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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 11 - Témoignages du 4 mai 2005


OTTAWA, le mercredi 4 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 20 pour étudier le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Nous reprenons l'étude du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence.

[Traduction]

Nous allons entendre aujourd'hui M. Tony Cannavino et M. David Griffin, respectivement président et agent exécutif de l'Association canadienne de la police professionnelle. Nous allons également entendre M. Bernd Walter, président de Review Boards Canada.

M. Tony Cannavino, président, Association canadienne de la police professionnelle : Merci et bonjour. M. David Griffin, notre directeur exécutif, m'accompagne aujourd'hui.

[Français]

L'Association canadienne de la police professionnelle se réjouit d'avoir l'occasion de témoigner aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans le cadre de son examen du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel du Canada, c'est-à-dire les troubles mentaux.

L'ACPP est le porte-parole national de quelque 54 000 membres du personnel policier en poste d'un bout à l'autre du Canada. Par l'intermédiaire de nos 225 associations membres, les adhérents à l'ACPP comprennent le personnel policier œuvrant au sein de corps policiers de petites villes et villages du Canada ainsi que dans les grands corps policiers municipaux, les services policiers provinciaux, les associations des membres de la GRC et les policiers des Premières nations.

L'ACPP fut créée en 2003 lors de la fusion de l'Association canadienne des policiers et policières et de l'Association nationale de la police professionnelle. L'ACPP s'était tout particulièrement intéressée au dossier des troubles mentaux en qualité d'intervenante dans le pourvoi R. c. Lepage sur lequel la Cour suprême du Canada s'est prononcée lors des pourvois Winko, Orlowski et Besse. Ce jugement de la Cour suprême du Canada maintenait les dispositions actuelles de la partie XX.1 du Code criminel du Canada, rejetant les arguments voulant que ces dispositions violent les droits individuels à la liberté, la sécurité de la personne et l'égalité, garantis par les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

L'ACPP avait témoigné devant le Comité parlementaire permanent de la justice et des droits de la personne en 2002, dans le cadre de leur examen des dispositions relatives aux troubles mentaux. Nous étions heureux de constater que plusieurs des recommandations formulées par l'ACPP, à l'époque, ont été incorporées dans le projet de loi C-10. L'ACPP a présenté des propositions devant le Comité parlementaire permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile par rapport au projet de loi C-10, en décembre 2004.

Nous nous réjouissons des modifications apportées au projet de loi qui ont unanimement été proposées par le comité et adoptées par la Chambre des communes. Plus particulièrement, nous sommes en faveur des amendements suivants, lesquels :

permettront que les évaluations soient faites par toute personne autre qu'un médecin pourvu qu'elle soit désignée par le procureur comme qualifiée pour faire l'évaluation de l'état mental de l'accusé, par exemple les psychologues en plus des psychiatres;

communiqueront aux victimes, à la demande, avis de l'audience et avis des dispositions pertinentes, par exemple celles concernant la déclaration de la victime et l'ordonnance de non-publication;

informeront les victimes de leur droit de présenter une déclaration de la victime si le rapport d'évaluation permet de supposer que l'état mental de l'accusé a subi un changement pouvant justifier sa libération;

permettront au tribunal de rendre une ordonnance de suspension d'instance dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard de l'accusé seulement lorsque l'état de l'accusé ne s'améliorerait probablement pas et sur le fondement de l'enseignement concluant; et

préciseront les choix offerts aux policiers lors de l'arrestation d'un accusé qui a contrevenu aux conditions prévues dans la décision ou l'ordonnance d'évaluation.

[Traduction]

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-10 abroge les dispositions non entrées en vigueur concernant le plafonnement, les accusés dangereux atteints de troubles mentaux et les ordonnances hospitalières. Nous avons toujours soutenu que ces dispositions ne devaient pas entrer en vigueur et qu'il fallait les abroger.

Les ministres de la justice qui se sont succédés ont fait preuve de jugement et de prudence en ne promulguant pas ces dispositions.

La Cour suprême du Canada a rejeté l'argument selon lequel les dispositions actuelles du Code criminel portent atteinte aux droits de la Charte parce qu'elles ne prévoient aucun plafond. Nous avons reproduit un passage de cet arrêt dans notre mémoire pour votre information. Ce passage contient des observations très utiles pour le comité puisque les dispositions initiales relatives au plafonnement et aux accusés dangereux atteints de troubles mentaux avaient été adoptées ensemble pour répondre aux préoccupations constitutionnelles qu'avait suscitées l'annulation des dispositions antérieures.

Nous avons toujours soutenu qu'il n'existait aucune bonne raison de promulguer les dispositions relatives au plafonnement et qu'une telle promulgation aurait des conséquences très graves pour la sécurité de la population.

Comme le comité l'a entendu, le plafonnement n'a pas été imposé au moment de l'adoption du projet de loi de façon à donner aux provinces le temps d'apporter les modifications nécessaires à leurs lois sur la santé mentale. On a reconnu depuis que les lois provinciales sur la santé mentale, de par leur portée et leur conception, ne permettent pas de protéger le public comme le ferait le régime prévu par le Code criminel. L'harmonisation que l'on voulait opérer entre les lois fédérales et provinciales dans le domaine de la santé mentale ne s'est pas produite, ne se produira pas et n'est pas nécessaire.

La Cour suprême a reconnu que le régime du Code criminel traitait le contrevenant avec dignité et lui accordait toute la liberté compatible avec les objectifs de la protection de la population et de l'équité envers l'accusé. La loi ne porte pas atteinte à nos droits et libertés fondamentales. Elle les préserve. Le délinquant déclaré non criminellement responsable et dont on pense qu'il constitue un danger important pour la sécurité de la population est retiré du processus pénal et n'est soumis qu'aux restrictions qu'impose le souci de protéger la société et de traiter l'accusé.

Cette décision doit faire l'objet d'un examen annuel. Si le tribunal ou la commission d'examen décide par la suite que l'accusé NCR ne constitue plus une menace importante pour la sécurité de la population, il doit alors ordonner la libération de l'accusé.

C'est pourquoi nous affirmons que les dispositions relatives au plafonnement ne viennent aucunement améliorer le processus, soulèvent de graves questions sur le plan de la sécurité de la population et devraient être abrogées.

Les policiers qui travaillent aux premières lignes du système de justice pénale sont très sensibles aux frustrations que peuvent ressentir les victimes de crimes lorsqu'elles constatent que l'on applique des régimes juridiques aussi complexes. Il est vrai que nos lois répondent mieux aux besoins des victimes et au rôle qu'elles doivent jouer dans notre système de justice, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous avons soutenu que les victimes devaient être informées du déroulement de la poursuite contre l'accusé et avoir la possibilité de présenter une déclaration chaque fois qu'on envisage la libération de l'accusé. En outre, étant donné que les victimes sont souvent des membres de la famille de l'accusé ou des personnes proches, il faut qu'elles sachent qu'elles pourront se faire entendre auprès du tribunal ou de la commission d'examen.

Nous sommes heureux de constater que les modifications qu'apporte le projet de loi C-10 accordent aux victimes le droit de préparer une déclaration et de la présenter à l'audience et qu'elles prévoient également des mécanismes visant à informer les victimes. Nous sommes également favorables aux dispositions qui reflètent la nécessité de conserver l'anonymat de certains témoins et victimes.

Nous avons déjà soutenu que les tribunaux et les commissions d'examen devaient, en pratique, communiquer avec les victimes au cours du processus d'examen de façon à ce que ces personnes soient au courant de l'évolution du dossier. Il arrive également que les victimes possèdent des renseignements qui intéressent l'examen et elles devraient aussi avoir la possibilité de se faire entendre au cours de ce processus. Il est important que les contrevenants entendent les victimes décrire les conséquences qu'ont eues leurs actions. Nous estimons que cela est compatible avec la politique législative moderne.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue sur ce projet de loi très important. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

M. Bernd Walter, président, British Columbia Review Board, pour le compte de Review Boards Canada : Au nom des commissions d'examen provinciales et territoriales établies selon les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux, j'aimerais remercier l'honorable présidente et les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de m'avoir invité à vous reparler de cette importante initiative. Les commissions d'examen sont le mécanisme qu'a choisi le Parlement pour assurer la sécurité publique sans toutefois sacrifier le traitement équitable des délinquants qui souffrent de troubles mentaux.

