Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 10 - Témoignages du 20 avril 2005


OTTAWA, le mercredi 20 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour examiner le projet de loi .

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous avons aujourd'hui un groupe de témoins intéressants. Du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques, nous accueillons M. David Simpson, directeur des programmes, ainsi que M. Stanley Stylianos, directeur des programmes. Nous accueillons également Mme Jennifer Chambers, coordonnatrice, Conseil d'autonomie des clients, et coprésidente, Mental Health Legal Advocacy Coalition. Nous entendrons aussi un représentant de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire,M. Michael Bach, vice-président exécutif.

Bienvenue à vous tous. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous aujourd'hui. M. Stylianos, voulez-vous commencer?

M. Stanley K. Stylianos, directeur des programmes, Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques : Bonjour. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous et de vous faire part de notre point de vue concernant ce projet de loi important. J'aimerais vous donner un bref historique du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques et situer notre présentation dans son contexte, après quoi je céderai la place à M. Simpson. Le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques, le BIPEP, est un programme indépendant relevant du ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée. En activité depuis 1983, il est voué à la protection des droits des patients des 10 hôpitaux psychiatriques provinciaux actuels et anciens. En gros, notre programme comporte deux volets : les conseils en matière de droits et la défense. Notre mandat a été élargi depuis la mise sur pied de notre programme et comprend maintenant la prestation de conseils en matière de droits dans 54 des établissements de l'annexe 1 et deux des établissements de l'annexe 2. Ces établissements sont des hôpitaux généraux où sont offerts des services de santé mentale.

En moyenne, nous rendons 20 000 visites par annéepour prodiguer des conseils en matière de droitsfondamentaux. Quant à notre programme de défense, nous traitons environ 4 500 dossiers individuels judiciaires et non judiciaires par année, dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux actuels et anciens. En outre, nous traitons environ 75 dossiers collectifs dans l'ensemble de la province.

Nous sommes d'avis que nous pouvons offrir une expertise et un point de vue particuliers à l'égard du projet de loi dans la mesure où la majorité des services de médecine légale en Ontario sont situés dans les hôpitaux que nous desservons, et dans la mesure où une grande partie du travail réalisé par nos intervenants partout dans la province vise à répondre aux inquiétudes des clients médico-judiciaires. Ces derniers ne cessent de nous faire part de leurs frustrations à l'égard d'un système qui ne leur offre ni soins individuels, ni programmes de réadaptation efficaces, ni espoir.

Nous sommes ici aujourd'hui dans le but de faire consolider les droits de nos clients et rétablir l'équilibre entre les soins, les traitements et la réadaptation, d'une part, et la sécurité et la protection, d'autre part. Pour de nombreuses personnes, le système médico-légal ressemble davantage à un établissement correctionnel qu'à un hôpital, et la sécurité a souvent préséance sur les soins, les traitements et la réadaptation. Pour rétablir l'équilibre, il faut mettre l'accent sur la réadaptation et la guérison et s'éloigner de ce que les clients perçoivent comme une punition.

Enfin, l'étiquette médico-légale en soi peut avoir un effet profondément négatif et stigmatisant et créer une barrière invisible qui mine la réinsertion sociale. De nombreux clients, doublement stigmatisés par la maladie mentale et l'étiquette médico-légale, sont confrontés à une discrimination profonde et sont bafoués dans leur quête de logement, d'emploi et d'acceptation sociale. À notre avis, les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux constituent un mécanisme essentiel pour réhabiliter et réintégrer les personnes souffrant de maladies mentales et pour les aider à participer pleinement à la vie sociale. C'est dans ce contexte que nous vous offrons nos recommandations.

M. David Simpson, directeur des programmes, Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques : Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité de vous intéresser au travail que fait le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques avec la participation et au nom des personnes atteintes de maladies mentales, y compris celles qui reçoivent des soins et des traitements dans le système de médecine légale. Comme nous nous portons à la défense de nos clients, nous espérons cet après-midi que notre présentation et nos recommandations auront un impact sur ce projet de loi, dans l'intérêt de toutes les personnes qui font partie du système médico-légal.

J'aimerais faire ressortir certains éléments de notre mémoire, notamment les déclarations sur les répercussions sur la victime, le droit à une audition annuelle et la présence obligatoire, les ordonnances de traitement, les lignes directrices pour les commissions d'examen provinciales et, enfin, les lignes directrices pour les établissements médico-judiciaires.

Le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques s'inquiète des changements proposés aux dispositions relatives aux troubles mentaux qui permettraient aux victimes de présenter une déclaration aux auditions de la commission d'examen. Les victimes méritent d'être reconnues et entendues, mais dans le contexte qui convient. Jusqu'ici, les déclarations sur les répercussions sur les victimes permettaient aux victimes de crimes de participer au processus de détermination de la peine. Cependant, les accusés atteints de troubles mentaux ne sont pas jugés responsables de leurs actes et ne sont pas sanctionnés : ils sont considérés comme des personnes malades.

Les objectifs des commissions d'examen sont très différents de ceux des tribunaux criminels. Le BIPEP ne voit pas en quoi ces déclarations pourraient être utiles dans le cadre d'une procédure conçue pour faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale de personnes jugées non criminellement responsables et pour déterminer la situation actuelle et le degré de risque qu'elle comporte. En fin de compte, ces déclarations éloigneront les commissions de leur objectif, qui est d'évaluer la situation actuelle et de prendre la décision la moins onéreuse et la moins restrictive. Ces déclarations portent exclusivement sur les conséquences des actes du client médico-judiciaire au moment où celui-ci se trouvait au plus bas et elles négligent toute autre considération, par exemple le potentiel de réadaptation et de réinsertion sociale.

En permettant les déclarations sur les répercussions sur la victime à chaque audition annuelle, on risquerait de faire reculer les clients dans leur quête de bien-être et de guérison etannuler les gains qu'ils ont peut-être réalisés dans le cadre de leur traitement. Par conséquent, le BIPEP recommande que le paragraphe 16(3), qui permet aux victimes de présenter des déclarations aux auditions des commissions d'examen, soit abrogé et qu'une tribune mieux adaptée soit envisagée pour la production de ce genre de déclarations.

Le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques n'appuie pas la proposition selon laquelle les commissions d'examen devraient pouvoir organiser des auditions plus de 12 mois après la dernière décision concernant un client médico-judiciaire. Les personnes dont la liberté a été sérieusement limitée ont droit à un examen annuel pour garantir que la décision est appliquée et que la personne est placée dans l'environnement le moins restrictif possible. Les modifications proposées s'appuient sur des hypothèses concernant les clients médico-judiciaires, notamment au sujet de leurs progrès techniques, pour imposer une présomption de dangerosité que la Cour suprême du Canada, dans Winco c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute) a jugée déplacée et éventuellement discriminatoire.

Certains clients médico-judiciaires pourraient également souhaiter se représenter eux-mêmes aux auditions des commissions d'examen. À cet égard, le BIPEP estime qu'il est indispensable que les clients non représentés aient accès à un intervenant désintéressé ou à un ami du tribunal pour l'aider sur le plan strictement juridique, les demandes d'ajournement, et cetera, comme c'est le cas à la Cour d'appel de l'Ontario lorsqu'il y a appel de la décision d'une commission d'examen.

Le BIPEP est opposé aux modifications du Code qui autoriseraient les commissions d'examen à contraindre un client médico-judiciaire à être présent à une audition. Le BIPEP reconnaît le pouvoir des commissions d'assigner des témoins à comparaître, mais certains clients préfèrent ne pas participer à la procédure et y être représentés par leur avocat, chargé de protéger leurs droits. D'autres encore préfèrent être présents, mais sans intervenir.

L'assignation des clients médico-judiciaires représente une modification abusive et paternaliste qui n'a aucun sens dans le système médico-légal, notamment si les victimes peuvent présenter leurs déclarations année après année. En effet, le fait de contraindre les clients médico-judiciaires à subir cette procédure peut être anti-thérapeutique et entraver les efforts de réadaptation. Par conséquent, le BIPEP recommande que les commissions d'examen continuent à organiser des auditions au plus tard 12 mois après la décision concernant le client et qu'un intervenant désintéressé puisse aider les clients non représentés.

En médecine comme en droit, il n'existe pas de principe plus fondamental que celui du traitement consenti. Aucun traitement ne doit être donné sans consentement. Le BIPEP reste inquiet de l'éventualité de traitements ordonnés par un tribunal en application de l'article 672.58 du Code criminel. La Loi sur le consentement aux soins de santé de l'Ontario part du principe que toute personne est capable de consentir à un traitement, à moins d'avoir été jugée inapte par ailleurs. Elle prévoit également le consentement d'un décideur substitut pour les personnes qui sont jugées inaptes à décider elles-mêmes de leur traitement. La loi exige que ce décideur substitut tienne compte des désirs antérieurs de la personne jugée inapte et, s'il n'y en a pas, de l'intérêt de cette personne, en fonction de critères précis.

Parmi les freins et les contrepoids que comporte le système de soins de santé mentale en Ontario, mentionnons la prestation de conseils en matière de droits lorsque la capacité juridique d'un patient change. Dès qu'une personne est jugée inapte à consentir à son traitement, un conseiller en matière de droits doit rencontrer le patient dans les plus brefs délais pour l'informer de ses droits. Ce serait une grave erreur de tenter de contrecarrer la disposition relative à la prestation de conseils en matière de droits. En fait, compte tenu de la vulnérabilité de ce groupe de patients, le comité devrait peut-être envisager de renforcer pareille disposition dans l'ensemble du Canada. Le BIPEP recommande que l'article du Code ayant trait au traitement soit abrogé et qu'un modèle de traitement fondé sur le consentement, inspiré de la loi de l'Ontario, soit adopté.

Concernant les lignes directrices pour les commissions d'examen provinciales, le BIPEP a déjà recommandé de modifier le Code pour y fournir des lignes directrices à l'intention des commissions d'examen provinciales au sujet des décisions, de la réadaptation et de la dangerosité. Beaucoup de clients se plaignent des décisions autorisant leur placement dans la collectivité, alors que cette possibilité est invalidée par le manque de ressources communautaires. Beaucoup sont « entreposés » dans des établissements, de sorte qu'il n'est pas rare que des clients médico-judiciaires résident dans un hôpital pendant des années. Ces situations ne sont pas conformes au Code, qui prévoit le placement dans l'environnement le moins onéreux et le moins restrictif possible, et les commissions d'examen n'ont pas le pouvoir de faire exécuter les décisions qu'elles prennent en vertu des dispositions relatives aux troubles mentaux. Cette situation doit changer.

Comme les principes de la réadaptation et de la réinsertion sociale sont aussi importants que la protection de la population dans les décisions que prennent les commissions, les critères propres à la réadaptation devraient être énoncés dans le Code. Là encore, les commissions d'examen devraient avoir le pouvoir d'ordonner que l'on tienne compte des très nombreux besoins des clients médico-judiciaires et de faire exécuter ces ordres. Beaucoup de clients témoignent de l'importance indue que l'on continue d'attribuer à l'infraction désignée ou au comportement négatif actuel plutôt qu'à la dangerosité. La décision de la Cour suprême du Canada dans Winko, qui invite les commissions d'examen à formuler des constatations favorables en termes de dangerosité, devrait être codifiée et consolidée dans le Code. La raison en est le fait que les commissions d'examen n'ont pas concrétisé les mesures recommandées par la Cour dans Winko, à savoir de chercher des éléments de preuve à l'appui de la libération. Cela a fait augmenter le nombre de clients médico-judiciaires détenus pour des infractions mineures, qui traînent dans le système pendant des périodes prolongées.

Malheureusement, on attribue une importance exagérée au comportement associé à la vie institutionnelle, à la détention et aux facteurs chronologiques ou statiques, de préférence à des facteurs dynamiques comme la situation actuelle et le degré de risque actuel. Les dispositions du Code relatives aux troubles mentaux doivent garantir que les personnes qui se trouvent dans le système médico-légal n'y restent pas plus longtemps que nécessaire.

Le BIPEP recommande que l'on associe des échéances d'exécution aux décisions et que les commissions d'examen soient dotées du pouvoir de faire exécuter leurs décisions.

Parlons, enfin, des lignes directrices pour les établissements médico-judiciaires. En raison du dessaisissement, beaucoup de lits d'établissements médico-judiciaires ne sont plus sous le contrôle de l'administration provinciale, mais à la charge des hôpitaux publics. Il n'existe pas de système de surveillance central, de sorte que des politiques incohérentes et variables entravent les efforts de réadaptation et de réinsertion sociale. Par exemple, il n'existe pas actuellement de norme ou de définition uniforme des niveaux de sécurité, de sorte que certains clients de niveau de sécurité minimale sont assujettis aux mêmes restrictions que les clients de niveau de sécurité moyenne. Il y a là un problème d'équité.

