Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 5 - Témoignages du 2 février 2005


OTTAWA, le mercredi 2 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, a qui a été renvoyé le projet de loi C- 304 visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Battle River, et le projet de loi C-302 visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Kitchener—Wilmot—Wellesley— Woolwich, s'est réuni aujourd'hui, à 16 h 10, pour examiner les projets de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-304, visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Battle River, ainsi que le projet de loi C-302, visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich.

Nos témoins sont M. John Reynolds, le parrain du projet de loi C-304 à la Chambre des communes, de même que M. Lynn Myers, député de Kitchener—Wilmot—Wllesley— Woolwich.

L'honorable Lynn Myers, député de Kitchener—Wilmot— Wellesley—Woolwich et parrain du projet de loi C-302 à la Chambre des communes : Madame la présidente, honorables sénateurs, je veux vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Comme vous pouvez le constater, le nom de ma circonscription suscite quelques difficultés.

Après le redécoupage, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales a décidé, dans sa grande sagesse, de donner à la nouvelle circonscription que je représente au Parlement le nom « Kitchener—Conestoga » pour les dernières élections. Les candidats de tous les partis politiques, dont je faisais partie, ont mené leur campagne en utilisant ce nom. Par la suite, nous avons découvert qu'un projet de loi concernant la modification de ce nom avait été adopté par la Chambre des communes et par le Sénat. Or, ce projet de loi comprenait une erreur. En effet, on avait discuté de la substitution du nom « Kitchener—Conestoga » au nom « Kitchener—Wilmot— Wellesley—Woolwich », mais cette suggestion n'avait pas été retenue, le nouveau nom ayant été jugé trop long. J'ai donc cru comprendre à l'époque que cette circonscription électorale continuerait de s'appeler « Kitchener—Conestoga », soit le nom dont il avait été convenu.

Je dois admettre, madame la présidente, que j'ai été fort surpris d'apprendre que le nom de la circonscription électorale avait été modifié. Je n'ai pas l'intention de faire de reproches à qui que ce soit, ni de m'étendre sur les raisons qui expliquent ce changement. Je vous demande simplement, honorables sénateurs, de m'aider à corriger cette erreur et à redonner à la circonscription électorale le nom qui avait été prévu, c'est-à-dire « Kitchener—Conestoga ».

Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Nous allons entendre l'exposé de M. Reynolds puis nous poserons nos questions.

L'honorable John Reynolds, député de West Vancouver— Sunshine Coast—Sea to Sky country, et parrain du projet de loi C-304 à la Chambre des communes : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis heureux de comparaître devant vous.

Je viens de quitter mes fonctions de leader parlementaire de l'opposition officielle et, en cette qualité, j'ai parrainé le projet de loi C-304. Je représente aujourd'hui David Chatters, le député de cette circonscription électorale. M. Chatters vous prie d'accepter ses excuses; il ne peut être ici aujourd'hui car il est malade.

L'adoption de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, ou le projet de loi C-5, a donné lieu à la création de la nouvelle circonscription de Westlock—St. Paul, qui comprend certaines régions d'Athabasca, d'Elk Island, de St. Albert, de Yellowhead et surtout de Lakeland, dont la circonscription est en grande partie consituée. Les autres régions de Lakeland, de même que les nouveaux territoires qui leur ont été associés ont reçu le nom de « Vegreville—Wainwright ». Leon Benoit, député de Lakeland, a proposé que le nom de la circonscription de « Vegreville—Wainwright » soit remplacé par un nom plus simple, celui de « Battle River ».

Le 23 février 2005, le gouvernement a déposé le projet de loi C-20 qui a reçu l'appui de tous les partis et qui a été adopté rapidement par la Chambre des communes. Je sais que le Sénat éprouve quelques difficultés par rapport au projet de loi et que votre comité s'est réuni à trois reprises pour en discuter.

Malheureusement, peu après les élections, nous avons découvert que le projet de loi C-20 contenait une erreur. En effet, c'est le nom de la circonscription électorale de « Westlock—St. Paul » et non celui de la circonscription électorale de « Vegreville—Wainwright » qui a été remplacé par « Battle River ». Or, conserver le nom de « Battle River » équivaudrait à donner à la circonscription électorale d'Ottawa-Centre le nom de « chutes Niagara ». En effet, ce nom est celui d'un lieu d'intérêt qui ne se trouve pas dans les limites de la circonscription électorale.

Lorsque nous avons découvert l'erreur, David Chatters et moi avons travaillé avec le leader parlementaire du gouvernement en vue d'apporter les corrections nécessaires. Malheureusement, il nous a fallu six mois pour arriver au point où nous en sommes.

M. Chatters a expliqué la situation à Jean-Pierre Kingsley, le directeur général des élections. M. Kingsley s'est engagé à n'imprimer aucun document officiel de la circonscription avant que le projet de loi ne soit adopté. Nous vous demandons d'appuyer le projet de loi pour que la circonscription électorale reçoive de nouveau le nom de « Westlock—St. Paul. »

Le sénateur Joyal : Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Reynold et Myers.

Monsieur Reynolds, je veux vous féliciter pour tout le travail que avez fait comme leader parlementaire de l'opposition. Bien que nos Chambres soient distinctes, nous observons parfois ce qui se passe dans l'autre endroit. Je sais que vous avez occupé des fonctions difficiles. Comme parlementaires, nous sommes très reconnaissants lorsque nos collègues consacrent leur énergie, leur talent, leur connaissance et leur expérience à la bonne marche du Parlement, et je crois que vous l'avez fait. Comme parlementaire, je l'apprécie.

D'après vos exposés, les deux projets de loi dont nous sommes saisis découlent d'erreurs contenues dans un autre projet de loi que nous avions adopté. Je me dois de répéter l'opinion que notre comité a exprimée à plusieurs reprises pendant de nombreuses années. En effet, j'ai ici un rapport de notre comité qui remonte à l'an 2000 et qui recommande que soient adoptées des règles de procédure applicables aux modifications de noms des circonscriptions électorales lorsque ces modifications sont effectuées en dehors du processus normal de délimitation des circonscriptions électorales.

Je souhaite que ce projet de loi soit adopté car il réduirait le nom des circonscriptions concernées et parce que l'un des noms désigne un lieu qui se trouve à l'extérieur des limites de la circonscription. Cependant, j'estime que notre comité devrait réitérer sa recommandation voulant qu'un processus soit établi dans les cas où le Parlement modifie le nom de circonscriptions électorales.

J'appuie votre demande sans réserve, pourvu que le comité répète les recommandations qu'il a faites lorsqu'il a été saisi d'une telle demande dans le passé.

