Aller au contenu

QUI DIRIGE, ICI?

MISE EN OEUVRE EFFICACE DES OBLIGATIONS INTERNATIONALES DU CANADA RELATIVES AUX DROITS DES ENFANTS 

Rapport provisoire Comité sénatorial permanent des Droits de la personne

Dix-neuvième rapport

Présidente : L’honorable Raynell Andreychuk
Vice-présidente : L’honorable Landon Pearson

Novembre 2005


MEMBRES

L’honorable Raynell Andreychuk, présidente
L’honorable Landon Pearson, vice-présidente

et

Les honorables sénateurs :

*Jack Austin, C.P. (ou William Rompkey, C.P.)
George Baker, C.P.
Sharon Carstairs, C.P.
Marisa Ferretti Barth
Marjory LeBreton
*Noël A. Kinsella (ou Terrance R. Stratton)
Rose-Marie Losier-Cool
Donald H. Oliver, C.R.
Vivienne Poy

*Membres d’office

En plus des sénateurs indiqués ci-dessus, les horonables sénateurs Maria Chaput, Ione Christensen, Ethel M. Cochrane, Roméo Dallaire, Elizabeth Hubley, Laurier LaPierre, Terry Mercer, Jim Munson, Lucie Pépin, Marie-P. Poulin (Charrette) et Nancy Ruth étaient membres du Comité à différents moments au cours de cette étude ou ont participé à ses travaux.

Personnel du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement : 

Laura Barnett, analyste

Line Gravel
La greffière du Comité


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat, du mercredi 3 novembre 2004 :

L’honorable sénateur Andreychuk propose, appuyée par l’honorable sénateur LeBreton,

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, en vue d’en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants;

Le Comité demandera plus particulièrement l’autorisation d’examiner :

-les obligations qui sont nôtres en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;

-si les lois du Canada qui s’appliquent aux enfants respectent les obligations qui sont nôtres en vertu de cette convention.

Que le Comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 22 mars 2005, et qu'il conserve jusqu'au 30 avril 2005 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Extrait des Journaux du Sénat, du mercredi 23 février 2005 :

…que la date de présentation de son rapport final soit reportée du 22 mars 2005 au 31 mars 2006 et qu’il conserve jusqu’au 30 avril 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat
Paul Bélisle


TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE.. 1

RÉSUMÉ.. 3

La présente étude. 3
Application de la Convention au Canada. 3
Problèmes touchant l’intégration et la mise en œuvre de la Convention. 4
Propositions de réforme du Comité. 5

SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS. 8

CHAPITRE UN – RAISON D’ÊTRE ET RÔLE DU COMITÉ.. 9

A. INTRODUCTION.. 9

B. LE MANDAT. 10
    1. Examiner le rôle du Canada en ce qui concerne les droits de la personne et la Convention  10
    2. L’importance cruciale de mettre les droits des enfants au premier plan. 12

C. LE PRÉSENT RAPPORT ET LE TRAVAIL DU COMITÉ.. 20
    1.  Étude et un examen en profondeur du contexte canadien. 20
    2.  Le présent rapport provisoire. 22

CHAPITRE DEUX – HISTOIRE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LE DROIT CANADIEN ET INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS DE LA PERSONNE.. 24

A.  HISTOIRE DES DROITS DE L’ENFANT AU CANADA.. 24
    1.  Évolution des approches à l’égard des enfants dans l’histoire. 24
    2.  Évolution des approches à l’égard des enfants dans l’histoire canadienne. 25
    3.  Histoire de la protection et du bien-être de l’enfant au Canada. 26
    4.  Droits de l’enfant dans les lois sur la protection et le bien-être de l’enfant28

B.  HISTORIQUE DE LA  CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT. 29
    1.  Origine des droits de l’enfant dans le droit international29
    2.  Élaboration de la Convention relative aux droits de l’enfant31
    3.  Participation des organisations non gouvernementales. 33
    4.  Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant34
    5.  Le Comité sur les droits de l’enfant35
    6.  Nature particulière de la Convention relative aux droits de l’enfant36
    7.  Le Canada et la Convention relative aux droits de l’enfant37

CHAPITRE TROIS –TRAITÉS INTERNATIONAUX ET DROIT NATIONAL : PROCESSUS DE MISE EN ŒUVRE.. 40

A. RATIFICATION.. 40

B. RÉSERVES. 40

C. APPLICATION ET MISE EN ŒUVRE.. 41

D. MÉCANISMES D’EXÉCUTION.. 47

CHAPITRE QUATRE – MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT  49

A.  MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION.. 49
    1.  Mise en œuvre et application. 49
    2.  Interprétation législative et judiciaire. 51
    3.  Réserves. 54

B.  MÉCANISME D’EXÉCUTION – RAPPORT ET SUIVI AUPRÈS DU COMITÉ DE L’ONU   57
    1.  Rôle et mandat du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne  57
    2.  Pertinence du processus d’établissement de rapports et de suivi au Canada. 58

C.  COMPLEXITÉ DE LA MISE EN ŒUVRE.. 64
    1.  Structure fédérale du Canada. 64
    2.  Méconnaissance de la Convention. 74

D.  CONSTATATIONS DU COMITÉ.. 77

CHAPITRE CINQ – MÉCANISMES DE CHANGEMENT. 79

A.  INTRODUCTION.. 79

B.  RESPECT DES OBLIGATIONS INTERNATIONALES DU CANADA EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE – MODÈLE DE RATIFICATION ET D’INTÉGRATION À LA LÉGISLATION   79
    1.  Processus de négociation des traités. 80
    2.  Signature et ratification. 83
    3.  Après la ratification – Donner suite efficacement aux obligations du Canada en vertu des traités internationaux. 87
    4.  Commentaires du Comité. 91

C.  MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT  92
    1.  Commissariat aux enfants. 94
    2.  Groupe de travail interministériel chargé de la mise en œuvre des droits des enfants au sein de l’administration fédérale. 107
    3.  Rôle accru du secteur bénévole. 116
    4.  Questions générales de financement119

D.  CONCLUSIONS. 120

CHAPITRE SIX – PLANS FUTURS : LE RAPPORT FINAL.. 122

A.  SANTÉ.. 122

B. ENFANTS AUTOCHTONES. 123

C.  ENFANTS ISSUS DE MINORITÉS. 124

D.  ENFANTS MIGRANTS. 124

E.  ENFANTS VICTIMES D’EXPLOITATION SEXUELLE.. 125

F.  ENFANTS DANS LES CONFLITS. 126

G.  PROTECTION DE L’ENFANT. 126

H.  JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS. 127

I.  CHÂTIMENT CORPOREL.. 127

ANNEXE  A : Liste des témoins. 129

ANNEXE B : Convention relative aux droits de l’enfant141

ANNEXE C :  Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. 153

ANNEXE D : Protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés  158

ANNEXE E : Observations finales du Comité des droits de l’enfant162

ANNEXE F : Un Canada digne des Enfants; Plan d’action national177

ANNEXE G : Version de la convention accessible aux enfants proposée par l’ACDI  214


AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE

En novembre 2004, lorsque le Comité a entrepris son étude des obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants, son objectif était d’essayer de voir comment le Canada pourrait maximiser l’impact et l’application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant pour en faire profiter les enfants canadiens. Au fil de cette étude, le Comité a peu à peu acquis la conviction que tant sur le plan théorique que pratique, les droits des enfants ne sont ni compris ni, à vrai dire, respectés. Pourtant, comme l’ont souligné à maintes reprises les témoins que nous avons entendus au Canada et à l’étranger, les enfants sont des citoyens avec des droits et ils doivent être reconnus comme tels si nous voulons favoriser l’éclosion d’une culture de respect – et aussi une culture des droits et de la responsabilité.

Le Comité espère que les arguments qui l’ont lui-même amené au fil de la présente étude à prendre position en faveur d’un respect véritable des droits des enfants pourront être invoqués, compris et repris avec le même succès partout au Canada. Dans le présent rapport provisoire, le Comité examine différents mécanismes pour renforcer la capacité du Canada d’offrir des services et des avantages à tous les enfants ici même au Canada et au-delà de nos frontières. Ce rapport provisoire recommande différents moyens pour que ces objectifs deviennent réalité au sein de l’administration fédérale, au Parlement et au niveau individuel, et insiste sur la nécessité de consulter, d’éduquer et de faire participer les enfants.

Dans le cadre de son examen de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité a analysé le processus de négociation et de ratification des traités internationaux en matière de droits de la personne et est d’avis qu’étant donné le retard qu’accuse le Canada par rapport aux autres pays sur le plan de la satisfaction des attentes démocratiques modernes, le moment est venu de renouveler le processus de négociation et de mise en œuvre.

Au terme de cette première étape de notre étude, je tiens à remercier les membres du Comité pour l’enthousiasme et le dévouement dont chacun a fait preuve tout au long des travaux du Comité. Les sénateurs ont abordé ces questions en mettant à profit leur propre bagage de connaissances et leur propre expérience de vie, mais tous ont témoigné avec conviction de leur engagement sans réserve à l’égard du respect intégral et de la mise en application effective des droits des enfants au Canada.

J’aimerais en particulier souligner le rôle de l’honorable sénatrice Landon Pearson (qui prend sa retraite du Sénat ce mois-ci), dont la vie personnelle et professionnelle témoigne de son réel respect et de son réel souci des enfants. Tout au long de sa carrière, elle a défendu avec ténacité et dévouement la cause des enfants, contribuant de façon significative à sensibiliser le public, la classe politique et le Sénat aux droits des enfants.

Enfin, j’aimerais remercier tout le personnel du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement qui ont participé à cette étude. À cet égard, j’aimerais souligner tout spécialement la contribution de Line Gravel, greffière du Comité, de Laura Barnett, attachée de recherche du Comité, et de Kim Chao, qui nous ont vaillamment épaulé dans la préparation du présent rapport provisoire. Je remercie aussi les nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité, au Canada et à l’étranger, et qui nous ont fait part de leur précieux point de vue sur la Convention relative aux droits de l’enfant, la situation des droits des enfants au Canada et les moyens les plus efficaces pour mettre en œuvre le droit international dans le contexte national.

Le Comité dédie le présent rapport provisoire aux enfants canadiens, dans l’espoir que, si un jour ses recommandations sont appliquées, ceux-ci disposent enfin des moyens nécessaires pour faire entendre leurs voix et faire valoir leurs droits de citoyens à part entière.


RÉSUMÉ

La présente étude

·         Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a reçu un ordre de renvoi du Sénat l’autorisant à examiner, en vue d’en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Il a donc entrepris une étude afin d’arriver à mieux comprendre l’impact des instruments internationaux relatifs aux droits de l’enfant sur le droit canadien.

·         L’un des principaux objectifs de la présente étude consiste à examiner la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et à essayer de voir aussi ce qui fait obstacle à la protection des droits de l’enfant. Le Comité a cherché à savoir si les politiques et les lois canadiennes sont fidèles aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et si le pays respecte ses obligations internationales. Il s’est aussi penché sur rôle du Parlement dans ce contexte.

·         Le Canada a joué un rôle déterminant dans la rédaction et la promotion de la Convention, qui se distingue des autres traités internationaux relatifs aux droits de la personne parce qu’elle a été ratifiée par le plus grand nombre de pays et parce que la portée de la protection qu’elle offre est plus étendue que celle de tout autre traité international en matière de droits de la personne.

·         Il est crucial que le Canada continue d’être un chef de file mondial en ce qui a trait à l’application de la Convention. Pour arriver à bien faire ressortir la vulnérabilité particulière des enfants et permettre le plein épanouissement des droits des enfants, le parti pris de la Convention en faveur des droits doit être précisé. Les enfants d’aujourd’hui sont des intervenants avec des droits qui leur appartiennent en propre et qui doivent être respectés et protégés intégralement par leur pays de résidence. Cette façon de concevoir les enfants a mis du temps à faire son chemin et, en fait, elle n’est pas encore parfaitement comprise ou acceptée à l’échelle nationale ou internationale.

 

Application de la Convention au Canada
 

·         Au Canada, les traités internationaux relatifs aux droits de la personne sont rarement intégrés directement au droit canadien. Ils sont plutôt mis en œuvre indirectement grâce à l’adoption de mesures pour rendre les lois déjà en vigueur conformes aux obligations convenues dans une convention particulière. Le Parlement n’intervient pas dans la ratification, de sorte que les traités internationaux relatifs aux droits de la personne qui ne sont pas directement intégrés aux lois nationales échappent à l’examen parlementaire. La mise en œuvre d’un traité international ayant une incidence sur les lois et les politiques provinciales relève de la responsabilité conjointe des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le gouvernement fédéral a adopté comme politique de consulter les provinces et les territoires avant de signer et de ratifier des traités portant sur des questions relevant de leur compétence afin de remédier à ce problème complexe.
 

·         La Convention relative aux droits de l’enfant est actuellement réputée être mise en œuvre par la voie de la Charte canadienne des droits et libertés, des lois fédérales et provinciales en matières de droits de la personne et des autres lois fédérales et provinciales régissant les questions qui y sont abordées. Essentiellement, l’approche adoptée à l’égard des obligations internationales du Canada est axée sur les politiques. Le gouvernement prend appui sur les lois déjà en vigueur et se sert des mécanismes existants pour appliquer la Convention, plutôt que de recourir à une loi spéciale pour garantir le respect intégral de tous les droits reconnus aux enfants en vertu de la Convention.
 

