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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 5 - Témoignages du 9 février 2005


OTTAWA, le mercredi 9 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 8 pour étudier le projet de loi C-36, Loi modifiant les limites des circonscriptions électorales d'Acadie—Bathurst et de Miramichi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, comme nous avons un membre de l'opposition avec nous, nous allons devoir commencer immédiatement puisque M. Bélanger doit quitter à 17 heures. Après les questions d'usage à M. Bélanger, je demanderai au député Godin de s'exprimer sur le dossier.

Bienvenue, monsieur Bélanger. On vous écoute.

M. Mauril Bélanger, c.p., député, leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la réforme démocratique : Merci, madame la présidente.

Honorables sénateurs, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de témoigner relativement au projet de loi C-36, Loi modifiant les limites des circonscriptions électorales de Miramichi et d'Acadie—Bathurst, au Nouveau- Brunswick.

Le sujet a été présenté par le sénateur Losier-Cool lors du débat en deuxième lecture — et de façon très éloquente, je dois dire. Je vais donc éviter de présenter ce qui l'a déjà été.

Je voudrais souligner d'emblée le caractère exceptionnel de ce projet de loi, puisque c'est la première fois que le Parlement viendrait modifier le tracé d'une circonscription électorale depuis que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales a été adoptée, en 1964.

Je vais expliquer le pourquoi et le comment de ce projet de loi.

[Traduction]

Je sais que les membres du comité connaissent déjà le processus indépendant prévu par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales aux fins de la révision périodique de la carte électorale. Je ne m'attarderai donc pas sur ces détails. Le dernier remaniement électoral a donné lieu à l'actuel décret de représentation électorale, proclamé le 25 août 2003, et entré en vigueur lors de la dissolution des Chambres de la dernière législature.

La révision des cartes électorales est toujours une tâche difficile et chaque maniement donne inévitablement lieu à certaines controverses. En fait, c'est pour réduire au minimum les controverses et pour assurer l'intégrité du processus qu'en 1964, le Parlement, dans sa sagesse, a choisi de confier cette tâche à des commissions indépendantes. Malheureusement, rien ne garantit qu'il n'y aura ni erreur ni contestation.

Dans le cas qui nous préoccupe, la proposition initiale de la Commission de la carte électorale du Nouveau- Brunswick prévoyait le transfert de certaines paroisses ou parties de paroisses francophones de la circonscription d'Acadie— Bathurst, dont la population est majoritairement francophone, à la circonscription de Miramichi, dont la population est majoritairement anglophone. Ce transfert visait à réduire l'écart démographique entre les deux circonscriptions, étant donné que la population de Miramichi est inférieure de 21 p. 100 à la moyenne provinciale tandis que celle d'Acadie—Bathurst y est supérieure de 14 p. 100.

Pendant les audiences publiques et l'étude de la carte proposée par un comité parlementaire, certaines personnes ont fait valoir la nécessité de mieux tenir compte de la communauté d'intérêt des francophones de la région. La Commission, dans son rapport final, a accepté de ramener la paroisse Saumarez et une partie de la paroisse de l'Allarville à la circonscription d'Acadie—Bathurst. Toutefois, elle a maintenu le transfert de la paroisse de Barthurst et d'une partie d'Allarville à la circonscription de Miramichi.

À l'automne de 2003, après l'adoption du décret de représentation électorale, des organismes et des personnes de la région de Bathurst ont introduit une requête en Cour fédérale pour infirmer le décret adopté. Leur objectif n'était pas de faire invalider tout le décret, mais uniquement le transfert des deux paroisses de la circonscription d'Acadie—Bathurst à celle de Miramichi.

Selon les requérants, la Commission de la carte électorale, en décidant de transférer ces collectivités, avait accordé beaucoup d'importance à la parité numérique et pas assez à la communauté d'intérêt, notamment en ce qui a trait à la langue.

Le juge Shore a tranché en faveur des requérants et a conclu que si la Charte n'avait pas été violée, la commission ne s'était tout de même pas conformée à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ni à la Loi sur les langues officielles. Selon le juge, la commission avait eu tort de ne pas suffisamment prendre en considération, comme l'exige la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, la question de savoir si le fait de s'éloigner de la parité numérique était justifié pour mieux tenir compte de la communauté d'intérêt. Toutefois, le juge Shore s'est expressément abstenu d'établir une nouvelle délimitation des limites des deux circonscriptions, comme les requérants l'avaient demandé. Il a plutôt préféré suspendre l'effet de sa décision pour un an, autrement dit jusqu'au 11 mai 2005, afin que des corrections appropriées puissent être mises en œuvre dans le respect de l'esprit de la loi. Le gouvernement a choisi de ne pas porter cette décision en appel.

[Français]

Malgré la période de suspension d'un an, la question de savoir comment remédier au vice n'était cependant pas sans poser de difficultés. En effet, en dehors du processus décennal habituel, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ne prévoit pas de mécanisme pour mettre sur pied une nouvelle commission, ou pour modifier autrement la carte électorale.

Certains auraient souhaité que le gouvernement dépose un projet de loi modifiant directement la carte électorale en retournant les paroisses de Bathurst et D'Allardville dans la circonscription d'Acadie—Bathurst, restaurant ainsi directement la limite antérieure entre les circonscriptions de Miramichi et d'Acadie—Bathurst. Pour ma part, et bien que j'étais très sensible aux demandes des communautés affectées, il m'apparaissait clair que cette approche devait être exclue. Je crois que les raisons seront évidentes aux membres de ce comité, puisque cela n'aurait pas été conforme à l'esprit de la loi, dont un des piliers essentiels, sinon sa principale raison d'être, est le recours à des commissions indépendantes pour établir les limites des circonscriptions électorales.

Le juge Shore avait d'ailleurs lui-même refusé de décider du tracé de la limite entre les deux circonscriptions au motif que ce n'était pas son rôle en tant que juge. Il aurait été tout aussi inopportun, sinon davantage, que le Parlement s'en charge directement et établisse du même coup un malheureux précédent. C'est ce qui a amené le gouvernement à considérer et retenir, après consultation, l'idée de recourir à la Loi sur les enquêtes pour mettre sur pied une commission indépendante dont les recommandations serviraient de base à un projet de loi modifiant le décret de représentation, le projet de loi devant vous aujourd'hui. Avec l'appui de l'ensemble de tous les partis représentés à la Chambre des communes et au Parlement canadien, et après en avoir discuté avec le Directeur général des élections, le gouvernement a donc établi une commission dont la composition et le mandat étaient conçus de manière à refléter, autant que possible, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

La commission était présidée par l'honorable juge Daigle, lui-même choisi par le juge en chef du Nouveau- Brunswick, l'honorable juge Drapeau. Les deux autres commissaires étaient M. Pierre Foucher, professeur de droit à l'Université de Moncton, et M. Lorio Roy, rédacteur en chef et éditeur de l'Acadie Nouvelle, les deux choisis en consultation avec les deux députés concernés, en l'occurrence, les deux députés des circonscriptions.

