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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 6 - Témoignages du 16 février 2005


OTTAWA, le mercredi 16 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a été saisi du projet de loi C-36 modifiant les limites des circonscriptions électorales d'Acadie—Bathurst et de Miramichi, du projet de loi C-302 visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Kitchener—Wilmot—Wellesley— Woolwich et le projet de loi C-304 visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Battle River, se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour étudier ces projets de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Nous avons quorum. Nous allons commencer la séance tout de suite pour ne pas retarder nos invités.

[Traduction]

Nous avons aujourd'hui à l'ordre du jour les projets de loi C-36, C-302 et C-304.

Nous entendrons des témoins d'Élections Canada : M. Kingsley, Mme Davidson et M. Molnar.

[Français]

Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Kingsley. Vous avez l'habitude de nos comités. On va vous entendre et j'ai l'impression que les sénateurs ont quelques questions à vous demander.

M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, Élections Canada : Merci beaucoup et je vous remercie d'avoir présenté mes deux collègues qui, évidemment, se prêteront au jeu des questions et des réponses, comme d'habitude.

[Traduction]

Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui au moment où vous examinez les projets de loi C-36, C-302 et C-304. J'apprécie chacune de mes comparutions devant les comités du Sénat, qui traduisent clairement pour moi ma charge de haut fonctionnaire du Parlement, appelé à rendre des comptes à ses deux chambres.

Les projets de loi C-302 et C-304 proposent respectivement de renommer « Kitchener—Conestoga » la circonscription de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich et « Westlock—St. Paul » celle de Battle River. Ils restaureraient ainsi les noms attribués par les commissions indépendantes de délimitation des circonscriptions fédérales de l'Ontario et de l'Alberta en application de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, pour remplacer les nouveaux noms adoptés par la suite.

J'ai comparu à plusieurs reprises devant votre comité pour discuter de projets de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions. Vous vous rappellerez sûrement que je suis venu témoigner devant vous le 1er avril 2004, pendant votre étude du projet de loi C-20 qui visait à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales et au sujet duquel, soit dit en passant, je n'ai pas été appelé à comparaître devant le comité de l'autre chambre.

Le projet de loi C-36, le plus important, vise à changer les limites des circonscriptions d'Acadie—Bathurst et de Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Les limites de la circonscription d'Acadie—Bathurst, telles qu'elles sont décrites dans le décret de représentation de 2003, ont été contestées devant la Cour fédérale dans l'affaire Raîche c. Canada (Procureur général). La cour, qui a jugé qu'on n'avait pas adéquatement appliqué le concept de « communauté d'intérêts » ni respecté les exigences de la Loi sur les langues officielles, a rejeté les limites établies dans le décret de représentation de 2003. Son jugement n'imposait toutefois pas de mesure corrective précise.

Le gouvernement a créé une commission d'enquête chargée spécifiquement d'étudier le cas des deux circonscriptions et d'en reconsidérer les limites. Le ministre responsable du dossier m'avait consulté à ce sujet-là, et j'approuvais entièrement ce mécanisme qui assurait l'indépendance du processus. La commission a recommandé dans son rapport que des parties des paroisses d'Allardville et de Bathurst, y copris la réserve indienne de Pabineau no 11, soient transférées dans la circonscription d'Acadie—Bathurst. Le projet de loi C-36 fait suite à cette recommandation.

Ce projet de loi vise à modifier les limites des deux circonscriptions, et pas simplement leur nom, de sorte que des électeurs changeraient de circonscription. S'il est adopté, il faudra mettre à jour le Registre national des électeurs et redessiner les cartes en conséquence. Ce projet de loi prévoit aussi un mécanisme pour la continuation des associations de circonscription enregistrées dans ces circonscriptions.

Le projet de loi C-36 entrerait en vigueur à la première dissolution du Parlement survenant au moins trois mois après la date de la sanction royale ou, si je publie dans la Gazette du Canada un avis portant que les préparatifs nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles limites ont été faits et que celles-ci peuvent en conséquence entrer en vigueur, à la première dissolution du Parlement survenant après la publication de cet avis.

[Français]

Cette deuxième option vise simplement à autoriser une période de préparation plus courte que trois mois au cas où mon bureau pourrait terminer ses préparatifs en moins de trois mois.

En ce qui concerne mon travail, tout changement au nom ou aux limites d'une circonscription nécessite la modification de nos produits géographiques.

Le 21 septembre 2004, j'ai écrit aux sénateurs, aux députés et aux partis politiques pour leur signaler que des versions à jour de nos produits de géographie officielle, c'est-à-dire tenant compte des changements du projet de loi C- 20, pourraient être obtenues à la mi-novembre 2004.

Cependant, peu de temps après l'envoi de cette lettre, j'ai été avisé que d'autres changements de nom seraient proposés. J'ai donc annulé la commande d'impression des nouvelles versions de nos produits.

Cependant, nous sommes prêts à imprimer ces produits en tout temps et les changements de nom du projet de loi C- 20 ont été ajoutés aux documents informatiques affichés sur notre site Web.

D'autres projets de loi sont actuellement à l'étude au Parlement, dont le projet de loi C-323, Loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Welland, approuvé en première lecture le 7 février 2005. Dès que les projets de loi C-36, C-302 et C-304 recevront la sanction royale, si tel est le cas, nous procéderons à la réimpression de nos produits électoraux.

Les coûts de réimpression de nos cartes, de nos atlas et de nos autres produits seront d'environ 200 000 $. Il nous faudra aussi, comme nous le faisons après tout redécoupage, mettre à jour nos systèmes informatiques servant à produire les nouvelles listes électorales préliminaires, ainsi que les documents connexes tels que les cartes d'information de l'électeur, les cartes géographiques et les autres produits dont ont besoin les candidats et les partis en période électorale.

Aux termes de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, le bureau du directeur général des élections est chargé d'un certain nombre de fonctions à l'égard du redécoupage, y compris de mettre en œuvre des moyens professionnels, financiers, techniques et administratifs pour soutenir les commissions et appliquer leurs décisions.

Au Canada, les limites des circonscriptions sont révisées systématiquement dans le cadre d'un processus de redécoupage impartial qui est clairement axé sur les intérêts de la population. Ce processus est admiré dans le monde entier.

Cela dit, il y a toujours place à de l'amélioration pour un système conçu par l'être humain. C'est pourquoi, d'ici la fin de la présente session parlementaire, mon bureau entend présenter au Parlement un rapport contenant des recommandations quant aux modifications à apporter à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. J'ai déjà recueilli les commentaires des présidents des commissions à cet égard.

Voilà qui conclut ma présentation. Nous répondrons, mes collègues et moi, volontiers à vos questions.

La présidente : Merci. À propos du projet de loi C-36, c'est un contexte hautement exceptionnel. J'aimerais sonder votre avis sur des mesures correctrices qui s'imposent en toute logique, si nous voulons adéquatement rectifier le tir.

On peut les décliner en deux volets. Ne serait-il pas avisé d'agir au niveau de la définition même des principaux concepts que la commission est appelée à interpréter? Par exemple, si une proposition a été formulée pour amender la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, pour inclure une définition claire de « communauté d'intérêt », est-ce que cela ne faciliterait pas le travail des commissaires?

Ensuite, pour que la commission soit pleinement indépendante et évidemment compétente, il est impératif que tous ses membres, dont les sensibilités sont variées, soient sur la même longueur d'ondes au départ, en ce qui a trait aux concepts fondamentaux qu'ils seront appelés à utiliser dans leurs fonctions.

Du point de vue pratique, serait-il intéressant de se pencher de plus près sur les moyens qui pourraient être déployés pour intervenir sur la formation ou les instructions que reçoivent les futurs commissaires, et ce même avant qu'ils entrent en fonction?

L'objectif de cette initiative viserait certainement à s'assurer que tous partagent les mêmes connaissances et la même compréhension des notions juridiques qu'ils sont confiés à manier tout au long de leur mandat. J'aimerais avoir vos commentaires à cet égard.

