Île-du-Prince-Édouard. Au nom de ma collègue, Bridget Cairns, je remercie le comité permanent de nous permettre de lui faire part de notre point de vue sur les droits et libertés qu'accorde le Canada à ses enfants. Il est heureux que des pays démocratiques comme le nôtre nous permettent d'avoir voix au chapitre et nous permettent de parler au nom de ceux qui ne peuvent le faire ou qui n'ont pas le bonheur d'être en mesure de le faire. Merci de nous en donner l'occasion.

Arrivons au vif du sujet : nous estimons que les lois canadiennes ont fait énormément de progrès en tenant compte des obligations contractées par le gouvernement à l'égard des enfants présentant des déficiences. Laissez-moi vous donner un ou deux exemples : des initiatives fiscales telles que la prestation pour enfants handicapés ont été les bienvenues dans les familles comptant des enfants handicapés; et le lancement d'une stratégie nationale sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants qui fait la promotion de l'universalité et de l'inclusion, comme principes directeurs. Mais en même temps, évaluer si la loi canadienne répond véritablement à ses obligations internationales en fait de droits et libertés des enfants handicapés présente des défis nombreux et variés, principalement à cause des lignes de démarcation d'une province à l'autre ou d'un ministère à l'autre. Toutefois, cette situation se répercute particulièrement sur les obligations de surveillance des questions principales telles que l'éducation, les soins de santé et la prestation des services. À notre avis, une collaboration réelle entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires est essentielle si l'on veut s'assurer que les obligations sont respectées de façon inclusive, exhaustive et cohérente.

Revenons aux défis. Nous constatons que par manque de données cohérentes et actuelles dans la convention des droits des enfants ou dans le système de compte rendu et de suivi du Canada, la conceptualisation de ces obligations pose des défis particuliers, si j'ose dire, qui rend difficile de concrétiser nos obligations à l'égard des enfants handicapés. De plus, les écarts parfois étroits mais parfois béants entre la politique législative et la pratique dans la réalité posent problème pour les enfants handicapés et leur famille. En effet, cela varie considérablement d'une province à l'autre et d'un ministère à l'autre.

Passons maintenant aux données et aux chiffres.

Mme Bridget Cairns, directrice, Prince Edward Island Association for Community Living : Il est particulièrement difficile d'assurer un suivi pour déterminer si le Canada se classe bien ou pas. Une fois la recherche effectuée, il est difficile de comparer une méthodologie à une autre. Cela nous rend la tâche très difficile. Prenons aussi la définition de ce qu'est une déficience : quand on parle de déficience intellectuelle, cela se confond parfois avec les « difficultés d'apprentissage » et avec la « santé mentale ». Pour pouvoir effectuer un suivi, il nous faudrait des définitions universelles de certaines déficiences pour que nous puissions en faire le suivi avec différents types de recherche. Une seule définition serait très utile pour tous. On a déjà fait cette suggestion, mais j'imagine qu'elle est tombée dans l'oreille d'un sourd. Je crois que dans la conclusion du deuxième rapport périodique canadien, on demandait des données beaucoup plus exhaustives concernant les programmes et les services. Malheureusement, cela ne s'est pas concrétisé, et nous serions reconnaissants de toute l'aide que pourrait nous apporter le Sénat en ce sens. Il est difficile de comparer le Canada aux autres pays quand ceux-ci définissent autrement les déficiences intellectuelles ou les difficultés d'apprentissage. Le défi est grand, mais cela nous permettrait plus facilement de suivre nos progrès.

Je crois que notre association s'inscrirait fort bien àl'article 23, mais si nous voulons assurer le suivi des droits et des libertés pour tous les enfants, j'oserais espérer que nous ne soyons pas exclus de tous les autres articles.

Pour ce qui est de l'article 6, malgré l'engagement pris de respecter la vie de chaque enfant, le dépistage génétique se poursuit toujours chez les enfants : dès que l'on diagnostique une déficience, ou s'il y a pronostic de déficience, il reste toujours possible de mettre fin à la grossesse. Il faut souligner de façon plus musclée les droits des enfants dans l'article 6.

L'article 9 comporte qu'aucun enfant ne devrait être séparé de ses parents contre sa volonté, sauf en cas d'abus. Les enfants handicapés sont malheureusement institutionnalisés, et il faut que l'article 9 protège également le droit de ces enfants handicapés. Il faut tenter d'aider les familles et les soignants, chaque fois que les droits des enfants permettent de les empêcher de se faire institutionnaliser. Voilà la façon de faire.