La commission était chargée de revoir la partie contestée de la limite entre les circonscriptions de Miramichi et d'Acadie—Bathurst. Elle pouvait choisir de retourner en tout ou en partie l'une ou l'autre des deux paroisses transférées en 2003. Elle devait cependant se pencher sur cette question à la lumière des mêmes critères que ceux prévus à la loi et en accordant au critère de la communauté d'intérêt l'importance qui lui revient. Bref, la nouvelle commission avait pour mandat de faire l'exercice que, selon le juge Shore, la première commission avait omis de faire. Dans son rapport final du 8 décembre 2004, la commission a recommandé que les paroisses d'Allardville et de Bathurst soient toutes deux retournées dans la circonscription d'Acadie—Bathurst.

Ces recommandations finales étaient conformes à la proposition initiale de la commission faite le 6 novembre 2004 et qui avait reçu l'appui unanime lors des audiences publiques tenues les 17 et 18 novembre à Miramichi et à Bathurst respectivement. La proposition initiale avait également été examinée par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, où elle n'avait fait l'objet d'aucune objection.

[Traduction]

Le projet de loi C-36 modifie le décret de représentation électorale de 2003 de façon à se conformer aux recommandations de la commission. Il a été présenté à la Chambre des communes le 10 décembre et a été adopté le jour même, sans débat, par consentement unanime de tous les partis.

Le projet de loi contient également une disposition conséquente permettant aux associations de circonscriptions des partis politiques inscrites dans les deux circonscriptions de continuer d'exister dans le cadre de la nouvelle carte électorale en déposant simplement un avis auprès du directeur général des élections. Si cet avis n'est pas présenté, les associations perdent automatiquement leur homologation.

La Loi électorale du Canada prévoit le même mécanisme pour les modifications aux limites des circonscriptions découlant de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Cette mesure a été adaptée afin de préciser que, dans ce cas-ci, les modifications découlent plutôt du projet de loi C-36.

Je voudrais signaler que les changements aux limites des circonscriptions prendraient effet à la prochaine dissolution du Parlement, de manière à ne pas forcer la tenue d'élections partielles dans les deux circonscriptions touchées.

En adoptant ce projet de loi, le Parlement satisferait à l'ordonnance de la Cour fédérale et répondrait aux préoccupations légitimes des communautés concernées, tout en respectant l'esprit de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Dans les circonstances, vu la situation extraordinaire dans laquelle nous nous trouvons et les moyens disponibles, je crois sincèrement que c'est ce qu'on peut faire de mieux. Il faudrait cependant éviter à l'avenir une situation similaire où le Parlement se voit forcé d'intervenir pour rectifier la carte électorale.

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a déposé à l'automne dernier son septième rapport, recommandant un certain nombre de changements à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

[Français]

Par ailleurs, M. Kingsley, le Directeur général des élections, a déjà indiqué qu'il ferait lui-même certaines recommandations en ce qui concerne la loi. Une des choses à laquelle il faudra certainement réfléchir, c'est la possibilité de modifier éventuellement la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales afin que dans une situation comme celle-ci, une commission puisse être créée en dehors du processus habituel pour corriger un défaut. Tout cela concerne l'avenir. Pour le moment, il importe de régler la situation au Nouveau-Brunswick et c'est ce que permet de faire le projet de loi qui est devant vous.

Sur ce, honorables sénateurs, je vous remercie de votre temps et je serais heureux de répondre à toutes les questions que vous aurez à ce sujet.

La présidente : Merci de votre présentation. Vous êtes accompagné du chef du Secrétariat de la réforme démocratique, M. Stephen Zaluski, et du conseiller principal du Secrétariat de la réforme démocratique, M. Stéphane Perrault.

Dans le rapport préliminaire, dont j'ai pris connaissance sur les délimitations des circonscriptions électorales de Miramichi et d'Acadie—Bathurst, à la page 8, on mentionnait qu'au moment des audiences publiques, aucune intervention n'avait eu lieu à Miramichi et aucune lors de l'audience qui s'est tenue à Bathurst. Les intervenants ont appuyé unanimement cette démarche.

Le degré d'approbation me semble très proche de l'unanimité. J'aimerais savoir si vous avez senti à un moment ou à un autre dans le processus quelques signes de désapprobation ou peut-être d'agacement auprès d'une partie de citoyens qui sont concernés par les changements proposés?

M. Bélanger : Pas à ma connaissance.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je suis quelque peu préoccupé car il s'agit du troisième projet de loi dont nous sommes saisis. Deux d'entre eux portaient sur des changements apportés au nom de circonscriptions et celui-ci porte sur la modification des limites d'une circonscription électorale. Ces projets de loi ont été déposés après le redécoupage. Les deux changements de nom découlent d'erreurs. Je suis le parrain du projet de loi portant sur la circonscription de Kitchener—Conestoga, et j'en suis heureux. Néanmoins, je constate qu'il se dégage une tendance et je ne crois pas que cela soit satisfaisant pour qui que ce soit. J'aimerais être assuré que sera mis en place un système selon lequel non seulement les députés sortants mais également les partis qui lui font normalement concurrence dans une circonscription électorale seront consultés de façon adéquate sur le nom et la limite de la circonscription. J'ai utilisé le mot normalement car j'imagine que le Bloc québécois, par exemple, ne sera pas consulté pour ce qui est d'une circonscription au Nouveau-Brunswick.

Lorsque le redécoupage a eu lieu au Nouveau-Brunswick, j'occupais d'autres fonctions et j'étais particulièrement intéressé par le processus de révision des limites des circonscriptions à l'échelle nationale. J'y ai même participé. Il me semblait intéressant de constater qu'à l'époque les seuls problèmes significatifs que nous avons connus provenaient du Nouveau-Brunswick. Au début du processus, il existait une idée insensée que tous les électeurs autochtones se retrouvent dans une seule circonscription, Miramichi, si je me souviens bien, créant ainsi une circonscription étrange qui n'était pas reliée sur le plan géographique. À l'époque, j'ai dit au député sortant : « C'est excellent, Charlie. Est-ce que cela signifie que vous n'aurez pas assez d'argent pour embaucher du personnel dans chacune de ces réserves à l'extérieur des limites géographiques? Disposerez-vous d'un budget plus important que celui des ministres pour votre circonscription? »

En outre, je suis préoccupé par les problèmes systématiques qui sont issus du Nouveau-Brunswick. Deux problèmes majeurs émanent du dernier processus de redécoupage. L'un de ceux-ci concerne l'élément autochtone. Ce problème a été réglé, mais le fait qu'il se soit posé me laisse perplexe. Quant à la question qui nous occupe, il me semble, de prime abord, que le problème n'a pas lieu d'être dans une province qui se targue d'être bilingue. Nous devons faire en sorte que la minorité linguistique jouisse d'une protection et que les domaines d'intérêt soient protégés à l'intérieur des limites des circonscriptions.

