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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 19 - Témoignages du 16 juin 2005 - Séance du matin


HALIFAX, le jeudi 16 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 9 h 5, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous sommes réunis pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants et, plus particulièrement, à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Nous accueillons aujourd'hui Mme Christine Brennan, superviseure des Services à la jeunesse et aux personnes âgées au Bureau de l'ombudsman, et Mme Sonia Ferrara, représentante de l'ombudsman.

Mme Christine Brennan, superviseure, Services à la jeunesse et aux personnes âgées, Bureau de l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse : Madame la présidente, au nom de notre bureau, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de faire cette présentation devant le comité et à vous faire part des regrets de l'ombudsman, M. Dwight Bishop, qui n'a pu être présent ce matin en raison d'un engagement pris antérieurement.

M. Bishop est pleinement conscient de l'importance des droits des enfants et des jeunes et de l'engagement du Comité sénatorial permanent des droits de la personne dans ces dossiers; il est persuadé que ma collègue, Mme Sonia Ferrara, et moi-même pourrons bien représenter le Bureau de l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse.

Je tiens également à souligner que nous sommes accompagnées de trois employés du bureau : Elaine Venturini, Charlie Gouthro et Kay Rodgers-Lidstone.

Notre mission consiste à favoriser la prise en compte des principes d'équité administrative, de saine gouvernance et de justice naturelle dans la prestation des services publics municipaux et provinciaux en répondant aux préoccupations de tous les citoyens, y compris les jeunes pris en charge par le gouvernement. À cette fin, le bureau doit demeurer accessible et continuer à se gagner et à conserver la confiance de tous. Le personnel du Bureau de l'ombudsman gère un mécanisme de règlement des plaintes indépendant, impartial et confidentiel pour les entités gouvernementales provinciales et municipales de la Nouvelle-Écosse, en mettant l'accent sur les enfants et les jeunes.

La section des services à la jeunesse a mis en place un processus d'approche proactif pour rejoindre les jeunes pris en charge par le gouvernement dans tous les établissements de services correctionnels pour la jeunesse. Nous avons créé ce processus en réponse aux allégations de mauvais traitements dans les établissements provinciaux depuis le milieu des années 90. À compter de l'été 2005, nous allons être présents dans tous les foyers collectifs et tous les établissements enregistrés de prise en charge des enfants en résidence. Depuis décembre 2003, un mécanisme d'approche est en fonction dans le seul établissement de soins en milieu surveillé de la province.

Nous voulons d'abord et avant tout offrir un mécanisme de règlement des plaintes indépendant à tous les enfants et les jeunes pris en charge par le gouvernement ainsi qu'aux jeunes et aux familles qui ont accès aux systèmes de services à la jeunesse dans la province. Nous nous efforçons de veiller à une mise en œuvre équitable des lois applicables aux jeunes en Nouvelle-Écosse.

Nous traitons les plaintes reçues par notre section des services à la jeunesse en nous appuyant sur les principes contenus dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et je ne crois pas me tromper en affirmant que notre bureau a grandement contribué à l'instauration de changements systémiques.

Nous avons également comme objectif de faire de la sensibilisation à l'égard des droits et des responsabilités des jeunes. Je crois qu'il a été question de la création d'une commission indépendante des droits de la personne pour les enfants et les jeunes, une recommandation qu'appuie notre bureau. Le concours d'un organisme fédéral indépendant permettrait d'offrir une perspective nationale aux fins des discussions intragouvernementales et entre gouvernements concernant les droits des enfants et des jeunes. Une telle organisation pourrait travailler à l'application de normes nationales concernant la prise en charge et la culture des établissements tout en faisant mieux connaître la Convention de Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux ne sont pas légalement tenus d'assurer la mise en œuvre et le respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. L'absence d'un tel mécanisme d'application mine l'intégrité des systèmes offrant des services aux enfants de la Nouvelle-Écosse. Il serait bon d'établir un point de liaison centralisé pour coordonner et faciliter les discussions à ce sujet; un genre de guichet unique, si vous voulez.

Il faudra procéder à des recherches plus approfondies pour déterminer la forme que pourrait prendre un tel organisme ainsi que les détails connexes. Le Canadian Council of Provincial Child and Youth Advocates, dont fait partie le Bureau de l'ombudsman, a recommandé la création d'un organisme national qui serait responsable de la promotion et de la protection des droits des enfants canadiens. Nous recommandons que ce soit un bureau indépendant relevant du Parlement et possédant les pouvoirs législatifs requis pour contrôler et évaluer les répercussions du plan d'action national pour les enfants canadiens, en assumant à la fois des rôles et des fonctions d'ombudsman et de défense des droits. Un tel mécanisme pourrait se révéler très utile pour les discussions fédérales- provinciales dans des dossiers de responsabilité partagée touchant les programmes sociaux, comme celui de la pauvreté chez les enfants.

Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons établi le cadre de notre section des services à la jeunesse en nous fondant sur la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Nous avons travaillé à promotion des droits de l'enfant à différents points de vue : prévention, identification, signalement, aiguillage, enquête, traitement et suivi dans les cas de mauvais traitements infligés aux enfants. Nous avons toutefois encore beaucoup de pain sur la planche pour l'application du paragraphe 2 de l'article 19.

Nous avons obtenu de bons résultats dans nos efforts visant à sensibiliser les citoyens et les responsables gouvernementaux et remettre en œuvre un engagement à offrir l'encadrement nécessaire pour les problèmes et les droits des jeunes grâce à la création d'un mécanisme de reddition de comptes proactif et indépendant. Nous préconisons une meilleure intégration des principes de la convention dans tous les systèmes de services à la jeunesse du pays et, plus particulièrement, de notre province.

Nous appuyons le plan d'action national « Un Canada digne des enfants » et nous estimons qu'il faut travailler à sensibiliser davantage tous les ordres de gouvernement pour les amener à soutenir, promouvoir et intégrer les principes contenus dans la convention. Nous encourageons donc le comité à se pencher plus à fond sur les moyens à prendre pour réaliser cet objectif.

Je voudrais terminer en vous parlant des préoccupations qui touchent actuellement nos enfants et nos jeunes en matière de droits de la personne. Notre bureau a relevé différentes questions pouvant devenir particulièrement préoccupantes pour les jeunes de la Nouvelle-Écosse. Nous nous inquiétons notamment du vide quant aux services de protection pour les jeunes de 16 à 17 ans; des services de santé mentale; de l'exploitation et des abus sexuels; de la pornographie infantile et sur Internet; de l'itinérance et de la pauvreté; de la toxicomanie, du VIH/SIDA; du phénomène des gangs et du taxage.

La présidente : Cela résume bien votre rapport. Nous avons la version complète.

Mme Brennan : Oui, vous l'avez.

Le sénateur Oliver : Merci pour votre exposé. Dans différentes provinces, les témoins nous ont parlé de la façon de composer avec le système fédéral unique du Canada. Le gouvernement fédéral veut ratifier la convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant; les droits de la personne et les droits à la propriété relèvent toutefois des provinces, et non du fédéral, ce qui fait que le gouvernement fédéral ne peut pas concrétiser lui même ses engagements. La Loi sur l'éducation de la Nouvelle-Écosse et les autres lois connexes sont provinciales, et non fédérales.

Vous proposez la création d'une nouvelle entité, d'une nouvelle commission des droits de la personne en quelque sorte. Il existe déjà une commission fédérale des droits de la personne ainsi qu'une commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse. Je commence donc à croire qu'il y a risque de dédoublement. Est-il vraiment nécessaire de créer une autre organisation?

Mme Brennan : J'ai déjà réfléchi à cette question. À la lumière des discussions tenues avec le Canadian Council of Provincial Child and Youth Advocates, ainsi qu'à l'intérieur de notre bureau et avec la province, cela apparaît comme la seule solution possible. Un tel cadre permettrait aux provinces d'appliquer les droits de la personne dans la situation des enfants. Il existe des droits de la personne pour les adultes, mais les enfants sont un peu laissés pour compte dans l'application de ces droits. Nous avons besoin de quelqu'un capable de vraiment attirer l'attention sur les droits des enfants et des jeunes. Nous nous sommes beaucoup fiés au sénateur Pearson à cette fin mais il faut dire, en toute équité, qu'elle doit également assumer d'autres responsabilités.

Le sénateur Oliver : Elle est notre commissaire des droits de la personne itinérante dans toute la planète.

Mme Brennan : Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je crois que ce serait formidable de pouvoir compter sur quelqu'un qui se consacrerait entièrement aux droits des enfants et des jeunes pour poursuivre dans la voie tracée par le sénateur Pearson. Je pense qu'il y aura un vide lorsqu'elle prendra sa retraite.

J'estime que nous avons besoin d'un commissaire national, pas nécessairement pour défendre les droits, mais pour agir comme ombudsman avec certaines fonctions liées à la défense des droits. Je peux comprendre vos craintes quant au risque de dédoublement, mais un point de liaison central permettrait une application uniforme dans toutes les provinces. Ce serait un excellent point de départ.

Le sénateur Oliver : Dans ce dossier comme dans bien d'autres, il nous faut trouver un mode d'application uniforme des lois provinciales parce que le gouvernement fédéral n'a pas le mandat constitutionnel de légiférer en la matière.

Nous pourrions notamment envisager la mise en œuvre d'une loi habilitante unique qui serait applicable dans toutes les provinces et tous les territoires. Votre organisation s'est-elle penchée sur cette possibilité?

Mme Brennan : Il faut dire qu'en Nouvelle-Écosse et au sein de notre bureau, nous sommes à l'avant-garde par rapport aux autres régions du pays parce que nous avons établi notre base de données sur les services jeunesse en fonction des principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Lorsque nous recevons une plainte, nous l'examinons au regard de la convention, ce qui permet au Canada de s'acquitter de ses obligations par rapport aux Nations Unies. Malheureusement, certaines provinces ne sont pas aussi avant-gardistes. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Collège universitaire du Cap-Breton et son centre pour les droits des enfants. Nous avons intégré les droits prévus par la convention dans le programme scolaire de base du ministère de l'Éducation.

Il est malheureux que les enfants des autres provinces ne puissent pas bénéficier des droits et des normes qui sont établis en Nouvelle-Écosse. Le Canada a besoin d'une norme uniforme pour les droits des enfants.

Le sénateur Oliver : Je suis d'accord.

Mme Brennan : Tout cela peut se résumer par la valeur fondamentale associée aux droits de la personne. La Nouvelle-Écosse est vraiment à jour à ce chapitre et j'estime que si une loi habilitante entre en vigueur, nous serons tout à fait disposés et préparés à aller de l'avant. Il est difficile de mobiliser les paliers supérieurs du gouvernement avec une loi qui n'a aucun mordant.

J'estime qu'il est important que le comité encourage le gouvernement fédéral à mettre en œuvre une loi habilitante dans les provinces de telle sorte que des répercussions se fassent sentir si le plan d'action Un Canada digne des enfants n'est pas respecté et que nous obtenions un « A » sur notre bulletin en matière de normes internationales.

Le sénateur Oliver : À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux ne sont pas légalement tenus d'assurer l'application et le respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Vous avez ciblé directement le cœur du problème.

Mme Brennan : Lors de notre campagne de sensibilisation concernant les droits en matière d'éducation auprès du gouvernement, des jeunes et des autres entités de services à la jeunesse de la province, nous avons constaté que 90 p. 100 des intervenants ne connaissaient même pas l'existence de cette convention. On parle ici des gens qui dirigent les systèmes de services à la jeunesse dans notre province.

La Nouvelle-Écosse est en avance comparativement au reste du pays, mais nous devons admettre avec embarras que les ministères provinciaux, si l'on fait exception de ceux des Services communautaires et de la Justice où nous sommes très proactifs, ne connaissent pas les objectifs de la Convention relative aux droits de l'enfant. Comme toujours, les problèmes et les droits des jeunes figurent loin dans la liste des priorités de notre pays.

Le sénateur Oliver : Vous avez raison de dire que la Nouvelle-Écosse est un chef de file dans de nombreux dossiers au Canada.

La présidente : Ce n'est pas une déclaration empreinte de parti pris; c'est la réalité. Pourrais-je seulement enchaîner?

Le sénateur Oliver : Le sénateur Mercer est d'accord avec moi, ce qui est plutôt inhabituel.

La présidente : J'estime que ce que vous faites est fort louable; vous tenez toujours compte de la convention et vous essayez de l'appliquer.

Croyez-vous qu'il s'agit d'une responsabilité de votre bureau, mais que l'approche n'est pas nécessairement la même dans tous les systèmes gouvernementaux?

Mme Brennan : C'est l'une des premières responsabilités de notre bureau. À lecture des documents d'information de notre section des services à la jeunesse et aux aînés, on peut constater que ce concept est entièrement intégré. Toutes les fois que nous présentons un exposé, nous distribuons des exemplaires du guide.

Malheureusement, la convention n'est pas l'une des priorités du gouvernement provincial. C'est pourquoi nous essayons de lui en faire valoir l'importance. Nous avons fait des présentations à l'intention des services de police, des organismes et même de la GRC. Nous diffusons l'information auprès des jeunes pour leur faire connaître leurs droits. Nous essayons d'inculquer cette façon de voir les choses au sein du gouvernement et nous obtenons de bons résultats à cet égard, mais il nous faut des appuis supplémentaires pour atteindre notre objectif.

La présidente : À l'échelon fédéral, il n'est pas rare que nous entendions différentes instances gouvernementales nous dire que la convention est importante et qu'on s'efforce de la respecter. On comprend bien sa valeur notamment. Cependant, du point de vue juridique, le ministère de la Justice indique que la convention n'est pas exécutoire. Elle peut exercer une certaine force de persuasion; il peut-être moralement important d'en tenir compte, mais on n'estime pas être légalement tenu d'y adhérer. On évoque cette absence de valeur exécutoire pour justifier le non-respect de la convention.

Mme Brennan : Vous frappez en plein dans le mille. Lorsque arrive le moment crucial, je crois que l'absence de loi officielle devient un prétexte pour ne pas respecter les principes établis.

Je félicite le ministère de la Justice pour ses services correctionnels pour les jeunes et le ministère des Services communautaires pour ses établissements de soins en milieu surveillé et de prise en charge en résidence. Ces deux ministères se joignent au mouvement et sensibilisent leur personnel de première ligne et leurs gestionnaires quant à l'importance de la Convention.

Votre comité s'intéresse de près à cette question, mais la loi n'a pas le mordant nécessaire pour apporter beaucoup de changements. En fin de compte, c'est seulement un outil promotionnel qui donne bonne conscience.

Le sénateur Pearson : Je suis heureuse que vous ayez pu être des nôtres, car j'estime que bon nombre des actions que vous menez peuvent nous servir de modèles.

Je trouve impressionnant que vous fassiez le suivi des plaintes en vous référant à la Convention. Il s'agit également d'une excellente façon de sensibiliser les gens. À partir du moment où une personne comprend qu'une certaine situation est visée par la Convention relative aux droits de l'enfant, il y a peu de chance pour qu'elle l'oublie.

Dans la plupart des provinces, des témoins ont signalé le problème du vide dans les services dont sont victimes les enfants d'un certain âge. Dans les provinces de l'Atlantique, on s'interroge au sujet des obligations à assumer à l'égard des jeunes de 16 et 17 ans.

Pourriez-vous nous parler de la manière dont ce problème se manifeste en Nouvelle-Écosse?

Mme Sonya Ferrara, représentante de l'ombudsman, Services à la jeunesse et aux personnes âgées, Bureau de l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse : Notre province n'offre plus de services de protection aux jeunes dès qu'ils atteignent l'âge de 16 ans, mais certains jeunes de ce groupe d'âge auraient besoin de tels services. Ces jeunes se retrouvent en difficulté parce qu'il leur est impossible d'avoir accès aux services de l'aide sociale avant d'avoir 19 ans, âge à partir duquel on les considère comme des adultes.

Nous recevons effectivement quelques appels de jeunes dans cette tranche d'âge. Nous traitons ces cas individuellement pour aider les jeunes à avoir accès aux services qui leur sont offerts. Nous rencontrons les responsables des services communautaires et les travailleurs sociaux en leur nom. Dans bien des cas, des services sont prévus pour les jeunes de 16 à 18 ans, mais ceux-ci doivent satisfaire à certains critères pour avoir accès à cette assistance. Ils doivent notamment vivre en milieu protégé.

Il est difficile pour les jeunes qui ont des problèmes à la maison de trouver une résidence en milieu protégé avec un adulte qui les prendra en charge. Ils doivent également participer à un programme de placement ou fréquenter l'école, ce qui est très bien. Pour un jeune qui est sans-abri, c'est une exigence difficile à remplir. En Nouvelle-Écosse, il y a un seul centre d'hébergement d'urgence pour les jeunes de 16 ans et plus, et c'est la Phoenix House. Il arrive souvent que la liste d'attente soit longue. Cet établissement de 20 lits est le seul service d'hébergement en milieu protégé pour les jeunes de plus de 16 ans.

Si un jeune est victime de mauvais traitements à la maison, il doit communiquer avec la police pour qu'une enquête soit enclenchée. Des accusations peuvent être portées, mais les services communautaires d'aide à l'enfance ne sont pas légalement autorisé à offrir des services à ces jeunes.

Le sénateur Pearson : Je crois qu'il s'agit là d'un problème très important que j'ai pu également constater dans d'autres provinces. Il est très difficile de faire la transition d'un milieu familial perturbé à la vie d'adulte. Je sais qu'il y a eu en Ontario des cas où des jeunes filles de 16 ans et plus ont décidé, pour une raison ou une autre, de retourner chez leur mère pour constater au bout de deux ou trois semaines que celle-ci consommait toujours de la drogue. Ces jeunes filles n'avaient alors plus d'endroit où aller. Elles se retrouvaient dans la rue et devaient vivre les affres de l'itinérance, quand ce n'était pas la prostitution.

