Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 11 - Témoignages du 5 mai 2005
OTTAWA, le jeudi 5 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles auquel est renvoyé le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 53, pour étudier ledit projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Nous reprenons nos débats sur le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence.
Nous recevons aujourd'hui M. Sullivan, président du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Merci de comparaître devant nous aujourd'hui. La parole est à vous et je suis sûre que nous aurons quelques questions à vous poser par la suite.
M. Steve Sullivan, président, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Merci, honorables sénateurs, de me permettre de venir devant vous débattre de cet important projet de loi et de notre perspective à cet égard. Permettez-moi de vous expliquer le genre de travail que nous faisons au Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
Nous sommes un groupe national, à but non lucratif, qui se porte à la défense des victimes. Bien que notre organisme soit très petit et que son siège social se trouve à Ottawa, nous aidons les victimes à l'échelle du pays aux diverses étapes du régime judiciaire; nous les aidons à remplir les demandes provinciales de réparation et à obtenir des renseignements du procureur de la Couronne. La plupart de notre travail porte sur le régime fédéral correctionnel et sur celui relatif à la libération conditionnelle. Des services sont offerts aux victimes dans les tribunaux et les services de police, mais aucun n'est offert à partir du moment où un contrevenant est condamné ou, dans le cas dont nous allons parler aujourd'hui, déclaré non responsable criminellement. La plupart de notre travail se fait auprès des victimes au stade de la libération conditionnelle, ce qui signifie que nous nous rendons aux audiences de libération conditionnelle. Si les victimes ne peuvent pas y aller, nous y allons en leur nom. Nous nous assurons qu'elles connaissent leurs droits. Je vais faire quelques analogies entre le processus de libération conditionnelle et celui de la commission d'examen.
Ma déclaration liminaire va être brève. Je me sens qualifié pour parler uniquement de deux points au sujet du projet de loi. Comme vous le savez sans aucun doute, les audiences de la commission d'examen et les dispositions relatives aux troubles mentaux du Code criminel sont des processus complexes. Je ne prétends pas avoir d'expertise particulière.
Je tiens à dire pour commencer que nous appuyons le projet de loi en ce qui concerne l'abrogation des dispositions sur la durée maximale. Ces dispositions n'ont jamais été promulguées et par suite de divers arrêts de la Cour suprême, elles ne sont pas vraiment nécessaires puisque le régime prévoit déjà des protections à cet égard. Nous sommes en faveur de l'abrogation de ces dispositions.
Le deuxième point qui nous intéresse, et ce n'est pas surprenant, ce sont les déclarations de la victime et le rôle des victimes dans ce processus. Certains ont mis en doute la valeur des déclarations de la victime aux audiences de la commission d'examen. J'en ai entendu parler en dehors de ce processus. Vous savez sans doute que l'introduction des déclarations de la victime aux audiences de la commission d'examen n'a rien de nouveau, puisque c'est ce qui a été prévu en 1999 au moment de l'adoption du projet de loi C-79. La différence ici, c'est que les victimes ont la possibilité de lire leur déclaration. Nous prétendons qu'il est vraiment utile de permettre aux victimes de faire partie de ce processus. Je vais aborder tout d'abord la valeur que cela revêt pour la personne en particulier.
D'après mon expérience des audiences de libération conditionnelle, les victimes sont toujours terrifiées à l'idée que le contrevenant soit libéré. Elles assistent à une audience de deux ou trois heures et apprennent pour la première fois ce que ce particulier a fait, comme par exemple suivre des programmes et des études, ou encore, elles apprennent qu'il a renoué avec sa famille. Il peut avoir fait beaucoup de choses importantes pour changer par rapport à ce qu'il était au moment de son incarcération. Il m'est déjà arrivé de sortir de ces audiences de libération conditionnelle accompagné d'une victime qui peut être satisfaite, ou non, de la libération de ce particulier, qui peut avoir l'impression qu'il n'a pas été incarcéré suffisamment longtemps, mais il reste qu'elle ressent beaucoup moins de crainte face à la libération du contrevenant. Selon moi, c'est la même chose que lorsque des victimes participent à des audiences de la commission d'examen, font partie du processus, comprennent son fonctionnement, comprennent pourquoi des décisions sont prises pour prolonger l'incarcération d'un contrevenant ou d'une personne non criminellement responsable ou pour la libérer selon les conditions qui s'imposent. Les victimes qui comprennent cette perspective et les raisons sous-jacentes peuvent surmonter les inquiétudes constantes qu'elles pourraient avoir en ce qui concerne leur propre sécurité.
Nous savons que les victimes veulent participer au processus, quel qu'il soit. Les besoins des victimes ne sont pas différents, que le contrevenant soit déclaré non coupable ou qu'il ne soit pas tenu criminellement responsable. Elles veulent une protection et veulent prendre part au processus tout en comprenant comment se prennent les décisions. Les ordonnances relatives à la non-responsabilité criminelle peuvent être difficiles pour les victimes parce que, essentiellement, le tribunal déclare que le contrevenant n'est pas responsable du tort causé à la victime, qu'il s'agisse d'un acte de violence, d'une agression sexuelle ou d'un homicide. Lorsqu'un contrevenant est déclaré coupable, les victimes peuvent rejeter le blâme sur lui et focaliser leur colère, ce qui est un élément important du processus de guérison. Lorsque quelqu'un n'est pas tenu criminellement responsable, c'est déconcertant pour la victime, car on revient essentiellement à dire que cette personne n'est pas responsable. Il est difficile pour les victimes de gérer leur colère au sujet des actes de violence. Je parle des victimes de violence, car ce sont essentiellement avec elles que nous travaillons. Il y a bien sûr d'autres infractions, mais nous traitons essentiellement des infractions graves avec violence et des homicides.
Il est également important pour la personne visée, la personne qui n'est pas tenue criminellement responsable, au moment où elle assiste à une audience de la commission d'examen, d'entendre ou de lire directement les répercussions des ses actes sur la victime, même si elle n'est pas responsable de ses actes. Je ne prétends pas avoir d'expertise médicale, mais autant que je sache, dans de nombreux cas de libération de ces personnes, des conditions ou des exigences leur sont imposées : elles doivent par exemple continuer de prendre leurs médicaments. Parfois, ces médicaments ont des effets secondaires peu encourageants. De mon point de vue, il peut être important pour ces gens d'entendre les répercussions de ce qui pourrait se produire s'ils ne prennent pas leurs médicaments. Ce n'est pas une question de réprobation, mais une question de responsabilité; ils doivent continuer à prendre leurs médicaments, malgré les effets secondaires négatifs : « Si je ne le fais pas, je risque de causer du tort à quelqu'un d'autre ».
Il est important que tout le monde entende directement les victimes parler des répercussions à long terme des actes de violence sur elles, y compris la personne dont la libération est envisagée.