M. Bélanger : J'aimerais simplement confirmer que, pour ce qui est du cas qui nous occupe, il y a eu des consultations avec le Bloc québécois. J'ai moi-même mené ces consultations et j'ai d'ailleurs consulté chacun des partis.

Le Sénat est effectivement saisi de trois projets de loi mais je voudrais toutefois apporter la réserve suivante : un seul de ces projets de loi émane du gouvernement. Il s'agit du projet de loi que nous étudions actuellement. Je ne peux pas me prononcer sur les projets de loi d'initiative parlementaire, et je sais que d'autres députés chercheront à faire modifier le nom de la circonscription qu'ils représentent. Mais il s'agit là d'une tout autre question.

En ce qui concerne les difficultés que semble avoir suscité une certaine commission de révision des limites des circonscriptions électorales, comme je l'ai déjà dit, une fois que nous aurons reçu les suggestions du directeur général des élections, nous nous pencherons sur la loi en tant que telle. Il est clair qu'il peut être avantageux de tenter de mieux définir la « communauté d'intérêts », notamment. En effet, le gouvernement envisage de le faire, une fois qu'il aura reçu les recommandations du directeur général des élections et en concomitance avec la réponse au septième rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, comme il se doit.

La différence entre celle-là et d'autres, je suppose, est que la collectivité a décidé de poursuivre l'affaire devant les tribunaux, en vertu de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Un jugement a été rendu et le gouvernement a choisi de ne pas faire appel. Il s'agit là de pure spéculation. J'hésite à aller au-delà du projet de loi C-36, mais ce dont nous avons besoin, c'est d'un mécanisme pour remédier à une situation que les tribunaux, à l'avenir, pourraient trouver insuffisant, et c'est-là que le bât blesse.

En tant que gouvernement, nous disposions de trois options. La première était de déterminer nous-mêmes les limites, ce qui a été catégoriquement rejeté, et à juste titre. La deuxième était de recréer la commission du Nouveau- Brunswick, ce que personne ne voulait. La troisième option est celle que nous avons choisie, à savoir d'utiliser la Loi sur les enquêtes et de procéder de la même façon que pour la législation sur la révision des limites, ce que nous avons sous les yeux. Nous avons peut-être créé la commission qui aura eu la plus courte durée de vie et qui aura été la moins dispendieuse.

Le sénateur Mercer : Je ne veux pas vous donner l'impression que le Nouveau-Brunswick est en quelque sorte une région reculée.

M. Bélanger : Moi non plus.

Le sénateur Mercer : Je suis très protecteur de ma province soeur parce que, la semaine dernière, a comparu devant nous le député de la circonscription qui s'appelait autrefois Vancouver—Sunshine Coast. Je ne connais pas le nouveau nom de cette circonscription. En proposant de modifier le nom de la circonscription, il a expliqué que la commission n'a pas tenu compte des communautés d'intérêt dans sa circonscription et l'a amputée d'une partie au nord de Whistler pour la mettre dans la circonscription d'un autre député de la vallée du Fraser. Pour ceux d'entre nous qui connaissent un peu la géographie de la Colombie-Britannique, cela est tout à fait insensé.

Nous devons être clairs et donner les bonnes directives pour le prochain recensement et lorsque nous referons ce processus. Peut-être avons-nous besoin de fixer les règles. Je ne sais pas. Ce sera à vous et à vos conseillers de décider. Il faut vraiment tenir compte des communautés d'intérêt. Il y a également des députés qui doivent faire 15 heures de route pour aller d'un bout à l'autre de leur circonscription. C'est peut être courant pour des circonscriptions isolées, comme celles du Nord, mais il existe des circonscriptions avec des centres urbains et les députés doivent voyager pendant 15 heures ou doivent traverser une rivière, parce que c'est comme ça que la circonscription a été délimitée.

Il faut être plus précis pour ce qui est de tenir compte des communautés d'intérêt. Il faut parler aux gens et les rejoindre dans les collectivités, mais pas attendre que ces gens des collectivités viennent nous voir. Peut-être avons-nous besoin de parler aux dirigeants municipaux, aux dirigeants des églises ou aux chefs de file de la collectivité pour savoir ce qui s'y passe. Je suis de tout coeur avec les membres de la commission. Ils ne peuvent venir de partout. Ce qui semble logique sur une carte ne l'est pas nécessairement dans la réalité.

M. Bélanger : J'en prends très bonne note. Comme je l'ai dit, l'intention est de revoir la loi en fonction de trois éléments : l'expérience que nous avons; le rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre; les recommandations que nous devons recevoir du directeur général des élections.

J'irais jusqu'à dire qu'il y a une autre leçon à tirer et un aspect que l'on pourra améliorer après le prochain recensement et une fois qu'une autre série de commissions auront été créées, et c'est de s'assurer qu'elles interprètent et appliquent de façon cohérente les divers critères énoncés dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et d'autres lois telles que la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Le sénateur Nolin : Bienvenue, monsieur le ministre. Vous nous avez bien expliqué que c'est purement une mesure de correction. Vous avez corrigé, par la voie législative, un immense fouillis qui méritait d'être adéquatement corrigé.

Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le détail pour savoir qui a fait quoi et qui a fait erreur. Je présume qu'en tant que représentant du gouvernement, vous avez pris bonne note des erreurs commises et que vous allez nous proposer des mesures législatives qui verront à ce que cela ne se reproduise plus.

Vous avez à plusieurs reprises parlé de l'indépendance du processus et plusieurs des membres du comité ont été heureux de vous entendre. Il n'y a pas une année qui s'écoule sans que l'on reçoive notre lot de projets de loi qui visent à modifier l'orthographe ou les noms des circonscriptions, et le plus gros problème est le manque d'indépendance du processus.

J'espère — et c'est ma question — qu'à la mi-temps du recensement, il y aura une révision. Donc en 2006, on devrait avoir des chiffres corrigés. En tout cas, il y a déjà un processus qui voit à ce que l'on puisse modifier les limites en cours de route.

Avez-vous l'intention de produire au Parlement des modifications au processus qui couvriraient la question de la correction du dégât corrigé par le projet de loi C-36, afin que cela ne se reproduise plus?

