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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 3 - Témoignages du 2 décembre 2004


OTTAWA, le jeudi 2 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 11, Loi modifiant le Code criminel (loteries), se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour en faire l'examen.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous sommes en train d'examiner le projet de loi S-11 concernant les loteries. Ce matin, nous accueillons comme témoin M. Azmier, analyste principal de politiques à la Canada West Foundation.

Monsieur Azmier, nous allons commencer par vous entendre, après quoi je suis sûre que mes collègues auront de nombreuses questions à vous poser.

M. Jason J. Azmier, analyste principal de politiques, Canada West Foundation : Je suis analyste principal de politiques à la Canada West Foundation, un institut de recherche impartial et sans but lucratif de l'ouest du Canada.

J'y travaille depuis dix ans. J'ai fait mes études en commerce et en sciences politiques à l'Université de Calgary.

En 1997, j'ai commencé à m'intéresser au jeu en tant qu'enjeu de la politique gouvernementale. Cette recherche a mené à une étude de quatre ans sur la politique relative aux jeux d'argent au Canada qui a produit 18 rapports représentant quelque 700 pages d'imprimés. Je vous ai fourni de la documentation à ce sujet.

L'étude, qui a pris fin en 2002, était unique de plus d'une façon. Alors que je continue de la commenter et de prendre la parole à son sujet, je n'ai pas suivi toute la statistique publiée récemment. Je la connais et je peux en parler, mais ce n'est pas mon domaine de spécialité.

J'aimerais donner quelques précisions au sujet de mon travail. Je n'ai pas reçu de subvention, ni du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial, ni de groupes de revendication militant pour ou contre le jeu, ce qui est aussi en quelque sorte unique par rapport à toutes les études faites sur le sujet jusqu'ici. Les autres études ont en effet tendance à avoir reçu l'appui d'un gouvernement ou d'un groupe de revendication. Par conséquent, les conclusions de mon travail sont uniques en ce sens.

C'est délibérément que nous n'avons pas posé de jugement normatif quant à ce qui est bon ou mauvais dans le jeu. L'information grâce à laquelle les personnes pouvaient décider si c'était bon ou mauvais a été fournie. Par contre, nous avons tiré des conclusions et fait des recommandations. Vous en trouverez copie dans le rapport final que je vous ai apporté aujourd'hui. Sous sept rubriques, vous trouverez des recommandations de plus faible portée dont certaines portent sur des points liés au débat d'aujourd'hui.

Je suis ici pour vous fournir de l'information. J'ai donc cru bon de faire ressortir les trois grandes conclusions de nos travaux qui ont un lien avec le projet de loi à l'étude.

J'ai constaté plusieurs mentions, dans les délibérations que vous avez tenues jusqu'ici, du sondage d'opinion que nous avons fait en juin 1999. Ce sondage pancanadien a permis de consulter 2 200 Canadiens. C'est le seul sondage d'opinion qui nous fournisse un point de vue aussi national sur le jeu.

La question de savoir si les appareils de loterie vidéo ou, comme on les appelle, les ALV devraient être limités à certains lieux a été posée. Nous avons demandé : « Les appareils de loterie vidéo devraient-ils être restreints aux hippodromes et aux casinos? ». Soixante-dix pour cent des Canadiens étaient d'accord avec cet énoncé.

Si vous passez à la page 2 de ce qui vous a été remis, j'ai fourni plus d'information pour souligner à quel point cette opinion est solide, ce qui en soi est remarquable. Quarante-neuf pour cent des Canadiens étaient entièrement d'accord avec cet énoncé, le deuxième d'une série de quelque 18 questions différentes au sujet de la politique. La seule question qui ait suscité un plus grand accord était de savoir si les salles de bingo devraient être interdites aux moins de 18 ans.

Vous pouvez voir à quel point cette opinion est solide si vous examinez la ventilation des données démographiques. Ainsi, la colonne intitulée SA qui fait état de ceux qui sont entièrement d'accord signale une opinion forte. La région, le niveau de scolarité, le revenu, le sexe, l'emploi ou l'âge, rien de tout cela n'a d'influence. Contre toutes ces variables démographiques, l'opinion demeure forte par un facteur de trois contre un par rapport au groupe en désaccord total.

J'aimerais aussi faire remarquer que nous avons posé des questions au sujet de la participation pour voir s'il s'agissait simplement d'un segment précis de la population qui était entièrement d'accord. La pratique religieuse n'avait aucune influence. Quarante-huit pour cent de ceux qui ne sont jamais allés à l'église étaient entièrement d'accord pour qu'une mesure pareille soit prise.

Nous leur avons demandé s'il leur arrivait de jouer, simplement à titre de préférence. Il n'y avait presque pas de différence. Quarante-sept pour cent d'entre eux étaient entièrement d'accord. Si on additionne tous ceux qui sont d'accord, on obtient une opinion partagée par 70 p. 100 des répondants.

J'attire votre attention sur la partie « Segment ». Nous avons fait une analyse fragmentée de notre série de données, en classant les Canadiens en cinq groupes : ceux qui sont contre le jeu — qui ont de fortes convictions morales contre le jeu —; ceux que le jeu préoccupe; les modérés; les désintéressés — le plus important groupe au Canada —; et ceux qui sont pour le jeu. Même le dernier groupe que j'ai mentionné, les pro-jeu, étaient entièrement d'accord. Trente-sept pour cent étaient entièrement d'accord, même s'ils étaient pro-jeu, pour que l'on restreigne les endroits où il peut y avoir des ALV, le rapport étant de deux contre un.

Le débat sur l'interdiction des ALV n'a rien de nouveau. À cet égard, je vous renvoie à la première étude provinciale consacrée à la politique du jeu dans les provinces, menée en 1995. Elle a été effectuée en Alberta. Une des premières et des plus fortes recommandations de cette étude, trois ans après la légalisation des appareils, était qu'ils soient retirés des bars et autorisés dans les casinos. Le comité d'examen des loteries incluait cinq membres de l'assemblée législative de l'Alberta. La députée provinciale Judy Gordon a plusieurs fois déclaré officiellement que c'était ce que souhaitait le public.

MM. Garry Smith et Harold Wynne, dont l'étude figure également dans votre documentation, ont épluché le hansard de l'assemblée législative de l'Alberta. Ils ont découvert qu'en 1996, le ministre du Jeu d'alors en Alberta avait dit à son homologue ontarien qu'on n'aurait jamais dû autoriser les appareils de loterie vidéos dans les bars de l'Alberta. Comme vous le savez probablement, l'Ontario s'est peu de temps après ravisée au sujet de ces appareils.

J'ai également eu l'occasion de suivre des initiatives prises par des citoyens de l'Alberta qui ont mené à la présentation de pétitions comportant plus de 250 000 signatures, les plus importantes pétitions présentées à une municipalité au Canada jusqu'ici. Elles portaient sur des questions de vote au sujet des appareils de loterie vidéos. Trente-sept municipalités de l'Alberta se sont prononcées au sujet de ces appareils en 1998. J'ai suivi le processus du début jusqu'à la fin dans le cadre de mes travaux.

On a demandé à la population de se prononcer pour ou contre les ALV, sans possibilité de position modérée.

En dépit de ces positions extrêmes, les Albertains se sont prononcés à 55 p. 100 en faveur du maintien des appareils, résultat qui sera reproduit un an plus tard lors du référendum provincial du Nouveau-Brunswick sur le même sujet.

Nous suivions le processus afin de voir quelle serait la position modérée. Que souhaitez-vous réellement voir se produire? Grâce à certains sondages, nous pouvions consulter la population à ce sujet.

