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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 17 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale, se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-13, visant à modifier le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Nous avons aussi comme témoins l'honorable Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile; et du ministère de la Justice, M. Michael Zigayer, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, et M. Stanley Cohen, avocat général principal, Section des droits de la personne.

Bienvenue à tous les membres du comité. Nous entendrons le ministre en premier.

[Français]

M. Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Madame la présidente, il me fait plaisir aujourd'hui de discuter du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale. Le projet de loi améliorera considérablement la sécurité des Canadiennes et des Canadiens en élargissant sensiblement la portée des mesures législatives ayant trait aux empreintes génétiques.

[Traduction]

J'ajoute, au sujet des données statistiques, qu'à la fin de novembre 2004, des pistes d'enquête fournies par la Banque nationale de données génétiques ont été utiles dans plus de 2 400 enquêtes criminelles, dont 173 meurtres, 414 agressions sexuelles, 57 tentatives de meurtre et 333 vols à main armée. En bref, en quatre ans et demi d'existence, la Banque nationale de données génétiques a contribué sensiblement à rendre le Canada plus sûr.

Je signale, car on ne s'en rend pas toujours compte, que le projet de loi non seulement renforce la sécurité des Canadiens en étendant considérablement la portée de la législation sur l'ADN, mais aide aussi à exonérer les personnes condamnées à tort. Comme je l'ai appris dans le cadre de mon propre travail relativement aux demandes de contrôle judiciaire émanant de personnes déclarées coupables à tort, les éléments de preuve provenant de l'analyse de l'ADN ont joué un rôle important dans la détermination qu'une erreur judiciaire avait probablement été commise.

Récemment, dans l'affaire de James Driskell, à Winnipeg (Manitoba), reconnu coupable de meurtre en 1990, j'ai été en mesure de déterminer qu'une erreur judiciaire avait probablement été commise dans cette affaire; j'ai donc cassé la condamnation et ordonné un nouveau procès parce que la preuve fondée sur l'analyse de l'ADN a permis de démontrer en 2002, soit 12 ans après la condamnation initiale, que la preuve médico-légale établissant un lien entre la victime et l'accusé était erronée. Comme on peut le voir, l'ADN est également un atout précieux pour exonérer les innocents.

La législation canadienne régissant la banque de données génétiques a été adoptée en décembre 1998 et est entrée en vigueur le 30 juin 2000. La loi a été validée par les tribunaux et la banque de données génétiques a résisté à des dizaines de contestations constitutionnelles au niveau des tribunaux de première instance et des cours d'appel un peu partout au Canada.

[Français]

Le gouvernement propose dans le projet de loi C-13 une série de modifications aux mesures législatives sur la banque nationale de données génétiques parce qu'à notre avis, il est nécessaire de répondre à plusieurs questions urgentes cernées par les procureurs généraux des provinces et par le commissaire de la GRC, qui est chargé de gérer la banque nationale de données génétiques sise à Ottawa.

Le projet de loi C-13 ne répond pas à toutes les inquiétudes susceptibles d'avoir été soulevées concernant les empreintes génétiques comme outil d'enquête. Nous aurons l'occasion d'envisager des réformes plus générales au cours de l'examen parlementaire de l'ensemble du régime applicable aux empreintes génétiques, lequel devrait avoir lieu plus tard en 2005.

[Traduction]

Je suis heureux d'être accompagné de mes collaborateurs, nommément Michael Zigayer, qui est avocat-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal, et Stanley Cohen, avocat général principal à la section des droits de la personne, qui possèdent tous deux l'expérience nécessaire et l'expertise voulue pour répondre aux questions, ce que je ne serais pas en mesure de faire sur ce sujet en particulier. Pour vous donner amplement de temps pour poser des questions, je vais limiter mon allocution aux aspects les plus importants du projet de loi C-13.

Premièrement, il étend la portée des dispositions rétroactives de la loi qui s'appliquent maintenant à 4 700 contrevenants de plus. Deuxièmement, il crée une nouvelle catégorie d'« infraction primaire » comprenant les pires infractions parmi les infractions désignées à ce titre et exige qu'un tribunal rende une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques à l'égard de toute personne qui a commis une telle infraction. Troisièmement, il étend la portée de la définition de « infraction secondaire » pour y englober davantage d'infractions. Quatrièmement, il permet aux tribunaux de prononcer une ordonnance de prélèvement pour inclusion dans la banque de données génétiques à l'encontre d'une personne qui a commis une infraction désignée mais qui a été déclarée non coupable pour cause de troubles mentaux.