M. Kingsley : Vous soulevez d'abord la question de la définition selon laquelle agiraient les commissions de délimitation. J'ai parcouru le texte à moult reprises et lorsqu'on considère qu'une commission de délimitation présidée par un juge avait une interprétation de la loi, et qu'un juge de la Cour fédérale en avait une autre, il est clair qu'il faut tirer les choses au clair. Parce que ce sont des juristes, finalement, qui sont d'avis différent.

J'ai l'intention de me pencher là-dessus dans de plus amples détails pour faire des recommandations et tenter d'élaborer cela.

La façon que la définition fonctionne présentement, c'est qu'elle met en exergue le nombre et dit que la commission doit d'abord en tenir compte et tenir compte d'une autre chose. Mais elle peut aussi et elle doit tenir compte, en même temps qu'elle tient compte du nombre, des facteurs communauté d'intérêt et communauté d'identité, et cetera. Ensuite, elle dit qu'elle peut modifier en ce qui a trait au chiffre. Il peut y avoir, certainement, une confusion. Je crois qu'il y a moyen de tirer cela au clair pour être catégorique, pour savoir quelle est la première priorité des commissions.

Est-ce une personne, un vote? Est-ce la représentation efficace? Quelle est la place de la communauté d'intérêt? Quelle est la place des communautés linguistiques officielles? Quelle est la place des autres communautés minoritaires pour qu'on puisse dire aux commissions : voici, quelle est la place des circonscriptions rurales, des circonscriptions éloignées? À quel moment cela entre en ligne de compte? Quand cela devient-il plus important que les autres facteurs? On peut tirer tout cela au clair davantage. Cela ne sera pas facile parce que quand je parcours tous les documents concernant cela, je me vois dans les fonctions des commissaires et je me dis : on me demande de faire la quadrature du cercle ici. C'est ce qu'on nous demande. C'est très difficile parce que les gens ne vivent pas automatiquement tous d'un seul groupe dans la même communauté. Il y a des minorités parmi les minorités. Comment traite-t-on de ces choses-là? Cela va être difficile mais je crois qu'on peut faire une autre tentative.

En ce qui a trait à la formation, je suis heureux d'avoir l'occasion de parcourir cela avec vous au Sénat. Je l'ai fait à la Chambre des communes devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

Nous avons tenu une conférence avec tous les commissaires qui avaient été nommés, les juges et les deux autres commissaires, deux jours, à Ottawa. On a fait venir tout le monde dès le début de leurs travaux, du moment qu'ils ont été nommés ou presque. Je me souviens c'était à la mi-mars ou à peu près. On les avait pressentis à l'événement. J'ai appelé cela une conférence, ce n'est peut-être pas le bon terme. Une demi-journée a été consacrée à une discussion approfondie de communauté d'intérêt. Nous avions trois universitaires qui faisaient des présentations devant les quelque 30 personnes. J'avais envoyé une invitation aux membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, dans la mesure qu'ils le voulaient. Je l'avais fait longtemps d'avance. Cinq membres du comité étaient présents, incluant le président, lors de ces délibérations. Il y a eu un vrai tour de table.

Le professeur Courtney présidait la session. Il est reconnu comme étant une des grandes sommités au Canada. Tous les membres des commissions ont reçu le livre, qui est en quelque sorte la bible sur le redécoupage, écrit par le professeur Courtney. Deux autres professeurs, Mme Jennifer Smith et M. Pelletier du Québec sont venus faire des présentations sur ces concepts.

On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'occasion. Le juge et les autres membres ont eu l'occasion de discuter entre eux. Quelle est la prépondérance d'une telle chose? Qu'est-ce qui vient en second lieu? Nous avons tenu ces discussions qui ont donné les résultats qu'on connaît à travers le Canada. J'ai voulu partager ces renseignements avec vous parce que j'ai eu l'impression, en lisant les témoignages, que les gens autour de la table n'étaient pas au courant de ces conférences. C'était la première fois depuis qu'il y a redécoupage, depuis les années 1965, quand la loi a été adoptée, où tous les membres de la commission avaient été invités.

Précédemment, j'avais initié le processus avec les juges seulement lors de l'exercice précédent de redécoupage.

Il y a eu des efforts très louables faits de la part des commissions qui sont venus, des députés et de mon bureau pour avoir des discussions en profondeur sur la communauté d'intérêt.

[Traduction]

Le sénateur Milne : Monsieur Kingsley, vous avez parlé du redécoupage et vous avez dit que c'était la quadrature du cercle. Chaque fois que la chose se produit en Ontario, on dirait que les commissaires commencent par les grands centres à forte densité de population. Nous nous retrouvons donc avec de petites régions rurales, autour de ces grands centres, qui sont regroupées en une seule circonscription alors qu'elles n'ont absolument aucun intérêt commun.

J'aimerais savoir si vous cherchez des moyens de corriger ce problème parce que des gens qui habitent au nord de Brampton se retrouvent avec d'autres qui vivent au nord de Scarborough... J'exagère, bien sûr; il y a quelques circonscriptions entre les deux.

En ce qui concerne le problème de la communauté d'intérêts, nous devrions peut-être commencer à porter plus souvent des dossiers devant la Cour fédérale. Les communautés se retrouvent tellement divisées et éparpillées, et des gens finissent par devoir faire 60 milles de route pour se rendre au bureau de scrutin, dans la direction opposée à la communauté dans laquelle ils se rendent normalement pour toutes leurs autres affaires, par exemple pour aller chez le médecin ou l'avocat.

Je sais que c'est un problème difficile à résoudre, mais je suis d'avis qu'il faut examiner cette question encore une fois, en particulier la formation des commissaires parce qu'ils ont invariablement une mentalité urbaine. C'est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante : le gouvernement de l'Ontario a-t-il rajusté les limites et les noms de ses circonscriptions depuis le dernier redécoupage fédéral, pour qu'elles correspondent à nos circonscriptions? Je sais qu'il l'a déjà fait dans le passé, mais je ne suis pas certaine qu'il l'ait fait la dernière fois. Cela a une influence sur les listes électorales, que vous vous partagez.

Troisièmement, en ce qui concerne justement les listes électorales, elles étaient dans un état déplorable lors de la dernière élection. Elles étaient truffées d'erreurs. J'ai travaillé dans trois zones urbaines différentes, à Toronto. Dans chaque cas, quand on parle du faible taux de participation, c'est parce que la liste électorale était sérieusement gonflée. Pour presque toutes les unités locatives de Toronto, on avait inscrit non seulement les occupants en place, mais aussi les occupants précédents et parfois même les autres avant. Pourtant, les occupants en place avaient reçu des appels au cours de la campagne, on était allé frapper à leur porte, et ils avaient confirmé qu'il y avait sur la liste des noms qui n'auraient pas dû s'y trouver. Il doit bien y avoir un mécanisme permettant d'enlever des noms de la liste. Mais il semble que, une fois qu'un nom se retrouve sur la liste électorale, il y reste jusqu'à la fin des temps. Cela nuit sérieusement à l'exactitude du calcul du nombre d'électeurs et du pourcentage de ceux qui vont voter — à absolument tout ce qui se rattache aux élections. Le cas s'est vu à Toronto, à Brampton et à Calgary, dans les circonscriptions où j'ai travaillé.

La question ne se rattache pas directement à ce que nous étudions aujourd'hui, mais j'en profite pendant que vous êtes là. Ce sont des problèmes qui font partie intégrante de notre système électoral. À mon avis, l'adoption d'une liste électorale permanente a été une grave erreur. C'était peut-être plus facile sur le moment, cela vous donne peut-être un point de départ, mais cela ne fonctionne pas.

M. Kingsley : Sénateur Milne, quand vous dites que je devrais me pencher sur certaines questions — et vous me prescrivez une foule de choses dans votre première question —, je présume que vous voulez parler du rapport que je vais déposer. Dans le cadre de mon travail, je n'ai pas à me pencher sur ces choses. Je ne suis pas responsable des commissions. Je n'ai rien à voir avec ce qu'elles décident.