·         En ce qui a trait aux obligations de rapport faites au Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité permanent fédéral-provincial-territorial des fonctionnaires chargés des droits de la personne facilite la préparation des rapports soumis par le Canada au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Lorsque ce dernier rend public ses Observations finales, le rôle du Comité permanent consiste à tenir les gouvernements provinciaux et territoriaux au courant des observations formulées sur la portée des droits garantis par la Convention.

 

 

Problèmes touchant l’intégration et la mise en œuvre de la Convention
 

·        L’une des principales préoccupations exprimées par les témoins a trait au refus du gouvernement fédéral d’intégrer directement les traités internationaux relatifs aux droits de la personne dans ses lois; pourtant, le gouvernement est tenu de faire tout en son pouvoir pour appliquer les traités internationaux à l’échelle nationale, en dépit des obstacles posés par la Constitution en matière de compétences.
 

·        Le Comité s’est fait dire que le Comité permanent n’arrivait pas à assurer une coordination adéquate entre les différentes instances ou auprès des organes issus de traités en raison de son mandat limité. De plus, les mécanismes actuels de présentation de rapports et de diffusion sont trop complexes, et certains déplorent le manque de participation publique ou non gouvernementale réelle et le fait que les Observations finales du Comité des Nations Unies soient si peu diffusées.
 

·        Au fil de ses audiences et à la lecture des Observations finales du Comité des Nations Unies, le Comité a appris qu’en raison de notre structure fédérale, de la multitude de lois et de la diversité des interprétations ou approches adoptées dans chaque province et territoire à l’égard de leur application, le Canada est dépourvu de toutes normes nationales uniformes dans un certain nombre de domaines clés, d’où l’existence d’un impact direct sur les droits des enfants, et le mandat des institutions vouées à la protection des droits des enfants varie considérablement d’une province à l’autre.
 

·        Le Comité a également noté que les instances gouvernementales de même que les enfants et le grand public connaissent mal la Convention et les droits qui y sont garantis. Dans l’administration publique, même ceux dont le rôle est de protéger les droits des enfants ont une connaissance de la Convention qui est, au mieux, inégale.

 

Propositions de réforme du Comité

·        Le Comité recommande que le gouvernement fédéral se dote de moyens plus efficaces pour intégrer et respecter ses obligations internationales en matière de droits de la personne avant et après la ratification d’un instrument international. Le Comité permanent devrait être informé dès que des négociations sur un traité relatif aux droits de la personne s’amorcent au niveau international, de façon qu’un rapport explicatif énonçant les objectifs et les conséquences du traité en question puisse aussitôt être diffusé et qu’un processus de consultation éclairé puisse être mis en branle auprès de tous les intervenants. La ratification d’un instrument international relatif aux droits de la personne devrait s’accompagner de mesures législatives habilitantes par lesquelles le gouvernement fédéral confirme qu’il se sent légalement tenu de respecter ses engagements internationaux en matière de droits de la personne. Ces mesures peuvent consister à déposer le traité lui-même au Parlement, accompagné d’une déclaration à l’effet que le gouvernement fédéral a examiné toutes les lois pertinentes et peut confirmer au Parlement que celles-ci sont conformes aux obligations énoncées dans le traité, ainsi qu’un énoncé officiel pour signifier que le gouvernement fédéral accepte de se conformer au traité. Enfin, le Comité propose que la préparation des rapports devant être présentés par le Canada au Comité des Nations Unis soit plus rapide et plus collégiale, et que ces rapports de même que les Observations finales du Comité des Nations Unies et le rapport de suivi du gouvernement soient déposés au Parlement et renvoyés aux comités parlementaires pour fins d’examen.

·        Le Comité recommande que le Parlement crée un commissariat aux enfants chargé de surveiller l’application de la Convention et de veiller à ce que les droits des enfants soient protégés au Canada. Le commissariat devrait être une institution autonome sans lien de dépendance tenue par la loi de veiller au respect de la Convention et de faire participer les enfants à ses activités. Il devrait avoir le mandat de soumettre les lois, les services et les programmes fédéraux ayant une incidence sur les enfants et sur leurs droits à un examen continu; de faire rapport annuellement au Parlement de son évaluation de l’application de la Convention par le gouvernement fédéral; d’analyser les problèmes systémiques touchant les enfants; de mener des campagnes de sensibilisation; d’affecter expressément un responsable de haut rang au contrôle et à la surveillance des droits des enfants autochtones et d’assurer la liaison avec le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes.
 

·        Le Comité recommande la création d’un groupe de travail chargé de la mise en oeuvre pour tout ce qui touche les droits des enfants au sein de l’administration fédérale. Le rôle de ce groupe consisterait à faire l’analyse de toutes les lois actuelles et proposées du point de vue des droits de l’enfant; à mener des consultations auprès des provinces, des territoires et des autres intervenants au sujet du respect des droits des enfants; à préparer la partie du rapport que doit remettre le Canada au Comité des Nations Unies portant sur le gouvernement fédéral et à préparer le rapport de suivi du gouvernement fédéral à l’intention du Comité des Nations Unies. Le Comité propose en outre que ce groupe axe principalement ses activités sur l’information et sur l’élaboration d’une vaste stratégie nationale de sensibilisation aux droits des enfants.
 

·        Le gouvernement fédéral devrait travailler de concert avec les ONG pour élaborer des mécanismes et trouver le financement nécessaire pour améliorer l’intégrité et la cohésion des organismes bénévoles voués à la protection des droits des enfants au Canada. En intervenant de cette façon pour renforcer les capacités existantes, le gouvernement fédéral pourrait faciliter l’établissement d’un mécanisme de coordination capable de déterminer les lacunes à combler dans les services et stimuler le dialogue entre les ONG et les organismes donateurs.
 

·        Enfin, le Comité propose que le gouvernement fédéral affecte des fonds suffisants pour permettre au Canada d’appliquer efficacement les traités internationaux relatifs aux droits de la personne et, en particulier, la Convention relative aux droits de l’enfant.


SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS 

RECOMMANDATION 1 – Donner suite aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne 

Le gouvernement fédéral – de concert avec les provinces, les territoires, les parlementaires et les intervenants intéressés – doit se doter de moyens plus efficaces pour négocier, intégrer et respecter ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Le Comité recommande aussi quela ratification d’un instrument international relatif aux droits de la personne s’accompagne de mesures législatives habilitantes par lesquelles le gouvernement fédéral confirme qu’il se sent légalement tenu de respecter ses engagements internationaux en matière de droits de la personne. 

 

RECOMMANDATION 2 – Respect de la Convention relative aux droits de l’enfant 

Le gouvernement doit se sentir lié par l’obligation de se conformer intégralement à la Convention relative aux droits de l’enfant.

 

RECOMMANDATION 3 – Commissariat aux enfants 

Le Parlement doit adopter une loi pour créer un commissariat aux enfants indépendant chargé de surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et de protéger les droits des enfants au Canada. Le commissariat doit être tenu de faire rapport au Parlement à chaque année.

 

RECOMMANDATION 4 – Groupe de travail interministériel chargé de la mise en œuvre des droits des enfants au sein de l’administration fédérale 

Un groupe de travail interministériel chargé de la mise en œuvre des droits des enfants doit être créé pour coordonner les activités, les politiques et les lois touchant les droits des enfants.


CHAPITRE UN – RAISON D’ÊTRE ET RÔLE DU COMITÉ

A. INTRODUCTION

            Le 3 novembre 2004, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne (« le Comité ») a été autorisé par le Sénat à examiner, en vue d’en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Le Comité a obtenu plus particulièrement l’autorisation « d’examiner les obligations qui sont nôtres en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant; si les lois du Canada qui s’appliquent aux enfants respectent les obligations qui sont nôtres en vertu de cette Convention ».

Le Comité a entrepris une étude sur l’impact des instruments internationaux relatifs aux droits des enfants sur le droit canadien, étant donné que très peu d’études exhaustives y ont été consacrées. Le Comité a passé en revue et va continuer d’examiner attentivement les obligations internationales du Canada en matière de droits et libertés des enfants afin de rendre compte des considérations générales liées à la conformité des lois nationales aux obligations internationales du Canada relatives aux droits de la personne et de respecter le mandat général à l’origine de son premier rapport, intitulé Des promesses à tenir : le respect des obligations du Canada en matière de droits de la personne[1].

L’un des principaux objectifs de la présente étude consiste à évaluer la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant[2]et les autres principaux instruments de protection des droits et libertés des enfants, et à voir ce qui fait obstacle à leur application. Le Comité a cherché à savoir si les politiques et les lois canadiennes font écho aux dispositions de ces instruments internationaux de défense des droits de la personne et si elles donnent suite à nos obligations internationales dans ce domaine. Il s’est aussi penché sur le rôle du Parlement dans ce contexte.

Le Comité avait initialement reçu le mandat de faire rapport au Parlement sur cette question avant le 22 mars 2005. Il a toutefois vite pris conscience de la nécessité de procéder à une étude plus exhaustive des droits des enfants et d’élargir en conséquence la portée de son mandat initial. Le délai de présentation de son rapport final a donc été prolongé jusqu’au 31 mars 2006. Cette étude élargie vise à répondre aux questions suivantes : Le Canada donne-t-il suite à la Convention relative aux droits de l’enfant dans ses lois et politiques nationales, et de quelle façon? La société et le gouvernement fédéral répondent-ils aux défis des enfants d’aujourd’hui? Le présent rapport provisoire insiste sur la nécessité d’une intervention vigoureuse immédiate pour protéger les droits et le bien-être des enfants dans le Canada d’aujourd’hui et s’appuie sur le rapport Des promesses à tenir et le témoignage des nombreux témoins entendus pour déterminer, s’il y a lieu, de renforcer les mécanismes en place pour donner suite plus efficacement aux obligations internationales du Canada à l’égard des enfants.

 

B. LE MANDAT

1.  Examiner le rôle du Canada en ce qui concerne les droits de la personne et la Convention

Comme il est mentionné dans le rapport Des promesses à tenir, le Canada s’est acquis une réputation de chef de file dans le domaine des droits de la personne. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, il a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration et la promotion de nouvelles initiatives en matière de droits de la personne, comme la création de la Cour pénale internationale, et participe maintenant à plus de 30 mécanismes internationaux pour la défense des droits de la personne[3].

Des témoins comme Martha Mackinnon, de l’organisme Justice for Children and Youth, ont tenu à souligner que le Canada a été fidèle à cette réputation dans le contexte de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il a fait figure de chef de file dans ce processus non seulement parce qu’il a été le premier à signer et à ratifier la Convention, mais aussi parce qu’il a pris une part active à la rédaction de la Convention et aux efforts déployés pour gagner le plus d’adhésions possible, comme il est mentionné à la partie B du chapitre 2., La Conventiona été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1989 et est devenue une norme universellement reconnue en matière de droits des enfants.  En 1990, le Canada a été l’hôte conjoint du premier Sommet mondial pour les enfants et, de 1999 à 2002, a joué un rôle important dans la préparation de la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants, puisqu’il a réussi à négocier le libellé de résolutions clés, notamment celles concernant les enfants touchés par la guerre, les enfants autochtones et la participation des enfants[4]. Aujourd’hui, la Convention est le traité international auquel on a le plus souscrit dans l’histoire, 192 pays l’ayant ratifiée[5].

Parce que le Canada était perçu comme un si fervent partisan des droits des enfants sur la scène internationale au début (comme l’a fait remarquer Frans Roselaars, directeur du Programme focal sur le travail des enfants de l’Organisation internationale du travail à Genève), il est crucial qu’il conserve son statut de chef de file mondial dans la mise en application de la Convention. Comme l’a souligné le ministre de la Santé, Ujjal Dosanjh, « nous ne pouvons toutefois nous reposer sur nos lauriers »[6]. Le Canada ne peut pas « perdre le leadership moral considérable »[7] des débuts :

Il importe de noter que le Canada n’a pas simplement signé et ratifié la Convention des Nations Unies. Il s’en est fait le champion, le pilote. Il a incité d’autres pays à la signer; il a contribué à sa rédaction et il a déployé des efforts pour que cet instrument, ce traité international voie le jour et devienne la norme en ce qui concerne les droits humains des enfants. Il est crucial que le Canada, qui en est le parrain, soit un leader mondial pour ce qui est d’intégrer la Convention au droit national. […]

C’est un instrument auquel le Canada souscrit sur la scène internationale. Selon moi, il serait très décevant que la signature d’un traité international devienne la limite des hautes eaux. Si l’on ne passe pas à l’étape de la mise en œuvre, c’est comme si le Canada avait dit : Voici ce que nous pensons de la norme internationale; les autres pays devraient la suivre, mais pas nous[8].

En fait, certains témoins sont d’avis que le Canada est déjà tombé dans le piège de s’asseoir sur sa réputation plutôt que d’agir. Comme l’a mentionné Maxwell Yalden, ex‑commissaire du Comité des droits de l’homme des Nations Unies :

Je suis d’avis que le Canada a toujours joué un rôle important dans la communauté internationale en ce qui concerne les droits de la personne, mais je dois avouer que je suis de plus en plus impatient devant une communauté aussi riche que la nôtre, qui passe trop souvent son temps à donner des leçons aux autres sans regarder ses propres performances[9].

 

      2.  L’importance cruciale de mettre les droits des enfants au premier plan

Ce sont les citoyens d’aujourd’hui, non de demain[10].