Deuxièmement, il faudrait que le processus soit vraiment, totalement indépendant. Je comprends que les députés nous arrivent avec des projets de loi. Je me souviens une fois, on en avait près de 50. On voyait bien qu'il y avait là une sorte d'échange de bons procédés; chacun y avait mis ses demandes et cela avait facilement passé à la Chambre des communes.

Lorsque cela arrive Sénat, on décide d'étudier les principes derrière ces modifications pour s'apercevoir que si ce n'était pas de la limite de 50 caractères imposée par la technologie et à laquelle fait référence le directeur général des élections, on pourrait peut-être avoir des noms de 200 caractères.

Donc, j'aimerais savoir si vous avez l'intention de toucher à cela.

M. Bélanger : Pour la question de la correction de la situation à laquelle nous faisons face, qui résulte d'une décision de la Cour fédérale à laquelle le gouvernement n'a pas fait appel, c'est ce qui est devant vous. On a pris le processus le plus indépendant et autonome possible. Pour y arriver, on a calqué ce qu'il y avait dans la loi sur la redistribution, en consultation avec tous les partis sans exception et avec leur approbation.

Le sénateur Nolin : Tout le monde était d'accord pour corriger le dégât.

M. Bélanger : Le jugement nous l'imposait, et de préférence, il faut que ce soit fait avant le 11 mai 2005, afin de respecter les délais imposés par les tribunaux.

Pour ce qui est des prochains exercices, le prochain exercice de redistribution se fera après le recensement de 2011. Il y a un recensement aux cinq ans, mais le redécoupage de la carte électorale est arrimé au recensement qui a lieu chaque dix ans.

Le sénateur Nolin : Je pensais qu'il y avait dans la loi des mesures où on pouvait corriger, s'il y avait un écart trop important.

M. Bélanger : Ces mesures n'ont pas été acceptées. Par contre, j'ai mentionné que le gouvernement a l'intention, suite au deuxième dépôt d'un rapport du Comité des affaires de la procédure sur cette question, et après avoir reçu les recommandations du directeur général des élections, d'envisager des amendements à la loi sur la redistribution des circonscriptions électorales un peu plus tard, certainement avant la prochaine redistribution.

Le sénateur Nolin : Je vous encourage à examiner de très près la question des noms. Je pense que cela a assez duré. On ne vise personne en particulier. On veut que ce soit un processus indépendant, que ce ne soit pas le résultat d'un marchandage. C'est certainement fait avec beaucoup de bonne foi et de bonnes intentions, mais de toute évidence, ce n'est pas indépendant.

M. Bélanger : J'en prends note, et je remarque que dans ce cas-ci, aucun des deux noms n'a été changé.

Le sénateur Nolin : Cela aurait été le bouquet!

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, je vais poursuivre là où le sénateur a laissé. Ce comité, depuis cinq ans, fait des recommandations au gouvernement. Je les ai devant moi. Il en a fait d'abord en juin 2000, et en a refait le 6 mai 2004. Chaque fois que le Sénat est saisi d'un projet de loi pour modifier des noms de circonscriptions électorales, systématiquement, nous faisons les mêmes recommandations. Je vais vous les lire dans l'autre langue officielle.

[Traduction]

Je cite :

Votre comité croit également que le processus suivi dans ces cas doit être plus clair et plus transparent. Votre comité a reçu des interventions qui confirment la nécessité d'une consultation du public, et de sa participation, compte tenu du fait que les citoyens s'identifient fortement au nom de leur circonscription. Il faudrait exiger que des avis publics soient diffusés dans la circonscription et que la population soit consultée. Des lignes directrices dans ce sens pourraient être établies à partir de la procédure prévue dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

[Français]

Deux de ces projets de loi sont actuellement devant nous — C-304 et C-302, qui sont des corrections —, et maintenant, vous nous dites que d'autres viendront plus tard.

M. Bélanger : Cela mijote.

Le sénateur Joyal : J'ai participé chaque fois à ce comité avec mon collègue le sénateur Nolin — avec notre présidente, le sénateur Milne, le sénateur Pearson, le sénateur Kinsella a également participé à quelques-unes des réunions —, à chaque fois, nous avons exprimé les mêmes recommandations. Les projets de loi nous arrivent en deuxième lecture. L'un d'entre nous se lève et dit : Nous n'avons rien contre, changez les noms que vous voulez, sauf que le processus n'est pas absolument démocratique.

M. Saada, votre prédécesseur, était ici, il y a quelques mois. Il s'est engagé — vous lirez sa déclaration — à revenir devant nous avec des amendements à la loi électorale de manière à ce qu'on ait un système. Un système ce n'est pas sorcier, ça contient des objectifs et des principes. C'est ce que nous voudrions qui soit mis en application. Je vous refais le même plaidoyer. J'espère ne pas avoir à redire tout cela dans six mois ou un an. En pratique, c'est la situation.

M. Bélanger : Je suis prêt à reprendre l'engagement de mon prédécesseur. Dans le projet de loi d'aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Pour ce qui est de l'engagement de mon prédécesseur de prendre note de vos recommandations et de revenir en discuter, il me fera plaisir de le faire dans le cadre d'une révision de la loi.

Le sénateur Joyal : Le ministre nous a rendu visite. Avant c'était le ministre responsable de la réforme démocratique, le président du Conseil privé ou le leader du gouvernement en Chambre qui venait nous rendre visite. À quelques reprises, nous avons reçu M. Boudria. Je peux vous assurer que les sénateurs autour de la table à ce comité — il y a une certaine stabilité autour de la table et nous avons encore une certaine mémoire —, vous reposeront exactement la même question.

Mais je dois vous dire que — et je parle pour moi — à un moment donné, on votera contre.

M. Bélanger : Tout ce que je souhaite, c'est qu'il y ait la même stabilité sur le plan de la représentation ministérielle.

Le sénateur Joyal : Ma deuxième question concerne le projet de loi plus particulier dont nous sommes saisis aujourd'hui, le projet de loi C-36. Lorsque vous dites que la commission indépendante a consulté les partis, voulez- vous dire les partis politiques à la Chambre ou ceux qui apparaissaient sur les bulletins de vote à la dernière élection?

M. Bélanger : J'ai consulté les partis politiques dans l'établissement du processus de la sélection de deux des trois commissaires. Je ne sais pas quels partis la commission a consultés, les listes existent, mais si j'ai bien compris, ils ont consulté les partis qui avaient déjà fait des interventions auprès de la commission précédente.

Le sénateur Joyal : Mon problème avec la question que je vous pose est le suivant : depuis le jugement dans la cause Figueroa, la loi électorale doit être interprétée avec l'objectif de protéger les droits des partis minoritaires — et quand je dis « minoritaires », je pourrais utiliser le mot « marginaux ».