La présidente : Nous allons entendre M. Kingsley, qui n'a pas pu témoigner aujourd'hui. Nous allons également lui en faire part.

Le sénateur Joyal : Nous aurons d'autres questions à lui poser.

M. Reynolds : Je vous comprends tout à fait. M. Kingsley a témoigné devant l'autre endroit et nous lui avons demandé de nous faire des recommandations. Nous croyons que le processus qui s'applique lorsqu'il s'agit de modifier le nom de circonscriptions électorales est tout à fait inadéquat.

La dernière fois que l'on a voulu changer le nom de ma circonscription, la modification n'a pu être adoptée à temps alors nous avons dû mener notre campagne électorale en utilisant l'ancien nom de circonscription. Les gens de la circonscription ne comprennent toujours pas pourquoi le nom contient les mots « Sea to Sky Country » à la fin puisque nous ne les avons pas utilisés lors de la dernière campagne électorale.

Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a demandé à M. Kingsley d'examiner le processus et de faire des recommandations. Tous les partis représentés à la Chambre des communes vous seront très reconnaissants des efforts que vous déploierez pour inciter M. Kingsley à travailler plus rapidement.

Le sénateur Mercer : Je crois que vous pouvez compter sur nous; nous allons tenter de faire en sorte que plusieurs des dossiers de M. Kingsley progressent plus rapidement.

Verrons-nous d'autres projets de loi semblables? Vos deux partis et tous les députés ont-ils examiné les modifications qui ont été adoptées afin de vérifier qu'elles reflètent bien les changements qui, selon eux, étaient prévus? Nous sommes saisis de projets de loi découlant de deux erreurs. Est-il possible qu'il existe d'autres erreurs?

Je suis le parrain du projet de loi C-302, qui a pour objet la modification du nom de la circonscription de M. Myers. J'appuie les deux projets de loi, mais j'aimerais en apprendre davantage sur le processus qui est en vigueur dans l'autre endroit.

M. Reynolds : Les leaders parlementaires ont demandé aux députés de leur parti si d'autres changements devaient être apportés. Ce sont les seuls qui ont été mentionnés.

M. Myers : Je le confirme. Selon moi, il n'existe aucune autre erreur semblable à celle dont vous êtes saisis.

Le sénateur Nolin : Comme vous le savez, le processus d'examen des limites des circonscriptions électorales est tout à fait différent du processus qui s'applique au nom des circonscriptions.

Un député qui demande que soit ajouté le nom d'un village ou d'une région à celui de sa circonscription peut sembler agir par caprice. C'est cela qui nous préoccupe lorsque nous parlons de processus. Nous reconnaissons qu'il est légitime de vouloir qu'une circonscription porte un nom qui soit reconnu par le plus de commettants possible. Néanmoins, nous avons parfois l'impression que les modifications du nom de circonscriptions sont prises à la légère.

Comme nous bénéficions aujourd'hui de la présence de deux représentants respectables de l'autre endroit, nous aimerions connaître votre opinion. Devrions-nous simplement céder aux souhaits des députés, ou devrions-nous plutôt nous doter d'un processus plus systématique applicable à la modification du nom des circonscriptions?

M. Reynolds : Je peux m'exprimer en qualité de leader parlementaire.

Le sénateur Nolin : C'est tout à fait ce que voulait dire mon collègue le sénateur Joyal.

M. Reynolds : Selon mon expérience, à chaque nouvelle législature, on demande aux députés si des changements doivent être apportés mais ils doivent mener une lutte au sein de leur propre parti pour en arriver là. Le Sénat peut jouer un rôle très utile en étudiant ce processus indépendant qui conduit au choix des circonscriptions et de leur taille. À l'heure actuelle, ma circonscription est la plus grande du pays. Je crois que ma province aurait dû obtenir un siège de plus. Même si c'était le cas, nos circonscriptions seraient plus grandes que celles d'autres provinces. Par conséquent, je dois faire cinq heures de voiture et prendre deux traversiers pour me rendre dans une région qu'on peut atteindre en 20 minutes en hydravion. On a retiré de ma circonscription une petite partie de Pemberton, qui se trouve au nord de Whistler, et on a ajouté 10 000 commettants de North Vancouver. Une partie de la région de Pemberton est allée à Chuck Strahl, qui représente la région de Chilliwack jusqu'à la frontière. Il doit faire treize heures et demie de voiture pour traverser sa circonscription. Les gens de Pemberton ont de la chance s'ils le voient une fois par année. Pemberton est une ville-dortoir par rapport à Whistler. On n'aurait pas dû retirer cette région de ma circonscription. Nous l'avons dit aux personnes concernées. Nous avons témoigné devant un comité parlementaire. Tous les partis se sont ralliés derrière moi. Pourtant, bien que j'aie expliqué à la commission indépendante les changements qui allaient être apportés à l'aide d'une carte, les membres de la commission n'ont écouté aucune des recommandations du comité parlementaire, et ce, pour une raison que j'ignore. Selon moi, c'est inacceptable. Nous devrions exercer un plus grand contrôle à cet égard.

Je constate que dans notre Chambre, et c'est sûrement la même chose pour vous, lorsque les leaders parlementaires se réunissent, ils parviennent souvent à un consensus fondé sur la logique. En 1972, je représentais une circonscription portant un nom de « Burnaby—Richmond—Delta ». Elle comprenait toute la région de Richmond et toute celle de Delta. Si vous connaissez bien la Colombie-Britannique, vous savez sans doute que le fleuve Fraser sépare ces deux régions de Burnaby. Je devais traverser deux autres circonscriptions pour me rendre à Burnaby. C'était tout à fait illogique. J'ai posé la question de savoir pourquoi cette délimitation avait été retenue. Les responsables se sont contentés de consulter une carte. Ces régions semblent rapprochées lorsque que l'on regarde la carte. Je crois que c'est ainsi que l'on prend des décisions parfois; elles ne sont pas toujours logiques. La façon dont on a procédé en Colombie- Britannique la dernière fois a mené à des résultats inacceptables. On se demande parfois d'où vient le sentiment d'aliénation de l'Ouest. Je peux vous dire que les gens de là-bas se demandent pourquoi leurs circonscriptions sont si vastes comparées à celles du reste du Canada.