Les tribunaux judiciaires reconnaissent le rôle qui est attribué à ces organismes et s'en remettent souvent aux connaissances spécialisées des commissions d'examen en matière juridique, médico-légale et psychiatrique pour faire évaluer et traiter les accusés atteints de troubles mentaux et pour assurer leur réinsertion sociale. Dans ce domaine, le projet de loi C-10 est un ajout important au régime de la partie XX.1 du code, qui est en vigueur maintenant depuis 1992. Les commissions d'examen se réjouissent de pouvoir jouer leur rôle dans la mise en œuvre des orientations établies par le projet de loi C-10.

Les commentaires et les recommandations qui suivent, et il n'y en a que cinq ou six, sont basés sur l'expérience quotidienne et concrète que nous avons dans le domaine de la tenue d'audiences et du prononcé d'ordonnances aux termes de cette partie du code. Nous souhaitons améliorer le projet de loi C-10 et faciliter ainsi la réalisation des objectifs qui le sous-tendent.

Mon premier commentaire porte sur le pouvoir d'ordonner des évaluations. Le projet de loi C-10 confie aux commissions d'examen l'important pouvoir d'ordonner l'évaluation d'un accusé et elles ont besoin d'avoir ce pouvoir pour décider, après enquête, si un accusé donné présente un danger important pour la sécurité du public, comme l'exige leur mission.

Cependant, la portée du nouvel article 672.121, tel qu'il est rédigé actuellement— et je signale en passant qu'il y a une coquille dans mes commentaires. On y lit 677.121, alors que ce devrait être 672.121 — est très étroite. Il ne peut être utilisé que dans quatre situations précises. De plus, l'objet de l'évaluation qui peut être ordonnée est lui-même très restreint.

Les tribunaux ordonnent couramment des évaluations qui les aident à décider si un accusé doit être jugé inapte à subir son procès ou déclaré non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux.

Après une décision en ce sens, la commission d'examen prend en charge l'accusé de façon permanente et parfois pour le reste de sa vie. Ses pouvoirs d'enquête portent essentiellement sur l'évaluation de la menace ou du risque que pose l'accusé. Autrement dit, la commission doit regarder vers l'avenir. Elle examine également les possibilités de réinsertion sociale de l'accusé. Cet aspect est précisé, depuis quelque temps d'ailleurs, à l'article 672.54 du code.

C'est pourquoi les commissions d'examen recommandent de simplifier les nouveaux pouvoirs d'ordonner des évaluations que leur accorde l'article 672.121. Il serait beaucoup plus utile de permettre simplement à la commission d'ordonner une évaluation lorsque cela est nécessaire pour qu'elle exerce les attributions que lui accorde l'article 672.54 du code — c'est-à-dire, lorsqu'elle doit, comme la Cour suprême l'a déclaré, rendre une ordonnance adaptée à la situation de l'accusé.

J'ai proposé la formulation que nous recommandons dans notre exposé. L'article tel que proposé est très long. Nous recommandons simplement de l'abréger, en donnant à la commission le pouvoir d'ordonner une évaluation lorsqu'elle estime, pour des motifs raisonnables, qu'elle a besoin de cet élément pour prendre une décision aux termes de l'article 672.54. Une telle formulation s'appliquerait à toutes les situations possibles. J'estime également que notre recommandation est conforme à l'arrêt Demers de la Cour suprême du Canada. J'invite les sénateurs à examiner les paragraphes 49 et 52 de cet arrêt, dans lesquels la cour parle de l'importance du pouvoir des commissions d'examen d'ordonner des évaluations.

Je peux vous dire qu'en me basant sur ma propre expérience, et je tiens entre 150 et 200 audiences par années, je n'utiliserais jamais ce nouveau pouvoir important tel qu'il est formulé actuellement.

Au cas où il existait une crainte à ce sujet, je dirais que les législateurs n'ont pas lieu de craindre que notre recommandation entraîne une utilisation plus fréquente ou irresponsable de ce pouvoir qui devrait, d'après moi, n'être utilisé que très rarement. Nous estimons qu'il serait tout à fait illogique de limiter, comme cela est proposé, ce qui pourrait être un important outil pour les commissions d'examen.

Toujours sur la question des évaluations, le paragraphe 1(2) du projet de loi C-10 augmente le nombre des catégories professionnelles qui peuvent procéder à des évaluations en ne les limitant plus aux médecins et aux psychiatres. Mon collègue a déjà parlé de cet aspect. Cette disposition exige que le procureur général de la province désigne ces autres professionnels, par exemple, des psychologues. Toutefois, son libellé actuel semble exiger la désignation de personnes qualifiées en particulier, par opposition à une catégorie professionnelle particulière. Sur le plan administratif, il serait plus utile et plus commode que cet article l'autorise à désigner un groupe ou une catégorie de professionnels plutôt que des personnes particulières.

Mon deuxième commentaire concerne les accusés jugés inaptes à subir leur procès, à laquelle mon collègue a également fait allusion. La Cour suprême du Canada a prononcé sa décision dans l'affaire R. c. Demers en juin 2004. Cette décision explique certaines dispositions du projet de loi C-10 concernant les personnes qui demeureront inaptes à subir leur procès pendant une longue période.

Dans cette affaire, la Cour suprême a reconnu que le maintien dans le système de justice pénale d'une personne qui demeurera probablement inapte à subir son procès pendant toute sa vie et qui ne représente plus un danger important pour la sécurité du public viole l'article 7 de la Charte des droits. La cour a accordé un délai d'un an au Parlement pour modifier la loi. C'est en réponse à cette demande que le projet de loi C-10 propose un processus nouveau assez complexe dans son article 672.851.

Je rappelle que les membres des commissions d'examen possèdent les connaissances spécialisées en matière juridique et médico-légale qu'il faut avoir pour s'occuper des accusés jugés inaptes à subir leur procès. Les statistiques montrent que les tribunaux renvoient ces questions aux commissions d'examen dans la grande majorité des cas. C'est pourquoi nous recommandons que pour les quelques cas, dont le nombre augmente néanmoins, où un témoignage d'expert semble indiquer que l'accusé ne sera jamais apte à subir son procès et qu'il ne présente plus un danger important pour la sécurité du public, un texte législatif attribue à la commission d'examen le pouvoir d'ordonner la libération inconditionnelle de l'accusé ou de suspendre l'instance.

Nous pensons que cette approche serait beaucoup moins complexe, plus rapide et beaucoup plus humaine qu'un processus qui soumet l'accusé, atteint peut-être d'une forme de démence comme celle d'Alzheimer, à une évaluation et à une procédure judiciaire supplémentaires. Il n'y a aucun doute dans notre esprit que le Parlement peut accorder ce pouvoir et nous rappelons au comité que, de toute façon, ce genre d'ordonnance serait susceptible d'appel.

J'aimerais maintenant passer à la question de la participation et du rôle des victimes aux audiences des commissions d'examen. Les dispositions du projet de loi C-10 relatives aux victimes ont soulevé de nombreuses discussions. Personne ne conteste qu'il convient de faire participer les victimes aux audiences des commissions d'examen. Cependant, dans leur libellé actuel, les dispositions sur les victimes prêtent à confusion et pourraient même être, d'après moi, incompatibles entre elles. Je mentionne, par exemple, le paragraphe 672.5(13.2). Cette disposition pourrait être interprétée comme si elle exigeait que soient avisées les victimes dans le seul cas où la commission a effectivement ordonné une évaluation aux termes des dispositions que j'ai mentionnées auparavant.

Ce libellé limite, peut-être involontairement, l'intention du législateur à l'égard des droits des victimes. Nous estimons qu'il serait souhaitable de restructurer et de reformuler les dispositions relatives aux victimes en vue d'en préciser la portée, en indiquant notamment si elles doivent vraiment s'appliquer rétroactivement.

En outre, compte tenu des difficultés de mise en œuvre que poseront ces dispositions pour les commissions d'examen, notamment puisqu'elles devront identifier et retrouver les victimes de crimes anciens (qui pourraient avoir été commis il y a 10, 15, 20 ou 30 ans), nous recommandons que leur entrée en vigueur soit reportée de trois à six mois de façon à pouvoir aménager un processus de transition planifié et ordonné.