Lors des dernières élections, quels partis figuraient sur le bulletin de vote dans ces deux comtés, Miramichi et d'Acadie—Bathurst?

M. Bélanger : Je n'ai pas l'information devant moi. Je ne sais pas. Cependant, je ne crois pas que cela soit important, parce que le processus de consultation de la commission que nous avons créé était calqué sur le processus stipulé dans la Loi sur la redistribution électorale, qui exige un processus de consultation ouvert à tous. Il y a eu publication dans les quotidiens au Nouveau-Brunswick et dans les deux hebdomadaires à Bathurst et à Miramichi. Tout le monde aurait pu s'exprimer sur ce que la commission recommandait. Rien n'a été fait sans une totale transparence.

Le sénateur Joyal : Il y a beaucoup de partis marginaux, comme je n'ose pas en nommer pour ne pas les juger, sur l'échiquier politique canadien. D'autres sont des partis en émergence, pour ne pas en nommer non plus. Ces partis ont le droit le plus strict d'être entendus, et le système doit leur faciliter la participation au processus électoral qui, pour citer les mots de la Cour suprême, est dominé par les partis traditionnels.

Je pourrais citer le paragraphe du jugement Figueroa, où ces mots sont clairement ceux que la cour a utilisés. En d'autres mots, il nous appartient, lorsque nous lançons un processus de consultation, de nous assurer, de manière proactive, que ces petits partis — je vais utiliser cette expression —, sont informés et invités de faire des présentations puisqu'ils sont enregistrés avec le Directeur général des élections.

M. Bélanger : Aucun parti politique n'a été particulièrement invité à participer. La commission est allée plus loin que cela. Tous les citoyens des deux circonscriptions ont eu l'occasion de s'exprimer.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas exactement ce que je cherche à vérifier. Il est facile de publier un article dans un journal et de dire que tout le monde est invité. On a participé à des activités politiques puis on en a imprimé des invitations au journal, mais lorsqu'il s'agit de prendre une décision qui affecte le processus électoral, on a ce que le sénateur Nolin va comprendre, une obligation de porter l'information à ceux qui peuvent être concernés ou dont les droits sont concernés.

M. Bélanger : Je n'ai pas de problème avec ce que vous dites. Le gouvernement avec le Parlement ont amendé la loi suite à la décision Figueroa. D'ailleurs, il y a une révision mandataire obligatoire qui sera amorcée cet automne, mais on ne changeait pas le processus électoral ici, on changeait les limites entre deux circonscriptions.

Le sénateur Joyal : Il y a quand même des intérêts électoraux en cause dans la redéfinition d'une carte comme il y en a dans le choix du nom et comme il y en a dans la dispersion des bureaux de vote. On le sait très bien. C'est la raison pour laquelle le Directeur général des élections était devant un comité de la Chambre des communes, il y a quelque temps, sur la question des nominations des directeurs de scrutin, et autres. Je n'entre pas dans ces détails. Tout ce qui touche le processus électoral, qui est sous la juridiction de la loi électorale, est assujetti au même principe d'ouverture que la Cour suprême a constaté dans ses conclusions pour la cause Figueroa. Si on est pour avoir un processus d'exception. On parle d'un processus d'exception, on n'est plus dans le processus général de redécoupage de la carte électorale à tous les dix ans. Nous sommes dans un processus d'exception.

Dans un processus d'exception, il faut s'assurer que les partis politiques qui figurent sur les bulletins de vote, quel que soit le nombre de votes qu'ils ont obtenus, sont informés et font valoir leur opinion vis-à-vis l'objectif proposé. C'est là fondamentalement le processus dont j'essaie de m'assurer qu'il est suivi et surtout que ces partis sont enregistrés auprès du Directeur général des élections et qu'ils ne sont pas nulle part dans l'échiquier canadien.

M. Bélanger : La commission est autonome. Elle avait un mandat qui lui a été donné, calqué sur la loi telle qu'elle existe. Pour ce qui est de la loi telle qu'elle existe et ses amendements futurs, je suis parfaitement d'accord que les décisions de la Cour suprême devraient avoir une influence lorsqu'elle sera révisée. Il n'y a aucun doute là-dessus. Le processus devant nous est unique et on espère qu'il restera unique, qu'il ne se répètera pas, parce qu'il devrait y avoir une façon dans la loi de corriger ces vices que l'ont découvre ou alors que les tribunaux statuent. C'est à venir. Pour l'instant, la loi telle qu'elle existe, c'est de quoi on s'est inspiré pour le mandat de la commission d'enquête avec l'aval complet d'Élections Canada et toutes les ressources techniques que toutes les commissions de redistribution auront eu auparavant.

Cette commission d'enquête avait le mandat et les ressources d'une autre commission d'enquête. Je ne peux pas aller plus loin. Je ne sais pas qui elle aurait invité de son propre chef après avoir invité tout le monde lors d'avis. Vous me posez une question à laquelle je ne peux pas répondre.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, pour faire suite à ce que disait mon collègue au sujet de qui consulte quelle partie, et cetera, je pense qu'il existe peut-être un système actuellement, même s'il n'est pas officiel, en ce sens qu'il y a un groupe connu sous le nom de comité consultatif des partis politiques enregistrés auprès du directeur général des élections qui compte des représentants de tous les partis politiques enregistrés. La représentation y est équilibrée, et le DGE, dans le cas des petits partis périphériques, défraie les personnes qui se rendent aux réunions tous les trois mois, je crois. Ce serait un bon endroit où passer en revue certains des changements et discuter des problèmes qui surviendront parce qu'on y trouve des représentants de tous les partis politiques. Ils auront l'occasion de les examiner, ce qui nous éviterait de le faire ici. Je préférerais que les problèmes soient réglés plus tôt.

M. Bélanger : Bonne idée.

Le sénateur Milne : Je dois vous dire, sénateur Mercer, que ces problèmes de redécoupage ne se produisent pas seulement au Nouveau-Brunswick. Ils existent aussi en Ontario. Plusieurs fois j'ai comparu devant les commissaires à la délimitation pour essayer de les convaincre de conserver une communauté d'intérêt ailleurs, et ils ne le font jamais. Surtout dans les régions rurales de l'Ontario, ils mettent les restes ensemble, ce qui fait qu'il y a des gens qui habitent peut-être à 60 milles d'une localité où ils ne vont jamais, mais ils se retrouvent dans la même circonscription.

J'ai remarqué que vous avez parlé du septième rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes. J'ai noté que c'était aussi dans le seizième rapport de la troisième session du même comité.