Le sénateur Milne : Qui forme les membres de ces commissions?

M. Kingsley : J'ai dit que nous nous étions portés volontaires pour organiser cette conférence. Il n'y a rien qui nous y oblige dans la Loi, mais j'ai fait cette offre de ma propre initiative. J'ai expliqué que la moitié de la journée avait été consacrée à un seul sujet. Nous avons passé une autre journée et demie à discuter d'autres questions relatives au redécoupage des circonscriptions, pour que les gens comprennent bien leur travail. Dans la mesure où ces séances peuvent réunir 10 juges et 20 autres commissaires indépendants d'esprit, je ne peux rien exiger. Je n'oserais surtout pas ordonner quoi que ce soit à ces gens-là, c'est certain. Ce n'est pas le rôle du directeur général des élections, et je l'ai précisé très clairement.

J'ai comparu devant deux comités de la Chambre des communes. Les membres d'un de ces comités disaient que je ne devais pas les influencer, ou chercher à les influencer, alors que ceux de l'autre me disaient le contraire. J'ai voulu rassurer tout le monde — tout comme je veux rassurer tous les sénateurs : je ne cherche pas du tout à les influencer. Je n'ai pas besoin de lire leurs rapports et de les commenter. Je n'ai pas à me faire une idée sur leurs rapports; je n'ai qu'à les transmettre une fois qu'ils sont terminés. C'est mon rôle.

Soutenir leurs activités, oui. Leur fournir des outils, qui ont d'ailleurs été très appréciés pour leur extrême professionnalisme — toutes les commissions, sans exception, nous ont félicités pour ces outils —, voilà ce que je fais. Je taxe leurs comptes, comme on dit, conformément à la Loi. C'est tout ce que je fais.

Le sénateur Milne : Après cette attaque en règle, monsieur Kingsley, pourriez-vous me dire deux mots au sujet de l'état abominable de nos listes électorales?

M. Kingsley : Je ne cherche pas à vous attaquer, mais je profite de l'occasion pour préciser à tous les sénateurs que, même si bien des gens semblent croire que je suis responsable de ces choses-là en tant que directeur général des élections, ce n'est pas le cas. Je ne suis pas responsable de ce que font les commissions; en vertu de la Loi, je ne peux pas l'être.

Je l'ai déjà dit : je ne voudrais même pas être investi de ce pouvoir à titre de directeur général des élections, en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. On ne peut pas avoir un organisme indépendant s'il n'est pas indépendant.

Le sénateur Milne : Vous nous l'avez déjà dit, en effet.

M. Kingsley : Dans le cas de l'Ontario, les circonscriptions restent les mêmes; elles n'ont pas été changées depuis un certain temps. L'Ontario a effectivement décidé que les limites de ses circonscriptions correspondraient à celles des circonscriptions fédérales. Et pour ce qui est de la liste électorale, il y a certaines choses que je voudrais commenter.

Quand nous avons commencé, nous avions 95 p. 100 des noms sur cette liste, et 82 p. 100 de ces noms étaient à la bonne place sur la liste, ce qui était une amélioration par rapport à l'élection précédente. Nous avons aussi effectué des révisions ciblées, en passant de porte en porte dans les secteurs où la population est très mobile. Il s'agit surtout des immeubles à appartements. Nous sommes aussi allés dans des résidences pour personnes âgées — que nous ciblons elles aussi — et des résidences pour étudiants.

Nos agents de révision ont frappé à la porte de 1 200 000 logements — ce qui fait 10 p. 100 des 12 millions de résidences au Canada — pour pouvoir ensuite modifier la liste en fonction des réponses qu'ils avaient reçues. Ils ont eu environ 280 000 réponses. Si on se fie à ce résultat — c'est-à-dire que nous avons obtenu 280 000 réponses après avoir littéralement frappé à toutes ces portes —, que se passerait-il si nous retournions au recensement de porte en porte?

Le sénateur Milne : Dans le cas des appartements pour lesquels six occupants sont énumérés alors qu'il n'y a que deux personnes qui y vivent, quel que soit le nombre de fois où vous retournerez faire des mises à jour dans ces endroits où il y a un fort roulement... J'ai quand même vu une multitude d'immeubles pour lesquels la liste des électeurs se présentait de cette façon-là. Permettez-moi de vous dire que, si quelqu'un veut commettre une fraude le jour des élections, les lois étant ce qu'elles sont, tout ce qu'il a à faire, c'est de fouiller dans les poubelles de ces immeubles et de ramasser toutes les cartes qui y ont été jetées parce qu'elles ne concernaient pas les occupants de ces appartements. Les cartes que vous envoyez se retrouvent dans les poubelles par centaines.

Si quelqu'un voulait vraiment déjouer les lois électorales, il n'aurait qu'à faire sa tournée et à ramasser ces cartes, et à se présenter ensuite dans une salle où des gens travaillent en toute bonne foi. Et il n'aurait qu'à voter à la place de quelqu'un dont il pourrait assez facilement porter le nom. On pourrait tout aussi bien distribuer les cartes d'électeurs comme des cartes à jouer le jour des élections. Je sais que ce genre de chose s'est déjà produit.

Je pense vraiment qu'il faut trouver un moyen, une méthode, pour rayer des noms de la liste. On en ajoute, mais on ne semble pas pouvoir en enlever.

M. Kingsley : Avec votre permission, madame la présidente, puis-je demander à M. Molnar de répondre, puisque c'est lui qui est responsable du registre?

M. Rennie Molnar, directeur principal, Registre et Géographie, Élections Canada : Comme l'a dit M. Kingsley, nous passons de porte en porte, en particulier dans les secteurs où la population est très mobile. Quand nous n'obtenons pas de réponse, nous n'enlevons pas les noms de la liste, évidemment. Mais, quand nous pouvons parler à quelqu'un à la porte, nous nous assurons que seuls les gens qui habitent là sont inscrits comme électeurs; nous enlevons donc tous les autres noms qui figurent sur la liste pour cette adresse. Le plus difficile, dans ces cas-là, c'est de pouvoir parler à quelqu'un à la porte.

Le sénateur Milne : Dans ces immeubles, il faut que ce soit le soir parce que les gens ne sont pas là le jour. Vous dites que vous avez fait 10 p. 100 des logements. Mais dans les endroits comme Toronto, les immeubles en hauteur représentent de 30 à 40 p. 100 des logements.

M. Molnar : En fait, ces 10 p. 100, c'est à l'échelle nationale. Dans les circonscriptions urbaines comme celles du centre-ville de Toronto ou de Vancouver, nous faisons parfois jusqu'à 50 p. 100 des logements. Et dans les cas où il y a un fort roulement, nous allons de porte en porte dans tous les immeubles en hauteur.

M. Kingsley : Il y a certainement place pour l'amélioration. Je ne vous dis pas que nous n'essaierons pas de faire mieux. Il y a déjà une amélioration depuis la dernière élection, et nous apprenons à mesure. Nous essayons aussi d'apporter les correctifs nécessaires à la Loi. Je vais recommander des solutions qui nous aideront à régler les cas de ce genre de façon plus satisfaisante et à inscrire plus de jeunes sur la liste, parce que c'est là qu'est le problème.

J'ai l'intention de soumettre ces recommandations au Parlement avant les vacances d'été. Je compte bien déposer deux rapports, un sur le redécoupage et l'autre sur les questions découlant de la gestion des élections. Je vais soulever ces questions-là. Je ne veux pas vous donner l'impression que nous avons atteint tous nos objectifs au sujet du registre, parce que ce n'est pas le cas.

L'autre élément pour lequel nous n'avons pas réussi aussi bien que je le voudrais, c'est le partage de la propriété du registre avec les partis politiques et les parlementaires. Nous avons essayé d'y arriver par l'entremise des comités consultatifs des partis politiques, mais je ne suis pas tout à fait satisfait de la façon dont cela fonctionne. Nous fournissons chaque année une liste d'électeurs à tous les partis et à tous les parlementaires. Nous recevons rarement des commentaires. En fait, nous en recevons vraiment très peu.