Si le projet de loi C-13 est adopté, il y aura beaucoup plus d'inclusion dans la Banque nationale de données génétiques, ce qui permettra sans nul doute d'établir un plus grand nombre de correspondances entre des délinquants reconnus coupables dont le profil génétique se trouve dans la banque et de l'ADN prélevé sur des scènes de crime. Une telle correspondance permet d'identifier un suspect et de circonscrire l'enquête policière. C'est une preuve circonstancielle qui permet de démontrer la présence d'une personne sur la scène du crime. Dans certains cas, la présence de la personne peut s'expliquer par des raisons valables. Cependant, bien souvent, la preuve provenant de l'analyse de l'ADN est la pièce cruciale du casse-tête permettant de résoudre une affaire autrement sans issue. Avant de discuter de chacun de ces changements, je veux rappeler aux honorables sénateurs que les garanties procédurales prévues dans la législation sur la banque de données génétiques et garantissant une protection essentielle quant au caractère confidentiel des données génétiques des délinquants ne sont nullement remises en cause par le projet de loi C- 13.

Je vais commencer par le premier changement important : étendre la portée des dispositions rétroactives. Quant la Loi sur la banque de données génétiques a été adoptée en 1998, le Parlement a décidé qu'une personne serait admissible à l'inclusion dans la banque seulement si cette personne était un délinquant dangereux ou avait commis deux meurtres ou deux infractions sexuelles graves à des moments différents et n'avait pas terminé de purger sa peine. Autrement dit, l'inclusion n'était pas automatique. Le procureur devait en faire la demande à un juge d'une cour provinciale qui avait la discrétion d'accorder ou de refuser l'ordonnance. Ces dispositions procédurales ne sont pas modifiées par le projet de loi C-13. Au lieu de cela, le projet de loi C-13 étend la portée des dispositions rétroactives en y englobant toute personne reconnue coupable d'un meurtre ou d'une infraction sexuelle ou d'un homicide involontaire avant le 30 juin 2000 et qui purge encore sa peine au moment de la demande. De plus, le projet de loi ajoute à la liste des infractions sexuelles désignées dans le cadre de ces dispositions rétroactives certaines infractions sexuelles qui sont maintenant abrogées, notamment l'attentat à la pudeur contre une personne du sexe masculin, l'attentat à la pudeur contre une personne du sexe féminin et la grossière indécence.

Au total, comme je l'ai dit, les changements vont ajouter environ 4 700 délinquants à la liste des personnes visées par les dispositions rétroactives. Service correctionnel Canada va identifier les délinquants visés et les procureurs provinciaux devront passer en revue les dossiers afin de déterminer s'ils souhaitent présenter une demande.

Pour ce qui est de la Charte, en règle générale, l'alinéa 11i) indique qu'une personne qui a été trouvée coupable d'une infraction et punie en conséquence ne doit pas être punie une deuxième fois. Ce qu'il faut retenir, c'est que la Charte n'est pas mise en cause dans cette proposition parce que l'on peut soutenir qu'il ne s'agit pas d'un deuxième châtiment, mais plutôt d'une conséquence de la condamnation; c'est ce que l'on pourrait appeler un aspect accessoire de la peine infligée au départ. En fait, cette interprétation a été confirmée récemment par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Jackpine.

Cela m'amène au deuxième changement important : la création d'une nouvelle catégorie « d'infraction primaire » et l'exigence qu'un tribunal rende une ordonnance d'inclusion dans la banque de données génétique lorsqu'un délinquant est reconnu coupable d'une telle infraction. La loi actuelle prévoit un certain pouvoir judiciaire discrétionnaire limité lorsque des infractions primaires désignées sont perpétrées. Cette disposition avait été établie à l'origine en 1998 à la suite d'une évaluation de l'attitude généralement adoptée par la magistrature et d'une évaluation de la jurisprudence afin de garantir la constitutionnalité de la disposition. À l'époque, les juristes experts avaient indiqué qu'en cas de perquisition et de saisie, il fallait une certaine forme de discrétion résiduelle pour les cas particuliers où il ne conviendrait pas de rendre une ordonnance de prélèvement de matériel génétique. Les critères pour l'exercice de cette discrétion ont été délibérément rendus extrêmement rigoureux et il a été décidé qu'il incomberait à l'accusé d'établir que l'ordonnance aurait à son égard « un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt qu'elle présente, pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes ».