M. Bélanger : C'est la même chose.

Le sénateur Milne : C'est le même rapport, c'est donc exactement la même chose. Vous avez dit que cela prendra peut-être la forme d'une loi à un moment donné. Eh bien j'espère que ce n'est pas « à un moment donné, jamais ». J'espère que cela va se faire parce que je pense qu'il est important de préserver la continuité historique de la représentation dans une province.

Ceux qui vont former les commissaires à la délimitation, que vont-ils faire pour leur donner cette connaissance? Ça ne se fait pas et ça m'inquiète beaucoup. Je veux que ça figure dans la loi et que cela fasse partie de la formation des commissaires. Le sénateur Nolin a parlé d'une cinquantaine de lettres au sujet d'une circonscription. Cela fait presque dix ans que je siège au comité et c'est la première fois qu'un changement à la carte électorale nous est soumis. Il s'est toujours agi de changements de noms. Chaque fois qu'il y a un autre changement de nom, nous entendons M. Kingsley et on nous parle du temps que ça prend. Quelle est la position de M. Kingsley ici?

M. Bélanger : Avant de nous lancer dans ceci, j'ai consulté M. Kingsley et il a approuvé sans réserve le processus. Il a proposé l'aide technique d'Élections Canada pour la commission d'enquête qui a été créée et son service l'a reçue. Je n'ai entendu aucune critique de cette partie du processus.

Sur le plan législatif, j'espère d'ici un an présenter un projet.

Le sénateur Milne : Ce sera donc bien avant le prochain recensement décennal.

M. Bélanger : Oui, il le faut. Je veux que ça vienne plus tôt, mais je ne veux pas non plus causer des palpitations à mes collègues.

Le sénateur Milne : Ils sont jeunes; ils peuvent bien avoir des palpitations.

M. Bélanger : On y examinerait assurément de près la communauté d'intérêt et la meilleure solution à adopter; dans la formation, comment s'assurer qu'il y a une approche équilibrée de l'interprétation de ces critères, les définitions de communauté d'intérêt et ainsi de suite — plus les aspects pratiques que pourront recommander le comité et le directeur général des élections. Tout cela doit être envisagé ensemble et j'espère que d'ici un an nous aurons une loi à présenter.

Le sénateur Milne : Bien.

M. Bélanger : En prévision du recensement de 2011.

Le sénateur Nolin : Puis-je suggérer que vous commenciez à faire étudier le projet de loi ici? Nous pourrions peut-être vous donner un point de vue direct.

M. Bélanger : Vous pouvez faire la suggestion, sénateur.

Le sénateur Milne : Vous avez consulté la population de la circonscription. Vous avez consulté par la voie des journaux, donnant aux gens la possibilité de donner leur avis. Vous avez consulté les différents partis politiques. Le vote à la Chambre des communes a été unanime. Avez-vous en fait consulté les deux députés concernés eux-mêmes?

M. Bélanger : Oui.

[Français]

Le sénateur Ringuette : J'applaudis les deux communautés francophones du Nouveau-Brunswick qui se sont engagées dans le processus faisant en sorte qu'on a ce projet de loi aujourd'hui. Il y a une histoire à tout cela qui vient de très loin de chambardement des communautés francophones au Nouveau-Brunswick par différentes commissions de révision de cartes électorales. La commission mise en place après le recensement de 1991 a fait rapport en 1993 au Nouveau-Brunswick particulièrement, et uniquement au Nouveau-Brunswick. Nous avons eu un rapport dissident parce que les nouvelles limites de circonscriptions électorales proposées par deux des trois commissaires étaient justement à l'encontre des communautés d'intérêt des régions du Nord du Nouveau-Brunswick, des régions francophones. J'étais alors députée de Madawaska— Victoria, une communauté culturelle, économique, sociale, à 80 p. 100 francophone qui était bien organisée. Cette commission a complètement dissocié — et peu importe l'implication des partis politiques, que ce soit les Libéraux ou les Conservateurs — cette circonscription où les communautés travaillaient extrêmement bien ensemble et avaient des champs d'intérêts communs pour créer une circonscription qui s'appelle Madawaska—Restigouche. Une personne qui vit au Nouveau-Brunswick et qui regarde cette circonscription, trouve que c'est un non sens. Tout cela parce que — peut-être involontairement — on fait des changements pour faire des changements. Si cela dérange les francophones, ce n'est pas grave en bout de ligne. Vous savez, ultimement au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas grand changement sur le plan de déplacement du bassin de la population. On a dix sièges garantis par la Constitution. Donc, il n'y a pas de nécessité de faire un grand remue-ménage. La situation est probablement la même dans les autres provinces de l'Atlantique où il n'y a pas grand dérangement. On s'attarde tous les dix ans, et surtout, je le répète encore, surtout chez les Francophones au Nouveau-Brunswick, lorsque les Francophones commencent à s'organiser, il faut les déranger de quelque manière que ce soit.

Toute la situation qui a mené à ce projet de loi crée un précédent. Je peux vous garantir que n'importe quel autre changement va encore créer un grand dérangement chez les communautés francophones du Nouveau-Brunswick, le processus va se répéter.

M. Bélanger : Si vous avez raison, de là l'importance de voir à la modification de la loi.

[Traduction]

J'ajouterai simplement, sénateur, que c'est en fait la première fois depuis 1964 que nous nous trouvons dans une telle situation. C'est la raison pour laquelle il nous a fallu inventer un processus, à toutes fins pratiques, pour maintenir cette indépendance dans l'établissement des limites, cette indépendance par rapport à ceux qui les établissaient tout en nous assurant que cela pouvait se faire dans les délais qui nous étaient imposés par les tribunaux.

[Français]

Le sénateur Joyal : Que faites-vous pour vous assurer que dans les instructions données au commissaire à la délimitation, il comprenne ce que sont les deux communautés de langues officielles minoritaires en dehors de Québec et Toronto.

M. Bélanger : À la dernière redistribution, la commissaire aux langues officielles avait rencontré les commissions et les commissaires à cet effet.

Le sénateur Joyal : Qu'est-ce qui fait qu'on a la situation qu'on a aujourd'hui?

M. Bélanger : Sénateur, là, je ne veux pas me faire l'interprète des commissaires de la première commission de distribution. Ils ont pris décision en connaissance de l'opposition qui avait lieu. Ce n'est pas un secret, j'étais président du Comité des langues officielles à la Chambre des communes à ce moment, le sujet est venu devant le comité et le comité s'est prononcé en faveur des communautés sur la question. Je crois comprendre que le Comité de la procédure de la Chambre a fait la même chose. La commission a choisi de maintenir principalement sa position et sur ce, le comité a décidé de faire appel aux tribunaux. Les tribunaux en première instance en Cour fédérale lui ont donné raison et le gouvernement — et je m'associe à cette décision puisque j'y était à ce moment — a décidé de ne pas fait faire appel de la décision et de cela découle ma présence ici aujourd'hui. J'espère une conclusion heureuse à cette situation avec la proclamation de la sanction royale du projet de loi. C'est mon souhait.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella : J'appuie tout à fait ce projet de loi et je sais que les sénateurs concluront leur travail rapidement mais, de toute évidence, il y a eu un problème. Tout d'abord, je conviens avec vous que le système n'est pas si mauvais. C'est le seul gros problème que nous ayons eu depuis des années. Toutefois, dans ce cas particulier, il y a quelque chose qui n'a pas du tout marché et ceux qui ont fait le nécessaire pour régler le problème y sont allés de leur poche.