Vous trouverez le résultat à la page 4. Environ 54 p. 100 de ceux qui ont répondu à une question ouverte ont déclaré que la meilleure solution serait de limiter les ALV aux casinos. Une autre tranche de 17 p. 100 s'est prononcée en faveur de l'interdiction totale de ces appareils. À l'époque, la majorité des Canadiens, s'ils avaient pu se prononcer sur ces questions, auraient souhaité qu'ils soient limités aux casinos.

Nous en avons conclu que cette position était celle qui plaisait le plus aux Canadiens parce qu'elle tient compte des arguments libertaires concernant la liberté de choix, le droit de jouer, mais qu'elles répondaient aussi aux préoccupations relatives à la facilité d'accès, c'est-à-dire à propos de gens qui s'adonnaient au jeu alors qu'autrement, ils n'y auraient peut-être pas été prédisposés et du facteur additionnel de l'alcool, dont il a déjà été question.

Certains ont exprimé des préoccupations au sujet de l'impact négatif que cela pourrait avoir sur le secteur du tourisme. Des membres d'associations d'accueil ont vivement protesté mais, durant les sondages, ce point n'a pas été perçu comme étant une préoccupation.

Mes conclusions en la matière, au sujet desquelles j'ai déjà écrit des articles, sont soulignées dans une des recommandations qui se trouvent à la fin du rapport. Il faudrait que les politiques relatives aux jeux d'argent au Canada reflètent mieux le désir des Canadiens. Par conséquent, je suis favorable à ce que le projet de loi à l'étude tente d'accomplir parce qu'il répond à cet objectif.

Des changements de cette nature devraient correspondre aux intérêts des gouvernements provinciaux qui souhaitent continuer d'empocher des recettes du jeu. En faisant coïncider le désir des Canadiens avec la politique actuelle, les provinces sont moins susceptibles de susciter l'indignation publique si plusieurs milliers de personnes changeaient d'idée, ce qui réduirait à zéro les recettes du jeu qui, peut-on soutenir, sont une bonne source de revenu pour les gouvernements.

Le second point que j'aimerais faire valoir, ce matin, a trait au partage des recettes. Comme vous le savez peut-être, chaque juridiction a sa propre formule. Habituellement, au Canada, le quart des recettes va au commerçant et les trois quarts environ, au gouvernement. Bien que ce partage rapporte beaucoup d'argent aux détaillants, il représente un manque à gagner important pour la région. En effet, le partage avec les régions se fait plus indirectement, par le biais des services gouvernementaux. De l'argent est réinjecté dans les régions, mais de façon indirecte, plutôt qu'en fonction des dépenses par tête. Quel que soit le montant que fait entrer votre région dans les coffres provinciaux grâce aux recettes tirées des ALV, elle n'obtiendra pas en retour plus que les autres régions, que celles-ci aient des ALV ou pas.

On peut donc dire, à partir de ces données, que cette activité ne produit aucun résultat économique favorable. C'est particulièrement vrai dans les régions où il y a peu de tourisme. Si les ALV sont utilisés uniquement par la population locale, ils ne récoltent que le quart de l'argent dépensé dans cette région. Il existe des options bien plus rentables pour la collectivité locale que le jeu sur appareil vidéo. Bien que des changements apportés à cette activité puissent entraîner la fermeture de certains bars, d'autres restaurants et formes de divertissement s'établiront peut-être. On ne peut attribuer au fait d'avoir interdit les ALV la perte d'emploi de deux serveurs dans un hôtel. Les serveurs se trouveront un emploi ailleurs. Il existe des formes plus efficaces de dépenses de capital pour les régions rurales.

J'ai consacré un an environ à étudier le développement économique rural au cours des deux dernières années. Je n'ai rien vu qui permette d'affirmer que les ALV ont un impact favorable sur l'économie rurale.

La situation est aggravée par le fait que, bien que les recettes sortent de la région, tous les coûts sociaux y demeurent. Le gros des coûts sociaux est absorbé par la collectivité, qui fait les frais tout en ne récupérant qu'une faible partie des recettes.

Pour ce qui est des recettes, j'aimerais faire remarquer, comme dernier point, qu'il n'est pas clair quel impact, si impact il y a, cette activité aurait sur les recettes gouvernementales. Par contre, l'impact sur les recettes de chaque commerçant est clair.

La concentration des appareils à sous qui a eu lieu jusqu'ici a connu du succès comme moyen d'accroître les recettes, et le recours à l'offre d'incitatifs au joueur et à de la publicité pourrait aussi aider à réduire l'impact du changement, voire à l'éliminer complètement, si on décidait que c'était un objectif essentiel du gouvernement.

Des coûts sociaux précis et des avantages nets sont associés à la loterie en règle générale et aux formes électroniques de loterie plus particulièrement. Je vais commencer par vous mettre en garde contre l'utilisation de ce genre de données pour prendre votre décision finale. Il faudra probablement attendre 10 à 15 années encore avant que notre connaissance actuelle de la question produise des conclusions et de bonnes données à cette fin.

Nous connaissons les coûts du jeu. Si vous voulez bien passer à la page suivante, vous trouverez des listes de ce qu'on considère être des coûts sociaux, mais il existe très peu de données permettant de quantifier ces coûts. On y trouve notamment la faillite, la perte de productivité au travail, les comparutions devant des juges, les interventions policières et l'incarcération, le stress imposé à la vie familiale et conjugale, le divorce, la dépression et le counselling, sans oublier bien sûr le suicide, qui est probablement le coût le plus problématique. À ce stade-ci, on cherche très peu à établir le coût de ces mesures et on ne le fait pas de manière comparative ou systématique.

À mesure que la question occupera plus de place sur la scène publique, les policiers, les médecins, les juges, les médecins légistes, les psychologues et les enseignants développeront tous des moyens de réunir cette information. Toutefois, l'activité en est au stade embryonnaire seulement. Nous pouvons dire quels coûts devraient être inclus, mais il est difficile de dresser un bilan.

Cependant, je vous demanderais instamment de ne pas croire, en raison d'un manque de progression dans notre capacité de chiffrer ces mesures, que ces coûts n'existent pas. Ils existent, et ils pourraient même être très élevés. Le fait que nous soyons incapables de les mesurer ne signifie pas qu'ils sont négligeables, particulièrement sur le plan du suicide. Nous avons la possibilité de nous entretenir avec les survivants du suicide, et aucune des valeurs exprimées en dollars n'a d'importance pour ces personnes. Je suis sûr que c'est ce que vous entendez également d'autres témoins vous dire.

Comme matière à réflexion, pour vous donner une idée du genre de choses qui peut se faire, j'ai inclus quelques pages extraites du National Review d'Australie qui portent sur les coûts sociaux et sur l'attribution de ces coûts plus particulièrement aux formes électroniques de jeu. Ce genre d'examen se fait attendre depuis longtemps au Canada. Les chercheurs le réclament souvent. Moi même, j'estime qu'un examen de ce genre s'impose au Canada.

D'après les conclusions des auteurs de l'article paru dans le National Review, les joueurs à problème ont tendance à préférer les formes électroniques de jeu, ce qui est tout aussi vrai au Canada. Ces formes électroniques sont responsables des trois quarts presque des coûts négatifs du jeu, comme en fait état le tableau 9.4 de l'étude australienne. Les auteurs de l'étude concluent que les appareils de jeu sont la forme de jeu la moins susceptible de produire des avantages nets pour la collectivité, en raison en grande partie du manque de résultats à forte intensité de main-d'oeuvre et d'éléments particuliers au jeu.

En guise de conclusion, j'aimerais expliquer en quoi les ALV sont uniques. Des chercheurs ont attribué ce caractère unique à plusieurs grands facteurs, dont la rapidité du jeu. Vous pouvez faire jusqu'à 1 200 paris à l'heure si le résultat est connu en trois secondes. Voilà qui montre bien également comme il est facile de perdre son argent en très peu de temps.