Les clients médico-judiciaires se plaignent également du fait que, si l'article 672.56 du Code prévoit que la commission d'examen doit être informée après sept jours de resserrement des restrictions imposées aux libertés du client, des décisions générales ont permis aux hôpitaux d'interpréter ces dispositions de façon plus générale et plus restrictive, et il est fréquent que les hôpitaux ne rendent pas compte à la commission ou refusent de le faire, alors qu'ils en ont l'obligation.

À l'heure actuelle, le Code ne prévoit pas de mécanisme de responsabilisation ou de sanction à l'égard des hôpitaux qui ne rendent pas compte de ces restrictions. La procédure d'ajournement de ces auditions devrait être assujettie à l'initiative et à la décision du client.

Le BIPEP recommande que le Code définisse clairement les restrictions de garde, qu'il clarifie la notion de « privation de liberté de l'accusé » pour donner des instructions aux hôpitaux qui doivent demander une audition à la commission d'examen. Il recommande également que la commission d'examen soit dotée du pouvoir d'ordonner l'application du Code.

Le BIPEP invite le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à continuer de consulter le public et les intervenants sur cette législation fondamentale. Nous sommes partisans d'un traitement équitable pour les personnes atteintes de troubles mentaux et de handicaps et nous considérons que les dispositions du Code relatives aux troubles mentaux sont un mécanisme fondamental pour réhabiliter et réintégrer ces personnes et les aider à participer pleinement à la vie sociale.

Nous estimons qu'il y a beaucoup à faire avant que nous ayons une société inclusive et accueillante pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Nous sommes cependant convaincus que le Canada peut relever ce défi. Il y faudra, à n'en pas douter, des efforts considérables de la part des parties intéressées, mais, grâce à des dispositions modernes et progressistes axées sur une justice réparatrice et non punitive, le rêve deviendra réalité.

Mme Jennifer Chambers, coordonnatrice, Conseil d'autonomie des clients, et coprésidente, Mental Health Legal Advocacy Coalition : Au Canada, comme dans le reste du monde, les personnes ayant des troubles mentaux font l'objet de mépriset de préjugés sociaux extrêmes. Des présomptions incroyables perdurent sans qu'on les remette en question. Les termes « dangereux » et « dément » sont souvent considérés comme des synonymes, et les personnes qui inspirent le plus de peur et de mépris sont les soi-disant « aliénés mentaux criminels ». Au lieu d'instaurer des programmes de sensibilisation et de faire preuve de leadership pour apaiser les craintes non fondées de la population, les législateurs éprouvent trop souvent les mêmes craintes, voire les attisent. En Ontario, par exemple, une loi qui touche des milliers de personnes qui n'ont fait aucun mal a été nommée en mémoire d'une personne tuée par un homme souffrant de troubles mentaux. Je parle de la loi Brian. Les politiciens élus peuvent être enclins à plier devant les préjugés de la population, en particulier lorsqu'ils touchent une minorité aussi méprisée que celle-ci. Nous nous adressons à vous, qui apportez un second regard objectif, pour faire valoir les droits à l'égalité de cette minorité dont nous parlons aujourd'hui.

La Cour suprême du Canada a établi clairement les critères à respecter pour que ce projet de loi ne vienne pas à l'encontre de la Charte. Or, certaines parties du projet de loi ne répondent pas à ces critères.

Le U.S. National Council on Disability a conclu que la politique publique concernant les troubles psychiatriques était bien différente de celle qui touche aux autres handicaps, notamment parce que les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont systématiquement exclues de l'élaboration des politiques.

Le Conseil d'autonomie des clients et la Mental Health Legal Advocacy Coalition représentent les personnes ayant une expérience directe des services psychiatriques, y compris du système médico-légal, qui occupe une place toujours plus grande dans le système de santé mentale. Nos membres sont intervenus dans trois décisions de la Cour suprême du Canada concernant les droits des individus dans le système médico-légal.

Nous exposons dans notre mémoire notre position sur les modifications proposées. Dans une section distincte, nous présentons des détails sur nos recommandations qui ne touchent pas au projet de loi et nous citons des travaux de recherche et des expériences à l'appui des recommandations concernant les modifications.

Nous vous prions de lire les deux parties. J'aimerais signaler à vos attachés de recherche que nous sommes disposés à fournir tous les documents cités dont vous auriez besoin.

En annexe, vous trouverez les résultats préliminaires du seul sondage mené auprès des personnes qui se trouvent à l'intérieur du système médico-légal, qui visait à savoir ce qu'elles pensent de ce système. Il s'agit d'un sondage que nous avons mené grâce au Programme de contestation judiciaire du Canada.

Certaines modifications proposées semblent fondées sur des idées fausses. C'est pourquoi nous vous présentons les renseignements suivants, ainsi que les preuves correspondantes exposées dans nos présentations, pour réfuter les malentendus et les idées fausses concernant les personnes qui se trouvent à l'intérieur du système médico-légal.

Premièrement, les personnes qui ont des troubles mentaux ne sont pas plus violentes que tout autre membre de la même communauté. La plupart des personnes qui se trouvent dans le système médico-légal n'ont pas commis d'acte causant des lésions corporelles. Nous vous renvoyons aux statistiques du Centre de toxicomanie et de santé mentale figurant dans le mémoire présenté en 2002 au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Même les chiffres concernant les lésions corporelles sont exagérés. Par exemple, des personnes peuvent se retrouver dans le système médico-légal pour avoir craché sur quelqu'un. Ce geste sera consigné parmi les voies de fait. Contrairement au système judiciaire où les peines sont réduites durant la négociation de plaidoyers, dans le système médico-légal, les personnes se voient infliger la peine la plus sévère pour l'infraction désignée. Or, des personnes atteintes de troubles mentaux de toutes sortes guérissent. Contrairement à la croyance populaire, on a constaté que des personnes diagnostiquées comme étant schizophrènes ont guéri. Un pourcentage important de personnes guérissent sans l'aide de médicaments. D'autres bénéficient des médicaments psychiatriques. Il ne faut pas présumer qu'une chose est vraie pour tous.

Une étude a révélé que les délinquants atteints de troubles mentaux sont moins susceptibles de commettre à nouveau des actes de violence que les délinquants non atteints de troubles mentaux. Chez les délinquants classés à faible risque, les recherches indiquent que la supervision, l'incarcération et le traitement peuvent en fait augmenter le risque de violence.

La plupart du temps, il est plus difficile en règle générale pour la personne déclarée non criminellement responsable (ou NCR) ou inapte à obtenir sa mise en liberté que la personne déclarée coupable d'un crime. Un fort pourcentage de clients du système médico-légal sont des survivants d'abus et de nombreuses personnes signalent des abus dans le système médico-légal. Les signalements sont souvent confirmés par des personnes de l'extérieur.

En ce qui concerne les modifications proposées au Code criminel, particulièrement maintenant, nous recommandons que soit ajouté un autre motif pour ordonner une évaluation, soit déterminer les motifs de rendre une libération inconditionnelle. C'était un des points recommandés par la juge Beverly McLaughlin dans Winko. Nous sommes opposés à lanon-communication des rapports d'évaluation à la personne visée et à son éventuelle exclusion de l'audience tenue pour décider de son sort. Une relation thérapeutique est impossible dans de pareilles circonstances. Il est absolument essentiel que l'accusé puisse prendre connaissance du rapport et faire corriger les erreurs. Or, les erreurs grossières ne sont pas rares. Par exemple, un homme que nous avons rencontré avait mentionné à son médecin qu'il connaissait quelques tours de magie. Il a découvert par la suite que son rapport mentionnait qu'il délirait parce qu'il croyait qu'il avait des pouvoirs magiques. C'est là une constatation plutôt importante pour décider de sa réinsertion sociale. En fait, elle est d'une importance vitale. Il a réussi à consulter le dossier et à faire faire la correction.

Les déclarations des victimes n'ont pas leur place dans la détermination de la décision lorsque la procédure n'a pas un caractère contradictoire. À cet égard, la Cour suprême a statué très clairement que l'accusé NCR n'a pas à être puni. Si quelqu'un avait une crise cardiaque alors qu'il conduisait son automobile et qu'il frappait un piéton, il ne serait pas considéré criminellement responsable de la commission de cet acte parce qu'il n'avait pas l'intention de blesser. Conviendrait-il qu'à l'audience, la personne soit constamment confrontée à la souffrance de la victime? La personne n'est pas censée être punie. À quoi cela servirait-il?

Il en va de même pour les personnes déclarées NCR. Il n'y a pas d'intention criminelle. C'est ce que signifie NCR. Les victimes souffrent et veulent qu'on reconnaisse leur souffrance. C'est compréhensible et même souhaitable, mais pas devant un organe qui décide du sort d'une personne qui n'est pas criminellement responsable.

Nous ne sommes pas d'accord avec le principe de conférer à n'importe quel organe le pouvoir de prolonger la période entre les audiences de la commission d'examen. Il est impossible de prédire ce que sera l'état mental d'une personne dans deux ans, et c'est de l'état mental actuel qu'on est censé tenir compte quand on décide s'il faut incarcérer la personne, la placer sous supervision ou la libérer.

En fixant des critères si vastes qu'ils sont susceptibles d'infliger de graves dommages psychologiques, on crée une norme qui est à la fois excessive et arbitraire et qui ne s'appuie sur aucun fait. Cet article retire des garanties procédurales qui, réunies en un tout, protègent les droits de l'accusé conférés par la Charte.

Nous sommes d'accord avec la Cour suprême et avec la recommandation faite par le comité parlementaire qu'il faut conférer le pouvoir de libérer inconditionnellement l'accusé inapte à subir son procès. Nous vous félicitons de vous être concentrés sur le sort de la personne déclarée inapte à subir son procès qui est privée de sa liberté pour le reste de ses jours du simple fait qu'elle est incapable de comprendre le processus judiciaire.

L'actuel système médico-légal n'offre pas ce qu'il devrait dans une société juste comme la nôtre. Nul ne devrait être obligé de vivre sous un régime que l'on a décrit comme un régime de ségrégation et de dégradation mandaté par l'État. Il ne faudrait pas oublier qu'avec beaucoup de malchance, n'importe lequel d'entre nous pourrait être dans un tel état mental qu'il se trouverait coincé dans ce système exécrable. Pour terminer, j'aimerais vous lire un passage de l'arrêt Winko de la Cour suprême :

... il a été établi que l'accusé non responsable criminellement n'est pas moralement responsable de l'acte criminel qu'il a commis. Le châtiment est moralement inapproprié et inefficace dans un tel cas, car cet accusé était incapable de faire le choix rationnel sur lequel le modèle punitif est fondé... Toute restriction de la liberté d'un accusé non responsable criminellement est infligée essentiellement à des fins de réadaptation, et non à des fins pénales. Comme l'a dit le juge Taylor, contrairement aux peines qu'une personne déclarée coupable risque d'encourir, le régime applicable aux accusés non responsables criminellement « n'exige aucune sanction, n'inflige aucune peine et n'impute aucun blâme... ».

M. Michael Bach, vice-président exécutif, Association canadienne pour l'intégration communautaire : Je vous remercie d'avoir offert à notre association la possibilité de prendre la parole cet après-midi au sujet du projet de loi C-10. Je vais commencer par préciser que je représente la Canadian Association for Community Living, une association nationale qui défend les intérêts des personnes ayant des déficiences intellectuelles et de leurs familles. Fondée il y a 50 ansenviron, elle représente quelques 40 000 membres répartisen 420 associations locales. Nos racines se trouvent dans les localités réparties un peu partout au pays et nous avons une grande expérience des déficients intellectuels adultes qui ont abouti dans le système médico-légal sous l'effet des dispositions relatives aux troubles mentaux.

Ces dispositions sont préoccupantes à plusieurs égards. À notre avis, la modification à l'étude représente un premier petit pas dans la bonne direction, mais dans l'ensemble, il subsiste des questions fondamentales en suspens qu'ont commencé à cerner mes collègues, cet après-midi.

J'aimerais vous décrire certaines préoccupations que nous avons soulevées quand nous avons soumis notre mémoire au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes en 2002, lors des audiences initiales portant sur les modifications envisagées au projet de loi C-10.