J'ose espérer que nous insisterons sur l'article 28, à savoir le droit de l'enfant à l'éducation, et que cela s'appliquera aux enfants handicapés. Notre association a toujours eu pour objectif premier l'intégration scolaire, et nous serions très heureux que cet objectif soit inclus. Dans certains articles, on ne mentionne aucunement les enfants handicapés. Nous nous inscrivons évidemment à l'article 23, mais nous aimerions que les enfants handicapés soient incorporés dans tous les articles de la convention.

Il y a certains problèmes plus spécifiques à l'I.-P.-É., notamment le fait que l'on évalue les familles en fonction du critère de revenu : ainsi, si une famille jouit d'un revenu modeste, il arrive fréquemment qu'elle n'ait pas droit aux prestations pour enfants handicapés, ce qui entraîne pour elles l'exclusion et la pauvreté qui viennent s'ajouter à la déficience. Les listes d'attente pour obtenir des services pour les enfants sont longues. Les enfants ne semblent pas obtenir de soutien ni profiter d'une intervention précoce si nécessaire pour leur permettre de mener une vie aussi pleine que possible. Il existe même une discrimination fondée sur l'âge pour les services destinés aux enfants. En effet, une fois que l'enfant atteint l'âge scolaire, il perd pratiquement droit à tous ces services : ainsi, les enfants ne peuvent plus jouir d'une vie pleine et intégrée dans le système d'éducation.

De plus, même si nous habitons au Canada, on constate un écart énorme en termes de capacités linguistiques. Bon nombre de thérapeutes et d'employés de soutien ne sont pas bilingues. Il faut faire véritablement la promotion du bilinguisme, puisque certaines familles francophones ne reçoivent pas aujourd'hui le soutien nécessaire dans leur langue.

À l'île, le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation semblent unir leurs forces dès que l'enfant atteint la maturité, et on assiste à une bataille pour établir celui des deux qui sera responsable de l'enfant, ce qui nuit grandement aux familles et aux droits des enfants.

Voulez-vous intervenir pour faire des recommandations précises?

Mme Pineau : Oui. Je vais d'abord commenter l'absence de capacités linguistiques, malgré la Loi sur les langues officielles. Malgré l'existence de la Charte des droits et libertés qui prévoit une éducation dans les écoles publiques, sans intervention précoce au cours des années de formation, il est presque impossible d'avoir accès à l'éducation publique, même s'il s'agit d'un droit garanti. Nous assistons également parfois à une détérioration du modèle de collaboration prôné par la vision d'équipe dans l'intervention au cours des premières années, mais parfois cette vision d'équipe s'érode petit à petit, ce qui est préoccupant. Comment faire pour remédier à cela? Une solution, ce seraitpeut-être d'assurer la cohérence des services d'un ministère à l'autre.

Nous estimons également que les éducateurs de la petite enfance en général, les spécialistes des besoins spéciaux de même que les thérapeutes qui s'occupent d'enfants présentant des troubles du désordre du spectre de l'autisme, en particulier, sont considérablement sous-payés. Mais je crois que la stratégie nationale des soins pour enfants règlera dans une certaine mesure ce problème. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer cette injustice dans le salaire de la main- d'œuvre. Il s'agit non seulement d'une injustice, mais aussi d'un mauvais service que l'on rend aux enfants handicapés.

Parmi nos recommandations précises, on trouve un plus grand respect pour les enfants, et particulièrement ceux qui souffrent de déficience neurologique dans leur développement et de difficultés intellectuelles, de même qu'une vérification périodique indépendante des services. J'entends par là des modèles de prestation des services et également de l'efficacité des services eux-mêmes. Il serait très avantageux d'instaurer un mécanisme permettant une évaluation périodique et indépendante des services.

En ce qui concerne l'autisme, les diagnostics de cette maladie augmentent avec une rapidité alarmante : l'autisme dans la société canadienne semble être une maladie présente et dépasse aujourd'hui le nombre combiné d'enfants souffrant du syndrome de Down, de la leucémie infantile et du diabète. Il nous faut une stratégie nationale qui traite de ce phénomène et qui s'intéresse aux causes, à la recherche, au traitement ou à des protocoles de mieux-être. Il faut également viser un partage sincère et constant des pratiques exemplaires, la réouverture continue de nos modèles de prestation de services, puisqu'il s'agit là d'un domaine d'apprentissage et de théorie qui évolue rapidement. Il nous faut garder le rythme et chercher continuellement à atteindre l'excellence dans une vision pancanadienne, tout en incluant l'expertise des professionnels à l'échelle internationale.