Je devrais également faire mention du fait que nous nous occupons des victimes qui se rendent à des audiences de libération conditionnelle. Je sais que la question a été soulevée dans le passé — les victimes qui se rendent aux audiences de libération conditionnelle, non pas seulement à la première, mais dans certains cas, à de nombreuses — et je crois que c'est également important. À la première audience de libération conditionnelle à laquelle assiste la victime, le contrevenant peut ne pas être libéré. Toutefois, au bout de deux ou quatre ans, le contrevenant peut être libéré, si bien qu'il est important que la victime comprenne ce processus également, à savoir que le première fois, la commission de libération conditionnelle en avait conclu que le contrevenant présentait un risque, mais que trois ans plus tard, ce n'est plus le cas. À mon avis, il est important d'assister à de multiples audiences.
L'une des insuffisances de notre régime, qu'il s'agisse de libération conditionnelle ou de régime correctionnel, ou même à l'étape du procès, c'est que souvent, les victimes ne sont pas informées de leurs droits. Même si le Code criminel prévoit des dispositions pour les déclarations de la victime au prononcé de la sentence, nous savons que les victimes qui y sont présentes sont très peu nombreuses. L'un des problèmes, c'est que notre régime de procès, dans la plupart des cas, consiste en négociations de plaidoyer qui se font rapidement si bien qu'on manque de temps pour avertir la victime. Les dispositions du projet de loi qui permettent de faire en sorte que les victimes soient averties une fois qu'elles ont indiqué qu'elles souhaitent l'être, sont un aspect important du projet de loi.
La présidente : Nous avons déjà entendu dire que les déclarations de la victime pourraient, à cause de leur contenu qui suscite beaucoup d'émotion, diminuer de façon malencontreuse l'exigence de prononcer la condamnation la moins lourde à l'égard d'un accusé atteint de troubles mentaux. Aux audiences de la commission d'examen, il s'agit d'évaluer le risque actuel et non le comportement passé, c'est ce qui nous a été dit. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Sullivan : Cela revient au même que les arguments avancés lorsque nous avons introduit les déclarations de la victime aux audiences de libération conditionnelle, c'est-à-dire là où la commission des libérations conditionnelles évalue le risque que présente le particulier, s'il est libéré dans la collectivité, ainsi que la pertinence de l'impact du crime commis il y a cinq ou dix ans par rapport au risque que présente le contrevenant aujourd'hui. Mis à part les avantages pour les victimes elles-mêmes, cette déclaration est importante puisqu'elle aide les membres de la commission d'examen à comprendre ce qui s'est passé. Les victimes ont souvent des renseignements que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Beaucoup d'affaires passent par le système assez rapidement et il n'y a pas toujours de procès. Les gens plaident et, dans ce cas, acceptent la désignation NCR. Les victimes peuvent souvent présenter des renseignements dont personne d'autre ne dispose.
Il est également important, lorsque la commission évalue le risque, d'évaluer comment le particulier réagit. Selon de nombreux membres de la commission des libérations conditionnelles, les victimes qui prennent la parole aux audiences de libération conditionnelle observent la réaction des contrevenants à leur témoignage, le genre d'impact qu'il peut avoir sur lui. Je n'ai jamais assisté à une audience où, selon moi, la déclaration de la victime modifiait une décision dans un sens ou dans l'autre. Toutefois, c'est une information supplémentaire que les membres de la commission des libérations conditionnelles peuvent avoir et qui leur permet d'évaluer le risque et aussi de fixer des conditions à la libération du contrevenant.
La présidente : Au sujet de la question des interdictions de publication, le projet de loi C-10 accorde aux commissions d'examen le pouvoir d'ordonner une interdiction de publication à leur discrétion. Prévoyez-vous que de nombreuses audiences se fassent en privé et les intérêts de la victime et des médias peuvent-ils être pris suffisamment en compte à ce moment-là?
M. Sullivan : Je pense que oui. Je ne prévois pas une augmentation considérable du nombre de victimes participant aux audiences de la commission d'examen par suite du projet de loi C-10. Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour nous assurer que les victimes connaissent leurs droits. La commission, tout comme les juges au moment des procès ou du prononcé de la sentence, peut mettre en balance la liberté de la presse et la protection de la victime. Je ne pense pas que ce problème se posera régulièrement.
Par ailleurs, si les tribunaux ont déjà décrété une interdiction de publication, j'imagine que ce serait toujours applicable; il faut le prendre également en compte.
Le sénateur Mercer : Je me demande ce qu'il va advenir des droits civils de l'accusé. S'ils sont déclarés non criminellement responsables, cela veut dire qu'ils ne sont pas déclarés coupables de l'infraction. J'ai donc un peu de mal à comprendre le concept.
Même si j'éprouve beaucoup de sympathie à l'égard de la victime, quel que soit l'acte de violence dont elle a fait l'objet, je m'inquiète également du fait que si la personne est déclarée non criminellement responsable et que cette désignation est retirée, nous arrivons alors à une présomption de culpabilité et elle est alors déclarée coupable. Nous arrivons à cette présomption de culpabilité à partir du moment où on parle de déclarations de la victime.
C'est ce qui m'inquiète et qui rejoint mon autre préoccupation au sujet de ce qui semble se passer aujourd'hui dans la société en général, lorsque nous parlons de suivre les gens qui ont purgé toute leur peine. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je le répète, les droits civils de l'accusé sont pour moi un point de préoccupation. J'éprouve beaucoup de sympathie et d'empathie à l'égard des victimes et de leurs droits civils, mais nous parlons ici de droit.
M. Sullivan : Comme vous le faites remarquer, c'est un genre de dichotomie qui apparaît dans notre système. D'une part, on dit vous n'êtes pas criminellement responsable, vous n'êtes pas déclaré coupable; d'autre part, il y a toujours une victime. Le jargon juridique à cet égard est difficile à comprendre.
En réalité toutefois, nous savons que quelqu'un a été blessé, qu'il s'agisse d'une agression, d'un homicide ou d'autre chose. Quelqu'un a été blessé et nous ne pouvons pas en faire abstraction. Cette personne est soignée à l'hôpital par suite des actes du contrevenant. Qu'il en soit responsable est une toute autre question; mais la victime se trouve là à cause de ses actes. On ne peut en faire abstraction et on ne peut pas oublier la victime.
Par ailleurs, une certaine responsabilité est conférée à ceux qui sont atteints de ces troubles mentaux — et j'éprouve beaucoup de sympathie à leur égard également. Il y a cet aspect de responsabilité, sans doute, s'ils doivent prendre des médicaments pour maîtriser certains comportements. D'une part, on leur dit : vous n'êtes pas responsables ni coupables, mais nous exigeons que vous preniez vos médicaments; c'est une zone grise de tout notre système.
Toutefois, il faut être réaliste. Quelqu'un a été blessé et a un intérêt dans ce processus, même si ce n'est pas une conclusion traditionnelle de la part du tribunal.
Le sénateur Mercer : Dans votre déclaration, il y a encore une fois une présomption de culpabilité.