Tout d'abord, nous craignons que les dispositions relatives aux troubles mentaux ne s'appliquent souvent d'une manière qui porte atteinte aux droits à l'égalité des personnes ayant des déficiences intellectuelles ou mentales. Des personnes sont détenues pour des périodes indéfinies même après que les commissions d'examen ont ordonné leur libération inconditionnelle. Tel qu'il a déjà été mentionné, il n'y a pas de régime pour vérifier l'exécution des ordonnances. Il existe des personnes ayant des déficiences intellectuelles auxquelles les médicaments ne sont d'aucun secours et qui demeurent dans des établissements psychiatriques médico-légaux même si elles ont obtenu leur libération inconditionnelle.

Les commissions d'examen manquent de critères, de lignes directrices et d'expertise bien définies en ce qui concerne les placements en communauté et le soutien à fournir aux personnes atteintes de débilité mentale, y compris de déficience intellectuelle. L'expertise se cantonne essentiellement dans le domaine psychiatrique et médical. La mesure législative à l'étude demeure fermement ancrée dans le modèle médical de la déficience et fait preuve d'un profond manque de connaissances, d'après notre expérience avec les commissions d'examen et leur capacité d'évaluer les besoins de personnes considérées non criminellement responsables ou inaptes à subir leur procès.

À notre avis également, la terminologie employée dans le code continue de renforcer les stéréotypes négatifs des personnes atteintes de débilité mentale, un motif de discrimination interdit à l'article 15 de la Charte. Nous sommes également préoccupés par le fait que les personnes réputées inaptes en permanence, ce qui est souvent le cas de personnes ayant des déficiences intellectuelles parce qu'elles ne peuvent être réinsérées socialement dans le sens habituel du terme, ne pourraient pas obtenir une libération inconditionnelle.

C'était là nos préoccupations quand nous avons commencé à examiner le projet de loi C-10. J'aimerais vous souligner quelques facteurs dont nous tenons compte lorsque nous examinons le projet de loi C-10 dans l'optique plus particulière des personnes ayant des déficiences intellectuelles.

Tout d'abord, l'expression « débilité mentale » inclut à la fois les personnes qui ont des troubles mentaux, des problèmes de santé mentale et une maladie psychiatrique et les déficients intellectuels qui habituellement ont à la naissance ce qui est considéré comme étant un fonctionnement intellectuel limité. Il importe à mon avis de tenir compte de ces deux groupes parce que le dernier ne peut être guéri, comme je l'ai dit.

Néanmoins, la recherche a établi que les personnes ayant même les déficiences intellectuelles les plus profondes peuvent, avec du soutien, vivre au sein de la société. Il en existe de nombreux exemples partout au pays. Des personnes ayant les déficiences mêmes les plus profondes peuvent le faire, si elles ont les bons appuis.

En raison de leurs différences intellectuelles, les déficients intellectuels sont souvent isolés, confinés ou exclus de la société. Leur exclusion a renforcé leur marginalisation et objectivisation dans la société canadienne, ce qui explique que ce groupe a un des taux les plus élevés de prévalence d'abus sexuels, d'abus physiques, d'abus émotionnels et d'agressions violentes.

De plus, on estime que jusqu'à 40 p. 100 des déficients intellectuels sont également atteints de troubles mentaux. Nous parlons ici d'un groupe qui aboutit dans le système médico-légal atteint à la fois de maladies mentales et de déficiences intellectuelles. Cela étant dit, il importe de préciser que la maladie mentale ne va pas de pair avec la déficience intellectuelle, en dépit de ce que pourrait croire le grand public.

Compte tenu de tout cela, j'aimerais mentionner ce que nous estimons être quelques mesures favorables du projet de loi C-10. L'élargissement de la définition de l'évaluation de manière à y inclure des professionnels de la médecine, habituellement des psychiatres et d'autres professionnels qualifiés, ouvre généralement la porte dans ce projet de loi à la nomination d'autres types de professionnels à des commissions d'examen. Dans notre mémoire de 2002, nous avions recommandé que les travailleurs sociaux, ceux qui ont de l'expérience en placement et en aide communautaire, soient également inclus.

L'idée d'inclure d'autres professionnels qualifiés vise en réalité à pallier des pénuries de médecins. Nous avions espéré qu'il y aurait des lignes directrices claires relativement au processus d'évaluation en vue d'encourager et d'exiger que des professionnels qualifiés ayant une expérience de l'aide communautaire soient inclus.

Nous appuyons l'abrogation des dispositions relatives à la détermination de périodes de détention d'une durée maximale. Nous estimons qu'il est préférable de les examiner dans le cadre de la suspension d'instance, de sorte que je vais mentionner quelques points.

Nous estimons également que l'abrogation de cette disposition contribue jusqu'à un certain point à régler le problème de la terminologie du code qui renforce les stéréotypes, parce qu'en abrogeant les dispositions relatives aux périodes de détention d'une durée maximale, nous faisons disparaître la catégorie des accusés dangereux atteints de troubles mentaux. Comme nous l'avons déjà dit, cette catégorie contribue simplement à marginaliser et à stéréotyper encore plus ce groupe, à tort.

La troisième mesure positive est l'introduction de la suspension d'instance pour les personnes qui sont jugées inaptes à subir leur procès ou qui ne sont pas criminellement responsables. En vertu des dispositions actuelles, l'accusé ne peut obtenir une libération inconditionnelle. Nous estimons qu'on viole ainsi son droit fondamental à la liberté, surtout dans le cas des déficients intellectuels, qui ne pourront jamais être jugés aptes à subir leur procès.

C'est pourquoi ce groupe a été confiné en permanence à des établissements médico-légaux. Ces personnes ne seront jamais considérées aptes, mais elles ne représentent pas un danger pour la société ou pour elles-mêmes. Cette disposition relative à la suspension d'instance est donc une mesure importante.

J'aimerais vous souligner cinq ou six préoccupations qui demeurent. Il y a tout d'abord la catégorie des troubles mentaux. Je reconnais que le projet de loi C-10 n'est pas en mesure de régler le problème posé par cette catégorie comme tel, mais j'aimerais tout de même vous faire part de préoccupations.

La terminologie même, soit l'expression « trouble mental », renforce les stéréotypes négatifs et discriminatoires qui contribuent à faire voir les personnes handicapées comme étant incapables.

Les modifications apportées en 1992 au Code criminel ont retiré toute mention d'aliénation mentale parce que le terme incluait la notion d'imbécillité naturelle. Les législateurs craignaient que le terme ne soit offensant et estimaient donc qu'il valait mieux le retirer. En maintenant l'expression « trouble mental », qui se définit comme une maladie des fonctions intelligentes de l'esprit, nous estimons que nous ne sommespas plus avancés que lorsqu'on y trouvait les termes « aliénation » et « imbécillité ». On continue de s'ancrer fermement dans un modèle médical de la déficience, surtout pour les déficiences intellectuelles, et d'évoquer l'idée de danger dans la conscience publique, même si nous avons retiré l'expression « accusé dangereux atteint de troubles mentaux ». Il faudrait que le code adopte les mêmes termes que la Charte, soit la débilité mentale, et qu'on s'en tienne là. On contribuerait ainsi un peu plus à reconnaître que les débiles mentaux n'ont pas forcément besoin d'une intervention médicale, qu'ils ont peut-être une maladie des fonctions intelligentes de l'esprit, si l'on veut parler en termes très désuets.

En ce qui concerne la déclaration de la victime, nous sommes d'accord avec nos deux collègues qu'elle n'a pas sa place dans des audiences de commissions d'examen. Nous ajoutons seulement que les déclarations des victimes, dans ce contexte particulier, peuvent contribuer à intensifier l'image négative qu'a le grand public des personnes atteintes de déficience mentale. Voilà un accusé qui n'est pas traduit devant les tribunaux, qui n'a dans les faits commis aucun crime, mais on prévoit des déclarations de victime qui peuvent nourrir des idées désuètes de la déficience mentale qui, à leur tour, alimentent la crainte du public et, en fait, les représailles contre d'autres personnes handicapées.

Je vous ai déjà parlé de ma préoccupation au sujet des évaluations. À notre avis, il faudrait exiger beaucoup plus rigoureusement que les évaluations incluent d'autres expertises.

Une préoccupation suscitée par la suspension d'instance est qu'on ne prévoit pas explicitement dans le projet de loi que l'accusé puisse lui-même demander la tenue d'une enquête pour déterminer s'il y a lieu de suspendre l'instance. L'accusé devrait avoir le droit de demander à la commission d'examen qu'elle en fasse la requête auprès du tribunal. Il est beaucoup plus encombrant pour l'accusé d'avoir à recourir à la Cour d'appel pour interjeter appel d'une décision de la commission d'examen.

De la même façon, nous appuierions fermement la position de nos collègues concernant la prolongation à 24 mois de l'intervalle entre les audiences. Elle pourrait se transformer en cycle vicieux dans lequel les personnes demeureraient confinées jusqu'à deux ans. Cela n'améliore en rien leur maladie mentale, sauf pour l'exacerber, justifiant ainsi leur confinement prolongé. Rien n'explique, sauf la pénurie de ressources, pourquoi il ne peut pas y avoir des examens annuels. Selon nous, cette question de pénurie de ressources ne justifie pas une pareille contrainte.

Nous sommes également préoccupés par les transferts interprovinciaux qui sont prévus aux fins énoncées de réintégration, de rétablissement ou de traitement. Nous craignons que cette disposition puisse être vue comme une concession au sous-financement provincial des soutiens dont on a tant besoin dans les communautés. Les débiles mentaux ont souvent, s'ils en ont, un réseau fragile de soutien dans la communauté. Des préoccupations au sujet de perceptions ou de problèmes publics ne suffisent pas comme raison pour faire transférer quelqu'un à l'extérieur de la province. Il faut que la nécessité du transfert interprovincial fasse l'objet d'un examen clair et qu'on exige des gouvernements provinciaux qu'ils prouvent que tout a été fait pour fournir des soutiens adéquats dans la province où se trouve l'accusé. Il faudrait que ces exigences soient beaucoup plus claires dans la loi.

En guise de conclusion, nous appuyons les mesures relativement restreintes qui sont préconisées. Par contre, nous estimons qu'elles sont trop peu nombreuses. Nous vous prions instamment d'envisager au moins quelques légers changements : à court terme, en rapport avec les évaluations, qu'une modification retire tout pouvoir discrétionnaire relatif à la tenue, dans les douze mois, de l'audience de la commission d'examen; une modification donnant le droit à l'accusé de demander la tenue d'une enquête pour déterminer s'il devrait y avoir suspension d'instance; et une modification pour exiger des commissions d'examen qu'elles démontrent clairement au moyen de preuves convaincantes qu'il est dans le meilleur intérêt de la personne d'être transférée dans une autre province et qu'elles fassent la preuve que la province n'est pas raisonnablement capable de fournir le soutien voulu.

Nous prions instamment le comité sénatorial de faire des recommandations à plus long terme, peut-être dans le cadre d'un examen réglementaire des dispositions concernant : la collecte de renseignements fiables sur les personnes déclarées non criminellement responsables ou inaptes à subir leur procès; la précision de la nature de leur déficience; la précision des mesures ordonnées; et l'ordonnance de transfert interprovincial. Nous vous exhortons à examiner l'expression « trouble mental » la prochaine fois. L'examen ne se fera pas cette fois-ci, mais nous demandons instamment que la terminologie de la déficience adoptée par le ministère du Développement social fasse l'objet d'un examen la prochaine fois. Le ministère a en effet recommandé que la loi fédérale adopte un modèle beaucoup plus social pour définir la déficience. Nous demandons instamment, s'il est impossible de modifier le projet de loi cette fois- ci, que la composition des commissions d'examen fassent l'objet, la prochaine fois, d'un examen vraiment fouillé. Je vais m'arrêter là.

Ces dispositions peuvent certainement contribuer à marginaliser encore plus une des populations les plus exclues, isolées et confinées du pays. La mesure législative à l'étude n'est pas neutre. Nous vous demandons instamment d'agir de manière à en faire une partie de la solution, plutôt que du problème.

La présidente : Bien des préoccupations des témoins semblent liées à l'application du Code criminel ou à l'exécution de certaines de ses dispositions. D'autres préoccupations ont trait à des questions extérieures au contexte du droit criminel, comme le traitement dans les instituts médico-légaux, une question qui relève habituellement des provinces, ou le manque de ressources. D'autres préoccupations également ont trait aux stigmates ou aux stéréotypes, et bon nombre de ces questions dépassent le cadre du projet de loi C-10.