Il y a aussi le fait qu'on crée l'illusion, chez le joueur, qu'il est aux commandes de l'appareil ou que l'appareil exige un talent particulier. Les jeux de lumières, d'images et de sons, tous des caractéristiques attrayantes, sont particulièrement bien adaptés aux jeunes, c'est-à-dire à la génération qui a grandi avec les jeux vidéo. Les appareils sont délibérément programmés de façon non aléatoire pour inclure des quasi-victoires qui donnent l'illusion qu'on est sur le point de gagner ou à modifier l'appareil de manière à faire gagner beaucoup de petits prix et beaucoup moins de grands prix. La facilité d'accès aux appareils dans des lieux qui ne sont pas réservés au jeu est aussi attrayante.

J'aimerais maintenant vous parler de mon domaine de prédilection, soit de la façon dont les ALV sont différents. En fait, ils sont uniques. Contrairement aux autres formes de jeu au pays, ce genre d'appareil a connu de l'expansion, une fois légalisé. Les ALV sont la seule forme de jeu à faire l'objet successivement de contrôles plus restrictifs. En 14 ans, ils sont passés de lieux sans restriction d'âge comme les dépanneurs aux bars et aux bars-salons. Leur nombre total a été plafonné. Certaines provinces ont commencé par les autoriser, puis les ont interdits. Des collectivités ont voté pour leur interdiction, et les appareils ont fait l'objet des plus importantes pétitions qu'aient jamais reçues les municipalités. Des efforts ont été déployés en vue de les rendre moins dangereux en les ralentissant. On les a extirpés des quartiers pauvres. Voilà ce qui distingue cette forme de jeu, dans un contexte canadien par ailleurs permissif.

La présidente : Dans le cadre de notre étude des ALV et du jeu, nous avons découvert que des terminaux clandestins étaient utilisés dans des lieux où les ALV avaient été officiellement prohibés. Avez-vous étudié le phénomène?

M. Azmier : Nous avons examiné le jeu et le crime en règle générale et plus particulièrement les ALV interdits. Vous savez probablement que ces appareils sont une des principales raisons qui ont motivé la légalisation de cette activité. À ce stade-ci, il est difficile de savoir si un changement dans le nombre des appareils permis ou interdits aux termes du projet de loi à l'étude aurait une influence. Les appareils illégaux existent, mais ils offrent en règle générale un prix à celui qui obtient un score particulier au jeu automatique. Les bars encouragent leurs clients à s'adonner au jeu automatique. Un score élevé vous donne droit à un petit prix comptant, tout comme les jeux de nombres illégaux. Les paris sur billard électrique font partie du jeu électronique, de sorte qu'il n'est pas forcément clair combien il y aurait d'appareils sur le marché noir qui ressemblent en tous points aux appareils du gouvernement. Si nous sortions tous les appareils des bars et des bars-salons et que nous les installions dans des casinos, il serait plus facile de déterminer si l'appareil est légal ou illégal. Actuellement, parce qu'il y a tant de machines illégales, vous ne pouvez pas forcément faire la différence entre les deux. Par contre, si les appareils se trouvent dans des lieux qui ne sont pas censés en avoir, vous savez qu'il y a de fortes probabilités qu'ils sont illégaux.

La présidente : On nous a dit qu'un fort pourcentage de joueurs pathologiques étaient accros des ALV. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur les liens entre le jeu pathologique et les appareils de loterie vidéo?

M. Azmier : Ce n'est pas mon domaine de recherche. Je sais toutefois que les joueurs à problème s'adonnent trop aux formes électroniques de jeu. Je vous ai fourni 30 pages environ d'une étude albertaine effectuée par MM. Smith et Wynne et parue en janvier 2004. Elle fait ressortir ce que vous dites au sujet de la passion du jeu. Seulement un Canadien sur cinq ou sur dix joue sur les ALV. Donc, quand on dit que la contribution moyenne est de 200 $ à 250 $ par tête, si seulement une personne sur dix joue, cela signifie que la contribution moyenne est en réalité de 2 000 $ à 2 500 $.

On dit que 20 p. cent du jeu en Alberta sont attribuables à des joueurs à problème, ce qui signifie qu'ils sont la source de 200 millions de dollars à peu près dans la province.

La présidente : Au Québec, un programme a été lancé récemment avec pour grand objectif de réduire la présence des ALV. Loto-Québec a pris des mesures dans son plan visant la période 2004-2007 en vue de régler le problème de la facilité d'accès et de la visibilité de ces appareils. Êtes-vous au courant du plan? Que pensez-vous des mesures proposées?

M. Azmier : Je connais le plan. À mon avis, toutes les façons d'aborder le jeu qui misent sur la santé publique — des programmes fondés sur la recherche laissent entendre qu'il existe une approche plus saine au jeu — sont positives. Quant à savoir si ces mesures sont suffisamment importantes, c'est là certes une action énergique de la part d'un gouvernement et elle est unique parmi les gouvernements canadiens, de sorte qu'elle a du mérite. Toutefois, ce n'est certes pas la solution que recherchent les Canadiens. Ils aimeraient que le jeu se fasse dans des endroits réservés à cette fin.

La présidente : Vous avez également dit que les coûts sociaux liés aux ALV sont élevés pour les collectivités canadiennes. Vous avez mentionné des pertes d'emploi et même des suicides. Pouvez-vous nous donner une idée approximative du coût pour la société de l'aspect négatif des ALV?

M. Azmier : J'en serais ravi. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, nous ne rendrions service à personne en cherchant à quantifier en l'absence presque de données. Comme je l'ai dit, les médecins ne mesurent pas le phénomène actuellement, la police n'en assure pas le suivi et les médecins légistes commencent tout juste à poser des questions. Or, même là, il n'y a pas de cohésion.

Comment pouvons-nous commencer à réunir ces chiffres et à quantifier numériquement quand nous sommes littéralement à 10 ou 15 ans de pouvoir développer une analyse de tendance? Je puis vous dire que le coût est important et qu'il ne faudrait pas le négliger simplement parce que nous sommes incapables de le quantifier.

Le sénateur Andreychuk : Je tiens à vous remercier de votre recherche. Elle lance un débat fort intéressant. Auparavant, nous ne faisions que repérer les questions. Vous nous avez fourni beaucoup plus, et je me réjouis de voir que la Canada West Foundation continue de faire ce travail absolument crucial. Je vous en félicite.

Vous affirmez que les impacts négatifs n'ont été ni quantifiés, ni suffisamment étudiés, ce que je comprends, parce que nous sommes aux prises avec le même problème. À partir des premières études que vous avez faites, pouvez-vous nous dire si les ALV ont des impacts négatifs différents des autres genres de jeux? Y a-t-il quoi que ce soit de différent dans les impacts négatifs par opposition aux autres dépendances comme l'alcool et les drogues? Vous avez parlé de conséquences économiques, de joueurs à problème, de travail, d'étude, de répercussions juridiques et financières, des conséquences sur la santé et du traitement. La pratique du droit et ma fonction de juge me font croire que nombre de ces problèmes sont identiques. Si vous avez un problème de dépendance, il se manifeste au travail, se répercute à la maison et vous force à consulter le médecin.

Le jeu en général et les ALV en particulier ont-ils une caractéristique unique?

M. Azmier : Les ALV ont ceci de particulier qu'ils sont facilement accessibles et rapides. Une personne peut perdre de l'argent beaucoup plus rapidement. La préférence des joueurs compulsifs pour les loteries vidéo est également bien connue, puisque cette forme de dépendance entraîne un renforcement positif. Il s'agit d'un problème unique et la population l'a compris, non seulement parce que des recherches ont été menées sur le sujet, mais aussi parce qu'il y a des personnes qui connaissent d'autres personnes qui se sont livrées à ce genre d'activité. Une personne sur trois ou quatre affirme connaître un joueur compulsif. On commence donc à se sensibiliser à la problématique.