Le sénateur Nolin : C'est exactement ce qu'il nous faut, un processus à la fois indépendant et crédible qui permette aux Canadiens de bénéficier de l'un des éléments fondamentaux du processus électoral et de faire en sorte que cet élément soit juste et efficace. Je me souviens d'une situation semblable en ce qui concerne le mot « Toronto » qui est survenue il y a quelques années. Il s'agissait de déterminer quelles circonscriptions pourraient porter le nom de « Toronto ». Ce nom allait-il être attribué à toutes les circonscriptions de cette région ou seulement à celles ayant exercé assez de pressions pour l'obtenir? Je crois que vous me comprenez très bien. Nous voulons qu'il y ait un processus tel que nous l'avons décrit. Nous ne voulons pas que ce processus favorise seulement les circonscriptions capables d'exercer assez de pressions pour avoir gain de cause. Cela nous paraît injuste. Je peux vous poser une question sur ce sujet si vous le souhaitez. Je suis certain que vous souscrivez à mes propos. Vous voulez un processus qui soit juste, et nous le voulons aussi. Nous voulons éviter qu'il existe un processus en vertu duquel nous serions saisis de demandes émanant d'un député qui souhaite que le nom d'un petit village soit ajouté au nom de sa circonscription. Il existe une limite concernant le nombre de caractères, grâce à l'informatique. Sinon, le nom de certaines circonscriptions compterait deux lignes.

Le sénateur Prud'homme : Je ne suis pas membre du comité, ainsi je remercie les membres du comité de leur courtoisie. J'ai attendu la fin de la séance. Je veux faire écho aux propos du sénateur Joyal. Je veux parler du fait que vous ayez annoncé, monsieur Reynolds, que vous quittez vos fonctions et que vous ne vous porterez pas candidat. Je veux que tous les Canadiens sachent que j'ai toujours eu beaucoup de respect et d'amitié pour vous et pour votre femme, qui a fait un excellent travail, de même que pour vos enfants, dont l'un est un étudiant universitaire fort prometteur. Il s'appelle Christopher. Je voulais m'exprimer en public. Je regrette énormément que vous ayez pris cette décision. Vous allez nous manquer, mais ce ne sera probablement pas le cas des journalistes, car vous avez toujours su leur répondre de façon admirable.

La question dont nous discutons m'intéresse depuis 40 ans et concerne de près la réforme électorale et les déficits politiques. Je reviens à peine du Mexique. Si nous adoptions un système politique comme le leur, je crois que ce serait la pagaille dans notre pays. Nous avons l'un des meilleurs systèmes politiques.

Cela étant dit, je ne me prononce pas contre les projets de loi dont nous sommes saisis, mais je ne dirai pas non plus que j'y suis favorable, car je ne peux pas voter. En revanche, je vous demande si le temps n'est pas venu de revoir la façon dont nous faisons les choses. Il s'agit d'une vieille tradition. La loi électorale stipulait à une certaine époque que nous ne reconnaissions pas les partis politiques. On parle d'une époque révolue. Les partis politiques n'existent pas. Maintenant ils existent. Les députés n'existaient pas, ils portaient le nom de leur circonscription. J'ai à l'esprit deux noms de circonscriptions francophones qui sont très difficiles à prononcer pour le Président, et j'imagine qu'il doit être difficile pour le Président de dire qu'il donne la parole à l'honorable député de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich.

Je suis généralement en faveur des réformes et je me demande si on a déjà envisagé la possibilité d'appeler les députés par leur nom. Ce serait sûrement plus facile pour le Président de se souvenir du nom des députés que du nom de leur circonscription. Je m'interroge pour l'avenir.

Je voudrais aussi reconnaître le travail de M. Myers qui s'intéresse beaucoup à Cuba, un pays qui me plaît énormément.

M. Reynolds : Merci de vos observations. Je ne vois aucun problème à ce que l'on appelle les députés par leur nom. Ce serait plus facile pour le Président. Le nom de ma circonscription, West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, est probablement plus facile à prononcer en anglais qu'en français. Vous trouveriez peut-être utile de lire les transcriptions des témoignages de M. Kingsley devant la Chambre. Ainsi, nous lui avons demandé si les directeurs de scrutin ne devraient pas être embauchés à longueur d'année afin qu'ils puissent s'occuper des dossiers dans leur circonscription. J'ai engagé deux directeurs de scrutin lors des deux dernières élections, car l'un d'eux a démissionné. La dame qui l'a remplacé a fait un excellent travail, mais je crains qu'elle ne veuille plus assumer ces fonctions. Je la connais bien, et je sais à quel point elle a été mécontente de ne pas recevoir des ordinateurs ou des listes à temps, de constater certaines erreurs. J'ai trouvé la réponse de M. Kingsley fort intéressante. Je lui ai demandé pourquoi ne pas envisager de maintenir en poste un bureau dans chaque province. Il m'a répondu que cela coûterait très cher. Je crois qu'il a plus de 300 employés à Ottawa. Si tout ce personnel était réparti dans dix bureaux comptant 30 employés chacun, nous pourrions avoir un meilleur système. Nous lui avons demandé d'étudier cette possibilité et les coûts qu'elle entraînerait.

Nous devons étudier tout le système, car s'il devait y avoir une élection demain, ce serait le fouillis général. Personne ne souhaite qu'il y ait des élections bientôt. Cela étant dit, le système est inacceptable. Il convient bien aux députés sortants. Je crois même l'avoir déjà qualifié de loi une protection des députés sortants. Ceux qui ont déjà été candidats savent comment se préparer à une élection. Ils savent ce que leur système leur permet et ne leur permet pas de faire, mais c'est difficile pour leurs adversaires. Cette fois-ci, j'avais les cartes nécessaires, mais je ne les ai pas reconnues. Elles contenaient toutes des erreurs.

Je suis allé la semaine dernière aux bureaux du Parti libéral provincial de la Colombie-Britannique et j'ai regardé le système prévu pour les prochaines élections. Ils ont des cartes coloriées pour chaque circonscription. C'est un outil remarquable. Tout est fait par ordinateur. Tout est organisé. Les parties d'opposition ont accès aux mêmes renseignements auprès du gouvernement. Nous sommes loin de cela. On nous donne des documents en blanc et noir qui n'ont ni queue ni tête.

Je n'arrive pas à savoir comment me rendre en voiture à North Vancouver pour trouver la limite de ma circonscription car les plans qu'on m'a fournis étaient tout à fait farfelus. Il y avait quelques petites barres par-ci par-là et quelques indications de maison. Les électeurs ne savaient absolument pas pour quoi ils devaient voter. Il faut examiner l'ensemble du système. Il est grand temps qu'on le fasse et qu'on y apporte de sérieux changements.