Le sénateur Ringuette : Permettez-moi de vous corriger : la liste des électeurs n'est pas distribuée à tous les parlementaires. J'ai téléphoné à Élections Canada, et je me suis faire dire qu'en tant que sénateur, je n'avais pas accès aux listes électorales.

M. Kingsley : La Loi prévoit uniquement, madame la présidente, que je dois fournir les listes aux députés.

Le sénateur Milne : Mais le Parlement compte deux chambres.

M. Kingsley : La Loi est très claire. Je la respecte. Si les gens souhaitent que les sénateurs reçoivent les listes eux aussi, il faudra changer la Loi. Je ne peux pas les leur envoyer. Si je pouvais le faire, je le ferais. C'est une loi très précise, comme je l'ai déjà souligné.

Le sénateur Mercer : Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue. Nous avons déjà eu des discussions sur bon nombre de ces questions. Je me retrouve aujourd'hui dans une position intéressante, en ce sens que je vais me porter à votre défense parce que je connais votre travail un peu plus intimement que d'autres. Je risque peut- être le bannissement. Je suis convaincu que vous avez accompli un travail important et apporté des changements substantiels ces dernières années, et je vous en félicite ainsi que votre personnel. Il ne fait aucun doute qu'il y a toujours place pour l'amélioration. Vous êtes tous humains, après tout, et bien des gens qui s'occupent des élections le font bénévolement; il y aura donc toujours des erreurs. Mais, de façon générale, je pense que la liste électorale est relativement exacte.

Nous allons devoir raffiner nos méthodes — et quand je dis « nous », je parle collectivement, pour tous les partis politiques et les gens d'Élections Canada qui travaillent dans chaque circonscription — pour cerner les problèmes que vous ne pourriez pas nécessairement voir, mais que les partis politiques ou les candidats pourraient constater. Nous devons trouver un moyen de prendre l'information dont nous disposons et de la verser dans le système. Par exemple, si nous recevons un appel du candidat néo-démocrate, du candidat des Verts et du candidat conservateur d'une circonscription, et qu'ils disent tous qu'il y a un problème, alors c'est qu'il y a vraiment un problème. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, dans vos bureaux de l'immeuble Jackson. C'est pourquoi il faut trouver un moyen de faire participer les gens.

Il y a toutefois un problème, dont le sénateur Milne a fait mention et que j'ai constaté moi-même le jour des élections. Il était impossible à résoudre, de toute évidence. Ce problème, c'est l'utilisation de cartes jetées aux poubelles, ou plutôt le fait que des gens qui n'étaient pas sur la liste venaient s'inscrire au bureau de scrutin. Il y en avait beaucoup, et ils venaient en groupes.

Je vais vous décrire la situation dans la circonscription de Halifax. J'étais là; je travaillais dans les vieux quartiers du centre parce que c'est un milieu que je connais, et des gens que je connais. C'était un bureau de scrutin où les électeurs avaient un revenu moyen inférieur d'au moins 10 000 $ à la moyenne nationale, dans un quartier pauvre où il y a beaucoup de logements sociaux — même s'il n'y a rien de mal à cela. Mais c'est une des caractéristiques démographiques de ce secteur. L'autre caractéristique, c'est qu'on y retrouve une forte proportion de personnes âgées, avec trois résidences en hauteur et un très gros complexe d'habitation pour les gens du troisième âge. Voilà les caractéristiques démographiques du secteur.

Et voici les gens que j'ai vus faire la queue : j'ai vu des jeunes, hommes et femmes, de race blanche, entre 18 et 32 ans, ou à peu près. Ils n'avaient probablement pas 32 ans. Plus je vieillis, plus je trouve que les jeunes ont l'air jeunes. J'ai perdu ma capacité d'en juger. Et, si je mentionne leur race, c'est parce que nous étions dans un quartier où il y a, peut- être pas une majorité, mais certainement un très fort pourcentage de Noirs ou de Néo-Canadiens de couleur.

J'ai demandé à la superviseure si ces gens-là étaient arrivés ensemble, et elle m'a répondu qu'il y en avait trois ou quatre ensemble, mais qu'ils étaient tous arrivés dans un laps de temps relativement court. J'ai analysé par la suite les résultats du vote, et je peux vous dire à peu près exactement pour qui ils ont voté à partir du nombre de bulletins recueillis dans les différents bureaux. C'est un cas parmi d'autres.

Je peux aussi vous parler d'au moins un incident du même genre à Toronto, dans une circonscription représentée aujourd'hui par un député de premier plan. Dans le cas que j'ai mentionné, tout comme pour la méthode dont a parlé le sénateur Milne, c'était parfaitement évident. Je suis certain que ces gens-là n'ont jamais habité dans cette circonscription.

Au sujet des gens qui ont fait ajouter leur nom à la liste le jour même des élections — j'approuve ce système-là —, il faudrait une méthode qui nous permettrait de confirmer cela après les élections. Évidemment, une fois que quelqu'un a voté, nous ne pouvons rien y changer. Mais il serait intéressant de tester le système — n'est-ce pas? —, en envoyant une carte quelconque à l'adresse que les gens ont donnée, avec une mention selon laquelle elle doit être retournée à l'envoyeur si elle ne peut pas être livrée; Postes Canada la renverrait alors à Élections Canada. J'aimerais bien voir combien de ces adresses pourraient être confirmées et savoir si les gens qui ont affirmé, le jour des élections, qu'ils habitaient au 21 de la rue Elm habitaient bel et bien à cet endroit-là. J'ai l'impression que, du moins dans la circonscription de Halifax et dans une autre à Toronto, beaucoup de ces cartes vous seraient retournées.

Cela devrait nous faire comprendre à tous, et pas seulement aux gens d'Élections Canada, qu'il faudrait pouvoir déterminer avec précision si les électeurs qui se présentent dans les bureaux de scrutin sont bien ceux qu'ils prétendent être. Si un électeur se présente avec une copie d'une facture d'électricité pour prouver qu'il habite au 21 de la rue Elm... Il n'est pas difficile de trouver une facture d'électricité, surtout si le 21 de la rue Elm est un immeuble à appartements. Je pense qu'il faut faire quelque chose.

Je voudrais demander à M. Molnar de nous donner une description très brève du processus d'établissement des cartes, parce qu'il est question de changer les limites de deux circonscriptions du Nouveau-Brunswick. Je vous le demande parce que je sais que c'est un bon processus. J'ai vu le système et je sais comment vous procédez. Vous pourriez peut-être nous expliquer rapidement comment cela se fait, par des moyens électroniques. Il serait peut-être utile aussi d'expliquer tout cela aux députés ou aux candidats, bien avant les élections, pour qu'ils voient qu'Élections Canada est parfaitement capable de fournir ce service.

M. Molnar : Pour commencer, nous nous ferons un plaisir de vous montrer nos méthodes et nos produits de cartographie. Nous en sommes très fiers. En gros, nous avons une base de données géographiques qui couvre tout le pays. Elle contient les noms de toutes les routes, de tous les cours d'eau et de toutes les adresses. Nous partageons la tenue de cette base de données avec Statistique Canada. Nous avons une équipe conjointe qui s'occupe de la mettre à jour, et nous avons des programmes informatiques qui produisent les cartes dont les candidats et les partis ont besoin pendant la campagne. Nous produisons environ 70 000 cartes pour l'ensemble du pays. Nous en avons toujours un jeu en réserve, sous forme électronique, et nous pouvons l'imprimer au complet en dix jours avec l'aide d'une imprimerie du secteur privé.

Une des choses qui ont évolué récemment, au cours de la dernière campagne, c'est que nous fournissons maintenant les cartes sous forme électronique. Auparavant, en particulier pour les partis, nous produisions une série de cartes pour tout le pays; elles auraient rempli tout le coin de la pièce. Pour la dernière élection, nous avons envoyé aux partis toutes les cartes du Canada sur un seul DVD, qu'ils pouvaient faire jouer sur leurs ordinateurs pour effectuer toutes les recherches qu'ils voulaient. Nous avons fait beaucoup de progrès dans le domaine de l'établissement des cartes, et nous serons très heureux de vous en faire la démonstration.