J'estime qu'il s'agit là d'une grave lacune et d'un problème majeur qui doit être réglé dans tout le pays. À cet égard, on peut penser qu'un organisme fédéral pourrait aider les provinces en essayant d'établir un âge uniforme pour tout le Canada. Cela devrait bien sûr faire l'objet de négociations. Selon la Convention, toute personne de moins de 18 ans est considérée comme un enfant.

Mme Ferrara : Vous avez raison de dire que tout dépend de votre province de résidence. Dans certaines provinces, c'est jusqu'à 18 ans; ailleurs, les services arrêtent à 16 ans. Les jeunes dont je parlais n'étaient même pas prises en charge par le système avant les problèmes constatés.

Nous avons aussi eu le cas de jeunes pris en charge par les services de protection pour lesquels le nombre de placements ayant échoué était si élevé qu'on en venait presque à attendre qu'ils atteignent 16 ans pour interrompre ces services.

Le sénateur Pearson : Je suis persuadée que si une partie des arguments sont d'origine historique, d'autres sont d'ordre financier, mais les coûts que devra engager le système dans les années ultérieures sont beaucoup plus élevés que ceux à assumer pour les aider pendant cette période transitoire très importante entre 16 et 18 ans. Certains parmi nous ont pu constater que la transition peut exiger beaucoup plus de temps, mais il y a tout de même une limite à respecter.

Mme Brennan : Si l'on se fie à la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, le problème ne vient pas de l'incapacité pour la province d'offrir ces services. La loi indique que la province « doit » offrir des services de protection aux enfants jusqu'à l'âge de 15 ans, et « peut » offrir des services aux jeunes de 16 ans et plus. Malheureusement, c'est devenu le cas « plus souvent qu'autrement ».

Le sénateur Pearson : Une loi pourrait corriger la situation.

Mme Brennan : Tout à fait, mais c'est la façon actuelle de faire les choses et cela explique le vide dans les services.

La présidente : Lorsque ce problème a été mis au jour pour la première fois il y a environ 25 ans, l'une des difficultés étaient que des parents avaient fait valoir aux autorités provinciales qu'il était trop facile pour les enfants de partir lorsque des problèmes se présentaient à la maison. Ils soutenaient que la province se livrait à de l'ingérence en facilitant la tâche des enfants qui ne souhaitaient pas régler leurs problèmes dans le contexte familial.

Est-ce toujours l'une des raisons qui expliquent le vide dans les services?

Mme Brennan : Encore il y a trois ans à peine, il n'y avait pas de loi en vigueur. Un enfant doit maintenant satisfaire à trois critères, dont l'un m'échappe pour l'instant. Il doit fréquenter l'école et être incapable de retourner vivre chez lui ou avec un tuteur. Un des problèmes c'est que le jeune doit obtenir une confirmation de ses parents indiquant qu'il lui ait impossible de retourner vivre à la maison. Dans certains cas, cela fait l'affaire des parents qui sont heureux de confier cette responsabilité au gouvernement. Cependant, le gouvernement demande une contribution financière des parents pour la prise en charge de l'enfant. Dès que les parents se rendent compte qu'ils auront des frais à engager, ils décident de garder l'enfant à la maison.

Le monde a bien changé depuis 25 ans et les responsabilités parentales ne sont plus ce qu'elles étaient; les parents n'hésitent pas à s'en décharger en faisant valoir que les enfants ont beaucoup trop de droits. Libre à eux de penser cela, mais bon nombre de parents ne respectent même pas les droits de la personne fondamentaux qui sont prévus dans la convention. Les parents doivent accepter leurs responsabilités d'obtenir des services si un problème se présente à la maison, si le milieu familial est la raison pour laquelle le jeune a besoin de services de protection. Les parents doivent assumer eux aussi une partie des conséquences.

La présidente : Vous semblez en avance sur le reste du pays dans l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Êtes-vous d'avis que les droits de l'enfant doivent s'appliquer dans le contexte de la famille? Lorsque nous travaillons pour faire valoir les droits de l'enfant, cela contribue à renforcer l'unité familiale.

Il est malheureux de constater que dans certaines autres régions de la planète, on considère que les droits des enfants empiètent sur ceux des parents et des familles.

Êtes-vous parvenus à trouver un juste équilibre à cet égard?

Mme Brennan : Nous avons fait du bon travail à ce chapitre. Nous travaillons auprès de jeunes qui sont déjà pris en charge d'une façon ou d'une autre. Cela peut être dans le cadre d'ententes temporaires ou permanentes, dans des établissements correctionnels ou des établissements de détention de la police. Dans bien des cas, le dossier transite entre différents ministères comme la Justice, la Santé, l'Éducation est les Services communautaires.

Même si le mandat global de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille consiste à maintenir l'intégrité de l'unité familiale ou de l'unité de soutien familial, nous sommes bien conscients du manque d'appui offert pour ces jeunes.

Nous essayons de sensibiliser les gens au sujet de la convention des Nations Unies de manière à offrir une solution de rechange pour la mise en place de meilleures mesures de soutien. Ainsi, les familles pourraient assumer leurs responsabilités en étant mieux renseignées au sujet des problèmes actuels. La convention des Nations Unies aide les parents et les pourvoyeurs de soins à offrir un meilleur environnement aux enfants.

Nous faisons également de la promotion auprès des enfants et des jeunes; nous les renseignons à propos de leurs droits, mais nous leur indiquons aussi clairement qu'ils ont des responsabilités à assumer. Leurs droits s'accompagnent de responsabilités; ce n'est donc pas seulement une voie à sens unique.

Pour obtenir la contribution du gouvernement, nous faisons valoir que nous intervenons à la fois auprès des jeunes et des familles et qu'il est nécessaire que ces mesures de soutien soient en place pour qu'on puisse atteindre l'harmonie au sein des unités familiales.

La présidente : Parmi les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes de cette province, vous avez cité l'itinérance, la pauvreté, les abus sexuels, les vides dans le système de protection, les activités des gangs et le taxage. Vous avez ajouté le VIH/sida et c'était la première fois que nous entendions une référence directe à cette maladie à l'extérieur des comités s'intéressant à la santé.

Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de la situation du VIH/sida en Nouvelle-Écosse? S'agit-il d'une tendance lourde ou est-ce que sa croissance est attribuable au manque de ressources ou à une autre raison?

Mme Brennan : C'est un manque de ressources et de sensibilisation. Il n'en est question dans aucun document produit en Nouvelle-Écosse concernant les droits et les problèmes des jeunes. Nous avons un mécanisme efficace et proactif pour les adultes, des mesures de sensibilisation notamment, mais lorsqu'on examine la documentation destinée aux jeunes, on constate qu'il n'y a pas d'information concernant le VIH/sida, ce qui nous a incité à l'inclure parmi les problèmes vécus en Nouvelle-Écosse.

Ce n'est pas parce que nous sommes une petite province, que le VIH/sida ne touche pas nos collectivités.

Le sénateur Oliver : Avez-vous des statistiques au sujet du VIH/sida?

Mme Brennan : Non, et c'est une partie du problème.

La présidente : Nous devons nous attaquer à ce fléau qui touche toute la planète.

Mme Brennan : Nous avons affaire à des jeunes qui présentent un risque élevé par rapport au VIH/sida. Comment pouvons-nous faire de la prévention et de la sensibilisation si nous ne disposons pas des outils nécessaires? Dans certains programmes de santé, cette maladie est citée en passant, mais il n'existe pas de programme complet de sensibilisation et de promotion à ce sujet.

La présidente : Il semble y avoir un problème partout au Canada pour ce qui est des enfants autistes. Pouvez-vous nous en parler?

Mme Ferrara : Nous avons besoin de recherches plus approfondies à ce sujet. De nombreux parents nous appellent pour se plaindre des longues périodes pendant lesquelles ils doivent attendre pour obtenir un soutien au développement de la petite enfance pour leurs enfants autistes. C'est l'étape où une intervention précoce est essentielle pour aider ces enfants.

Au cours des derniers mois, les appels des parents concernaient les listes d'attente, le manque de ressources et l'insuffisance du financement. Nous n'avons pas de statistiques en main aujourd'hui, mais l'autisme est un sujet auquel les médias s'intéressent de très près.

Nous croyons qu'il s'agit d'un problème systémique qui découle d'un manque de ressources et de fonds. Il y a trop d'enfants qui reçoivent ce diagnostic et pas suffisamment de ressources en place pour leur offrir l'aide précoce dont ils ont besoin. Les recherches ont démontré qu'il faut absolument intervenir très rapidement et que si nous n'avons pas accès à ces enfants dès que possible, nous pourrons en constater les répercussions plus tard dans leur vie.

La présidente : Dans la province où nous étions auparavant, l'un des problèmes relevés venait du fait que les services offerts aux enfants d'âge préscolaire étaient interrompus lorsqu'ils débutaient l'école. Est-ce également la tendance en Nouvelle-Écosse?

Mme Ferrara : Encore là, nous n'avons pas été beaucoup exposés à des dossiers de ce genre, bien qu'ils soient de plus en plus nombreux à être portés à notre attention. Je connais l'importance de l'intervention précoce, mais il y a un manque de ressources. Des aides-éducateurs seraient assignés individuellement à ces enfants, mais je ne crois pas qu'on fasse beaucoup de suivi; l'accent est surtout mis sur l'intervention précoce. Vous avez soulevé une question intéressante : j'ignore ce qui se passe lorsque l'enfant commence l'école.

Mme Brennan : Je crois qu'on peut dire qu'il y a un manque de programmes après l'âge préscolaire parce que les plaintes qu'on reçoit ne concernent pas les enfants de cette tranche d'âge. On peut donc en déduire que les problèmes sont associés aux ressources accessibles après l'âge préscolaire. C'est pour cette raison que les parents communiquent avec nous pour savoir si des fonds sont disponibles.

Bien que les recherches indiquent que l'âge préscolaire soit celui qu'il faut cibler en priorité pour intervenir et aider ces enfants, il faut bien admettre que l'on ne peut pas identifier tous les cas dans ce groupe d'âge. Il y a un manque de services dans les écoles primaires, et même jusqu'à la fin des études secondaires.

Le sénateur Mercer : Vous avez relevé un certain nombre de problèmes et de nouvelles sources de préoccupations pour les jeunes de la Nouvelle-Écosse. Comme nous le savons tous, la Nouvelle-Écosse est le carrefour économique du Canada atlantique et on y accueille des gens de toute cette région du pays et, plus particulièrement, des deux autres provinces maritimes.

Voyez-vous beaucoup de gens du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, voire peut-être de Terre- Neuve? Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose; j'essaie tout simplement de voir s'il y a une tendance en ce sens.

Mme Brennan : Je ne pense pas que notre bureau reçoive une quantité considérable de plaintes concernant les enfants et les jeunes en provenance d'autres provinces. Je note toutefois que l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas d'ombudsman, de défenseur des droits des enfants ou d'ombudsman pour les enfants et les jeunes; je me demande donc ce qui se passe dans cette province.

Terre-Neuve peut compter sur un défenseur des droits des enfants et est en mesure de régler ses problèmes internes. Nous recevons certaines plaintes de familles dont les membres se retrouvent dans deux provinces et nous essayons alors de collaborer avec nos homologues de l'autre province pour régler les problèmes et les plaintes touchant les enfants vivant en Nouvelle-Écosse. En ce sens, il arrive effectivement que nous recevions des appels de parents vivant à Terre- Neuve, occasionnellement au Nouveau-Brunswick et, rarement, à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Pearson : Je veux vous parler, vous devez vous y attendre, de l'article 12 et de la participation des jeunes.

Pouvez-vous compter sur un groupe de jeunes qui vous tiennent au fait de leurs perceptions quant aux problèmes qui les touchent en Nouvelle-Écosse?

L'Ontario et la Saskatchewan peuvent compter sur de tels groupes.

Mme Brennan : Il n'y a pas de groupes du genre au sein de notre bureau comme c'est le cas dans d'autres provinces. Nous visitons notre établissement des services correctionnels pour les jeunes une fois par mois, celui du Cap-Breton à tous les quatre mois, l'établissement de soins en milieu surveillé à toutes les deux semaines, et les foyers collectifs sur une base régulière. Nous pouvons ainsi consulter la clientèle visée par les services gouvernementaux. Nous tenons une séance d'information sur notre rôle et les services que nous offrons, puis nous demandons la rétroaction des jeunes. Nous les invitons à nous parler de leurs expériences avec les établissements et les programmes du gouvernement.

Nous faisons également partie de nombreux comités jeunesse afin d'obtenir là également une rétroaction, mais d'un point de vue différent, sans que les jeunes se retrouvent en milieu cloisonné. Notre organisation est membre du Canadian Council of Provincial Child and Youth Advocates et notre réunion annuelle de septembre prochain servira en priorité à chercher des moyens de nous assurer une mobilisation véritable des jeunes au sein de ce conseil. Celui-ci se veut une tribune pour les enfants et les jeunes, mais il est plutôt embarrassant de constater qu'aucun d'entre eux ne s'y retrouve pour parler en leur nom. Nous espérons bien pouvoir rectifier la situation.

En Nouvelle-Écosse, même si nous n'y avons pas nécessairement accès dans nos propres bureaux, nous pouvons compter sur un vaste bassin de jeunes qui sont les mieux placés pour formuler des observations sur l'efficacité du gouvernement quant à l'accès au système de justice, aux soins de santé, aux services communautaires et à l'éducation. Ils n'hésitent absolument pas à nous raconter les expériences vécues dans leurs relations avec le gouvernement. Ils n'ont pas peur de nous parler de leurs mauvaises et de leurs bonnes expériences, et de nous communiquer leurs suggestions quant aux améliorations à apporter. Nous intégrons leurs observations dans les rapports mensuels que nous soumettons aux ministères. Nous formulons des recommandations quant aux changements pouvant être apportés aux politiques gouvernementales car, même si notre rôle premier consiste à assurer la saine administration des politiques, nous voulons nous assurer que celles-ci soient équitables. Nous nous intéressons donc aux pratiques exemplaires, à la mobilisation des jeunes et à leurs recommandations.

Je suis persuadée que notre bureau a joué un rôle clé dans les changements systémiques qui ont eu cours. Et je pense qu'il faut remercier les jeunes à cet égard.

Le sénateur Pearson : Lorsque nous travaillions à l'élaboration du plan d'action national pour les enfants, nous avons rencontré un groupe de jeunes du Nouveau-Brunswick. Lors d'une table ronde, le sénateur Andreychuk a demandé à ces jeunes quelle était leur préoccupation principale. On nous a répondu que c'était l'oxytocine et la toxicomanie. Il s'agissait de toute évidence d'un problème grave pour le jeune en question. C'est certainement la dernière chose que je m'attendais à entendre.

Avez-vous recours à des tables rondes de ce genre ici en Nouvelle-Écosse? Cela peut-être un bon moyen pour rencontrer les jeunes qui ne reçoivent pas directement les services.

Les jeunes nous ont parlé de leurs inquiétudes relativement aux maladies transmissibles sexuellement, et pas uniquement au VIH/sida. Ils n'ont pas hésité à nous parler de leurs activités sexuelles et ont admis franchement qu'ils n'étaient pas suffisamment informés au sujet de nombreuses maladies, notamment.

Je sais que vous vous intéressez au VIH/sida, mais les jeunes auxquels nous avons parlé étaient également préoccupés par les autres MTS. Ils considèrent que le VIH/sida est le pire des scénarios possibles en matière de maladies transmissibles sexuellement, mais ils s'inquiètent beaucoup de constater que la population adulte refuse de porter attention au fait qu'il leur faut davantage d'information et de mesures de soutien à cet égard. C'est le Nouveau- Brunswick qui a le programme d'éducation sexuelle le plus controversé.

Je ne sais pas vraiment si un ombudsman travaillant pour les enfants et les jeunes vous permettra d'arriver à vos fins si vous ne vous livrez pas à certaines représentations en leur nom.

En terminant, je vous signale une étude sénatoriale menée par Santé Canada portant sur les jeunes de la rue qui a été menée entre autres à Halifax. Je crois que les chercheurs ont commencé à compiler des renseignements sur l'incidence du VIH/sida; je ne sais pas si certains renseignements vous ont été communiqués.

Mme Brennan : Non.

Le sénateur Pearson : Je vais faire le suivi pour vous au sujet de cette étude.

Mme Brennan : Je sais qu'en Nouvelle-Écosse, on envisage la mise en place d'un programme d'éducation sexuelle semblable à celui du Nouveau-Brunswick, mais que cela a soulevé une énorme controverse à un point tel que certains parents ont décidé de retirer leurs enfants de la classe. Nous avons produit une brochure d'information, mais elle n'a malheureusement pas obtenu l'approbation des parents et nous ne pouvons donc pas la distribuer. Il est possible que nous devions diluer quelque peu l'information, ce qui est également malheureux.

Sénateur, les seules tables rondes auxquelles nous assistons sont celles des groupes dont nous sommes membres. Nous y participons, mais ce n'est pas nous qui les organisons.

Nous essayons de participer à toutes les tables rondes possibles et nous faisons partie de différents comités qui tiennent des discussions, mais aucune de celles-ci n'a été directement organisée par notre bureau.