S’il cherche à insister sur la nécessité d’aborder la question des droits des enfants, le Comité n’en est pas moins conscient du fait que le monde en a peut-être assez de se faire dire : « Nos enfants sont notre avenir ». Si l’affirmation demeure vraie, des témoins ont néanmoins insisté sur le fait que le gouvernement, le Parlement et la société civile doivent aller au‑delà du cliché et reconnaître que les enfants sont des citoyens aujourd’hui. Avant d’espérer instaurer une véritable culture de droits et de responsabilités dans notre société, il faut d’abord reconnaître ce fait. Il est crucial de préciser la place faite aux droits dans le contexte canadien pour en garantir le plein épanouissement.

            Selon les témoins, l’approche fondée sur les droits – qui est consacrée dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans le droit international moderne en matière de droits de la personne – met l’accent sur la nécessité de considérer les enfants comme des personnes ayant des droits qui leur sont propres. L’idée est que les enfants ne sont pas simplement des objets de préoccupation qui ont besoin de protection, mais doivent aussi être reconnus comme des personnes à part entière. Comme l’a affirmé le juge Jean-Pierre Rosenczveig, président du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants, la Convention relative aux droits de l’enfant

            est délibérément tournée vers un XXIe siècle quand elle tient l’enfant pour une personne douée d’une âme et de sentiments ayant des droits, et non seulement comme un petit être fragile qu’il faut défendre contre autrui et contre lui-même[11].

            Dans un tel cadre, la protection des droits des enfants dépasse l’accès aux moyens de survie les plus élémentaires ou la satisfaction des besoins fondamentaux, ce qui facilite plutôt la création d’un environnement durable dans lequel ces droits peuvent être protégés à long terme[12]. L’approche fondée sur les droits suppose que les situations sont envisagées non pas en fonction des besoins humains ou des domaines de développement, mais de l’obligation de respecter les droits des personnes. Ainsi, les gens peuvent demander justice parce que c’est leur droit, et non pas comme une aumône[13]. Comme l’a souligné le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, « la mise en œuvre des droits fondamentaux des enfants ne doit pas être perçue comme un acte de charité envers eux »[14]. En bout de ligne, la charité ne suffit pas à la réalisation du plein potentiel des gens, car elle les réduit à des objets de développement au lieu de les voir comme des participants à leur propre développement[15]. Les trois grandes caractéristiques de la démarche fondée sur les droits sont les suivantes[16] :

·         tous les droits sont égaux et universels;

·         les personnes (y compris les enfants) sont le sujet de leurs propres droits et elles participent au développement au lieu d’être des objets de charité;

·         le cadre fondé sur les droits impose aux États l’obligation de travailler à la mise en œuvre de tous les droits.

La démarche fondée sur les droits exige une forme de programme holistique qui permet d’élargir la protection offerte et de porter en même temps une attention particulière aux plus vulnérables et aux plus marginaux de notre société de façon que leurs droits individuels soient pleinement et également respectés[17]. De même, ce cadre

attribue une obligation morale et juridique aux États, qui doivent faire en sorte que les droits de chacun soient respectés, déterminer les cas dans lesquels ils ne le sont pas et y remédier. En ratifiant les traités portant sur les droits humains, les États assument la responsabilité d’appliquer les droits qui y sont protégés, ils deviennent juridiquement responsables[18].

Selon Kathy Vandergrift, de Vision mondiale Canada, la démarche fondée sur les droits

a une réelle valeur ajoutée parce qu’elle place l’être global au centre des préoccupations, puis examine toutes les composantes et tous les facteurs qui peuvent avoir un impact sur sa situation. Il ne s’agit pas de répondre à un besoin unique – de la nourriture, de l’eau, par exemple ‑  mais plutôt de tenir compte de l’enfant dans sa totalité et de le traiter comme un acteur dans une situation, plutôt que comme un simple bénéficiaire passif[19].

            La démarche fondée sur les droits témoigne du passage d’un système qui réagit en fonction des cas à un système plus proactif et systémique axé sur la prévention[20]. Voici un exemple de la façon dont cette démarche fonctionne :

[…] Si 100 enfants ont besoin d’être vaccinés, l’approche fondée sur les besoins ou sur les problèmes dirait, après que 70 enfants ont été vaccinés, que nous avons eu un excellent taux de succès de 70 %. L’approche fondée sur les droits reconnaît qu’il y a encore 30 enfants qui ont besoin d’être vaccinés. L’approche fondée sur les droits s’applique même aux enfants les plus marginalisés et fait une différence dans la vie de tous les enfants[21].

Les partisans de cette approche font valoir qu’elle vise à instaurer une culture de respect ici et partout dans le monde, dans laquelle nous aurions des comptes à rendre aux enfants eux-mêmes, et non simplement à leur sujet. Kay Tisdall, professeure de politiques sociales à l’Université d’Édimbourg, souligne que notre obligation de rendre compte doit s’appliquer « jusqu’au bout »[22]. Ces partisans affirment par ailleurs que les droits s’accompagnent de responsabilités – traiter les enfants comme des personnes investies de responsabilités créera une génération d’adultes responsables. L’idée est d’inculquer à tous les échelons de la société une culture de responsabilisation qui ne pourra que contribuer à améliorer notre environnement.

Toutefois, même si la démarche fondée sur les droits fait partie intégrante de la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, des témoins ont fait valoir que nombreux sont ceux qui, au Canada et ailleurs dans le monde, continuent de s’opposer à son application intégrale. Pour reprendre les paroles d’Al Aynsley-Green, commissaire aux enfants pour l’Angleterre, « le mot "droits" est un mot dangereux »[23]. Plusieurs considèrent en effet cette façon d’aborder le droit international comme plus menaçante parce qu’elle est davantage axée sur l’observation. Comme l’a souligné la haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Louise Arbour :

La raison pour laquelle les revendications basées sur les droits font l’objet d’une résistance de la part du pouvoir est justement parce qu’elles menacent – ou promettent – de corriger une distribution du pouvoir politique, économique et social qui est, selon les normes internationales déjà acceptées, injuste.

Ces vérités sont particulièrement évidentes dans la reconnaissance hésitante et l’application sélective par le Canada de quelques-unes de ses obligations internationales dans le domaine des droits de la personne. Les obligations qui dérivent des droits de la personne n’exigent ni plus ni moins que des efforts raisonnables dans le cadre élargi que des ressources limitées permettent, les priorités étant déterminées selon un processus démocratique inclusif, engagé à améliorer la situation des plus désavantagés[24].

            D’autres ne sont tout simplement pas au fait des conséquences de la Convention. Comme l’a fait ressortir le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF,

la nature radicale de la [Convention], qui reconnaît explicitement que les enfants sont des objets de droits, n’est ni pleinement acceptée ni entièrement comprise par bon nombre de gouvernements. On fait fi tout particulièrement du principe de promotion de l’intérêt supérieur de l’enfant qui passe par le respect de ses droits et par l’obligation d’écouter son point de vue et d’agir en conséquence, qui est une étape essentielle de la réalisation des droits des enfants[25].

À maintes reprises, le Comité s’est fait rappeler que l’information concernant la Convention relative aux droits des enfants était nettement déficiente au Canada. Plusieurs témoins se sont dits inquiets de la situation des enfants au Canada – en particulier ceux qui sont déjà défavorisés comme les enfants de santé fragile, les enfants handicapés, les enfants autochtones, les enfants migrants, les enfants victimes d’exploitation sexuelle et ceux qui sont pris en charge par les services de protection de la jeunesse ou par le système de justice pénale pour les adolescents.

Des témoins ont dénoncé l’apparent écart existant entre le discours et la réalité au chapitre des droits des enfants au Canada. Le gouvernement reconnaît l’importance des droits des enfants au Canada, comme en témoigne la récente publication du Plan d’action 2004 du Canada, Un Canada digne des enfants[26], pour faire suite à la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants en mai 2002. Le Plan d’action est assorti d’un message de présentation qui insiste sur l’importance des enfants dans la société canadienne et sur les raisons pour lesquelles nous devons spécifiquement concentrer notre attention sur les droits des enfants :

            Le XXIe siècle appartiendra à nos enfants et nos petits-enfants. Ce sont leurs         rêves et leurs aspirations, modelés par les circonstances de leur naissance et du            contexte dans lequel ils grandiront, qui donneront au siècle sa définition ultime.      Ceux qui ont moins de 18 ans aujourd’hui représentent plus du tiers de la   population mondiale et influencent déjà profondément nos vies par leurs décisions       et leurs actions. Pour leur bien et pour le nôtre, nous devons faire tout ce qui est          possible pour alléger les souffrances dont ils portent le joug, pour leur ouvrir les         portes de la réussite et pour leur assurer une culture empreinte de respect. C’est à   cela que les jeunes faisaient allusion lorsque, au cours de la Session extraordinaire         consacrée aux enfants, en mai 2002, ils ont déclaré à l’Assemblée générale des     Nations Unies : « Nous voulons un monde digne des enfants, car un monde digne   de nous est un monde digne de tous »[27].

            De nombreux témoins ont toutefois déploré l’écart existant souvent entre l’intention de se conformer et la conformité réelle à la Convention relative aux droits de l’enfant. Même si le gouvernement tente de se conformer à la démarche fondée sur les droits en théorie, de nombreux témoins soutiennent qu’il hésite à s’y soumettre dans la pratique.

Face à ces préoccupations, le Comité conclut qu’il y a urgence de faire avancer le débat sur le droit des enfants et donc de mieux faire connaître ces droits et d’inciter le gouvernement à faire davantage en pratique. Le Comité voit son rôle comme celui d’un intermédiaire se mettant à l’écoute des préoccupations de l’un des groupes les plus vulnérables mais aussi les plus prometteurs de la société canadienne pour faire en sorte que sa parole soit entendue.

            Katherine Covell, professeure au Centre du droit des enfants du Collège universitaire du Cap-Breton, a insisté sur « l’importance suprême du respect des droits de l’enfant pour le développement d’une société saine »[28]. Les propos du ministre du Développement social, Ken Dryden, font aussi écho à ce point de vue :« Nos enfants sont l’élément essentiel de  […] de notre foi en l’avenir et de notre confiance en tant que pays. Si nos enfants s’en tirent bien, nous nous en tirons bien et nous n’aurons pas de problème. »[29].

            Martha Mackinnon n’a pas mâché ses mots lorsqu’elle a parlé de l’importance de protéger les droits des enfants et fait allusion à la réticence de nombreuses personnes à reconnaître que les enfants sont des personnes avec des droits humains qui leur sont propres :

            Les enfants ne votent pas, mais ils ne paient pas d’impôt non plus et ils ne téléphonent pas à leurs députés. Ils ne sont pas activistes de cette manière.

            C’est triste à dire, mais dans la société canadienne nous n’avons pas fait suffisamment de progrès vers une situation où nous serions capables de nous dire que ce n’est pas parce qu’on donne des droits à quelqu’un que des droits nous sont enlevés à nous. […] Ce n’est ma perception de la manière dont fonctionnent   les droits de la personne. Ma perception est que plus nous tous avons des droits de    la personne étendus, mieux nous serons tous collectivement. Par conséquent, la notion voulant que de donner quelque chose à un enfant n’enlève rien à quelqu’un d’autre est un message que nous ne réussissons pas à transmettre. C’est un message qui dit que je deviens ainsi un meilleur parent, un parent plus fort. Cela fait de moi une enseignante plus forte et meilleure. Je suis un employeur plus fort et meilleur si chaque enfant avec lequel je travaille sait qu’il est un être humain tout autant que je le suis, et mes droits sont renforcés quand chaque membre de ma société jouit des mêmes droits[30].

 

            Dans ce contexte, les témoins ont insisté sur la vulnérabilité particulière des enfants qui, au Canada, sont le seul groupe qui – uniquement pour une raison d’âge – n’a ni voix, ni vote et très peu d’accès aux puissants groupes de pression, aux médias ou aux services juridiques. Le Comité des droits de l’enfant et le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF ont fait valoir que le point de vue des enfants est rarement pris en compte dans les décisions gouvernementales, même s’ils forment l’un des groupes les plus touchés par l’action ou l’inaction gouvernementale. Les enfants ne sont pas simplement sous-représentés, ils ne sont pratiquement pas représentés du tout[31]. Comme l’a déclaré M. Aynsley-Green et répété professeure Kay Tisdall, nous devons reconnaître que les enfants sont « les citoyens d’aujourd’hui, non de demain »[32] et adapter nos politiques en conséquence.

            Suzanne Williams, de l’International Institute for Child Rights and Development, a bien mis en relief l’importance des droits des enfants :

            « Les droits de l’enfant m’ont sauvé la vie. » Ainsi s’exprimait une jeune Autochtone canadienne au cours d’une séance organisée par l’International Institute for Child Rights and Development (IICRD), en mars 2004. Tout juste six ans auparavant, cette jeune personne avait assisté à une conférence tenue au Canada à l’intention des jeunes exploités dans le cadre du commerce du sexe. Elle avait alors appris pour la première fois qu’elle avait des droits : elle comptait pour quelque chose. De son point de vue, ces droits avaient fait toute la différence et lui avaient donné une raison de vivre. Aujourd’hui, cette jeune femme s’est affranchie du commerce du sexe, elle va à l’université et elle aide d’autres jeunes encore exploités dans ce commerce à se renseigner sur leurs droits et à refaire leur vie. C’est là seulement un exemple du pouvoir des droits de l’enfant. Le défi présenté au Canada consiste à s’assurer que les droits de l’enfant sont respectés et exercés largement au profit de tous les enfants[33].

La promotion et le respect des droits des enfants renforcent donc leur reconnaissance comme personnes et êtres humains à part entière capables de faire des choix éclairés pour peu qu’on les y aide.