J'ai remarqué qu'à la fin de la décision du tribunal, le juge n'a pas prévu le remboursement des frais de ceux qui se sont chargés de faire rectifier le problème. Je me demandais donc si le gouvernement verrait un inconvénient à rembourser certains frais encourus par la localité.

Il me semble que nous avons le principe du programme de contestations judiciaires par lequel l'État met de l'argent à la disposition des Canadiens, particuliers ou groupes qui corrigent des situations qui sont contraires à l'esprit de la Charte.

Dans ce cas, je ne vois rien dans la loi mais j'inviterais le gouvernement à envisager sérieusement de le faire parce que ces gens-là nous ont rendu un service. Pas seulement à la localité touchée mais également à l'ensemble du Canada. Je répète que le système fonctionne en général très bien. Cette injustice s'est produite et a été corrigée. Je ne veux pas entrer dans les détails de la façon dont la commission initiale a été proposée, savoir si elle était totalement objective et je ne veux m'occuper que de la réalité dont nous sommes saisis, à savoir ce projet de loi.

M. Bélanger : Vous avez raison, ce dont vous parlez ne figure pas dans la loi et ne devrait pas y figurer. Toutefois, quand une telle requête est reçue, c'est le procureur général du Canada qui s'en occupe et je suppose qu'il examinera la question. Je ne puis dire à l'avance quelle sera sa décision.

[Français]

La présidente : Nous vous remercions beaucoup de votre temps, monsieur Bélanger, et nous allons suivre le processus normal. Nous devons entendre M. Kingsley avant l'adoption de ce projet de loi. Je demande au député Yvon Godin, qui est concerné par le sujet, s'il veut nous dire quelques mots.

M. Yvon Godin, député, Acadie—Bathurst : Honorables sénateurs, cela me fait plaisir de me présenter à votre comité. C'est la deuxième fois que je me présente à un comité du Sénat; une fois lorsque j'étais représentant syndical et aujourd'hui comme député.

Le projet de loi C-36 tient à cœur à la communauté de chez nous. Le sénateur Ringuette en a parlé. Je peux vous garantir que les deux communautés d'Acadie—Bathurst et de Miramichi sont heureuses du produit final; et je ne parle pas seulement des députés, mais bien de la communauté elle-même.

Cela a débuté en 2002 lorsque les Commissions de délimitation ont été mises en place. Elles ont été invitées à venir à Ottawa et la commissaire aux langues officielles a également été invitée pour donner ses petites règles. Elle leur a recommandé de porter attention aux communautés d'intérêt, ainsi qu'aux deux langues officielles au Canada. Ils ont été avertis.

À l'automne 2002, des mémoires ont été présentés. Dans Acadie—Bathurst, 14 mémoires ont été présentés à la commission pour lui dire unanimement qu'ils n'étaient pas d'accord avec la commission.

J'avais personnellement présenté un mémoire et un de mes arguments était de demander pourquoi la région de Kent devait être annexée à Beauséjour et Allardville annexé à Miramichi. Je suis né à Allardville. On allait magasiner à Bathurst, on allait à l'école à Bathurst, on allait au cinéma à Bathurst et on allait danser à Bathurst! Mais nous n'allions pas à Miramichi. Du point de vue culturel, il n'y avait aucune affinité entre Allardville et Miramichi.

Nous avons présenté une plainte à la commissaire aux langues officielles. Elle a rendu un rapport disant que la Commission de délimitation n'était pas correcte. En réponse au rapport de la commissaire, la commission lui a dit qu'elle devrait se mêler de ses affaires parce qu'elle n'avait pas d'affaires dans ce dossier. La commissaire leur a répondu qu'elle avait d'affaires là-dedans et elle a fait son rapport.

Au Comité des langues officielles, tous les partis politiques étaient unanimes pour dire que la commission avait une erreur. On recommandait à la Commission de délimitation de revenir sur la décision. Le rapport du Comité des langues officielles a été refusé.

Au Comité de la procédure et des affaires parlementaires de la Chambre des communes, tous étaient toujours unanimes pour dire que la commission avait fait une erreur et pour demander que la commission revienne sur leur décision. La Commission de délimitation a encore refusé.

En plus de cela, dans la communauté d'Acadie—Bathurst, une pétition comprenant 2600 noms de personnes fut présentée à la commission pour lui dire qu'elle faisait une erreur. Cette pétition a été refusée. Également, 7 000 cartes postales ont été présentées au Président de la Chambre des communes pour lui dire d'intervenir car la commission était dans l'erreur. La Commission de délimitation a aussi complètement ignoré cette demande. À ce moment-là, l'Association des municipalités francophones du Nouveau-Brunswick a traîné la Commission de délimitation devant la cour.

Même la minorité anglophone de la circonscription d'Acadie—Bathurst au Nouveau-Brunswick n'était pas d'accord parce qu'ils envoyaient à Miramichi une partie des anglophones et cette démarche diminuait le nombre de la minorité. Les anglophones et les francophones étaient du même avis.

De plus, à Miramichi, le seul mémoire présenté était pour dire que les gens de Miramichi ne voulaient pas que les gens d'Acadie—Bathurst fassent partie de Miramichi. La commission les a, encore une fois, ignorés.

Je suis donc très satisfait de la décision de la cour. Comme le sénateur le disait tantôt, ils voulaient prendre tous les autochtones et les envoyer à Miramichi. Je me souviens avoir dit que cela faisait penser à une grange avec une poule qui picoche partout pour les amener à Miramichi.

Ils ont même annexé Belledune à Miramichi. Cela s'est fait parce que la ville de Belledune ne s'est pas plainte. Mon collègue est obligé de traverser Acadie—Bathurst pour aller représenter les citoyens de Belledune. Je peux vous dire que ce n'était pas les députés qui faisaient la bataille, mais bien la communauté. Il y a même des citoyens qui ont refusé d'aller voter à la dernière élection. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas voter pour Miramichi.