Mme Ferrara : Nous consultons différents groupes de jeunes, comme le Réseau national des jeunes pris en charge. En Nouvelle-Écosse, nous avons un bulletin publié par un groupe de jeunes pris en charge par les systèmes de protection de la jeunesse. Nous consultons souvent ces jeunes qui produisent un bulletin formidable et nous leur avons également présenté des exposés.

Nous apprécierions grandement qu'un poste soit créé au sein de notre bureau pour s'occuper uniquement des questions liées à la jeunesse, car nous avons pu constater les bons résultats obtenus avec une telle mesure dans d'autres provinces. Nous essayons de tenir autant de consultations que possible et, comme Christine vous l'a dit, à la faveur de nos visites proactives régulières dans les différents établissements et de notre participation à des réunions et à des groupes de discussion, nous apprenons ce qui est important pour les jeunes de notre province. Il faut leur prêter une oreille attentive pour bien comprendre ce qui est important à leurs yeux. C'est la seule façon pour nous de les aider.

Le sénateur Oliver : Je veux m'assurer que tout le monde est au courant qu'il y a, en Nouvelle-Écosse, une chaire dotée pour la recherche et les études sur l'autisme à l'Université Dalhousie, grâce à un financement d'un million de dollars offert par la Craig Foundation.

Halifax est un chef de file en matière de recherche sur l'autisme. À quelques rues d'ici, la Craig Foundation a une résidence pour les parents d'enfants autistes où l'on dispense du counselling, de la formation, de l'éducation et des conseils. En octobre prochain, une nouvelle activité de levée de fonds se tiendra ici même à Halifax pour aller chercher 200 000 $ additionnels aux fins de ces mêmes services.

Je ne voudrais pas qu'il se dégage du compte rendu que la Nouvelle-Écosse ne fait pas beaucoup d'efforts afin de lever des fonds et de faire le nécessaire pour faire avancer les recherches dans ce domaine.

Ensuite, vers la fin de vos observations, vous avez donné une liste d'objets d'inquiétude émergents en Nouvelle- Écosse, et nous en avons tous pris bonne note. Chacun a fait connaître son opinion. Vous avez mentionné le manque de services pour les jeunes de 16 et 17 ans. Vous avez parlé de la santé mentale, des abus sexuels, de l'itinérance, du VIH/sida et de tout le reste.

J'aimerais discuter de la santé mentale. Les sénateurs Keon et Kirby président un autre comité qui mène la plus grande étude canadienne du genre, sur les questions relatives à la santé mentale.

Votre groupe a-t-il fait une présentation à ce comité?

Mme Brennan : Oui, sénateur, nous avons fait une présentation à ce comité.

Le sénateur Oliver : Très bien, je suis très content de l'entendre.

Mme Brennan : En fait, c'était ma première expérience avec un comité sénatorial. J'ai été lancée, et ce fut une expérience très intéressante que de présenter un exposé devant ce comité.

Le sénateur Oliver : C'est excellent.

Mme Brennan : Nous menons des recherches sur la santé mentale et les jeunes, particulièrement les jeunes qui sont incarcérés sous la garde de la province. Nous nous rendons compte que les services manquent pour ces jeunes. Nous reconnaissons certes qu'il se fait beaucoup de recherches de pointe en Nouvelle-Écosse, mais nous voulons que la collectivité mette ces recherches en application afin que nous puissions vraiment hausser nos standards, c'est certain.

Mme Ferrara : Nous voulons aussi aider les parents d'enfants autistiques. Nous voulions que ce soit consigné au compte rendu.

La présidente : Je comprends de vos propos que notre comité vous rend la vie plus facile que le premier comité sénatorial devant lequel vous avez comparu.

Mme Brennan : Sénateur, les deux expériences sont fabuleuses. L'ombudsman a fait une présentation devant le premier comité. Nous l'avions préparé en vue de sa présentation et il a fait de l'excellent boulot, mais il s'est soudainement tourné vers moi pendant la période de questions. C'est là que j'ai été lancée et que j'ai dû répondre à des questions des honorables sénateurs. Je suis bien mieux préparée aujourd'hui.

C'est une expérience extraordinaire, et je vous prie de ne pas hésiter à nous convoquer n'importe quand, nous allons revenir pour répondre à toutes vos questions. Nous sommes toujours ravis de nous entretenir avec les représentants d'un organisme fédéral. Vous êtes très aimables. Je vous remercie beaucoup.

La présidente : Nous vous remercions à notre tour de votre travail exemplaire, du fait que vous ayez accepté de vous occuper de la Convention relative aux droits de l'enfant et que vous fassiez tout ce que vous pouvez dans les limites de vos responsabilités.

Pendant notre étude, nous nous sommes rendu compte que les gens ne connaissaient pas la Convention relative aux droits de l'enfant, tant dans la sphère publique que dans les services gouvernementaux. Bien entendu, la première étape en vue de sa mise en œuvre est d'éduquer les gens. Vous allez entendre parler de nous, parce que nous continuerons de nous battre en ce sens.

Le sénateur Pearson : Je pense que la Nouvelle-Écosse a beaucoup à apprendre au reste d'entre nous, et nous profitons justement de ce voyage pour découvrir quelles mesures positives sont prises aux différents endroits de notre pays.

Le Nouveau-Brunswick ne sait pas encore si les droits de l'enfant seront du ressort du bureau de l'ombudsman. Je sais que la Nouvelle-Écosse suit cette tendance.

Je vous prierais de me dire si d'un point de vue pratique, vous croyez que le système fonctionne bien en Nouvelle- Écosse?

Mme Brennan : Il faut que ce soit sous cette gouverne. Je ne voudrais pas discréditer les organismes qui se consacrent strictement aux droits de l'enfant, mais ce rôle de l'ombudsman est essentiel et tout à fait adapté, parce que nous sommes capables de déceler les problèmes dans les services gouvernementaux, grâce au public, puis d'apporter des changements efficaces ou de faire des recommandations pouvant avoir une incidence directe sur les politiques. L'un des avantages de notre travail, c'est que nous voyons ces plaintes porter fruit pour que le système change.

Notre indépendance est notre argument massue, parce que nous ne sommes responsables ni envers le plaignant ni envers le répondant, comme le gouvernement. Nous pouvons faire des recommandations sans crainte de représailles de qui que ce soit. C'est la clé; nous sommes dans une position idéale.

J'encourage les autres provinces à suivre notre exemple. S'il y a un commissaire fédéral, je favoriserais vivement un rôle combiné, plutôt qu'un rôle exclusivement de défenseur. Bien que nous fassions valoir notre candidature pour exprimer la voix des enfants et des jeunes, nous voulons aussi nous assurer que le gouvernement est à l'aise de venir nous présenter des politiques avant de les mettre en oeuvre.

Nous voulons avoir un dialogue ouvert pour pouvoir recommander au gouvernement de se référer à la Convention de l'ONU. Nous voulons que la convention devienne une seconde nature et que nous commencions à sentir une obligation. Bien que ce ne soit pas une obligation juridique, nous avons l'obligation morale et éthique que le gouvernement la fasse accepter. Une fois le processus enclenché, il sera beaucoup plus facile de la faire respecter, mais il faut absolument que nous nous dotions de cette norme nationale. J'espère seulement que l'Île-du-Prince-Édouard reconnaîtra qu'elle a des enfants et des jeunes qui méritent la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant.

Le sénateur Pearson : J'ai été très heureuse d'apprendre que vous travailliez avec le Collège universitaire du Cap- Breton et le Centre for Children's Rights. Je suis de plus en plus impressionnée de leur travail et du travail effectué par les groupes de consultation avant l'étude de l'ONU; des consultations menées à Toronto concernant l'étude de l'ONU sur la violence. Ils ont formé divers groupes de consultation, sur la réserve à l'extérieur de Sydney et ailleurs, et ces groupes ont fait des déclarations très percutantes sur la façon dont les enfants perçoivent leurs droits. Ils voient beaucoup de violence, et je ne sais pas si cette question a été examinée. Vous n'en faites pas mention dans cette étude.

Mme Brennan : Non, en Nouvelle-Écosse, cela n'a pas vraiment été à l'avant-plan des enjeux, parce qu'on revient encore une fois à la limite entre les compétences fédérales et provinciales, particulièrement en ce qui concerne les Premières nations et les Autochtones.

Lorsque je suis allée à Toronto pour la réunion du Canadian Council of Provincial Child and Youth Advocates, nous avons accueilli un représentant du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Il y a des tables rondes tripartites de la sorte pour analyser les problèmes particuliers aux enfants et aux jeunes qui vivent dans les réserves.

Je les ai interrogés sur les droits des enfants à l'extérieur des réserves. Notre bureau se limite strictement aux politiques et aux lois provinciales et municipales. Je constate un manque de services pour les jeunes qui vivent dans les réserves et particulièrement, pour ceux qui vivent à l'extérieur des réserves. Je sais que cette situation fait l'objet d'une attention nationale et que les enfants des Premières nations et des Autochtones reçoivent l'information dont ils ont besoin.

Le sénateur Pearson : Ce n'était pas seulement les Premières nations et les Autochtones.

Mme Brennan : C'est exact.

Le sénateur Pearson : Des groupes de Sydney et d'ailleurs ont exprimé leurs inquiétudes sur la violence, et vous avez mentionné les gangs dans votre présentation. Avez-vous reçu beaucoup de plaintes de cette nature?

Mme Brennan : Nous constatons le problème dans nos établissements correctionnels pour les jeunes. Nous le constatons dans certaines régions, pas nécessairement dans les villes. C'est-à-dire que je suis certaine qu'il y a des ramifications de gangs dans les villes. En fait, je sais qu'il y a des gangs dans les villes.

Le sénateur Oliver : Avez-vous constaté des attaques en bandes?

Mme Brennan : Oui, mais ces attaques s'observent dans certains endroits plutôt que par rapport à certaines croyances. C'est une tendance dérangeante, j'en conviens. On en parle dans les médias. Est-ce que les chiffres ont augmenté dans les statistiques? C'est un peu différent, mais il est indéniable que la couverture médiatique a mis le problème sous le feu des projecteurs.

Le sénateur Pearson : Les recherches de l'Université du Cap-Breton concernant les incidences du programme sont très positives, et nous allons tenir compte de ces incidences dans nos recommandations. Nous sommes la seule province à avoir un programme d'éducation sur la convention.

Nous remercions le Collège universitaire du Cap-Breton, et particulièrement les professeurs Covell et Howe, qui ont contribué à nous enseigner le mantra de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Nous essayons de diffuser la Convention dans toute la province. L'université fait de l'excellent, excellent travail et nous lui en sommes très reconnaissants. Elle nous a aidé à construire notre base de données, nous lui devons donc crédit pour cela aussi.

Le sénateur Pearson : Très bien, merci.

La présidente : Je vous remercie encore une fois d'être venues ici ce matin nous présenter une perspective beaucoup plus optimiste sur la Convention que ce que nous avons entendu jusqu'ici.

J'espère seulement que vous allez continuer d'informer les gens qu'il ne suffit pas de ratifier la Convention. Il faudrait éduquer les gens et prendre des mesures pour obliger le Canada à respecter la Convention. Il nous reste du pain sur la planche.

Nous vous remercions de nous avoir présenté le point de vue de la Nouvelle-Écosse. Nous espérons que vous allez poursuivre votre travail et que nos recommandations vous profiteront.

Honorables sénateurs, nous avons le grand plaisir de recevoir le professeur Wayne MacKay, de l'École de droit Dalhousie, que les comités sénatoriaux connaissent bien, puisqu'il a témoigné souvent sur divers enjeux liés aux droits de la personne et à la loi.

M. Wayne MacKay, professeur, École de droit Dalhousie : Merci beaucoup. J'ai comparu à quelques reprises devant des comités sénatoriaux, et l'expérience m'est toujours agréable. Je trouve que les sénateurs sont inévitablement bien préparés et qu'ils posent des questions pertinentes et difficiles, donc c'est toujours plaisant. Je comprends que vous voulez que je sois assez bref, donc je vais essayer de l'être pour laisser amplement de temps aux questions. J'espère que vous avez sous les yeux mon long mémoire. Il est un peu plus long qu'à l'habitude parce que ce sujet me passionne et parce qu'il y a plusieurs membres du comité qui ne sont pas ici aujourd'hui. J'ai pensé à ces sénateurs en vous laissant mon mémoire complet.

Mon choix du sujet dans le contexte de votre important mandat général de la protection des droits des enfants en vertu des garanties internationales est l'éducation. Bien entendu, il y a beaucoup d'autres sujets de préoccupation, dont vous avez en partie entendu parler aujourd'hui.

Aujourd'hui, je vais mettre l'accent sur l'éducation. Comme le titre de mon mémoire l'indique, outre l'importance évidente qu'elle comporte, l'éducation est un microcosme utile pour comprendre comment nous respectons les droits des enfants ou nous tenons compte de ces droits et d'autres préoccupations dans un contexte particulier. Je pense que l'éducation présente une étude cas utile.

La partie éditoriale du titre s'intitule « Rights by Example : The Education Context As a Microcosm of Society's Recognition of the Rights of Children ». Dans cette partie, je préconise que nous devons traduire nos enseignements par des actes concrets. Comment voyons-nous les droits des enfants? Prêchons-nous par l'exemple que les étudiants ont des droits? C'est la première partie de l'introduction.

J'ai également inclus un document à simple titre de référence, même si je suis sûr que vous n'en avez pas besoin, concernant les principaux articles sur l'éducation dans la Convention relative aux droits de l'enfant.

Je vais commencer par examiner certains des principaux articles, y compris l'article 28, qui garantit un droit à l'éducation primaire gratuite. Je suis président par intérim du conseil de Droits et Démocratie, et l'un de nos objectifs de développement du millénaire est l'éducation primaire gratuite dans tous les pays du monde.

À la page 2 de mon mémoire, vous allez trouver le titre « International Human Rights Guarantees ». Le Canada est signataire de la Convention sur les droits de l'enfant depuis 1992 et s'occupe avec beaucoup d'autres du droit à l'identité et du droit à des normes élevées de santé et de soins de santé. Mon thème principal est l'éducation et dans une certaine mesure, la liberté d'expression.

La Convention, comme certaines de nos propres lois, souligne le statut spécial des enfants dans notre société. Nos enfants ont des droits, mais nous reconnaissons qu'ils sont vulnérables et qu'ils ont besoin de protection. Nous nous efforçons de trouver un équilibre sain entre les deux.

L'article 19 est important relativement aux écoles et à la liberté de vivre à l'abri de la violence. Je vais aborder les questions de l'intimidation dans les écoles, de la violence à l'école et du châtiment corporel, dont il est question à l'article 43.

L'article 19 donne aux enfants des garanties contre la violence, et ces droits sont liés au concept de la dignité humaine, qui est au cœur même de notre Charte aussi.

Je participe actuellement à un examen pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick, sur l'école intégratrice des élèves ayant des handicaps mentaux ou physiques. L'éducation inclusive est un concept plus large, étroitement lié à diverses garanties de la Convention, soit aux garanties d'accès pour les handicapés contenues à l'article 23, de même qu'aux garanties générales qui figurent à l'article 28. L'éducation inclusive me semble être un objectif global très important pour l'éducation.

L'égalité et la dignité exigent que nous appartenions à une collectivité et que nous tirions avantage de cette collectivité. Les avantages de l'éducation signifient que l'enfant récoltera les avantages de la société. Un enfant sans éducation primaire, secondaire et de plus en plus, postsecondaire même ne peut pas vraiment tirer pleinement avantage de la société.

Le Nouveau-Brunswick est un leader dans le domaine de l'école intégratrice. Vous avez posé des questions au groupe de témoins précédent sur l'autisme. Je suis tout disposé à répondre à toute question que vous me poserez pendant la période de questions.

Le principal point qui se dégage sur l'école intégratrice, c'est le jugement clair des tribunaux dans quelques affaires, dont une en Colombie-Britannique et une en Alberta, que le gouvernement a la responsabilité d'offrir une éducation de qualité et un accès égal à l'éducation à nos jeunes. Les tribunaux n'aiment pas que le gouvernement parle de passer le fardeau d'un ministère à l'autre. Ils ne se soucient pas de quelle compétence est l'éducation; ils estiment que le gouvernement dans son ensemble est responsable de l'éducation de nos jeunes. Ils soulignent que le gouvernement a la responsabilité de respecter les obligations prescrites dans la Charte. Je pense que la même chose devrait s'appliquer aux obligations découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant; le gouvernement dans son ensemble a la responsabilité de l'éducation. Les tribunaux n'acceptent pas l'argument que c'est le problème de tel ou tel ministère. Les tribunaux envoient le signal très clair que c'est inacceptable et que c'est important.

L'un des développements positifs dans le domaine des droits et de l'éducation des étudiants, c'est une conscience grandissante de ces droits, du fait que les étudiants ont des droits, qui bien sûr ont des limites, mais qu'ils ont des droits.

Il ne fait aucun doute que les sénateurs sont au courant de l'affaire Malcom Ross, sur les commentaires antisémites exprimés à l'extérieur de la classe. Dans ce jugement, la Cour suprême du Canada a de façon plutôt extraordinaire imposé aux commissions scolaires le devoir de prendre des mesures concrètes pour que les écoles deviennent des zones sans discrimination, pour que les écoles deviennent des endroits où il n'y a pas de discrimination en fonction de la race ou du genre, ni d'exclusion des personnes handicapées. C'est un objectif très vaste et très important qu'a établi le juge La Forest de la Cour suprême du Canada, qui a rédigé la décision clé sur cette affaire. C'est un développement positif pour faire appliquer la Convention relative aux droits de l'enfant.