Le sénateur Kinsella : Bien sûr, les projets de loi dont nous sommes saisis ne portent que sur les noms ou les erreurs dans les noms. Je pense que tout le monde s'accorde à dire ici que nous pouvons régler cela rapidement. Si l'on parle d'autre chose, c'est parce que nous accueillons deux distingués députés de l'autre Chambre. En outre, au Sénat, nous sommes saisis d'un projet de loi qui vise à redresser une erreur après que la Cour fédérale a adjugé que la Commission avait fait une erreur monumentale dans le cas des circonscriptions d'Acadie— Bathurst et de Miramichi, en déplaçant des villages entiers d'une circonscription à l'autre sans souci de respecter les critères prévus dans la loi, entre autres la communauté d'intérêt. En l'occurrence, un élément de la communauté d'intérêt portait nettement sur la langue. La commission a fait une erreur.

On pourrait prétendre que si seulement quelques erreurs de noms se glissent, et ce pourrait être des coquilles dans l'établissement des limites électorales, si seulement deux ou trois erreurs sont commises sur 308 circonscriptions, le système n'est peut-être pas si mauvais. Toutefois, je suppose, que c'est là regarder les choses par l'envers de la lunette.

Je reviens aux projets de loi que nous étudions aujourd'hui. Monsieur Myers, vous avez aiguisé notre appétit et vous nous avez laissés en plan, quand vous avez parlé du résumé, et sans nommer de noms, expliquez-nous comment cette erreur est arrivée dans votre circonscription.

M. Myers : On était en train de discuter de Kitchener— Wilmot—Wellesley—Woolwich et à ce moment-là, le leader du gouvernement à la Chambre a cru que ce nom devait être approuvé, alors que je n'en savais rien. Malheureusement, c'est exactement ce qui s'est produit et je le déplore. Je me tourne vers vous, sénateurs, honorables sénateurs, pour corriger cette erreur.

Le sénateur Kinsella : Je pense que nous sommes prêts à le faire.

Le sénateur Mercer : Je ne veux pas que vous pensiez que je défends Jean-Pierre Kingsley parce que ce n'est pas du tout mon intention.

Monsieur Reynolds, vous avez parlé de cartes. Pendant neuf ans, j'ai été directeur national du Parti libéral du Canada et, avec des représentants de l'Alliance canadienne, du Parti conservateur et d'autres partis reconnus, nous rencontrions régulièrement M. Kingsley au sein d'un comité qui conseille les partis politiques sur la façon de communiquer avec M. Kingsley. Lors de ces séances d'information, j'étais frappé par la qualité des documents qui venaient du service de cartographie. Le problème tient du fait qu'ils sont logés à l'édifice Jackson et ils font un travail intéressant et sophistiqué. Quant à nous, les dirigeants, nous pensions que c'était plutôt bon. Toutefois, au niveau de la circonscription, on ignore l'existence de ce travail et on ne sait pas s'en servir. C'est une des choses que nous allons signaler à M. Kingsley.

Deuxièmement — et ceux qui assistent aux réunions de comité m'ont déjà entendu dire cela à M. Kingsley —, les pratiques d'embauche à Élections Canada sont telles qu'il leur faut retenir des gens qui acceptent de renoncer à leur affiliation de parti. Toutefois, selon moi, il leur faut embaucher des gens qui ont une expérience politique pratique, qui peuvent avoir travaillé pour le Parti conservateur, l'Alliance canadienne, le Parti libéral ou le Bloc québécois. Peu importent leurs antécédents, il est plus important que ces gens aient une expérience pratique, de première main, quant à la façon de mener des élections au niveau de la circonscription, et qu'ils comprennent que si l'on supprime une petite partie d'une circonscription au nord de la Colombie-Britannique, cela a une énorme incidence sur la façon de mener les élections et sur la façon dont les électeurs sont représentés. Sauf le respect que je dois à mon collègue, à ce moment-là, les électeurs ne sont peut-être pas aussi bien représentés qu'auparavant à cause de cette modification aux limites des circonscriptions. C'est après coup qu'on se rend compte qu'il faut respecter la communauté d'intérêt.

Je souhaiterais que nous discutions de ces difficultés aujourd'hui, mais je suppose qu'il faudra attendre. Nous partageons tous ces préoccupations avec Élections Canada.

M. Reynolds : Permettez-moi de faire une brève remarque. Je suis d'accord avec vous. La directrice du scrutin de ma circonscription cette fois-ci avait été, il y a des années, la directrice de ma campagne provinciale et elle connaissait bien la circonscription. J'ai présenté son nom à M. Boudria quand il cherchait des candidats alors qu'il ne pouvait rien obtenir auprès de son propre parti. Elle est excellente, sans esprit de partisanerie, et je ne pense pas que les autres partis auraient eu quoi que ce soit à redire sur sa façon de travailler.

Je tiens à ajouter, à propos de cette question, que le Sénat a par le passé produit d'excellents rapports. Je me souviens du sénateur van Roggen, quand j'étais sur la colline dans les années 70, qui a préparé un rapport sur le libre- échange, très novateur à l'époque mais très bien fait par le Sénat et prisé par de nombreux gens d'affaires au pays.

Si le Sénat entreprenait d'étudier notre façon de procéder en l'occurrence et de faire des recommandations, j'en serais tout à fait ravi. Vous ne faites pas face aux mêmes difficultés que nous dans l'autre Chambre, face à ce que fait le gouvernement de l'heure. Vous pouvez établir votre calendrier et vous servir de gens compétents qui ont de l'expérience, pour vous-mêmes et d'autres partis, et ainsi un comité pourrait faire des recommandations musclées. Si vous lisez le rapport de M. Kingsley, vous y trouverez certaines pistes. Je ne parle pas au nom de mon parti en ce moment. Je vous donne mon avis personnel. Il y a au Sénat des gens compétents qui ont une bonne expérience politique. Vous pourriez nous donner des idées sur la façon de résoudre ces problèmes. Les députés sont trop occupés à se soucier des élections suivantes et ils n'arrivent pas toujours à résoudre les problèmes. M. Kingsley fait du bon travail. Il a une tâche difficile. Il faut qu'il prépare les prochaines élections. Comment alors résoudre les problèmes de l'heure?

Le sénateur Prud'homme : Il y a un poste à combler au Sénat pour la Colombie-Britannique.

La présidente : Y a-t-il d'autres questions, sénateurs?

Le sénateur Ringuette : Je voudrais faire une remarque. Monsieur Reynolds, je ne peux pas m'empêcher de vous dire ceci. Je vous remercie de dire que le Sénat est tout à fait indiqué pour étudier les limites des circonscriptions électorales et la façon dont les élections sont menées à bien, même si nous ne sommes pas élus. Je vous remercie de le dire. Merci.