La modification proposée supprimerait la discrétion judiciaire et rendrait le prélèvement d'un échantillon obligatoire pour toute personne reconnue coupable d'une catégorie très restreinte d'infractions particulièrement graves. La suppression de la discrétion judiciaire sera perçue comme problématique par certains observateurs, ce qui est compréhensible puisque l'État se trouve à effectuer une saisie de substances corporelles sur une personne, même s'il s'agit d'une personne que l'on vient de trouver coupable d'une infraction criminelle.

Afin de tenir compte des divers facteurs qui entrent en jeu et de mettre dans la balance les deux intérêts conflictuels, celui du droit à la vie privée de la personne et celui de l'État d'assurer la sécurité de la société, il a été décidé que la règle générale serait que le juge qui est chargé d'autoriser le prélèvement serait habilité à prendre en compte l'ensemble des circonstances. Aucun critère ne sera jamais suffisamment rigoureux pour permettre de déroger au droit d'une personne au respect de sa vie privée. On avait pensé qu'il fallait accorder une assez grande latitude à la personne chargée de donner l'autorisation afin que justice soit faite. Cependant, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, les ordonnances de prélèvement de données génétiques rendues à l'encontre de personnes trouvées coupables d'infractions primaires désignées ont été moins nombreuses que l'on pouvait raisonnablement le prévoir au moment de l'adoption de la loi. En conséquence, des renseignements jugés importants n'étaient pas versés dans la Banque nationale de données génétiques. Il s'agit manifestement d'une situation regrettable qui ne doit pas se perpétuer, dans l'intérêt de la sécurité publique, entre autres intérêts. Par conséquent, nous avons donné notre accord à une proposition d'amendement qui rendrait le prélèvement d'un échantillon de l'empreinte génétique des pires délinquants quasi automatique au moment de leur condamnation.

Une telle modification risque de donner lieu à une contestation fondée sur la Charte, mais il est possible de résister à une telle contestation en offrant une solide défense constitutionnelle fondée sur la raison et des arguments crédibles. En bout de ligne, nous sommes d'avis que l'intérêt de l'État relativement à la détection des criminels et à la prévention du crime, intérêt qui serait mieux servi par une identification plus précise des délinquants, et aussi l'élimination des suspects, l'emporte sur l'ingérence dans la liberté individuelle et la défense des intérêts d'une personne occasionnée par le prélèvement d'un échantillon d'ADN dans cette catégorie très étroitement et rigoureusement définie d'infraction.

Cela m'amène au troisième changement majeur : étendre la définition « d'infraction secondaire ». La définition « d'infraction secondaire » est modifiée en profondeur dans la mesure proposée. Il sera possible pour la Couronne de demander à un tribunal de rendre une ordonnance de prélèvement pour inclusion dans la banque de données génétiques à l'égard d'une personne trouvée coupable de toute infraction passible de cinq ans de prison ou plus et qui a été poursuivie par voie de mise en accusation. De même, il sera possible pour la Couronne de demander à la cour de rendre une ordonnance de prélèvement pour inclusion dans la banque de données génétiques à l'égard d'une personne reconnue coupable d'une infraction aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et passible de cinq ans de prison ou plus et qui a été poursuivie par voie de mise en accusation.

Cela m'amène au dernier changement important : les ordonnances de prélèvement pour inclusion dans la banque de données génétiques à l'égard d'une personne qui a été trouvée coupable d'avoir commis une infraction désignée mais qui a été déclarée non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. L'inclusion des personnes qui font l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle tient au fait que ces personnes ont commis des infractions très graves mais ne peuvent pas être reconnues coupables à cause de leurs troubles mentaux. Ils peuvent avoir perpétré d'autres agressions semblables dans le passé et leur inclusion dans la banque de données génétiques peut résoudre des affaires qui avaient été classées. Ils peuvent aussi perpétrer de tels actes à l'avenir. Cependant, leur situation spéciale est prise en compte du fait que l'on garantit que dans tous les cas, y compris les personnes trouvées coupables d'infractions primaires, la Couronne doit présenter une demande et il lui incombe de convaincre le juge de rendre l'ordonnance.