Dans une autre affaire, l'affaire Audet, le juge La Forest souligne la relation de confiance des enseignants. Il est très important de souligner dans les autres domaines de justice pénale que les enseignants se trouvent dans une relation de confiance spéciale par rapport aux enfants. Cette relation spéciale doit être axée sur l'intérêt de l'enfant et elle ne doit pas être trahie.

Je passe à l'équilibre intéressant entre la liberté d'expression des étudiants et la sûreté des écoles ainsi que l'intimidation et la sûreté des écoles. J'aborde certains sujets brièvement, mais je ne les répèterai pas. Nous connaissons tous les difficultés auxquelles sont confrontées les écoles. L'intimidation et le suicide d'élèves attribuable au moins en partie à l'intimidation et à la violence dans les écoles sont des problèmes importants qui doivent être résolus. Ces problèmes existent dans tout le pays, de Red Lake, à l'Alberta, à la Nouvelle-Écosse et ailleurs.

L'un des aspects de la question est la libre expression des étudiants et en raison de l'inquiétude légitime sur l'ordre et la sécurité dans les écoles, il y a une tendance croissante à limiter le discours ayant des couleurs violentes. Je parle ici de contenu. De toute évidence, la forme violente n'est pas acceptée. Même en vertu de notre Charte, l'expression violente en termes de viol, d'agressions, et cetera n'est pas protégée constitutionnellement, mais le contenu violent en général est protégé, sous réserve de l'article 1. Le fardeau de la preuve consiste à justifier pourquoi il ne devrait pas l'être, et il y a eu quelques poursuites très médiatisées en Ontario. Un élève du secondaire de l'Ontario a été incarcéré par la police pour avoir écrit une histoire créative sur un élève qui, après avoir été harcelé par des petites brutes s'est vengé en installant des explosifs dans toute l'école. Bien qu'on ait démontré que l'élève ait lui-même été victime d'intimidation, aucune preuve n'a été trouvée qu'il avait vraiment prévu de se venger. L'élève a été arrêté et a passé le Noël de son 16e anniversaire en prison. Le tribunal a conclu que le garçon n'aurait pas dû être arrêté. En fait, à peu près la même chose était arrivée à son frère. On parle de ces affaires et d'autres poursuites semblables comme des affaires « tordues ». On peut comprendre, après les événements de Columbine, pourquoi les autorités scolaires ont réagi de cette façon.

Je tiens à vous mettre en garde, parce que si la censure est une réaction possible, elle n'est peut-être pas, et elle ne l'est pas selon moi, la solution la plus efficace. Nous devons trouver les causes de ces actes violents dans les écoles. Nous devons déterminer jusqu'où il faut aller pour protéger la liberté d'expression, mais ce n'est peut-être pas la meilleure chose à faire que d'empêcher simplement l'expression. Nous pourrons certainement en discuter davantage.

Voici quelques affaires moins controversées sur la libre expression des élèves. À la page 13, je fais état de l'affaire Lutes et de celle de la chanson « Let's Talk About Sex ». Dans ce cas, un élève a chanté la chanson en présence d'un responsable de l'école, et l'élève a été suspendu. Cette chanson porte sur le VIH/sida. Le tribunal a informé le directeur de l'école qu'il n'avait pas le droit de suspendre l'enfant. Le tribunal a dit ce qui suit :

Le problème découle d'une réaction excessive à une chanson inoffensive qui véhicule un message très fort. [Traduction]

Ce tribunal s'est mêlé de l'administration scolaire, ce qui était une première. Il a déterminé clairement que le directeur devait justifier pourquoi il ferait une telle chose et que le fait d'être insulté ne suffisait pas pour suspendre un enfant.

Je suis certain que les sénateurs connaissent l'affaire Mark Hall sur son droit de se faire accompagner par son ami homosexuel au bal des finissants. Dans ce cas-là, le tribunal a maintenu par injection le droit du garçon de se faire accompagner. Le tribunal a dit ce qui suit :

L'école est une institution fondamentale dans la vie des jeunes. Elle offre souvent le contexte de leur vie sociale tant pendant les heures d'école qu'en dehors. Les activités récréatives comme les sports, les clubs et les danses, qui sont importantes dans le développement d'un élève, se situent souvent dans un cadre scolaire. L'exclusion d'un élève d'une occasion importante de la vie scolaire, comme le bal de finissants, constitue une restriction d'accès à une institution sociale fondamentale. [Traduction]

C'est toutefois un jugement très fort. Les élèves seront curieux d'apprendre que leur bal de finissants est une institution sociale fondamentale, mais quoi qu'il en soit, c'est ce qu'il a été décidé.

Ces deux jugements nous montrent jusqu'où nous allons dans notre réflexion sur les droits de l'enfant.

Où est l'équilibre entre la liberté d'expression des étudiants et la sécurité dans les écoles?

Je m'intéresse aussi à l'interaction criminelle dans les écoles, particulièrement à la recherche et aux saisies, parce que bien entendu, la question critique ici consiste à déterminer quelles sont les attentes raisonnables en matière de vie privée. Même si les tribunaux ont statué clairement que la Charte garantit la protection contre les recherches déraisonnables et qu'elle s'applique dans les écoles, ils y appliquent une norme inférieure pour ce qui est des attentes en matière de vie privée. Encore une fois, c'est peut-être acceptable et peut-être pas. Nous pourrions en débattre. À certains égards, cela s'inspire du modèle de la prison.

Nous n'hésiterions pas à accepter que les détenus doivent s'attendre à moins de vie privée que le public en général, mais je prétends probablement bien irrévérencieusement que les détenus jouissent d'une meilleure situation que les élèves pour ce qui est de l'article 8. Je ne suis pas certain que l'argument soit aussi bon pour restreindre la vie privée dont peuvent s'attendre les élèves.

Dans l'affaire M.R.M., la Cour suprême du Canada a adopté la norme inférieure de vie privée pour les élèves. Le tribunal a décidé que l'école n'avait pas besoin de motifs raisonnables et probables pour fouiller un casier d'élève. Il faut encore bien moins pour fouiller un élève qu'un détenu, soit physiquement ou les lieux où il se trouve, et un enseignant ou un administrateur n'est pas obligé comme un policier de lire aux élèves leurs droits en vertu de la Charte. Je comprends que les enseignants ne reçoivent pas la même formation que les policiers. Le problème, c'est que bien que ce soit convenable lorsque c'est une question de discipline à l'école, si la conséquence se traduit aussi par une infraction à la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents pour l'élève, pourquoi les droits de l'élève diffèrent-ils en fonction de la personne qui le fouille? En fait, si je devais conseiller des élèves de nos jours, je leur dirais d'insister pour que ce soit un policier, parce que c'est tout ce que ces affaires nous disent, si un policier avait fait la fouille, la preuve aurait été exclue en raison de soupçons insuffisants, entre autres. Si l'école effectue la fouille, elle remet immédiatement les articles confisqués à la police. Par conséquent, assez bizarrement, le meilleur conseil serait de confier la fouille à un policier.

Pour les écoles, il semble que lorsqu'elles ont affaire à des enjeux criminels graves, elles font mieux de ne pas faire appel à la police. C'est un grave problème.

L'affaire M.R.M. est particulièrement intéressante. Cette affaire d'ici, à Halifax, est intéressante parce que c'est le directeur adjoint qui a effectué la fouille en présence d'un agent de la GRC. La Cour suprême du Canada a affirmé que c'était tout de même une fouille administrative scolaire plutôt qu'une fouille policière. Le tribunal reconnaît qu'il peut arriver que les autorités agissent comme des policiers. C'est un autre facteur à considérer au sujet des droits des élèves. Nous devons nous demander si cette distinction est justifiée.

À la page 19 de mon mémoire, j'aborde la question litigieuse du châtiment corporel. Depuis quelques années, il y a eu un changement social important, puisque nous n'acceptons pas la punition physique des élèves et des enfants. Cependant, il y a toujours l'article 43 du Code criminel qui dicte que l'usage de la force à des fins de correction fait toujours partie de notre loi.

Dans l'affaire de la Foundation for Children and Youth, la Cour suprême du Canada a rejeté les contestations constitutionnelles de l'article 43 sur trois motifs. L'argument présenté était qu'il violait l'article 7 parce qu'il était trop vague, qu'il violait l'article 12 parce qu'il s'agissait d'agissements cruels et inhabituels et qu'il violait l'article 15 parce qu'il créait une inégalité.

Dans une décision majoritaire, la juge McLachlin a établi que l'article 43 ne constituait pas une atteinte à la dignité des jeunes enfants et que par conséquent, il ne contrevenait pas au paragraphe 15(1) de la Charte. Au 68e paragraphe de sa décision, la juge McLachlin affirme ce qui suit :

Les enfants se sentent souvent impuissants et vulnérables; et il faut tenir compte de ce fait en évaluant l'incidence de l'article 43 sur le sentiment de dignité d'un enfant. Cependant, comme je l'ai souligné, la force autorisée est limitée et doit être évaluée en regard de la réalité de la mère ou du père accusé qui se retrouve pris dans l'engrenage du système de justice pénal, sans compter la destruction du milieu familial qui en résulte, ou de celle de l'enseignant détenu en attendant le versement d'une caution et au tort inévitablement causé au milieu essentiel à l'éducation de l'enfant. L'article 43 ne porte pas arbitrairement atteinte à la dignité. Il n'est pas discriminatoire. Au contraire, il repose fermement sur les besoins et la situation véritables des enfants.

C'est la juge en chef du Canada et c'est elle qui prononce les jugements, pas moi, mais c'est une conclusion plutôt surprenante, puisque les juges Binnie, Arbour, Bastarache et autres avaient un point de vue différent et estimaient que cette décision créait un problème constitutionnel.

Aux pages 23 et 24, le Comité de l'ONU des droits de l'enfant recommande que le Canada abroge l'article 43 du Code criminel. L'ONU a affirmé qu'à la lumière des garanties de non-violence contenues à l'article 19, le Canada violait cet article. En fait, le tiers des pays du Conseil européen a abrogé ses lois équivalentes. Dix-sept des États faisant partie du Conseil européen ont déjà abrogé leur équivalent de l'article 43 sur le châtiment corporel, contrairement au Canada.

Le comité de l'ONU a une opinion et la Cour suprême du Canada, une autre. Il y a actuellement un projet de loi devant le Sénat, le projet de loi S-21, pour abroger l'article 43.

La présidente : Il est toujours à l'étape du comité.

M. MacKay : Rien dans la décision de la Cour suprême n'empêcherait le Parlement d'abroger l'article 43. Tout ce que les juges ont dit, c'est qu'il était constitutionnel, mais si le Parlement souhaite être plus éclairé que nos tribunaux, il est libre de l'être.

Le sénateur Oliver : Les parlements font les lois.

M. MacKay : Exactement.

Permettez-moi seulement de conclure. Il y a quelques domaines où nous sommes en avance, sur les zones sans discrimination et l'attention accrue accordée à l'éducation inclusive. On craint que l'intimidation et la violence à l'école ne réduisent la liberté d'expression et le droit des élèves à l'application régulière de la loi.

Dans le cas du châtiment corporel, de l'article 43, j'appuie ceux qui sont pour sa révocation, clairement du moins en ce qui concerne les enseignants. Il me semble que la défense des enseignants fondée sur l'article 43 ne se discute pratiquement pas. Pour ce qui est des parents, on se demande toujours s'il faudrait l'abolir totalement ou non, mais dans l'affaire de la Children Foundation, la Cour suprême du Canada a réduit considérablement la portée d'utilisation de l'article 43.

Je crois que soit les membres du comité actuel sur les droits de la personne soit les responsables des droits de la personne ont le mandat réaffirmé de suivre nos engagements en vertu des traités internationaux. Peut-être un comité sénatorial permanent chargé de l'application des droits de la personne devrait-il surveiller le dossier de l'éducation. Un comité permanent « chien de garde » pourrait faire cesser les rapports négatifs de l'ONU sur le non-respect par le Canada de ses obligations découlant de la Convention.

La présidente : Merci, je comprends que votre mémoire contient bien plus que ce que vous avez mentionné et que nous devrons l'étudier plus attentivement.

Le sénateur Oliver : Le professeur MacKay a plusieurs cordes à son arc; il est entre autres l'un des plus grands spécialistes du droit constitutionnel au Canada. Madame la présidente, avec votre permission, j'aimerais lui poser une question qu'il n'a pas beaucoup abordée dans son exposé, mais qui a été soulevée au sein de notre comité en Europe et ici, au Canada.

Nous avons rencontré le comité de l'ONU à Genève, et ses membres nous ont posé des questions sur l'arrêt de notre Cour suprême, mais j'aimerais que vous répondiez à ma question vraiment en tant que spécialiste de la Constitution.

Le Canada déploie des efforts importants pour la mise en œuvre des droits et des obligations découlant des divers traités internationaux sur les droits et les libertés des enfants, et plus particulièrement de la Convention relative aux droits de l'enfant. Cependant, le Canada n'a pas de mécanisme systématique, de procédure juridique pour faire respecter ces droits dans les lois canadiennes, dans le contexte de notre régime fédéral. Le gouvernement fédéral a certains pouvoirs et les provinces et municipalités en ont d'autres.

Quel type de système nous permettrait de faire respecter les droits des enfants de façon plus systématique, de sorte qu'ils ne s'appliquent pas d'une façon en Colombie-Britannique et d'une autre à Terre-Neuve?

Quel cadre constitutionnel nous permettrait de faire respecter les obligations internationales du droit canadien dans les provinces et les territoires?

M. MacKay : Vous avez raison, les droits des enfants et l'éducation sont de compétence provinciale.

Le gouvernement fédéral a signé la Convention relative aux droits de l'enfant qui fait du Canada un État responsable du respect des engagements pris. Cependant, selon notre régime constitutionnel, ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables du respect de ces engagements.

Comme le renvoi sur les Conventions de travail le confirme, le gouvernement fédéral ne peut pas faire appliquer ces obligations. Il y a l'argument contraire qu'en temps de paix, d'ordre et de bon gouvernement, le gouvernement fédéral a le pouvoir d'insister pour que ces obligations soient mises en œuvre. On peut faire valoir cet argument pour les engagements pris par le gouvernement fédéral sur les droits de la personne. C'est un argument.

Le sénateur Oliver : Y a-t-il un jugement sur lequel nous pourrions nous fonder pour utiliser l'argument de la paix, de l'ordre du bon gouvernement?

M. MacKay : Le feu juge en chef Laskin a avancé l'idée, dans l'affaire Capital Cities Cable que la paix, l'ordre et le bon gouvernement devaient être source d'autorité pour la mise en œuvre des traités. Il pourrait valoir la peine d'examiner sa dissidence pour respecter les obligations découlant de la convention.

Les tribunaux n'ont pas renversé l'affaire des Conventions de travail. L'argument contre, c'est que d'un point de vue fédéral-provincial, il serait dangereux que le gouvernement fédéral ajoute à ses compétences simplement en signant un traité parce qu'en signant un traité, il obtiendrait le pouvoir de le mettre en œuvre. Les provinces sont peu chaudes à cette idée, comme on peut le comprendre. C'est probablement pourquoi le jugement sur les conventions de travail demeure toujours. Il y aurait peut-être une solution intermédiaire et il s'agit encore une fois de surveiller et d'éduquer les responsables des organismes.

Vous vous demandez comment nous pouvons établir des normes nationales de mise en œuvre pour tout le pays. La Charte est une ressource, parce que tous les ordres de gouvernement doivent la respecter. Lorsque nous augmentons le nombre de définitions des droits dans la Charte, toutes les administrations du pays doivent les respecter. C'est une solution de mise en œuvre.

La Convention relative aux droits de l'enfant pourrait être un autre moyen très utile pour la mise en œuvre. Elle n'a pas d'effet immédiat; elle n'a que force de persuasion.

Ce comité pourrait éduquer et surveiller les provinces et les territoires sur nos engagements en vertu de la convention. C'est en vérité l'une des recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Ce comité recommande que le gouvernement fédéral éduque toutes les provinces et tous les territoires au sujet de leurs engagements en vertu de la convention.

Il me semble que le fait d'engager l'opinion publique ferait augmenter les chances que les lois provinciales respectent nos obligations internationales. Par exemple, la loi de la Nouvelle-Écosse sur l'éducation est-elle conforme à nos engagements internationaux et suffisamment inclusive à la lumière de l'article 23 sur les handicaps? Est-elle suffisamment inclusive à la lumière de nos garanties contre la discrimination sur la base du genre ou de la race?

Je pense que si les gens savaient que ces dispositions existent et que nous avions un mécanisme pour les porter à l'attention des autorités gouvernementales, la mise en œuvre serait plus uniforme. Ce pourrait être une autre solution.

Je pense qu'un comité qui se chargerait du rôle de surveillance et du mandat d'éducation aiderait à accroître l'uniformité dans les lois.

La plupart des gens ne connaissent pas la Convention relative aux droits de l'enfant. En fait, si l'on faisait un sondage dans les ministères, je serais porté à croire que les fonctionnaires connaîtraient ou comprendraient très peu la convention. Ce serait un point de départ important.

C'est ma réponse pratique, sans compter qu'on pourrait modifier la Constitution ou favoriser la mise en œuvre de nos obligations internationales par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Oliver : Pourquoi n'adopterions-nous pas une certaine forme de loi commune et habilitante qui pourrait s'appliquer à toutes les provinces et à tous les territoires? Que diriez-vous de cette idée d'un point de vue juridique?