Le sénateur Prud'homme : Il n'a jamais attaqué le Sénat.

La présidente : Avant d'adopter ces trois projets de loi, il va nous falloir étudier le projet de loi C-36. Ce sera la semaine prochaine, le 9 février.

M. Kingsley va venir témoigner le 16. Le 9 février, nous étudierons le projet de loi C-36. M. Bélanger sera notre témoin et une fois cela fait, nous allons aller de l'avant. Il nous faut entendre M. Kingsley d'abord. D'autres membres du comité ont demandé qu'il comparaisse.

M. Reynolds : Merci.

Le sénateur Joyal : Je dois des explications à nos témoins d'aujourd'hui. Une des raisons principales pour lesquelles je souhaite entendre le témoignage de M. Kingsley, c'est à cause des affirmations qu'il a faites devant le comité de la Chambre des communes. Comme vous l'avez dit, et comme ma collègue, le sénateur Ringuette l'a répété, les sénateurs sont nommés mais nous sommes nombreux à avoir une expérience pratique du domaine électoral car nous avons à un moment donné été élus à une charge publique quelconque ou nous avons participé à la vie d'un parti politique. Nous abordons notre travail de sénateurs de façon plus objective et non exclusivement suivant nos allégeances partisanes. Nous sommes conscients de l'interaction entre les deux Chambres et, bien sûr, nous surveillons et nous prenons en compte l'initiative de la Chambre des communes dans le processus électoral. Toutefois, c'est quand les deux Chambres font cause commune que la sagesse triomphe et qu'en fin de compte, la démocratie est mieux servie au Canada. Essentiellement, nous avons le souci de veiller à ce que les électeurs participent au processus électoral. C'est ce que nous recherchons dans une telle initiative.

Nous tenons donc beaucoup à entendre M. Kingsley. Nous lisons ce qu'il dit lorsqu'il témoigne à la Chambre des communes; et lorsqu'il viendra ici, nous serons mieux à même de voir comment nous pourrons contribuer à son travail.

La présidente : Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer; Nous communiquerons avec vous sous peu.

M. Reynolds : Merci.

La présidente : Honorables sénateurs, cela conclut notre ordre du jour pour aujourd'hui. Demain, nous examinerons le projet d'ordre du jour. Voulez-vous attendre à demain ou avez-vous le temps d'en parler aujourd'hui? Je m'en remets à vous.

Le sénateur Joyal : Je suis prêt.

Le sénateur Andreychuk : Je pense que nous sommes prêts, mais y a-t-il des membres du comité qui avaient l'intention d'être ici demain? Je ne voudrais pas causer préjudice à ceux qui ne sont pas ici.

La présidente : Le sénateur Milne devait être ici demain. Nous pouvons attendre à demain matin.

Le sénateur Andreychuk : Nous pouvons le faire maintenant. Cela ne fera aucune différence pour nous, alors nous sommes prêts à le faire. Quelqu'un veut-il commencer? Le sénateur Milne est membre à part entière du comité?

La présidente : Elle est membre à part entière. C'est votre décision, sénateur, pas la mienne.

Le sénateur Joyal : Qu'est-ce que vous nous proposez comme ordre du jour?

La présidente : L'ordre du jour que nous avons devant nous.

Le sénateur Joyal : Je pense qu'il nous serait tous utile de connaître...

La présidente : Où nous nous en allons.

Le sénateur Joyal : ...l'ampleur de la tâche — qui semble croître chaque jour que le Sénat siège, alors qu'on nous renvoie un autre projet ou une autre question.

La présidente : Très bien. Nous sommes en train de terminer notre étude du projet de loi S-11 du sénateur Lapointe sur les loteries, et nous avons reçu des réponses de quelques provinces, mais pas de toutes. Je pense que vous avez tous les documents en main; ils ont été distribués aux membres du comité. Nous devrions attendre d'avoir reçu la plupart des réponses des provinces. Il en manque toujours, alors nous devrions attendre avant d'en parler.

Le sénateur Joyal : Avez-vous une idée du nombre de réponses que nous avons reçues? Je n'ai pas mon dossier avec moi.

La présidente : Nous n'en avons reçu que quelques-unes. Certains ont dit : « Nous ne nous occupons pas de cette question; c'est notre collègue qui s'en occupe », de sorte que nous devons attendre. Il y a encore de nombreuses réponses à venir. Le Québec n'a pas encore répondu, et d'autres provinces examinent toujours la question et nous répondront plus tard. Vous en avez tous un exemplaire dans votre bureau.

Je pense que nous serions mieux à même de parler de la position des provinces sur le S-11 lorsque nous aurons leurs réponses. Par ailleurs, il y a M. Bill Rutsey, un comptable agréé et un spécialiste de l'industrie du jeu, qui comparaîtra devant le comité le 24 février; il ne pouvait pas comparaître avant cette date.

Nous avons examiné aujourd'hui les projets de loi C-302 et C-304, mais, comme je l'ai dit, le C-36 sera examiné la semaine prochaine, et M. Bélanger comparaîtra devant notre comité. Ensuite, le 16 février, M. Kingsley, le directeur général des élections, sera disponible pour comparaître.

Nous avons le projet de loi S-5 du sénateur Banks, de sorte que nous entendrons ce dernier au sujet de son projet de loi la semaine prochaine. Nous avons également un projet de loi sur les limites des circonscriptions électorales qui nous a été renvoyé, soit le projet de loi C-36, et le projet de loi S-13, le projet de loi du sénateur Oliver concernant la présidence du Sénat; et nous avons aujourd'hui le S-20, sur les candidatures de compétence fédérale, qui nous a été renvoyé.

Un projet de loi qui devrait nous être renvoyé sous peu est le C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux), qui est toujours à la Chambre des communes. Le projet de loi C-21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants), qui est un projet de loi du sénateur Payette, nous sera renvoyé. Les autres projets de loi qui sont toujours devant le Comité de la justice de la Chambre des communes à l'heure actuelle sont le C-2, sur la protection des enfants; et le C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale; le C-16, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies); le C-17, sur la marijuana, est un autre projet de loi qui est toujours devant le Comité de la justice de la Chambre des communes.

J'ai mentionné à mes collègues la possibilité de faire une étude préalable, et je voudrais en discuter avec vous. En ce qui concerne le projet de loi C-37 qui a été déposé hier, je pense que nous devrions maximiser nos activités afin de ne pas retarder le débat sur cette question. Nous pourrions peut-être envisager de faire une étude préalable, en même temps, le Comité de la justice de la Chambre des communes examinera le projet de loi et entendra des témoins. Certains des témoins qui comparaissent à la Chambre pourraient comparaître devant notre comité le même jour. Je suis certaine qu'il faudra pour cela coordonner la logistique, mais je pense que ce serait une bonne occasion d'entendre plus tôt que plus tard les différents points de vue sur la question. Je vous présente cette option que je vous invite à débattre. Il s'agit là d'un projet de loi important car nous devrons l'examiner de toute façon le plus tôt possible. J'y reviendrai plus tard.