Le sénateur Mercer : Nous sommes de nouveau ici pour changer les noms de deux circonscriptions. Dans un des cas, celui de Kitchener—Conestoga, c'était un oubli. Le problème s'est produit au moment du redécoupage, et nous corrigeons cette erreur. Je vois qu'il y a encore des projets de loi devant la Chambre des communes pour changer d'autres noms. La Loi devrait peut-être prévoir un certain délai, après le rapport du bref — six ou douze mois après, par exemple —, à l'intérieur duquel les partis pourraient demander un changement de nom. Bien franchement, je trouve cela plutôt frustrant. Je sais que c'est frustrant aussi pour vous à Élections Canada, et que cela nuit à votre travail, parce que cela ajoute à vos tâches et que vous n'êtes pas prêts quand vous voudriez l'être.

Est-ce qu'il serait utile pour vous qu'il y ait un processus selon lequel les demandes de modification des noms de circonscriptions devraient être soumises dans les 12 mois suivant le rapport du bref, pour permettre d'apporter ces changements pour la fois suivante, plutôt que de recevoir des demandes de ce genre tous les quelques mois?

M. Kingsley : J'ai l'intention de soulever cette question-là aussi quand je ferai mes recommandations aux deux chambres du Parlement. Je pourrais envisager de revenir à la recommandation faite par la commission royale de 1992, à savoir que nous devrions essayer d'éviter les noms géographiques — qui ont tendance à se transformer en très longues séries de noms parce que les gens essaient d'y incorporer le plus d'endroits possibles, ce qui est tout naturel — et d'utiliser plutôt des noms historiques, par exemple ceux de personnalités qui ont marqué la région.

Je vais réfléchir à tout cela, présenter des recommandations et m'en remettre ensuite à la sagesse du Parlement pour qu'il adopte les mesures législatives qu'il désire.

Le sénateur Milne : Vous parlez de noms historiques. L'ancien député John Bryden a repris cette pratique et a utilisé les noms historiques des communautés de sa circonscription, ce qui a donné un nom encore plus long.

Le sénateur Mercer : M. Kingsley voulait probablement parler des noms de personnages historiques, comme cela s'est fait pour certaines circonscriptions du Québec, plutôt que des noms de lieux géographiques.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Kingsley, à une étape antérieure de ma vie, j'ai eu la chance d'être secrétaire d'une commission de délimitation des circonscriptions fédérales dans les Territoires du Nord-Ouest, et j'ai eu l'occasion de me rendre dans de nombreuses communautés isolées et d'entendre le point de vue des gens sur cette question-là. La communauté d'intérêts est un des critères de délimitation des circonscriptions. Je trouve étrange qu'un tribunal renverse la décision d'une commission de délimitation qui est allée sur place et qui a entendu les habitants. Le terme n'est pas très précis.

Qu'est-ce qui a amené le tribunal à renverser la décision de la commission? Vous ne l'avez pas dit clairement dans votre exposé. Vous avez parlé du décret de représentation de 2003. Ce décret a-t-il été pris par suite de l'étude d'une commission de délimitation des circonscriptions électorales?

M. Kingsley : La commission du Nouveau-Brunswick a tenu des audiences dans toute la province. J'ai passé son travail en revue pour préparer mon témoignage d'aujourd'hui. La commission a affirmé catégoriquement qu'elle appliquait la Loi de façon particulière. Elle a tenu compte des chiffres, de la communauté d'intérêts, et ainsi de suite. Elle a entendu les représentations de diverses personnes, dont des députés, et a tiré ses propres conclusions.

D'après ce que je peux voir, la Cour fédérale a adopté un point de vue différent, selon lequel la communauté d'intérêts aurait dû être une des priorités de la commission. C'est ce que je comprends de ce jugement.

Le sénateur Sibbeston : Si je comprends bien, une commission d'enquête a été mise sur pied après le renversement de la décision de la commission par le tribunal.

M. Kingsley : Le ministre a décidé de régler la question de cette façon-là; c'était sa prérogative. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je conviens qu'il s'agit d'une approche raisonnable parce que cette commission était aussi indépendante. Elle avait un mandat précis, qu'elle pouvait remplir indépendamment de l'exécutif et, bien sûr, indépendamment de mon bureau.

Le sénateur Sibbeston : Et, pour le moment, la Loi ne prévoit pas de mécanisme clair pour le cas où le tribunal renverserait la décision d'une commission de délimitation, n'est-ce pas? Aurait-il pu y avoir d'autres façons de faire? Aurait-il été possible de rétablir la commission et de lui demander de revenir sur sa décision? Si je comprends bien, il y a une lacune dans la Loi au sujet de la procédure à suivre dans les cas de ce genre.

M. Kingsley : Sénateur, vous avez frappé en plein dans le mille. La Loi ne prévoit rien pour le cas où le tribunal renverse la décision d'une commission. Il y avait d'autres possibilités. On aurait pu demander au directeur général des élections de trancher. Mais il aurait fallu une disposition législative.

Le sénateur Sibbeston : Dans vos recommandations, allez-vous suggérer une méthode pour dénouer les situations de ce genre à l'avenir?

M. Kingsley : J'ai bien l'intention de prendre ce cas en considération parce qu'il s'est produit après que le comité de la Chambre a étudié la question. Le comité a fait d'excellentes recommandations au sujet des modifications à apporter à la Loi. Je vais tenir compte de tous les éléments, y compris du processus qui devrait s'appliquer dans les cas comme celui-là. Je vais aussi réfléchir dans toute la mesure du possible à ce que nous pourrions faire plus tôt pour ne pas en arriver là.

[Français]

Le sénateur Joyal : En fait, il faut à la fois prévenir et guérir dans l'approche pour régler cette question. Il faut s'assurer qu'au niveau de la définition des éléments essentiels dont les commissaires doivent tenir compte, il y ait une compréhension la plus précise possible des critères de délimitation.

Vous avez au début parlé de la communauté d'intérêt en mentionnant les éléments constituants de cette commission. Vous n'avez toutefois pas élaboré davantage, comme vous l'exprimez à la page 3 de votre présentation, sur les exigences requises par la Loi sur les langues officielles.

Évidemment, la question au Nouveau-Brunswick était essentiellement centrée sur l'interprétation que les communautés locales se donnaient de leur existence au sein des communautés minoritaires de langues officielles.

Il y a, dans un premier temps, la formation des commissaires, la définition des critères, mais par ailleurs, en amont lorsque le problème se pose, c'est-à-dire lorsque des groupes réussissent à faire renverser une décision de la commission, il faut qu'il y ait une façon d'aborder la solution de la nouvelle carte de manière à respecter les principes de la loi. Il ne faut pas perdre cela de vue lorsqu'on songe à mettre sur pied une solution à un problème comme celui-là.

Souvent, j'ai l'impression que lorsqu'on fait face à une situation imprévue, on recoure au Parlement, mais pas toujours nécessairement dans le meilleur esprit de ce que la loi prévoyait à l'origine lorsqu'on vous a nommé en tant qu'officier du Parlement, et non pas haut fonctionnaire du Parlement comme votre traduction le dit. C'est un concept de droit administratif canadien. J'y fais référence parce que j'ai vu la traduction française et on vous décrit en tant qu'un haut fonctionnaire du Parlement, alors que vous êtes un officier du Parlement, ce qui est très différent.

[Traduction]

Mes collègues comprennent sûrement qu'il y a une différence entre un cadre supérieur de la fonction publique et un haut fonctionnaire du Parlement. Ce sont deux concepts différents en droit administratif et en administration publique. Il est important de se rappeler que l'esprit et l'intention de la Loi originale doivent faire partie de la solution que vous proposerez dans vos recommandations, dans les deux rapports que vous déposerez en juin.