M. MacKay : Ce serait une possibilité intéressante. Cela stimulerait directement le débat pour déterminer si c'est une question d'éducation ou encore des biens et des droits civils des enfants dans la province en vertu de l'article 92.13 et que par conséquent, ce n'est pas une loi fédérale valide. C'est en effet là où on pourrait probablement faire valoir l'argument de la paix, de l'ordre du bon gouvernement. C'est là où nous pourrions faire valoir qu'en tant qu'État, si nous ne le faisons pas, nous contrevenons à nos obligations internationales en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant. Cela lancerait le débat et nous donnerait l'occasion de réévaluer sa mise en œuvre, et peut-être pourrions-nous le faire d'une façon qui ne compromettrait pas directement les compétences provinciales.

La présidente : Si je comprends bien le sénateur Oliver, nous avons raté le moment de faire connaître la Convention relative aux droits de l'enfant; nous l'avons ratifiée. La Convention de Vienne prescrit que nous ne sommes pas intéressés par nos propres problèmes internes et que si l'on ratifie une convention, on s'engage à faire tous les efforts nécessaires pour la mettre en œuvre.

Actuellement, il y a des négociations avec le groupe permanent. Ces négociations sont discutables pour nous parce que nous ne semblons pas pouvoir déterminer ce que fait ce groupe. De mon côté, je comprends comment les négociations fédérales-provinciales fonctionnent avant la ratification.

Serait-il possible, comme le propose le sénateur Oliver, d'organiser des négociations entre les provinces et les territoires avant la ratification de la convention des Nations Unies?

Il faut que tous les ordres du gouvernement comprennent que la Loi sur les droits de la personne est en grande partie importante. Est-il possible d'établir un mécanisme pour assurer une application uniforme avant la signature et la ratification? Comment pourrait-on le faire pour de futures conventions?

M. MacKay : C'est vraiment une idée intéressante. Si je comprends bien le rôle du comité permanent, qui reste un peu mystérieux, il agit après coup. J'en sais un peu là-dessus parce que j'ai déjà fait partie de ce comité à titre de directeur des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse. Je ne crois plus que le titulaire de ce poste en soit encore membre. Je pense que c'est maintenant un représentant du ministère de la Justice qui en fait partie. Le comité a pour mandat d'informer, de surveiller et d'envoyer aux comités de l'ONU des rapports sur le respect de la convention par le Canada.

Vous proposez que le dialogue entre le gouvernement fédéral et les provinces sur la mise en œuvre ait lieu avant la ratification, ce qui est intéressant.

D'après ce que je comprends, le comité permanent s'occupe de surveiller et d'informer les provinces après la ratification.

Votre suggestion semble valable.

Elle pourrait avoir pour inconvénient de retarder les choses étant donné que le processus est déjà long et que cela pourrait peut-être le ralentir davantage, mais ce ne serait pas nécessairement le cas si on s'y prend assez tôt.

Je pense qu'il faut un mécanisme efficace pour bien informer tous les intervenants gouvernementaux sur le sens de la convention. Les provinces et les territoires doivent savoir ce que la convention signifie dans le quotidien. Quelle est l'incidence d'une garantie, comme l'article 19 sur les mesures de protection contre la violence, sur les registres des cas de mauvais traitements d'enfants, le taxage à l'école et d'autres problèmes que connaissent les enfants.

Le comité permanent se réunit deux fois par années en principe, et il n'est pas bien connu, comme j'ai dit.

La présidente : Nous savons que les ministres ne se sont pas rencontrés depuis plus de 10 ans.

M. MacKay : Je crois qu'ils se sont rencontrés en 1988 la dernière fois.

La présidente : Comme j'en ai discuté avec le sénateur Pearson et les membres du comité, avant l'adoption de la Charte des droits et libertés, il n'y avait pas de façon systématique d'examiner si nos lois et nos politiques respectaient nos droits au Canada. Depuis l'adoption de la Charte, les ministères et les ministres doivent tenir compte de la Charte. Les ministres doivent maintenant signer un document avant qu'une mesure législative ne soit présentée au cabinet pour confirmer qu'elle respecte la Charte des droits et libertés.

Nous nous sommes demandé si un processus semblable ne devrait pas exister pour la convention relative aux droits de l'enfant et d'autres mesures concernant les droits de la personne. Quel serait-il au juste, nous devons encore en discuter, mais le processus exigerait que les fonctionnaires tiennent compte des obligations internationales en matière de droits de la personne dans nos politiques et nos lois.

M. MacKay : C'est une excellente idée et ce pourrait être assez facile à adopter parce que, comme vous l'expliquez, on doit déjà s'assurer que la Charte est respectée. L'arrêt Sharpe, par exemple, montre que la Cour suprême du Canada considère de plus en plus que la Charte est conforme aux engagements internationaux pris par le Canada. On pourrait soutenir qu'elle ne peut faire autrement parce qu'il serait difficile d'évaluer le respect de la Charte sans tenir compte de nos obligations internationales.

La Cour suprême du Canada a déclaré que les obligations internationales ont du poids et que, dans la mesure du possible, la Charte devrait y être conforme. Il semble que ce serait une conséquence logique.

Le sénateur Pearson : J'ai une autre question à poser au sujet de l'information et de la nouvelle convention à venir. C'est peut-être justement le bon moment pour faire valoir cette idée avant que le Canada ne ratifie la convention sur les handicaps. Nous tenons au comité permanent et à son anonymat. Il existe et nous comprenons que nous devons suivre le processus avant la ratification. Le comité existe parce que cela a pris tellement de temps à ratifier les conventions. Ce comité n'est pas très en vue et il serait peut-être utile qu'il le soit plus. Nous avons le sentiment que les organismes internationaux ne reçoivent pas assez d'attention dans le système parlementaire.

Nous ne savons pas s'il faudrait expliquer le processus en détail au fur et à mesure au Parlement et aux assemblées législatives. Le protocole facultatif sur la prostitution juvénile est sur le point d'être achevé. Cela a été très long parce que le processus est tellement contraignant. L'Alberta a soumis ce protocole au cabinet parce qu'il est rattaché à l'éducation, mais je ne crois pas que toutes les provinces aient fait la même chose. Il ne reste plus qu'une dernière formalité à remplir avant de faire ratifier le document. Nous savons tous que le processus est trop lent. Le protocole facultatif sur la prostitution juvénile devrait aller de soi.

Le mécanisme est boiteux et doit être mieux huilé. Nous essayons de trouver exactement comment et certaines de vos suggestions vont nous aider à accélérer les choses.

J'aimerais revenir un instant sur la question de l'éducation, pas tellement pour parler des relations fédérales- provinciales mais de ce qu'un jeune nous a dit en table ronde au Nouveau-Brunswick alors que nous discutions des droits politiques des enfants.

Vous avez abordé le sujet de la protection des renseignements personnels et j'aimerais avoir des explications sur son lien avec les droits civils et politiques des enfants. C'est ce dont un jeune nous a parlé au moment de notre table ronde.

Quels sont les droits politiques des enfants? Qu'est-ce que la liberté de réunion veut dire dans le secteur de l'enseignement?

Nous nous sommes demandé si nous devions abaisser l'âge du vote. Vous avez dit que l'école sert de modèle pour inculquer un comportement démocratique et former de bons citoyens. Les jeunes nous ont fait remarquer que les conseils scolaires et les autres activités électorales à l'école sont essentiellement des concours de popularité, ce qui les amène à croire que les élections en sont aussi. Nous devons discuter de ce que cela implique. Nous n'allons pas le faire aujourd'hui, mais j'aimerais avoir votre avis sur les droits politiques des enfants au sein du système scolaire.

Le sénateur Oliver : J'aimerais ajouter qu'une jeune fille nous a indiqué qu'on portait atteinte à sa vie privée en fouillant son casier à l'école.

Le sénateur Pearson : Oui, et une autre jeune fille nous a dit que son professeur confisquait les notes qu'elle passait à son amie pour les lire. On peut peut-être les confisquer, mais les lire?

M. MacKay : On parle de perquisition et de saisie, pas de perquisition, de saisie et de lecture. Cela nous amène à réfléchir sur le fait que les enfants apprennent par l'exemple à l'école. Les droits civils et politiques sont enseignés à l'école et la participation au conseil étudiant est un bon outil d'apprentissage. Les droits démocratiques prévus par la Charte ne sont pas nécessairement applicables, mais le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a recommandé d'enseigner aux étudiants leurs droits dans une société fondée sur les droits. L'ONU propose que cet enseignement fasse partie du programme scolaire. La Charte des droits devrait-elle être enseignée aux étudiants? Je crois que oui. L'ONU et d'autres sont d'avis que l'éducation doit préparer nos enfants à devenir les citoyens de demain. Ils devraient être bien informés sur la démocratie et apprendre à faire preuve de créativité dans le domaine. Nous savons que la meilleure façon d'apprendre à connaître la démocratie est de la mettre en pratique.

Le sénateur Pearson : Les jeunes expliquent que les conseils scolaires n'ont aucun pouvoir et sont, d'une certaine façon, une parodie de la démocratie. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais j'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions là-dessus.

Je sais que, dans des écoles, un étudiant est élu ministre de l'Environnement et qu'il s'occupe des mesures environnementales de l'établissement; qu'un autre est élu ministre des Affaires étrangères et qu'il s'occupe du club des affaires mondiales. Le poste occupé confère un certain pouvoir. Le fait d'être élu entraîne des responsabilités.

M. MacKay : C'est important. Il y avait la question des responsabilités, mais il ne faut pas que ce soit un semblant de pouvoir.

Le sénateur Pearson : Tout à fait.

M. MacKay : Faire partie d'un conseil qui n'a pas de pouvoir est purement symbolique et inutile.

Le sénateur Pearson : Oui.

M. MacKay : À certains égards, tout le monde peut y gagner parce que, normalement, quand vous confiez des responsabilités à quelqu'un, il dépasse vos attentes.

Le sénateur Pearson : Exactement.

M. MacKay : Quand j'étais recteur de Mount Allison, le groupe d'étudiants chargé de l'environnement effectuait une vérification environnementale de l'université chaque année. C'était utile et l'incidence de cette étude était grande parce que, comme c'est souvent le cas, les étudiants savaient mieux prévoir que l'administration et les enseignants les besoins dans le domaine environnemental. Par exemple, chaque année ils publiaient un rapport sur le recyclage pour les différents services de l'université. Mount Allison a une bonne réputation grâce à ses étudiants. Ses départements prennent les rapports de rendement au sérieux. C'est simplement un exemple. Mais l'école pourrait favoriser le même genre de participation démocratique de la part de ses étudiants. Il faut apprendre comment participer à la vie démocratique pour devenir un bon citoyen, je dirais.

La présidente : Auparavant, les enseignants avaient une certaine autorité, et jouaient le rôle des parents, mais ce n'est plus le cas. On leur a enlevé beaucoup de pouvoir.

Pour revenir à ce que vous avez dit au sujet de la perquisition et de la saisie, voulez-vous dire que nous ne comprenons pas le rôle des enseignants à l'école?

J'ai appris, dans mon métier et comme juge, que le rôle de l'enseignant se rapprochait beaucoup de celui de parent. Nous considérions que les fonctions et responsabilités de l'enseignant correspondaient à celles des parents. Cette autorité s'est lentement effritée sans qu'on ait laissé aux enseignants la capacité de diriger leur classe. Est-ce exact?

M. MacKay : Oui. Le rôle de l'enseignant s'est beaucoup transformé parce qu'autrefois il tenait lieu de parent. Les enseignants pouvaient fouiller dans les affaires des jeunes parce qu'on présumait que les intérêts des parents correspondaient à ceux des enfants. Les causes sur le sujet ont changé les choses et il y a maintenant une différence entre les fouilles pratiquées par l'enseignant et celles pratiquées par un agent de police. D'après la plupart des causes entendues devant les tribunaux, l'enseignant est considéré comme un agent éducatif de l'État. Dans certains domaines, il joue le rôle de parent, mais ce n'est pas son rôle principal et il ne remplace plus directement les parents comme autrefois. Cependant, ces changements ne se répercutent pas encore dans nos lois.

Dans le cas des fouilles, nous ne devrions pas toujours présumer que les intérêts de l'enseignant et ceux de l'étudiant sont les mêmes. L'enseignant, à titre de conseiller, peut avoir accès à toutes sortes de renseignements que l'étudiant lui aura livrés sous le sceau de la confidentialité. Or, il se peut que l'enseignant ait à communiquer toutes ces informations s'il est appelé à témoigner dans des poursuites au criminel. Il n'y a pas de privilège à ce sujet. Le rôle de parent que joue l'enseignant est très important. mais il joue aussi le rôle d'agent éducatif de l'État et celui d'agent de police. L'enseignant qui a fouillé dans les affaires d'un étudiant a alors rempli son rôle d'agent de police. Tout comme un agent de la GRC, il n'est plus l'ami prêt à venir en aide au jeune. C'est très important de préciser les rôles et de constater les changements.

La présidente : Si on supprime le châtiment corporel du Code criminel, certains soutiennent qu'il faudrait prévoir autre chose pour assurer des moyens de défense de nécessité notamment.

Quand nous avons examiné la loi sur les droits des animaux, les témoins du ministère de la Justice nous ont indiqué que, même si on modifiait certaines dispositions du Code criminel, la common law nous permettrait toujours d'invoquer des moyens de défense. Pour beaucoup d'avocats, y compris le Barreau canadien, ce n'est pas nécessairement le cas. Ils sont d'avis que les moyens de défense devraient rester dans le Code criminel. Que se passe-t-il quand un enseignant ou un parent doit maîtriser un enfant violent? La contrainte physique peut être nécessaire pour protéger l'enfant lui-même, un autre enfant ou quelqu'un d'autre autour. On pourrait être accusé d'agression pour s'être défendu par nécessité et il faudrait s'en remettre à la common law. Est-ce toujours valable? Si on supprime l'article 43, il faudrait prévoir autre chose pour ceux qui travaillent avec les enfants. Êtes-vous d'accord?

M. MacKay : Je suis en partie d'accord avec vous. Je ne vois pas pourquoi la common law ne pourrait pas s'appliquer à la place. Elle s'applique tant qu'une mesure législative plus claire ne vient pas la remplacer. Les dispositions de la common law existent toujours même si elles n'assurent pas une protection aussi claire. Il y a certaines dispositions du Code criminel, que je ne pourrais pas vous indiquer par cœur, qui fourniraient des moyens de défense dans certaines de ces situations. Par exemple, il arrive souvent que des gens hospitalisés doivent être maîtrisés dans leur propre intérêt et cela n'entraîne pas normalement d'accusations d'agression. Il y a aussi la règle du seuil minimum qui est souvent invoquée par ceux qui veulent abroger l'article 43. C'est une question de jugement de la part de la police et des avocats. Ils peuvent choisir leurs causes même s'ils n'ont pas l'assurance d'une solide défense.

Dans la documentation concernant la cause de la Foundation for Children and Youth, on indique que, si l'article est abrogé, d'autres mesures vont venir le remplacer.

L'abrogation de cet article dans 17 pays d'Europe n'a pas entraîné beaucoup d'accusations de parents et d'enseignants. Les causes sont examinées rapidement par les avocats et les policiers qui essaient de les régler avant qu'elles n'aboutissent devant les tribunaux. Si la légitime défense est invoquée, d'autres règles s'appliquent pour éviter la multiplication des agressions. Il est probablement vrai que les parents et les enseignants, mais surtout les enseignants, ne vont pas intervenir sauf pour se défendre eux-mêmes ou pour protéger le reste de la classe. Je crois que l'époque du châtiment corporel systématique et du martinet est bien révolue presque partout au Canada.

Je ne crois pas que l'abrogation de l'article 43 entraînerait une avalanche d'accusations d'enseignants et de parents. Je crois que les moyens de défense existent autant dans le Code criminel que dans la common law.

La présidente : Je pense que c'était dans le cas des enseignants, des parents et des fournisseurs de soins en contact avec des enfants difficiles.

M. MacKay : Oui, et d'autres. C'est exact.

Le sénateur Mercer : Je crois que M. MacKay a peut-être répondu à ma question qui portait sur l'abrogation de l'article 43. J'y suis favorable, mais je crains que nos enseignants n'aient plus de pouvoir. J'étais un enfant difficile à maîtriser quand j'ai fréquenté l'école à Halifax et il y a encore beaucoup d'enseignants qui pourraient vous le dire. Je suis toujours difficile, mais je crains que, sans cette menace, ou du moins sans la possibilité de recourir au châtiment corporel, les enseignants n'aient plus le gros bout du bâton. Je ne parle pas au sens littéral du terme, je veux dire que les enseignants et d'autres auraient du mal à assurer la paix, l'ordre et la sécurité dans les salles de classe.

En tant que défenseur des libertés civiles, je pense qu'il faut abroger l'article 43, mais je me rends compte des avantages pratiques de la présence d'enseignants dans le système et je suis un peu préoccupé par leur protection.

Le fait que d'autres protections soient prévues pour les enseignants vous satisfait-il?

M. MacKay : Je le comprends bien, puisque j'ai enseigné dans les écoles et que j'ai moi-même exercé cette profession une bonne partie de ma vie. Je le comprends et il faut en quelque sorte assurer l'équilibre entre la sécurité dans les écoles, et la liberté d'expression. Il faut toujours rechercher cet équilibre entre un environnement sûr, propice à l'apprentissage, et la protection des droits.

J'ai ici une lettre signée par Anne MacGillivray et d'autres, qui ont fait beaucoup de recherche sur l'abrogation de l'article 43. Cette lettre est adressée au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui s'occupe de l'abrogation.