Pour ce qui est des rapports qui existent entre le jeu et les autres formes d'addiction, certaines études, que je qualifie de fiables, révèlent que la dépendance au jeu entraîne des conséquences financières plus graves, bien entendu, parce qu'il est très difficile de perdre autant d'argent quand on souffre, par exemple, d'alcoolisme. Il y a plus de fraudes et de crimes qui sont associés à la dépendance au jeu.

Par ailleurs, le jeu entraîne moins de cas de dépression et de suicides que l'alcool et la drogue, par exemple. C'est ce qu'a également constaté l'étude australienne.

Le sénateur Andreychuk : Je n'ai jamais eu l'occasion d'examiner la question à fond avant le dépôt de ce projet de loi. On a laissé entendre que si les ALV en Saskatchewan étaient retirés des petites collectivités, leur économie en souffrirait. Vous dites que ce n'est pas le cas. Je conclus donc — corrigez-moi si je me trompe — que les propriétaires de loteries vidéo ont fait du lobbying parce que ce sont eux qui risquent de perdre de l'argent, et non la collectivité dans son ensemble. Il reste encore du travail de sensibilisation à faire, n'est-ce pas?

M. Azmier : Il y a effectivement eu du lobbying. Des dépenses ont été engagées. L'industrie de l'accueil est habituellement présente chaque fois qu'il y a un débat public sur la question. C'est vrai. Certains titulaires de permis reçoivent 100 000 $ par année des activités de jeux de hasard, de sorte que le retrait de ces appareils aurait un impact. Ce que j'essaie de vous dire, sénateurs, c'est que cela ne se traduirait pas par une perte nette pour la collectivité. En fait, si un plus grand pourcentage des recettes étaient investies à l'échelle locale, d'autres moyens de divertissement pourraient voir le jour et générer des dépenses similaires. Ce pourrait être, par exemple, une troupe locale de théâtre ou une autre forme locale de divertissement. C'est dans le nord de l'Alberta que la pratique des jeux de hasard électroniques, par habitant, est la plus répandue. Les travailleurs de l'industrie du gaz et du pétrole ont de l'argent à dépenser. Ils cherchent à meubler leur temps quand ils sont dans le nord, et à l'heure actuelle, l'industrie du jeu comble leurs besoins. Il faut trouver des moyens plus efficaces de financer des activités rurales qui entraînent des retombées plus positives et des coûts sociaux moins élevés.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais vous poser une dernière question sur les maisons de jeux autochtones, en tout cas en Saskatchewan. La Commission autochtone des jeux de hasard a conclu une entente avec le gouvernement de la Saskatchewan. A-t-on relevé des tendances ou existe-t-il des statistiques sur les collectivités autochtones? Est-ce que les retombées sont plus positives dans le cas des collectivités autochtones parce que les jeux de hasard font l'objet d'un contrôle différent, ou est-ce que les statistiques sont assez universelles, peu importe les formes de jeux retenues?

M. Azmier : Non. Certains groupes ethniques démographiques ont une propension plus élevée à développer une accoutumance, et cela s'applique aussi au jeu. Je n'ai pas mené d'études précises sur les groupes autochtones, mais celles qui ont été réalisées montrent que les problèmes de dépendance au jeu sont peut-être 2, 3 ou 4 fois plus graves chez les Autochtones que chez la population en général. D'autres études menées auprès de populations asiatiques sont arrivées à des conclusions similaires.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce que les retombées économiques sont plus importantes du côté des collectivités autochtones qui exploitent des casinos? Vous nous avez dit quelle était la situation au niveau local. Je voudrais savoir si les retombées économiques sont plus importantes du côté des collectivités autochtones qui exploitent des casinos, ainsi de suite.

M. Azmier : Il faut pouvoir attirer des gens de l'extérieur pour que cela ait un impact positif net sur la collectivité, qu'elle soit autochtone ou non. Je ne sais pas dans quelle mesure on arrive à le faire. Certains casinos autochtones situés dans le nord de la Saskatchewan tirent parti des activités touristiques organisées dans la région. Toutefois, il n'est pas question ici d'ALV. Il existe une différence entre un appareil de loterie vidéo et un casino qui, lui, constitue une activité à forte densité de main-d'oeuvre et une destination touristique. Les ALV dans les hôtels attirent vraisemblablement des touristes puisque ces derniers logent à l'hôtel. Il est difficile de déterminer s'ils sont de la région ou non. Aucune étude n'a été réalisée sur la question de savoir si les ALV arrivent à garder une grande partie des dollars générés par le tourisme dans la région. C'est le seul avantage net positif qui en découle. Autrement, l'argent quitte la région pour y revenir indirectement par le biais de services gouvernementaux plus généraux.

Le sénateur Ringuette : La page 25 de l'étude, c'est-à-dire du deuxième rapport qui a été préparé, contient, au tableau 3, des chiffres intéressants parce que c'est en Alberta, comme nous le savons, que le revenu, par habitant, est le plus élevé. C'est en Alberta aussi que les dépenses annuelles consacrées, par habitant, aux jeux de hasard sont les plus élevées. Je ne sais pas s'il y a un lien entre les deux. Je suppose que j'aurais d'abord dû vous demander si l'Alberta possède des ALV à différents endroits, ou s'ils sont limités aux casinos?

M. Azmier : L'Alberta autorise la présence des ALV dans les bars et les salons-bars. Il y a des appareils à sous dans les casinos et les hippodromes.

Le sénateur Andreychuk : Certaines collectivités ont adopté des lois pour interdire leur présence.

M. Azmier : Sept collectivités ont adopté des lois en ce sens. On a commencé à retirer les appareils en février, soit six ans après le vote. Cette décision a fait l'objet de longues contestations judiciaires parce que, bien entendu, les contestations étaient foncièrement autofinancées. Plus il y avait d'appareils, plus les recettes générées étaient élevées.

Le sénateur Ringuette : On précise, juste avant le tableau 3, que l'Alberta se classe à l'avant-dernier rang, la province comptant un ALV pour 374 adultes.

M. Azmier : L'Alberta compte moins d'ALV, sauf qu'ils sont utilisés plus souvent. Les appareils en Alberta sont utilisés pendant plus longtemps qu'ailleurs.

Le sénateur Joyal : Y a-t-il autant d'hommes et de femmes en Alberta qui éprouvent des problèmes de jeu liés aux ALV?

M. Azmier : Autant, non. Il y a plus d'hommes, en général, mais ce n'est pas démesuré. Ces données figurent dans les documents que j'ai fournis.

Le sénateur Joyal : Diriez-vous un tiers, deux tiers? J'aimerais avoir une idée approximative.

M. Azmier : Le pourcentage est à peu près le même. Le nombre de personnes qui utilisent des ALV est à peu identique. Il faut toutefois que je vérifie si le niveau de dépendance est le même .

Le sénateur Joyal : Quand les ALV ont-ils été légalisés en Alberta?

M. Azmier : On a procédé à un essai en 1991, lors du Stampede de Calgary et des Journées du Klondike. Ils ont été légalisés en 1992.

Le sénateur Joyal : Donc, bien avant 1985?

M. Azmier : Après 1991 et 1992.

Le sénateur Joyal : Savez-vous s'il y a d'autres pays où les ALV sont aussi accessibles qu'au Canada, c'est-à-dire dans les dépanneurs ou les bars? Sont-ils aussi accessibles aux États-Unis et en Australie qu'ils le sont au Canada?

M. Azmier : La situation varie d'un pays à l'autre. L'Australie — et c'est ce qui arriverait avec ce projet de loi — a désigné des emplacements précis qui peuvent accueillir de tels appareils. Il peut s'agir de restaurants, de bars, d'établissements de jeu ou de magasins de chaussures. Ce sont des endroits fréquentés où l'on peut utiliser ce genre d'appareils, des salles de jeu, des maisons de jeu.