Certains estimeraient qu'il s'agit d'un aspect mineur mais la question des pièces produites devant les tribunaux nous inquiètent. Le projet de loi C-10 oblige à remettre à la commission d'examen qui prend en charge l'accusé déclaré inapte à subir son procès ou non criminellement responsable, toutes les pièces déposées au procès. Cette opération est tout simplement irréalisable et dangereuse. Les commissions d'examen n'ont pas les moyens d'entreposer de façon sécuritaire les armes, les substances dangereuses, les échantillons de tissus ou de liquides, et elles n'ont pas besoin de ces preuves pour évaluer les risques que peuvent poser les accusés à l'avenir. Une liste des pièces soumises aux tribunaux et la possibilité d'en obtenir des photocopies répondraient parfaitement aux besoins des commissions d'examen. J'invite les sénateurs à examiner attentivement cet aspect.

Enfin, pour ce qui est des aspects procéduraux moins importants, le projet de loi C-10 contient un certain nombre de dispositions novatrices tant procédurales que substantielles. Il convient de rappeler aux sénateurs qu'en raison du petit nombre d'affaires qui leur sont confiées dans certaines régions, les commissions d'examen sont composées, dans la plupart des provinces et territoires mais pas toutes, de membres et même de présidents à temps partiel.

Dans certaines provinces, le rôle de président est attribué au juge saisi. Les membres de la commission peuvent résider dans n'importe quelle région de la province. Sur le plan logistique, il est coûteux et complexe de fixer le calendrier des audiences de la commission et de convoquer des formations composées de trois, ou dans certaines provinces, cinq membres, pour s'occuper d'aspects procéduraux.

C'est pourquoi nous recommandons vivement au comité d'accorder aux présidents des commissions d'examen, qui doivent de toute façon être des juges aux termes du Code criminel, le pouvoir de se prononcer sur certaines questions interlocutoires ou procédurales, notamment les ordonnances d'évaluation, l'octroi des ajournements, l'ajout de parties à l'instance devant la commission d'examen, la désignation d'un avocat à l'accusé, la tenue d'une nouvelle audience et la tâche d'informer les victimes de leurs droits.

Les présidents des commissions d'examen sont parfaitement capables de s'occuper de ces questions qui pourraient être réglées de façon beaucoup plus rapide par le président siégeant en qualité de juge seul dans son cabinet. Le code autorise déjà le président à prendre seul certaines décisions, comme celle d'exercer les pouvoirs que lui attribue la Loi sur les enquêtes, le renvoi de l'accusé inapte à subir son procès devant un tribunal, le fait d'autoriser l'accusé à s'absenter au cours d'une audience et la délivrance des assignations à témoigner.

Pour terminer, les honorables sénateurs savent peut-être que les commissions d'examen leur ont déjà présenté un certain nombre de ces observations et recommandations. Nous sommes des juges et des décideurs à qui l'on a confié, comme l'a déclaré l'honorable juge en chef, la tâche très difficile de prédire le comportement d'une personne donnée et nous sommes un peu surpris que les recommandations que nous vous avons présentées, qui sont fondées sur notre expérience quotidienne et qui ont vraiment pour but de faciliter la réalisation des objectifs du projet de loi, semblent avoir une influence beaucoup plus faible que celles qu'ont proposé d'autres intéressés, notamment les poursuivants et les groupes d'intérêt.

Je serais heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Walter.

[Français]

La présidente : Nous avons entendu des témoins qui nous ont assurés qu'ils avaient de sérieuses réserves quant à la présentation de la déclaration de la victime lors de l'audition d'une commission d'examen. Selon ces personnes, ce n'est pas l'endroit approprié pour procéder à une déclaration de la victime. Ils ont soutenu que les audiences ne peuvent en rien aider les victimes au niveau thérapeutique, que l'accusé n'a pas encore été déclaré coupable, que les commissions doivent examiner les risques actuels et non la conduite passée. Pourrions-nous avoir vos commentaires sur l'à-propos du régime proposé par ce projet de loi en ce qui a trait aux déclarations de la victime?

[Traduction]

M. David Griffin, agent exécutif, Association canadienne de la police professionnelle : D'une façon générale, nous pensons que les dispositions de cet article du Code criminel devraient refléter ce que prévoient les dispositions qui touchent d'autres étapes du processus pénal comme les audiences relatives à la libération conditionnelle, les procès, les audiences sur sentence, et cetera, dans lesquels la participation des victimes visent à assurer, premièrement, que le tribunal accorde aux victimes la possibilité de présenter leurs points de vue officiellement et que ce point de vue soit pris en compte. Il est également important que ce processus permette également à la victime de comprendre ce qui se passe.

Nous ne proposons pas que le tribunal ou, comme ici, la commission d'examen, soit liée par le point de vue de la victime. Il s'agit là d'un processus très complexe, qui cherche à établir un équilibre entre la médecine et le droit pour décider ce qui convient à l'accusé.

Il arrive souvent que la victime soit un membre de la famille de l'accusé qui sait ce qui se passe dans la vie de ce dernier, depuis le moment où l'acte initial a été commis. Il est également important que la victime comprenne le processus et qu'elle comprenne pourquoi l'accusé pourrait être libéré dans la collectivité ou pourquoi le tribunal ou, ici, la commission d'examen, décide de le faire.

Nous sommes favorables aux dispositions du projet de loi qui prévoient la participation des victimes et qui reconnaissent leur statut. Nous admettons que cela va imposer aux commissions d'examen la tâche de veiller à ce que les victimes soient informées et averties de ce qui se passe. Ces dispositions exigeront également des victimes qu'elles fournissent des renseignements permettant de les rejoindre ou qu'elles expriment le souhait d'être informées de ce genre de chose. En fin de compte, nous pensons que ce projet de loi va non seulement renforcer le respect des droits de l'accusé, mais aussi la qualité des décisions et la prise en compte des besoins des victimes et l'obligation d'informer les victimes.

[Français]

M. Cannavino : Comme le disait mon collègue, l'information que la victime sera en mesure de donner est laissée à l'appréciation du comité. Cela peut être pertinent et cela permet autant à la victime qu'à l'accusé de comprendre la nature, les effets sur la victime du geste posé et dans plusieurs cas, cela aide autant la victime que l'accusé lui-même à réaliser l'ampleur des gestes posés. Encore une fois, ce n'est pas contraignant pour le comité et c'est au comité d'apprécier les éléments qui sont ajoutés par cette déclaration.

[Traduction]

M. Walter : Je pense pouvoir vous dire, au nom des commissions d'examen, que nous avons facilement accepté, avec certaines réticences, ces dispositions. Nous n'avons pas toujours été favorables à ces dispositions.

Le comité sait certainement que le code prévoit depuis 1997 environ le dépôt des déclarations de la victime. Selon leur libellé actuel, ces dispositions obligent les commissions d'examen à prendre en compte la déclaration de la victime chaque fois qu'elles procèdent à l'évaluation du risque que pose l'accusé. Nous pensons que cela est tout à fait approprié. Nous sommes définitivement en faveur de toutes les dispositions qui accordent aux victimes le droit d'être informées de la tenue des audiences et celui de faire elles-mêmes lecture de leurs déclarations.

Je pense toutefois que mes collègues préféreraient que ces mesures soient limitées à la première audience et ne soient pas applicables à toutes les audiences annuelles. À un moment donné, nous nous posons des questions sur la pertinence de lire le même genre de déclaration au cours d'une audience axée sur l'évaluation du risque futur que représente le détenu. Cependant, comme je l'ai dit, sous réserve de leur formulation, je peux vous dire que nous acceptons ces dispositions.

Par exemple, je ne vois pas très bien l'intérêt de l'article qui oblige la commission d'examen à demander au poursuivant si la victime d'une infraction a été informée de son droit de préparer une déclaration. Je ne vois pas très bien à quoi peut servir ce genre de demande. Si j'appelle le poursuivant et que je lui dise que nous allons entendre la semaine prochaine M. Smith et que je lui demande s'il a informé la victime de la possibilité de présenter une déclaration et qu'il me réponde oui ou non, il n'y a pas de suivi. Il n'y a pas de suite possible à une telle demande, c'est une simple question. Je ne vois pas très bien comment intégrer cette disposition au processus de gestion des cas.