Ici même, sur notre propre territoire, nous estimons que l'on refuse à des enfants l'accès universel aux soins de santé du Canada auxquels ils ont droit. Il reste encore à résoudre plusieurs plaintes en matière de droits de la personne, dont certaines remontent même à trois ans et n'ont pas encore été entendues. La plupart des enfants sont inscrits sur des listes d'attente de un à deux ans. Or, nous connaissons l'importance d'intervenir de façon précoce, mais cette intervention précoce ne se fait pas. Même si l'on peut diagnostiquer rapidement une maladie chez un enfant, on le renvoie chez lui avec ses parents à qui l'on conseille de faire de la lecture et à qui l'on dit qu'on communiquera avec eux d'ici un an ou deux. Vous vous imaginez où nous en sommes?

J'aimerais également prendre un instant pour parler des droits linguistiques de la minorité sur le plan de l'instruction générale en tant que droit et aussi sur le plan de l'instruction des enfants handicapés. Je suis sûr que la situation est similaire dans l'ensemble du Canada, mais à l'Île-du-Prince-Édouard, nous considérons qu'il faut offrir des programmes et des services d'infrastructure comparables pour les deux groupes de langues officielles. Cela vaut autant pour les enfants d'âge préscolaire que pour les enfants d'âge scolaire et en fait pour les collectivités en général.

Nous sommes constamment en train de nous battre pour déterminer comment nous pouvons garantir ces droits aux groupes d'enfants d'âge préscolaire. Ils ne semblent pas tout à fait correspondre à ce que prévoit la Charte canadienne des droits et libertés ou nous n'avons pas trouvé de moyens de faire valoir que ces droits sont garantis. Trop souvent, l'Association for Community Living constate que la minorité linguistique est obligée de sacrifier les programmes ou services d'infrastructure, ou les deux. Une infrastructure et des programmes adéquats sont essentiels et il faut qu'ils existent. Un groupe de minorité linguistique n'a pas à choisir l'un ou l'autre, c'est ce que j'essaie de dire. L'intention de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas d'obliger les minorités à choisir ce qu'elles veulent : une éducation dans la langue officielle de son choix ou des installations appropriées et des programmes d'études complets et variés de même que des services.

Nous constatons deux phénomènes inquiétants en fait dans la collectivité. Nous voyons des parents qui doivent se battre, et vraiment se battre, pour faire respecter les droits linguistiques de leurs enfants, et qui doivent souvent aller jusque devant la Cour suprême du Canada. Nous voyons aussi des parents qui choisissent l'option de la majorité linguistique plutôt que de leur langue maternelle de façon à avoir accès à une infrastructure adéquate et des programmes de grande qualité, variés et complets pour leurs enfants. Cela est particulièrement le cas lorsqu'ils veulent avoir accès à des services d'aide pour leurs enfants handicapés.

Mme Cairns : À l'heure actuelle, nous respectons nos obligations en vertu de la Convention, mais comme Michele l'a dit, la théorie et la pratique sont deux choses différentes, et cela dépend de la sphère de compétence. Donc, nous considérons que nous sommes dans la bonne voie mais il n'en demeure pas moins que nous devons continuer à apporter des améliorations pour répondre aux besoins de nos enfants.

Le sénateur Pearson : Merci beaucoup d'être venue. Nous sommes vraiment heureux d'accueillir une personne qui représente les enfants handicapés et qui défend leurs droits. C'est un domaine qui présente beaucoup de difficultés, qui évolue rapidement et qui suscite beaucoup d'émotions. Je peux constater que c'est un secteur qui a énormément évolué et qui évolue dans le bon sens, je dois le dire. Vous avez souligné que l'autisme et des problèmes comme le syndrome d'alcoolisme fœtal sont des déficiences qui sont beaucoup plus fréquentes depuis quelques années et qui posent des difficultés particulières.

J'ai une question à poser à Michele à propos de la population francophone de l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Pineau : Je crois qu'elle se situe aux alentours de 6 p. 100, peut-être pas tout à fait. J'aurais dû vérifier la chose. Parallèlement, nous avons un processus d'assimilation extrêmement efficace à l'Île-du-Prince-Édouard en raison de la dominance anglophone et de ce que j'appelle l'assimilation systématique et institutionnelle. Un grand nombre de résidents de l'île sont d'origine acadienne et francophone et ne parlent plus français, malheureusement; donc cela dépend de la façon dont vous voyez les choses. Je songe à la population francophone toutefois et nous représentons environ de 4 à 6 p. 100 de la population.

Le sénateur Pearson : Avez-vous un conseil scolaire francophone?

Mme Pineau : Oui, nous avons un conseil scolaire francophone très efficace ici à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'un conseil provincial, donc il couvre l'île d'un bout à l'autre, ce qui présente diverses difficultés au niveau de son administration; mais il fait un excellent travail et je suis extrêmement satisfaite des services que nous en avons reçus au niveau des enfants d'âge scolaire.