Je voudrais aussi mentionner que le projet de loi C-13 ajoute à la liste des infractions désignées la corruption d'enfants au moyen de l'Internet, le fait de proférer des menaces, le harcèlement criminel et l'appartenance à une organisation criminelle. Je crois que les sénateurs conviendront que des infractions aussi graves doivent être assujetties à la législation régissant la banque de données génétiques. En conclusion, honorables sénateurs, je voudrais vous rappeler que le régime juridique qui régit actuellement l'identification par les empreintes génétiques a survécu à des contestations fondées sur la Charte et à des tentatives visant à le faire invalider, en grande partie grâce à la modération qui a manifestement présidé à sa conception et à l'étroite correspondance entre les moyens et les fins recherchées par la loi.

Nous nous rendons bien compte qu'un changement dans la configuration de la loi et le fait que l'on s'écarte de l'approche générale adoptée antérieurement ouvrent la porte à des pressions contre l'adoption de cette mesure législative. L'adoption d'un régime qui recourt d'une part à une définition générale fondée sur les critères de caractérisation de l'infraction, nommément les actes criminels, et la durée de la peine, cinq ans de prison étant le seuil minimum retenu, représente une différence importante par rapport à la politique originalement retenue et aux principes du régime antérieur.

Il vaut toutefois la peine de signaler — et cela m'apparaît un élément important pour bien comprendre cette problématique — que le choix d'une peine de cinq ans de prison a une portée constitutionnelle et, à mon avis, c'est un seuil supérieur en termes de conformité à la Charte par rapport à une peine de deux ans de prison. Non seulement une peine de cinq ans est reconnue comme un seuil marquant pour caractériser la gravité de l'infraction, mais c'est aussi la ligne de démarcation établie par la Charte relativement au droit à la protection supplémentaire sur le plan de la procédure que confère un procès par jury. À mon avis, même si cela peut ouvrir la porte à une nouvelle contestation fondée sur la Charte, nous sommes convaincus que, pour les mêmes raisons qu'auparavant, et dans l'esprit de l'application des principes de proportionnalité, les tribunaux vont encore une fois valider le régime.

Je cède maintenant la parole au secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique.

L'honorable Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Honorables sénateurs, le ministre de la Justice vous a décrit les changements importants que ce projet de loi propose d'apporter au Code criminel et aux dispositions connexes de la Loi sur la défense nationale. Ces changements contribueront sensiblement à renforcer la sécurité publique au Canada, mais les changements au code et à la loi relativement au prélèvement d'échantillons d'ADN des délinquants reconnus coupables ne seront efficaces que dans la mesure où la Banque nationale de données génétiques sera bien administrée.

La Banque nationale de données génétiques existe maintenant depuis près de cinq ans et ces cinq années ont été un éclatant succès. Déjà, la banque de données a aidé puissamment dans plus de 3 300 enquêtes criminelles parce que l'on a été en mesure d'établir un lien entre un délinquant reconnu coupable et un crime non élucidé. Dans plus de 400 autres affaires, on a établi un lien entre deux ou plusieurs scènes de crimes non élucidés, donnant ainsi de nouveaux indices aux enquêteurs. C'est une extraordinaire réussite en une brève période et cela témoigne du professionnalisme et de la grande compétence du personnel scientifique autant à la banque de données que dans les laboratoires médico-légaux régionaux de la GRC et des polices provinciales qui ont permis au système de bien fonctionner. Ce personnel aide nos services d'application de la loi à traduire les délinquants devant la justice dans certaines affaires de crimes parmi les plus graves et les plus violents que nous connaissions.

[Français]

Les changements qui ont été expliqués par le ministre de la Justice ne peuvent qu'améliorer la performance.

[Traduction]

Depuis cinq ans que la banque de données est opérationnelle, nous avons appris comment rendre son fonctionnement plus efficient et efficace. Par conséquent, le projet de loi C-13 renferme aussi d'importants changements aux règles et procédures de la banque de données. Je devrais sans doute vous expliquer pourquoi ces changements sont tellement importants.