Je voudrais aussi faire un commentaire sur le deuxième rapport, au sujet de la gestion des élections. Sur la question des changements des noms de circonscriptions, les députés ont trouvé un moyen d'intervenir dans la gestion de la Loi. Ils ont trouvé une façon de faire une chose qui devrait normalement relever d'une commission de délimitation. À l'heure actuelle, il y a trois projets de loi devant le Sénat, et nous allons en recevoir un autre bientôt. Notre comité avait recommandé il y a cinq ans qu'il y ait un processus permettant de respecter l'esprit original de la Loi. J'aimerais vous citer un témoin, le ministre Mauril Bélanger, qui a comparu devant le comité le 6 mai 2004. Nous avions alors profité de la participation du sénateur Milne. Voici ce que le témoin a dit : « Votre comité croit que le processus suivi dans ces cas doit être plus clair et plus transparent. Votre comité a reçu des interventions qui confirment la nécessité d'une consultation du public, et de sa participation, compte tenu du fait que les citoyens s'identifient fortement au nom de leur circonscription. Il faudrait exiger que des avis publics soient diffusés dans la circonscription et que la population soit consultée. Des lignes directrices dans ce sens pourraient être établies à partir de la procédure prévue dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. »

Nous répétons cela depuis cinq ans et nous en sommes toujours au même point. On nous inonde de projets de loi visant à changer des noms. Notre comité a déjà reporté l'étude de 12 projets de loi de ce genre, il y a environ un an et demi. Nous devons trouver une solution, pour les commissions de délimitation des circonscriptions, et préciser clairement la procédure à suivre pour éviter le genre d'échappatoire que certains députés ont trouvée pour contourner la Loi. Je ne pense pas que ce soit conforme à l'esprit et à l'intention de la Loi originale.

Seriez-vous prêt à recommander, dans votre rapport de juin prochain, comme nous l'avons déjà demandé, que des lignes directrices claires soient adoptées pour définir la procédure à suivre afin de modifier les noms des circonscriptions électorales?

[Français]

M. Kingsley : Comme je l'ai indiqué tantôt, je vais tenter de faire des recommandations qui vont faire en sorte, si elles sont acceptées, que l'on va minimiser sinon éliminer le besoin de faire des changements. Dans mes recommandations, je vais être sensible à ce que le comité, présidé par le sénateur Milne, avait recommandé à l'époque et voir si je peux l'incorporer dans mes recommandations.

J'ai trouvé que c'était une recommandation du comité du Sénat qui était bien fondée. J'ai l'intention de la prendre en considération. Je ne peux pas me prononcer tout de suite parce que je ne me suis pas penché sur la question de façon définitive avec mes principaux collaborateurs. J'attendais l'aboutissement de la question que le projet de loi C- 36 allait poser pour voir comment le Parlement allait en disposer pour me permettre de faire des recommandations qui seront à point. Si jamais mon rapport était accepté à l'unanimité, je vais être le plus étonné des êtres.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je voudrais en revenir à votre statut de haut fonctionnaire du Parlement, après que j'aurai commenté la question un peu plus longuement. Le sénateur Milne en a parlé, et j'aimerais citer le fameux article 17 des Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 : « Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes. »

Comme vous le savez, vous êtes un haut fonctionnaire du Sénat tout autant que de la Chambre des communes. Il y a dans certains milieux bien des gens qui pensent que, parce que nous ne sommes pas élus, nous ne nous intéressons pas au processus électoral. Cela mine notre démocratie, qui vise à protéger le droit de vote des gens et leur capacité d'exercer leurs autres droits démocratiques au Canada. Le Sénat a un point de vue particulier sur ces questions-là.

J'étais très inquiet quand vous avez déclaré à la Chambre des communes, le 23 novembre 2004, que vous ne devriez plus être un haut fonctionnaire du Parlement, mais seulement de la Chambre des communes, parce que nous ne devrions pas pouvoir destituer le directeur général des élections. Bien sûr, si nous ne pouvons plus vous destituer, vous n'êtes plus un haut fonctionnaire du Parlement, mais un haut fonctionnaire de la Chambre des communes. Ce serait une perte pour la protection de la démocratie au Canada, et pour l'objectivité et l'impartialité qu'implique votre statut. J'aimerais savoir si, dans votre rapport sur la gestion de la Loi électorale, vous avez l'intention de suggérer que le Sénat participe à la nomination du directeur général des élections pour que le titulaire de ce poste puisse être sur le même pied que les autres hauts fonctionnaires du Parlement.

M. Kingsley : Madame la présidente, l'honorable sénateur m'a écrit justement au sujet de la question qu'il vient de soulever. Et je lui ai répondu. Pour replacer dans son contexte ma réponse à la Chambre des communes, j'ai dit que la nomination et le congédiement des directeurs du scrutin devraient relever d'une seule et unique instance. La personne qui nomme ces directeurs est aussi celle qui peut les congédier. Dans ce contexte, le président du comité m'a demandé : « Eh bien, dans ce cas, qu'en est-il de vous? » C'est là que j'ai répondu que le Sénat ne pourrait pas intervenir parce que c'est la Chambre des communes qui nomme le directeur général des élections en vertu de la Loi actuelle. Je comprends les préoccupations du sénateur et, quand je lui ai répondu, je lui ai dit que je préférerais que le Sénat participe à la nomination du directeur général des élections, plutôt que l'inverse. C'est ce que je lui ai répondu.

Vous m'avez demandé si j'inclurais cela dans mes recommandations. J'ai hésité à donner des réponses définitives, sauf dans un cas — hier, devant un comité de la Chambre —, au sujet de ce que je compte inclure dans mon rapport. Mais je dirais que oui, j'ai l'intention de faire cette recommandation dans mon rapport.

Le sénateur Joyal : Nous vous en serions reconnaissants, monsieur Kingsley. Chaque fois que vous comparaissez devant nous, vous nous apportez la sagesse que donne l'expérience. Je ne vois personne autour de la table, à l'exception du sénateur Andreychuk, qui n'a pas déjà été élu.

Le sénateur Andreychuk : Ce n'est pas tout à fait exact. Je ne pense pas que vous puissiez le présumer.

Le sénateur Joyal : La plupart d'entre nous, sinon tous, avons déjà cherché à nous faire élire quelque part. Nous nous intéressons de près à la vie électorale du Canada parce que cela fait partie de la démocratie canadienne. Nous sommes ici aussi, dans cette chambre, l'incarnation de la volonté démocratique des Canadiens. La plupart d'entre nous connaissent intimement le processus. Les sénateurs tiennent beaucoup à ce que l'intention de la Loi soit respectée parce qu'elle est enracinée dans la définition de la démocratie canadienne. Nous ne pouvons pas fermer les yeux tout simplement parce que nous ne sommes pas élus. Nous manquerions à nos devoirs de sénateurs si nous nous contentions d'adopter tous les projets de loi qui nous arrivent de l'autre endroit en vue de modifier la Loi électorale du Canada. Notre statut pourrait changer un jour, mais c'est la population canadienne qui en décidera.

Tant que nous avons ce statut, nous avons le devoir d'exécuter les tâches qui nous sont confiées. Les deux projets de loi que nous avons devant nous sont importants parce qu'ils touchent à un élément essentiel de la vie électorale du Canada. C'est pourquoi nous parcourons vos rapports avec beaucoup d'intérêt, pour nous assurer que vous avez le soutien du Parlement. Nous ne vous voyons pas comme un pourfendeur du Parlement, mais plutôt comme quelqu'un que nous voulons appuyer, aider et comprendre, pour que les Canadiens aient de meilleurs moyens d'exercer leurs droits démocratiques en votant.

M. Kingsley : Je sais que c'est ce que pensent tous les membres du comité. J'ai toujours reconnu pleinement votre contribution quand j'ai comparu devant votre comité et je vous ai toujours fourni des réponses complètes parce que je reconnais le rôle du Sénat et de ses comités, en ce qui concerne toutes les lois et tous les projets de loi portant sur les élections.