Ces établissements seraient probablement plus faciles d'accès que ceux que vous proposez. Au Nouveau-Brunswick, les établissements non réglementés, comme les dépanneurs, ont commencé à exploiter des ALV en 1990. Ils ont ensuite modifié la loi, de sorte qu'il n'y a plus d'ALV dans les dépanneurs au Canada. On en trouve encore dans l'État du Nevada. Le cas qui a retenu le plus d'attention est celui de l'État de la Caroline, qui a retiré ses ALV trois ans après les avoir légalisés.

Le sénateur Joyal : On ne peut pas établir un schéma de comportement qui montre que ces appareils sont plus accessibles au Canada que dans d'autres pays occidentaux.

M. Azmier : On peut établir des schémas de comportement différents au Canada, par exemple, entre la Colombie- Britannique, l'Ontario et les autres provinces.

Le sénateur Joyal : Vous avez fait allusion, dans votre exposé, à la pétition qu'ont signée 250 000 Canadiens. Vous avez dit que les opposants à l'accessibilité se répartissent équitablement entre ce que vous appelez les libertariens et les pratiquants.Il n'est pas question ici d'un problème d'ordre moral, mais d'un problème d'ordre social. Vous n'avez pas donné d'autres détails, sauf que ce facteur, pour nous, est important.

M. Azmier : Certains éléments de la politique relative aux jeux de hasard sont tels qu'ils nous obligent à regarder au- delà des arguments de moralité. Il existe un mouvement général contre les jeux de hasard, que nous avons identifié, un mouvement qui s'oppose à toute forme de jeu de hasard. Il y en certains qui, à des degrés divers, partagent ce point de vue. Cette question figure au deuxième rang des priorités, la première étant les restrictions d'âge qui s'appliquent aux salles de bingo. Il s'agit davantage d'une question sociale que d'une question libertarienne ou de liberté d'accès.

Le sénateur Joyal : Si nous appuyons ce projet de loi, ce n'est pas pour des raisons d'ordre moral, mais à cause de son incidence sociale sur la collectivité.

M. Azmier : À ma connaissance, personne, en dehors des propriétaires-exploitants des appareils, ne s'oppose aux principes qui sous-tendent le projet de loi.

Le sénateur Joyal : À la page 4 de votre mémoire, vous dites que 54 p. 100 des personnes interrogées en juin 1998 appuyaient l'idée de limiter les ALV aux casinos. Avez-vous mesuré l'impact que cela pourrait avoir sur les recettes de l'Alberta, auxquelles vous faites allusion à la page 25 et dans d'autres statistiques tirées de votre rapport spécial de 2000 qui s'intitule « Gambling in Canada »? D'après la Canada West Foundation, les ALV rapportent à l'Alberta 525 millions de dollars. Si le Parlement adoptait ce projet de loi et que les ALV étaient limités aux casinos en Alberta, à combien s'élèveraient les pertes éventuelles de revenus par rapport à ces 525 millions de dollars?

M. Azmier : C'est une bonne question. Je tiens à préciser que depuis 1998, soit depuis que cette activité a été autorisée et que nous avons reçu un message très clair, le gouvernement ne cesse de remplir les casinos d'appareils à sous. Il y a maintenant plus d'appareils à sous, au Canada, que d'appareils de loterie vidéo — il y a environ 39 000 machines à sous, et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Il y aurait peut-être des pertes au moment de l'adoption du projet de loi. On noterait probablement un changement au niveau des emplacements et une légère baisse des revenus. Par ailleurs, comme tous les murs sont tapissés d'appareils, certains bars se transformeraient en centres de jeux de hasard et non en casinos, ceux-ci étant déjà assez bien pourvus en appareils de jeux électroniques. Pour l'instant, la réponse serait oui, le projet de loi aurait un impact si on se débarrassait de l'ensemble des appareils parce qu'il n'y aurait plus d'endroits où les installer. Le gouvernement de l'Alberta modifierait sa politique et désignerait un plus grand nombre de lieux consacrés aux activités de jeux de hasard pour conserver ses revenus. Il est pratiquement impossible de dire ce qui arriverait. Les gouvernements pourraient toujours avoir recours à d'autres mesures pour garder leurs revenus. L'industrie de l'accueil, par contre, n'aurait pas beaucoup de marge de manœuvre. Les gouvernements disposent de nombreux moyens pour garder leurs revenus. Je ne m'inquiète pas pour eux, compte tenu de ce que vous avez dit aujourd'hui.

Le sénateur Joyal : Ce facteur est important, à cause de l'impact qu'il aurait sur les provinces.

Le sénateur Milne : Je voudrais revenir à votre première question, sénateur Joyal, concernant la répartition selon le sexe dont il fait mention à la page 131 du document. On dit qu'il y a une représentation quasi égale entre les hommes et les femmes dans chacun des sous-types d'utilisateurs d'ALV. À la page suivante, on parle d'ethnicité. La statistique la plus révélatrice, dans cette catégorie, est celle qui fait état de la prédisposition des Autochtones à éprouver un problème de jeu lié aux ALV. Il est vrai que l'échantillon est plutôt mince, mais sur 34 répondants, 29 p. 100 présentent un risque modéré, et 38 p. 100 sont perçus comme des joueurs compulsifs.

M. Azmier : C'est à peu près trois fois plus que les autres catégories.

Le sénateur Joyal : Je tiens à féliciter la Canada West Foundation pour l'étude qu'elle a réalisée. J'ai eu l'occasion de voir d'autres études préparées par d'autres professeurs. M. Gary Smith, M. Harold Wyne et M. Timothy Hartnagel ont préparé une étude, publiée en mars 2003, pour le Alberta Gaming Research Institute. Je suis certain que vous la connaissez bien.

Il me semble que ce que nous essayons de faire, c'est de comprendre l'impact qu'aura ce projet de loi sur les provinces. D'après votre étude sur les ALV, si les appareils étaient limités aux casinos, aux hippodromes ou aux lieux consacrés aux activités de jeu, l'impact serait minime parce que les joueurs pratiqueraient cette activité ailleurs que dans les dépanneurs. Les provinces ne seraient pas vraiment touchées.

M. Azmier : C'est un impact qui est gérable. Les gouvernements ont d'autres pistes de solutions pour s'attaquer au problème. L'Alberta a autorisé la présence d'appareils à sous dans les casinos et les hippodromes en 1998. L'Ontario a également autorisé la présence de ces appareils dans les hippodromes. Il existe d'autres instruments politiques auxquels pourront avoir recours les provinces qui ne seront pas touchées par cette mesure.

Le sénateur Cools : Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier le sénateur Lapointe d'avoir porté cette question à notre attention. Je connais maintenant le dossier plus à fond.

Je vous en suis reconnaissante.

Ma question porte sur le phénomène de la dépendance. Je ne sais pas si vous allez être en mesure de m'éclairer. Quand j'ai entendu le sénateur Lapointe parler de la « dépendance » au jeu, j'ai pensé qu'il utilisait cette expression au sens figuré pour bien cerner le problème. Je me souviens d'avoir examiné la question dans le passé. Nous pensions tous, à l'époque, qu'une dépendance était un phénomène particulier en vertu duquel une substance étrangère devenait partie intégrante de la fonction physiologique du corps humain. Le corps, sur le plan physiologique, avait besoin de cette substance, tout comme il avait besoin, par exemple, d'oxygène. En d'autres mots, la substance étrangère devenait une partie intégrante et naturelle du corps de la personne.

J'écoute tout ce qui est en train de se dire, et je me rends compte de plus en plus que le jeu est une sorte de compulsion. C'est quelque chose qui semble exercer une emprise sur la personne.