Premièrement, il existe un problème concernant ce que nous appelons les ordonnances entachées d'irrégularité. Peu après l'ouverture de la banque de données le 30 juin 2000, le personnel a commencé à se rendre compte que, dans un petit nombre de cas, l'ordonnance du tribunal en vertu de laquelle on avait prélevé des substances corporelles auprès d'un condamné ne semblait pas être liée à une infraction désignée. De tels cas ont continué à survenir, et la banque de données a maintenant en sa possession près de 600 ordonnances ainsi que les empreintes génétiques correspondantes. Je tiens à signaler que sur un total de 77 000 ordonnances, cela représente moins de 1 p. 100, ce qui se compare plutôt favorablement à la situation ailleurs. Pour que tout soit clair, cela signifie qu'on a prélevé les empreintes génétiques de près de 600 condamnés alors que cela n'avait pas été autorisé en bonne et due forme. Les empreintes génétiques en question n'ont pas été analysées et sont gardées en sécurité. Leur caractère confidentiel n'est pas compromis, mais il faut corriger la situation.

[Français]

C'est une situation que personne n'avait anticipée quand la législation originale a été mise en vigueur. Nous ne savons pas exactement pourquoi cela se passe. Il se peut qu'il y ait plusieurs raisons.

[Traduction]

Dans certains cas, il peut s'agir d'une simple erreur d'écriture, par exemple lorsque le mauvais numéro d'infraction a été inscrit sur la formule d'ordonnance. Dans d'autres cas, un contrevenant peut avoir été reconnu coupable de plusieurs infractions et une infraction non désignée peut apparaître sur l'ordonnance au lieu d'une infraction désignée admissible pour laquelle l'intéressé aurait aussi été condamné; essentiellement, c'est un autre type d'erreur d'écriture. Il peut aussi y avoir des cas où une ordonnance a vraiment été rendue à l'égard d'une infraction non désignée.

Quelle que soit la cause d'une ordonnance irrégulière dans un cas particulier, aux termes des règles figurant dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, la banque de données n'est pas autorisée à analyser ou à détruire les empreintes. Elle peut uniquement les entreposer, et hormis qu'elle doit signaler à la police qu'aucune autre mesure ne peut être prise, les échantillons demeurent en suspens.

L'article 16 du projet de loi C-13 propose une procédure. La banque de données peut aviser de l'erreur le procureur général de la province concernée ou le directeur des poursuites militaires, le cas échéant, tant à ce qui a trait aux cas accumulés qu'aux nouveaux cas. Si, après avoir mené sa propre enquête, ce qui peut au besoin englober des poursuites judiciaires, le procureur général confirme la validité de l'ordonnance originale, ou s'il envoie à la banque de données génétiques une version corrigée, les empreintes génétiques qui étaient conservées seront analysées et versées au fichier des condamnés. Toutefois, si aucune de ces mesures n'est prise dans les délais prescrits, ou si le procureur général envoie à la banque de données génétiques une nouvelle ordonnance annulant la première, les empreintes génétiques seront détruites. Les renseignements personnels concernant le condamné seront protégés, et la banque de données sera libérée d'un fardeau considérable et inutile.

Tout cela montre bien, honorables sénateurs, à quel point il est important d'offrir éducation et formation sur la portée et l'application appropriées de cette mesure législative complexe et relativement récente à toutes les personnes chargées de l'appliquer. Cela fera partie du processus de mise en oeuvre prévu du projet de loi C-13, mais nous devons aussi modifier la mesure elle-même pour la rendre aussi claire que possible.

Un autre problème important lié au fonctionnement de la banque de données génétiques concerne l'article 17 du projet de loi. Ce problème a fait surface uniquement après la présentation du projet de loi C-13 l'automne dernier, encore là à la suite de l'expérience pratique du fonctionnement prévu. Le 5 mai dernier, le gouvernement a présenté des amendements qui reflètent la réalité opérationnelle et scientifique que la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques ne prend pas en compte.

Madame la présidente, la première partie de mon explication concerne ce que l'on appelle les « correspondances moyennes ». C'est une question plutôt compliquée et j'espère pouvoir vous l'expliquer convenablement. Sinon, nous avons des fonctionnaires qui, j'en suis sûr, pourront combler mes lacunes.