De la même façon, dans l'article que je vous ai lu au sujet des rapports d'évaluation, il est précisé que le rapport d'évaluation est une expression qui est définie. Le rapport d'évaluation désigne uniquement celui qui a été ordonné par la commission d'examen. Si, comme je l'ai dit, ce pouvoir est utilisé très rarement, cela limitera d'autant les cas où il y a lieu d'avertir la victime, ce qui n'était peut-être pas l'intention à l'origine de cette disposition.

Il me semble que le législateur voulait que les victimes aient toujours la possibilité d'être informées de ces audiences, et au moins au cours de la première, celle de présenter une déclaration. L'article proposé, tel que rédigé, fait référence à des éléments qui ne font pas partie de l'audience, ce qui me paraît contraire à la charte et à l'arrêt Winko.

J'ai longuement étudié ces dispositions. Je les ai envoyées à tous mes collègues et nous recherchons activement le moyen de mettre en œuvre ces dispositions dans l'esprit dans lequel elles ont, je l'espère, été adoptées.

[Français]

La présidente : Le projet de loi C-10 prévoit certaines options pour la police au moment de l'arrestation d'un prévenu et l'agent de la paix peut, s'il a des motifs de croire que c'est dans l'intérêt public, refuser de remettre en liberté cet accusé. À votre avis, le projet de loi C-10 donne-t-il suffisamment de flexibilité aux forces de l'ordre pour prendre en charge un accusé atteint de troubles mentaux et qui est soupçonné d'avoir contrevenu à une ordonnance d'évaluation?

M. Cannavino : Dans les commentaires que nous avons reçus, nous pensons que le projet de loi répond aux besoins et donne cette latitude. Comme je le disais dans mon allocution, les amendements qui ont été apportés depuis notre présentation viennent confirmer la position de notre association à l'égard du projet de loi C-10.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : Merci d'être venus. J'aurais une question sur le pouvoir d'ordonner des évaluations. Vous avez mentionné que le projet de loi est très restrictif et n'énumère que quatre cas dans lesquels cela est possible. Pouvez- vous nous donner des exemples de situations qui ne seraient pas couvertes par ces quatre cas et dans lesquelles il vous paraîtrait nécessaire d'ordonner une évaluation?

M. Walter : À l'heure actuelle, ces dispositions permettent d'ordonner une évaluation lorsqu'une personne qui a été reconnue inapte de façon permanente est renvoyée devant le tribunal pour qu'elle statue sur l'opportunité de suspendre l'instance; lorsqu'un accusé est transféré d'une autre province et qu'il n'a pas fait l'objet d'une évaluation ou que celle- ci remonte à plus de 12 mois. J'aimerais pouvoir demander à un psychologue d'effectuer une évaluation de la personnalité de l'accusé pour voir s'il souffre de troubles de la personnalité qui ne constituent pas à strictement parler une maladie psychiatrique; des tests de QI pour savoir si la personne est atteinte d'un trouble cognitif ou d'un handicap qui rendrait contre-indiquée sa libération dans la collectivité; l'évaluation du syndrome de l'alcoolisme fœtal et de ses effets, qui sont des aspects très importants dans certaines provinces. Mon collègue du Yukon me dit que presque tous les accusés dont il s'occupe souffrent des effets de l'alcoolisme fœtal.

La façon dont cette disposition est rédigée actuellement semble laisser entendre que nous n'effectuons que des examens psychiatriques. Par exemple, l'évaluation d'un risque qui ne fait pas nécessairement partie de ce qu'on appelle l'état mental, selon la formulation actuelle de ces dispositions, de l'accusé est un élément essentiel de notre mission. Il s'agit de prédire la dangerosité. Il arrive que les rapports que nous remettent les psychiatres soient tout à fait insuffisants sur ce point.

Ces dispositions sont un peu étroites parce qu'elles semblent se limiter à ces trois ou quatre cas précis. Dans la plupart des cas, je suis fier de notre système de psychiatrie médico-légale, du moins celui de notre province. Nous recevons toujours les rapports suffisamment à l'avance pour qu'ils puissent être distribués à toutes les parties qui peuvent ainsi préparer le contre-interrogatoire de leur auteur. Cela nous pose rarement des problèmes. Lorsqu'un tel examen est nécessaire pour que nous puissions exercer notre fonction d'évaluation de la dangerosité, nous devrions avoir le pouvoir de l'ordonner.

Le sénateur Milne : Monsieur Walter, vous signalez un aspect important à la page 10 de votre mémoire dans lequel vous parlez du transfert des pièces à conviction. À la page 5, aux lignes 29 et 30 du projet de loi, qui parlent de cette transmission, on peut lire « tous autres renseignements et pièces... [sont transmis] à la commission d'examen compétente... »

Je trouve tout à fait convaincant votre argument selon lequel vous n'avez pas les moyens d'entreposer correctement ce genre d'objets. Ma question s'adresse également aux services de police. J'imagine qu'à l'heure actuelle, ces pièces sont entreposées par les services de police et par les tribunaux compétents. Les tribunaux ont-ils les moyens d'entreposer ces objets correctement, notamment les échantillons de tissus corporels?

M. Griffin : Oui.

Le sénateur Milne : Comment se fait-il que l'on s'attend à ce qu'une commission d'examen dispose des mêmes moyens? Nous parlons ici d'une opération assez coûteuse.

M. Walter : Elle n'est pas seulement coûteuse, sénateur, mais elle constitue également un fardeau pour nos ressources. Les tribunaux disposent de locaux sécurisés, de greffiers et de palais de justice dans les différentes régions de la province. Je dispose d'un étage de bureaux pour la gestion des cas pour toute la province. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de nous occuper de ce genre de choses.

Le sénateur Milne : Madame la présidente, c'est un aspect grave. Nous allons devoir l'examiner, obtenir des réponses et formuler des recommandations à ce sujet. Il s'agit d'entreposer correctement des objets qui peuvent être appelés à jouer un rôle très important à l'avenir.

M. Cannavino : Ce n'est pas qu'une question de locaux. Il faut également assurer la sécurité de ces pièces à conviction.

Le sénateur Milne : Tout à fait. S'ils sont entreposés dans des locaux qui ne sont pas fermés à clé, s'il n'y a pas de surveillance, n'importe qui pourrait y avoir accès et les altérer.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais poursuivre sur le sujet des pièces, monsieur Walter. Quelles pièces utilisez-vous? Vous servez-vous parfois de preuves réelles ou parlez-vous plutôt des évaluations et des documents?

M. Walter : Voilà une excellente façon d'aborder cette question. Vous avez tout à fait raison. Les commissions d'examen ont besoin des preuves psychiatriques déposées au tribunal, des rapports de police et des rapports du procureur de la Couronne au sujet de l'enquête qui a été effectuée. Par exemple, nous avons en notre possession un livre sur le satanisme qu'un accusé conservait avec lui et dont il s'inspirait pour agir. Nous avons besoin du compte rendu de l'audience du tribunal au cours de laquelle l'accusé a reçu le verdict d'inapte à subir son procès ou de non criminellement responsable.

Pour le reste, nous n'avons absolument pas besoin des preuves réelles parce que l'acte a été établi. Le crime a été commis et nous prenons ensuite en charge le dossier pour examiner l'avenir et décider si l'accusé constitue toujours un danger et s'il est possible de le garder en sécurité d'abord dans un hôpital, et ensuite, éventuellement le libérer dans la collectivité.

Votre question est tout à fait pertinente. Ces preuves ne nous sont d'aucune utilité et si jamais nous voulions les examiner, nous pourrions toujours nous adresser au greffier du tribunal. J'ai en ma possession des photographies médico-légales qui m'empêcheraient de dormir si je devais les regarder tous les ans avant l'audience. Après un certain temps, nous n'avons aucune raison d'avoir ce genre de choses en notre possession. Certains diraient même que nous n'en avons même pas besoin pour la première audience.