À ce jour, même si les changements n'ont pas été faits, c'est mon bureau qui dessert les villes de Allardville et la région de Bathurst. Cela n'a jamais changé. Les appels à mon bureau suggèrent que les citoyens ne veulent pas y aller parce qu'ils croient que c'est une injustice.

La cour a rendue une décision et le commissaire, M. Daigle et les deux autres membres de la commission, l'ont constaté et ils ont donné raison à la communauté. Cela crée un précédent important.

Lors de nos discussions avec M. Jean-Pierre Kingsley, il disait que chaque commission est indépendante de faire ce qu'elle veut selon la loi. Cela n'a pas de bon sens. Il n'y avait aucun leadership pour uniformiser les circonscriptions au Canada.

Le Comité de la procédure et des affaires parlementaires de la Chambre des communes a fait la recommandation d'établir un système uniforme au Canada. Maintenant, à partir de cette récente décision, les commissions devront tenir compte des communautés d'intérêt, que ce soit les gens du Nord de l'Ontario, de l'Alberta et des minorités un peu partout.

À l'avenir, lorsque des décisions seront prises, il faudra qu'ils y pensent deux fois parce que maintenant il y a de la jurisprudence. Avant, ils disaient qu'ils n'étaient pas obligés de nous répondre.

Dans le système politique, on ne vote pas pour un chiffre, on vote pour des citoyens. On représente les citoyens, et non un chiffre. Dans la loi, on peut dévier de 25 p. 100 du quotient provincial. D'après moi, le commissaire Richard était dans l'erreur parce qu'il disait que si l'on additionne 14 pour Acadie—Bathurst et moins 21 pour Miramichi, cela donne 35. C'était plutôt le quotient de la province, et non le quotient de deux communautés ou de deux circonscriptions additionnées. Il ne voulait pas voir cette partie, et dans son premier rapport il en parle.

Je vous remercie de m'avoir écouté pour entendre les deux côtés de la médaille. Je peux vous assurer que ce ne sont pas seulement les députés, mais bien tous les partis politiques qui sont d'accord avec les changements.

Lorsque vous parliez tantôt de la publication du changement dans les journaux, à savoir si les autres partis politiques ont eu la chance d'apprendre le changement, je vous assure que les médias en ont fait la manchette pendant à peu près deux ans. Cela a été le sujet chaud de la région. Et jusqu'à maintenant, je n'ai reçu aucun appel téléphonique me disant que quelqu'un était en désaccord avec la décision de la cour.

Le sénateur Kinsella : Monsieur Godin, peut-être avez-vous entendu la question que j'ai soulevé avec le ministre concernant les coûts de la communauté?

M. Godin : Je peux vous dire, que cela n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

Le sénateur Kinsella : C'est une question de justice.

[Traduction]

M. Godin : Il est dommage que l'association minoritaire ait dû payer pour se faire entendre. Ce coût diminue sa capacité de représenter ses membres. C'est une injustice à l'endroit de ces groupes et j'ai énuméré tout ce qui a été fait pour essayer de l'empêcher. C'est cela qui est important. Nous proposons au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de nous doter d'un mécanisme. Nous croyons à l'indépendance mais il n'y a pas indépendance si l'on fait appel aux mêmes personnes. C'est ce qui se produit. Dans notre proposition, nous prévoyons que l'on s'adresse à un autre groupe et que l'on puisse dire voici ce qu'a dit ce groupe et voici ce sur quoi porte l'appel. Comme ça, on ne risquera pas que quelqu'un refuse de changer d'avis par crainte de reconnaître qu'il a fait une erreur. Cela aiderait à maintenir l'indépendance voulue, sans avoir à venir ici.

Le sénateur Joyal : En toute justice, sénateur, les coûts devraient être payés par le directeur général des élections, parce que normalement c'est lui qui en serait responsable. J'ai écouté votre première question et j'observais le fonctionnaire qui était en train de consulter. Est-ce que nous sommes en train de créer un précédent selon lequel on ouvre les vannes de sorte que n'importe qui pourrait contester les limites des circonscriptions devant les tribunaux? Je sais ce que sera la réponse normale du gouvernement. Mais dans ce cas, c'est assez particulier.

[Français]

Il y a toujours quelque chose d'odieux de laisser les minorités se défendre elles-mêmes et payer de leurs poches.

Le sénateur Nolin : Comme les Autochtones.

Le sénateur Joyal : Exactement. À un moment donné, le Canada doit vivre au niveau de ses principes. Si l'on dit que le pays est fondé sur deux lois qui ont un statut, des droits et des privilèges égaux, il faut que le système soit en mesure de servir ces deux principes. Dans le cas présent, c'est le directeur général des élections qui devrait débourser. C'est lui qui est responsable de la carte et non pas le ministère de la Justice. C'est le directeur général des élections qui a la responsabilité de s'assurer que la carte reflète le Canada dans sa diversité, dans ses intérêts régionaux et les caractéristiques géographiques — on connaît les différents critères utilisés — et c'est lui qui, à mon avis, devrait compenser les coûts encourus par les deux communautés locales concernées.

M. Godin : Lorsque le sénateur Ringuette a parlé du problème survenu en 1993-1994, c'est exactement la même chose. La communauté n'avait pas assez d'argent pour continuer à la cour. Nous étions rendus en cour et nous avons dû arrêter les procédures. Il y avait des décisions à prendre quant à savoir si on continuait ou non. Nous étions en plein milieu d'une élection et nous avons arrêtés les procédures. La communauté n'a pas pu se faire entendre à ce moment. Nous avons été chanceux cette fois-ci que les gens continuent et que toute la communauté se mette ensemble. La Chambre de commerce de Bathurst et même la ville de Bathurst, les anglophones et les francophones tout le monde s'en est mêlé. Une injustice était en train de se produire est tous ne pouvait l'accepter. On va envoyer une copie conforme aux deux groupes.

La présidente : Il y a des observations qu'on peut faire et plusieurs questions à poser à M. Kingsley lorsqu'il viendra le 16 février 2005.

[Traduction]

Demain, sénateurs, nous allons traiter du projet de loi S-5 avec le sénateur Banks et des fonctionnaires du ministère de la Justice.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Je ne sais pas si le problème vient de mon bureau, mais j'ai de la difficulté à obtenir l'ordre du jour de nos rencontres.

La présidente : Le problème provient de votre bureau parce qu'on envoie les ordres du jour très tôt.

Le sénateur Ringuette : J'obtiens toutes les autres informations, les projets de loi et cetera, lorsque vient le temps de recevoir l'ordre du jour, j'ai des difficultés. J'ai consulté mon collègue le sénateur Mercer.

La présidente : Où est situé votre bureau?

Le sénateur Ringuette : Dans l'édifice Victoria.

La présidente : Nous allons vérifier.

La séance est levée.


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