Je pourrais peut-être réagir à certaines recommandations que nous a présentées aujourd'hui le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques. Vous dites que le Bureau « recommande que des échéances soient fixées dans les dispositions et que les commissions d'examen aient le pouvoir voulu d'ordonner et de faire exécuter ces décisions ».

Ma réaction serait, en supposant qu'il est question de les faire exécuter par des tiers, par exemple un hôpital, qu'il est difficile de faire respecter des décisions quand ce n'est pas vraiment la faute de l'établissement de traitement si ses ressources sont limitées.

Il ne servirait à rien, non plus, de faire défiler des représentants des hôpitaux devant la commission d'examen pour répondre de leur défaut d'agir. En d'autres mots, il vaut peut-être mieux, pour régler cette question, affecter plus de ressources que d'imposer des exigences dans le Code criminel. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Simpson : Nous voyons à l'occasion des clients se présenter à leur audience annuelle devant la Commission ontarienne d'examen. Une ordonnance portant décision est délivrée. L'établissement croit qu'aussi longtemps qu'il prend des mesures pour respecter les dispositions de l'ordonnance avant l'audience annuelle suivante, il s'est acquitté de son obligation. Un des exemples que j'ai donnés avait trait au logement ou à la réinsertion sociale, parce que l'ordonnance portant décision laisse beaucoup de pouvoir discrétionnaire à l'établissement. J'estime qu'il faut mieux baliser ce pouvoir parce que, si la commission a siégé, s'est acquittée de son obligation et a examiné l'information, elle respecte en fait les dispositions de l'arrêt Winko en ce qui concerne l'environnement le moins restrictif possible. Elle affirme qu'en fonction de toute l'information dont elle dispose, l'ordonnance portant décision devrait inclure ceci et cela. À ce stade, si l'établissement ne prend pas de mesures pour exécuter l'ordonnance, il faut que la loi prévoie une certaine reddition de comptes.

C'est ce qui se produit souvent dans le cas de transferts. Un client sera transféré d'un établissement à sécurité moyenne à un autre à sécurité minimale et, année après année, il retourne devant la Commission ontarienne d'examen, la même ordonnance est rendue et nul ne fait quoi que ce soit. Je maintiens qu'il faut qu'il y ait une certaine reddition de comptes, qu'il faut se conformer à l'ordonnance portant décision.

Mme Chambers : Une affaire sera bientôt renvoyée devant la Cour suprême à ce même égard, Mazzei v. British Columbia (Adult Forensic Psychiatric Services). L'appelant poursuit quelqu'un du système médico-légal en soutenant qu'on ne lui a pas fourni les mesures de réinsertion essentielles à sa guérison. Dans cette affaire, ce sont les services convenables sur le plan culturel qui sont en cause.

La présidente : D'après une autre recommandation, il faudrait que le code précise les facteurs à prendre en considération pour prendre les décisions les moins coûteuses ou restrictives et toute une gamme de modalités de traitement en vue de répondre aux besoins de réinsertion, conformément aux souhaits et au choix du client.

Des facteurs à prendre en considération pour en arriver à la décision la moins coûteuse et la moins restrictive possible sont déjà énumérées à l'article 672.54. On peut y lire : « Compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l'état mental de l'accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale... ».

Il vaut probablement mieux laisser à la loi provinciale, au médecin et au patient le soin de décider des modalités de traitement, plutôt que de les inclure dans le Code criminel.

Ne seriez-vous pas d'accord avec moi à cet égard? J'essaie de trouver un terrain d'entente avec vous.

M. Simpson : Notre bureau traite abondamment avec des clients du système médico-légal. Ce n'est pas un système qui répond très bien à leurs besoins. Il faudrait que la loi prévoie une norme quelconque. Il y est effectivement question des besoins de la personne, mais quels sont ces besoins? Portent-ils sur la qualité des soins et de la vie, sur la réinsertion sociale et sur la réintégration? Nous voyons des gens quitter le système sans avoir été préparés à réintégrer la société, sans soutien à l'emploi ou aide à l'acquisition de compétences, des gens qui n'ont pas fini leurs études et qui ont un revenu inadéquat. Ils sont réinsérés dans la communauté sans avoir les compétences qui leur permettraient de réussir. D'une certaine façon, c'est planifié. C'est ce dont parle notre recommandation. Quelle est la gamme des besoins et faut- il mentionner particulièrement les besoins de la personne et l'obligation qu'a l'établissement de l'appuyer?

Des clients m'ont dit : « Dave, je vais avoir mon propre appartement pour la première fois depuis des années. J'ai fait brancher le téléphone, mais j'ignore comment activer la messagerie vocale » ou encore « J'ignore comment me servir d'une carte de débit », « Nul ne m'a aidé pour faire en sorte que j'aie tout ce qu'il faut en place ».

C'est une condamnation du système et de sa capacité de préparer les gens à réintégrer la société de façon à y contribuer le plus fructueusement possible.

Mme Chambers : Vous avez demandé si les modifications du Code criminel devraient intégrer les critères pour déterminer la décision la moins sévère ou la moins privative. Il est important de le faire parce qu'il faut uniformiser l'application de cette norme. Récemment, la Cour suprême a donné une interprétation à cet égard par rapport au système médico-légal. Nous sommes intervenus dans l'affaire Pinet-Tulikorpi. Il s'agissait de déterminer si les niveaux de sécurité relevaient des critères pour déterminer la décision la moins sévère ou la moins privative. La Cour suprême a statué que c'était le cas. Pourtant, cette norme est appliquée d'une façon incroyablement incohérente, même au sein d'une province. Il faudrait des lignes de conduite fédérales.

M. Bach : Selon nous, cette disposition nécessite une évaluation, parce que celle-ci ne pourra s'appliquer que s'il est possible de cerner les besoins par rapport à la décision la moins sévère et la moins privative. Le Code criminel devrait préciser davantage les différents professionnels pouvant effectuer une évaluation plutôt que de confier cette tâche uniquement aux professionnels de la santé, c'est-à-dire vraisemblablement les psychiatres. D'après notre expérience, ceux-ci ne possèdent pas les connaissances nécessaires afin de comprendre l'éventail des besoins et des solutions, relativement aux personnes atteintes d'une déficience intellectuelle. Par conséquent, les gens restent dans les établissements très spécialisés.

Le sénateur Mercer : Nous vous remercions de comparaître et de nous faire profiter de vos connaissances et vos compétences.

Je considère qu'il y a quatre groupes en cause : la société, les patients, les personnes qui s'occupent d'eux notamment et, naturellement, les victimes.

Ce sont les patients qui me préoccupent davantage, mais il ne faut oublier la société en général et la réinsertion sociale réussie ou non. C'est un débat très épineux parce que la ligne de démarcation est très ténue. Ceux d'entre nous qui se considèrent des défenseurs des libertés civiles veulent s'assurer que sont protégés non seulement les droits du patient mais également la société.Ce n'est pas une mince tâche.

Monsieur Simpson, je considère vos recommandations d'un œil très favorable, mais je crains que nous nous dirigions vers un échec. C'est un problème que nous répétons sans cesse.

Bon nombre de vos recommandations préconisent la suppression ou l'élimination de certaines parties de la loi.Ce qu'il nous faut vraiment, c'est une recommandation positive assortie d'exemples pratiques. Il nous est facile de participer à un tel débat intellectuel, mais nous n'avons aucun exemple pratique. De plus, nous devons nous attaquer au problème le plus épineux pour tout gouvernement, c'est-à-dire que nous pouvons concevoir le meilleur système au monde, mais que, si nous n'avons pas les moyens financiers nécessaires, nous ne pourrons pas le mettre en œuvre et nous serons frustrés parce que nous croyons avoir un système efficace qui ne peut être utilisé.

Monsieur Simpson, vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez.

M. Simpson : Je préconiserais notamment une disposition permettant à nos clients de comparaître une fois par année devant la Commission ontarienne d'examen pour plaider leur cause et dire : « C'est pourquoi je devrais obtenir une libération. Voici tout ce que j'ai fait pour mériter, selon moi, d'être placé dans un environnement moins privatif. »

Proroger le délai jusqu'à un maximum de 24 mois entraînerait des conséquences catastrophiques pour la plupart de nosclients, parce qu'il survient beaucoup de choses en deux ans. Il faudrait examiner plus attentivement les ordonnances, et le délai de 12 mois est une solution concrète qu'il faut conserver.

Le sénateur Mercer : Madame Chambers, en parlant de dossiers mal tenus ou de diagnostics erronés, vous avez cité le cas d'un patient qui faisait de la magie. Nous pouvons tous citer des cas de patients qui ont été diagnostiqués au début de leur traitement comme étant atteint de schizophrénie, de trouble délirant ou d'un autre problème, mais à qui surviennent beaucoup de choses au fur et à mesure. Il y a des affections physiques qui ont un effet et peuvent donner des symptômes analogues.

Quelle est, selon vous, l'ampleur des diagnostics erronés dans le système?

M. Chambers : Il existe un problème fondamental par rapport à certaines catégories de diagnostics et à la fiabilité de ceux-ci. Si vous examinez la recherche sur la fiabilité des diagnostics psychiatriques, vous constaterez qu'ils sont étonnamment peu fiables. Selon les études, même lorsque les psychiatres ont reçu la formation sur l'établissement d'un diagnostic — et bon nombre ne la reçoivent pas —, on observe tout de même un degré élevé de non-fiabilité. Si la même personne consultait trois psychiatres différents, elle recevrait trois diagnostics différents.

En psychiatrie légale, l'interprétation du comportement humain est suggestive. Les personnes font l'objet d'une interprétation avant d'être examinées en psychiatrie légale. C'est souvent lors de l'arrestation. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a été aux prises avec un cas qui nous a amenés à ajouter un droit à la charte des droits du client pour s'attaquer à cet aspect et à d'autres problèmes. Un patient se trouvait dans la salle commune et une infirmière, qui n'était pas affectée habituellement à cet étage, l'a aperçu et a consigné dans son dossier qu'il avait l'air menaçant.

Ce n'était, semble-t-il, qu'une de ses expressions faciales habituelles. Il avait l'habitude de froncer les sourcils. Personne d'autre ne pensait qu'il était menaçant. Cependant, une mention a été portée à son dossier permanent simplement parce que cette infirmière le croyait. Il faut trouver une meilleure solution, la personne en cause doit être au courant de ce qui s'est passé pour être en mesure de prendre les mesures qui s'imposent.

Des gens commettent des peccadilles qui sont parfois exagérées à l'étape de l'arrestation et des poursuites. Prenez l'exemple de cet homme qui a uriné dehors sans se rendre compte que quelqu'un pouvait l'apercevoir. Une femme a considéré que ce geste était une agression sexuelle contre elle. Il a été arrêté sur ce motif et, lorsque les policiers ont compris de quoi il s'agissait en fait, l'homme était tellement en colère qu'il a craché sur l'un d'entre eux. Il a été accusé de voies de fait sur la police et s'est retrouvé au sein du système médico-légal pendant cinq ans, notamment parce qu'il n'éprouvait pas suffisamment de remords. C'est une série d'interprétations exagérées à l'égard desquelles rien n'a été fait pendant beaucoup trop longtemps.

M. Simpson : Dans la même veine, je pourrais ajouter que bon nombre de nos clients voient certaines de leurs émotions qu'ils manifestent être consignées dans leur dossier médical ou leur fiche personnelle, ce qu'on fait ressortir lors des audiences devant les commissions d'examen. Si quelqu'un se met en colère, ce qui est une émotion normale — vous comprendriez si vous pouviez me voir conduire à Toronto —, on juge très souvent qu'il s'agit d'un cas pathologique, comme pour d'autres émotions de ce genre. Il y a un autre problème dans le système : la commission demande l'avis d'un psychiatre qui vous soigne de façon à vous permettre de réintégrer la société. Tous les ans, ce psychiatre est convoqué devant la commission pour évaluer le risque que vous représentez et votre dangerosité ainsi que pour exposer tout ce que vous avez fait de mal depuis la dernière audience. Pour nos clients, c'et vraiment difficile à accepter.

Avant ou après leur audience devant la commission d'examen, certains d'entre eux observent en fait une période de silence au cours de laquelle ils se disent : « Je croyais avoir une bonne relation avec mon médecin. Malheureusement, il a signalé tous ces points négatifs à mon sujet lors de l'audience devant la commission d'examen. »

Le système n'est pas axé sur les choses positives accomplies par le client. C'est là un problème.

En outre, lorsqu'un client relève du système depuis des années sinon des décennies, on lui rappelle tous les ans, lors de l'audience devant la commission d'examen, ce qu'il a commis. On lui répète tous les ans ce qu'il a fait il y a 20 ans. Il y a un aspect qui est injuste. Au cours des 20 dernières années, nous avons tous probablement fait des choses et nous n'aimerions pas qu'on nous le rappelle année après année.