Les droits des enfants ont beaucoup évolué au fil de l’histoire canadienne. Comme il en sera question plus en détail à la partie A du chapitre 2, les enfants ne sont plus considérés comme des objets ou comme une possession, ni non plus comme de simples éléments d’une cellule familiale. Les enfants d’aujourd’hui sont des personnes à part entière. Selon la professeure Anne McGillivray, de l’Université du Manitoba, cette conception des enfants a mis du temps à se développer et n’est toujours pas encore entièrement comprise ou acceptée au Canada et ailleurs dans le monde.

Si les mécanismes internationaux de défense des droits de la personne se raffermissent toutefois dans le monde moderne, nous devons les incorporer aux lois nationales si nous voulons qu’ils aient la moindre force exécutoire.

De nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité ont insisté sur le fait que le Canada doit témoigner d’une volonté concrète de se conformer à cette obligation. Des témoins comme l’avocat Jeffrey Wilson craignent fort que la Convention relative aux droits de l’enfant n’ait pas d’effet sur le plan juridique au Canada – que son application soit inefficace et que, par conséquent, elle ne soit guère utile pour protéger les droits des enfants :

Lorsque j’essaie d’expliquer la Convention à des enfants de 15, 16 et 17 ans, il y en a toujours un parmi eux […] qui demande : « À quoi sert la Convention? » C’est une question valable. […] Il est presque rétrograde pour le Canada d’avoir, en quelque sorte, une convention qui n’a pas de caractère exécutoire ni d’effet juridique pour la distinguer d’autres conventions internationales qu’il a ratifiées. […] Les tribunaux semblent considérer qu’il s’agit d’une bonne chose mais la Convention n’est pas efficace parce qu’elle n’est pas exécutoire. C’est un peu comme dire qu’il existe une convention qui interdit de frapper une femme mais que celle-ci n’a aucune force obligatoire. Ce serait un document étrange[34].

Dans le présent rapport provisoire et dans le suivi qui en sera fait, le Comité entend faire ressortir ces préoccupations relatives à la Convention afin d’amener le Canada à s’y conformer. Notre rapport vise à sensibiliser le Canada, et son Parlement en particulier, à la Convention.

 

C. LE PRÉSENT RAPPORT ET LE TRAVAIL DU COMITÉ

Le mandat à long terme du Comité consiste à analyser la situation des droits des enfants au Canada et à évaluer la situation de groupes particuliers d’enfants à la lumière des obligations faites au Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant. À cette fin, le Comité a d’abord examiné le cadre de protection des droits des enfants au Canada.

            1.  Étude et un examen en profondeur du contexte canadien

Depuis décembre 2004, le Comité a tenu à Ottawa une série d’audiences très poussées sur le droit international relatif aux droits des enfants et la façon dont ces obligations internationales sont appliquées au Canada. Des universitaires, des juristes, des représentants de groupes de défense et aussi des jeunes ont été appelés à témoigner aux fins de cette étude. Plus récemment, le Comité a également recueilli le témoignage de différents ministres et ministères fédéraux, qui ont abordé différentes questions relatives à la mise en œuvre de la Convention et aux droits des enfants en général[35].

En plus de ses audiences à Ottawa, le Comité a mené plusieurs missions d’étude ‑ à l’échelle nationale, pour prendre la mesure des préoccupations et besoins particuliers d’un bout à l’autre du pays; et à l’échelle internationale, pour faire une analyse comparative et un examen approfondi des subtilités des mécanismes internationaux de défense des droits de la personne et des points de vue internationaux sur la Convention.

En prévision de ses travaux à venir, le Comité s’est rendu dès le début de son mandat à Genève, en Suisse, pour rencontrer des représentants des Nations Unies et d’autres institutions afin de se faire une idée précise des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants en vertu de la Convention et des autres instruments onusiens. À cette occasion, il a pu assister aux délibérations du Comité des droits de l’enfant et en rencontrer les membres et le président, Jaap Doek, afin de connaître leur point de vue sur la Convention et le fonctionnement de l’organe de surveillance et de recueillir leurs observations et leurs critiques à l’endroit des progrès accomplis par le Canada en ce qui a trait au respect de ses obligations. Le Comité a aussi rencontré le Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l’enfant; des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; des représentants de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) qui collaborent à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’égard des enfants; des représentants de l’Organisation internationale du travail; des représentants de l’Union interparlementaire ainsi que Mehr Khan-Williams, haut-commissaire adjoint aux droits de l’homme.

Au cours de cette même mission d’étude, le Comité a aussi fait escale à Stockholm, en Suède, où il en a profité pour voir comment un gouvernement aux vues similaires s’y prend pour s’acquitter des obligations qui lui sont faites en vertu de la Convention de présenter des rapports et constater le succès relatif de leurs efforts pour intégrer leurs obligations internationales à leur droit national. Le Comité a rencontré les membres d’un réseau de parlementaires voué à la défense des droits des enfants, de même que des représentants du ministère suédois de la Santé et des Affaires sociales. Enfin, il s’est entretenu avec Lena Nyberg, ombudsman des enfants de la Suède, afin d’en savoir plus sur le fonctionnement de son bureau et la façon dont elle voit la situation des droits des enfants en Suède.

En juin 2005, le Comité a entrepris la première d’une série d’audiences au cours desquelles il sillonnera le pays d’un bout à l’autre afin de recueillir l’indispensable point de vue des représentants des gouvernements provinciaux, des ombudsman provinciaux, des organismes de service sans but lucratif et des enfants. Entamant sa tournée dans le Canada atlantique – à St. John’s (Terre-Neuve); à Fredericton (Nouveau-Brunswick); à Charlottetown (Île‑du‑Prince-Édouard) et à Halifax (Nouvelle-Écosse) – le Comité a eu des discussions avec des fonctionnaires au sujet des lois provinciales en vigueur, de leur application, des différentes préoccupations concernant les droits des enfants, du degré de connaissance de la Convention et des droits des enfants et de la façon dont les lois et les politiques municipales, provinciales et fédérales se répercutent sur les enfants.

En octobre, le Comité s’est rendu au Royaume-Uni pour y poursuivre son étude comparative, étant donné que le cadre parlementaire et l’approche adoptée à l’égard du droit international y présentent certaines similarités avec la réalité canadienne. Les enjeux auxquels est confronté le gouvernement britannique sont en bonne partie les mêmes qu’au Canada, à savoir la prise en charge des enfants par le système de justice pénale et les services de protection de la jeunesse, le châtiment corporel et les taux élevés de pauvreté chez les enfants. Le Comité a rencontré des chercheurs ainsi que des représentants de différents ministères et organismes à Londres et à Édimbourg, notamment le Groupe parlementaire multipartite sur les enfants; le Comité mixte des droits de la personne; le Parlement jeunesse écossais et les commissaires aux enfants de l’Angleterre et de l’Écosse. Il a aussi rencontré des représentants de divers organismes du secteur bénévole qui lui ont fait part de leur point de vue sur la mise en œuvre des droits des enfants et la capacité du gouvernement de respecter ses obligations.

Au cours de cette mission, le Comité s’est aussi arrêté à Oslo, en Norvège, où il a pu constater que ce pays a non seulement donné l’exemple en devenant le premier pays « dualiste » au monde à désigner un ombudsman national des enfants en 1981, mais qu’il était aussi l’unique pays à avoir expressément incorporé la Convention relative aux droits de l’enfant en adoptant des lois nationales habilitantes[36]. Le Comité a rencontré des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Justice et du ministère des Enfants et des Affaires de la famille de même que des chercheurs et des représentants d’autres organismes, notamment l’ombudsman des enfants, Save the Children Norway et le Childwatch International Research Network.

Le Comité prévoit poursuivre ses audiences pancanadiennes en 2006.

          2.  Le présent rapport provisoire

            Le présent rapport provisoire fait l’historique et décrit le contexte des droits des enfants dans le droit canadien et international régissant les droits de la personne, et traite aussi de l’application de la Convention dans le droit national. Il passe également en revue les leçons tirées et s’attarde aux préoccupations exprimées par les témoins à propos des difficultés d’application de la Convention par les gouvernements en raison de problèmes de compétences, de l’apparente hésitation des différents paliers de gouvernements à respecter à la lettre les termes de la Convention, de l’absence de normes uniformes, de la trop grande complexité du mécanisme de rapport au Comité des droits de l’enfant et de la piètre conscientisation du public à l’existence de la Convention et des droits des enfants.

Le Comité publie ses observations et recommandations préliminaires en deux étapes. L’accent est d’abord mis sur le processus d’application du droit international au Canada, une attention particulière étant accordée aux droits des enfants et à la Convention relative aux droits de l’enfant, mais le Comité examinera ensuite les questions spécifiques touchant les droits des enfants au Canada.

Dans le présent rapport, le Comité analyse les préoccupations des témoins et recommande un certain nombre de mécanismes pour améliorer la ratification et l’intégration par le Canada des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et, de façon plus générale, des traités internationaux portant sur les droits de la personne. Privilégiant une intervention axée sur l’utilisation de politiques, de lois et de mesures de sensibilisation, les recommandations du Comité visent une plus grande efficacité et une plus grande responsabilisation.

Le Comité propose aussi des moyens pour améliorer l’application de la Convention au Canada. En dernière analyse, ce que le Comité demande au gouvernement fédéral dans le présent rapport provisoire, c’est de se conformer à ses obligations juridiques à l’égard des enfants en améliorant les institutions, la politique gouvernementale et les lois qui les concernent.


CHAPITRE DEUX – HISTOIRE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LE DROIT CANADIEN ET INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS DE LA PERSONNE 

A.  HISTOIRE DES DROITS DE L’ENFANT AU CANADA

          1.  Évolution des approches à l’égard des enfants dans l’histoire

            L’enfance, nos premières années de vie, a énormément évolué au fil de l’histoire. Dans le présent chapitre, le Comité commente certains facteurs desquels dépend l’enfance dans le contexte de la société canadienne.  Si les sociétés d’hier considéraient les enfants comme le bien de leurs parents, celles d’aujourd’hui les voient de plus en plus comme des personnes jouissant de leurs propres droits.

Au Moyen-Âge, en Europe, l’enfance ne durait guère longtemps dans la vie d’une personne.  Dès qu’il atteignait l’âge de six ou sept ans, un enfant était considéré comme un petit adulte. Il était prêt à contribuer au bien-être économique de sa famille.

Toutefois, l’enfant demeurait sous l’autorité de ses parents jusqu’à l’adolescence, il était considéré comme une sorte de bien personnel. À l’époque, le droit anglais, ou common law, adopte le principe de « correction raisonnable », qui autorise les parents à infliger un châtiment corporel à leurs enfants. Les parents pouvaient aussi les vendre comme apprentis.  Au bout du compte, il n’y avait pratiquement rien pour protéger les enfants contre les abus physiques ou sexuels ou pour empêcher qu’on ne les fasse travailler dans des conditions dangereuses[37]

C’est au XIXe siècle que le rôle de l’enfant au sein de la société et de la famille commence à changer. Aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada, où s’opèrent des réformes sociales, les gouvernements commencent à instaurer des systèmes d’éducation subventionnés par l’État et à séparer les tribunaux et les établissements de correction visant les jeunes contrevenants[38]. On voit toujours l’enfant comme une composante essentielle du bien-être économique de la famille, mais les progrès de la science et de la médecine accroissent la longévité; on commence alors à apprécier la capacité de l’enfant de prendre soin de ses parents âgés. Le mouvement de « secours aux enfants » voit le jour au XIXe siècle. Même s’ils ne sont pas encore des personnes à part entière, on distingue de plus en plus les enfants des adultes et l’on estime qu’ils ont droit à des protections particulières. L’État invoquait le principe du parens patriae[39] pour prendre en charge les orphelins ou les jeunes délaissés par leurs tuteurs. Dans le cas des jeunes contrevenants, l’État se prévalait aussi du parens patriae pour protéger leur intérêt supérieur et prévenir tout comportement destructeur éventuel[40]. Ce modèle est devenu si courant « qu’il a fini par être légitimé dans la common law et le droit législatif de divers pays anglophones »[41].Ce n’est toutefois pas avant le XXe siècle que la notion d’enfant en tant que personne commence à être reconnue.

 

          2.  Évolution des approches à l’égard des enfants dans l’histoire canadienne

            Au début de l’époque coloniale au Canada, les enfants d’ici avaient plus ou moins le même statut que ceux d’Angleterre et d’ailleurs en Europe – ils étaient perçus comme la propriété de leurs parents et comme de la main-d’œuvre pouvant contribuer au bien-être économique de leur famille. Au XVIIe siècle, en Nouvelle-France, l’enfant entrait à l’âge de sept ans dans ce qu’on appelait la tendre jeunesse et prenait alors des responsabilités d’adultes, soit en prenant soin de ses frères et sœurs plus jeunes ou en participant aux travaux de la ferme. Ses responsabilités augmentaient au fur et à mesure qu’il grandissait, à tel point qu’à la puberté, il était prêt pour le mariage, en théorie. Dans la pratique, toutefois, la plupart des enfants ne franchissaient ce cap qu’au début de la vingtaine. À l’époque, en Nouvelle-France, l’enfant était d’ailleurs vu comme un adulte autonome dès l’âge de vingt ans[42].

            Dans les colonies britanniques et françaises du XVIIIe et du XIXe siècle, principalement agricoles, on appréciait les enfants pour leur capacité à participer aux travaux de la ferme et on les voyait comme des actifs, plutôt que comme des passifs. Les Britanniques et Français de passage dans les colonies trouvaient souvent que les enfants d’ici semblaient plus indépendants et débrouillards que ceux d’Europe[43].