Le sénateur Pearson : Ce conseil est-il relativement nouveau? A-t-il toujours existé?

Mme Pineau : Il a toujours existé. Nous avons traversé une période de fusion et de fermeture des petites écoles. Ce processus a entraîné la fermeture d'un grand ombre d'écoles francophones qui ont été intégrées à des établissements scolaires anglophones plus importants.

Le conseil scolaire francophone, tel que nous le connaissons à l'heure actuelle, existe depuis les années 80. L'éducation a évolué avec le temps, comme nous le savons tous, et le ministre de l'Éducation apporte des changements périodiques. Par exemple, je me rappelle une époque où il y avait cinq conseils scolaires àl'Île-du-Prince-Édouard et aujourd'hui il n'y en a plus que trois : deux conseils anglophones et un conseil francophone. Nous avons traversé une période où il n'y avait pas de conseil scolaire francophone, et maintenant nous en avons un à nouveau. Ils ont été effectivement établis avant que j'aie des enfants, mais je suis pas mal sûre que c'était dans les années 80; je pourrais vérifier et vous communiquer cette information.

Mme Cairns : J'aimerais intervenir pour défendre l'autre point de vue. Les familles qui ont des enfants handicapés choisissent maintenant d'inscrire leurs enfants à l'école française. Malheureusement, les écoles n'ont pas la capacité de les accueillir. Elles sont prêtes à le faire mais elles n'ont tout simplement pas la capacité de le faire. Comme elles ne voient pas la nécessité des thérapies et autres aides dont ont besoin nos enfants, malheureusement, elles n'ont tout simplement pas la capacité bilingue. Nous avons beaucoup d'enfants inscrits à l'école française où la loi énonce qu'ils ne peuvent parler que français dans cette école. L'école doit faire une exception pour l'élève et offrir des thérapies et des programmes en anglais, donc les parents doivent faire ce genre de sacrifice. Cela rend la relation entre les écoles et les parents très difficile parce que les écoles sont campées sur leurs positions qui est que tout doit se dérouler uniquement en français. Nous devons nous battre pour défendre les parents.

La présidente : Est-ce que tous les services à l'intentiondes personnes handicapées sont disponibles maintenant àl'Île- du-Prince-Édouard? Vous n'êtes plus obligés d'aller ailleurs pour les obtenir?

Mme Cairns : Certains parents continuent d'aller au Centre de santé IWK à Halifax.

La présidente : Encore maintenant?

Mme Cairns : Encore maintenant. Il y a une pénurie de médecins. La conservation du personnel est très difficile pour nous à l'Île-du-Prince-Édouard. Donc, nous avons un peu de difficulté avec nos thérapeutes et nos orthophonistes. Nous manquons d'orthophonistes à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un problème de conservation du personnel.

Le sénateur Oliver : Je considère que vous nous avez présenté un document très intéressant et complet qui donne au comité certaines orientations très pratiques quant aux aspects que nous devrions présenter sous forme de recommandations. Pour résumer brièvement, vous avez dit que l'on manque de données actuelles et cohérentes et que c'est un aspect que notre comité pourrait examiner. Vous avez dit qu'il n'existe pas de mécanisme cohérent de surveillance de la convention relative aux droits de l'enfant, ce qui est extrêmement important; qu'il existe un grave écart entre la politique législative et la réalité en ce qui concerne les personnes handicapées; et que nous devons établir une stratégie nationale et examiner notre modèle de prestations de services, particulièrement à l'intention des enfants handicapés. Ce sont certains des aspects concrets dont vous avez parlé.

J'aimerais vous demander de nous donner plus de précisions sur la toute dernière phrase de votre document et votre conclusion même qui est une conclusion assez dépouillée. J'aimerais que vous donniez à notre comité sénatorial plus de précisions à cet égard. Vous dites en particulier que le gouvernement fédéral doit participer plus activement à la coordination d'une initiative nationale destinée à garantir les droits de tous les enfants dans le cadre de la convention relative aux droits de l'enfant. Quevoulez-vous dire au juste par une participation plus active à la coordination d'une initiative nationale?

Mme Cairns : À cet égard, le mot « inclusion » est le mot clé pour nous.

Le sénateur Oliver : Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.

Mme Cairns : Le mot « inclusion » semble être le mot employé dans les politiques pour inclure les enfants handicapés et les autres minorités. Malheureusement, les politiques et les pratiques ne visent pas à inclure les enfants handicapés. Nous espérions que le gouvernement fédéral élaborerait un plan d'action national à l'intention des personnes handicapées qui serait favorable à l'intégration et qui serait contrôlé et coordonné aux moyens des paiements de transfert et des politiques et des pratiques des provinces et des territoires.