Comme vous le savez, la banque de données génétiques contient deux fichiers, le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique, que l'on compare l'un à l'autre pour identifier des liens ou des correspondances. Lorsqu'on prend un prélèvement sur un condamné pour faire l'analyse de ses empreintes génétiques, cela se fait dans des conditions contrôlées idéales et il est possible d'obtenir un profil d'identification génétique complet, mais les scènes de crime ne sont pas parfaites. Dans certains cas, les experts en criminalistique ne sont tout simplement pas capables d'obtenir un profil d'identification génétique complet à partir d'un prélèvement provenant d'une scène de crime, par exemple, lorsqu'il a été exposé aux éléments depuis un certain temps ou parce qu'il contient un mélange de substances corporelles émanant de nombreux contrevenants ou de tierces parties innocentes. La banque de données génétiques déclare qu'il y a correspondance complète entre un nouveau profil tiré d'une scène de crime et un profil existant du condamné ou d'une scène de crime antérieure lorsque tous les points de comparaison génétique des deux profils sont identiques.

Lorsque le profil tiré d'une scène de crime est incomplet en soi, la comparaison avec des profils déjà contenus dans le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique est moins discriminante et ne peut produire une correspondance complète. Au lieu qu'un seul suspect soit identifié, il se peut qu'il y ait des correspondances potentielles concernant plusieurs individus qui ne peuvent être exclus en tant que donneurs ou qu'il y ait des liens possibles avec plusieurs scènes de crime différentes. Ce sont ces correspondances moins discriminantes que l'on appelle des correspondances modérées.

Madame la présidente et sénateurs, pour appuyer de façon optimale les enquêtes criminelles, la banque de données génétiques a pris l'habitude de consulter les experts en criminalistique des laboratoires qui ont produit le ou les profils de scènes de crime ayant donné lieu à des correspondances modérées, dans un effort pour essayer de réduire le nombre de correspondances potentielles en discutant des détails techniques et scientifiques des résultats de l'analyse de l'identification génétique. Le fait de réduire le nombre de correspondances potentielles de cette façon aide les services de police à cibler leurs enquêtes et à utiliser leurs ressources de façon optimale. Pour faciliter ces discussions, tous les laboratoires concernés partageaient les profils d'identification génétique pertinents. Vers la fin de l'année dernière, la banque de données génétiques s'est rendue compte que ce partage des profils à des fins de discussion scientifique était en fait visé par l'interdiction générale prévue dans la loi concernant la communication des profils à l'extérieur de la banque de données. Les procédures ont été arrêtées immédiatement et les cas de correspondance modérée ont été laissés en suspens et aucun résultat concernant les correspondances n'a été divulgué.

Une solution administrative provisoire a été adoptée pour permettre la tenue de ces discussions sans que le profil, qui n'est rien d'autre qu'une série de chiffres qui ne sont pas assortis de renseignements signalétiques personnels, soit partagé, mais c'est fastidieux pour les chercheurs, qui sont très occupés et ce n'est pas là une utilisation très efficiente de leurs ressources.

Madame la présidente, pour être en mesure de mener une enquête efficace sur les infractions criminelles graves concernées, il est crucial de modifier la loi pour qu'il soit absolument clair que la banque de données génétiques peut, en pareil cas, partager les profils d'identification génétique pertinents avec d'autres experts concernés, et en discuter avec eux. Parallèlement, nous devons exprimer plus vigoureusement l'intention du Parlement de créer une banque de données génétiques, de constituer un fichier des condamnés et un fichier de criminalistique qui peuvent tous se consulter et relever des correspondances entre les profils d'identification génétique pour appuyer les enquêtes des autorités policières et pouvoir poursuivre en justice les perpétrateurs de crimes graves et aussi, ne l'oublions pas, pour exonérer des individus et les éliminer des enquêtes policières.

En ce moment, la loi est très spécifique en ce qui concerne le fichier des condamnés, mais elle ne fait guère mention du fichier de criminalistique et des contre-vérifications détaillées auxquelles il faut absolument procéder si l'on veut que le système dans son ensemble soit vraiment efficace. Le projet de loi C-13 rendra tout cela absolument clair. Permettez- moi de préciser qu'il ne s'agit aucunement d'une tentative pour renverser les protections mûrement réfléchies de la loi en ce qui concerne le caractère confidentiel des renseignements génétiques personnels. Ces protections seront explicitement maintenues.

Comme le ministre de la Justice l'a mentionné, un examen parlementaire exhaustif de l'ensemble du projet, y compris les amendements figurant dans le projet de loi C-13, s'ils sont adoptés, doit avoir lieu plus tard cette année. Tous ces amendements pourront faire l'objet d'un nouvel examen à ce moment-là.