            Tout comme en Europe, l’éducation publique s’était généralisée à la fin du XIXe siècle et, dès 1900, de nombreux enfants fréquentaient l’école pour au moins quelques années. Au même moment, les enfants d’ici ont commencé aussi à profiter de l’évolution des mentalités : on commençait alors à penser que l’enfance exigeait une protection spéciale. Les progrès technologiques sont venus faciliter cette évolution. Avec de meilleures routes et de meilleures méthodes agricoles, il devenait plus facile pour les enfants de se rendre à l’école sans que leur absence ne nuise au bien-être du reste de leur famille[44]. L’économie canadienne était aussi en pleine évolution : la société délaissait peu à peu l’agriculture pour se tourner vers le commerce et l’industrie. L’enfance n’était plus aussi courte, et l’éducation y était pour beaucoup. Comme l’a déclaré le professeur Aynsley-Green, commissaire aux enfants pour l’Angleterre, dans ses commentaires sur le rôle de l’éducation, avec l’arrivée de l’industrialisation en Angleterre, on a commencé à donner aux enfants « le temps de vivre leur enfance »[45].

Le passage graduel de « bien » à « personne » a aussi modifié la façon dont l’État voit l’enfant et la façon dont la législation touche les enfants au Canada. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les enfants n’étaient pas protégés à titre de personnes en vertu de la loi, mais l’étaient au sein de leur famille et, plus particulièrement, par leur père. Au fur et à mesure qu’il les reconnaissait comme des personnes à part entière, l’État a commencé à jouer un rôle plus protecteur et à soustraire les enfants de leur milieu familial s’il nuisait à leur bien-être. Auparavant, l’État hésitait à s’immiscer dans la vie privée des familles; primait alors le droit des parents sur leurs enfants.

 

          3.  Histoire de la protection et du bien-être de l’enfant au Canada

            Au fur et à mesure que l’État intervenait davantage dans les affaires de la famille, les gouvernements ont commencé à s’investir dans les normes de santé, les conditions de travail et l’éducation tout en insistant sur la protection de l’enfant contre les abus et la négligence[46]. L’État a commencé à rédiger des mesures législatives conférant à la fois aux agences de protection de l’enfant et à l’État le pouvoir de soustraire un enfant d’un foyer où il y a violence, de le placer en famille d’accueil et de porter des causes devant le tribunal de la famille. Ces mesures reconnaissaient le rôle des parents à titre de premiers tuteurs mais maintenaient aussi la capacité de l’État de restreindre l’autorité parentale ou d’y déroger dans les cas où les parents étaient incapables d’assumer leurs responsabilités[47].

Au Canada, l’origine des lois visant à protéger les enfants remonte à 1893, année où Toronto crée la première société d’aide à l’enfance et où le gouvernement de l’Ontario adopte la Loi pour la prévention de la cruauté et de la protection des enfants[48].Il s’agissait là de la première loi sur la protection des enfants au Canada – elle faisait des mauvais traitements infligés aux enfants un acte criminel, encourageait le placement en famille d’accueil, soutenait les sociétés d’aide à l’enfance et leur conférait un pouvoir de tutelle et établissait le Bureau du protecteur des enfants négligés[49]. La société aussi changeait d’attitude : les parents commençaient à accorder plus d’importance à l’éducation officielle et reconnaissaient que les enfants devaient avoir la possibilité de grandir sans souffrir. À la fin du XIXe siècle, nombre de municipalités avaient établi des sociétés d’aide à l’enfance et au début du XXe, toutes les provinces canadiennes avaient adopté des lois sur le bien-être de l’enfant[50].

[Au cours du XIXe siècle,] des idées modernes sur la protection des enfants ont vu le jour. Des organismes d’aide à l’enfance et de protection des enfants se voyaient investis du droit de retirer des enfants de la garde paternelle. Des travailleurs sociaux professionnels ont commencé à prendre le relais des amateurs au début du XXe siècle[51]

 

            Les années 1960 marquent une sensibilisation croissante sur la question de sévices envers les enfants et l’on commence à signaler les cas de violence et de négligence[52]. La même chose se produit pour les signalements d’abus sexuel dans les années 1970 et 1980. Parallèlement, les lois commencent à changer. Comme l’a déclaré professeure McGillivray, « les révélations concernant les agressions physiques et sexuelles d’enfants ont donné lieu à l’adoption de lois davantage axées sur les enfants dans le Code criminel et à des mesures législatives provinciales sur le bien-être des enfants »[53].

Jusqu’alors, la prévention n’avait guère de place dans les politiques ou les programmes des services de protection de l’enfance. « On ne s’attardait pas non plus à la notion des droits de l’enfant et l’on ne faisait guère participer les enfants aux procès, où les tribunaux prenaient des décisions ayant un impact considérable sur leur avenir »[54].  Au bout du compte, on avisait les services de protection de l’enfance uniquement lorsque les familles n’arrivaient pas à offrir les normes minimales de soins, alors qu’aujourd’hui, on doit le faire dès qu’elles enfreignent certains critères clairement établis.

          4.  Droits de l’enfant dans les lois sur la protection et le bien-être de l’enfant

Le concept selon lequel les enfants sont des personnes à part entière, plutôt que des objets de bien-être, ne s’est pas généralisé avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale et, « jusqu’à tout récemment, l’expression « droits des enfants » était un non-sens, une contradiction en soi - les enfants n’ont pas de droits parce qu’ils sont des enfants »[55]. Les enfants, de leur propre chef, n’avaient pas le droit de demander protection et soin de leurs parents.

Dans la dernière moitié du XXe siècle, le concept de droits de la personne s’est raffiné et celui de droits de l’enfant en tant qu’individu a culminé avec la rédaction de la Convention relative aux droits de l’enfant. Selon l’approche axée sur les droits, les enfants étaient vus comme des citoyens à part entière ayant droit à un minimum du bien commun[56]. Cette approche, qui reconnaissait les enfants comme participants à part entière, aux côtés de leurs parents et de l’État, exigeait des adultes qu’ils justifient leurs actes à l’égard des enfants en se fondant sur la raison, en favorisant au maximum le bien commun et en tenant compte de la rationalité et des préférences de l’enfant. L’approche axée sur les droits faisait également ressortir l’importance de « l’intérêt supérieur » de l’enfant et obligeait les parents et l’État à privilégier le bien de l’enfant plutôt que d’opter pour la solution la plus facile ou la plus pratique.

La communauté internationale étant de plus en plus sensibilisée aux droits de la personne, tel qu’en témoigne ici la rédaction de la Charte canadienne des droits et libertés[57], les provinces ont révisé et modifié leurs lois sur la protection et le bien-être des enfants à la fin des années 1980 et dans les années 1990. De nos jours, toutes les lois provinciales et territoriales exigent de toute tierce partie ayant connaissance d’actes de violence ou de négligence à l’endroit d’un enfant qu’elle les signale à la police et aux agences de protection de l’enfance. 

 

B.  HISTORIQUE DE LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT

          1.  Origine des droits de l’enfant dans le droit international

            On s’entend généralement pour dire que l’histoire des droits de l’enfant sur la scène internationale remonte à 1924 et met en scène l’Union internationale de secours aux enfants (UISE). Établi à Genève, cet organisme a été fondé par l’Anglaise Eglantyne Jebb peu après la Première Guerre mondiale. L’UISE a rédigé la première Déclaration des droits de l’enfant[58]en 1924, que la Société des Nations a adoptée la même année. La Déclaration de 1924 établissait le concept des droits de l’enfant à l’échelle internationale et jetait les bases de futurs instruments juridiques internationaux en matière de droits de l’enfant. Elle était brève, ne contenait que cinq principes et n’a jamais été intégrée au droit international. Elle a toutefois attiré l’attention sur les droits sociaux et économiques des enfants et fait le lien entre le bien‑être et les droits de l’enfant[59].

La déclaration internationale suivante a paru après la Deuxième Guerre mondiale. En mars 1959, 21 gouvernements ont présenté au secrétaire général des Nations Unies leurs observations sur la rédaction de la Déclaration des droits de l’enfant de 1959[60]. Le Conseil économique et social de la Commission sociale de l’ONU a rédigé la première ébauche. Le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Déclaration à l’unanimité, sans abstention. Bien que la Déclaration de 1959 ne fût pas juridiquement contraignante, son adoption à l’unanimité par l’Assemblée générale lui a donné plus de poids que toute autre résolution de l’Assemblée générale et une influence morale considérable[61].

Comme la Déclaration de 1924, celle de 1959 était brève; elle contenait un préambule et 10 principes dont les suivants : l’enfant doit pouvoir se développer normalement et sainement, dans des conditions de dignité (principe 2); l’enfant physiquement, socialement ou intellectuellement défavorisé doit recevoir le traitement, l’éducation et les soins spéciaux que nécessite son état ou sa situation (principe 5); l’intérêt supérieur de l’enfant doit être le guide de ceux qui sont responsables de lui (principe 7); l’enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d’exploitation (principe 9); l’enfant doit être protégé contre les pratiques qui peuvent pousser à la discrimination (principe 10). 

La Déclaration de 1959 marque un tournant dans la protection des droits des enfants. Contrairement à la Déclaration de 1924, qui traitait les enfants comme des objets du droit international – et portait « essentiellement sur le droit à l’assistance sociale »[62], la nouvelle Déclaration ne traite plus les enfants comme des êtres passifs à qui on accorde des droits; ils sont désormais des sujets capables de jouir des avantages qui découlent de droits et de libertés précis[63]. Par contre, aucune des deux déclarations n’avait de mécanisme d’exécution. 

Compte tenu des réalités géopolitiques de l’époque, beaucoup d’États se méfiaient d’un traité contraignant sur les droits de l’enfant. Ce n’est que 20 ans plus tard que certains États ont cessé de s’y opposer. Bien que les États parties de l’ONU demeuraient hésitants[64], ils n’en ont pas moins reconnu que les enfants devaient faire l’objet d’un ensemble particulier de droits et de mesures de protection. 

 

          2.  Élaboration de la Convention relative aux droits de l’enfant

Par la suite, des actions visant l’élaboration d’une convention internationale sur les droits de l’enfant ont été entreprises lorsque l’ONU a proclamé 1979 Année internationale de l’enfant pour marquer le 20e anniversaire de la Déclaration de 1959. La Pologne a amorcé le processus en présentant une première ébauche de la Convention à la Commission des droits de l’homme en 1978, dans l’espoir que l’Assemblée générale fasse coïncider l’adoption de cet instrument avec l’Année internationale de l’enfant[65]. Cette ébauche était presque identique à la Déclaration de 1959, sauf qu’elle comportait un bref mécanisme d’exécution. La délégation polonaise était dirigée par M. Adam Lopatka, alors vice-président de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. La première ébauche a finalement été rejetée parce qu’elle ne se prêtait pas suffisamment à l’interprétation juridique et pouvait difficilement être mise en œuvre. De plus, les gouvernements des pays de l’Ouest se préoccupaient surtout des droits civils et politiques, tandis que les pays soviétiques privilégiaient les droits économiques, sociaux et culturels[66]. La Commission des droits de l’homme a malgré tout demandé au secrétaire général de l’ONU de recueillir les vues, observations et suggestions des États membres; des mémoires ont ainsi été présentés par 28 pays, 4 organismes spécialisés et 15 organisations non gouvernementales (ONG)[67].

En 1979, la Commission des droits de l’homme a mis sur pied un groupe de travail à composition non limitée présidé par M. Lopatka et chargé de négocier et de rédiger la Convention. La nature ouverte du groupe de travail a permis à des États non représentés au sein de la Commission de participer au processus de rédaction[68].

L’instauration de la Convention relative aux droits de l’enfant était un projet ambitieux et complexe[69]. La rédaction de la Convention s’est effectuée de mars 1978 à mars 1989. Elle a donc pris onze ans. Dès le départ, les membres du groupe de travail avaient fixé les objectifs suivants pour la Convention[70] :

·        Prévoir dans un instrument international de nouveaux droits de l’enfant dans les cas où ces droits n’existent pas, notamment le droit de préserver son identité et le droit des enfants autochtones d’avoir leur propre culture.

·        Enchâsser dans un traité mondial les droits qui n’étaient auparavant reconnus ou précisés que dans la jurisprudence en vertu de traités régionaux en matière de droits de la personne.

·        Établir des normes contraignantes touchant les domaines où il n’y avait que des recommandations non contraignantes, notamment des garanties relatives aux procédures d’adoption et les droits des enfants ayant un handicap intellectuel ou physique.

·        Imposer de nouvelles obligations relatives au bien-être et à la protection des enfants, y compris l’obligation qu’a un État de prendre les mesures nécessaires pour abolir les pratiques ancestrales qui posent un risque à la santé des enfants et pour offrir des services de réadaptation aux enfants victimes d’abandon, de sévices et d’exploitation. 

·        Enchâsser le principe de non-discrimination et obliger les États parties à cesser de faire preuve de discrimination envers les enfants en les empêchant de jouir des droits prévus dans la Convention. 