Lorsque les fonds du fédéral sont répartis et les paiements de transfert versés aux provinces et aux territoires, c'est au ministre responsable de prendre l'argent et de prendre des décisions sur son utilisation dans le domaine concerné.

Le sénateur Oliver : Êtes-vous en train de dire qu'il faut imposer des conditions à cela? Dites-le-moi; j'aime la façon dont vous l'avez exprimé.

Mme Cairns : D'un point de vue politique, je crois que vous l'avez dit mieux que moi.

Mme Pineau : À mon avis, il est délicat d'y imposer des conditions, mais il faut de l'intendance. L'intendance et des principes directeurs pourraient, je crois, mener à une plus grande cohérence à travers le pays et à une approche vraiment pancanadienne qui favoriserait l'intégration des enfants handicapés et l'appui aux familles par l'intégration des politiques dans de nouvelles lois ou au moment de l'examen des lois existantes.

Mme Cairns : Exactement. Par exemple, nous avons des lois qui prévoient que tous les enfants iront à l'école du quartier avec leurs frères et sœurs, ce qui constitue au fond l'inclusion scolaire. Malheureusement, on définit parfois comme « inclusion » des situations où l'enfant est à l'école mais ne participe pas aux activités scolaires avec ses camarades de classe. Les enfants handicapés sont mis dans des classes à part et isolés; il n'y a pas de politique qui favorise la participation avec les autres enfants à des moments appropriés. Donc, même si selon la politique les enfants handicapés devraient être intégrés dans la salle de classe normale avec les autres enfants dans l'école du quartier, ce n'est pas la pratique actuelle parce que les politiques, les procédures et les ressources disponibles relèvent du directeur de l'école.

Le sénateur Oliver : Dans l'exemple que vous venez de donner du domaine de l'éducation, ne s'agit-il pas d'un droit en vertu de la loi provinciale sur l'éducation et, si oui, êtes-vous en train de dire que le seul moyen que le gouvernement peut utiliser pour avoir de l'influence, ce serait, comme vous l'avez dit, par le truchement des paiements de transfert?

Mme Cairns : Cela pourrait être un des moyens, à mon avis. Il faudrait établir une entente fédérale/provinciale/ territoriale sur les droits des enfants à l'intégration dans le domaine de l'éducation, de l'emploi, et cetera. Il ne faut pas tout simplement verser des paiements de transfert en stipulant que c'est pour l'éducation et laisser toute la discrétion aux provinces et aux territoires. Si on veut promouvoir les droits et libertés des enfants, sur le plan national ou international, il faut vraiment viser l'utilisation des ressources et des fonds, puisque les enfants ne sont pas intégrés. Des parents retirent leurs enfants des écoles pour les instruire à la maison, ce qui montre qu'il existe des problèmes dans le système que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent et doivent régler.

Le sénateur Oliver : Savez-vous s'il y a des groupes ou des organismes fédéraux/provinciaux qui envisagent actuellement l'élaboration de ce que, vous deux, vous préconisez?

Mme Cairns : L'Association canadienne pour l'intégration communautaire travaille depuis 50 ans avec le gouvernement fédéral; il y a aussi des organismes provinciaux et territoriaux qui collaborent avec les agences gouvernementales à cette question.

Le sénateur Oliver : À élaborer une politique pour encadrer cela?

Mme Cairns : Pour demander au gouvernement fédéral de servir de chef de file pour l'élaboration d'un plan d'action national concernant les personnes handicapées.

Mme Pineau : Si je peux juste ajouter quelque chose, je crois que l'approche prise par notre fédération nationale est de déposer des exposés de principes et ainsi de suite. Je ne crois pas que nous soyons tout à fait prêts à rédiger un projet de loi; nous travaillons encore plutôt à défendre les droits de ces personnes. C'est à ce stade-là que nous nous trouvons actuellement. Pour rajouter quelque chose à ce que Bridget a déjà dit, j'avoue que je n'ai certainement pas toutes les réponses, il est beaucoup plus facile de critiquer et de repérer des déficiences que d'arriver avec des solutions concrètes. C'est peut-être pour un autre jour quand nous n'aurons pas huit réunions, l'une après l'autre.

Le sénateur Oliver : Cela fait partie de notre tâche en tant que comité, et comme vous êtes des experts, nous vous demandons conseil, c'est tout.