Lorsqu'il faut avoir recours à la force pour protéger, déplacer un enfant ou restreindre ses mouvements, d'autres moyens de défense s'appliquent quant aux voies de fait. Ils englobent la légitime défense, article 34 à 37 du Code criminel; le recours à la force pour prévenir une infraction, article 27; et la défense des biens meubles, article 38 à 42, ainsi que les moyens de défense de la common law qui s'imposent, tout comme le consentement de minimis et implicite à ...

Cette lettre renvoie ensuite à une cause entendue en 2000 au sujet de laquelle la Cour d'appel de l'Ontario a décrété que dans un cadre médical, restreindre les gens constitue un moyen de défense. Les auteurs de la lettre concluent :

...Ils sont tout aussi disponibles pour protéger parents et enseignants de sanctions pénales injustes.

Ce n'est peut-être pas une réponse complète, mais une illustration de ce que je voulais dire, qui est légèrement plus précise et que je recherchais en fait un peu plus tôt. Ce ne sont pas uniquement les moyens de défense de la common law, mais aussi les moyens de défense du Code criminel qui s'appliqueraient dans de nombreux cas. Un moyen de défense de ce genre me semble particulièrement pertinent autant dans un contexte médical qu'éducatif; par conséquent, je considère qu'il existe d'autres façons de procéder — ce qui nous ramène au point soulevé par le sénateur Mercer — tout en respectant les libertés civiles. Ce qui m'a frappé au sujet de la décision majoritaire relative à l'affaire Foundation for Children and Youth, c'est que la cour a décrété que le fait que l'enfant soit la seule personne au sein de la société qui puisse être agressée en toute impunité ne constitue pas une infraction à sa dignité.

La présidente : Cela vaut pour un enfant âgé de 2 à 12 ans.

M. MacKay : Oui, c'est exact, puisque des restrictions sont prévues, mais l'article 43 n'impose aucune limite.

La présidente : Non, mais la portée de l'article 43 en a été réduite et le jugement rendu au sujet de la dignité vise les enfants âgés de 2 à 12 ans.

M. MacKay : C'est exact et c'est ce qui apparaît comme modification judiciaire à l'article 43, vous avez donc raison. Je ne sais pas pourquoi la cour n'a pas au moins dit qu'il s'agissait d'une violation de la dignité dans le cas des enfants âgés de moins de 15 ans pour ensuite peut-être le prévoir à l'article 1 afin d'assurer l'ordre et pouvoir faire d'autres choses intéressantes. Dire qu'il n'y a pas violation est incompréhensible en ce qui me concerne, car toute agression constitue une violation de la dignité de la plupart des gens.

La présidente : Nous n'avons pas vu trop souvent les instances judiciaires invoquer l'article 1, ni non plus les parlementaires, en fait.

Le sénateur Oliver : Monsieur MacKay, lorsque nous étions au Nouveau-Brunswick, on nous a dit qu'en novembre 2004 vous aviez été embauché par le ministère de l'Éducation pour faire un examen de fond de l'éducation inclusive au Nouveau-Brunswick. On nous a également dit que vous aviez recommandé, entre autres choses, un cadre politique pour l'éducation inclusive, et plus précisément, que vous alliez participer à l'élaboration de la définition d'« enfance en difficulté. »

Pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes à propos de cette nouvelle définition? Nous avons eu beaucoup de questions à ce sujet dans le contexte des enfants autistes.

M. MacKay : Dans cette étude fort intéressante, nous devons parvenir à deux définitions difficiles. La première vise l'« inclusion » et l'autre « l'enfance en difficulté », car l'article 12 de la Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick parle d'étudiants en difficulté, expression que nous retenons souvent pour les enfants ayant des besoins spéciaux ou les enfants handicapés.

Je devrais dire pour commencer que j'en suis à l'étape de la rédaction du rapport et que les audiences sont pratiquement terminées. Toutefois, nous pensons tous aujourd'hui au juge Gomery et ne voulons pas faire de déclaration avant d'avoir recueilli toutes les preuves voulues. C'est en quelque sorte une mise en garde éclairée. Si je ne me trompe, seulement deux provinces utilisent l'expression « enfance en difficulté », le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. La plupart des provinces parlent d'enfants « handicapés », ou d'enfants ayant des « besoins spéciaux »; le choix des mots pose toujours problème. Je pense que c'est peut-être un bon point de départ. L'expression « en difficulté » peut être un peu problématique, vu que la loi donne la définition d'« étudiant en difficulté », mais ne donne pas de définition pour le reste. En fait, ce sont des défis dont je parle à la plupart de mes audiences. Comment appelle-t-on les étudiants qui ne sont pas en difficulté? Eh bien, ça ne passe pas très bien, tout comme d'ailleurs « le reste ».

Je ne suis pas parvenu à une conclusion arrêtée à ce sujet, mais je tiens certainement à décider s'il faut conserver le mot « handicapé » utilisé par la Convention et la Charte. Je sais que des questions se posent à cet égard, mais c'est l'un des points que nous abordons. Quelle que soit l'expression utilisée, qu'il s'agisse de « en difficulté » ou « handicapé », il reste que de plus en plus de gens ont besoin d'intervention.

Ce que j'ai remarqué également au cours des audiences, c'est qu'en français on parle d'étudiants qui ont « besoin d'intervention ». Cette terminologie est un peu plus neutre.

À certains égards, la plupart d'entre nous avons besoin d'intervention en matière d'éducation à un moment donné ou à un autre, car nous sommes tous en difficulté. Nous présentons tous des différences. C'est un autre sujet que nous examinons. Je pense qu'il faut accepter qu'au sein d'une société inclusive, la liste des « difficultés », et des « handicaps », quel que soit le nom qu'on retient, va s'allonger.

Il s'agit à mon avis d'arriver à une définition qui soit pratique, qui ne soit pas fermée, mais aussi, peut-être encore plus important, qui prévoit les ressources nécessaires une fois la définition établie. L'autisme en est un bon exemple. L'autisme ou les troubles envahissants du développement peuvent donner lieu à des taux de réussite très élevés et à d'autres qui ne le sont pas autant. Les connaissances que nous avons de ces troubles sont relativement récentes et nous commençons à peine à les comprendre. Le trouble déficitaire de l'attention (TDA) existe depuis longtemps, mais nous n'en avons pas discuté. Nous avions l'habitude de parler d'enfants à problèmes, un point c'est tout.

Aujourd'hui, nous avons toutes sortes d'étiquettes accolées aux comportements de nos enfants. Je n'ai pas de réponse définitive si ce n'est que dire que l'un des défis consiste à parvenir, non seulement à trouver l'étiquette, mais aussi à savoir à qui l'accoler et peut-être, tout aussi important, à savoir qui doit décider d'éventuelles catégories. Savoir qui décide est toujours une question importante et pour l'instant, c'est théoriquement le surintendant, à moins qu'il ne délègue cette responsabilité à quelqu'un d'autre afin de déterminer si un étudiant répond à la définition d'étudiant « en difficulté » et si par conséquent il peut obtenir des services. Je crois que c'est sur les conseils de spécialistes, mais là encore, le mot « spécialiste » n'est pas défini. Où se retrouvent alors les parents, et cetera? La personne qui en fait prend la décision est presque aussi importante que la définition elle-même. Cela nous amène au concept de la participation des parents et si ces derniers peuvent intervenir dans le processus de prise de décisions. Reste à savoir, ce qui est une question de taille, dans quelle mesure il faut médicaliser le système éducatif? Faudrait-il poser des diagnostics médicaux ou devrions-nous plutôt nous occuper d'éducation? Je suis plus en faveur de l'intervention, car à partir du moment où un enfant se voit accoler une étiquette médicale, on sait qu'à des fins éducatives, c'est utile, car il va obtenir des ressources et du soutien. Toutefois, il n'est pas utile qu'il soit étiqueté de la sorte pour le reste ses jours. Pour obtenir les ressources voulues est-il possible de faire autre chose que d'avoir recours à ce genre d'étiquette?

Le sénateur Oliver : Sans pour autant que ce ne soit gravé au front de ces enfants.

M. MacKay : Exactement.

Le sénateur Oliver : Le sénateur Pearson a dit que l'ONU travaille maintenant sur une autre convention relative aux handicapés et je me demande simplement si on se penche sur la définition d'« handicapé ».

M. MacKay : Je ne m'en suis pas encore informé, mais j'en prends note. Si vous avez des renseignements à ce sujet, pouvez-vous me les communiquer.

Gary Bunsch et Kevin Finnigan font à l'heure actuelle une étude transcanadienne très utile au sujet des définitions relatives à l'éducation spécialisée et à l'inclusion. Il n'est pas surprenant qu'ils aient découvert que les gens utilisent les expressions « inclusion » et « intégration » indifféremment, alors qu'en fait, elles ont des sens très différents. Je voudrais lire cette étude, car peut-être la définition internationale pourrait-elle nous orienter.

Le sénateur Pearson : Je sais que l'Ontario utilise l'expression « en difficulté » qui englobe les « enfants surdoués ». Il faut les englober et le besoin d'intervention ne vise parfois pas cette catégorie en particulier.

Au Nouveau-Brunswick, une directive indique aux enseignants de ne pas demander aux parents d'aller voir leur médecin pour obtenir du Ritalin. C'est une question de droit fort intéressante. Il faut savoir à qui s'adresser pour obtenir des conseils quant aux médicaments à prescrire à nos enfants et si nous leur en faisons prendre trop pour les mauvaises raisons.

M. MacKay : Vous soulevez un point fort intéressant au sujet de la définition de l'Ontario. Juste pour terminer, le Nouveau-Brunswick n'utilise pas le mot « surdoué » dans la définition de « en difficulté », ce qui est intéressant.

Pour ce qui est du Ritalin, nous avons entendu l'avis de l'ombudsman Richard que, je crois, vous avez rencontré à Saint John. C'est certainement un sujet dont il a parlé comme d'ailleurs quelques autres. Nous savons bien sûr que de plus en plus d'étudiants sont diagnostiqués comme atteints du TDA et du THADA. Ce qui compte, je crois, c'est de savoir qui pose le diagnostic.

Je n'ai pas d'information de nature médicale pour débattre de ce sujet, mais jusqu'à quel point faut-il se fier au point de vue d'un médecin? Quel rôle jouent les parents? Les parents ont-ils leur mot à dire et doivent-ils décider eux-mêmes si leur enfant devrait prendre du Ritalin? Le ministère a exposé dans la directive le rôle que devraient jouer les parents ou les directeurs d'école; « Nous pensons que votre enfant devrait prendre du Ritalin. Il s'en sortirait beaucoup mieux. » C'est une question difficile, car, tout comme l'étiquette, une fois que l'enfant prend du Ritalin, et là encore, je ne suis pas médecin, mais le débat fait rage des deux côtés. Prendre du Ritalin convient probablement à certains et semble les aider à travailler efficacement. Par contre, quels sont les effets secondaires et les conséquences de ce médicament?

J'imagine que je ne peux pas répondre à la question; je ne sais pas si l'ombudsman Richard y a répondu et s'il a dit que l'on prescrit en fait beaucoup trop de médicaments, car je ne sais pas combien d'étudiants atteints de TDA en ont besoin ou jusqu'à quel point ce médicament se révèle efficace.

Je dirais donc, et beaucoup de témoins nous l'ont dit, que nous devrions peut-être consacrer plus de temps à chercher d'autres solutions avant de se tourner vers la médecine. Il existe d'autres moyens efficaces de soigner les étudiants atteints de TDA, autres que des réponses médicales.

Je n'ai pas vraiment de réponse. Nous en avons entendu parler, pas beaucoup, ce qui ne veut pas pour autant dire que ce n'est pas une question d'importance. Je crois que ce l'est pour l'ombudsman.

Ce qui me frappe, c'est que le Nouveau-Brunswick n'a pas de défenseur des droits de l'enfant. Beaucoup de questions concernant l'éducation au Nouveau-Brunswick sont adressées soit à l'ombudsman, soit à la Commission des droits de la personne.

La présidente : Monsieur MacKay, comme d'habitude, vous suscitez beaucoup d'intérêt et vous nous donnez bien matière à réflexion. Vous formulez certaines de nos questions d'une nouvelle façon et nous donnez quelques réponses qui, je crois, pourront s'intégrer dans notre étude. Merci pour votre exposé et merci aussi d'être venu aujourd'hui.

Le Dr Douglas McMillan, professeur de pédiatrie, Centre de santé IWK : Merci beaucoup, madame la présidente, et membres du comité. À ma gauche se trouve Jane Mealey, qui appuie la première équipe et qui est vice-présidente du centre de santé IWK. Je devrais indiquer que nous allons parler au nom du centre de santé IWK dans le contexte de la Dalhousie University essentiellement. Anne Cogdon se trouve à ma droite, et Ryan Thompson à mon extrême droite.

Nous sommes heureux de pouvoir contribuer à l'examen effectué par votre comité au sujet de l'obligation du Canada à l'égard de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, afin de déterminer si les lois canadiennes, telles qu'elles s'appliquent aux enfants, nous permettent de remplir nos obligations dans ce domaine.

En tant qu'ancien président de la Société canadienne de pédiatrie, je voudrais également indiquer que le sénateur Landon Pearson et des collègues du Sénat du Canada sont bien reconnus par notre société, par l'Association canadienne des centres de santé pédiatrique et d'autres organismes, pour ce qu'ils font au nom des enfants et des jeunes Canadiens.

J'aimerais commencer par citer M. Meharban Singh, ancien chef de pédiatrie de l'Institut des sciences médicales de New Delhi, en Inde.

Les enfants sont la promesse et l'avenir de tout pays. Leurs mères sont les personnes qui les nourrissent et leur permettent de grandir.

Le bien-être des enfants et des jeunes est multidimensionnel et dépend essentiellement de la santé, directement ou indirectement. La Journée mondiale de la santé, le 7 avril 2005, a permis de transmettre un message important composé de quatre volets. Les mères et les enfants en bonne santé sont la véritable richesse des sociétés. Trop de mères et d'enfants souffrent et meurent chaque année. Des millions de vies pourraient être sauvées grâce à la technologie dont nous disposons aujourd'hui. Le défi consiste à transformer ces connaissances en actes.

Je dirais qu'un défi du même ordre existe au Canada et que pour faire la différence, nous devons unir nos forces et agir. Ensemble, nous pouvons le faire. Chacun de nous a un rôle à jouer sur la scène internationale comme sur la scène canadienne.

Comme le sait bien le comité, le Canada est fier d'avoir signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la participation des enfants à des conflits armés. Même si nous savons que nous avons pris des mesures pour améliorer le bien-être des enfants au Canada et ailleurs dans le monde, il nous est toujours difficile de remplir nos obligations au Canada et à l'étranger. Selon la déclaration des droits de l'enfant,

Considérant que l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle a besoin d'une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance,

Non seulement faut-il contribuer, mais obtenir de meilleurs résultats. Il se peut qu'aucun pays ne soit en mesure de respecter complètement les dispositions de l'article 4 de la Convention relative aux droits de l'enfant :

Prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention.

Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, les États parties

prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.

Nous aimerions toutefois mettre l'accent sur sept thèmes au sujet desquels nous pensons pouvoir faire mieux : les mères, les traumatismes, la violence et les abus, l'éducation, la pauvreté, y compris le manque d'opportunité, les loisirs, les services de santé et la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Aujourd'hui, 1 400 femmes vont mourir des suites d'une grossesse. Comme je l'ai dit, c'est comme si quatre jumbo jets transportant uniquement des femmes s'écrasaient; 530 000 femmes par an. Aujourd'hui, 30 000 enfants de moins de cinq ans vont mourir et beaucoup d'autres mères et d'enfants souffrent d'handicaps à court ou à long terme. Quatre millions meurent au cours du premier mois de leur vie et un million d'adolescents meurent des suites d'actes de violence, de grossesse et de maladies soignables.

Dans certaines régions du monde, si une mère meure en donnant naissance, le bébé n'a que 50 p. 100 de chances de célébrer son cinquième anniversaire. Alors que de nombreuses régions du monde cherchent par tous les moyens à ce que chaque mère qui donne naissance soit accompagnée d'une accoucheuse formée, le Canada est aux prises avec une baisse du nombre de médecins de famille qui assurent les soins durant la naissance. Les sages-femmes sont relativement peu nombreuses, et la carrière de soins infirmiers vit sa propre crise sur le plan des ressources humaines. Nos plus démunis continueront probablement d'être les Autochtones, les nouveaux immigrants et les jeunes.

Dans de nombreuses régions du monde, le manque d'accès facile à de l'eau signifie que les enfants, le plus souvent des filles, doivent parcourir de longues distances pour aller chercher de l'eau, ce qui les empêche bien souvent de fréquenter l'école. Le manque d'instruction est associé à des grossesses précoces et rapprochées, à une baisse de la capacité de gain et à une mortalité infantile accrue.

Bien que nous nous concentrions sur les obligations du Canada aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant, nous ne devons pas oublier que les déterminants du bien-être comprennent des facteurs psychosociaux, environnementaux, économiques, éducatifs et culturels. C'est aussi vrai au Canada qu'ailleurs dans le monde. Nous avons des responsabilités à l'égard des mères, des enfants et des jeunes tant au Canada qu'à l'échelle de la planète.

Pour ce qui est des blessures, des actes de violence et des agressions, les blessures, y compris les cas d'empoisonnement, comptent pour presque le tiers des décès d'enfants âgés de un à quatre ans. Certains membres de notre société sont encore plus vulnérables. Le Conseil canadien de développement social, dans son rapport sur les faits saillants du progrès des enfants du Canada en 2003, révèle que les enfants autochtones sont les plus susceptibles de mourir de blessures. Les actes de violence sont une préoccupation croissante. On pourrait bien se demander si le paragraphe 17 (e) de la Convention visant à encourager l'élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l'enfant contre l'information et les matériels qui nuisent à son bien-être suffit pour protéger nos enfants et nos jeunes.