Le sénateur Andreychuk : Ne pourrait-on pas régler cette question en adoptant un protocole d'entente? Autrement dit, nous ne savons pas vraiment ce dont ont besoin les commissions d'examen. Vous m'avez donné un exemple. Un livre est une preuve réelle et il vous intéressait pour une raison bien précise. Ne serait-il pas possible de régler cette difficulté en adoptant un protocole qui vous donne le droit d'examiner toutes les pièces, tout en ne retirant que celles dont vous avez besoin en l'indiquant sur une liste? Les autres pièces pourraient être conservées par le tribunal. Par conséquent, en théorie, vous auriez le droit d'obtenir toutes ces pièces mais en pratique, ce ne serait pas à vous de les entreposer. Ne serait-ce pas la bonne façon de procéder?

M. Walter : Exactement, sénateur, et c'est la pratique qui est suivie actuellement.

Le sénateur Andreychuk : Je ne vois pas pourquoi le projet de loi changerait quoi que ce soit. Ne suffirait-il pas d'adopter à nouveau ces protocoles?

M. Walter : La façon dont est rédigé l'article auquel votre collègue a fait allusion indique que le tribunal est tenu de faire parvenir... sans délai... — et cela rappellera aux tribunaux qu'ils sont obligés de nous envoyer ces preuves — tout procès-verbal ainsi que tout autre renseignement et pièce qui se rapportent à l'instance. Il n'est plus question de pouvoir discrétionnaire. Le tribunal est désormais tenu d'envoyer toutes les pièces à la commission d'examen.

Le sénateur Andreychuk : Je continue à penser que vous pourriez certainement vous entendre avec les tribunaux au sujet de la façon d'interpréter cet article et pour que les tribunaux acceptent de vous envoyer ces pièces mais qu'ils ne soient pas nécessairement obligés de vous les remettre physiquement, sauf lorsque vous le demandez.

M. Walter : J'espère que le tribunal accepterait ce genre d'arrangement. Mais lorsque je vois l'expression « est tenu de » dans une disposition législative, je pense que cela impose aux tribunaux une lourde obligation qui peut les amener à penser qu'ils ne disposent d'aucun pouvoir discrétionnaire dans ce domaine.

Le sénateur Andreychuk : Je suis curieuse, à quel moment décidez-vous de détruire les dossiers?

M. Walter : Nous ne les détruisons jamais, sénateur. Lorsque l'accusé décède ou obtient une libération inconditionnelle, les enregistrements audio des audiences, les transcriptions et tous les dossiers qui ont été accumulés au cours des années sont envoyés, un an après environ, dans un site d'entreposage sécuritaire. Ils sont conservés comme les autres documents du gouvernement, pendant je crois 100 ans.

Il est donc toujours possible d'y avoir accès. Il y a beaucoup de chercheurs du ministère de la justice qui examinent des dossiers remontant au début des années 1990 pour faire des études. Nous pouvons toutefois les envoyer dans ces sites d'entreposage lorsque nous sommes dessaisis d'un dossier.

Le sénateur Andreychuk : D'autres témoins nous ont dit que les victimes n'avaient aucun rôle à jouer dans ce domaine parce que l'accusé qui a été déclaré non criminellement responsable n'a en fait pas été déclaré coupable; il n'y a pas de victime au sens pénal.

Vous soutenez que les victimes ont un rôle à jouer. Elles connaissent parfois l'accusé. Elles entretiennent parfois des liens avec lui parce que c'est un membre de leur famille.

Pensez-vous que vous avez le pouvoir de restreindre l'utilisation que l'on peut faire de la déclaration de la victime dans le cas où cette déclaration pourrait avoir un effet préjudiciable sur la personne atteinte de troubles mentaux? On nous a dit que les déclarations de la victime avaient parfois un effet négatif sur les possibilités de guérison ou sur le traitement.

Avez-vous déjà tenu des audiences où cela était le cas ou pensez-vous qu'il est utile que les victimes participent à ces audiences?

M. Walter : Il n'y a pas tant de victimes qui veulent intervenir. Selon la formulation actuelle, et cette disposition existe dans le code depuis 1997, lorsque la victime communique avec le tribunal ou que nous recevons une déclaration de la victime, nous devons en tenir compte dans la mesure où la déclaration se rapporte aux critères énoncés dans l'article 672.54. C'est l'article qui traite de l'évaluation du risque. Ce sont là les critères essentiels dont nous devons tenir compte, de sorte que cet article demeure en vigueur. La différence est qu'il faut maintenant le faire à chaque audience. Cela ne nous pose aucun problème.

D'après mon expérience, je n'ai jamais reçu une déclaration de la victime qui ait eu un effet déstabilisant sur l'accusé. J'ai assisté à des disputes à l'extérieur de la salle d'audience qui étaient loin d'être agréables. Je pense néanmoins que cela est inhabituel et qu'il ne faudrait pas généraliser.

La façon dont cette disposition est formulée, qui prévoit que nous devons prendre en compte les déclarations de la victime qui nous sont transmises, est tout à fait appropriée. La formulation contient également certaines réserves — nous devons autoriser la victime à lire sa déclaration sauf si cela nuit à l'administration de la justice. Cela donne une certaine latitude à la commission d'examen qui peut mettre fin à la lecture en cas de besoin.

Le sénateur Joyal : Bienvenue. Ma première question s'adresse à M. Walter. Lorsque vous avez présenté votre exposé, vous avez dit qu'il y avait un aspect du processus qui, et là je vous cite — « est peut-être contraire à la charte ». Je ne me souviens pas exactement du moment où vous avez déclaré cela. Il s'agissait peut-être des déclarations de la victime.

M. Walter : Oui, des déclarations de la victime, 672.5(13.2).

Le sénateur Joyal : Oui. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le conflit qui existe entre cette disposition et la charte?

M. Walter : Elle se lit ainsi :

Le tribunal ou la commission d'examen qui reçoit un rapport d'évaluation détermine si, depuis la date de la décision rendue à l'égard de l'accusé ou de sa dernière révision, l'état mental de celui-ci a subi un changement pouvant justifier sa libération aux termes des alinéas 672.54a) ou b); le cas échéant, le tribunal ou la commission d'examen avise chacune des victimes de son droit de déposer une déclaration aux termes du paragraphe (14).

Il me semble que le libellé de cet article indique que, lorsque j'obtiens des preuves pour préparer l'audience annuelle, je suis tenu de les examiner avant l'audience. Je prépare cette audience, comprenez-moi bien, mais on me demande d'examiner ces preuves et de décider si elles pourraient déboucher sur un résultat différent. Cela me semble être l'aspect central de l'audience et cette décision ne devrait pas être prise à l'avance. C'est pourquoi je crains que cette disposition m'oblige presque à prendre cette décision à l'avance. L'arrêt Winko nous demande d'examiner toutes les décisions possibles à chaque audience. De sorte que, même si l'accusé ne demande pas une libération inconditionnelle, la commission d'examen est tenue de lui imposer la mesure la moins privative de liberté et la moins lourde.

Cette disposition semble demander à la commission de se prononcer avant la tenue de l'audience prévue, ce qui m'amène à m'interroger sur sa constitutionnalité. C'était l'aspect que j'essayais de cerner.

Le sénateur Joyal : Pour que cela soit clair, c'est la façon dont l'article proposé est rédigé qui laisse entendre que vous devez prendre une décision avant la tenue de l'audience.

M. Walter : Précisément.

Le sénateur Joyal : C'est aspect important d'un processus qui a été mis en place pour protéger les droits de l'accusé.

M. Walter : On pourrait peut-être atteindre cet objectif si l'article proposé obligeait les commissions d'examen à informer les victimes de la tenue d'une audience. Cela serait plus simple. Je n'ai pas de préférence.

Cela limiterait notre obligation à donner un avis dans les cas où nous ordonnons une évaluation, puisque l'expression « rapport d'évaluation » est un terme de l'art.

Comme je l'ai mentionné plus tôt en parlant d'un autre article, c'est une mesure qui est ordonnée par la commission d'examen. D'après moi, cela prête à confusion et pourtant, je fais ce genre de choses tous les jours depuis 10 ans. Je voudrais que le droit soit compréhensible pour tout le monde.

Le sénateur Joyal : C'est un aspect différent mais je voudrais savoir si c'est dans le même souci de clarté que vous avez mentionné que le paragraphe 1(2) du projet de loi qui parle « d'évaluation » veut dire évaluation par un médecin ou toute personne qui est désignée par le procureur général comme étant compétente pour effectuer une évaluation.