Mme Pineau : La stratégie nationale sur la garde des enfants est un très bon exemple, je crois. C'est l'exemple parfait de l'approche que nous préconiserions, puisqu'elle est englobante, pancanadienne et inclusive. Nous sommes en train de négocier des ententes entre le gouvernement fédéral et chaque province et territoire, ce qui devrait être mis en valeur et servir de tremplin à autre chose.

Le sénateur Oliver : Je voulais signaler que le sénateur Poy et moi-même avons pris plusieurs fois la parole au Sénat du Canada pour sensibiliser les gens à la question de l'autisme, et ce n'est donc pas quelque chose qui est passé inaperçu au Sénat. Je voulais tout simplement le préciser, et je regrette qu'elle ne soit pas ici.

La présidente : Dans la dernière phrase de la première page de votre mémoire, vous dites que la Convention relative aux droits de l'enfant est le premier document, et le seul qui soit exécutoire, élaboré dans le cadre de l'ONU pour traiter des droits des enfants. Eh bien, le comité a appris que la convention n'est pas encore exécutoire au Canada. Nous avons signé et ratifié le traité, mais il ne fait pas encore partie de nos lois; certains articles de la convention ont été appliqués et d'autres non. Les explications en sont très juridiques. Je vous ai entendu dire au sénateur Oliver que vous croyiez qu'il s'agissait d'un document exécutoire et que le gouvernement fédéral devrait servir de chef de file pour toutes les provinces dans ce domaine.

Notre comité va se pencher sur la question de savoir si le gouvernement devrait franchir toutes les étapes avec les provinces pour que la convention devienne exécutoire, ou si elles devraient au moins l'appliquer de façon plus uniforme; c'est un peu le débat actuel au sein du comité. Une des difficultés, à mon avis, est que les Canadiens n'ont pas compris la signification de « ratification ». Dans votre réponse au sénateur Oliver, est-ce que vous disiez que la convention pourrait nous servir de modèle parce qu'elle est exécutoire, mais en réalité elle ne l'est pas?

Mme Cairns : J'en prends note. J'ai appris quelque chose aujourd'hui.

La présidente : Cela étant le cas, avez-vous beaucoup discuté de la Convention relative aux droits de l'enfant au sein de votre association? Je vous félicite d'avoir lancé le débat, qui m'intéresse beaucoup, et d'avoir examiné la perspective internationale pour en conclure que le Canada a un assez bon bilan dans ce domaine. Pour un pays développé, cependant, nous devrions réussir mieux, à l'externe comme à l'interne.

Est-ce que votre association a consacré beaucoup de temps à la Convention relative aux droits de l'enfant, et avez- vous demandé au gouvernement pourquoi il ne l'a pas mise en vigueur? Vous avez dit que vous mettez l'accent sur l'article 23, que vous travaillez avec cet article par opposition à toute la convention?

Mme Cairns : Comme l'Île-du-Prince-Édouard est très petite et manque de ressources, nous dépendons beaucoup de l'entité fédérale, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, pour des statistiques comme celles- cipuisque nous concentrons nos efforts sur les besoins quotidiens et l'appui aux familles en réaction à des problèmes.Notre vice-président exécutif, Michael Bach, travaille en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral, ainsi que Diane Richler d'Inclusion International. C'est un organisme qui nous appuie et qui nous sensibilise sur ce qui se passe à l'extérieur de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes actifs et nous nous réunissons quatre fois par an, pour nous permettre de mieux comprendre la situation des droits et des libertés des enfants handicapés.

La présidente : Depuis quand travaillez-vous sur la définition de l'autisme? Avez-vous commencé ces dernières années en raison de la charge de travail de plus en plus élevée, ou depuis plus longtemps? En d'autres termes, s'agit-il d'un problème qui date d'entre cinq ans ou dix ans pour vous, ou depuis cinq ans?

Mme Cairns : Je suppose que nous pouvons attendre que nos enfants soient plus grands et on en saura plus à ce moment-là. Nous sommes tous les deux parents d'enfants atteints d'autisme.

Mme Pineau : À ma connaissance, le premier diagnostic a eu lieu à l'Île-du-Prince-Édouard il y a environ 12 ans. Nous avons observé une croissance rapide depuis. Le cri d'alarme a été lancé il y a cinq ans, c'est certain, ici à l'Île-du- Prince-Édouard. Et on dit que le premier cas a été diagnostiqué il y a 12 ans, il est certain qu'il y a beaucoup d'enfants qui n'ont pas été diagnostiqués — maintenant adultes — qui vivent dans les établissements del'Île-du-Prince-Édouard qui souffrent du spectre de l'autisme et qui n'ont donc pas reçu de services d'intervention.