Souvent, nos clients ne sont pas tenus criminellement responsables lorsqu'ils étaient dans la phase aigue de leur maladie. Le traitement qu'ils reçoivent favorise leur rétablissement, aspect dont ne tient fréquemment pas compte la commission d'examen. Le procureur du ministère public fait alors valoir qu'une telle personne devrait être détenue et expose les motifs le justifiant. Et voilà qu'on ajoute la déclaration de la victime, ce qui risque, selon moi, de retarder notre client dans ses efforts pour se rétablir et réintégrer la société.

Certaines audiences de la commission d'examen font la une des journaux parce que l'affaire est montée en épingle. Les grands titres sont moins que flatteurs. On confirme ainsi toute la notion que chaque personne bénéficiant de services de psychiatrie légale est un meurtrier ou un violeur, ce qui est tout simplement faux.

Il faudrait consacrer beaucoup de ressources pour expliquer aux gens les services de psychiatrie légale et les renseigner sur les clients. Il faut arrêter de stigmatiser nos clients et commencer à envisager qu'ils font l'objet de discrimination.

Nos clients peuvent difficilement se trouver un emploi ou s'inscrire à l'université lorsque ceux qui les traitent leur disent qu'ils doivent dévoiler l'infraction à l'origine de la peine pour recevoir l'autorisation nécessaire. C'est le genre d'obstacle que bon nombre de nos clients affrontent.

M. Stylianos : On nous parle de la façon dont les questions de sécurité l'emportent sur les questions liées au traitement et à la réadaptation. Vous avez posé une question sur les erreurs que contiennent les dossiers. C'est un problème généralisé dans le système, et nous avons des bureaux dans les différents établissements psychiatriques de la province. Dans l'ensemble, les équipes responsables du traitement font preuve de vigilance face aux questions de sécurité du public, mais sont loin d'accorder la même attention au traitement et à la réadaptation. C'est cette vigilance qui dénature le processus et met en péril l'objectif établi pour l'ensemble du système, c'est-à-dire la réadaptation et la réinsertion sociale.

Le sénateur Mercer : Je ne saisis pas l'importance que certains d'entre vous semblent accorder à la déclaration de la victime. Si une personne n'est pas criminellement responsable, la déclaration de la victime devrait être transmise à une instance distincte. Elle ne devrait avoir aucune répercussion, si la personne n'est pas tenue criminellement responsable.

Ma dernière question s'adresse au représentant de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Je connais bien cette organisation. Ma belle-sœur a vécu dans plusieurs établissements pendant une période de 25 ou 30 ans.

Je m'intéresse encore à la protection de ses droits dans l'établissement où elle vit de façon permanente et où elle reçoit l'aide de professionnels attentionnés. Je crains qu'elle rencontre quelqu'un qui n'est pas un professionnel attentionné et qui pourrait la maltraiter ou l'agresser. La protection des droits devient alors un peu paradoxale à l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Qui protégez-vous? Protégez-vous votre employé ou le client?

Je sais que vous répondrez le client, mais j'ignore si c'est toujours le cas. Les personnes en cause alors sont celles qui sont censées défendre les intérêts des patients. Si elles ne le font pas, les patients sont à la merci de gens sans scrupules.

M. Bach : C'est certainement ce qui arrive dans les services communautaires du pays. Même si les dispositions régissant ce genre de situation ne font pas partie de celles sur les personnes souffrant de troubles mentaux, le Code criminel ne permet pas facilement aux déficients intellectuels de témoigner en leur nom. Ils ne sont pas considérés comme des témoins crédibles malgré les changements positifs apportés à la Loi sur la preuve.

Pour toutes les raisons qui précèdent, nous préconisons, par rapport à ces dispositions particulières, que des mesures très positives soient prises pour satisfaire aux besoins de ce groupe. Notre pays regorge d'exemples analogues à ceux que nous avons évoqués et où une personne peut languir dans ce genre d'établissement pour aucune raison apparente si ce n'est l'hypothèse tenace que cette personne ne se rétablira jamais.

M. Simpson : Je pense que c'est pourquoi que nous avons soulevé également la question des traitements ordonnés par les tribunaux. À titre d'organisation de défense des droits, nous devons protéger les intérêts de nos clients et les conseiller ainsi que nous assurer qu'ils sont conscients de leurs droits et que nous pouvons leur venir en aide à cet égard. Cela n'est plus réellement possible à cause des traitements ordonnés par les tribunaux.

Selon nous, il faudrait évaluer l'incapacité de consentir au traitement. Si la situation juridique d'une personne change à la suite d'une telle évaluation, la loi ontarienne exige que le conseiller en matière de droit en soit avisé rapidement, ce qui entraîne une visite de celui-ci.

Nous préconisons le maintien du traitement sur consentement : le tribunal ne peut pas simplement ordonner qu'unepersonne subisse un traitement; celle-ci doit être évaluée par un psychiatre; la protection conférée par la loi ontariennedoit être accordée lorsque le psychiatre établit l'incapacité de consentir au traitement. Selon nous, il s'agit d'une mesure vraiment importante. Si nous souhaitons protéger lespersonnes vulnérables — et la plupart des gens dans le système médico-légal le veulent pour diverses raisons, comme l'a souligné Mme Chambers —, nous devons alors nous assurer que ces personnes peuvent être conseillées en vertu d'un processus officiel. Idéalement, il serait préférable encore que ce soit par l'intermédiaire de conseillers indépendants.

Le sénateur Callbeck : En ce qui concerne l'exemple ontarien, vous avez évoqué les subrogés. Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur le rôle du subrogé?

M. Simpson : En Ontario, si une personne est déclarée incapable de donner son consentement à un traitement, la loi prescrit la désignation d'un subrogé. Il peut s'agir du conjoint ou de la conjointe, le cas échéant, d'un parent ou encore d'un frère ou d'une sœur. La loi établit l'ordre de priorité à cet égard. Si personne n'est disposé à être le subrogé, le tuteur et curateur public de l'Ontario le devient. Le rôle du subrogé est précisé dans la loi, qui établit ce qu'il doit faire et les aspects dont il doit tenir compte comme les souhaits manifestés par la personne lorsqu'elle était apte à décider — par exemple si elle a dit : « Je veux suivre ce traitement, mais pas celui-là. » On enlève ainsi beaucoup d'ambiguïté. Parfois, une personne se trouve à un stade aigu de sa maladie, et un subrogé est désigné. Elle peut se rétablir et, après avoir fait l'objet d'une nouvelle évaluation, elle peut recouvrer sa capacité de prendre les décisions concernant son traitement.

Le sénateur Callbeck : Cette évaluation est-elle toujours effectuée par un psychiatre?

M. Simpson : Oui.

Le sénateur Callbeck : Aucun d'entre vous n'est en faveur de la déclaration de la victime. Monsieur Simpson, j'ai remarqué que vous préconisez sa suppression. Vous recommandez qu'une instance plus pertinente en soit saisie. Pourquoi? Pourriez-vous nous donner des explications? Qu'entendez-vous par là?

M. Simpson : Nous convenons qu'il faut consacrer des ressources pour aider les victimes. Nous ne voulons pas que l'aide soit accordée uniquement à nos clients. Les victimes devraient pouvoir exprimer leurs doléances dans le cadre d'un processus pertinent. On se demande si la déclaration de la victime exerce même un effet positif au sein du système de justice pénale. Nous ne pensons pas que la Commission ontarienne d'examen devrait être saisie de ces demandes. Il faut offrir aux victimes de l'aide et des services afin qu'ils puissent reprendre le cours normal de leur existence.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'expression des doléances dans le cadre d'un processus pertinent.

M. Simpson : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Donnez-nous des précisions.

M. Simpson : J'allais vous demander de le faire.

Mme Chambers : Dans le débat sur la déclaration de la victime, on croit à tort notamment que la déclaration de la victime exerce un effet thérapeutique sur la victime. Il est important que la personne qui a été victime de violence puisse profiter de l'action thérapeutique de l'expression de ses doléances, mais le système de justice pénale et le système de santé mentale qui prend en charge les personnes nécessitant des services de psychiatrie légale ne sont pas le cadre pertinent à cet égard. La victime a besoin d'une aide thérapeutique. Elle devrait donc pouvoir exprimer ses doléances dans un milieu thérapeutique et non pas lors d'une audience dont fait l'objet la personne qui n'est pas criminellement responsable de l'acte ayant porté préjudice à la victime.

Le sénateur Callbeck : Et vous supprimeriez tout cela.

Monsieur Bach, vous avez évoqué les personnes qui sont transférées à l'extérieur d'une province et qui ne disposent plus alors d'aucune aide. Je pensais que ces personnes étaient transférées parce qu'elles avaient, dans la nouvelle province, de la famille ou des amis qui pourraient les aider.

M. Bach : Cela peut-être une raison justifiant le transfert, mais on tient compte d'autres facteurs qui ne relèvent pas nécessairement du seul contexte du Code criminel, c'est-à-dire qu'un gouvernement provincial peut essentiellement ne pas consacrer suffisamment de ressources pour permettre à cette personne de demeurer dans la collectivité où elle vit; les services et l'aide nécessaires ne sont peut-être pas suffisants dans une province alors qu'ils le sont dans une autre. Un transfert est alors autorisé.

Selon nous, il faut établir des critères précis régissant les modalités et les motifs d'un transfert, qui devrait être autorisé uniquement si des efforts raisonnables ont été déployés pour offrir ces services ou si l'on établit très clairement que l'intérêt du public est en cause. Dans ces conditions, un tel transfert est valable. Ces dispositions ne semblent pas offrir une protection contre le fait qu'une commission d'examen peut être utilisée par le gouvernement provincial qui n'accorde pas les ressources nécessaires pour offrir de l'aide dans la collectivité. C'est ce qui nous préoccupe.

Le sénateur Joyal : Comme mes collègues, je vous écoute très attentivement. Lors de la rédaction du projet de loi, le ministère de la Justice a-t-il consulté une de vos associations ou le membre de l'une d'entre elles? Vous pourriez peut- être me répondre à tour de rôle parce qu'il est important que vos propos soient versés au compte rendu.

Mme Chambers : Non, le ministre de la Justice ne nous a pas consultés. Je ne connais personne qu'il l'a été.

M. Stylianos : Je ne crois pas que nous ayons été consultés.

M. Bach : Notre association a présenté un mémoire en 2002 au Comité permanent de la justice et des droits de personne de la Chambre des communes. Non, nous n'avons pas été consultés.

Le sénateur Joyal : Je parle de consultations préliminaires. Normalement, le ministère de la Justice consulte les associations professionnelles en cause et leur demandent leur avis par rapport à l'élaboration d'un projet de loi, particulièrement s'il s'agit d'une mesure législative complexe comme celle-ci, parce qu'il y a une réalité humaine qui est en cause et qui nous interpelle tous.

M. Bach : Nous n'avons pas été consultés.

M. Simpson : Il est important que les clients aient voix au chapitre par rapport à une mesure aussi importante que celle-ci. C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous indiquons qu'il faut consulter tous les intervenants, dont les clients et consommateurs, qui doivent donner leur avis et faire part de l'expérience qu'ils vivent dans le système car ces personnes et leurs conseillers juridiques savent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Mme Chambers : Des patients du Centre de santé mentale de Penetanguishene souhaiteraient pouvoir transmettre leurs observations au comité au sujet du projet de loi C-10. Si vous leur donniez cette occasion, ils vous en seraient reconnaissants.

Le sénateur Joyal : Je sais que le sénateur Callbeck est membre d'un comité spécial du Sénat qui est responsable de l'examen des conditions des Canadiens souffrant d'une maladie mentale, entre autres choses. Avez-vous comparu ou avez-vous été invités à comparaître devant ce comité pour le compte des Canadiens qui vivent ce que vous avez décrit et qui se trouvent dans une position d'autant plus difficile qu'ils doivent composer avec les problèmes supplémentaires que vous avez exposés dans votre mémoire.

Mme Chambers : Lors de la première série de consultations du comité, nous avons été le seul groupe représentant les personnes bénéficiant de services de psychiatrie légale à comparaître devant lui. Récemment, le comité s'est rendu à Toronto pour entendre le témoignage d'un grand nombre de membres de notre collectivité, et nous lui en sommes reconnaissants.