Vous indiquez dans votre premier commentaire, au milieu de la page 6, que cela prête à confusion parce que la disposition parle « de toute autre personne désignée par le procureur général » et qu'une personne est un individu. Ce n'est pas une catégorie professionnelle, comme les psychologues ou les professionnels compétents pour évaluer l'état mental et psychologique d'une personne.

Lorsqu'on dit « une personne désignée par le procureur général », on veut en fait dire M. ou Mme Untel.

M. Walter : Docteur Untel. C'est comme cela que je comprends cette disposition. Il est possible que je l'interprète trop étroitement. Il est possible que je mentionne des problèmes qui ne se concrétiseront pas mais je crois que c'est le moment de le faire.

Je me voyais peut-être déjà en train de faire tous les ans la liste des noms de tous les étudiants qui ont obtenu leur diplôme de psychologue en Colombie-Britannique, et de la présenter au procureur général. Je pense qu'il serait beaucoup plus simple de désigner une catégorie, tout comme la disposition le fait déjà avec les « médecins ».

Le sénateur Joyal : Sur le plan administratif, cela serait plus clair et plus efficace.

L'autre aspect que vous avez mentionné est celui du bas de la page 7. Vous demandez que la commission d'examen ait le pouvoir d'accorder à l'accusé une libération inconditionnelle ou de suspendre l'instance. Vous croyez que le fait d'octroyer un tel pouvoir créerait un mécanisme qui serait beaucoup moins complexe, beaucoup plus rapide et humain qu'un procès qui fait subir à la personne en cause une autre évaluation et ensuite, une autre audience. Autrement dit, vous nous dites qu'avant que la personne visée par la loi obtienne sa libération inconditionnelle, il faut que le tribunal intervienne à nouveau.

M. Walter : Sénateur, je ne me suis peut-être pas exprimé clairement. Ces commentaires s'adressent uniquement à un phénomène particulier que nous constatons dans toutes les commissions d'examen, à savoir les personnes qui ont été jugées inaptes à subir un procès — et cela représente la moitié des personnes dont nous nous occupons — et qui, à cause de leur âge ou d'un problème cognitif, progressif, ne redeviendront jamais aptes à subir leur procès même avec un traitement psychiatrique ou psychologique.

Le sénateur Milne : Ou le SAF.

M. Walter : Oui. Nous avons des gens qui souffrent de ce syndrome. Je pense que les rédacteurs et les décideurs ont tout à fait eu raison d'éviter à ces personnes d'avoir à passer tous les ans par toutes ces étapes, en particulier lorsqu'il existe des éléments indiquant qu'elles ne constituent plus un danger pour le public. C'est le deuxième élément important.

Ces nouvelles dispositions plus humaines prévoient que, lorsque la commission d'examen en arrive à cette conclusion, elle peut renvoyer le dossier au tribunal pour qu'il effectue une enquête qui peut déboucher sur la suspension de l'instance concernant cette personne. Nous nous demandons pourquoi cette étape supplémentaire a été ajoutée? Si le témoignage des experts qui a été soumis à la commission, et que les tribunaux acceptent automatiquement, indique que l'accusé ne sera jamais apte à subir son procès et ne constitue pas un danger pour le public, pourquoi ne pas laisser la commission d'examen le libérer ou suspendre l'instance? C'est le genre de mécanisme dont parlait l'arrêt Demers, qui accordait au Parlement douze mois pour résoudre ce problème.

Le sénateur Joyal : Je réfléchis pour savoir si, sur le plan des principes, il existe une raison pour laquelle vous ne pouvez pas rendre cette décision et qui exige qu'elle soit prise par un tribunal judiciaire.

M. Walter : Il y a peut-être des arguments qui justifient ce choix. On pourrait sans doute soutenir que la décision de suspendre une instance est de nature judiciaire. Ce n'est pas pour moi une question très importante mais cela me paraîtrait plus humain. Il est incontestable que le législateur possède la compétence d'accorder ce pouvoir à la commission d'examen, s'il estime approprié.

Le sénateur Joyal : Pour que je puisse en arriver à la même conclusion que vous, pouvez-vous me dire ce que fait le tribunal, parce que je n'ai jamais assisté à ce genre d'audience, lorsque vous indiquez au tribunal qu'il y a lieu de suspendre l'instance?

M. Walter : Jusqu'ici, ce n'est encore jamais arrivé. Avec le nouveau régime, le tribunal devrait effectuer une enquête et ordonner une autre évaluation pour que le tribunal vérifie s'il souscrit à l'opinion et aux points de vue de la commission d'examen. Cela revient à reprendre le même processus. Pour diverses autres raisons, notamment le fait que cela n'est pas contraire à l'intérêt public, que cela ne jette pas le discrédit sur l'administration de la justice et d'autres principes de ce genre, le tribunal peut alors, s'il l'estime approprié, accorder la suspension de l'instance ou la refuser. Il peut dire : « Non, nous ne voulons pas accorder cette suspension pour le moment. C'est un crime très grave et nous choisissons de ne pas exercer ce pouvoir. Nous allons renvoyer cette personne devant la commission d'examen, où elle demeurera sur cette liste permanente des inaptes à subir leur procès ».

Le sénateur Joyal : Par conséquent, vous pouvez réviser un dossier pendant 10 ans et en arriver finalement à la conclusion que la personne concernée est inapte à subir son procès mais vous ne pouvez pas la libérer totalement et définitivement.

M. Walter : Exact.

Le sénateur Joyal : Il faut saisir à nouveau le tribunal, qui peut alors ordonner une évaluation par un expert médial, qui entend la victime et les autres personnes concernées, les services de police et autres, et qui se prononce ensuite sur votre rapport d'après lequel il y a lieu d'ordonner la suspension de l'instance.

M. Walter : Oui.

Le sénateur Joyal : Cela revient à « judiciariser » une fois de plus la procédure.

M. Walter : Oui.

Le sénateur Joyal : Vous pensez qu'il est dans l'intérêt de la justice de procéder ainsi.

M. Walter : Nous pensons qu'il serait plus humain de mettre un terme définitif à tout cela au cours de notre audience.

Le sénateur Joyal : Est-il déjà arrivé que les tribunaux aient annulé vos recommandations?

M. Walter : Jusqu'ici, cela ne s'est pas produit. Nous ne recommandons pas que des personnes inaptes soient traduites devant le tribunal. Il n'y a pas de mécanisme permettant de faire comparaître une personne inapte.

Il m'est parfois arrivé, dans des dossiers comme ceux dont nous parlons en ce moment, d'écrire à la Couronne pour lui dire : « Il ne semble pas que cette personne ne sera jamais apte à subir un procès; elle se trouve dans un établissement de soins tertiaires où elle n'a pas accès à des victimes; je me demande si la Couronne ne pourrait pas envisager de demander la suspension de l'instance dans ce cas ». De temps en temps, c'est ce que la Couronne fait; il y a d'autres cas où elle ne l'a pas fait.

C'est un nouveau mécanisme et nous sommes en train de nous familiariser avec lui.

Le sénateur Joyal : Dans la conclusion de votre exposé, vous avez fait un commentaire qui est assez clair. Vous dites que vous présentez ces recommandations en vous basant sur votre expérience quotidienne et que vos commentaires ont vraiment pour but d'améliorer le processus et la réalisation des objectifs du projet de loi. Vous dites que vous semblez avoir eu moins d'influence que d'autres intéressés, notamment les poursuivants et d'autres groupes d'intérêt.

Quelle est la nature des relations que vous avez développées avec le ministère de la justice au cours de l'élaboration de ce projet de loi?

M. Walter : Je vous demande de m'excuser si j'ai été un peu loin. Le dialogue se poursuit et il n'a jamais été interrompu. J'ai peut-être exprimé ici le sentiment que nous n'avons pas été entendus comme nous aurions pu l'être sur certains points mais ce n'était pas une critique. Le sénateur Pearson m'a connu lorsque je défendais des enfants en Alberta et il m'est déjà arrivé que mes paroles dépassent ma pensée.

Le sénateur Joyal : Je ne vous demandais pas de vous excuser, monsieur Walter. Ce n'est pas mon genre.