M. Sullivan : Le système arrive à une présomption de culpabilité.
Le sénateur Mercer : Je ne crois pas que la présomption de culpabilité soit un concept que je sois personnellement prêt à accepter. Si la personne est coupable, elle doit en subir toutes les conséquences juridiques; par contre, si elle est atteinte de troubles mentaux, il faut alors s'occuper de ces troubles mentaux. Si nous sommes en mesure de le faire, peut-être pouvons-nous alors traiter de la criminalité.
Toutefois, on fait comme si les gens étaient coupables. Si vous n'êtes pas criminellement responsable, je ne suis pas sûr que vous soyez coupable. Ou si vous êtes coupable, je crois alors qu'il faut prévoir un processus permettant de vous déclarer coupable.
Le sénateur Milne : Selon moi, si ces gens ne sont pas criminellement responsables, ils sont déjà déclarés coupables. Ce n'est que lorsqu'ils sont déclarés inaptes à subir leur procès qu'ils ne sont pas encore déclarés coupables.
M. Sullivan : Notre système reconnaît que ces gens ont commis l'acte, quel qu'il soit. Ils ne sont simplement pas responsables, car ils ne pouvaient pas mentalement avoir l'intention de commettre un crime. Lorsqu'on dit qu'un crime a été commis, telle ou telle personne l'a commis, mais n'en est pas responsable et pourtant, nous pouvons affirmer que quelqu'un a été blessé et se retrouve victime de ce crime. C'est un défi, mais dans notre système, dans un certain sens, nous déclarons des gens coupables. Ce qui change, c'est simplement la façon dont nous les traitons par la suite.
Le sénateur Milne : S'ils sont déclarés inaptes à subir un procès, ils ne sont jamais déclarés coupables.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Sullivan, vous avez fait mention de deux points relatifs à cette mesure législative, l'abrogation des dispositions sur la durée maximale et la déclaration de la victime. Vous êtes d'accord avec le projet de loi à cet égard. Je présume donc que vous appuyez cette mesure législative dans son ensemble.
M. Sullivan : Je ne connais pas suffisamment les rouages du système pour former une opinion au sujet de la disposition. J'appuie le projet de loi de manière générale.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous poser une question au sujet de votre organisme, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Vous dites que c'est un organisme à but non lucratif situé à Ottawa. Vous offrez des services aux gens à l'échelle du pays, vous informez les victimes de leurs droits, et cetera. Par exemple, quels services offrez-vous aux gens de l'Île-du-Prince-Édouard? Avez-vous du personnel qui se rend là-bas?
M. Sullivan : C'est ce que j'aimerais. Malheureusement, notre organisme est très petit. Nous avons deux personnes dans notre bureau plus quelques bénévoles, en général des étudiants qui font un stage. Nous sommes restreints pour ce qui est du nombre de services que nous pouvons offrir directement. Beaucoup de nos services sont offerts au téléphone. Comme nous sommes un organisme si petit, nous n'avons pas de budget qui permette de faire la publicité de nos services, mais les victimes qui nous contactent sont en général des gens qui ont eu un problème vis-à-vis le système. Quelque chose se passe ou s'est passé dans leur vie. Nous pouvons souvent les informer de leurs droits à distance. Par exemple, si c'est la Couronne qui ne répond pas aux appels, nous pouvons essayer d'intervenir. Nous sommes limités dans ce que nous pouvons faire. Je ne prétends pas que nous répondons à tous les besoins de toutes les victimes de crimes dans notre pays. Nous sommes en réseau avec les services à l'intention des victimes qui sont financés par les provinces. Nous pouvons également établir et créer de telles relations.
Le sénateur Callbeck : Vous recevez des appels téléphoniques de victimes dans les Maritimes?
M. Sullivan : Oui.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais revenir à la déclaration de la victime. Je suis plutôt d'accord avec la participation de la victime. Le problème, c'est que nous sommes arrivés à une définition de ce que sont les déclarations de la victime au sens criminel du terme pour l'appliquer au domaine de la santé mentale. N'aurait-il pas mieux valu envisager d'autres mots pour que la victime puisse faire partie du processus, pour ne plus avoir à se demander si la personne est accusée, condamnée ou non criminellement responsable? En d'autres termes, si ces gens ne sont pas criminellement responsables ou sont déclarés inaptes à subir leur procès, il est évident que la personne qui a fait l'objet de certains actes —- la victime —- devrait connaître le processus, avoir l'impression d'un certain sens de justice et pourrait participer au traitement de cette personne.
Le problème découle en partie du fait que nous reprenons la même expression, empruntée au droit criminel; ne faudrait-il pas envisager de la modifier afin de prévoir une relation qui ne soit pas fondée sur la criminalité mais sur la responsabilité? Même si ces gens sont déclarés inaptes, ils ont toujours d'autres droits et responsabilités en tant que citoyens canadiens. Ne devrions-nous pas le prévoir dans ce genre de terminologie?
M. Sullivan : Je n'ai jamais envisagé la question sous cet angle, mais votre proposition est intéressante. Je ne suis pas sûr des mots qu'il faudrait employer. Je pense qu'il est toujours bon de conserver l'expression « déclaration de la victime », car elle est bien connue et tout le monde la comprend, les victimes y compris. Certainement, il serait bon d'avoir une expression plus pertinente pour atteindre le même objectif —- c'est-à-dire faire en sorte que les victimes sentent qu'elles font partie du processus et le comprennent —-, qui tienne également compte des difficultés relatives au fait que cette personne n'a pas été déclarée criminellement responsable, n'a pas été déclarée coupable. Je n'y ai jamais pensé, si bien que je ne sais pas ce que l'on pourrait proposer. C'est une proposition intéressante et je ne m'y opposerais pas dans la mesure où l'on trouverait les mots qui conviennent.
Le sénateur Andreychuk : Je suis désolée d'être arrivée en retard, mais j'avais d'autres engagements.
Dans le cadre de votre travail, avez-vous jamais trouvé que la participation de la victime au processus ait porté préjudice à la victime ou à la personne déclarée atteinte de troubles mentaux?
M. Sullivan : Pour être honnête, nous ne nous sommes pas occupé de tant de victimes qui seraient allées aux audiences de la commission d'examen et auraient fait des déclarations de la victime. Ce n'est pas chose courante, en partie parce que certaines des victimes qui nous ont contactés n'ont appris qu'après coup qu'il y avait une audience. La plainte la plus courante est la suivante : « Je ne le savais pas et je n'ai pas pu y participer. »
Je n'ai pas d'expérience personnelle de cas où la participation de la victime aurait été préjudiciable pour elle ou pour la personne déclarée NCR et dont on envisage la libération éventuelle. J'imagine que certains ont peut-être des histoires à raconter, mais nous n'avons certainement pas eu suffisamment d'exemples de victimes qui auraient participé à ces audiences pour tirer quelque conclusion que ce soit.
C'est un problème pertinent. Je crois que la mesure législative accorde à la commission d'examen la discrétion d'accepter des déclarations, sauf si elle a une bonne raison de le refuser. Si la victime est hostile ou si la déclaration de la victime est susceptible de causer des problèmes au niveau de la dynamique de l'audience, je crois que la commission d'examen peut refuser, tout comme les juges au tribunal. Je pense qu'il est possible de protéger les deux parties si, dans certains cas rares, un problème risque de se poser.