Le sénateur Joyal : Madame la présidente, nous pouvons nous attendre à ce que le comité du Sénat prenne les mesures pertinentes. Je partage votre avis relativement aux points que vous avez soulevés au début de la séance et qui devraient faire partie d'une approche stratégique de l'ensemble du domaine. Nous tous, autour de la table, ne serions pas à l'aise d'aborder le volet touchant le Code criminel en sachant que les autres aspects de la question sont laissés de côté.

Je crois que l'attention du Sénat et du gouvernement se concentrera à ce moment-là sur les conditions générales dans lesquelles vivent les Canadiens et Canadiennes souffrant de maladie mentale ou d'un handicap.

Madame Chambers, croyez-vous que le projet de loi respecte la Charte, en particulier l'article 15?

Madame Chambers : Non, nous croyons que certaines sections du projet de loi vont à l'encontre de l'article 15 de la Charte. Nous serions prêts à intervenir pour contester certains des amendements proposés.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous donner plus d'explications? Nous sommes le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et c'est une des premières questions que nous posons relativement à tout projet de loi, que celui-ci porte sur les enfants, les femmes, les peuples autochtones ou tout autre groupe de Canadiens défavorisés, y compris celui dont vous vous occupez professionnellement. Nous voulons nous assurer que la décision Winko est respectée dans le projet de loi car le Parlement a l'occasion de se prononcer sur le rétablissement de conditions équitables pour cette tranche de la population canadienne.

Pouvez-vous nous dire plus précisément quels sont les éléments de ce projet de loi qui ne respectent pas la Charte?

Madame Chambers : Je suis contente d'entendre vos propos.

Nous sommes intervenus dans l'affaire Lepage, qui est devenue l'affaire Winko devant la Cour suprême. Nous sommes donc familiers avec la décision.

Le premier exemple de non-respect de la Charte concerne la déclaration de la victime puisqu'on présume que le système est entièrement réhabilitant et que la liberté de la personne dépend de son état d'esprit non pas au moment de l'infraction, mais bien à l'audience pour déterminer la décision à rendre. Les garanties procédurales qui distinguent le système de non-responsabilité criminelle du système de justice pénale ne seraient pas respectées si la personne devait, en bout de ligne, porter le fardeau d'être évaluée non seulement en fonction de son état mental mais aussi de l'infraction à l'origine de la peine.

La tenue d'audiences tous les 24 mois seulement en est un autre exemple. Cela signifie que la personne sera jugée selon l'infraction à l'origine de la peine puisque la décision sera fondée sur la dangerosité de la personne plutôt que son état d'esprit actuel. On pourrait contester ça au moyen d'arguments scientifiques puisqu'il est impossible de prédire l'état d'esprit d'une personne deux ans d'avance. Toutefois, c'est exactement ce qui se produira si l'on reporte à 24 mois l'audience d'une commission d'examen en supposant qu'une personne reste dangereuse comme au moment de l'infraction à l'origine de la peine.

Dans notre mémoire, nous avons donné d'autres exemples de non-respect. On peut aussi mentionner le fait qu'on pourrait cacher de l'information aux gens pour qu'ils ne puissent pas aborder les points soulevés par leur médecin. Il ne leur serait donc pas possible de rectifier les faits lors d'une audience quasi-judiciaire.

La Cour suprême, dans l'arrêt Winko, a clairement dit qu'on ne pouvait pas présumer la dangerosité d'une personne. Il n'importe pas à la personne jugée de prouver qu'elle n'est pas dangereuse. Le système doit prouver qu'elle est dangereuse, et elle doit avoir l'occasion de chercher des preuves pour assurer sa remise en liberté.

Le sénateur Joyal : Vos collègues aimeraient-ils ajouter quelque chose avant que je pose ma prochaine question?

Si je lis la décision Winko de la Cour suprême, en ce qui a trait aux mesures correctrices à prendre pour les Canadiens qui souffrent de maladie mentale et qui font face à la justice pénale, on prévoit une démarche très systémique pour traiter ces gens, incitant ainsi la société à adopter une attitude plus proactive à l'égard des gens qui ont été accusés et à assumer sa responsabilité à cet égard.

Pour ce qui est des citoyens ordinaires qui sont aux prises avec la justice pénale, le système est plutôt simple. Vous avez un avocat, vous vous défendez, vous apportez des éléments de preuve, et si la Couronne présente bien son cas, vous serez reconnu coupable. Une décision est rendue, et selon la peine établie, vous devez vous conformer au système. Ce système essaie ensuite de vous réhabiliter, et cetera. Nous comprenons le principe sur lequel un tel système est fondé.

Toutefois, dans le cas des Canadiens qui souffrent de maladie mentale, un autre fardeau est placé sur le système, c'est du moins ce que j'ai pu comprendre de la décision Winko.

Je vous ai écouté très attentivement, particulièrementM. Simpson, en ce qui a trait à ce qui se passe en Ontario. J'ai été intrigué par mon collègue, le sénateur Mercer, quand il a parlé de transfert car si le système ontarien a ce que j'appelle un ombudsman interne pour examiner la personne à chaque étape procédurale devant être suivie pour respecter les obligations stipulées dans la loi, je me suis dit que cette obligation devrait être la même partout au Canada. Il ne revient pas à une province de décider de traiter une personne selon les principes énoncés dans la décision Winko. Une autre province pourrait décider, pour toutes les raisons que vous avez mentionnées, comme la disponibilité de fonds, la volonté politique, le manque d'installations, la surpopulation, et cetera, de faire autrement. Pour moi, c'est une obligation fédérale et ça touche tout le pays. C'est probablement la partie de la décision Winko la plus difficile à interpréter puisque ça demande de regarder bien au-delà de la procédure du Code criminel, comme le procès, l'emprisonnement, la réhabilitation, puis la remise en liberté. Dans le cas des Canadiens qui souffrent de maladie mentale, il y a un autre volet que j'appelle l'aspect clinique, c'est-à-dire l'aide additionnelle qui doit être donnée à ces gens. Si j'ai bien lu la décision Winko, cette obligation revient au système.

Est-ce que j'exagère ou croyez-vous que l'obligation stipulée dans la décision Winko doit être bien comprise et que le projet de loi devrait en tenir compte?

Mme Chambers : Je suis non seulement d'accord avec vous, mais le Mental Health Legal Advocacy Coalition reçoit actuellement du financement du Programme de contestation judiciaire pour présenter un cas qui appuie justement ça. Dans la décision Winko, il est dit que l'on est tenu de répondre aux besoins personnels de l'accusé. Je vais vous citer un passage pertinent de la décision : « L'accusé non responsable criminellement a le droit de recevoir des soins attentifs, d'être réadapté, et de faire l'objet de tentatives valables en vue de sa participation à la société dans la plus grande mesure possible, compte tenu de sa situation véritable ».

Je crois que nous tenterons d'intervenir dans l'affaire Mazzei c. la Colombie-Britannique (Adult Forensic Psychiatric Services). C'est une personne qui a essayé d'obtenir des services de soutien aux Autochtones, mais qui n'a pu y avoir accès dans le système médico-légal. C'est pourtant fondamental. Autrement, ce système ne sert qu'à « entreposer » et à punir des personnes accusées, ce qui va à l'encontre du rôle qu'un tel système devrait avoir d'après la décision Winko.

M. Simpson : J'aime votre interprétation. C'est très important que je le dise car chaque Canadien et Canadienne devrait être alarmé par la tendance que l'on voit à criminaliser les personnes atteintes de maladie mentale. Nos prisons ne peuvent pas devenir des établissements de traitement. Ce n'est pas leur rôle.

On ne peut pas tout simplement fermer des lits psychiatriques et ne plus offrir des soins appropriés aux clients. On ne ferait alors que transférer ce problème à la police et au système judiciaire. Je pense qu'on doit vraiment s'inquiéter de cette tendance à criminaliser les personnes atteintes de maladie mentale.

Il y a aussi une autre chose qu'il faut démystifier tout de suite, c'est la croyance selon laquelle si un de vos êtres chers est placé dans le système médico-légal, il obtiendra des soins de première qualité. Je peux vous dire, en tant qu'ardent défenseur de mes clients, que je suis totalement en désaccord avec ça. Il ne s'agit pas de soins de première qualité. Une fois les gens placés dans le système médico-légal, il arrive parfois que leurs familles disent que c'était une erreur et qu'elles sont déçues de n'avoir qu'une fois par année l'occasion de demander que la personne qu'ils aiment sorte de ce système.

Ça revient à dire à ce que je disais plus tôt en ce qui a trait au besoin d'informer la population sur le système médico- légal et sur ce qui arrive aux gens qui en font partie. Comment ce système peut-il répondre à leurs besoins?

Effectivement, la personne ne court plus dans les rues et est peut-être détenue dans un établissement à sécurité minimale, moyenne ou maximale, mais laissez-moi vous dire que nos clients trouvent que ces établissements de traitement ou ces hôpitaux ressemblent beaucoup à des prisons. Il y a des barreaux sur les portes, il y a des entrées réservées aux véhicules et il y a des caméras. Ça ressemble plus à des pénitenciers qu'à des établissements de traitement; on dirait que quelque chose a mal tourné dans le système de santé mentale de l'Ontario.

Il faut arrêter cette tendance à la criminalisation et essayer de trouver d'autres moyens de répondre aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale. En tant que collectivité, comment pouvons-nous les aider à se rétablir? Pour le moment, on ne peut pas dire que c'est une réussite.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais revenir à certains commentaires sur les psychiatres qui travaillent dans le système et certaines difficultés mentionnées. J'ai trouvé que votre témoignage était parfois contradictoire. À un moment, vous dites que cette évaluation précieuse est nécessaire, puis vous dites plus tard qu'on peut toujours trouver un psychiatre pour en contredire un autre.

N'est-ce pas là une partie des problèmes du système correctionnel, des commissions d'examen, et cetera puisqu'ils dépendent trop des expertises médicales? Nous savons tous — j'ai déjà pratiqué le droit — que si vous en avez un, moi aussi j'en trouverai un. On peut toujours trouver quelqu'un pour donner un avis contraire car c'est un domaine de la médecine qui est en plein essor, où il y a beaucoup d'expérimentation et d'opinions divergentes.

J'ai été un peu troublée lorsque vous avez dit que nous devions nous fier sur eux et accepter leur avis puisqu'ils peuvent nous donner une opinion définitive, alors qu'on ne peut pas obtenir une opinion définitive d'un psychiatre, n'est-ce pas?

Mme Chambers : Sur le plan scientifique, la capacité de prédire la dangerosité d'une personne est presque nulle. Même si vous avez recours aux meilleurs outils actuariels disponibles actuellement au Canada, vous n'obtiendrez pas un tauxde précision plus élevé qu'environ 20 p. 100, ce qui est très peu fiable pour déterminer l'avenir d'une personne. On parle d'un taux de 20 p. 100 quand on l'applique à une personne. Lorsqu'on regroupe des gens, ce taux semble plus élevé, mais il faut tenir compte du fait que dans la pratique, on l'utilise sur une base individuelle.

La psychiatrie ne peut pas prédire la dangerosité des gens, mais le système s'y fie quand même. C'est tout un paradoxe. Tout le monde devine. Le problème, en partie, c'est que les gens ont trop peur de la critique publique qui suit la remise en liberté de quelqu'un; les gens ont donc tendance à favoriser l'emprisonnement à plus long terme. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut inclure d'autres éléments en plus d'une analyse médicale.

M. Bach : Si la décision Winko établit une obligation positive pour l'État — point sur lequel nous sommes d'accord — pour que la commission d'examen, qui est un des principaux mécanismes utilisés pour honorer cette obligation, ait recours à un psychiatre pour s'acquitter de cette obligation, le psychiatre ne sera pas en mesure de déterminer — vu ses connaissances limitées, aussi valables soient-elles, et le fait qu'il ne peut prédire la dangerosité d'une personne — tous les soins et le soutien dont a besoin une personne.

De plus, l'exécution d'obligations positives nécessite des mécanismes de reddition de comptes, et il y a là un grand manque. C'est bien que le Code criminel établisse une obligation positive, mais il ne prévoit aucun mécanisme de reddition de comptes à cet égard.

Le sénateur Andreychuk : On a parlé de la reddition de comptes en ce qui a trait aux ressources, et c'est un problème à la grandeur du système de justice pénale, que ça touche les jeunes, les adultes ou les personnes non responsables criminellement. C'est bien beau sur papier, mais quand vient le temps de concrétiser ces projets, nous n'avons jamais les ressources nécessaires.