Nous avons également l'étude spéciale — un ordre de renvoi pour les dispositions non dérogatoires concernant la législation fédérale et les droits des Autochtones. Je ne sais pas si nous aurons suffisamment de temps pour terminer une étude complète au cours de cette session. Nous devrions peut-être commencer notre travail lorsque nous aurons le temps, si la charge de travail du comité ne devient pas trop lourde. Si nous sommes trop occupés, nous pouvons créer un sous-comité pour poursuivre l'étude, si cela vous convient, car nous avions dit que nous pourrions faire cela. Nous devons examiner également le budget, et nous espérons que les membres de notre comité qui siègent à d'autres comités comprendront les besoins de notre comité.

Revenons maintenant au projet de loi C-38. J'aimerais que nous en parlions. À votre avis, pourrions-nous faire une étude préalable? On me dit que la Chambre des communes renverra le projet de loi au comité après la deuxième lecture, et nous pourrions inviter certains des témoins à comparaître devant notre comité en même temps. Je pense qu'il serait intéressant de voir combien de personnes comparaîtront devant leur comité, et combien comparaîtront devant le nôtre; et en même temps, ce serait beaucoup moins coûteux pour nous.

Le sénateur Nolin : Je serais enclin à être d'accord avec cela, pourvu que nous ne limitions pas notre liste de témoins.

La présidente : Nous pouvons inviter d'autres personnes à comparaître devant notre comité également. Nous n'aurons pas la même liste, mais nous pouvons utiliser leur liste et voir combien de personnes nous aimerions inviter à comparaître devant notre comité.

Le sénateur Joyal : Sans avoir demandé d'analyse ni de liste de témoins éventuels, il y a certainement des groupes qui seraient les mêmes et des gens qu'il faudra écouter parce qu'ils font partie du débat public. Pour ce qui est de certains aspects que nous voudrions peut-être examiner, je pense que nous pourrions décider d'entendre des experts que la Chambre des communes n'a peut-être pas envisagé d'inviter à comparaître. Nous pourrions les entendre en premier. Nous pouvons dresser notre propre liste d'experts — je parle ici d'experts plutôt que de membres du grand public qui viendraient faire du lobbying devant notre comité. Il s'agit là d'une autre série de témoins. Nous voulons entendre des témoins qui sont des experts et qui peuvent nous éclairer et nous aider à comprendre le fond et les conséquences du projet de loi. Il y a, bien sûr, une autre série de témoins qui sont tout simplement des gens qui veulent être entendus.

C'est à nous de décider comment nous voulons organiser notre travail et qui le comité voudra entendre en priorité au cours de ses délibérations sur ce projet de loi.

La présidente : Nous pourrions entendre des experts et d'autres qui ont un intérêt.

Le sénateur Joyal : J'ai toujours des réserves en ce qui concerne les études préalables car le Sénat est la Chambre qui procède à un second examen objectif. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Nous savons quels sont les éléments essentiels du problème. Naturellement, nous avons les arrêts de la Cour suprême et de sept tribunaux inférieurs. Nous pouvons examiner la question sans compromettre notre capacité d'examiner le projet de loi lorsqu'il aura été adopté à l'autre endroit. Je proposerais donc que nous fassions un examen du principe du projet de loi pour cette raison.

Le sénateur Andreychuk : D'emblée, je ne suis pas pour l'étude préalable des projets de loi, et ce, pour trois raisons. J'ai participé à l'étude préalable du projet de loi antiterroriste. Bien qu'il s'agissait d'une étude préliminaire qui n'entamait en rien notre droit de mener une étude pleine et entière du projet de loi quand nous en avons été saisis, je me suis sentie obligée de défendre les propos que j'avais tenus pendant l'étude préalable. Il y a eu un semblant de consensus et quand je suis revenue sur ma position initiale, les ministériels m'ont pris à partie, faisant valoir que j'avais appuyé la position contraire pendant l'étude préalable. De plus, nous avons été moins portés à faire une étude approfondie des éléments qui avaient été ajoutés à la mesure législative après l'étude préliminaire puisque nous avions déjà étudié le projet de loi. Il était plus facile de tirer une conclusion hâtive quand est venu le temps d'adopter ou non le projet de loi. Je continue de croire que nous n'avons pas fait une étude complète de cette mesure législative. Je suis très consciente du problème. Je ne suis pas certaine que nous connaissions bien tous les aspects de ce projet de loi, même si nous savons ce qu'a dit la Cour suprême. Je ne suis pas non plus certaine qu'il y ait eu un véritable débat sur le projet de loi; je me demande si on a débattu du projet de loi ou de la perception qu'en avait chacun avant son dépôt. C'est une question politique que devront trancher les députés.

Je répète ce qu'a dit le sénateur Joyal, que notre Chambre est la Chambre de réflexion. Ce texte est-il complexe au point que nous ne puissions l'examiner comme il le mérite et comme c'est le cas pour toutes les autres mesures législatives que nous renvoient les communes? Nous ne pouvons continuer de reporter à plus tard l'étude de la disposition dérogatoire sans nous rendre coupables, à ce comité et au Sénat, de négligence. C'est une accusation que nous avons lancée contre d'autres, plus particulièrement dans le dossier autochtone. C'est un enjeu important qui devrait être prioritaire pour nous. Je ne sais combien de fois ces dernières années nous avons déclaré vouloir étudier ce dossier pour ensuite accorder notre attention à une question jugée plus importante. Si nous devons peser les droits des Autochtones et tous les autres droits et projets de loi que nous devons étudier, j'accorderais la priorité aux droits des Autochtones et à la disposition dérogatoire.

La présidente : Je comprends votre point de vue. Voilà pourquoi j'ai dit que si nous étions surchargés de projets de loi à étudier, nous pourrions charger un sous-comité de nous aider. J'ai aussi participé à l'étude préalable du projet de loi antiterroriste qui soulevait différentes questions et contenait différentes dispositions. Je ne crois pas que nous puissions comparer ces deux mesures législatives. Le projet de loi C-30 est beaucoup plus clair sur ses questions que ne l'était le projet de loi antiterroriste, qui était très complexe.