 

Même si de nombreux représentants auprès des Nations Unies espéraient que la rédaction de la Convention soit terminée à temps pour l’Année internationale de l’enfant, les premières réunions du groupe de travail ont fait clairement comprendre que ce serait impossible étant donné que les questions à régler étaient très nombreuses et variées. Finalement, le groupe de travail a jugé qu’il était plus important de rédiger une Convention exhaustive, portant sur tous les aspects des droits de l’enfant, que de conclure les négociations rapidement pour des considérations symboliques. La longueur du processus de rédaction de la Convention était aussi due en partie au peu d’intérêt manifesté par de nombreux États membres de l’ONU qui étaient occupés par les négociations relatives à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[71] qui se déroulaient en même temps[72]. Les négociations portant sur la Convention relative aux droits de l’enfant n’ont véritablement commencé qu’en 1983. Au cours de chaque session annuelle, le groupe de travail adoptait plusieurs articles de l’ébauche. Les progrès étaient lents malgré les efforts du groupe de travail pour terminer la rédaction du document pendant l’année suivant chaque réunion annuelle.  C’est intéressant de noter que les États-unis ont joué un rôle permanent dans les négociations insistant sur l’inclusion des articles garantissant les droits civils des enfants en partie pour défier la promotion des droits sociaux et économiques du Bloc de l’Est.

Finalement, il a fallu arriver à des compromis pour pouvoir terminer la rédaction lorsque les participants ont compris que le document devait avoir une portée universelle et pouvoir résister à l’examen de la communauté internationale. Bien que les négociations relatives au projet de convention aient pris beaucoup plus de temps que prévu, une fois terminées, l’Assemblée générale a adopté le document à l’unanimité.

 

          3.  Participation des organisations non gouvernementales

Dès le départ, les ONG ont participé au processus de rédaction de la Convention[73], mais elles n’ont pas joué de rôle important avant 1984, lorsqu’elles ont formé le Groupe spécial des ONGchargé de la rédaction de la convention relative aux droits de l’enfant (Groupe des ONG), dirigé par Défense des enfants - International, une ONG de Genève. Le Groupe des ONG a présenté des rapports au groupe de travail, donné son appui à certains articles de la Convention et formulé des recommandations critiques sur la modification ou l’amélioration d’autres articles. Les articles qu’il a appuyés portaient notamment sur des questions qui n’avaient pas été abordées dans la première ébauche présentée par la Pologne, notamment les articles visant la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, le trafic, la torture et les conflits armés. Le Groupe des ONG a également exercé des pressions pour que l’article sur la justice pénale pour les adolescents soit divisé de manière à former deux articles distincts. Il a également insisté sur l’utilisation d’un langage non sexiste dans la Convention et milité en faveur de l’allaitement et contre les pratiques ancestrales néfastes telles que la mutilation génitale des femmes. Il n’a toutefois pas réussi à faire inclure des dispositions sur les droits des enfants déplacés à l’intérieur de leur pays, la protection des enfants contre l’expérimentation médicale et l’augmentation de l’âge minimum (de 15 à 18 ans) auquel un jeune peut participer à des combats armés[74]

Au départ, certaines délégations avaient des réserves au sujet de la participation des ONG; à la fin, toutefois, la plupart ont reconnu l’importance des ONG dans ce processus[75]. Une fois au point, la Convention représentait le traité international en matière de droits de la personne le plus complet de l’histoire, portant tant sur les droits économiques, sociaux et culturels que sur les droits civils et politiques. Le Groupe des ONG est toujours actif aujourd’hui et ses membres continuent à travailler en collaboration afin de faciliter la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant.   

 

          4.  Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

            La Convention est assortie de deux protocoles facultatifs. Il s’agit essentiellement de traités auxiliaires portant sur une question précise abordée dans la Convention.

Le premier protocole facultatif, qui concerne la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants[76], est entré en vigueur le 18 janvier 2004. Il élargit les mesures de protection consenties aux enfants par les articles 1, 11, 21 et 32 à 36 de la Convention. Il découle des préoccupations croissantes au sujet de l’exploitation sexuelle des enfants et reconnaît les conditions sous-jacentes, notamment la pauvreté et le manque d’accès à l’éducation, qui la favorisent. En novembre 2005, 100 pays avaient ratifié le protocole facultatif concernant la vente d’enfants[77].

            Le deuxième protocole facultatif, qui concerne la participation d’enfants aux conflits armés[78], est entré en vigueur le 12 février 2002. L’article 38 de la Convention interdit d’enrôler dans les forces armées toute personne de moins de 15 ans. Le groupe de travail espérait faire passer cet âge à 18 ans, de manière à se conformer à l’article premier de la Convention, mais de nombreux États s’y sont opposés. Si des membres du groupe de travail avaient insisté pour hausser l’âge d’enrôlement, les négociations relatives à la Convention auraient pu être rompues. L’instauration du Protocole facultatif concernant la participation d’enfants aux conflits armés visait à encourager les États à hausser l’âge du recrutement forcé au sein des forces armées de manière qu’il corresponde à l’âge établi dans le reste de la Convention. Au moment de la ratification de ce protocole, les États parties doivent indiquer l’âge qu’ils autorisent pour l’enrôlement volontaire au sein de leurs forces armées et garantir que personne ne pourra s’engager dans des hostilités avant l’âge de 18 ans.  En novembre 2005, 101 pays avaient ratifié ce protocole facultatif[79].

            Les États parties au traité principal ont le choix de signer ou non les protocoles facultatifs, ou l’inverse. Par exemple, les États-Unis, qui n’ont pas ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, ont signé et ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

 

          5.  Le Comité sur les droits de l’enfant

L’article 43 de la Convention prévoit l’établissement du Comité des droits de l’enfant chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention au sein des États parties. Le Comité des droits de l’enfant est l’un des sept organes de l’ONU créés en vertu de traités relatifs aux droits de la personne[80]. Tous les États qui ont ratifié la Convention sont tenus de présenter des rapports périodiques au Comité des droits de l’enfant qui est aujourd’hui formé de 18 spécialistes indépendants – auparavant, ils étaient 10 – provenant d’États membres de l’ONU, et qui compte parmi ses membres David Brent Parfitt, un Canadien. Chaque spécialiste indépendant élu remplit un mandat de quatre ans.  

Le Comité des droits de l’enfant est établi à Genève et se réunit trois fois par année dans le cadre de sessions de quatre semaines chacune. En plus d’examiner les rapports périodiques des États et de publier des Observations finales, il tient des discussions générales sur des questions se rattachant aux droits de l’enfant, par exemple l’exploitation économique des enfants, les droits de l’enfant dans le contexte familial, les droits de la fille et les jeunes contrevenants. Ces discussions thématiques ont lieu environ une fois par année; elles peuvent donner lieu à des demandes d’études et servir de fondement à des travaux d’interprétation des articles de la Convention. L’ONU ne s’occupe toutefois pas de plaintes individuelles.

Les États parties à la Convention sont tenus de présenter au Comité des droits de l’enfant un rapport sur la mise en œuvre de cet instrument dans les deux ans suivant la ratification et sur une base quinquennale par la suite. Après avoir étudié les rapports périodiques, le Comité de l’ONU adopte des Observations finales; il s’agit de déclarations sur l’examen du rapport d’un État qui contiennent des observations au sujet des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention ainsi que des recommandations visant des améliorations dans les secteurs où l’État accuse du retard. Les Observations finales n’ont aucun effet juridique, mais ont plutôt un caractère moral et persuasif. Même si les États parties n’ont aucune obligation juridique de donner suite aux recommandations du Comité de l’ONU, celui-ci les encourage à rendre leur processus d’établissement de rapports transparent et à publier leur rapport afin de susciter des débats publics sur la Convention.

En plus de surveiller le respect de la Convention, le Comité des droits de l’enfant est également chargé de surveiller le respect des deux protocoles facultatifs à la Convention. Ils doivent intégrer à leurs rapports périodiques sur la Convention dans son ensemble des rapports sur la mise en œuvre des protocoles facultatifs.  En 2004, le Canada a accepté de faire rapport sur la mise en œuvre de son Plan d’Action National, « Un Canada digne des enfants ».

          6.  Nature particulière de la Convention relative aux droits de l’enfant

La Convention relative aux droits de l’enfant a une place à part parmi les traités en matière de droits de la personne. Le fait qu’elle a été généralement bien accueillie par la communauté internationale, qui s’est empressée de la ratifier afin qu’elle entre en vigueur, témoigne de l’importance que tous les pays accordent aux enfants. Plus précisément, la Convention est intéressante pour les raisons suivantes[81]:

·         Elle contient plus de mesures de protection des droits que tout autre traité international en matière de droits de la personne.   

·         Sa mise en œuvre établit une nouvelle norme de surveillance de la conformité.

·         Les circonstances entourant la rédaction de la Convention étaient inhabituelles en raison des relations délicates entre intervenants des gouvernements et membres des ONG. 

·         La Convention a été acceptée avec un remarquable enthousiasme par la communauté internationale.

 

            En ce qui a trait aux droits de l’enfant, la Convention est le premier instrument dans lequel les besoins et les intérêts de l’enfant sont « expressément énoncés comme des droits de la personne »[82].

 

          7.  Le Canada et la Convention relative aux droits de l’enfant

Comme il a été mentionné précédemment, le Canada a joué un rôle important dans la rédaction et la promotion de la Convention. De 1980 à 1989, il a aidé plus de 40 pays aux traditions religieuses, idéologiques, culturelles et politiques variées à travailler de concert à la production de la Convention[83]. Lors de la première réunion du groupe de travail, en février 1979, le Canada a proposé que le préambule de la Convention reprenne les premiers paragraphes du préambule du Pacte international relatif aux droits civils et politiques[84] et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[85]. Sa proposition a été acceptée, ce qui a permis au Canada de continuer à jouer un rôle déterminant dans le cadre des négociations[86]. À l’instar de ses alliés occidentaux, le Canada craignait au départ que la Convention ne protège pas suffisamment les droits civils et politiques des enfants[87]. Toutefois, la proposition du Canada visant à mentionner à la fois les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels a permis d’alléger les tensions entre les pays occidentaux et les pays de l’Est.  

Le Canada a présidé les groupes de rédaction des articles 15 et 16 et ses propositions ont permis d’harmoniser le texte avec d’autres conventions. La Canada a également présidé le groupe de rédaction de l’article 19 portant sur le droit des enfants d’être protégés contre les brutalités et l’abandon. En outre, ses propositions au sujet des articles 3 et 5 ont été acceptées au moment de la rédaction finale. Enfin, le Canada a contribué à la rédaction de propositions sur les articles concernant la mutilation génitale des femmes et les procédures de surveillance du respect de la Convention. 

La ratification de la Convention au Canada était plus complexe que dans les pays non fédéraux. En 1976, des fonctionnaires fédéraux et provinciaux responsables des droits de la personne se sont réunis afin de former un comité chargé d’aider les gouvernements à répondre au groupe de travail de l’ONU s’occupant de la rédaction de la Convention[88]. En 1982, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a été créé afin d’examiner les progrès accomplis sur le plan de la rédaction de la Convention et de donner des conseils à la délégation canadienne. Ce groupe de travail a mené ses activités jusqu’en 1988[89].

Avant de signer la Convention, les gouvernements fédéral et provinciaux en ont examiné les dispositions dans le but de modifier la législation au besoin pour assurer la conformité avec la Convention. Afin de faciliter la coordination intergouvernementale relative à la mise en œuvre de la Convention et la présentation de rapports au Comité des droits de l’enfant, les gouvernements fédéral et provinciaux ont confié le dossier au Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne, qui relevait du ministère du Patrimoine canadien.

En ce qui concerne la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité permanent a institué un sous-comité fédéral-provincial-territorial officieux pour suivre les progrès réalisés au cours des séances de négociations antérieures et pour peaufiner, au besoin, les positions canadiennes. Enfin ce modèle s’est avéré exceptionnel, parce qu’il permet au Canada de signer et de ratifier très rapidement un traité relativement complexe[90].

 

Le Canada a pu ratifier la Convention après que l’ensemble des provinces et des territoires ont fait parvenir au gouvernement des lettres confirmant leur appui à la Convention.


CHAPITRE TROIS –TRAITÉS INTERNATIONAUX ET DROIT NATIONAL : PROCESSUS DE MISE EN ŒUVRE

A. RATIFICATION

L’organe exécutif du gouvernement fédéral a le pouvoir de signer et de ratifier les traités internationaux. Ce pouvoir n’est pas expressément circonscrit dans la Constitution du Canada, puisqu’il découle plutôt de la prérogative royale. Le Cabinet prépare un décret autorisant le ministre des Affaires étrangères à signer un instrument de ratification. Une fois que cet instrument est déposé auprès de l'administration compétente, le Canada est réputé avoir ratifié la convention[91].

Le Parlement, qui représente l’organe législatif, n’intervient pas dans ce processus. Il n’a actuellement aucun rôle officiel à y jouer et n’est nullement tenu selon la loi d’approuver ou d’étudier un traité avant sa ratification. En fait, le Parlement n’est pas informé des activités de négociation d’un traité qui sont entreprises et il n’est pas consulté au sujet de l’élaboration, du coût, du bien-fondé ou de l’incidence de l’instrument. Il est rare que le gouvernement dépose au Parlement les traités qu’il a ratifiés. En conséquence, les traités internationaux relatifs aux droits de la personne qui ne sont pas directement intégrés aux lois nationales échappent à l’examen parlementaire[92].

 

B. RÉSERVES

Au moment de la ratification, l’organe exécutif a aussi le pouvoir de formuler des réserves à propos des traités internationaux. Une réserve s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’application de certaines dispositions du traité sur son territoire[93]. La réserve a pour but de permettre à un État de ratifier un instrument international afin de laisser le document consensuel suivre son cours, même s’il reconnaît qu’une disposition particulière de cet instrument va à l’encontre de l’intérêt supérieur du pays. Bien que la Convention de Vienne décourage les États de formuler des réserves[94] et qu’elle précise que les réserves « doivent être compatibles avec le but et l'objectif poursuivis par le traité[95] », en bout de ligne, les réserves permettent à la communauté internationale d’en arriver à un compromis – puisqu’elles encouragent la participation du plus grand nombre d’États possible en leur permettant de protéger des intérêts nationaux importants sans compromettre pour autant l’intégrité du traité[96].