Cela m'inquiète beaucoup. Si je peux être franc, vous me donnez l'impression d'exercer vos responsabilités de façon très professionnelle. Si une personne aussi digne de confiance que vous semblez l'être, et je n'en doute absolument pas, nous indique par écrit qu'elle a fait des recommandations pour améliorer le projet de loi en vue de faciliter la réalisation des objectifs que recherche le gouvernement avec cette mesure, cela m'inquiète. En général, c'est aussi le sentiment qui anime les membres du comité. Vous dites qu'il semble que les recommandations que vous avez faites et qui figurent dans votre mémoire ne semblent pas avoir été prises en compte. Comme Le sénateur Milne l'a déclaré plus tôt au sujet des pièces à conviction, nous allons être obligés de demander au ministère de la justice de venir nous dire quelle a été sa réaction à vos recommandations. Nous ne pouvons pas adopter un projet de loi si nous ne sommes pas convaincus que tous les intéressés ont été entendus et que tous ceux qui ont présenté des arguments sérieux ont obtenu une réponse. Je suis sûr que vous êtes aussi intéressés que nous de connaître les réponses qu'a données le ministère de la justice aux points que vous avez soulevés dans votre mémoire, qui me paraissent tout à fait sérieux.

M. Walter : Je pense que nous travaillons tous à une œuvre commune. Je ne sais pas si je peux vous répondre plus clairement.

Voulez-vous me poser une question précise?

Le sénateur Joyal : Je ne sais pas si j'ai vraiment le temps de le faire.

La présidente : J'aimerais poser une question supplémentaire sur ce sujet. Monsieur Walter, étant donné que le tribunal prononce la décision définitive lorsque la commission d'examen estime que l'accusé est inapte à subir son procès, n'est-il pas approprié que le tribunal se prononce également de façon définitive sur la question de l'inaptitude permanente?

M. Walter : C'est possible. C'est un argument que mes collègues m'ont suggéré de présenter. Personnellement, ce n'est pas une question qui me tient particulièrement à cœur. Je pense, par contre, que c'est le cas de certains de mes collègues, de certains juges et avocats de la défense. J'estime que ce serait une façon plus rapide de conclure ce genre de situation sans créer d'obstacles juridiques.

Le sénateur Joyal : Monsieur Cannavino, l'association que vous représentez a toujours protégé les droits des victimes. Est-ce que les victimes des crimes qui ont été commis par des personnes atteintes de troubles mentaux souffrent davantage que les autres victimes de crimes, d'après votre expérience?

[Français]

M. Cannavino : Pour avoir discuté plusieurs fois avec les victimes ou leur famille, je peux vous dire que ces gens vivent un traumatisme énorme. Je vous remercie pour la question car cela me permet de rétablir un commentaire formulé par madame le sénateur Andreychuk qui disait qu'on n'avait pas affaire à une victime. Oui, on a affaire à une victime. On a également affaire à un présumé assassin, agresseur ou quoi que ce soit. C'est rendu ici pour déterminer si oui ou non il est apte à subir un procès. Imaginez la victime qui, dans une procédure judiciaire normale, vit un traumatisme énorme et veut être présente aux audiences. Dans ce cas-ci, c'est une audience où l'individu qui aurait commis le crime ne subit même pas un procès. C'est doublement frustrant pour la personne ou sa famille. Le fait de pouvoir s'exprimer, de pouvoir amener certains points ou certains faits au comité, c'est tenter d'éclairer les membres du comité.

Après un, deux, trois ans, pourquoi donner ce droit? Parce qu'avec le temps, on oublie l'événement. Si la victime ou sa famille est présente, les gens traitent le dossier très différemment. La douleur ou les conséquences de l'événement ne sont plus présents. Je comprends qu'ils doivent déterminer si la personne est apte à subir son procès.

Il faut aussi comprendre que ces gestes ont détruit des êtres humains. C'est la raison pour laquelle on a un centre d'aide aux victimes d'acte criminel. Les victimes nous disent qu'elles sont mises de côté. Elles disent qu'on s'occupe du présumé agresseur ou assassin, mais qu'elles ne peuvent même pas s'exprimer. Elles ne savent même pas la date de l'audition. Il me semble important que ces personnes puissent avoir le privilège de donner cette information si elles le désirent.

Nous avons également constaté que ce n'est pas tout le monde qui désire le faire. Il y a des gens qui, après un, deux ou trois ans, veulent passer à autre chose parce que la douleur a été trop intense et ils ont décidé de réorienter leur vie. Pour d'autres personnes, cela est nécessaire, cela fait partie d'une thérapie. Je reçois des commentaires selon lesquels il est important de ne jamais être mis de côté. Il faut penser que l'accusé ou le présumé agresseur a des droits, mais les victimes ou leur famille sont mises de côté.

Après deux, trois ans, on perd beaucoup de la valeur de l'agression — et ce n'est pas volontairement qu'on le fait. Ces personnes peuvent nous ramener dans cette ambiance ou dans cette tristesse.

Le sénateur Joyal : Dans certains cas, cela peut créer des traumatismes qui ont des séquelles psychologiques importantes chez l'individu. Si on reçoit un coup de poing, on a un bleu et cela finit par passer après quelques semaines, mais les séquelles psychologiques chez les victimes peuvent être plus longues à effacer. Quelle forme d'aide apportez- vous aux victimes pour pouvoir les supporter dans ce processus de recouvrement?

M. Cannavino : Il y a différents volets. On recommande d'abord aux victimes ou aux gens impliqués de consulter. Souvent, ces gens vont se refermer sur eux-mêmes. Au lieu de guérir, ils s'enlisent encore plus dans la douleur et malheureusement, on se rend compte que l'on perd ces gens. Il faut qu'ils aient recours à des psychologues, des psychiatres, à des associations ou à des regroupements.

On tente également de créer des liens avec les différentes associations canadiennes. Tout dernièrement, lors de notre assemblé législative, nous avons eu l'occasion de rencontrer M. Pierre-Hugues Boisvenu — vous connaissez sûrement le cas de la pauvre Julie Boisvenu — qui a formé une association au Québec. Il y a des associations un peu partout à travers le Canada, mais il n'y a pas de lien entre elles. On tente de créer un genre de réseau afin que les appels soient dirigés vers nous et que les gens bénéficient d'une forme de soutien. L'Association canadienne de la police professionnelle tente de réaliser un rapprochement entre les associations.

La plupart des gens ne comprennent pas le cheminement. Dans certains cas, on peut simplement expliquer la loi et expliquer pourquoi ce cheminement. On leur explique que c'est tout à fait normal et que la procédure sera faite de telle façon. On fait des demandes afin que les victimes soient avisées lorsqu'il y a des auditions.

[Traduction]

M. Walter : Je ne vais pas faire de commentaires sur la remarque qu'a faite mon collègue. Je tiens néanmoins à préciser que les dispositions relatives aux victimes ne s'appliquent pas dans le cas où l'accusé a été déclaré inapte à subir son procès parce qu'il s'agit uniquement d'allégations. Ces dispositions s'appliquent uniquement lorsque l'accusé a été déclaré non criminellement responsable et que les faits ont été établis. C'est peut-être à cause de l'interprétation mais je voulais corriger cette impression.

Le sénateur Joyal : Je dois vous avouer que j'ignore complètement quelles sont les personnes dont vous vous occupez, monsieur Walter et monsieur Cannavino, en rapport avec le projet de loi C-10. Quel est le profil moyen de la personne dont s'occupe votre commission?

M. Walter : J'ai déjà mentionné que j'avais défendu les enfants. Ce qui est dramatique, c'est que, lorsque j'ai commencé à exercer mes fonctions, je regardais l'accusé et je me disais que cette personne avait sûrement déjà été prise en charge par les services d'aide à l'enfance.

Ces personnes viennent de familles marginalisées où il y a des problèmes d'alcool, de santé mentale et de toxicomanie. Il y a parfois de la maltraitance physique ou autre. La famille est elle-même dysfonctionnelle. L'accusé a bien souvent été pris en charge par un foyer d'accueil ou un établissement de soins lorsqu'il était jeune; il est devenu un délinquant à la fin de son adolescence et il a continué à vivre de cette façon.

L'accusé est le plus souvent male, bien évidemment, et il a entre 25 et 45 ans, si vous voulez le portrait type. Il a un trouble d'Axe-1, comme disent les psychiatres, un trouble mental grave comme la schizophrénie, un trouble schizo- affectif ou bipolaire, parfois combiné à un trouble de la personnalité, maladie qui répond mal aux traitements. Je dirais que dans 85 pour cent des affaires qui nous sont confiées, il y a également un problème secondaire d'alcoolisme ou de toxicomanie.