Le sénateur Mercer : Je suis tout à faire pour l'idée d'une étude préliminaire. Je respecte les remarques des sénateurs Andreychuk et Joyal sur l'importance du Sénat comme Chambre de réflexion. Je ne voudrais pas être saisi de ce projet de loi après un long débat aux communes, car je suis certain que nous voudrions lui accorder toute l'attention qu'il mérite en dépit des pressions qui s'exerceraient sur nous pour faire en sorte qu'il reçoive la sanction royale dans les plus brefs délais. Nous représentons toutes sortes d'intérêts et nous avons des ressources et des idées différentes de celles des députés, surtout en ce qui a trait aux témoins que nous voulons entendre. Une étude préalable serait une bonne idée. Je trouve aussi excellente la suggestion de la présidente de faire appel à un sous-comité pour les autres questions à notre programme. Cette question-ci, toutefois, est publique et nous voulons, je crois, entamer nos délibérations le plus tôt possible.

On a fait une remarque pertinente sur les coûts, mais je ne crois pas que notre liste de témoins doive être identique à celle des communes. Nul doute que nous voudrons entendre certains des témoins entendus par le comité de la Chambre, et vice-versa. Ils voudront entendre certains des témoins que nous entendrons et nous voudrons faire de même. Cela ne rendra que meilleures les études des deux comités. Nous sommes suffisamment avertis et cette mesure législative est moins complexe que le projet de loi antiterroriste. Je suis certain que les remarques que nous ferons pendant l'étude préalable ne reviendront pas nous hanter quand nous serons saisis du projet de loi. Les détails sont moins précis et le projet de loi touche beaucoup moins de lois. C'est un débat émotif et important que nous devrions entreprendre dans les meilleurs délais. Je ne veux pas que notre comité se sente limité par l'obligation de faire donner sanction royale au projet de loi le plus rapidement possible. Si nous commençons maintenant, nous aurons voix au chapitre et pourrons entendre ceux qui pourront vraiment contribuer à nos délibérations.

La présidente : Nous pourrions étudier l'autre projet de loi en même temps.

[Français]

Le sénateur Rivest : Je ne voudrais pas que notre comité soit pris en otage par ce genre de projet de loi où il y aura de multiples lobbys très actifs tels l'Église et les militants Pro-vie. Laissons à la Chambre des communes le soin de faire le tri de ceux qu'elle veut entendre, mais comme le signalait le sénateur Joyal, il y a des groupes qualifiés d'incontournables.

Quant à l'étude préliminaire, l'apport du Sénat pourrait être académique, en ce sens qu'il faudrait essayer d'apporter au débat public deux ou trois questions fondamentales au centre desquelles il y a la question de la Charte en regard avec deux dimensions. La première, c'est la liberté religieuse garantie par la Charte et la deuxième, c'est l'égalité d'accès pour tous les citoyens à des institutions civiles, en l'occurrence le mariage. Il s'agit là de la première problématique de fond du débat.

Une autre contribution intéressante du Sénat, ce serait qu'au Canada des gens viennent bien établir la nature des relations entre la société civile et les religions, quitte à exposer l'aspect historique pour donner un peu de perspective.

Quel est le statut que le Parlement du Canada a à l'égard des croyances et des fois religieuses partagées par l'ensemble de nos citoyens? Ce sont les deux questions à se poser, à part de savoir si on doit ou non légaliser les mariages gais. Et cela, c'est la question juridique. Cela nous permettrait, après avoir entendu un certain nombre d'incontournables, mais très rapidement de compléter l'étude préliminaire, alors que la Chambre des communes va débattre de cela pendant plusieurs mois.

S'il y a des gens désintéressés qui viennent devant le Sénat établir les fondements juridiques, éthiques et sociologiques de la question, cela éviterait de se contredire par la suite et on aura apporté quelque chose. Et lorsque le projet de loi reviendra, à ce moment-là on décidera du nombre et de la manière dont on étudiera le projet de loi, tout comme un autre projet de loi.

Le sénateur Nolin : Je voudrais ajouter que compte tenu du partage des juridictions en matière de mariage, il sera important de savoir où s'arrête la législation fédérale et où commence l'énorme juridiction provinciale. On commence à entendre des arguments tels que si on définit le mariage, on devra définir l'âge du mariage. Nous sommes au bon endroit pour calmer la vapeur; parce qu'on peut entendre toutes sortes d'ignominies en matière de dérive. Nous sommes le bon endroit pour calmer le pression et dire : un instant, la juridiction fédérale a commencé là et va jusque-là seulement; les provinces ont le reste. Ce devra être dit assez rapidement. Si cela se fait ici et que cela résonne un peu ailleurs, cela risque de calmer le débat pour que tout le monde puisse prendre une décision à l'extérieur. Parce qu'on va en recevoir du courrier.

La présidente : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Pearson : J'ai une question. Je n'ai jamais assisté à des études préalables. Comment procède-t-on? Faut- il obtenir un mandat du Sénat? Faut-il avoir la permission du Sénat pour l'examen préalable, même si le projet de loi n'a pas été déposé au Sénat? On n'a que le sujet du projet de loi qu'il faut développer; au moment de demander le mandat, on peut définir très clairement ce sur quoi portera l'examen.

J'accorde beaucoup de poids à ce qu'a dit le sénateur Andreychuk et d'autres membres du comité, à savoir que si nous ne circonscrivons pas avec soin et immédiatement l'objectif de notre examen, pour nous aider à bien le saisir, nous nous exposerons au risque d'être submergés et de devoir réagir aux points de vue d'autres personnes. Nous en prendrons connaissance de toute façon.

La présidente : Au Sénat, nous ne fonctionnons pas comme la Chambre des communes. Nous n'abordons pas les dossiers de la même façon. Nous avons des discussions fort intéressantes parce que toutes sortes de suggestions sont mises de l'avant. Je suis tout à fait d'accord avec ce mode de fonctionnement, car nous devons aborder le projet de loi autrement. Voilà pourquoi une étude préalable serait utile.

Le sénateur Ringuette : Quant à moi, je suis favorable à une étude préalable à cause des enjeux et du fait qu'ils sont peu connus du public. Nous avons une responsabilité à cet égard. Nous savons comment les questions sont traitées à l'autre endroit; nous savons les efforts que déploient différents groupes de pression de tous acabits pour se faire entendre. Je pense que nous pouvons procéder autrement, et plus tôt nous commencerons à débattre de ce sujet de façon raisonnable et intelligente, meilleure sera la discussion à l'échelle nationale. Si nous pouvons ainsi contribuer à ce débat, l'image du Sénat s'en trouvera rehaussée. Je suis très favorable à une étude préalable.