Le sénateur Cools : Il me semble, madame la présidente, que M. Kingsley a soulevé là une question importante, dont nous pourrions débattre un autre jour si nous n'en avons pas le temps aujourd'hui, à savoir que l'organisation des élections a toujours été l'apanage exclusif de la Chambre des communes. Je ne sais pas si vous voulez faire un commentaire là-dessus. Cela remonte au moment où la Loi a été adoptée, il y a 60 ans, si je ne me trompe pas. L'organisation des élections était supervisée soit par le greffier, soit par l'orateur de la Chambre des communes et, historiquement, le Sénat n'avait aucun rôle à jouer.

Dans l'optique de certaines des suggestions du sénateur Joyal, nous devrions peut-être jeter un coup d'œil sur l'évolution de tout ce processus. Nous devrions peut-être retourner aux principes de base, pour découvrir ce qui s'est passé, et repartir de là. Il y a eu toute une histoire, par exemple, quand la Chambre des communes a renoncé à son pouvoir de trancher en cas d'élections contestées. Les juges n'étaient pas d'accord. Si nous pouvions nous remémorer comment la Chambre des communes a renoncé à ce pouvoir et comment le directeur général des élections est devenu un haut fonctionnaire du Parlement... Même le terme « haut fonctionnaire du Parlement » ne veut pas dire grand-chose. Il n'a aucun fondement constitutionnel.

Quand on parcourt les textes de référence, on voit qu'il y est question des hauts fonctionnaires de la Chambre. Il me semble que la notion de haut fonctionnaire du Parlement a commencé avec McDonnell et le vérificateur général. Quand au chemin parcouru pour en arriver là, c'est une autre histoire.

À un autre moment, peut-être, nous pourrions inviter un témoin qui pourrait mettre cette histoire en perspective et nous aider à comprendre pourquoi les mêmes recommandations refont surface dans chaque rapport. Ce serait peut- être un moyen de donner plus de force à ces recommandations.

Pour le compte rendu, madame la présidente, puisque leur correspondance a été mentionnée publiquement, je me demande si nous pourrions avoir des copies des lettres échangées par M. Kingsley et le sénateur Joyal, s'ils n'y voient pas d'inconvénient. Ce serait utile pour le compte rendu, dans la mesure où elles devraient y être incluses puisqu'il en a été question publiquement.

J'aimerais que M. Kingsley réponde à ma brève observation sur le fait que l'organisation des élections a été transférée de la Chambre des communes, dont elle relevait exclusivement auparavant. Le Sénat n'avait rien à dire. Mais, pour ce qui est du rôle des hauts fonctionnaires du Parlement, le Sénat a tout à fait son mot à dire.

M. Kingsley voudra peut-être commenter.

M. Kingsley : Au sujet de la correspondance, je suis bien prêt à la rendre publique si le sénateur Joyal est d'accord de son côté.

Pour ce qui est de la création de ma charge, cela s'est fait en 1920, à l'époque où sir Robert Borden était premier ministre du Canada. Le bureau du directeur général des élections a alors été mis sur pied, sous forme embryonnaire, et le poste de directeur général des élections a été créé. Le Canada a innové; il était à des milles en avance sur tous les autres pays du monde. Nous avons été suivis par les Indiens, qui ont établi une commission électorale quelques mois à peine après l'indépendance. Je crois qu'il en est fait mention dans leur constitution, ce qui n'est pas le cas ici. Je ne pense pas qu'il y ait eu d'autres cas entre celui du Canada et celui de l'Inde.

Je serais très heureux de revenir quand vous serez prêts à discuter plus longuement de la création de ma charge et de son évolution jusqu'à aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole. Je ne suis pas membre de ce comité mais, je suis la marraine du projet de loi au Sénat, je suis très intéressée.

D'abord, c'est un dossier que j'ai suivi de très près parce que j'ai habité Bathurst pendant 35 ans et j'ai enseigné à tout ce monde. J'ai travaillé très fort, j'ai appuyé la commission, M. Oliver, et les maires de la municipalité. C'est simplement une question de clarification.

Je sais que la commission indépendante a été nommée par le juge Daigle; j'applaudis cette commission indépendante. Qui nomme la première commission? Vous l'avez probablement dit. Dans ce cas-ci, c'était le juge Richard. Qui nomme les commissaires qui étudient les frontières électorales?

M. Kingsley : Le président de la commission est nommé par le juge en chef de la province. Et c'est ainsi que le juge Richard a été nommé par le juge en chef de la province du Nouveau-Brunswick. Les deux commissaires qui accompagnent et qui forment les deux autres membres de la commission sont nommés par le président de la Chambre des communes. Évidemment, ce sont des gens qui résident dans la province. C'est ainsi que sont nommés les commissaires. Le président est nommé par le juge en chef de la province, normalement parmi les juges, soit les juges qui siègent ou les juges surnuméraires et les deux autres membres sont nommés par le président de la Chambre des communes.

Le sénateur Losier-Cool : Ces deux autres membres doivent être de la province dont on étudie les frontières.

M. Kingsley : Oui.

Le sénateur Ringuette : Merci, monsieur Kingsley, je ne répèterai pas les questions que je vous ai adressées concernant la liste permanente et la diminution constante des électeurs lors du jour du scrutin. Ma question aujourd'hui s'adresse plus spécifiquement à tout le processus qui nous amène aujourd'hui au projet de loi C-36, c'est-à- dire les coûts occasionnés. J'aimerais savoir combien ont coûté les travaux de la commission. J'aimerais savoir quels sont les frais d'avocat concernant tout ce dossier, incluant vos législateurs à l'interne. Je suis certaine que vous avez ces services professionnels. J'aimerais savoir combien cela a coûté.

M. Kingsley : Je devrai vous revenir par écrit parce que je n'ai pas ces chiffres à portée de la main.

Il faudra, à un moment donné, que je consulte le Bureau du Conseil privé parce que la commission d'enquête a été établie par le gouvernement. Les frais ont été encourus par le gouvernement.

La présidente : Ce n'est pas votre budget?

M. Kingsley : Non. Il y a une partie de la réponse qui ne relève pas de moi. Maintenant si dans la question était inclus un élément qui dit combien cela a coûté parce que des avocats ont aidé à me préparer aujourd'hui, je peux me pencher là-dessus. Les coûts de la commission ont été encourus par le gouvernement et non par nous.

Le sénateur Ringuette : Est-ce votre bureau qui a paye les commissions qui font la redistribution?

M. Kingsley : Voulez-vous parler de la commission de redécoupage?

Le sénateur Ringuette : C'est le premier point du processus.

M. Kingsley : Si vous parlez de ces coûts, je peux vous dire combien cela a coûté pour chaque province, pour tout le pays. Dans ma réponse au sénateur Milne, j'ai dit que cela relevait directement de mon bureau, mais je n'ai pas l'information à portée de la main.

Le sénateur Ringuette : La communauté linguistique minoritaire affectée par cette redistribution a gagné sa cause en cour, mais elle a encouru des frais juridiques. Ces petites communautés n'ont pas droit aux largesses du budget fédéral pour entamer des processus de défense coûteux.

Puisque la cour a donné justice à ces communautés, avez-vous pensé de voir si Élections Canada pouvait rembourser certains frais juridiques encourus par ces communautés? Je reconnais qu'il y a une histoire de précédent, que c'est première fois que des disputes concernant des limites de circonscriptions électorales sont amenées en cour. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Kingsley : Cette cause était contre le procureur général du Canada et non pas contre le Bureau du directeur général des élections du Canada. Ce sera à la cour de rendre une décision d'attribution des coûts entre les parties en cause.

Mon bureau n'est pas en cause et il ne peut considérer la chose. En ce qui a trait à des causes entendues suite au précédent redécoupage, le programme gouvernemental avait subventionné les intervenants, en partie ou en totalité. Cela avait été le cas pour la Société des Acadiens. J'ignore comment s'est faite l'attribution des frais pour cette cause, mais c'était la première fois qu'il y avait un jugement de la sorte.