Faut-il élargir nos programmes de prévention des blessures de manière à inclure les médias, où les enfants sont couramment exposés à la violence?

Il faudrait peut-être mettre en oeuvre dans nos écoles plus de programmes de gestion de la colère. Certains règlements scolaires actuels prévoient la suspension de l'enfant jusqu'à ce qu'un rapport d'évaluation de sa santé mentale soit fait, mais il faut des mois pour obtenir un rendez-vous pour l'évaluation, des mois durant lesquels l'enfant ne fréquente pas l'école, probablement en contravention de l'article 28.

La violence, la dépression et la faible estime de soi sont souvent des facteurs qui contribuent au suicide, une cause importante de décès chez les jeunes ainsi que chez les adultes.

En Colombie-Britannique, 40 p. 100 des jeunes gais, lesbiennes, bisexuels et transgenre ont une très faible estime de soi et 46 p. 100 ont tenté de se suicider au moins une fois. Nous devons être plus efficaces dans nos efforts visant à rejoindre les marginalisés de la société, surtout les enfants et les jeunes.

Le Conseil canadien de développement social signale une étude des jeunes Autochtones réalisée en Ontario selon laquelle 61 p. 100 des jeunes femmes et 35 p. 100 des jeunes hommes qui ont répondu au sondage ont connu une forme ou une autre d'agression sexuelle. Ce fléau touche d'autres éléments de la société, sans égard à la condition socioéconomique.

Bien que le Canada ait poursuivi les personnes qui exploitaient sexuellement des enfants à l'étranger, comme en témoigne le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, il reste encore beaucoup à faire au pays.

Aux termes de l'article 19 :

Les États Parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

Nous avons entendu une partie du bref débat avec des juristes sur le projet de loi 43 et, selon moi, la loi actuelle ne protège pas avec efficacité l'enfant contre la violence commise par les parents et les représentants légaux. Les faits révèlent que l'enfant exposé à des actes de violence apprend la violence et que c'est ainsi que se perpétue le cycle dans les générations futures. Les mesures législatives et administratives prises actuellement ne suffisent pas. Il faut prendre d'autres mesures sociales et éducatives, peut-être élargir les programmes qui sont déjà mis en place dans certaines écoles.

Dans le domaine de l'éducation, l'article 28 de la Convention reconnaît le droit de l'enfant à l'éducation. Bien que nous ayons un réseau d'éducation universel, 15 p. 100 des jeunes Canadiens et 9 p. 100 des jeunes Canadiennes ne terminent pas leurs études de niveau secondaire. Il faut non seulement offrir un réseau, mais aussi l'offrir d'une manière qui optimalise son utilisation.

À l'article 23, les États Parties reconnaissent que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité.

Plus de 10 p. 100 des enfants canadiens ont un état chronique et une déficience, ce qui nuit souvent à leur éducation. Bien que nous nous en sortions mieux avec les enfants physiquement handicapés, il est souvent difficile d'inscrire les enfants dans des programmes convenables d'évaluation et de traitement, surtout ceux qui sont atteints de maladie mentale et qui ont des troubles d'apprentissage. Voilà qui nuit gravement à leur éducation et à leur contribution future à la vie de la société et qui représente souvent un clivage dans les responsabilités des secteurs de l'éducation et de la santé.

Partout dans le monde, il y a de la pauvreté, et il ne faudrait pas oublier qu'il existe aussi des pauvres au Canada. Dans son rapport de 2002 sur l'enfant canadien, le Conseil canadien précisait que 18,5 p. 100 des enfants canadiens vivent dans la « pauvreté ». Bien que cela représente une baisse par rapport au taux de 21,3 p. 100 affiché en 1993, il est tout de même plus élevé que le taux de 15,2 p. 100 enregistré en 1989 lorsque la Chambre des communes du Canada s'était unanimement engagée à abolir la pauvreté de l'enfance dès l'an 2000.

Le lien entre la pauvreté et une mauvaise santé, une exposition accrue à la violence et une baisse des possibilités d'accès à l'éducation existe partout dans le monde et, dans ce domaine, nous sommes perçus comme faisant moins que ce que nos ressources nationales nous permettent de faire. C'est peut-être particulièrement le cas pour les Autochtones, les nouveaux immigrants et les familles.

Bien que notre système d'éducation ait de nombreux impacts positifs, on demande aux établissements de faire plus étant donné que les deux parents de 63 p. 100 des enfants de moins de 15 ans issus de familles biparentales travaillent à temps plein.

Dans d'autres régions du monde, la présence à proximité de la maison d'une source d'accès à l'éducation est problématique. La solution, dans le cas des enfants canadiens, est plus complexe. Bon nombre d'entre nous avons connu des périodes de restrictions budgétaires qui étaient peut-être même synonymes de pauvreté. Cette définition s'appliquait certes à moi pendant que j'étudiais à l'université. La différence, c'est que nous avons de l'espoir et des débouchés. Il se peut fort bien que le manque perçu de débouchés aggrave la consommation d'alcool, de tabac et de drogue et limite l'éducation de certains qui ne voient pas d'espoir dans leur avenir. Nous devons trouver un moyen d'atteindre plus efficacement ceux qui sont dans le besoin afin de leur offrir des possibilités de contribuer à part entière à la vie de la société.

L'article 31 reconnaît à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge. Malheureusement, les enfants canadiens ont de moins en moins d'activités récréatives. Un rapport paru récemment révèle que chez les étudiants de 11e année, 10 p. 100 seulement environ font de l'exercice pendant une heure par jour tout au long de la semaine. C'est là un phénomène qui n'existait même pas quand j'allais à l'école étant donné que nous avions souvent l'occasion de jouer dans les parcs, dans les cours d'école et dans le cadre d'activités organisées.

Bien qu'ailleurs dans le monde, l'arrêt de croissance et l'insuffisance de poids soient de graves fléaux, au Canada, les enfants deviennent de plus en plus obèses. Le phénomène est peut-être attribuable en partie au fait qu'ils passent plus de temps devant un écran ainsi qu'à de mauvaises habitudes alimentaires. Ces mauvaises habitudes sont également fortement liées à des ressources financières limitées. Le plan national d'action du Canada, Un Canada digne des enfants, lorsqu'il sera mis en oeuvre, pourrait contribuer énormément à résoudre ce problème. On pourrait aussi s'attendre à ce que l'ajout d'autres activités et débouchés fasse diminuer peut-être d'autres comportements nuisibles des enfants et des jeunes.

Ailleurs dans le monde, les programmes éducatifs structurés et les camps de réfugiés entreprennent de contrer les effets nuisibles de la guerre sur les enfants et les jeunes. Au Canada, il faut constamment tenir compte du bien-être physique de nos enfants, de nos jeunes et de nos adultes.

La prestation de services de santé au Canada est en règle générale bonne, bien que l'accès aux soins pose d'importants problèmes dans certaines régions. À mesure que continue d'augmenter le coût des soins, il faut accroître nos efforts de prévention et de promotion de la santé.

Bien que l'article 33 ne mentionne pas le tabac et l'alcool, manifestement, nos enfants ont besoin d'être protégés contre les pressions actuellement exercées pour les convaincre de consommer.

L'article 24 reconnaît le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. En tant que fournisseurs de soins de santé, nous reconnaissons l'importance de la prévention. Des campagnes d'immunisation contre le pneumocoque, le méningocoque et la varicelle recommandées par le Comité consultatif national de l'immunisation et la Société canadienne de pédiatrie ont eu lieu, de façon variable, un peu partout au Canada. Comme cette responsabilité relevait des provinces, l'absence d'une norme nationale a empêché des enfants du Canada d'obtenir accès égal à des soins de prévention tandis que certaines provinces ont payé cette immunisation alors que d'autres ont obligé les parents à la payer.

Au Canada, il faut trouver un meilleur moyen d'éliminer les écarts provinciaux et les disparités de soins, surtout ceux qui sont destinés aux enfants et aux jeunes. À l'échelle de la planète, la rougeole, une maladie que l'on peut prévenir par la vaccination, est responsable du décès de 400 000 enfants chaque année. Il faut trouver un meilleur moyen pour que les programmes de santé, surtout ceux qui sont liés à la prévention, atteignent vraiment ceux qui en ont besoin et il faudra tenir compte des nombreux obstacles et activateurs qui existent au sein de toutes les sociétés.

À l'échelle planétaire, le Canada a appuyé les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies. Nous avons appuyé l'éradication de l'extrême pauvreté et de la faim, de même que l'accès universel aux études primaires. Nous appuyons la promotion de l'égalité des sexes, l'émancipation des femmes et la réduction des deux tiers d'ici 2015 de la mortalité en bas âge des moins de cinq ans. Nous appuyons une amélioration de la santé maternelle en réduisant des trois quarts la mortalité maternelle d'ici 2015. Nous appuyons la lutte contre le VIH/sida, la malaria et d'autres maladies et nous appuyons les mesures prises en vue d'avoir un environnement durable et d'élaborer un partenariat mondial en matière de développement. De nombreux Canadiens exhortent leur gouvernement à être plus dynamique dans ce domaine.

Il n'y a pas plus de trois jours, j'ai reçu de l'information de la Canadian Coalition for Global Research nous annonçant que nous avions exhorté les dirigeants présents au Sommet du G8 en juillet 2005 à renforcer les réseaux nationaux de santé, à appuyer un renforcement de la capacité des travailleurs de la santé, à surmonter les défis macroéconomiques, à satisfaire aux besoins des travailleurs de la santé dans les pays riches, à appuyer les organismes internationaux et à voir à la validité des programmes de donateurs. Bien que le Canada doive accroître sa contribution à 0,7 p. 100 du produit intérieur brut, tel que promis sous le régime de Lester B. Pearson, il ne suffit tout simplement pas d'offrir des fonds. Nos contributions doivent se mesurer non pas en termes de dollars, mais en termes de résultats, de bien-être produit. Les Canadiens devraient continuer d'insister pour que les programmes chez eux comme à l'étranger reposent sur des besoins reconnaissables localement et documentés, qu'on puisse les évaluer de manière à éviter les recoupements et qu'ils soient durables.

En résumé, le Canada a beaucoup fait pour assumer ses obligations sous le régime de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour que nos programmes atteignent ceux qui en ont besoin et pour que ces programmes aient les effets désirés. Il faut faire en sorte que ces programmes sont durables.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a publié un rapport complet intitulé La situation des enfants dans le monde, 2002. Tout en appuyant de pareils efforts, nous devrions nous demander si un document analogue, une espèce de bulletin, ne devrait pas être régulièrement publié au sujet des enfants et des jeunes canadiens.

J'aimerais conclure sur une note plus personnelle. J'estime que le Canada, en tant que pays, aurait intérêt à suivre le conseil que m'a jadis donné mon père, soit qu'il faut toujours soi-même être de l'avant et aider les autres à nous suivre. Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donné de faire une petite contribution à cet important processus.

Le sénateur Pearson : Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait cette déclaration et de nous avoir rappelé certains des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises au Canada comme ailleurs dans le monde.

Nous n'allons pas régler les problèmes du monde aujourd'hui. Nous allons simplement essayer de nous concentrer sur les plus grands problèmes ici, au Canada. La Société canadienne de pédiatrie, dont vous avez été président, fait de plus en plus du bon travail dans ses énoncés de position et ainsi de suite, du travail fort utile.

Nous sommes intéressés quand les enfants nous parlent et nous disent ce qu'ils perçoivent comme étant leurs problèmes et les enjeux dans le domaine de la santé. J'ai déjà soulevé ce point, mais nous avons entendu une jeune personne au Nouveau-Brunswick qui était très préoccupée par la consommation excessive de certains médicaments d'ordonnance, d'oxytocine et d'autres produits de ce genre et nous avons aussi entendu des jeunes nous dire comment ils étaient préoccupés par les maladies transmises sexuellement, par le manque d'éducation à ce sujet et au sujet de leur sexualité naissante et les conséquences de leurs activités.

Le Dr McMillan : Je vais commencer par répondre, après quoi Anne ou Jane voudra peut-être renchérir. Alors que j'étais membre du conseil d'administration de la Société canadienne de pédiatrie, j'ai eu l'occasion de faire partie du comité chargé de la santé des adolescents qui est très différente des soins que je prodigue habituellement aux nouveau- nés. J'ai pris de plus en plus conscience d'à quel point les jeunes étaient aussi différents, sur le plan culturel, des enfants et des adultes que de nombreux groupes ethniques. Si nous tentons d'avoir un seul modèle qui s'applique à tous ou si nous faisons une distinction entre les enfants et les adultes, les jeunes se retrouvent quelque part au milieu. Bien qu'il existe un réseau universel de santé, il n'atteint pas de manière efficace de nombreux jeunes, de la même façon qu'il n'atteint pas d'autres pans de notre société. Je crois que nous avons le savoir. Il faut faire mieux pour informer les gens au sujet des drogues, de l'alcool, des maladies transmises sexuellement, du décrochage et de la préparation à l'art d'être parent. Ce sont là des questions au sujet desquelles il va falloir trouver de meilleurs moyens de rejoindre les intéressés.

Mme Anne Cogdon, directrice, Santé primaire, Centre de santé IWK : Oui, nous avons essayé, entre autres, de régler au Capital Health District certains problèmes dont vous avez parlé en rapport avec la santé des jeunes. À cette fin, nous avons établi des centres de santé pour les jeunes dans presque tous les établissements de niveau secondaire. Nous avons une infirmière de la santé publique qui dirige un centre dans chacun des établissements. Elle visite également les écoles secondaires de premier cycle qui font partie du réseau des écoles secondaires. Les centres de santé pour les jeunes fonctionnent depuis deux ans.

La raison la plus courante qu'invoquent les jeunes pour visiter un centre est le besoin de discuter de questions liées à leurs relations. Ils nous disent que les centres de santé leur permettent d'obtenir de l'aide concernant le stress et les relations avec les parents et les pairs. Ils ont des préoccupations au sujet des relations intimes, de leur identité sexuelle et de la consommation de drogue et de tabac.

Bien qu'il s'agisse-là d'une merveilleuse ressource, ce n'est pas suffisant. Nous constatons le besoin d'offrir les services à des enfants de huitième. Ils se débrouillent bien en septième année, puis quelque chose se passe entre la septième et la huitième, durant l'été, et toutes sortes d'indicateurs s'enchaînent à partir de là. C'est la crise du comportement, de l'identité, de ce genre de choses. Nous avons besoin de plus de ressources pour les enfants du premier cycle des écoles secondaires.

Par suite du succès qu'ont remporté nos centres de santé pour les adolescents, il semble que le programme va faire partie d'une initiative lancée à l'échelle de la province. À nouveau, c'est une question de ressources.

Dans notre région et à Dartmouth, les jeunes de la 4e à la 12e ont participé à un sondage élaboré par le Search Insitute. Plusieurs arrondissements scolaires de tout le Canada se sont servis de ce sondage pour mesurer les actifs favorables au développement des enfants.

Il existe 40 aactifs et, d'après le sondage, à mesure que les enfants prennent de l'âge, leur nombre diminue. Des enfants commencent la quatrième, la cinquième et la sixième année avec 25 des 40 actifs possibles et, quelque part entre la 7e et la 12e année, ils n'en ont plus que 16. La prise de décision, le sentiment d'utilité dans la collectivité et la disponibilité de modèles adultes attentifs, tous ces actifs baissent avec l'âge.

Nous avons beaucoup de travail à faire pour bien assimiler cette information réunie chez les jeunes.

Mme Jane Mealey, vice-présidente, Santé des enfants, Centre de santé IWK : Nous avons nous aussi un important groupe de jeunes handicapés et ces jeunes ont les mêmes problèmes que les jeunes — je vais éviter de parler de normaux — sans handicap.

Notre défi consiste à aider ces jeunes à s'intégrer à leur environnement social tout en composant avec leur déficience et, souvent, la pauvreté. Nous n'avons pas réglé ces problèmes, ni au niveau provincial, ni au niveau fédéral.

Le sénateur Pearson : Les jeunes ont recours plus souvent aux classes cliniques qu'aux centres parce qu'elles sont plus faciles d'accès. Je suis heureuse d'entendre parler de ces classes cliniques parce que j'estime que cela donne aux jeunes une image favorable du réseau de santé publique.

Je connais vos programmes d'actifs visant à à apprendre davantage au sujet des comportements en matière de santé. Le McCreary Centre Society a un système analogue en Colombie-Britannique. C'est un outil utilisé auprès des jeunes et souvent organisé par eux pour obtenir satisfaction à leurs besoins. Je crois que cela reflète assez bien où se situent ces enfants dans leur environnement.

Je me souviens de Dr Graham Chance, de l'Institut canadien de la santé infantile, qui nous racontait comment les problèmes de santé mentale frappent vraiment fort à l'adolescence. Je peux confirmer ses propos, ayant moi-même élevé cinq adolescents.

J'aimerais que vous nous en disiez plus au sujet de la capacité ou de l'incapacité du réseau à répondre aux besoins de santé mentale des enfants et des adolescents.

Mme Mealey : Cela nous pose un défi de taille en Nouvelle-Écosse. Au fil des ans, nous avons rédigé plusieurs rapports sur la santé mentale et, en dépit d'un accroissement des ressources qui y sont affectées, nos listes d'attente pour les jeunes qui ne sont pas en phase critique sont de deux ans et demi. Les enfants et les jeunes qui tentent de se suicider ou qui posent d'importants problèmes à la maison ou dans leur environnement reçoivent une aide immédiate, mais autrement, l'attente est beaucoup trop longue pour les jeunes qui ont des problèmes de santé mentale.