La présidente : Devrais-je charger quelqu'un de rédiger le mandat?

Le sénateur Andreychuk : Je voterais contre cette idée. J'aimerais avoir le temps d'y réfléchir et d'en discuter avec notre chef et notre leader au Sénat. Si je dois me prononcer aujourd'hui, je devrai soit voter contre la motion, soit m'abstenir.

La présidente : Je m'en remets à vous. Si vous souhaitez que nous mettions cette question aux voix aujourd'hui, nous pouvons le faire. C'est à vous d'en décider, pas à moi.

Le sénateur Andreychuk : Je ne suis pas la vice-présidente pour notre parti et je pense qu'il doit y avoir une discussion. Je n'en sais rien.

La présidente : Les leaders des deux partis au Sénat en ont déjà discuté.

Le sénateur Joyal : J'espère que nous ne siégeons pas à huis clos en ce moment. Nous discutons librement de cette question. Je pense qu'il faudrait communiquer à nos attachés de recherche le résumé des arguments soulevés par le sénateur Nolin, le sénateur Rivest et le sénateur Ringuette; ainsi, si nous devons envisager la préparation d'un mandat, nous aurons — pour utiliser une expression fort populaire de l'autre côté de la frontière —une feuille de route qui nous aidera à définir dans une certaine mesure ce que nous allons faire. C'est une solution qui pourrait être utile pour préparer notre prochaine réunion, au moment où nous serons en mesure de prendre une décision.

La présidente : Comme nous avions prévu discuter de nos travaux futurs demain, préférez-vous attendre la semaine prochaine pour prendre une décision?

Le sénateur Andreychuk : Oui.

La présidente : Entre-temps, nous essaierons d'ébaucher un mandat.

Le sénateur Nolin : Quand nous aurons une feuille de route, cela facilitera la discussion entre les deux formations politiques.

Le sénateur Andreychuk : Je pense que le sénateur Joyal et moi-même avons contribué à un autre problème. Nous assistons aux réunions du comité en sachant qu'il y a un comité de direction, et cetera. Je suis encore vexée de la dernière expérience; c'est pourquoi je préfère aviser le leader adjoint et je trouve qu'il vous incombe d'aller de l'avant.

Le sénateur Joyal : Le compte rendu de nos échanges sur cette question aidera les leaders des deux formations politiques à en tenir compte, car ils sauront exactement ce que nous cherchons. Cela pourrait être utile.

Le sénateur Mercer : Nous sommes un groupe de gens beaucoup plus aimables.

Le sénateur Andreychuk : Cela n'avait rien à voir avec le groupe.

La présidente : C'est notre responsabilité en tant que sénateurs. Voilà pourquoi j'ai voulu aborder ce sujet aujourd'hui pour que nous puissions en débattre. J'ai pensé que nous pourrions montrer à la population canadienne que nous pouvons discuter sérieusement de dossiers ici, contrairement à ce qu'ils voient à l'autre endroit. C'est aussi utile pour la Chambre des communes.

Le sénateur Pearson : Le reste du programme que vous proposez semble convenable. Nous ne les contrôlons pas.

La présidente : J'ignore combien de projets de loi nous seront renvoyés. Certains d'entre eux sont assez longuement débattus à la Chambre des communes, mais il faut attendre de voir ce qui arrivera. Par ailleurs, l'étude spéciale que nous souhaitons entreprendre est également très importante. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Joyal : Pour revenir à ce que le sénateur Andreychuk a dit au sujet des dispositions non dérogatoires, nous avons eu une réunion, si je ne m'abuse — je crois, du reste, que le sénateur Nolin y assistait et qu'il s'en souviendra — où le sous-ministre de la Justice a comparu. Il sera utile de s'inspirer de son témoignage pour délimiter notre travail; nos attachés de recherche pourraient examiner le compte rendu de cette séance du comité et procéder à peu près de la même façon pour la disposition non dérogatoire que nous entendons le faire pour le mariage civil, c'est- à-dire le projet de loi C-38. Il pourrait examiner les enjeux sur lesquels nous souhaitons nous pencher dans le cours de notre étude, de manière à ce que notre rôle ne se limite pas à entendre uniquement des témoins.

[Français]

Il ne faut pas qu'entendre des témoins choisis au hasard et leur poser n'importe quelle question.

La présidente : Non, il faut être conséquents.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Nous devrions bien structurer notre travail de manière à savoir où nous allons et quels aspects nous devons approfondir.

[Français]

Il faut connaître les points sur lesquels nous devrions nous concentrer. Pour cela, il faut que nous ayons une proposition devant nous, sur la base des interventions déjà faites antérieurement à la Chambre du Sénat et à ce comité, sur la disposition de dérogation.

[Traduction]

J'aimerais que notre attaché de recherche consulte le rapport Erasmus-Dussault, qui est important à cet égard. Il sera peut-être utile de prévoir une séance d'information sur la responsabilité de la Couronne à l'égard des peuples autochtones, pour que nous comprenions bien notre statut en tant que Parlement et que gouvernement par rapport aux peuples autochtones. Nous pourrions également nous pencher sur les diverses questions soulevées par l'article 35 et auxquelles on n'a pas apporté de réponses. Cela nous aiderait à mieux définir notre tâche.

Je partage le point de vue du sénateur Andreychuk à ce sujet. J'ai moi-même soulevé les mêmes préoccupations cet après-midi au sujet du projet de loi C-15, qui est à l'étude depuis des années. Nous nous sommes engagés à faire diligence sur ce dossier. Nous ne pouvons pas accuser le gouvernement de ne pas adopter de politiques si nous-mêmes ne lui avons pas adressé de recommandations. Nous sommes également responsables de la situation, dans une certaine mesure.

Cela nous aiderait pour nos travaux futurs.

La présidente : On a proposé que le comité entende de nouveau le sous-ministre adjoint, avant de commencer ses travaux sur ce dossier. Est-ce que cela nous faciliterait la tâche?

Le sénateur Joyal : Oui, si c'est la même personne, car le comité compte de nouveaux membres. Même si je m'intéresse à ce dossier, je devrais faire certaines recherches pour savoir quelles réponses on m'a données pour y réfléchir. Ce qui serait le plus utile pour tous les membres du comité, c'est d'avoir une fiche d'information résumant les arguments invoqués par le sous-ministre.

La présidente : Nous pourrions l'inviter.

Le sénateur Joyal : Absolument, rien ne nous en empêche. Ainsi, nous saurions au moins où nous en sommes.

La présidente : Ce sera utile.

Autre chose? Vous êtes libres demain.

La séance est levée.


Haut de page