On parle de rendre quelqu'un responsable de l'absence de services; il me semble que la seule personne devant être tenue responsable devrait être un ministre et non un simple travailleur. Je suis peut-être dépassée, mais pendant le peu de temps que j'ai travaillé au sein du système, j'ai rencontré de bonnes personnes sur le terrain qui se préoccupaient de leurs clients — que ce soit des agents chargés du traitement des cas ou des personnes dans les établissements de traitement —, mais elles avaient les mains liées. Elles devaient placer des clients dans des endroits inappropriés par manque de solutions de rechange.

On dirait qu'on donne la préférence aux établissements de type carcéral. On construit un tel établissement pour accueillir les criminels vraiment dangereux, car c'est une priorité, et on compte prendre plus tard des mesures préventives ou moins importunes, mais on n'a jamais les fonds pour le faire. Qui voulez-vous rendre responsable car je vois beaucoup de personnes soignantes et de praticiens qui se soucient de leurs clients, mais qui ne peuvent rien faire puisque les services dont ils ont besoin ne sont pas disponibles?

M. Simpson : J'espère que nous ne vous avons pas donné l'impression que nous pensions que les professionnels qui s'occupent des gens ne s'en soucient pas. Ce n'est pas le cas. Il y a des gens très bien dans le système. Des intervenants de première ligne comme des infirmières, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes et des conseillers en réadaptation professionnelle doivent, par défaut, prendre la défense de leurs clients en raison du manque de ressources dont vous avez parlé. Si nous pouvons empêcher le système de produire des clients médico-judiciaires et l'inciter plutôt à consacrer des ressources pour aider les gens qui ont besoin de ce niveau de soin, de traitement et d'observation, nous devons le faire.

Je me demande jour après jour pourquoi bon nombre des gens pris dans ce système y sont encore. Peuvent-ils avoir été internés en tant que patients involontaires? Ont-ils besoin d'être dans le système médico-légal? Pourquoi y a-t-il un engorgement dans le système à sécurité moyenne? Est-ce simplement parce qu'il n'y a pas assez de lits dans les établissements à sécurité minimale? Comment faire pour permettre la réinsertion dans la collectivité des gens placés dans des institutions à sécurité minimale?

Si nos clients ont la malchance de porter l'étiquette du système médico-légal, ils sont confrontés à divers obstacles, comme le fait que des propriétaires refusent de leur louer un logement ou qu'ils sont exclus de toutes sortes de programmes; ils font donc l'objet d'une double stigmatisation. Ils souffrent non seulement de maladie mentale, mais ils ont été en contact avec le système médico-légal. À chaque porte où ils frappent, cette étiquette refait surface.

Il faut revoir comment le système utilise les ressourceset leur efficacité. Si nous continuons de produire des clients médico-judiciaires, du moins en Ontario, il paraît que dans 10 ans, chaque lit destiné à une personne atteinte de maladie mentale sera occupé par un client médico-judiciaire. Ça devrait tous nous préoccuper.

Le sénateur Andreychuk : Puis-je ajouter quelque chose à ça? Je crois que le système de justice pénale en est responsable, mais n'est-ce pas le dernier recours?

Autrement dit, si on en avait les moyens, on devrait traiter les gens plus tôt, avant qu'ils ne contreviennent à la loi.

Si nous pouvions revoir tout le domaine de la santé mentale et en faire une priorité, peut-être pourrions-nous réduire le nombre de clients médico-judiciaires. La plupart des clients qui vont vous voir sont accompagnés d'un avocat ou de quelqu'un d'autre pour expliquer le comportement de la personne. Vous n'avez pas à chercher loin pour trouver un problème de comportement dysfonctionnel dans le passé, que ce soit des problèmes d'alcoolisme, de mauvais traitements ou de santé n'ayant pas été traités au moment opportun.

Comment savoir s'il s'agit d'un comportement criminel bénin ou d'un symptôme de problèmes plus graves à venir? On se retrouve avec un système judiciaire, des commissions d'examen et toutes sortes d'intervenants qui essaient de faire les évaluations et les interventions qui auraient dû avoir eu lieu bien avant que ces personnes ne comparaissent devant les tribunaux.

M. Simpson : Il suffit d'examiner le modèle de déjudiciarisation adopté par les tribunaux saisis d'affaires liées à des personnes atteintes de troubles mentaux — qui est offert aux clients à Toronto — et également de voir la rapidité avec laquelle on arrive à une évaluation et à la mise en place d'un processus de déjudiciarisation, pour s'apercevoir que des problèmes se posent à cet égard. Est-ce une solution pour certains clients qui peuvent ainsi avoir accès aux services et aux appuis dont ils ont besoin? Absolument.

Il faut se pencher sur ce point. Je peux vous dire que lorsque nos clients se retrouvent dans le système de justice pénale, leurs besoins en matière de santé mentale ne sont pas satisfaits. C'est un autre facteur qui devrait alarmer les Canadiens. Les clients atteints de troubles mentaux et qui finissent dans le système pénitentiaire sont victimisés et tourmentés par les autres prisonniers qui se moquent d'eux. Il se pose donc un véritable problème et il faut se demander si nous faisons ce qui convient le mieux. La réponse est non.

Mme Chambers : Nous parlons d'une réalité qui se met en place avant l'intervention du système de santé mentale. Nous parlons des déterminants sociaux de la santé et de la raison pour laquelle les gens ont, en premier lieu, besoin du système de santé mentale. C'est à partir de là que commence le travail de mon groupe. La plupart des gens disent : « Je suis ici à cause de mon expérience de vie. » Pourtant, cette réalité n'est pratiquement jamais abordée où que ce soit, y compris dans le système de santé mentale. C'est en raison de la façon dont les problèmes des gens sont interprétés à ce moment-là et où trop d'accent est mis sur l'interprétation médicale que souvent les problèmes initiaux ne sont pas réglés.

En ce qui concerne la responsabilité juridique liée aux types de services offerts, je suis d'accord et je ne cesse de dire que les ressources ne sont pas suffisantes. Elles sont mal affectées et c'est ce qui explique la raison pour laquelle les besoins auto-établis par les gens ne sont pas pris en considération. Le financement et les besoins sont déterminés en fonction des services que les fournisseurs sont prêts à offrir, et non en fonction des services qualifiés d'indispensables, dont ont besoin les gens.

À titre d'exemple, je dirais que les antécédents des gens en matière de mauvais traitements sont complètement mis de côté dans le système de santé mentale et pratiquement jamais abordés dans le système médicolégal, comme en témoigne notre enquête. Il faut établir la responsabilité dans tout le système, car les insuffisances se retrouvent à tous les niveaux, en fonction des situations.

Une enquête a été menée par suite de la mort d'un homme qui s'est pendu au centre de détention de North Bay et qui relevait du système médicolégal. Il ne pouvait pas trouver de logement et c'est une des raisons pour lesquelles il était déprimé. S'il ne pouvait pas trouver de logement, c'est parce qu'il n'y en a pas pour les clients relevant du système médicolégal, ce qui pose un énorme problème. Quiconque se trouve à l'intérieur du système a aussi du mal à révéler ses antécédents; en effet, il suffit qu'il s'en abstienne pour trouver à se loger. Les gens devraient assumer des responsabilités variées, ce qui n'est pas le cas.

M. Simpson : La responsabilité est importante. À l'heure actuelle, il semble que ce soit nos clients qui soient les seuls tenus responsables. Un client peut se rendre dans trois ou quatre hôpitaux et dire : « J'ai besoin d'être admis, car je me sens suicidaire, » ou « J'ai besoin d'être admis, car j'ai envie de commettre un homicide, » et tout le monde lui répond : « Vous ne répondez pas aux critères voulus et on ne peut vous admettre de force, par conséquent, nous n'allons pas vous traiter. » Les clients se connaissent bien et vont d'hôpital en hôpital. Tout le monde les renvoie, si bien qu'ils finissent pas commettre un acte criminel, en sont tenus responsables et se retrouvent dans le système médicolégal pendant longtemps. Qui tient tous ces hôpitaux responsables du fait qu'ils ont renvoyé cette personne alors qu'elle leur avait dit : « Je sais que j'ai besoin de soins et de traitement. » Pourtant, ce sont les médias qui disent que nos clients ne sont pas responsables, qu'ils n'obtiennent pas le traitement et ne demandent pas l'aide dont ils ont besoin. Il arrive qu'ils le fassent, mais que les fournisseurs de soins les renvoient.

J'aimerais également dire au sujet de la responsabilité que le système médicolégal ne donne pas d'espoir aux gens quant à l'avenir, ne leur dit pas qu'aujourd'hui sera meilleur qu'hier et que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. C'est en raison de cette absence de tout espoir quant à l'avenir que se produisent des cas tragiques dont Mme Chambers vient juste de parler, sans compter quelques-unes des autres enquêtes menées en Ontario l'année dernière. Nous avons été si alarmés par le nombre de décès de patients alors qu'ils étaient suivis, après qu'on leur ait refusé l'accès aux soins ou tout de suite après leur libération que nous avons déposé une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne recommandant des enquêtes obligatoires lorsqu'un patient décède dans un établissement de santé mentale. Si vous êtes prisonnier et que vous décédez, une enquête obligatoire est menée. Si vous êtes un patient dans un établissement de santé mentale et que vous décédez, cette enquête ne peut se faire qu'à la discrétion du coroner.

Nous avons été témoins de tant de cas troublants ces deux ou trois dernières années que nous avons dû demander à la Commission ontarienne des droits de la personne de se pencher sur la question des enquêtes obligatoires.

Pour en revenir à la question des ressources, une société est souvent jugée par la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables. La façon dont nous traitons nos citoyens les plus vulnérables ne sera pas jugée à l'avenir comme très bonne.

Le sénateur Andreychuk : Les déclarations de la victime devraient peut-être permettre à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont été impliqués dans l'incident en cause, de donner de l'information; en effet, certains témoins qui ont comparu devant notre comité nous ont dit qu'un pourcentage élevé de victimes sont habituellement des amis et des membres de la famille, qui entretiennent des relations depuis longtemps avec la personne accusée, relations qui vont sans doute se poursuivre, ne serait-ce que pour des raisons de liens familiaux, et cetera. Leur participation pourrait être utile et propice tant pour elles-mêmes et pour la personne visée, à cause de ces relations poursuivies. Cette approche est-elle valable, d'après vous?

M. Stylianos : Je poserais la question suivante : À quoi servirait la déclaration de la victime? Comparaître devant la Commission n'est pas un processus thérapeutique, pourtant, vous le décrivez comme pouvant avoir cette qualité. Cela nous ramène à ce que nous prétendons, à savoir que ce n'est pas l'endroit voulu, ni pour ce processus ni pour ces déclarations.

Au départ, nous avons les déclarations de la victime. Être confronté année après année au même processus qui ne cesse d'être mis en œuvre et entendre constamment la même information, on en vient à se demander ce qui a changé. Je crois qu'il faut s'attarder sur des facteurs et des variables plus dynamiques. Si l'objectif visé consiste à réinsérer et réintégrer les gens qui se retrouvent dans le système médicolégal, en quoi le fait d'intégrer la déclaration de la victime dans le processus permet-il d'atteindre cet objectif? Est-ce positif ou contre-thérapeutique? Le processus de réinsertion en est-il compromis d'une façon ou d'une autre?

La victime pourrait peut-être en tirer avantage, mais qu'en est-il du client qui bénéficie des services du système médicolégal, quel serait l'impact de telles déclarations de la victime année après année? À quoi cela servirait-il? La Commission serait-elle mieux renseignée qu'au moment de la déclaration initiale de la victime?

Les circonstances et la réaction à l'événement lui-même, lorsque l'on met l'accent sur l'infraction désignée, ne changeront jamais, resteront les mêmes. Pourtant, le client du système médicolégal risque de travailler très fort au fil des ans pour modifier et régler bien des questions à l'origine de ses démêlés avec la justice, qui l'ont poussé à victimiser un autre citoyen.

Je me pose des questions au sujet de ce qui motive l'inclusion permanente de la déclaration de la victime à ce moment du processus.

Le sénateur Pearson : J'ai été sensible à tous vos exposés et nous avons eu un excellent échange.

Nous avons deux genres de systèmes concurrents. D'une part, le système judiciaire où vous êtes innocent tant que vous n'êtes pas déclaré coupable et, d'autre part, le système médicolégal ou psychiatrique où vous êtes malade tant que vous n'êtes pas en bonne santé.

Vous avez également les sources de tension entre la loi fédérale et l'application provinciale de la loi, réalité dont nous sommes toujours saisis au sein de notre comité. La loi pénale est du ressort fédéral, tandis que l'application de la loi est toujours du ressort provincial.

Ensuite, vous avez cette troisième source de tension, que nous essayons d'éluder, soit la façon dont la victime obtient un genre de répit.