Je me demande si, dans le cadre de vos travaux, vous abordez ces questions. Qu'en est-il exactement? Est-ce un phénomène physiologique ou social? Au bout du compte, ces compulsions comportementales, aussi déterminantes et dangereuses soient-elles, demeurent des problèmes de comportement social.

Vous n'avez peut-être pas abordé le sujet. C'est d'ailleurs le genre de chose qui pourrait captiver de nombreux spécialistes pendant une éternité. Pouvez-vous nous dire ce qui arrive aux personnes qui se trouvent sous une telle emprise?

M. Azmier : Je sais que vous avez rencontré, l'an dernier, M. Jeffrey Derevensky et Mme Rina Gupta. Ils ont probablement comparu devant un comité différent qui examinait des questions similaires. Ce sont des experts en la matière. Vous n'êtes pas tellement loin de la vérité quand vous parlez du phénomène de la dépendance, sauf qu'il est question ici d'une substance chimique interne. La réaction chimique associée au jeu est la sérotonine. Il existe d'autres substances chimiques auxquelles une personne devient dépendante lorsqu'elle y est exposée de façon régulière. C'est ce qui alimente la compulsion.

L'expression qu'on utilise pour définir les joueurs compulsifs semble changer régulièrement. Il serait peut-être utile de vous expliquer les moyens que nous utilisons pour les cerner. Certaines personnes, bien entendu, se tournent vers des psychologues, entre autres, pour se faire soigner, parce qu'elles ont développé une dépendance. Quand nous voulons savoir combien de joueurs compulsifs se trouvent au Canada, en Ontario ou dans d'autres provinces, nous menons un sondage au moyen d'un questionnaire qui a déjà été utilisé dans le passé et qui a fait ses preuves. Le sondage est souvent effectué par téléphone. Nous demandons aux personnes si elles éprouvent tel ou tel genre de problème, par exemple, si elles ratent des rendez-vous, si elles évitent la famille, si elles ont des dettes. Les personnes répondent à un certain nombre de questions. Le nombre de oui recueillis indique que la personne souffre d'un problème associé au jeu.

Le fait de pouvoir déterminer que la personne a un problème lié spécifiquement au jeu permet d'établir qu'une dépendance s'est développée chez elle. Il est question ici, de manière générale, de personnes qui ont un problème de jeu, qui sont peut-être également toxicomanes, ou qui ont plusieurs autres problèmes de santé mentale. Nous ne pouvons pas poser des jugements aussi précis que les spécialistes qui sont en contact direct avec le patient.

Le sénateur Cools : Ce qu'il y a d'intéressant à ce sujet, c'est que cette dépendance est souvent associée à une autre forme d'accoutumance. Par exemple, les gros fumeurs sont souvent de gros buveurs.

M. Azmier : Les mêmes problèmes de co-morbidité se posent avec le jeu.

Le sénateur Cools : Vous donnez, à la page 131 de votre document, les traits du joueur. Ce ne sont pas des personnes jeunes, si je me fie aux données démographiques par sous-type qui figurent sous la rubrique « âge ». Le sexe des joueurs ne m'étonne guère. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Ce qui m'étonne, par contre, c'est l'âge. La plupart d'entre eux sont plus âgés. Ils n'ont pas 25 ans, mais, pour la plupart, plus de 40 ans.

M. Azmier : Il y a deux série de chiffres. La première série vise ceux qui jouent de façon générale, la deuxième, ceux qui ont des problèmes de jeu. Ceux qui font partie de ce dernier groupe ont tendance à être des personnes à faible revenu. Il faut toutefois considérer ces chiffres avec prudence. Bon nombre des questions qui permettent de classer les joueurs compulsifs sont liées au revenu. Ces personnes ont probablement des dettes si elle gagne un revenu peu élevé. Les personnes qui ont un revenu élevé sont beaucoup moins susceptibles d'être endettées. Elles jouent peut-être trop, mais elles ne sont pas susceptibles de tomber dans les catégories de description qui sont fournies.

Le sénateur Cools : Il y a beaucoup de personnes prospères qui font des voyages éclairs à Las Vegas, et qui ensuite ne se présentent pas.

Pour revenir à la ventilation par pays et par revenu, je sais que ces personnes touchent un faible revenu. Toutefois, si l'on prend l'exemple de l'Alberta, est-il possible que certains de ces résultats soient liés au fait que l'Alberta demeure une région essentiellement rurale? C'est encore une région pionnière à bien des égards, parce que le jeu, historiquement, a toujours constitué la principale source de divertissement des villes pionnières du Far West. Ce n'est pas tout à fait un stéréotype. Par exemple, dans les collectivités éloignées, qui sont toujours des collectivités pionnières dans un sens, et je pense à Fort McMurray, est-ce que les taux sont plus élevés?

M. Azmier : Le nord de l'Alberta figure en tête de liste, et Fort McMurray aussi. Les personnes qui ont des revenus plus élevés et qui ont accès à moins de sources de divertissement ont tendance à gagner même deux fois plus de revenus avec ces machines. Fait intéressant, Fort McMurray est l'une des villes qui s'est opposée à la présence d'ALV l'ensemble des établissements de la ville, qu'il s'agisse de casinos ou autres.

L'Alberta offre plusieurs attraits uniques. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué en tant que Canadiens. En tout cas, nous, nous l'avons remarqué. Nous avons constaté que, de manière générale, il existe chez les travailleurs de l'industrie du gaz et du pétrole une propension à prendre des risques. Il n'est pas étonnant de voir que cette propension se manifeste dans les activités des jeux de hasard. Le fait de creuser des puits dans le sol à la recherche de pétrole constitue un risque en lui-même, et les travailleurs de l'industrie du gaz et du pétrole ont tendance à figurer parmi ceux qui prennent des risques élevés.

Le sénateur Cools : Beaucoup d'entre eux mènent une vie rude.

M. Azmier : Le jeu en Saskatchewan et au Manitoba atteint presque un sommet.

Le sénateur Cools : Il me semble que le nombre de gens de l'Ouest ou de cette région qui s'adonnent au jeu est plus élevé. Il faut qu'il y ait une explication. Je sympathise avec ces cols bleus. Ils ont une vie particulièrement rude. Des milliers d'entre eux meurent chaque année dans des accidents industriels au Canada, sans compter tous ceux qui sont blessés et demeurent estropiés pour la vie. Il y a deux jours, j'ai entendu dire qu'en Chine, 7 000 travailleurs des mines de charbon sont tués chaque année. La Chine affiche peut-être des nombres plus élevés.

C'est intéressant. Je vous remercie d'en avoir parlé.

Vous êtes en train de nous montrer qu'il existe une foule de renseignements illustrant le besoin de prendre des mesures correctives dont nous ignorions tout. Je vous suis reconnaissante de l'avoir fait.

Le sénateur Eyton : Je connais l'industrie du jeu et j'aime parier. Les généralisations que j'ai entendues ce matin ne correspondent tout simplement pas à ce que j'en sais. C'est un mélange d'un peu de tout. Plus de 90 p. 100 des Canadiens s'adonnent régulièrement au jeu durant l'année. Ils ne jouent pas forcément aux ALV, mais ils achètent des billets de loterie ou vont au casino, à l'hippodrome, ou encore s'adonnent à diverses activités qui sont du jeu pur.

Par ailleurs, il existe des centaines de moyens pour les gens ordinaires de s'adonner au jeu. Ce ne sont pas tous des cols bleus ignorants issus de milieux ruraux ou agricoles. Ce n'est pas vrai. Prenez avec moi le bus qui se rend au casino, de l'autre côté de la rivière. Je vais vous en montrer, moi, des Canadiens ordinaires qui y vont pour se divertir. Ces grandes généralisations sont tout simplement fausses.