Le sénateur Andreychuk : Vous dites que certains des gens dont vous vous occupez vous révèlent qu'ils n'étaient pas au courant et qu'ils ne l'ont appris qu'après coup. Pensez-vous que cette nouvelle loi pourra résoudre ce problème?
M. Sullivan : Je crois que cela aidera. L'administration de cet aspect relève en grande partie de la province. Nous cherchons à faire avancer ce dossier depuis un bon bout de temps parce que cette partie du processus actuel de prestation de services aux victimes ne fait dans une large mesure pas partie du mandat des provinces, de sorte que les victimes se retrouvent le bec à l'eau. J'espère que, grâce à cette loi, les services offerts aux victimes incluront cette composante, qui est déjà comprise dans les services offerts par le bureau de la Couronne. Je crois que la loi aidera à cet égard.
Par contre, je ne crois pas que le nombre de victimes qui assistent aux audiences des commissions d'examen va augmenter sensiblement. Nous prônons essentiellement de donner le choix à la victime, qu'elle sache qu'elle peut y assister si elle le souhaite. Elle peut faire une déclaration par écrit ou simplement s'y rendre et observer. Beaucoup de victimes assistent aux audiences de libération conditionnelle parce qu'elles souhaitent entendre ce qu'a à dire le transgresseur au sujet de l'acte qu'il a commis. C'est en réalité une question de choix, et je crois que la loi à l'étude sera utile à cet égard.
Le sénateur Andreychuk : Les victimes sont-elles plus nombreuses à avoir connu le transgresseur avant la commission de l'acte? En d'autres mots, était-il un membre de la famille, un ami ou un voisin, ou est-ce un parfait étranger?
M. Sullivan : Dans les dossiers auxquels nous avons travaillé, c'était jusqu'à un certain point une connaissance. En règle générale, c'était quelqu'un qui avait soit travaillé avec la personne ou qui était son voisin. Il existe un lien quelconque. Je ne connais pas de cas où il s'agissait d'un parfait étranger. Il existait habituellement un lien auparavant. Quand les détenus sont libérés, souvent ils reviendront vivre au sein de la même collectivité. C'est pourquoi il importe tant qu'on comprenne pourquoi ces personnes pourraient être libérées, pour qu'on en ait moins peur. Les victimes sont avisées à l'avance pour éviter qu'elles ne se retrouvent face à face avec leur agresseur à l'épicerie du coin.
Le sénateur Joyal : Quand l'accusé est une personne ayant une déficience mentale, j'ai toujours de la difficulté à voir, d'une part, une partie accusée ou criminellement responsable et, d'autre part, une victime. J'estime que les deux sont des victimes. Il y a deux victimes. Nous avons tous la chance d'être en bonne santé. Or, la réalité visée par le projet de loi à l'étude, c'est qu'il y a bien sûr la victime d'un crime, mais également une autre victime, soit la personne qui n'a pas la capacité mentale soit de subir son procès, soit d'être tenue criminellement responsable de ses actes. Pour ma part, j'ai beaucoup de difficulté à concilier le processus de guérison de la victime du crime et la responsabilité que nous devons assumer à l'égard de l'autre victime.
Hier, nous avons entendu M. Walter, président des commissions d'examen du Canada, qui est venu témoigner. Nous lui avons demandé de nous dresser le profil du transgresseur, de l'objet moyen de vos préoccupations. Le profil qu'il nous a fourni m'a convaincu que le transgresseur est aussi la plupart du temps une victime, dès la tendre enfance comme le sait bien le sénateur Pearson. Il est très difficile de pousser le raisonnement plus loin et de voir des analogies avec le contexte dont vous nous parlez, soit des audiences de libération conditionnelle.
Je suis d'accord avec vous pour dire que, lors d'une audience de libération conditionnelle, la situation est tout à fait différente. Il faut que la victime soit convaincue que justice a été rendue, qu'il y a un coupable reconnu comme tel et qu'avant que cette personne ne recouvre sa liberté, qu'elle se soit réhabilitée en se montrant repentante par rapport à la victime et peut-être même disposée à l'indemniser pour les dommages ou les torts causés.
Le cas que nous examinons ici se situe dans un contexte entièrement différent. Nous sommes aux prises avec deux victimes. La participation de la victime au processus est importante, comme vous l'avez dit, parce que cela fait partie de ce que j'appelle, pour reprendre une expression autochtone, le processus de guérison, mais comment tenir compte du fait que l'autre est également une victime et probablement dans un état pire que celui de l'agressé? Je ne sous-estime pas les dommages d'ordre moral et physique subis par la victime d'un crime commis par un déficient mental, au contraire. Par contre, il faut aussi tenir compte de la manière dont fonctionne le système pour bien refléter la réalité. Je suis convaincu que c'est ce là l'objectif de notre examen.
M. Sullivan : J'ai souvent mentionné la commission des libérations conditionnelles parce que je connais le point de vue des victimes qui ont assisté à des audiences de cette commission. Je crois que les avantages de cette façon de procéder sont analogues à ceux que retireraient les victimes susceptibles de vouloir assister aux audiences des commissions d'examen. Je comprends que les transgresseurs qui passent devant la commission des libérations conditionnelles et ceux qui passent devant une commission d'examen sont soumis à un processus différent, mais pour les victimes, l'utilité d'être présentes à l'audience de libération conditionnelle est d'entendre quel genre de programmes, de traitements et de changements a vécus le transgresseur de manière à ne pas être aussi craintives, quand il sera libéré. On observe le même phénomène aux audiences des commissions d'examen. Souvent, la seule chose que savent les victimes au sujet du transgresseur ou de la personne non criminellement responsable, c'est ce que cette personne leur a fait, l'acte de violence commis. Assister à une audience de la commission d'examen et entendre des experts et la personne elle-même parler des programmes et de la réhabilitation, à quel point le transgresseur a changé de sorte que, s'il est libéré, il n'est pas aux prises avec les mêmes problèmes qui pourraient entraîner plus de violence, est tout aussi avantageux pour les victimes.
Quant à ce que vous avez dit au sujet de personnes qui sont jugées non criminellement responsables, soit qu'elles sont souvent elles-mêmes des victimes, je ne crois pas que ce soit très différent des personnes qui se trouvent en prison. On pourrait soutenir qu'elles ont beaucoup souffert dans leur enfance ou leur jeunesse, ce qui a contribué au fait qu'elles se retrouvent en prison. Si l'on se fie aux données statistiques, le transgresseur moyen est un jeune homme de 15 à 24 ans. Ironiquement, la description de la majorité des victimes est la même. Il existe beaucoup de similitudes entre les victimes et les transgresseurs.