Il faut améliorer l'accès des jeunes enfants et des familles aux services d'évaluation. Nous comptons sur l'école pour observer la capacité de l'enfant à fonctionner et pour déterminer si le problème est d'ordre comportemental ou mental.

Comme Doug l'a dit, l'école suspend souvent l'enfant pour son mauvais comportement, puis cet enfant doit attendre jusqu'à deux ans et demi pour subir une évaluation. Ce temps d'attente est beaucoup trop long.

Nous réalisons des progrès, mais c'est une question de ressources, de ressources financières qui nous permettraient de répondre à un besoin sans cesse croissant. Nous observons que les adultes ont les mêmes problèmes d'accès aux soins de santé mentale. Ils éprouvent des difficultés à se trouver un professionnel compétent dans le domaine du travail social ou de la psychologie. Ces professionnels forment une équipe de fournisseurs de services en santé mentale. Il n'y a pas suffisamment de pédopsychiatres au pays. Ils ont un ensemble de compétences unique, mais nous n'en produisons pas assez pour répondre à nos besoins en matière de santé mentale.

Mme Cogdon : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Une de mes responsabilités, dans le cadre de mon travail, est la consultation avec la communauté. Nous avons en Nouvelle-Écosse un réseau dans lequel existent des conseils communautaires de santé qui ils ont pour fonction d'établir des liens avec la communauté, d'être les antennes du réseau de santé dans la communauté.

L'accès à des services de santé mentale est une préoccupation pour les familles qui ont besoin d'aide et d'information au sujet d'enfants et de jeunes ayant des problèmes de santé mentale. Les parents ont besoin d'aide pour régler les problèmes de leurs enfants. Ils ont besoin de conseils quant à la façon d'assumer leur rôle parental dans de pareilles circonstances.

L'automne dernier, nous avons mené un sondage téléphonique auprès de 1 400 personnes de notre district. Nous avons demandé aux gens de nous dire ce qu'ils pensent des principales questions de santé reliées aux enfants. L'étude a révélé que la préoccupation centrale à l'égard des enfants est une famille stable et encourageante. Nous leur avons ensuite demandé de nous dire quelles mesures nous devrions prendre. Soixante pour cent des répondants ont affirmé avoir besoin d'aide pour assumer leur rôle parental.

Nous devons aider l'enfant et, fait tout aussi important, nous devons aider les parents de l'enfant qui a des problèmes de santé mentale. Les parents souhaitent être le meilleur soutien possible pour leurs enfants.

Le sénateur Pearson : Vos résultats semblent correspondre à ceux de l'enquête menée par Invest in Kids à Toronto. L'enquête a révélé que les parents estiment que leur rôle de parent est le plus important qu'ils jouent dans leur vie. Il révèle également qu'ils ignorent comment bien l'assumer et qu'ils ne se sentent pas appréciés pour ce qu'ils font pour leurs enfants.

Le sénateur Mercer : D'après mes lectures et mes recherches, un des problèmes les plus importants semble être que les jeunes deviennent parents sans trop savoir s'ils vont être à la hauteur. Comme je le dis toujours, il n'existe pas de manuel pour apprendre à être parent.

J'avais 25 ans quand je suis devenu père et je me rappelle à quel point j'avais peur. Songez alors à la crainte du jeune de 16 ou de 18 ans qui devient parent.

La question relève du domaine de la médecine des soins préventifs. Avez-vous pu suivre l'efficacité des cours sur l'art d'être parent? Y a-t-il des cas où, après avoir donné une formation efficace aux parents, vous avez constaté un déclin de certains problèmes que vous auriez pu prévoir?

Mme Cogdon : Malheureusement, nous n'avons pas un très bon réseau de programmes de formation au rôle de parent. Nous obtenons d'excellents résultats dans certains petits créneaux. Je crois que c'est là notre problème. Je crois que nous avons besoin de rejoindre plus de monde. Les parents ont besoin d'information et d'autres formes de soutien pour assumer le mieux possible leur rôle. Les parents ont besoin de logement adéquat et d'argent pour abriter et nourrir leurs enfants de manière saine. Toutes ces formes de soutien contribuent au bien-être de l'enfant et aident les parents à assumer leur rôle d'éducateur.

Je ne me souviens pas de recherche qui aurait été menée sur l'efficacité des compétences en tant que parents, mais je suis sûre qu'elle existe. La documentation fait ressortir le besoin d'offrir des outils aux parents et de le faire de leur point de vue. Nous nous rendons compte que notre programme ne convient pas à tous. Les programmes doivent être liés au niveau de vie socio-économique et à leurs besoins précis.

Un projet intéressant est en cours à Dartmouth. Le centre des ressources familiales de la ville réussit de manière formidable à rejoindre les parents et à offrir une approche complète pour la formation au rôle de parent. Le centre accueille les parents dans un milieu invitant et leur offre de l'aide pour élever le mieux possible leurs enfants.

Le centre offre des services de santé publique et les services de thérapeutes en matière de santé, de parole et de langage. Il offre un programme de lecture et met les parents en contact avec les banques alimentaires. Par conséquent, il faut offrir une approche très complète.

Le Dr McMillan : Le programme Read to Me mis sur pied au centre de santé IWK encourage l'interaction entre l'enfant et le parent tout en éduquant l'enfant. Les parents reçoivent des livres et des instructions sur la façon de lire des histoires à l'heure du coucher. Ce programme est avantageux tant pour l'enfant que pour les parents.

Pour ce qui est du nouveau-né, nous avons besoin de plus d'études sur son environnement post-natal. Je crois vraiment que, du point de vue de la recherche et, en fait, de tous les programmes que nous offrons, nous devrions faire une évaluation pour savoir ce qui est utile et ce qui ne l'est pas.

Le sénateur Mercer : Un des problèmes des jeunes parents, particulièrement des très jeunes parents, est le manque d'estime de soi et de la conviction qu'ils peuvent réussir à élever leur enfant dans ce monde où la vie est si difficile. Or, il est difficile d'enseigner l'estime de soi. Je vois là une partie importante de la solution à certains des problèmes de santé et des problèmes sociaux.

Le Dr Ryan Thompson, résident MHSA, centre de santé IWK : J'aimerais faire des observations au sujet de l'art d'être parent, parce que je suis moi-même un jeune père. Ce n'est pas forcément qu'on a pas les compétences voulues. On peut certes les améliorer, c'est un fait. Cependant, c'est le temps que j'ai à consacrer à mon enfant qui fait défaut. Dans de nombreux foyers où les deux parents travaillent, le temps passe à faire l'aller-retour de la garderie et on ne voit ses enfants que pendant deux ou trois heures par jour et les week-ends, peut-être, selon son emploi.

Le problème, c'est qu'on n'a pas sufisamment de temps libre pour avoir un impact sur l'enfant. On en revient toujours à cette histoire de faible estime de soi. Si vous n'êtes pas présent dans la vie de vos enfants, vous ne pouvez pas assumer le rôle de modèle. Il est difficile aux parents de jouer le rôle de modèle quand ils travaillent à l'extérieur pour gagner de quoi payer le logement et l'épicerie. Ils sont occupés à faire autre chose. Il est difficile d'avoir une influence quand vous n'êtes pas là.

Le sénateur Oliver : On a répondu à une partie de ma question, mais je vais la poser de toute façon. Tout d'abord, je remercie les témoins de leurs déclarations qui portaient à la fois sur des questions nationales et internationales.

D'après son c.v., le Dr McMillan a de l'expérience en programmes éducatifs pour les professionnels de la santé dans des pays comme l'Inde, la Chine, le Bangladesh, le Laos, les Philippines, l'Indonésie, l'Arabie saoudite, et j'en passe.

Nous sommes allés en Suède et en Suisse et dans plusieurs provinces où nous avons entendu des témoins. Une des choses que j'aimerais, c'est que vous quatre nous parliez du respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant en Nouvelle-Écosse, plus particulièrement à l'hôpital Isaak Walton Killam.

Quel genre d'éducation et de formation offre-t-on au personnel en matière de droits de l'enfant? La plupart sont-ils au courant de ces droits et, dans la négative, quelles mesures prenez-vous pour les aider à en prendre conscience?

Quelles nouvelles mesures proposeriez-vous au comité pour respecter les divers droits de l'enfant, dans la mesure où ils concernent des questions de santé?

Mme Mealy : Au jour le jour, nous n'éduquons probablement pas le personnel et ne lui rappelons pas les droits de l'enfant tels qu'inscrits dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Par contre, nous possédons ces renseignements et ils sont affichés. Nous les incluons dans notre philosophie de la prestation de soins. Nous veillons à ce que le personnel ait les titres de compétence voulus. Les grands principes de notre établissement centré sur la famille incluent la convention. Nous avons un registre de mauvais traitements des enfants. Nous discutons des droits des enfants et des jeunes, ainsi que du droit des parents de participer à leurs soins. Nous avons fait du travail concernant les droits des enfants en milieu hospitalier et en matière de soins de santé. Notre documentation sur les soins centrés sur la famille correspond assez bien aux droits des enfants et des jeunes.

Notre approche glibale s'appuie sur les droits des enfants, des jeunes et de la famille. L'hôpital IWK est un milieu très centré, axé sur la famille qui s'efforce de faire en sorte que les enfants et les familles font partie intégrante des soins qui leur sont prodigués. Ils participent aux prises de décision. Nous venons tout juste, par exemple, de revoir et de mettre en oeuvre notre politique sur le consentement au traitement qui engage les adolescents dans la prise de décision. Ils peuvent consentir au traitement ou le refuser. Les sénateurs sont conscients qu'ici, en Nouvelle-Écosse, il n'y a pas d'âge légal de consentement.

Le sénateur Oliver : Quel est l'âge des plus jeunes qui participent à ce processus de décision?

Mme Mealy : À partir de huit, neuf ou dix ans, les enfants participent aux discussions. À notre avis, ils sont capables de nous dire ce qu'ils veulent à partir de cet âge. De toute évidence, quand l'enfant est atteint de cancer ou souffre d'une maladie cardiaque, les parents sont très présents. Cependant, un adolescent de quinze ans qui doit subir une greffe comprend ce que cela signifie pour lui et a le droit de dire que ce n'est pas ainsi qu'il veut continuer de vivre. Nous aidons alors le jeune à prendre sa décision. C'est une question très délicate, mais notre politique en particulier nous permet de faire en sorte que les enfants participent activement à ce dialogue, et il en va de même pour la participation des familles aux décisions qui concernent leurs enfants.

Le sénateur Oliver : Je connais une partie du travail accompli par M. John Anderson et M. Reese à cet égard.

Mme Mealy : Effectivement.

Le Dr McMillan : Je souligne que nous prodiguons les soins du mieux que nous le pouvons. Cependant, après avoir lu la Convention relative aux droits de l'enfant, je me rends compte que c'est une bonne idée de la relire. Nous ne sommes probablement pas conscients de tous les enjeux décrits dans la convention. En réalité, quand j'ai commencé à relire le texte, beaucoup d'enjeux m'ont sauté aux yeux. Je parle de notre politique de l'immigration qui peut séparer les familles et du droit de l'enfant à l'éducation. Tous ces droits entrent en jeu, et je crois qu'en tant que professionnels de la santé, nous aurions tous intérêt à scruter la convention de plus près. Je vais en faire un défi à relever. Nous pourrions tous faire mieux à cet égard.

Mme Mealy : Au-delà des murs d'IWK, en ce qui concerne les problèmes des jeunes et l'accès aux services de santé mentale, il faut réfléchir au droit d'accès des enfants et des jeunes aux soins et à une alimentation saine. Il faut l'intégrer à nos politiques locales, provinciales et générales.

Je crois que l'IWK a un grand rôle à jouer dans la promotion de la convention et dans son utilisation comme document de référence pour l'élaboration des politiques.

Mme Cogdon : Jane vient tout juste de me rappeler un point qui gravite autour de toute cette question de la sécurité alimentaire. Nous avons des données provinciales selon lesquelles une famille de quatre qui gagne le salaire minimum ou vit de l'assistance sociale est incapable de se payer un panier d'aliments sains tels que décrits dans le Panier à provisions nutritif du Canada qui, dans notre province, coûte 572,90 $.

Les données tiennent compte du coût du logement et de la participation, mais n'incluent pas le coût d'activités récréatives, de médicaments ou de participation utile à la vie collective.

Quand on tient compte de toutes les dépenses d'une famille biparentale de deux enfants dont l'un des parents gagne le salaire minimum et l'autre également, mais à temps partiel, il manque 292 $.

La famille biparentale à deux enfants qui vit de l'assistance sociale est à court de 277 $ chaque mois. Il manque au parent seul avec deux enfants qui touche le salaire minimum 392 $ par mois et à celui qui vit de l'assistance sociale, 153 $ par mois.

Vous pouvez vous imaginer le stress que cela cause au sein d'une famille et tous les autres problèmes qui l'accompagnent.

La présidente : Il ne nous reste plus de temps, mais je tiens à vous remercier de ces témoignages et faire miens les propos du sénateur Oliver, soit que je me réjouis particulièrment du fait que vous ayez situé le Canada dans son contexte international. Vous avez fait ressortir non seulement le fait que les enfants ont de graves problèmes partout dans le monde, mais également que nous pourrions, en termes relatifs, faire beaucoup mieux au Canada. La statistique sur la pauvreté est particulièrement troublante, bien que les données que vous avez citées soient probablement plus optimistes que les données les plus récentes. Je crois que les Canadiens ont une sérieuse réflexion à faire sur l'alimentation saine de leurs enfants.

Je tiens à féliciter votre centre d'utiliser l'approche axée sur les droits et la convention et je soupçonne fort que nous avons de nombreux médecins au pays qui travaillent dans le meilleur intérêt des enfants. Cependant, la convention porte sur les droits de l'enfant par opposition à ce que d'autres considèrent être dans leur meilleur intérêt, et je crois donc que c'est en insistant là-dessus que nous obtiendrons certains succès.

J'ai été plutôt émue de vous entendre dire que vous faisiez participer les enfants aux décisions qui les concernent en matière de greffe et ainsi de suite. Dans le passé, quand un enfant était malade et refusait la chirurgie et que le parent refusait également, nous appelions les services sociaux à la rescousse. Je ne crois pas que nous aurions eu la discussion dont vous avez parlé au sujet du consentement. Nous faisons peut-être des progrès en vue de respecter l'esprit de la convention.

Le comité vous remercie de votre appui et, avec un peu de chance, notre rapport en incitera peut-être d'autres à vous imiter et sera peut-être d'une quelconque utilité. Nous vous sommes donc reconnaissants d'être venus témoigner.

Mme Mealy : J'ai été frappée par votre échange avec M. MacKay au sujet de la prescription de Ritalin aux écoliers. Le Ritalin est la solution facile à un problème complexe, une solution rapide.

M. Romanow et le sénateur Kirby ont publié d'importants rapports au sujet des problèmes entourant l'accès aux services et les listes d'attente. Il est intéressant de noter que l'accès aux services d'imagerie diagnostique, aux remplacements de hanche, à la chirurgie cardiaque, aux soins à domicile concerne les adultes. Ce que nous ne trouvons pas dans ces documents, c'est la mention des problèmes d'accès des enfants aux services d'évaluation.

Noua avons des enfants à l'école qui doivent prendre du Ritalin parce qu'ils attendent entre deux ans et demi et trois ans pour subir une évaluation préscolaire.

Je détesterais dire que c'est parce qu'ils n'ont pas le droit de voter, mais les problèmes des enfants ne sont pas pris en compte. On n'entend parler que des adultes qui se plaignent qu'ils doivent attendre deux ans avant d'avoir un remplacement de hanche.

Ce n'est que tout récemment que nous avons commencé à entendre parler des enfants autistes. Nous savons que, partout au pays, des parents assument de très lourds fardeaux parce que ces enfants ont d'énormes problèmes. Il faut trouver le moyen d'examiner les problèmes associés à nos enfants parce que, comme Doug l'a dit, ces enfants sont notre avenir, même les enfants qui ont des déficiences.

J'encourage le comité à examiner ces problèmes à travers le prisme de la convention.

Le Dr McMillan : En tant que clinicien, je vois la possibilité de mieux utiliser mes compétences et de moins compter sur la technologie. En tant que concepteur de programmes, je vois l'impact et l'influence des dimensions économiques, sociales et environnementales, par exemple, de la santé qui sont amplifiées dans d'autres régions du monde, mais qui ont tout autant de pertinence ici, au Canada.

La présidente : J'en suis consciente et j'apprécie à leur juste valeur ces dernières observations. Notre comité doit tenir de nombreuses autres audiences, mais comme la question de la santé a tant d'à-propos actuellement, il faudra peut-être envisager la possibilité d'agir au plus vite pour faire en sorte que ce débat sur la santé inclut les enfants et, plus particulièrement, cette question des évaluations dont vous nous avez parlé.

Le sénateur Mercer et moi sommes membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles et nous voyons des enfants avoir des démêlés avec la justice parce que leurs problèmes de santé mentale n'ont pas été traités lorsqu'ils étaient jeunes.

Peut-être faudrait-il que nous nous mêlions tout de suite du débat sur la santé plutôt que d'attendre le dépôt de notre rapport final. Nous vous remercions du temps que vous nous avez réservé et des opinions que vous avez exprimées.

La séance est levée.


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