Ensuite, j'ai toujours été intrigué par la Canada West Foundation, dont je connais très bien certains fondateurs. M. Jim Gray en a toujours été un fervent partisan et m'en a souvent parlé. Toutefois, j'ai toujours trouvé curieux que la Canada West Foundation ait choisi ce sujet particulier quand il existe tant d'habitudes et de choses de toutes sortes que font les gens avec leur temps, leur argent et leur corps. S'Il fallait que je les classe par ordre d'importance, je placerais la passion du jeu au bas de l'échelle et le tabagisme, l'alcoolisme, la suralimentation ou l'obésité, par exemple, beaucoup plus haut. Pourtant, la Canada West Foundation a décidé d'épouser cette cause il y a longtemps, car M. Gray m'en a parlé il y a probablement dix ans. Je suis donc incrédule, c'est le moins qu'on puisse dire.

J'ai quelques observations à faire. Les provinces réglementent l'industrie et elles le font avec soin. Les exigences sont strictes. Il y a des politiques en place à l'égard des joueurs à problème d'un bout à l'autre du pays.

Nous voilà réunis à Ottawa, certes, mais la compétence en la matière a été cédée aux provinces, et ce sont elles, les expertes de l'industrie. Avant de faire quoi que ce soit dans ce dossier, il me semble qu'il faut d'abord entendre un exposé clair et précis du point de vue des instances provinciales qui connaissent l'industrie et voient à son fonctionnement quotidien.

Pourquoi n'agirions-nous pas ainsi? Pourquoi notre comité ne considèrerait-il pas cela comme faisant partie de son examen?

Ensuite, il est facile de croire qu'en interdisant simplement ces appareils, il y aurait d'autres options et que les effets négatifs seraient négligeables. À mon avis, c'est faux. La raison pour laquelle ils produisent des recettes, c'est que les gens en jouent. Ils y sont habitués, ils le font et cela fait partie de leurs habitudes de divertissement. C'est ainsi qu'ils occupent leurs soirées, si vous préférez, et il existe peut-être des joueurs à problème, mais des politiques sont en place à leur égard. Elles ne sont peut-être pas parfaites, mais elles existent tout de même. Je suis sûr que les effets sont importants, et il faudrait le savoir avant d'entreprendre quoi que ce soit.

Enfin — l'envers de la médaille —, la plupart de ceux que je connais s'assoient à ces appareils, que ce soit dans un casino ou ailleurs, pour s'amuser. Leur nombre est tel que l'industrie l'évalue plus ou moins par le nombre de parties gagnées par jour, par appareil. En règle générale, au Canada, si l'on tient compte des différents emplacements et des diverses compétences, chaque joueur ou chaque épisode de jeu, si vous préférez, représente entre 35 $ et 50 $ ou 60 $ peut-être, par jour. Or, 35 $ ou 50 $, si l'on utilise une moyenne, c'est ce que coûtent une soirée au cinéma, le stationnement, le repas et le retour à la maison. C'est une autre forme de divertissement.

Le dernier point qui me semble contestable est lorsque vous laissez entendre que les seuls opposants au projet de loi à l'étude seraient en fait l'industrie et ceux qui y participent directement. Je ne le crois pas.. Nous devrions entendre des représentants de l'industrie et des Canadiens ordinaires que nous avons essayé de décrire ce matin afin d'avoir une idée de ce qu'ils en pensent.

J'ai l'impression que le projet de loi est arrivé sans tambour, ni trompette. Il a des effets importants et contraires à ce que j'ai entendu ici, aujourd'hui. Je me demande pour quelle raison notre comité ne peut pas en discuter avec les provinces, celles qui ont l'expertise, avec l'industrie, avec certains joueurs capables de mieux nous faire comprendre pourquoi ils s'adonnent au jeu, comment ils le font et quels en sont les effets. Je me suis efforcé de tout ramener à quatre grands points mais, en règle générale, tout cet exercice me rend incrédule.

La présidente : Nous avons écrit aux différents ministres pour leur demander d'envoyer des représentants ou de soumettre des mémoires.

Le sénateur Eyton : Nous ne devrions pas examiner le projet de loi sans les entendre. Nous devrions nous assurer qu'ils viennent témoigner. Les effets du projet de loi sont très importants.

La présidente : Les lettres ont déjà été envoyées, sénateur Eyton, et nous les appellerons au début de la semaine pour leur demander s'ils peuvent venir témoigner.

Le sénateur Cools : Très souvent, et je connais de nombreux présidents qui l'ont fait, on écrit aux divers vérificateurs généraux. Or, ils ne répondent pas à la lettre ou, s'ils le font, c'est pour décliner. Le temps où l'on estimait devoir répondre à l'invitation des comités semble révolu. Je me souviens d'une occasion en particulier, quand on nous a répondu qu'on en discutait déjà avec les fonctionnaires du ministère et qu'on savait ce qu'on faisait. Il faudrait bien insister parce qu'il serait bon qu'on comprenne qu'il faut se présenter devant les comités.

La présidente : C'est ce que dit la lettre qui a été envoyée. Je vais vous en remettre une copie.

M. Azmier : La Canada West Foundation, comme vous le savez peut-être, a un conseil d'administration qui aide à décider des études à effectuer. M. Gray en était le président quand l'étude a été entreprise, et c'est lui qui a convaincu les administrateurs qu'elle était valable. À ce stade-là, son insatisfaction a crû autant peut-être que celle d'autres à l'égard des résultats de la recherche parce que nous n'avions pas emprunté une voie qui menait à des conclusions normatives, c'est-à-dire que nous ne cherchions pas à évaluer si les ALV étaient bons ou mauvais. À vous de voir si vous êtes d'accord en vous référant à la plus grande partie de la documentation que nous vous avons fournie. M. Gray a certes reçu des compliments à l'occasion, mais il tenait à ne pas influencer le résultat de notre travail.

Les effets importants dont a parlé le sénateur — et le projet de loi entraînera des changements, particulièrement dans l'industrie qui profite de la facilité d'accès... Ce que j'en dis, c'est que les gouvernements ont à leur disposition d'autres moyens et qu'ils passeront probablement à d'autres formes de jeu pour en tirer des recettes et qu'ils le font régulièrement depuis plus de quinze ans. Toutefois, il est difficile de dire quel sera l'effet net. Un effet est à prévoir, mais ce sera un effet gérable.

Mon dernier point concerne le nombre de personnes qui s'adonnent régulièrement au jeu, mais qui ne sont pas des joueurs à problème. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des joueurs réguliers ne sont pas des joueurs à problème. C'est ce que la plupart d'entre nous constaterions régulièrement dans les établissements de jeu. La plupart des études, qu'elles soient menées par la Canada West Foundation ou par d'autres, se concentrent sur les 3 ou 4 p. 100 qui ont des problèmes.

[Français]

Le sénateur Lapointe : Est-ce que je peux poser des questions au sénateur Eyton?

La présidente : Non, il faut les poser à M. Azmier. Vous lui parlerez après.

Le sénateur Lapointe : M. Azmier, pour terminer, je n'ai qu'une question à vous poser. Il y a des sujets qui ne m'intéressent pas, comme les pistes de course. Comme le disait le sénateur, ce sont des gens comme lui qui vont aller jouer. Il prend l'autobus pour aller jouer à Rideau Carleton dans les machines à sous et aux chevaux. Ce n'est pas un problème, à mon avis.