[Français]

M. Cullen : Suite à la révision, il se peut que d'autres changements soient proposés, mais dans l'intérim, je crois que nous pouvons améliorer le système actuel immédiatement avec les changements que je dois vous communiquer aujourd'hui.

[Traduction]

La banque de données génétiques a déjà prouvé hors de tout doute à quel point cet instrument scientifique de pointe est précieux pour aider les forces de l'ordre à damer le pion aux criminels. Il faut s'assurer qu'il continue d'être hautement efficace et que sa loi habilitante est aussi claire et dénuée d'ambiguïté que possible.

[Français]

J'aimerais souligner mon appui au projet de loi C-13 en vous assurant qu'il contribuera de façon importante à la sécurité publique des Canadiens et des Canadiennes.

La présidente : Nous savons que le projet de loi propose des modifications importantes à la liste des infractions primaires. Vous avez mentionné tout à l'heure l'ajout de toutes les infractions de pornographie juvénile et il modifie, dans une moindre mesure, la liste des infractions secondaires en y ajoutant, par exemple, le harcèlement criminel. Ces distinctions sont importantes. Dans le cas des infractions primaires, le tribunal ne dispose que d'un pouvoir discrétionnaire. Vous me corrigerez si je fais une erreur, il est tenu de limiter une ordonnance de prélèvement pour inclusion dans la banque de données génétiques. Est-il possible de développer davantage la nature des deux catégories d'infractions désignées et sur les différents types d'infractions que nous seront susceptibles de retrouver dans chacune de ces catégories?

M. Cotler : Je vais partager les additions à l'égard de la liste parce qu'il y a une liste ici. Je vais dresser le sommaire de cette liste. Cela commence avec l'article 235, le meurtre, ensuite vous avez l'homicide involontaire coupable, le fait de causer intentionnellement des lésions corporelles, agressions armées, infliger des lésions corporelles, voies de fait graves, lésion corporelles, agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles graves, agressions sexuelles graves, enlèvements, vivre des produits de la prostitution d'une personne âgée de moins de 18 ans, le fait de causer intentionnellement des lésions corporelles avec fusil ou pistolet, le fait d'administrer une substance délétère avec l'intention de mettre la vie d'une personne en danger ou de lui causer des lésions corporelles, le fait de vaincre la résistance à la perpétration d'une infraction, vol qualifié, extorsion. C'est la liste eu égard à ces offenses.

La présidente : J'aimerais peut-être aborder un autre aspect plus mécanique et technique en ce qui a trait à la mise en oeuvre des systèmes sur le prélèvement des substances corporelles et donner la parole aux membres ensuite. Avec le projet de loi C-13, on s'attend à une augmentation sensible du nombre d'ordonnances de prélèvement. Dans les prochains mois, le nombre d'empreintes génétiques dans la banque de données va sans doute monter en flèche.

Dans la logistique, en ce qui concerne le personnel, l'équipement et le budget, avons-nous en place les ressources nécessaires pour pallier adéquatement la demande accrue de prélèvement de substances corporelles?

M. Cotler : Je vais commencer par répondre et les autres détails viendront de M. Zigayer. La GRC et les procureurs, entre autres, ont demandé ces amendements et ont posé des questions sur les ressources qui seront applicables. Les demandes ont commencé avec les procureurs généraux provinciaux. Je vais demander à M. Zigayer de répondre sur la question des ressources.

M. Michael E. Zigayer, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Nous avons une situation où les ressources actuelles de la banque de données nationales ne sont pas complètement utilisées. Il y a moins d'ordonnances émises par les cours que prévues. S'il y en a plus, les ressources actuelles sont suffisantes pour répondre à la demande.

De plus, je dirais que cela ne sera pas immédiat, parce qu'on va prendre le temps de mettre cette loi en vigueur. Il y a quelques articles qui prévoient une entrée en vigueur immédiate, au moment de la sanction royale, mais d'autres prévoient que cela peut se faire n'importe quand, en consultation avec les procureurs généraux des provinces. Nous croyons qu'il serait important de développer des lignes directrices pour les procureurs de la Couronne au pays. J'ai déjà parlé à des collègues en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan. Ils sont tous intéressés à remettre sur pied un comité que nous avions établi en 2000 pour faciliter la mise en application de cette loi pour faire mieux comprendre ce que les modifications pourraient apporter et pour s'assurer que cela soit bien mis en application.