Il s’avère que les derniers gouvernements du Canada se sont opposés à l’idée de formuler des réserves à l’égard de traités sur les droits de la personne parce qu’il croit que leur application doit permettre la mise en place de régimes universels de préférence à un ensemble de programmes juridiques différents pour chaque État[97]. Comme l’a souligné John Holmes du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international lorsqu’il a comparu devant le Comité en 2002, « cela irait à l’encontre de la position du Canada qui veut que les réserves aux traités relatifs aux droits de la personne soient limitées en nombre et en portée, étant donné que les droits protégés par ces traités doivent être universels et obligatoires »[98].

C. APPLICATION ET MISE EN ŒUVRE

Les fonctionnaires et les universitaires qui ont comparu devant le Comité aux fins de la présente étude et du rapport Des promesses à tenir, ont donné un aperçu assez détaillé du processus de mise en œuvre des traités internationaux dans le droit national. Ils ont fait ressortir le fait que le Canada fonctionne selon un modèle « dualiste » semblable à celui de nombreux autres pays du Commonwealth lorsque vient le temps d’intégrer les traités internationaux au droit national et de les appliquer. Ainsi, un traité qui a été signé et ratifié par le gouvernement canadien doit être intégré aux lois nationales pour pouvoir effectivement s’appliquer à l’échelle du pays – ce processus n'est ni exécutoire, ni automatique[99], et se distingue du modèle moniste en vigueur dans des pays comme les États-Unis, où une fois que le Congrès a ratifié un traité, cet instrument est applicable dans le droit américain[100]. Comme l’a indiqué Maxwell Yalden, ex‑membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, « le Canada est un pays dualiste dans lequel on doit normalement légiférer pour intégrer un traité international au droit canadien afin de pouvoir l’invoquer devant un tribunal »[101]. Malgré la croyance populaire, la signature et la ratification d’un traité ont peu de répercussions juridiques, s’il y en a, sur le droit national.

            Des témoins des ministères de la Justice et des Affaires étrangères ont souligné que le gouvernement canadien a essentiellement deux approches à l’égard de la mise en œuvre des conventions internationales à l’échelle nationale. Dans certains cas, il élaborera une loi spéciale pour faire appliquer un instrument international particulier à l’échelle nationale. C’est ce qu’il a fait dans le cas du Statut de Rome de la Cour pénale internationale[102], mis en application au Canada par le biais de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre[103], de la Convention des Nations Unies sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction[104], mise en application par le biais de la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les mines antipersonnel[105] et des Conventions de Genève pour la protection des victimes de guerre, mises en application par le biais de la Loi sur les Conventions de Genève[106].

            L’autre approche consiste à éviter d’élaborer une loi habilitante spéciale et à s’en remettre plutôt aux lois nationales en vigueur que l’on présume déjà conformes aux préoccupations énoncées dans le traité international. Lorsqu’ils optent pour cette solution, les représentants du gouvernement examinent et analysent d’abord la loi existante avant de ratifier le traité pour déterminer s’il y a lieu de la modifier ou d’en adopter une nouvelle pour se conformer aux obligations découlant du traité en question[107]. Comme l’a expliqué Irit Weiser, ex‑directrice de la Section des droits de la personne au ministère de la Justice, lors de sa comparution devant le Comité en 2001,

 

avant la ratification, les fonctionnaires du ministère de la Justice consultent des collègues d’autres ministères fédéraux, d’autres organismes, des gouvernements provinciaux et territoriaux, par l’intermédiaire du comité permanent; ils consultent en outre des groupes autochtones et d’autres groupes non gouvernementaux. Ces consultations permettent de déterminer plusieurs facteurs. Elles permettent de voir si les lois et les politiques canadiennes existantes sont déjà conformes aux obligations découlant des traités. Elles permettent de déterminer s’il y a un manque de compatibilité et, dans ce cas, de décider si une nouvelle législation ou de nouvelles politiques devraient être adoptées ou si les lois et politiques existantes devraient être modifiées. Elles permettent enfin de déterminer s’il convient de maintenir la position du Canada même si elle n’est pas conforme aux dispositions du traité et d’émettre une réserve ou de faire une déclaration officielle[108].

            Cette dernière méthode semble être l’approche couramment adoptée par le Canada à l’égard tout particulièrement des traités internationaux relatifs aux droits de la personne. La politique du gouvernement fédéral à ce chapitre est énoncée dans le Document de base formant partie intégrante des rapports des États parties : Canada[109], qui fait partie des rapports périodiques que le Canada doit présenter aux Nations Unies conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de la personne :

 

Certaines questions relatives aux droits de l’homme relèvent de la compétence fédérale, d'autres des compétences provinciales et territoriales. Par conséquent, les traités correspondants sont mis en oeuvre par des mesures législatives et administratives des divers gouvernements canadiens. Il est rare qu'une instance gouvernementale promulgue une loi qui incorpore dans le droit national une convention internationale relative aux droits de l'homme (sauf certains traités particuliers comme les Conventions de Genève de 1949 pour la protection des victimes de guerre). De nombreuses lois et politiques, adoptées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, contribuent plutôt à ce que le Canada s'acquitte de ses obligations internationales en matière de droits de l’homme[110].

            Les traités internationaux relatifs aux droits de la personne sont donc rarement intégrés directement au droit canadien. Ils sont plutôt appliqués indirectement, au sens où l’on vérifie la conformité des lois déjà en vigueur aux obligations découlant d’une convention particulière. Le Comité remarque toutefois que ce processus de vérification incombe au gouvernement lui-même. L’approche du Canada en la   matière se fonde donc sur l’évaluation que fait le gouvernement de sa propre conformité aux dispositions de l’instrument international.

            Il importe de noter que les pouvoirs de négocier et de ratifier des traités du gouvernement fédéral ne confèrent pas au Parlement la compétence exclusive d’adopter les lois nécessaires à la mise en œuvre des obligations juridiques du Canada en vertu de traités internationaux. La délimitation des champs de compétence prévue dans la Loi constitutionnelle de 1867 restreint considérablement ce pouvoir. Comme l’a souligné le Conseil privé dans le Renvoi sur les conventions de travail de 1937, qui fait autorité en la matière, la nécessité pour le gouvernement fédéral de donner suite aux engagements pris en vertu d’un traité international ne peut être invoquée comme raison pour justifier un empiètement du gouvernement fédéral dans des sphères de compétence provinciales[111].

En conséquence, la responsabilité de l’application du droit international relève souvent des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, lorsque les lois et les politiques provinciales sont touchées. Cette responsabilité partagée est particulièrement évidente dans le cas de la Convention relative aux droits de l’enfant. Comme l’a souligné Wayne MacKay, professeur de l’Université de Dalhousie,

le gouvernement fédéral a signé la Convention relative aux droits de l’enfant qui fait du Canada un État responsable du respect des engagements pris. Cependant, selon notre régime constitutionnel, ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables du respect de ces engagements.

Comme le Renvoi sur les conventions de travail  le confirme, le gouvernement fédéral ne peut pas faire appliquer ces obligations[112].

            Des représentants du gouvernement ont souligné lors de leur témoignage que cette obligation d’obtenir la collaboration des provinces pour pouvoir pleinement donner suite aux obligations internationales du Canada a parfois posé des problèmes par le passé. Le gouvernement fédéral a adopté comme politique de consulter les provinces et les territoires avant de signer et de ratifier des traités sur des questions relevant de leur compétence afin de remédier à ce problème complexe. Dans le cas des traités relatifs aux droits de la personne, cette pratique a été officialisée en 1975 dans un accord conclu lors d’une rencontre des ministres fédéral et provinciaux responsables des droits de la personne, qui prévoit notamment la création d’un Comité permanent fédéral-provincial-territorial des fonctionnaires chargés des droits de la personne[113]. L’honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice, a décrit l’approche du gouvernement à l’égard de ces consultations en ces termes :

            Le Canada étant un État fédéral où de nombreux domaines relèvent de la   compétence des provinces ou sont partagés entre les deux ordres de        gouvernement, nous sommes très conscients de l’importance de la collaboration             avec les provinces et les territoires, aussi bien avant qu’après la ratification d’un     instrument international, afin de garantir que le Canada respecte entièrement ses        obligations internationales[114].

 

            Pourtant, même lorsque ces consultations et la collaboration des différentes instances s’avèrent difficiles, le professeur Peter Leuprecht de l’Université du Québec à Montréal et Maxwell Yalden ont insisté sur le fait qu’une fois que le Canada a ratifié un traité international, le manque de compétence fédérale n’est pas une excuse valable pour justifier l’incapacité d’un pays à se conformer à ses obligations internationales. Cette position est claire en droit international, comme en témoigne la Convention de Vienne sur le droit des traités :

 

Article 26 Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.

Article 27 Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité. Cette règle est sans préjudice de l’article 46.

            Cette présomption de bonne foi signifie qu’il doit être dans l’intention des États de faire entrer en vigueur les traités qu’ils ratifient– notamment, par leur mise en en oeuvre. Leur signature n’est pas une simple formalité, elle s’accompagne de responsabilités réelles en ce qui concerne le respect effectif de leurs obligations internationales au mieux de leur capacité[115]. L’incapacité d’un État partie de mettre en oeuvre des moyens d’exécution suffisants constitue une dérogation au traité. Cet argument est souligné dans l’affaire Arieh Hollis Waldman c. Canada[116], où le Comité des droits de l’homme des Nations Unies reprochait au gouvernement fédéral d’avoir contrevenu à la disposition du Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à garantir l’égalité, en permettant le financement par l’Ontario d’un réseau d’écoles catholiques séparées – malgré le fait que l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867[117]autorise ce traitement de faveur.

            C’est aussi la position qu’adopte le Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Il a dit au Comité qu’il s’attendait à ce que le gouvernement fédéral observe la Convention même s’il lui est difficile de veiller à ce que toutes les lois fédérales, provinciales et territoriales y soient conformes. Le Comité de l’ONU considère les questions de compétences mixtes du Canada comme une difficulté interne et conclut, dans ses Observations finales :

Le Comité relève que l’application d'une bonne partie des dispositions de la Convention est du ressort des provinces et territoires et s’inquiète de ce que cela peut conduire, dans certains cas, à des situations où les normes minimales de la Convention ne sont pas appliquées à tous les enfants du fait de différences au niveau des provinces et territoires.

 

Le Comité en appelle au gouvernement fédéral pour qu’il veille à ce que les provinces et territoires soient conscients des obligations qu'ils tirent de la Convention et du fait que les droits qui y sont consacrés doivent être mis en œuvre dans l'ensemble des provinces et territoires, par le biais de mesures appropriées, législatives, politiques et autres[118].

            Dans son Observation générale sur la mise en œuvre de la Convention, le Comité de l’ONU a tenu à faire observer que :

La décentralisation, par attribution de fonctions ou délégation de pouvoirs, ne déchargeait en rien le gouvernement de l’État partie de sa responsabilité directe quant à ses obligations envers tous les enfants relevant de sa juridiction, quelle que soit la structure de l’État[119].

 

D. MÉCANISMES D’EXÉCUTION

Les mécanismes d’exécution sont un autre élément important du processus de mise en oeuvre lorsque vient le temps de se conformer au droit international. Si les traités commerciaux internationaux ont toujours été assortis de solides mécanismes d’exécution pour régir les différends commerciaux entre les pays, ce n'est que récemment que les traités internationaux relatifs aux droits de la personne ont commencé à recourir à des mécanismes précis grâce auxquels les pays ne peuvent plus se soustraire impunément à leurs obligations.

La création récente de la Cour pénale internationale, qui impose des sanctions pénales aux auteurs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, est un exemple parfait de ce genre de mécanisme. Les organes des Nations Unies créés en vertu d’un traité, qui sont chargés de surveiller les activités des États en rapport avec l’application d’un traité particulier relatif aux droits de la personne – par exemple, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies – sont des exemples plus courants. Ces organes issus de traités examinent les rapports des pays et publient des Observations finales dans lesquelles ils se prononcent sur le degré de conformité d’un pays avec le traité concerné et recommandent des améliorations à apporter. Même si les États parties ne sont nullement tenus de donner suite aux recommandations du Comité, les traités confèrent cependant à ces organes un important rôle de surveillance et leurs Observations finales ont une valeur morale et persuasive importante. Cette façon de procéder n’est toutefois pas une mécanisme « d’exécution » formel compte tenu des pouvoirs restreints des organes issus de traités.

Il importe de signaler que, là encore, le Parlement n’a aucun rôle précis à jouer dans l’établissement des rapports du Canada ou dans la réception des Observations finales du Comité de l’ONU. Les rapports du pays sont préparés exclusivement par le gouvernement, et il n’existe aucun processus au Canada qui permette au Parlement de recevoir les recommandations et les critiques du Comité de l’ONU ou de présenter des observations à cet égard.


[1] Rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, Des promesses à tenir : le respect des obligations du Canada en matière de droits de la personne, décembre 2001.

[2] Résolution 44/25 1989 de l’Assemblée générale de l’ONU, voir l’annexe B.

[3] Des promesses à tenir, p. 7‑8.                                                   

[4] David Moloney, vice-président, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international, témoignage devant le Comité, 16 mai 2005.