L'autre point que j'aimerais faire valoir, c'est que nous supposons toujours que, lorsqu'une victime souhaite participer, c'est parce qu'elle est opposée à la libération du détenu. J'ai assisté à des audiences de libération conditionnelle et j'ai travaillé à des dossiers de même qu'à des prononcés de sentence où les victimes ne souhaitaient pas que la personne aille en prison ou ne souhaitaient pas qu'on lui impose une lourde peine. Elles n'étaient pas opposées à la libération conditionnelle. Je peux concevoir que certaines victimes réagissent de la même façon à ces audiences. Nous supposons que, lorsque la victime souhaite faire une déclaration, elle va réclamer qu'on ne laisse pas sortir le détenu. Or, ce n'est tout simplement pas le cas. Ce sont les cas dont nous entendons souvent parler dans les médias, mais à vrai dire, les victimes ne sont pas toujours opposées à la libération.
Une des conséquences des audiences qui n'est peut-être pas voulue, et j'ignore s'il y a moyen d'intégrer cela au système, c'est que les victimes et, dans ce système, les personnes non criminellement responsables peuvent mieux se comprendre. Peut-être, si elles vivent dans la même collectivité, qu'il n'y aura pas de craintes ou de ressentiment. Je ne dis pas qu'elles se fréquenteront socialement, mais elles se comprendront mieux l'une l'autre. Après avoir assisté à des audiences de libération conditionnelle, et je m'excuse de continuer à faire cette analogie, où des victimes se sont présentées dans la salle terrifiées et sont parties, à la fin, rassurées quant à leur sécurité, je ne vois rien de différent ici.
Le sénateur Joyal : Comme l'a dit la présidente au début, la personne est déficiente mentale, souffre de schizophrénie ou d'une autre maladie mentale grave et, comme vous l'avez dit vous-même ainsi que d'autres témoins, un grand nombre de victimes d'actes criminels commis par ce genre de personnes sont des proches ou des voisins. S'il y a une personne mentalement déficiente dans mon entourage, je le sais. D'une façon ou d'une autre, on s'en rend compte. Pour moi, la première étape du processus de guérison de la victime est de l'aider à comprendre que la personne n'est pas responsable de ce qu'elle a fait.
Le plus grand objectif du système que met en place le projet de loi C-10 est de protéger la société contre le risque représenté par cette personne. Tout le processus devrait viser à préserver la capacité d'évaluer le risque. Je crois que la victime peut en faire partie, mais sans plus, non pas, comme vous l'avez dit vous-même, dans le but de punir, de se venger ou d'obtenir réparation au point, en fait, de perdre de vue qu'on est aux prises avec un membre de la société qui n'est pas responsable de ses actes et qui ne peut en être tenu responsable. La seule chose à mesurer, c'est le niveau de risque que cette personne représente pour la société. Ce n'est pas de savoir si on peut la libérer. Cela n'a rien à voir avec la libération conditionnelle. Il s'agit d'un contexte juridique tout à fait différent des libérations conditionnelles. Je vous fais entièrement confiance pour ce que vous avez dit au sujet des libérations conditionnelles, et j'appuie ces propos, mais dans le contexte d'une personne qui a une déficience mentale, ce n'est pas pareil.
M. Sullivan : En réalité, la plupart des actes violents commis par les personnes jugées coupables sont commis contre une personne qu'elles connaissent. Ce n'est donc pas très différent dans ce contexte.
Quant à savoir comment cette disposition s'appliquera dans les faits, je suppose que la victime est un membre de la famille, qu'elle est peut-être au courant des problèmes, du trouble mental, de sorte qu'elle va peut-être appuyer la personne et avoir une motivation différente. Si c'est un voisin, par exemple, il pourrait être important de se présenter à l'audience pour entendre parler de schizophrénie et comprendre cette maladie. Il y a donc là une certaine utilité.
Nul ne devrait commettre l'erreur de croire que la possibilité que la victime participe au processus revient à lui en donner le contrôle. Se présenter à l'audience et écouter ce qui se dit en plus de fournir des renseignements qui pourraient avoir un rapport avec la décision que prendra la commission, voilà le rôle ultime qui lui revient. Ni notre organisme, ni les autres groupes de défense des intérêts des victimes que je connais réclament un plus grand rôle pour les victimes. Leur rôle devrait se borner à suppléer à l'information dont doit tenir compte la commission. Parfois, quand la victime s'aventure à parler de punition, les commissaires vont lui répondre que ce n'est pas pertinent. La commission a le pouvoir discrétionnaire de juger de cette information. Le fait de donner à la victime la possibilité de participer au processus est important, et l'information qu'elle fournit est évaluée par la commission comme tous les autres renseignements dont elle dispose.
Vous avez raison. Le but du processus est d'évaluer le risque et de voir s'il y a moyen de gérer la personne.
Le sénateur Andreychuk : J'ai une question supplémentaire. Le sénateur Joyal a parlé de maladie mentale. Parfois, on connaît bien la maladie dont souffre la personne, et elle en manifeste tous les symptômes. D'autres cas sont plus flous, selon le traitement ou sa durée, ou encore sous l'effet d'autres facteurs.
Quand vous traitez de la question, constatez-vous qu'une partie du problème vient de la difficulté à déterminer l'état de maladie mentale de la personne? Ou ces maladies sont-elles si bien connues que tous les psychiatres qui ont rencontré cette personne s'entendent sur son problème? Avez-vous constaté que les opinions variaient selon les experts?
M. Sullivan : Je ne suis pas sûr d'avoir suffisamment d'expérience pour vraiment répondre à cette question, sauf pour dire que, lorsque les personnes se retrouvent devant les tribunaux et franchissent peut-être les étapes pour être déclarées NCR, les opinions quant à savoir si quelqu'un répond à ces critères sont divergentes. Il existe parfois des zones grises au sujet desquelles il est difficile de se prononcer.
Je sais qu'une des préoccupations des victimes est souvent que la personne n'abuse du système, ne prétende être schizophrène par exemple. Il existe des personnes qui croient qu'elle profite du système. Je crois que leur présence à des audiences de la commission d'examen serait peut-être très instructive. Il n'est pas facile de subir ce processus et de se faire reconnaître comme étant schizophrène. Cependant, mon expérience n'est pas suffisante pour me permettre d'en juger concrètement.
Le sénateur Andreychuk : Je me souviens de cas auxquels j'ai eu affaire et où on était incapables d'établir le diagnostic final et de le faire confirmer par les experts. Ceux qui vivaient avec cette personne, qui avaient subi des préjudices de sa part, fournissaient des faits intéressants qui aidaient à établir le diagnostic. J'ignore si vous avez déjà vécu cette expérience.
M. Sullivan : Dans un sens très général, j'ai fait valoir tout à l'heure que les victimes disposent souvent d'information qui ne se trouve pas dans les rapports de police, dans les dossiers et les rapports psychiatriques. Du fait qu'elles vivent avec cette personne ou qu'elles ont vécu avec elle pendant plusieurs années, elles peuvent décrire des faits qui ne seraient pas connus autrement et qui pourraient aider à décider du traitement.
Le sénateur Milne : Je crois vous avoir entendu dire que, d'après l'expérience vécue en cour avec les victimes, leurs déclarations n'ont jamais eu d'influence sur l'issue de l'audience de libération conditionnelle.