Le problème sur lequel on n'a pas insisté suffisamment ce matin, — et ce n'est pas un reproche que je vous fais — c'est celui de l'accessibilité et de la visibilité. C'est un attrait dans nos villes et nos villages pour les jeunes et pour les gens plus âgés. Lorsque le sénateur dit qu'il va au cinéma pour 50 $ ou qu'il va jouer 50 $ dans une machine un soir, c'est son affaire. Mais ceux qui sont accrochés aux vidéopokers vont aller voir un film dans la journée. Ils sont là du matin au soir. Ils peuvent voir 20 films. La différence est là, c'est-à-dire dans l'abus, la visibilité, l'accessibilité, le manque de contrôle et le manque de surveillance. Quand on va jouer au casino, c'est sous surveillance, alors que dans les bars, il n'y a pas de surveillance. La preuve c'est qu'il y a tellement de jeunes dans les bars.

Ma question est la suivante : pensez-vous que les lois sont respectées dans les bars qui sont tenus par des individus parfois louches?

[Traduction]

M. Azmier : Me demandez-vous si je crois que les gens respectent la loi?

La présidente : Si les propriétaires de bars le font.

M. Azmier : Vous m'excuserez de vous faire cette réponse, mais ce n'est pas mon domaine de spécialité. Si vous me demandez ce que je crois, alors, oui, je crois effectivement que les propriétaires de bars respectent probablement la loi. Cela ne signifie pas que tous le font. Je n'en sais tout simplement rien. D'après les études effectuées, les propriétaires de bars ne seraient pas d'accord avec la loi, mais ce n'est pas une question que j'ai étudiée.

Vous avez dit que la question de l'accessibilité et de la visibilité n'avait pas été suffisamment étudiée. Ni la Canada West Foundation, ni moi n'avons cherché à savoir ce qui, dans l'ALV, attire le joueur. Je peux vous résumer certains autres travaux menés et vous fournir des exemplaires d'études connues, mais je vous demanderais certainement de vous renseigner davantage. Tout ce que j'en sais, c'est qu'un des facteurs contribuant au problème est que ceux qui tentent de cesser de jouer peuvent se faire interdire l'entrée dans les casinos, mais qu'il n'existe pas de pareilles listes pour les bars ou les ALV. Ce sont ceux, et vous les avez probablement rencontrés aussi bien que moi, auxquels les membres de la famille d'un suicidé ou les survivants de suicide ont parlé du problème et qui affirment ne pouvoir se faire mettre à la porte des bars, de sorte qu'ils continuent d'y aller pour s'adonner à leur passion. Ce sont les seules expériences personnelles dont je peux parler.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous dire quel genre d'intiatives vous avez prises pour attirer l'attention du gouvernement de l'Alberta sur vos études ou dois-je supposer au départ que le gouvernement suit vos travaux?

M. Azmier : Nous avons constamment distribué tous nos rapports à tous les gouvernements et nous leur avons fait plusieurs exposés.

En raison de notre désir de diffuser l'information et de conserver notre désignation en tant qu'oeuvre de bienfaisance, nous n'avons pas milité pour un côté ou pour l'autre dans ce dossier. L'information a été fournie aux divers groupes pro et anti-jeu en vue de les aider à présenter des idées. C'est plutôt nous qui avons été déçus de n'être pas allés plus loin, mais d'autres personnes motivées par nos travaux reprennent nos idées et les présentent comme les leurs ou, parfois, nous en accordent le crédit. Ce ne fut pas forcément fait pour faire changer la politique, mais plutôt pour jeter un certain éclairage sur un certain aspect. Voilà le travail que nous avons entrepris et auquel nous nous sommes limités. Si vous examinez les conclusions, il y est question de coups de barre qui s'imposent selon nous, mais nous n'avons rien fait de plus que ce que nous faisons habituellement. Nous n'avons pas essayé d'aller plus loin. Je n'ai pas rencontré un seul ministre responsable du jeu. Nous avons envoyé l'information, et ils y ont réagi en faisant surtout connaître les problèmes que leur pose la question, par l'intermédiaire des médias. Nos travaux comportent plusieurs points susceptibles d'intéresser le gouvernement fédéral et le ministère de la Justice. Nous leur avons demandé de faire un examen annuel ou l'étude nationale qu'ont faite d'autres pays. Nous aimerions que le ministère de la Justice le fasse parce qu'il touche des recettes du jeu. Vous êtes au courant de l'argent qui est transféré au gouvernement fédéral. Nous aimerions qu'un examen de cette question ait lieu, mais là se limitent nos travaux.

Le sénateur Eyton : Je reconnais que la gouvernance et la réglementation sont problématiques. En fait, les mineurs et les accros qui, comme vous l'avez souligné, ne représentent qu'une très faible minorité nous préoccupent. Est-il possible, selon vous, plutôt que d'interdire les appareils, de nous doter d'une meilleure structure ou d'une meilleure réglementation qui, à l'instar de ce qui existe pour la consommation d'alcool et diverses autres activités, nous permettrait de régler le problème posé par les mineurs et les joueurs toxicomanes?

M. Azmier : Oui. C'est ce que votre projet de loi tente de faire, selon moi. On ne cherche pas à éliminer tous les jeux d'argent ou à interdire les appareils, mais plutôt à les déplacer dans des endroits où il serait plus facile de les réglementer. C'est ainsi que je le comprends.

Le sénateur Eyton : Vous proposez de les limiter aux hippodromes et aux casinos. Le nombre de ceux-ci est limité, et ils ne se trouvent pas à proximité de la plus grande partie de la population. Je connais particulièrement l'Ontario. Le nord de l'Ontario serait en grande partie exclu. Il existe quelques petits casinos dans cette région, mais il n'y en a que six dans toute la province.

Pouvez-vous concevoir une structure dans laquelle il serait possible aux propriétaires de lieux qui ne sont pas des hippodromes ou des casinos de surveiller pour empêcher les mineurs et les joueurs toxicomanes de jouer?

M. Azmier : Je conçois certes que ce soit possible, et je crois que c'est ce que me demandait le sénateur Lapointe quand il voulait savoir si je croyais que les propriétaires de bars respectaient la loi.. Je ne sais pas s'ils la respectent. Les lieux sont censés être d'accès restreint et l'expérience, mes observations en fait, me fait croire que le problème des jeunes ne se pose pas dans les lieux où je suis allé. Je ne me suis pas rendu au Québec pour étudier cette activité. Il y aura d'autres options que les hippodromes et les casinos, probablement des solutions que j'ai vues ailleurs. Certains lieux pourraient aussi se transformer en établissements consacrés uniquement au jeu et seraient désignés comme tels. Je suis sûr qu'ils souhaitent conserver les recettes tirées d'activités semblables au jeu. Je ne suis pas sûr que la loi permette de le faire, mais j'y vois une possibilité.

Le sénateur Joyal : J'aurais une autre question à poser, dans la foulée de la question et de la réponse que nous venons d'entendre. Si j'ai bien compris l'amendement que nous examinons, le vidéopoker serait limité au casino, à l'hippodrome ou à la salle de paris mentionnée à l'alinéa 204(8)e) du Code criminel et définie comme étant un lieu où est autorisée et régie :

[...], notamment par la délivrance de permis, la tenue de paris mutuels, et [où sont déterminées] les conditions relatives à la tenue de ces paris, par une association dans une salle de paris lui appartenant, ou louée par elle, dans toute province où le lieutenant-gouverneur en conseil, ou toute personne ou tout organisme provincial désigné par lui a, à cette fin, délivré [...] un permis...

En d'autres mots, la salle est autorisée. Même s'il n'y a pas d'hippodrome ou de casino, et les hippodromes se font rares au Canada, le gouvernement provincial peut autoriser une salle pour la tenue de paris. On n'interdit donc pas complètement les jeux dans les diverses régions où il n'y a pas d'hippodrome ou de casino. C'est ainsi que j'ai compris ce que tentait de faire le sénateur Lapointe, si je puis apporter une précision à l'intention du sénateur Eyton.

La présidente : S'il n'y a plus de question, chers collègues, le comité va ajourner ses travaux jusqu'à mercredi prochain.

La séance est levée.


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