[5] Seuls les États-Unis et la Somalie avaient signé mais pas encore ratifié la Convention en date de novembre 2005.

[6] L’honorable Ujjal Dosanjh, ministre de la Santé, témoignage devant le Comité, 6 juin 2005.

[7] Martha Mackinnon, directrice générale, Justice for Children and Youth, témoignage devant le Comité, 18 avril 2005.

[8] Ibid.

[9] Maxwell Yalden, ex‑commissaire, Comité des droits de l’homme des Nations Unies, témoignage devant le Comité, 21 mars 2005.

[10]Al Aynsley-Green, commissaire aux enfants pour l’Angleterre, témoignage du 10 octobre 2005 [traduction].

[11] Le juge Jean-Pierre Rosenczveig, président du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants, Conférence du Bureau international des droits des enfants, Mise en œuvre des droits de l’enfant : perspectives nationales et internationales, Montréal, 18 novembre 2004.

[12] Rana Khan, administratrice chargée de la protection, Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, témoignage devant le Comité, 2 mai 2005.

[13] Mary Robinson, « Avant-propos » de A Human Rights Conceptual Framework for UNICEF,  Marta Santos Pais, Florence (Italie), UNICEF, 1999, p. IV.

[14] Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale no 5 : Mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant (articles 4, 42 et 44, paragraphe 6), 27 novembre 2003, CRC/GC/2003/5, paragraphe 11.

[15] Tara Collins, la sénatrice Landon Pearson et Caroline Delany, Document de travail, Une démarche fondée sur les droits, avril 2002, p. 3.

[16] Collins, Pearson, Delany, p. 2.

[17] Suzanne Williams, directrice générale, International Institute for Child Rights and Development, témoignage devant le Comité, 21 février 2005.

[18] Collins, Pearson, Delany, p. 4.

[19] Kathy Vandergrift, présidente du Groupe de travail sur les enfants dans les conflits armés, Vision mondiale Canada, témoignage devant le Comité, 14 février 2005.

[20] Cindy Kiro, commissaire aux enfants de la Nouvelle-Zélande, témoignage devant le Comité, 30 mai 2005.

[21] Témoignage de Suzanne Williams.

[22]Kay Tisdall, professeure de politiques sociales, directrice de programme, maîtrise ès sciences, Études sur l’enfant, Université d’Édimbourg, témoignage du 12 octobre 2005 [traduction].

[23]Témoignage d’Al Aynsley-Green [traduction].

[24] Louise Arbour, Symposium LaFontaine Baldwin, Québec, 4 mars 2005.

[25] Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Independent Institutions Protecting Children’s Rights, Digest no 8, juin 2001, p. 4.

[26] Un Canada digne des enfants : Le Plan d’action du Canada suite à la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants de mai 2002, gouvernement du Canada, avril 2004, voir l’annexe F.

[27] Ibid., l’honorable Sénateur Landon Pearson, p. 9.

[28] Katherine Covell, professeure, Collège universitaire du Cap-Breton, témoignage devant le Comité, 7 février 2005.

[29] L’honorable Ken Dryden, ministre du Développement social, témoignage devant le Comité, 26 septembre 2005.

[30] Témoignage de Martha Mackinnon.

[31] Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Digest no 8, p. 1‑3 et 13; Comité des droits de l’enfant de l’ONU, Observation générale no 2 : Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’enfant, 15 novembre 2002, CRC/GC/2002/2, paragraphe 5.

[32]Témoignage d’Al Aynsley-Green [traduction].

[33] Suzanne Williams, « Remplir les obligations du Canada dans le cadre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant : Des concepts abstraits à des avantages réels pour les enfants », mémoire présenté au Comité, 21 février 2005, p. 3.

[34] Jeffrey Wilson, avocat, témoignage devant le Comité, 13 décembre 2004.

[35] Voir la liste complète des témoins à l’annexe A.

[36]Pour plus de détails sur la loi norvégienne de 2003 sur les droits de la personne, voir la note 197.

[37] Nicholas Bala, « Child Welfare Law in Canada: An Introduction », Canadian Child Welfare Law: Children, Families, and the State (Toronto: Thompson Educational Pub., 2004), p. 2.

[38] Ibid., p. 3; témoignage d’Al Aynsley-Green.

[39] Le principe du parens patriae remonte à l’époque médiévale, où les rois anglais, agissant comme des parents à l’endroit de leurs sujets, étaient tenus de combler leurs besoins fondamentaux et de les prendre en charge, dans certains cas.

[40] Marge Reitsma-Street, « More Control Than Care: A Critique of Historical and Contemporary Laws for Delinquency and Neglect of Children in Ontario », (1989) Canadian Journal of Women and the Law, p. 512.

[41] Ibid.

[42] Neil Sutherland, « Histoire de l’enfance », L’Encyclopédie canadienne, en ligne à : http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0001579

[43] Ibid.

[44] Ibid.

[45] Témoignage d’Al Aynsley-Green [traduction].

[46] Stuart N. Hart, « From Property to Person Status: Historical Perspective on Children’s Rights », American Psychologist, janvier 1991, p. 54.

[47] Brian R. Howe, « Implementing Children’s Rights in a Federal State: The case of Canada’s Child Protection System », (2001) The International Journal of Children’s Rights, p. 362.

[48] L.O., 56 Victoria, 1893, chap. 45.

[49] L’Encyclopédie canadienne, Protection de l’enfance, disponible en ligne à : http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0001578

[50] Nicholas Bala (2004), p. 3.

[51] Témoignage d’Anne McGillivray.

[52] Conseil canadien de l’enfance et de la jeunesse, (1978) Interdit aux mineurs : la place de l’enfant dans la société canadienne.

[53] Témoignage d’Anne McGillivray.

[54] Nicholas Bala (2004), p. 3.

[55] Témoignage d’Anne McGillivray.

[56] Marge Reitsma-Street, p. 517.

[57] Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, chap. 11.

[58] Société des Nations, Journal officiel, Supplément spécial no 21, p. 43, 26 septembre 1924. 

[59] Geraldine Van Bueren, The International Law on the Rights of the Child, 1995, p. 8.

[60] Assemblée générale de l’ONU, résolution 1386 (XIV), 20 novembre 1959.

[61] Van Bueren, p. 12.

[62] Témoignage d’Anne McGillivray.

[63]Van Bueren, p. 12.

[64] Ibid., p. 13.

[65] Ibid., p. 14.

[66] Cynthia Price Cohen, Rights of the Child, disponible en ligne à http://www.arrc-hre.com/publications/hrepack1/page55.html.

[67] Geraldine Van Bueren, p. 14.

[68] Ibid.

[69] Dans sa forme actuelle, la Convention est beaucoup plus longue que celle proposée initialement par la délégation polonaise en 1978. Un grand nombre d’articles ont dû être réécrits plusieurs fois après avoir fait l’objet de négociations entre les membres du groupe de travail. De 1979 à 1987, le groupe de travail a tenu des réunions hebdomadaires afin d’examiner les propositions et les modifications d’articles et de rédiger le document. En 1988, le groupe s’est réuni à deux reprises pendant deux semaines chaque fois. La première période de deux semaines a été consacrée à l’achèvement de la première ébauche de la Convention, et la deuxième à l’examen ainsi qu’à la révision et à l’uniformisation du texte. Au départ, le groupe de travail était composé de représentants de 43 pays et à la fin du projet, 80 pays en faisaient partie.

[70] Geraldine Van Bueren, p. 16.

[71] Résolution 39/46 de l’Assemblée générale de l’ONU, 10 décembre 1984.

[72] Geraldine Van Bueren, p. 13.

[73] Ce n’est pas surprenant étant donné qu’il a toujours été prévu que les ONG jouent un rôle actif au sein de l’ONU, comme le précise l’article 71 du chapitre 10 de la Charte des Nations Unies

[74] Ibid, p. 142-143.

[75] Ibid., p. 145.

[76] Résolution 54/263 de l’Assemblée générale, 25 mai 2000, voir l’annexe C.

[77] Le Canada a ratifié ce protocole en septembre 2005.

[78] Résolution 54/263 de l’Assemblée générale, 25 mai 2000, voir l’annexe D.

[79] Le Canada a ratifié ce protocole en juillet 2001.

[80] Les autres sont : le Comité des droits de l’homme; le Comité des droits économiques, sociaux et culturels; le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale; le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes; le Comité contre la torture; le Comité des travailleurs migrants. 

[81] Cynthia Price Cohen, (1990).

[82] Ombudsman du Danemark, de la Suède, de l’Islande et de la Norvège, The Best Interests of the Child in our Time: A Discussion Paper on the Concept of the Best Interest of the Child in a Nordic Perspective, octobre 1999, p. 7.

[83] Michael Jupp, « Justice, Not Charity: The United Nations Convention on the Rights of the Child », On the Right Side: Canada and the Convention on the Rights of the Child, Conseil canadien de l’enfance et de la jeunesse, 1990, p. 8.

[84] 999 U.N.T.S. 171, 1976.

[85] 993 U.N.T.S. 3, 1976.

[86] ONU, Working Group Activities, 1978-1979.

[87] Correspondance électronique avec Marthe St-Louis (Affaires étrangères Canada).

[88] Gordon Fairweather, « Canada and the Convention: Some background information », On the Right Side: Canada and the Convention on the Rights of the Child, Conseil canadien de l’enfance et de la jeunesse, 1990, p. 17.

[89] John Holmes, « Canadian Ratification of International Treaties », On the right side: Canada and the Convention on the Rights of the Child, Conseil canadien de l’enfance et de la jeunesse, 1990, p. 19.

[90] Témoignage de John Holmes, directeur, Direction du droit onusien, criminel et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 11 juin 2001.

[91]Joanna Harrington, « Acteurs étatiques et le déficit démocratique : Le rôle du Parlement dans la conclusion de traités », Document préparé pour le ministère de la Justice, mai 2005, p. 7-8, 26-27.

[92] Ibid., p. 2-5, 27-32.

[93] Convention de Vienne sur le droit des traités, doc. A/Conf 39/28 de l'ONU, art. 2.

[94] Voir les principes énoncés à l’article 26 de la Convention de Vienne cités à la partie C du présent chapitre.

[95] Nicole LaViolette, Les principaux instruments internationaux en matière de droits de la personne auxquels le Canada n’a pas encore adhéré (janvier 2005)p. 63

[96] J.-Maurice Arbour, Droit international public, 4e éd. (Cowansville, Québec: Éditions Yvon Blais, 2002) p. 99;,LaViolette, p. 63.

[97] LaViolette, p. 62.

[98] John Holmes, directeur, Direction du droit onusien, criminel et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, témoignage devant le Comité, 18 mars 2002.

[99] Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1978] 2 R.C.S. 141; « Renvoi sur les conventions de travail », Procureur général du Canada c. Procureur général de l’Ontario, [1937] 1 D.L.R. 673 (J.C.P.C.);, p. 8.

[100]Benjamin Dolin fait toutefois remarquer que « l’effet des traités ratifiés par les États-Unis n’est pas toujours évident. La jurisprudence américaine considère que seuls certains traités sont automatiquement exécutoires. » Voir Les instruments internationaux de protection des droits de la personne et leur applicabilité au Canada, Bibliothèque du Parlement, juillet 2005, p. 25

[101] Témoignage de Maxwell Yalden.

[102] Doc. A/CONF.183/9 de l’ONU.

[103] S.C. (2000), c.24.

[104] Doc. A/C.1/57/L.36 de l’ONU.

[105] S.C. (1997), c. 33.

[106] L.R.C. (1985), chap. G-3.

[107] L’honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice, témoignage devant le Comité, 11 avril 2005..

[108] Témoignage d’Irit Weiser devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, 11 juin 2001.

[109] HRI/CORE/1/Add.91, 12 janvier 1998.

[110] Ibid., paragraphe 138.

[111]Benjamin Dolin, p. 13-15.

[112] Wayne MacKay, professeur, Faculté de droit, Université Dalhousie, témoignage devant le Comité, 16 juin 2005.

[113] Des promesse à tenir, p. 24. Pour une discussion plus approfondie du rôle du Comité permanent, voir la partie B1 du chapitre 4.

[114] Témoignage d’Irwin Cotler.

[115] Rebecca Cook, « Violations of Women’s Human Rights », 1994, 7 Harvard Human Rights Journal, p. 147.

[116] ICCPR/C/67/D/694/1996, Comité des droits de l’homme, 67e session, 18 octobre au 5 novembre 1999.

[117] Malgré le rappel à l’ordre du Comité des droits de l’homme, le gouvernement fédéral a soutenu que l’éducation était un domaine de compétence provinciale et qu’il ne pouvait rien faire. Pour sa part, le gouvernement de l’Ontario a refusé de modifier ses lois pour se conformer à cette décision.

[118] Document CRC/C/15/Add. 215 de l’ONU, Comité des droits des enfants, Observations finales, paragraphes 8-9. Voir l’annexe E.

[119] Comité des droits de l’enfant de l’ONU, Observation générale no 5, paragraphe 40.


FORMAT PDF

Le Rapport du comité est disponible en format  PDF (Portable Document Format). Les documents électroniques conservent ainsi leur présentation d'origine -- texte, graphiques, photos et couleurs -- et ils peuvent être visualisés sur divers systèmes (DOS, UNIX, WINDOWS, MAC, etc.).

Les utilisateurs de Windows, Macintosh, DOS et UNIX ont accès sans frais au lecteur Acrobat pour visualiser, parcourir et imprimer les documents de type PDF.

Si vous avez besoin d'un lecteur, vous pouvez accéder à Adobe Systems Incorporated.


Haut de page