M. Sullivan : Ce que j'ai dit, c'est que j'ai assisté à des audiences de libération conditionnelle avec des victimes et que je ne crois pas que leurs déclarations aient influé sur la décision, dans un sens comme dans l'autre.
Le sénateur Milne : Cela doit être très frustrant.
M. Sullivan : Je ne sais pas. Les victimes qui assistent aux audiences de libération conditionnelle apprennent toutes sortes de choses. Les dossiers peuvent être très volumineux. Elles prennent connaissance de tous les renseignements de divers ordres fournis par les psychiatres et des membres de la collectivité, par les agents de libération conditionnelle. Pour certaines victimes qui sont opposées à la libération conditionnelle, une décision contraire peut assurément être frustrante.
Nous savons qu'en ce qui concerne les déclarations des victimes lors du prononcé de la sentence, rien ne prouve qu'elles ont vraiment une influence sur la lourdeur de la peine.
Le sénateur Milne : A-t-on effectué des études à cet égard pour savoir si une participation de la victime à l'audience a aidé ou nui à celle-ci ou à l'accusé, la personne déclarée coupable ou NCR? Les faits anecdotiques prouvent-ils qu'on aide vraiment ainsi les victimes? Selon moi, si une victime se présentait pour faire une déclaration dix ans après le fait, ce serait un peu comme enfoncer le couteau dans une blessure en train de cicatriser. Sa présence pourrait être beaucoup plus nuisible qu'utile.
M. Sullivan : Des recherches ont porté sur l'impression qu'ont les victimes du système lorsqu'elles font une déclaration durant l'audience visant à prononcer la sentence. Détail intéressant, le fait de savoir que leur déclaration a eu un impact ou n'en a pas eu n'est pas déterminant. Pour les victimes, le plus important, c'est que le juge, dans sa décision, reconnaisse que la victime a fait une déclaration. Cela a beaucoup d'impact sur les victimes.
Souvent aussi, la façon dont elles sont traitées tout au long du processus — on leur a fourni l'information, elles ont pu prendre part au processus et faire une déclaration — a une influence sur les victimes. Même si leur déclaration n'a pas influencé le prononcé de la sentence ou ne semble pas l'avoir fait, le simple fait d'avoir été intégrées au processus et d'avoir été informées est bénéfique.
Un fait curieux que je puis vous confirmer, puisque j'ai assisté à des audiences de libération conditionnelle, est le fait que les victimes se rendent à l'audience et font une déclaration en ignorant tout des dix dernières années de vie du transgresseur. Leur déclaration gravite donc autour de ce qu'il a fait à l'époque. Or, il a peut-être changé depuis lors. Ce qui est souvent frustrant pour les victimes, c'est que si elles avaient su tout cela au départ, elles auraient fait une déclaration différente.
Toutefois, mon expérience anecdotique tirée de ma présence à des audiences où les victimes font des déclarations me fait dire que, même si elles ne sont pas d'accord avec la décision rendue, elles apprécient à sa juste valeur le fait d'avoir pu donner leur avis et comprendre comment se prennent les décisions.
Un des plus grands bienfaits est d'entendre pour la première fois le transgresseur parler de ce qu'il a fait. Lors des transactions en matière pénale, l'accusé ne témoigne pas. Pour la première fois, elles entendent le transgresseur parler de ce qu'il a fait. C'est incroyablement important pour la guérison.
Le sénateur Milne : Alors aucune étude, vraiment, n'a été faite sur cet aspect? Est-ce qu'il y en a eues qui portaient sur la personne qui n'est pas directement la victime mais l'autre victime?
M. Sullivan : Il n'y a pas eu d'études sur ce processus en particulier, parce qu'il n'y a tout simplement pas eu beaucoup de résumés d'impact qui ont été présentés à ces audiences. Je ne suis au courant d'aucune étude au sujet de l'impact sur les contrevenants au stade de la condamnation ou de la libération sur parole, ou sur les personnes qui ne sont pas tenues criminellement responsables jusqu'à maintenant. Je ne pense pas qu'il en existe.
Le sénateur Joyal : Hier, nous avons entendu M. Walter, le président de Review Boards Canada. Il n'y a pas eu de possibilités après qu'il ait décrit un profil du genre de personnes avec lesquelles le comité d'examen a affaire — je les appellerais les autres victimes, non pas du système, mais de la nature, jusqu'à un certain point.
Avez-vous, dans votre expérience, eu affaire à des Autochtones?
M. Sullivan : Pas pour ce processus, non. Nous avons traité avec des Autochtones dans le passé, relativement à d'autres aspects du système.
Le sénateur Joyal : Mais pas dans ce contexte?
M. Sullivan : Non.
Le sénateur Joyal : Avec la commission de la libération conditionnelle dans le contexte de votre expérience à d'autres niveaux, avez-vous traité avec des Autochtones?
M. Sullivan : Nous avons travaillé avec des Autochtones relativement à des questions de libération conditionnelle, surtout pour les aider à se renseigner sur le processus, sur leurs droits et sur la façon dont ils peuvent les exercer. Il y en a eus qui étaient bouleversés par une condamnation particulière — la condamnation avec sursis; et nous avons aussi travaillé avec eux au sujet des demandes d'indemnisation, pour les aider à obtenir les formulaires et à passer par tout le processus.
Le sénateur Joyal : Est-ce que vous avez l'impression que le système est aussi efficace pour eux que pour les non- Autochtones?
M. Sullivan : Pour les victimes? Je ne suis pas sûr que le système fasse tellement pour la plupart des victimes. Nous travaillons avec des victimes de la Roumanie et de divers autres pays. Je ne suis pas sûr que le système soit vraiment efficace pour la plupart des victimes.
Souvent, l'isolement des réserves en soi présente un défi particulier pour les services existants aux victimes — certaines des collectivités autochtones ne reçoivent pas certains services qui existent dans les plus grandes villes. C'est un problème. Certainement, il y a des régions de la Saskatchewan où on met l'accent sur les besoins particuliers des victimes autochtones. D'autres services sont d'ordre plus général. Ils ont une liste de services. Si les victimes autochtones en ont besoin, nous pouvons les rencontrer. Il n'y a pas d'accent qui soit mis sur la culture ou les types différents de besoins.
Non, le système ne traite pas des Autochtones aussi bien qu'il le devrait. Il ne traite pas non plus les autres victimes aussi bien qu'il le devrait. Les services existants dans les provinces ciblent surtout les centres d'intervention contre la violence familiale et l'agression sexuelle. Il y a un élément de sécurité qui n'existe pas forcément dans d'autres situations. Ce sont eux qui obtiennent la plus grande partie du financement des provinces. Les autres victimes s'insèrent où elles peuvent.
Le sénateur Joyal : On dirait que c'est une initiative bénévole.