Je me suis intéressée pour la première fois à ce genre de question au moment de l'une des causes les plus célèbres, celle de Joseph Fredericks. C'est une histoire tragique, fabriquée de toutes pièces par notre société. Nous l'avons enlevé à sa mère dès sa naissance et malencontreusement considéré comme retardé mental ou handicapé mental selon la terminologie d'alors. Il a été violé dans l'établissement où il avait été placé, alors qu'il n'avait que 11 ans. Par la suite, il a commis toute une série de crimes, violant des garçons de 11 ans dont le dernier, Stephenson a été tué.

Si je me souviens bien, toute cette histoire a mis en évidence les défaillances du système. Tout le monde a échoué à l'égard de cet homme et, au bout du compte, à l'égard de ce pauvre enfant, bien sûr. Cet enfant aurait pu être protégé par notre nouveau registre des délinquants sexuels, car la police aurait alors été en mesure de localiser son agresseur. Il s'est écoulé deux jours entre le moment où l'enfant a été kidnappé et celui où on l'a retrouvé. Nous pouvons tirer fierté du fait que nous avons maintenant cette loi.

Je ne connais pas les réponses à ces questions, même s'il me semble — et je reprends les propos du sénateur Andreychuk — que beaucoup de ces problèmes se déclenchent dès le début. Il y a tant de ces personnes en détresse dont les expériences au cours de leur petite enfance ont facilité ou provoqué les genres de situations dans lesquelles elles se retrouvent.

À propos de la plupart des cas que vous avez décrits et qui sont mal compris, et cetera, on se demande toujours par où commencer pour essayer de changer les choses, puisque tant d'aspects des systèmes semblent ne pas donner les résultats escomptés. Certaines des propositions que vous faites sont utiles, mais ne vont pas au cœur du problème, à savoir que vous avez toujours une personne, malheureusement, qui risque de commettre un crime, comme un viol. Il y aura toujours des cas de viol de femme ou d'enfant, et il y aura toujours des personnes déclarées non coupables « pour cause de », selon la terminologie en usage. Nous devons trouver la façon d'habiliter la victime afin de lui permettre de trouver un genre de répit.

M. Stylianos : Je ne veux pas être dédaigneux à propos des droits de victimes, parce que, comme mes collègues et d'autres l'ont dit, nous éprouvons de la sympathie à leur égard même si nous jouons le rôle de défenseurs partiaux et, à l'heure actuelle, nous sommes là pour défendre nos clients.

Je demanderais également qui est la victime. Dans la situation que vous décrivez, on pourrait présumer qu'il y avait plus qu'une victime. Je ne veux pas être simpliste, mais peut-être que pour les victimes de ces crimes, il faudrait prévoir un autre lieu et un autre processus qui les appuieraient et faciliteraient leur rétablissement.

C'est important et peut-être que mes collègues en conviendront.

Pour ce qui est des besoins des clients du système, il faut reconnaître leurs besoins et tout le système vise à assurer leur réinsertion dans la société; faisons-nous tout ce qu'il est possible de faire pour atteindre ce but?

Par exemple, nous avons tiré de nombreuses leçons en matière de santé mentale et des meilleures pratiques à cet égard. Ces leçons sont-elles appliquées dans le système médicolégal et cette information est-elle diffusée dans tout le système? À mon avis, non. D'une certaine façon, on note une disparité entre les pratiques utilisées dans le système de santé mentale en général et les pratiques utilisées dans le système médicolégal. Nous ne cessons de chercher un mécanisme de responsabilité et une façon de faire en sorte que les mêmes ressources soient disponibles pour le personnel du système médicolégal. Comme le disaitM. Simpson, ce n'est peut-être pas l'étalon-or des soins contrairement à ce qu'on pourrait penser.

Le sénateur Pearson : J'aimerais terminer mon histoire dont la fin est encore plus tragique. Il a été assassiné en prison par d'autres prisonniers. À mon sens, c'est un échec total.

Merci beaucoup à vous tous pour vos exposés fort intéressants.

Mme Chambers : J'aimerais réagir à vos observations. Pour ce qui est du concept de répit dont devraient bénéficier les victimes, il est essentiel de prévoir plus de possibilités de guérison des victimes. En pareil cas, on ne rechercherait pas autant ces genres de tribunes. Les gens doivent comprendre et peut-être faudrait-il mieux l'expliquer aux victimes, qu'il n'y a pas d'intention criminelle — dans le cas de quelqu'un qui n'est pas criminellement responsable — c'est comme être victime d'un accident, ce qui est tout autant traumatisant. Pourtant, l'approche à retenir ne devrait pas être punitive.

De même, lorsqu'une famille est en cause — et j'ai déjà entendu parler de pareilles situations — si les membres de la famille vont continuer de jouer un rôle dans la vie de la personne à l'avenir, il faudrait examiner la façon dont ce rôle va se manifester, à la fois pendant que la personne se trouve dans le système dans le cadre de la planification de sa libération et dans le cadre de la thérapie, au lieu de ne parler que de l'infraction désignée. Ce n'est pas la seule façon d'aborder la question.

M. Simpson : Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup de nos clients sont malades depuis longtemps. En fait, on observe une certaine lassitude de la part des soignants à un moment donné si bien que lorsqu'un client entre dans le système médicolégal, la famille et ses soutiens sont usés par les exigences dont ils ont fait l'objet. Ils continuent d'aimer la personne et veulent l'appuyer, mais ils sont heureux de voir qu'elle se trouve dans un endroit où elle reçoit des soins et des traitements. Il faut déterminer avec soin les intérêts divergents quant à la durée pendant laquelle une personne devrait rester dans le système. C'est ce que je voulais ajouter aux propos de Mme Chambers.

Le sénateur Joyal : Tout en vous écoutant, je me demande qui vous appuie financièrement pour vous permettre de jouer un rôle actif dans les diverses associations dont vous êtes membres ou représentants. Qui vous appuie?

Mm Chambers : Qui me paie?

Le sénateur Joyal : Pas vous personnellement, mais les activités de votre groupe.

Mme Chambers : Je suis ici au nom de deux groupes, le Empowerment Council, qui est un groupe qui, avant tout, représente les clients du Centre de toxicomanie et de santé mentale en Ontario, qui est le plus grand établissement de santé mentale et de toxicomanie au pays. En fait, notre organisation qui se compose de deux personnes et demie, représente les 20 000 clients du Centre de toxicomanie et de santé mentale, grâce au financement de notre organisation par le centre. Toutefois, notre organisation est une société indépendante, ce qui fait que nos orientations sont déterminées par nos clients et non par les organismes de financement.

La Mental Health Legal Advocacy Coalition est une organisation non financée, à l'exception du financement de projets, comme le Programme de contestation judiciaire ou le financement accordé à notre avocat-conseil pour nos diverses interventions. Nous n'avons pas recherché de financement de base pour l'instant, car nous n'en avons pas trouvé qui respecte suffisamment notre indépendance, indépendance nécessaire pour récuser les divers ordres de gouvernement dans le cadre d'affaires judiciaires auxquelles nous participons.

M. Simpson : Notre programme est indépendant du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario. Notre bureau a été créé en 1983 pour protéger les droits civils et judiciaires des malades hospitalisés et des 10 hôpitaux psychiatriques actuels et qui ont été cédés.

Nous entamons notre vingt-et-unième année de service et notre mandat a été élargi pour comprendre la fourniture de conseils en matière de droits. Dans 56 des 59 hôpitaux de catégorie 1 en Ontario — il s'agit d'hôpitaux généraux qui disposent d'unités de santé mentale — nous offrons uniquement des conseils en matière de droits et non des services d'intervention.

M. Bach : Ce sont nos associations provinciales qui nous appuient, ainsi que Développement social Canada, Justice Canada et l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, pour notre travail international et pour nos projets, ainsi que des fondations privées.

Mm Chambers : Si vous permettez, je vais faire mention d'un point ici également, comme je le fais habituellement auprès de divers ordres de gouvernement. Nous sommes convaincus qu'il faudrait instaurer un organisme national de défense juridique des droits des patients en santé mentale. La loi est appliquée fort différemment d'un côté à l'autre du pays. Nous devons réinventer la roue dans chaque province; c'est du temps gaspillé et cela porte préjudice aux droits des Canadiens.

La présidente : Quels que soient les fonds, je pense que vousles dépensez comme il le faut, car vous êtes d'excellents représentants de vos groupes. Nous vous remercions de nous avoir éclairés à l'occasion de nos débats et de notre examen du projet de loi C-10.

Je vais demander à Mme Catherine Kane de venir expliquer la question de la consultation.

Mme Catherine Kane, avocate-conseil/directrice, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice Canada : En réponse au sénateur Joyal qui demande qui le ministère de la Justice consulte à propos de cette mesure législative, j'aimerais rappeler au comité que le projet de loi C-10 découle de l'examen des dispositions de la partie 20.1 du Code criminel, effectué par le Comité sénatorial permanent de la Justice et des Droits de la personne, comme l'exigeait le projet de loi C-30 promulgué en 1992.

Cet examen aurait dû se faire cinq années après l'entréeen vigueur, soit en 1997. Il a débuté en 2000 et a été interrompuà cause de la dissolution du Parlement, pour reprendreen 2001. Enfin, cet examen a débuté en 2002 et a été terminé la même année, et c'était un examen très complet.

Alors que nous attendions cet examen, nous n'avons pas fait le même genre de consultation à propos de l'élaboration du projet de loi. Nous avons eu des consultations sur des aspects précis de la partie 20.1. Je devrais dire que dans le cadre de l'élaboration du projet de loi C-10, nous avons examiné tous les témoignages présentés devant le Comité permanent, soit ceux des groupes représentés ici aujourd'hui. Nous n'avons pas uniquement examiné les recommandations du comité, mais toutes les transcriptions des séances. Nous n'avons pas fait de consultation indépendante; nous nous sommes appuyés sur ce processus, puisqu'il était si approfondi.

Toutefois, tout au long de l'histoire de cette partie du Code, d'autres consultations ont été menées. À titre d'exemple, je pourrais citer le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux qui existe depuis 1990 et qui regroupe des fonctionnaires des bureaux des procureurs généraux qui également consultent leurs homologues provinciaux du côté de la santé mentale. Nous avons également le Réseau de consultation fédéral- provincial-territorial sur la santé mentale qui est présidé par des collègues de Santé Canada ainsi que par un co- président provincial qui change à l'occasion. Nous avons eu quelques séances conjointes avec eux et avec le Groupe de travail FPT sur les troubles mentaux. En 1994, nous avons mené des consultations sur les dispositions concernant la durée maximale aux termes du Code criminel avec des fonctionnaires provinciaux et les présidents de la commission d'examen.

En 1998 et 1999, nous avons mené des consultations avec divers administrateurs d'hôpitaux, des présidents de la commission d'examen, des psychiatres et des psychologues, en prévision de l'examen des dispositions du code par le Comité permanent, pour savoir comment ils traitaient de la partie 20.1 du Code criminel, et pour avoir une idée de certains des nouveaux enjeux. Chaque année, le ministère de la Justice consulte l'Association du Barreau canadien, l'Association canadienne des chefs de police, la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada et l'Association nationale intéressée à la justice criminelle, l'ANIJC. L'Association canadienne pour l'intégration communautaire est membre de l'ANIJC. Par exemple, l'année dernière, une séance spéciale a été organisée avec nos collègues du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et avec l'Association nationale intéressée à la justice criminelle sur le thème des droits des délinquants souffrant de troubles mentaux. À cette occasion, j'ai prononcé une allocution et nous avons pu décrire les dispositions du projet de loi C-29, prédécesseur du projet de loi C-10, et inviter les participants à faire des observations au sujet de cette mesure législative.

Lors de ces manifestations annuelles, nous avons tendance à donner un aperçu de la mesure législative qui est proposée ou prévue. Il ne s'agit pas du genre de consultation précise sur, par exemple, des propositions bien définies.

Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Joyal : Avez-vous consulté les associations autochtones?

Mme Kane : Non. Toutefois, nous avons obtenu des données des présidents de la commission d'examen des provinces telles que la Saskatchewan, où plusieurs Autochtones sont atteints de troubles mentaux. Nous avons reçu leurs commentaires ainsi que ceux des collègues provinciaux qui élaborent les politiques au sein des gouvernements provinciaux sur les besoins particuliers des Autochtones atteints de troubles mentaux.

La présidente : Merci beaucoup, madame Kane.

La séance est levée jusqu'à demain matin, à 10 h 45.

La séance est levée.


Haut de page