Le gouvernement fédéral avait été impliqué dans le financement, mais pas par le truchement du Bureau du directeur des élections du Canada, ni par le truchement des responsabilités qu'il assume en vertu de la Loi sur le redécoupage ou de la Loi électorale.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : J'ai une question directement liée à la raison pour laquelle nous sommes ici, et une autre qui s'écarte du sujet.

Sur la question qui nous occupe, je suppose — et j'interprète à partir de ce que vous nous avez dit — que les projets de loi C-302 et C-304, qui visent à modifier les noms de certaines circonscriptions plutôt que leurs limites, ne posent pas de problème. Vous allez pouvoir régler cela facilement. C'est une simple question administrative.

Il y a une semaine hier, devant la commission Gomery, l'ancien député de Saint-Maurice, le très honorable Jean Chrétien, s'est fait poser des questions sur des dons versés à sa circonscription par M. Jacques Corriveau. L'avocat de la commission lui a demandé de confirmer un don de 5 009 $ et quelques cents à l'association de circonscription de Saint-Maurice, mais M. Chrétien se souvenait plutôt d'un don de 1 500 $.

J'ai vu, dans les médias, que vous aviez corrigé cela depuis. Comme on pouvait s'y attendre, j'ai été appelé pendant la pause de la commission pour aider l'entourage de M. Chrétien à savoir de quoi il s'agissait. Je n'ai certainement pas compris quand je suis allé voir sur le site Web et que j'ai fait un peu de recherche. Vous avez indiqué à la presse que vous aviez corrigé le problème informatique qui avait causé cette erreur. C'est une bonne chose.

Avez-vous averti tous les partis politiques, tous les candidats élus comme députés, et peut-être même tous les candidats, de cette erreur? Leur avez-vous dit, pour que les déclarations ou les questions soient plus exactes, qu'une personne qui aurait fait de la recherche sur les contributions politiques aurait pu avoir un problème? Est-ce que les gens qui font de la recherche — parce que c'est une des raisons pour lesquelles c'est là, pour que les gens puissent faire de la recherche — peuvent s'adresser à Élections Canada et vérifier qu'ils ont bel et bien des renseignements exacts, et non des données corrompues par un problème informatique?

M. Kingsley : En ce qui concerne votre commentaire sur le fait qu'il s'agit d'une question administrative, nous voulons publier les produits modifiés tous en même temps. Si le Sénat rejette un ou des projets de loi — s'il décide de ne pas adopter les changements de noms proposés —, il est évident que les produits ne seront pas modifiés. Mais, dès que la décision sera prise, je devrai l'exécuter. S'il y a des noms qui changent, je devrai agir tout de suite. Nous sommes en situation de gouvernement minoritaire, et je dois avoir certains éléments de prêts. Si d'autres changements de noms sont proposés et adoptés, je devrai recommencer le processus.

J'ai attendu pour éviter des dépenses supplémentaires de 200 000 $. Mais je ne peux plus attendre. J'ai attendu jusqu'à l'extrême limite. Il y a une multitude de produits en cause. Il ne s'agit pas seulement des cartes. Nous avons déjà parlé du registre et de la nécessité de faire des mises à jour

Pour ce qui est du problème informatique, nous pourrions écrire aux gens qui ont visité le site; c'est une bonne suggestion. Nous avons affiché, dès le moment où les gens ont accès à cet outil-là sur le site, un avertissement très clair pour les inviter à la prudence. Nous avons aussi commencé à indiquer la dernière date à laquelle nous avons modifié le logiciel. Nous avons pris les mesures nécessaires pour que les gens comprennent bien la situation.

Il faut comprendre que les données exactes se trouvent déjà ailleurs sur le site. C'est quand les gens se servent de l'outil de recherche qu'il y a une erreur qui apparaît. Quand on parle de problème informatique, je tiens à préciser clairement que ce n'est pas une erreur de l'ordinateur. C'est notre erreur, et nous l'avons reconnue.

Évidemment, nous essayons de ne pas faire d'erreurs, mais celle-là s'est produite. J'ai déjà examiné les causes de cette erreur et les mesures à prendre pour y remédier. Je vais toutefois retenir la suggestion qui nous a été faite et nous allons écrire non seulement aux partis politiques, mais aussi aux autres utilisateurs du site, si nous pouvons les identifier.

[Français]

Le sénateur Joyal : Dans votre présentation, vous mentionnez que la réserve indienne de Papineau, numéro 11, a également été transférée. À votre avis, les Autochtones de cette réserve ont-ils été formellement consultés sur leur volonté d'être transférés?

M. Kingsley : Je ne peux pas répondre officiellement, à savoir si tel est le cas. Je me souviens d'une discussion informelle qui m'a permis de penser que tel était le cas. C'était une discussion avec le président de la commission d'enquête, mais c'était une discussion officieuse. Je sais aussi qu'il y a eu publication de tout cela et que cela a été porté à l'attention de tout le monde concerné par le réalignement de la frontière entre les deux circonscriptions. J'ai voulu quand même vous aviser de tout ce qui était touché dans ce que j'ai fait.

Le sénateur Joyal : C'était tout à fait juste de le faire, je vous remercie.

M. Kingsley : J'aimerais ajouter qu'il y a des éléments qui ont été soulevés aujourd'hui concernant le registre national des électeurs et on en a pris bonne note. Nous retournons au bureau avec ces éléments et j'ai l'intention d'approfondir les questions soulevées aujourd'hui et de faire part au comité, par écrit, de notre vue. Halifax a été mentionnée, des circonscriptions dans Toronto; Calgary a aussi été mentionné. On va voir s'il y a moyen d'avoir une plus grande précision. Et s'il y a d'autres éléments que les membres du comité veulent soulever, ils n'ont qu'à m'écrire et je leur ferai parvenir une réponse. Il est important que les gens comprennent ce qu'on fait avec le registre. Et si ce registre peut devenir la propriété du Sénat, je ne ferai que m'en enorgueillir davantage.

La présidente : Nous avons débordé des projets de loi à l'étude, mais je dois dire que votre témoignage aujourd'hui était très attendu par tous les membres du comité qui avaient beaucoup de questions à vous poser.

Le sénateur Joyal : Je vais déposer la lettre formellement.

La présidente : Nous en ferons des copies pour les membres. Et si vous avez quoi que ce soit à nous faire parvenir, nous le ferons distribuer aux membres du comité. Nous vous remercions à l'avance.

Le sénateur Ringuette : Étant donné la réponse de M. Kingsley concernant les coûts et le fait que des coûts ont été engendrés par le Conseil privé dans tout le dossier du projet de loi C-36, serait-il possible de leur écrire afin de recevoir une réponse?

La présidente : J'avais pensé qu'on aille peut-être voir si c'est possible qu'ils nous les fournissent les coûts. Si c'est possible, on vous donnera l'information.

Demain nous allons procéder à l'étude article par article pour chacun des projets de loi. Malheureusement, il y aura beaucoup d'absences du côté de l'opposition et on ne pourra pas discuter d'une préétude du projet de loi C-38. Il faudra reporter cette question à la semaine prochaine.

Le sénateur Joyal : Concernant la question des frais soulevée par le sénateur Ringuette, ne serait-il pas approprié que nous fassions des recommandations demain? Je le soulève pour les personnes qui nous assistent dans la préparation du rapport. Vous nous avez entendus; les sénateurs Kinsella et ringuette ont soulevé la question, et j'avais aussi soulevé la question antérieurement. Je pense qu'il serait juste de faire des observations sur cette question.

La présidente : Demain, on pourra le faire au moment de l'étude article par article.

Le sénateur Joyal : Si on avait un court paragraphe, une ébauche de paragraphe, ce serait bien. C'est toujours plus facile pour nous d'avoir une ébauche de texte. Si c'était possible de l'avoir demain pour qu'on le regarde ensemble afin de faire la recommandation, cela irait tout simplement plus vite.

La présidente : La séance est levée jusqu'à demain, à 10 h 45.

La séance est levée.


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