M. Sullivan : Tout à fait.
Le sénateur Joyal : À ce que j'ai compris de nos témoins, c'est que cela n'existe pas, en tant que tel, en un système. Ce n'est pas partie intégrante de l'administration de la justice. C'est laissé à l'initiative bénévole de groupes de citoyens. Nous avons entendu parler de M. Boisvenue. Je pense que c'est le sénateur Rivest qui en a parlé hier, au Québec. Je ne connais pas la situation aussi bien que celle d'autres provinces, mais je n'y vois pas une composante essentielle de l'administration de la justice au Canada qui soit reconnue, en tant que telle, dans le système et financé en conséquence, comme partie intégrante du système.
M. Sullivan : Bien des services qui existent au niveau de la police et de l'État son axés sur les victimes qui témoigneront aux procès. Les services ont été créés à l'origine surtout pour aider l'État à amener les victimes à témoigner. L'objectif réel est de s'assurer que les victimes sachent les dates auxquelles sont fixés les procès, d'offrir des services d'accompagnement et d'orientation en vue du procès, et de les aider si elles doivent témoigner. En un sens, le système se concentre sur son obligation de poursuivre les personnes accusées.
Pour ce qui est de votre commentaire sur le financement, Statistique Canada a fait une étude qui a été publiée en décembre. Je ne connais pas les chiffres exacts. En 2003, 8 millions de dollars ont été dépensés sur l'aide aux victimes cette année-là. Beaucoup de travail est fait par des bénévoles.
Le sénateur Milne : Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si des études ont été faites sur les cercles de guérison qui sont maintenant intégrés à notre système juridique, et si on y a constaté quelque avantage pour les victimes et les accusés?
M. Sullivan : Je ne pourrais pas vous nommer d'études, bien que je sois sûr qu'il y en a eues. Il existe un programme, dont je peux parler, qui se fait ici, à Ottawa, et c'est le seul du genre au Canada. Il ne pourrait pas nécessairement être appliqué à ce scénario, mais les principes sont importants. C'est le projet de justice coopérative. Il est appliqué ici, au tribunal à Ottawa, et il s'adresse aux gens qui ont admis leur culpabilité mais n'ont pas été condamnés. Il est fondé sur la justice. Les victimes ont la possibilité de rencontrer l'agresseur — qui a admis sa responsabilité — et ils peuvent se rencontrer ou échanger des lettres, et parvenir à une entente sur la détermination de la peine. Je connais certains cas où les victimes ont dit « Je voudrais que vous établissiez un fonds d'études pour notre fille ». Ce n'est pas toujours une question de rétribution. Les victimes veulent que le contrevenant devienne une meilleure personne et ne recommence pas. C'est pour les infractions graves. Il s'agit de voies de fait graves, de vols à main armée, de conduite en état d'ébriété causant des lésions corporelles. Cela ne peut pas se faire dans les cas de violence familiale en raison des particularités de ces cas. Si les deux parties peuvent s'entendre, cette entente peut être signalée au juge avant que la peine soit imposée. Ce projet a été financé conjointement par le Service correctionnel et la province, et les évaluations ont été extrêmement positives des deux côtés, que ce soit celui des délinquants ou des victimes. C'est souvent dans ce genre de rencontres, qui peuvent avoir lieu dans le cadre des audiences de libération conditionnelle ou de la Commission de révision, bien que pas directement parce qu'il ne peut y avoir d'interaction entre les gens, que les victimes posent des questions sur les raisons de ce qui est arrivé, et si les contrevenant vont recommencer. Le fait d'entendre une personne dire « Non, vous avez été choisi au hasard » ou « J'avais seulement besoin d'argent pour m'acheter de la drogue ce soir-là et vous étiez là », c'est le genre de choses qui fait un bien incroyable aux victimes. C'est le genre d'information que le système ne transmets pas généralement aux victimes.
Le sénateur Joyal : La réponse de M. Sullivan est très importante. Hier, au moment de l'ajournement, nous avons convenu d'entendre le témoignage du représentant provincial-territorial. C'est lié à l'administration de la justice, et devrait faire partie de la discussion. Je vous en remercie.
Le sénateur Andreychuk : Le sénateur Milne a posé des questions sur les études. Je sais qu'il y en a qui ont été faites en Saskatchewan. Je ne sais pas si elles peuvent être utiles à notre démarche.
Le sénateur Milne : C'est un élément d'intérêt dans l'étude de ce projet de loi.
Le sénateur Cools : Je tiens à remercier M. Sullivan d'être venu nous voir. Toutes sortes de pensées se bousculent dans mon esprit. Dans le projet de loi que nous étudions, la plupart des victimes ne sont pas seulement des connaissances de l'accusé, elles y sont très souvent liées par des liens très intimes, comme des parents proches. De par la nature de certaines de ces infractions, il y a un élément assez commun, du genre de 500 coups de poignard, ce genre de choses.
Parmi les victimes avec lesquelles vous travaillez, quel pourcentage ne veulent pas aller à ces audiences et faire ce genre de déclaration? Je parlais à quelqu'un il y a tout juste deux semaines, qui assistait à l'une de ces audiences. Je ne dirai pas laquelle. Cela a été très médiatisé. Au bout du compte, elle a regretté d'y avoir assisté et d'avoir entendu le moindre détail sanglant de chaque instant. Elle regrettait d'avoir écouté le conseil qui lui avait été donné d'y assister.
Il y a quelques années, nous avons entendu, à propos d'un projet de loi différent, Debra Mahaffy, la mère de la jeune Leslie qui a été l'une des victimes du couple Homolka-Bernardo. Pendant l'audience, on entendait le bruit d'une scie qui tournait quelque part. Un menuisier travaillait, pas loin, et Debra Mahaffy s'est carrément effondrée, sous nos yeux. Je ne connaissais pas les détails du dossier. Leslie Mahaffy avait été démembré à la scie, et Mme Mahaffy vit toujours la hantise qu'elle était peut-être encore vivante quand cela s'est fait.
Ce que vivent ces gens est tellement indicible que je me demande quel pourcentage d'entre eux ne veulent même pas songer à ce processus. Ils veulent savoir quand la personne sera libérée, ou certaines petites choses. Bien des gens à qui j'ai parlé ne veulent rien savoir de ce processus détaillé.
J'ai fait beaucoup de travail dans ce domaine, bien que ce ne soit pas récemment. Pour beaucoup de ces gens, il leur faudra toute une vie pour se remettre, si toutefois ils peuvent s'en remettre. Peut-être pourriez-vous me dire qui veut faire de genre de choses, et qui ne le veut pas?
M. Sullivan : Je ne sais pas si je peux vous donner des chiffres. Je ne peux que vous dire que les besoins des victimes ne sont pas universels. Ils sont aussi variés que dans tout autre groupe de personnes.
Je regrette de toujours en revenir au système de libération conditionnelle, mais comme il n'y a pas de service, c'est une chose qui se fait beaucoup. Nous agissons souvent comme agent de la victime, et quand nous sommes informés par la commission des libérations conditionnelles que le délinquant est libéré, nous transmettons le renseignement. Pour certains, c'est tout ce qu'ils veulent savoir. D'autres préfèrent ne pas assister à l'audience de libération conditionnelle, mais nous demande de les y représenter. Nous ne pouvons pas intervenir, mais nous pouvons leur en faire un rapport. J'ai assisté à certaines audiences auxquelles je suis heureux que ces gens-là ne soient pas allés, parce que les crimes étaient particulièrement violents.
Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à une audience de libération conditionnelle. Ce n'est pas, comme certaines personnes le pensent, quelque chose d'automatique. Il peut y avoir des questions assez difficiles et détaillées.
Je n'ai jamais assisté avec une victime à une audience où elle ait regretté d'être allée. C'est en partie parce que nous avons l'expérience, nous pouvons dire à la victime les pour et les contres pour ce qui est d'y assister. On peut entendre des récits assez détaillés, si c'est abordé, et on peut entendre aussi parler des avantages de la libération. L'un des problèmes, c'est que, comme le révèlent les statistiques, le pourcentage de victimes qui assistent aux audiences de libération conditionnelle est assez mince. Je ne suis pas sûr que nous arrivions bien à faire comprendre aux victimes qu'elles ont le droit d'y assister. Il n'y a pas de fonds pour payer les frais du voyage des victimes souhaitant assister aux audiences. Si le budget est adopté, il y en aura. Ce n'est pas toujours le choix des victimes. Il y a d'autres victimes à qui nous avons parlé qui ne veulent rien savoir de l'agresseur. Cela ne les concerne pas. Je ne peux pas donner de ventilation des statistiques. Je pourrais vérifier nos dossiers et vous en donner une idée.
Le sénateur Cools : Dans ce cas-ci, dans le projet de loi qui nous étudions, la plupart des victimes seront des proches, alors les réactions et les situations seraient différentes de l'un à l'autre. Les victimes dont il s'agit ici seraient tout à fait différentes d'une victime qui est tout à fait étrangère au contrevenant et à qui est arrivée une tragédie.
Vous avez assisté aux audiences de la commission des libérations conditionnelles, mais vous n'avez jamais été à une audience, disons, à Penetanguishene, ou à un de ces autres établissements?
M. Sullivan : Généralement, d'après notre expérience, les victimes qui ont communiqué avec nous dans ce contexte n'avaient pas été avisées de la tenue d'une audience, alors elles n'avaient pas pu y assister. Le problème, c'est qu'elles n'avaient pas été avisées, et non pas qu'elles aient voulu ou non y assister. Puisqu'il n'existe pas de procédure pour offrir ce choix à la victime pour l'instant, il est difficile de déterminer combien y assisteraient et combien y renonceraient.
Le sénateur Cools : Je ne sais pas si on pourra vraiment jamais le savoir, mais c'est une énorme tragédie que de voir les membres d'une famille s'efforcer de continuer de s'appuyer les uns sur les autres quand l'un d'eux a commis ce genre d'actes.
M. Sullivan : À ce propos, et là encore je reconnais que c'est différent, mais actuellement, je travaille avec des parents dont la fille a été assassinée par leur fils. Il est actuellement incarcéré. Ce serait semblable dans ce genre de situation. La dynamique est tellement complexe.
Le sénateur Cools : Avez-vous eu des cas où l'assaillant, l'agresseur, par exemple, était très jeune, avait disons onze ans, ou quelque chose du genre?
M. Sullivan : J'ai lu des textes à leur sujet. Nous n'avons jamais participé directement à une affaire où le contrevenant était aussi jeune.
Le sénateur Cools : Madame le président, ce témoin a fait ressortir le lamentable manque de recherche et d'information à notre disposition. Je saisis cette occasion pour faire remarquer encore une fois au comité que tout ce phénomène de l'administration de la justice pénale au pays n'a pas fait l'objet d'études appropriées par notre comité sénatorial, ou un autre, depuis bien longtemps. Que ce soit le système de libération conditionnelle et de remise de peine ou le système de clémence, celui des transactions pénales, les pénitenciers, j'incite vivement ce comité à envisager d'entreprendre l'une de ces études approfondies.
Il y a des années, nous avions un sénateur qui s'intéressait vivement aux pénitenciers et aux détenus. Parce que le sénateur Hasting s'y intéressait, les audiences du comité étaient plus intéressantes parce qu'il mettait toujours ces questions sur le tapis. Chacune de ces questions est vaste. Nous devrions vraiment faire un effort pour les examiner.
Bien des victimes oublient souvent que, dans des audiences de commissions de libération conditionnelle, ce n'est pas une question d'innocence ou de culpabilité. Les détenus se retrouvent devant la commission parce qu'ils ont été déclarés coupables et qu'ils purgent une peine. Ce que la commission essaie de déterminer, c'est si le détenu a suffisamment changé pour pouvoir fonctionner dans la société, et si oui ou non sa libération pourrait présenter un risque pour lui ou pour la société. Ce n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire. Ces audiences de commission de libération conditionnelle ont acquis une ampleur qu'elles n'ont jamais eue.
J'incite vivement le comité à faire un examen sérieux de ce genre d'enjeu, en particulier, dont parle ce témoin. Qu'arrive-t-il avec la commission des libérations conditionnelles? En outre, ces organisations, au plan administratif, ont pris une envergure énorme. Ce qui a commencé comme une commission de libération conditionnelle avec un petit effectif a maintenant je ne sais quelle envergure, parce que c'est la nature de la bureaucratie. Elle croît et n'arrête pas de croître. J'aimerais beaucoup appuyer des études sur la question, et aussi sur les installations où vivent ces détenus, et même sur la classification du niveau de danger.
Dans le projet de loi en question, c'est probablement le groupe le moins étudié de tous. Je ne suis pas sûr que l'expression « trouble mental » soit très claire. Cela me pose un grand problème, parce qu'on pourrait dire que tout le monde souffre d'un trouble mental ou d'un autre. Dans la langue ancienne, elle n'a jamais prétendu être une expression psychiatrique. L'aliénation mentale était un terme juridique. Il n'y a jamais eu de diagnostic, en clinique médicale, de l'aliénation mentale. Je m'inquiète beaucoup de l'orientation que la loi a prise, mais c'est une autre question.
Le président : Nous avons pris note de vos préoccupations.
Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, nous savons combien il est important que les députés fassent ce genre d'études sérieuses, aillent dans les établissements et reçoivent un compte rendu exhaustif de ce qui se passe, et qu'ils examinent le processus en profondeur. C'est très important.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Sullivan. Vous avez été très patient avec nous, et vos réponses ont été très utiles pour tout le monde aujourd'hui, de même que votre expérience.
Sénateurs, nous communiquons en ce moment avec le représentant du groupe de travail fédéral/provincial/ territorial, ainsi que le Barreau du Québec, pour mercredi. Il se peut que la réunion de mercredi soit assez longue. Nous essayons de convoquer pour le lendemain des représentants du ministère ou le ministre responsable.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que nous allons faire un examen article par article la semaine prochaine?
Le président : Non. Nous devons d'abord entendre d'autres témoins. Merci beaucoup, sénateurs.
La séance est levée.