Mme Cairns : Ou bien d'après le diagnostic, ils souffraient de déficience mentale seulement, sans qu'on identifie l'autisme.

Mme Pineau : Tout en renforçant notre capacité en ce qui concerne les services d'intervention, nous avons également renforcé nos capacités dans le domaine du diagnostic de déficiences diverses. Il existait des lacunes au niveau des capacités jusqu'à un certain moment.

La présidente : Vous avez dit que dans le passé, les enfants atteints d'autisme n'étaient probablement pas diagnostiqués et que maintenant, en tant qu'adultes, ils sont institutionnalisés?

Mme Pineau : En général.

Mme Cairns : Nous avons des établissements à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a d'autres personnes dans les installations de soins communautaires que nous les parents nous appelons « desmini-institutions ». Actuellement, d'autres sont placés dans les foyers quand ils atteignent l'âge de 40 ans, parce que nous n'avons tout simplement plus la perspicacité je crois d'adhérer à l'intégration communautaire. C'est à réexaminer, afin que l'autre chose ne devienne pas une pratique habituelle. La loi dit que ces personnes ont le droit de vivre dans leur propre communauté, dans leur propre foyer; malheureusement, nous constatons que l'institutionnalisation continue de se pratiquer à l'échelle mondiale.

Le sénateur Oliver : Est-ce que ces personnes dans la quarantaine ont reçu un nouveau diagnostic scientifique récemment, en vertu duquel on a déterminé qu'ils étaient atteints d'autisme?

Mme Cairns : Je n'ai pas de données à ce sujet. Je dirais que le diagnostic demeure une déficience mentale ou un retard de développement.

Le sénateur Oliver : Mais vous savez qu'ils sont atteints d'autisme?

Mme Pineau : En tant que non-spécialiste, nous soutenons que c'est le cas.

Mme Cairns : Il se peut qu'on soit obligé de convaincre la famille de cette personne ou de convaincre la personne en question de faire établir un nouveau diagnostic, mais je crois que ce serait une lourde tâche.

La présidente : Dans certains cas, ont nous a dit que dans le domaine des troubles mentaux, il se pourrait que plus de personnes seraient dans un milieu communautaire s'il existait plus de logements pour eux. Est-ce que le manque de logements fait partie du problème des troubles mentaux ou est-ce le fait qu'ils ont besoin de soins surveillés qui les amènent à ce genre d'établissement?

Mme Cairns : Je pense qu'il n'y a pas suffisamment de planification pour la personne.

La présidente : De la planification?

Mme Cairns : Oui. Certaines personnes n'ont pas besoin de soutien; pour d'autres c'est l'inverse; certaines ont des déficiences affectives ou mentales ainsi que des déficiences intellectuelles. Je pense, parce que c'est tellement axé sur la personne, qu'il y a forcément des lacunes dans le domaine de la planification. Il y a évidemment un manque de choix de logements pour répondre aux besoins personnels de la personne.

Le sénateur Pearson : J'ai fait beaucoup de travail avec Michael Bach et j'ai énormément de respect pour lui et pour sa capacité de conceptualiser. Je sais que Sherri Torjman du Caledon Institute travaille pour le Comité consultatif sur les questions touchant les personnes handicapées du ministre du Revenu national. Ils se penchent sur les avantages fiscaux et les questions semblables, donc on s'oriente vers une stratégie nationale pour les personnes handicapées. Je crois que c'est quelque chose qui devrait faire partie des discussions avec l'Agence de santé publique.

Il y a énormément de discussions actuellement sur les objectifs en matière de santé publique au Canada. C'est censé être une discussion nationale et donc chaque province aura l'occasion d'y contribuer. Je pense qu'un des objectifs évidents sera d'inclure les enfants handicapés, comme vous l'avez suggéré. Je vous encouragerais à participer à ce processus, et une des façons de le faire serait de visiter le site Web de l'Agence de santé publique. Je n'ai pas tous les détails, mais vous vous débrouillerez probablement mieux que moi sur le site Web.

J'ai eu l'occasion de participer à une réunion de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire à Ottawa il y a quelques années où des jeunes étaient des auto-intervenants. J'ai donc voulu parler un peu de la participation de jeunes personnes handicapées dans la prise de décisions qui les concerne.

Mme Cairns : À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons Personnes d'abord Î.-P.-E. Ils ont leur propre conseil d'administration et personnel de soutien. C'est en effet ce que chaque parent avec un enfant handicapé souhaite : que leur enfant ait sa propre voix, et s'ils n'ont pas la capacité de prendre la parole, qu'on les aide à exprimer leur personnalité. Il est essentiel que les auto-intervenants soient vraiment entendus.