Les infractions qu'ils ont commises vont — je dois dire que l'arrêt Winko exige désormais qu'elles soient de nature pénale — des voies de fait aux meurtres en série. Je m'occupe d'un patient qui a commis six meurtres en 48 heures en 1974, à un moment où un autre établissement de santé mentale lui avait accordé une sortie. C'est bien évidemment un cas extrême; dans l'ensemble, ce ne sont pas des personnes inquiétantes, sénateur. Ce sont des gens très malheureux qui sont gravement malades.

Le sénateur Pearson : Bienvenue à tous les trois. Je suis contente, monsieur Walter, de vous voir occuper ce poste.

Vous dites qu'ils ont en moyenne entre 25 et 45 ans. J'ai déjà posé la question mais je ne sais toujours pas très bien si les commissions d'examen s'occupent des jeunes de moins de 18 ans.

M. Walter : Oui, sénateur. La Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes prévoit également les verdicts d'inaptitude à subir son procès et de non criminellement responsable. Je dirais qu'à l'heure actuelle en C.-B., nous nous occupons de cinq ou sept adolescents. Il y a une unité médico-légale spécialisée et des services de surveillance communautaire et en milieu fermé spécialement dédiés aux jeunes.

Le sénateur Pearson : Je ne sais pas pourquoi mais nous n'avons pas beaucoup réfléchi à ces aspects lorsque nous avons examiné la Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes, même si nous avons été heureux de voir que l'on prévoyait une peine nouvelle, à savoir le traitement psychiatrique spécialisé.

Vous avez donc cinq à sept jeunes de moins de 18 ans; dans l'ensemble du pays, cela représente donc une centaine d'adolescents.

M. Walter : Je dirais qu'il y en a moins. C'est ce que je dirais, sénateur. Il existe des dispositions particulières dans la Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes.

Le sénateur Pearson : On pourrait penser que certains de ces adolescents répondent aux traitements et peuvent faire l'objet d'une décision plus favorable si vous examinez leur cas une deuxième ou une troisième fois.

M. Walter : Il arrive, bien sûr, qu'ils passent dans le système pour adultes; lorsqu'ils ont 19 ans, le système pour les jeunes souhaite habituellement les transférer dans le système pour adultes.

Le sénateur Pearson : S'ils étaient alors déclarés inaptes à subir leur procès, pourraient-ils être confiés au système pour les adultes en raison d'un crime qu'ils ont commis lorsqu'ils avaient moins de 18 ans?

M. Walter : Non; dès qu'ils sont accusés aux termes de la loi sur les jeunes, ils demeurent dans ce système de justice. S'ils sont jugés aptes à subir leur procès, ils sont bien sûr alors traduits devant les tribunaux. Il est possible qu'ils nous soient alors confiés à titre d'accusés non criminellement responsables dans le cas où ils étaient très malades au moment où ils ont commis leur infraction; dans ces cas-là, ils seraient détenus dans le système pour adultes.

Je ne sais pas comment les autres provinces traitent ces cas parce qu'il y en a très peu. Je peux cependant vous dire que de notre point de vue, chaque fois qu'un jeune risque de se retrouver dans le système pour adultes, nous examinons son cas très sérieusement. Nous tenons une audience. J'essaie habituellement de tenir des audiences autour de la date pertinente de façon à préciser clairement ce que peut offrir le système pour adultes par rapport à ce qu'offre le système pour jeunes et à concilier les deux. Il m'est déjà arrivé de garder des jeunes dans le système pour les jeunes parce que je pensais qu'ils seraient trop vulnérables dans le système pour adultes.

Le sénateur Pearson : J'ai apprécié votre exposé parce que vous avez présenté des recommandations très concrètes, directement fondées sur votre expérience. Je suis d'accord avec Le sénateur Milne sur la question de l'entreposage des pièces à conviction — nous devons absolument faire quelque chose à ce sujet — et vous essayez vraiment d'améliorer l'efficacité du processus, non pas aux dépens de la justice mais au contraire pour favoriser la justice.

Le sénateur Joyal : J'aurais une dernière question pratique. Ce projet de loi a-t-il des répercussions financières sur votre travail et avez-vous les ressources pour le mettre en œuvre? Je vous ai dit que ce serait une question pratique.

M. Walter : Je pense qu'effectivement il y a des aspects procéduraux, comme les audiences sur la question des ordonnances de non-publication, qui peuvent entraîner certains coûts. J'imagine que les médecins et les procureurs de la Couronne pourraient soutenir que le pouvoir d'ordonner des évaluations peut avoir des répercussions financières. Il existe cependant en C.-B. un système médico-légal désigné très particulier. C'est ce système qui effectue les évaluations pour les tribunaux; ce sont les personnes qui travaillent pour ce système qui comparaissent à toutes les audiences de la commission d'examen et qui effectuent déjà ces évaluations, qu'elles soient ordonnées ou non par un tribunal, parce que c'est ce système qui prend en charge l'accusé. Je dirais que les coûts supplémentaires seraient négligeables.

Notre système de gestion des cas et des audiences est tellement efficace que je ne me suis guère inquiété des répercussions que pourraient avoir ces nouvelles dispositions.

Le sénateur Joyal : En irait-il de même pour l'Ontario et les autres provinces?

M. Walter : Je ne peux pas parler pour les autres provinces.

[Français]

Le sénateur Rivest : Bien sûr, on parle de gens dérangés mentalement qui doivent subir ou non subir un procès. On prévoit un mécanisme où les victimes ont recours à des professionnels.

Comme policier, pouvez-nous donner une évaluation rapide et sommaire de ce système de libération conditionnelle au Canada? Il y a des gens qui sont détenus et qui sont mis en liberté. Ils ont été jugés.

Au Québec, entre autres, on se rappelle le cas dans la région de Sorel. Est-ce que le régime proposé par le projet de loi C-10 ne serait pas un modèle dont le service de libération conditionnelle devrait s'inspirer ou l'appliquer? Peut-être l'ont-ils déjà dans certaines provinces pour remettre en liberté des criminels détenus mais qui présentent des symptômes de dérangement ou de difficultés mentales.

M. Cannavino : Vous touchez un point très sensible. Nous avons fait des recommandations auprès du vice-premier ministre, qui est également la ministre de la sécurité publique. C'était une de nos préoccupations : dans les cas de libération conditionnelle, les victimes devraient être informées des auditions. Les gens l'ignoraient. C'était le centre qui tentait de rejoindre les familles pour les informer qu'il y avait une audition au sujet de tel individu ou tel meurtrier à telle date. Le centre mettait les personnes au courant.

On a demandé, parmi les nombreuses demandes que nous avons faites, soit la réforme ou la révision des libérations conditionnelles ou du système en place avec sa culture propre, de tenir compte de tout cela. Ce que l'on retrouve dans le document rejoint cette ligne de pensée où il faut impliquer et informer les familles. Il faut leur donner cette opportunité de pouvoir assister ou de faire une déclaration.

Cela fait partie de nos préoccupations. D'ailleurs le projet de loi qui a été réintroduit à la Chambre, soit l'ancien projet de loi C-19 qui est maintenant le projet de loi C-23, se ressemble quant aux modifications. Les modifications en question touchent les victimes. C'est cette partie qui a été ajoutée. On n'a pas terminé de faire des revendications parce qu'un comité va être mis sur pied. Notre intention, c'est de venir renforcer cette position et cette aide aux familles des victimes.

Je ne voudrais pas insinuer que les comités de révision n'ont pas cette capacité de décider pour ceux qui, d'aucune façon, seraient aptes un jour à subir un procès. Par exemple, il y a un point de non-retour pour une personne qui est déclarée Alzheimer. L'Association canadienne de la police professionnelle est d'avis qu'il faudrait quand même que le système judiciaire mette la note finale. Le système judiciaire devrait avoir le dernier coup d'œil pour clore définitivement le dossier, et cela sans douter de la compétence et de la capacité des membres qui siègent sur le comité de révision.

[Traduction]

La présidente : Merci, monsieur Cannavino.

La séance est levée.


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