L'Île-du-Prince-Édouard se penche sur l'amélioration des écoles et les réalisations de ses étudiants et je me suis dit que c'était formidable, tout le monde disait à peu près la même chose. À un moment donné, un étudiant s'est levé et a dit « Pourquoi vous ne consultez pas les jeunes et les étudiants si vous voulez vraiment qu'on réalise quelque chose? C'est tellement indispensable. Vous pouvez bien nous parler des réalisations des étudiants, mais ce qu'il faut faire c'est de parler aux étudiants. En ce qui concerne les adultes handicapés, je pense qu'il faut absolument parler aux individus. Quand on parle de nos enfants, on vise, je suppose, surtout les familles. Je pense que les auto-intervenants nous apporteront une excellente perspective, à savoir ce que cela représentait à l'époque, et où nous en sommes maintenant. Ils pourront probablement nous dresser un tableau, dans un sens plus général, de la situation actuelle et de ce que nous avons pu faire jusqu'à maintenant.

Le sénateur Pearson : Quand ces jeunes prennent la parole, ils contribuent énormément à la mise de côté des stéréotypes.

Mme Cairns : C'est vrai, et en fait ils nous surprennent souvent. Ils comprennent la situation beaucoup mieux qu'on ne l'imagine, ce qui est formidable. Je sais que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire a organisé un groupe La Parole aux jeunes. Le groupe est constitué de jeunes handicapés et de jeunes qui ne le sont pas. C'est beau de voir des jeunes aujourd'hui qui n'ont pas de déficience qui sont prêts à participer et à prendre le temps de s'engager dans les questions d'invalidité. Nous avons de nouveaux leaders qui émergent.

Le sénateur Pearson : Votre association traite surtout d'enfants qui souffrent de troubles de développement ou ...

Mme Cairns : C'est là que nous en arrivons à la définition de déficience intellectuelle. Nous défendons les intérêts des familles d'enfants atteints du syndrome de Down ou d'autisme. Il y a l'Association de l'infirmité motrice cérébrale; mais le directeur exécutif pour l'Île-du-Prince-Édouard n'est actuellement pas très bien, donc nous agissons en son nom. Il n'y avait pas d'enfants épileptiques, mais ce n'est plus le cas, donc on ne refuse pas de famille.

Le sénateur Pearson : Avez-vous une version de l'association ici qu'on appelle PLAN, le Planned Lifetime Advocacy Network? C'est un organisme formidable basé à Vancouver qui crée des réseaux pour les familles. C'est une façon de créer des réseaux pour les parents d'enfants handicapés qui grandissent. Les parents veulent voir à ce que tout soit organisé pour leurs enfants, quand ils auront grandi évidemment, et pour le moment quand les parents n'y seront plus. Je vous le recommande fortement. C'est une solution pleine d'imagination.

Mme Cairns : Nous avons l'intention de se tenir en atelier de réseautage de deux jours avec les familles, à partir du 25 septembre. L'Île-du-Prince-Édouard a un très grand nombre de parents vieillissants qui s'occupent toujours de leurs enfants à la maison. Nous avons recensé jusqu'à 400 personnes. Malheureusement, il n'y a pas de plan d'élaboré.

Le sénateur Pearson : Je suis certaine que PLAN doit avoir un site Web. J'essaie de me souvenir de son nom — Vicky. Elle vient juste de recevoir un prix pour le travail qu'elle a fait pour son enfant handicapé. Son enfant, c'était le point de départ, comme c'est souvent le cas. C'est un excellent projet. Il a été appuyé par la Fondation McConnell, donc si vous ne pouvez pas vous procurer les renseignements PLAN, demandez-les à la Fondation McConnell, qu'on trouve facilement.

Mme Cairns : Nous avons apporté des changements à la Loi pour les familles parce que nous ne pouvons pas actuellement laisser des fiducies ou des successions à nos enfants. Nous essayons de faire quelque chose pour nos personnes âgées.

Le sénateur Pearson : Ils ont peut-être déjà élaboré des meilleures pratiques et ils peuvent peut-être vous donner des idées.

La présidente : Je vous remercie de votre mémoire. Comme j'ai dit pendant mon intervention, je suis heureux de voir que vous situez vos difficultés et votre organisme dans un contexte mondial, et je vous remercie d'avoir parlé de la perspective particulière de l'Île-du-Prince-Édouard.

Tout cela a été très utile parce que nous essayons de traiter des divers aspects de la convention, et vous nous avez aidés à cerner les questions des personnes handicapées d'une façon nouvelle. Nous vous remercions pour cela et pour le travail que vous faites ici.

La séance est levée.


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