Maintenant nous allons travailler avec le National Judicial Institute pour développer des documents, des matériaux pour les juges. Nous ne l'avions pas fait dans le passé. Nous ne connaissons pas la raison pour laquelle nous n'avons pas eu autant d'ordonnances que prévues. Une des possibilités, c'est la nécessité d'avoir une meilleure formation des juges. Vous avez compris que plus de six cents ordonnances ne devraient pas être là. Il y a quelque chose qui cloche avec les ordonnances.

Alors on peut corriger cette situation avec une meilleure formation. Les ministères de la Sécurité publique et de la Justice travailleront de concert avec nos collègues provinciaux pour améliorer la situation.

[Traduction]

M. Cullen : J'aimerais ajouter quelque chose. Lorsque j'ai visité la banque de données génétiques il y a quelques mois, ses dirigeants ont mentionné qu'elle disposait d'une énorme capacité mais que, malheureusement, seulement 50 p. 100 des empreintes génétiques liées à des infractions primaires leur étaient envoyées. Ils étaient désireux et capables d'absorber la totalité des empreintes. En fait, ils souhaitaient que tous les profils soient envoyés aux laboratoires pour qu'ils puissent les traiter.

Il existe à Edmonton un laboratoire médico-légal qu'à l'origine la GRC planifiait de fermer graduellement dans le contexte du processus d'examen des dépenses.

En prévision de l'adoption de certains changements proposés au projet de loi C-13 et d'autres problèmes relatifs à la capacité, on a décidé de garder ouvert ce laboratoire, de sorte qu'on pourra compter sur une capacité additionnelle.

Le sénateur Kinsella : Je reviendrai tout d'abord sur le commentaire du ministre Cullen concernant l'examen qui doit être entrepris d'ici la fin de l'année.

Premièrement, pour faire suite aux questions du président concernant les ressources, cet examen abordera-t-il toute la question des ressources? Deuxièmement, cet examen découle-t-il d'une loi? Est-ce un examen qui est requis par la loi? Pourriez-vous nous donner quelques explications au sujet de cet examen?

M. Cullen : Oui. L'examen quinquennal est prévu par la loi.

Le sénateur Kinsella : Dans les deux Chambres. Chaque Chambre en fera un?

Le sénateur Milne : Oui.

Le sénateur Kinsella : Je crois savoir que les profils sont élaborés en groupes de 36 environ, d'après ce qu'on m'a dit. Est-ce vrai?

Si c'est vrai, j'ai une question au sujet du paragraphe 18(2), à la page 26 du projet de loi. Lorsqu'une ordonnance exige l'élimination d'un profil, cela peut-il se faire sans délai ou y a-t-il un problème technique?

M. Zigayer : Vous posez deux questions. Au sujet de la première, vous avez raison. Il est uniquement question du fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques et non de l'enquête sur la scène de crime car en l'occurrence un cas est distinct de tous les autres cas. En ce qui concerne la banque de données génétiques, la GRC est à la fine pointe pour ce qui est de produire des gains d'efficience. La GRC est un chef de file mondial en ce qui concerne la conception et l'utilisation de la robotique dans l'analyse concrète du profil d'identification génétique.

Chacun des prélèvements individuels doit être préparé par un technicien. Je crois qu'il est possible d'en préparer 90 à la fois. Je suis sûr que ce que je vous dis va de soi, mais vous êtes les bienvenus en tout temps si vous voulez visiter la banque de données génétiques et en voir le fonctionnement. Je sais que je n'ai pas besoin d'obtenir la permission du commissaire Zaccardelli pour faire cette offre.

Je sais que les membres du comité y sont allés. C'est un établissement impressionnant. C'est toute une entreprise.

La banque est en mesure de respecter les exigences de l'article 18 du projet de loi en ce qui concerne la radiation d'information, l'obligation de la rendre inaccessible. Supposons qu'un individu soit acquitté à la suite d'un appel. C'est déjà arrivé. Je peux vous dire qu'il y a eu un cas qui a mis deux ou trois ans à se rendre à la Cour d'appel de l'Ontario. Il portait sur l'interprétation de l'un des articles adoptés en 1998 et mis en oeuvre en 2000. Les profils d'identification génétique de deux contrevenants qui avaient été antérieurement reconnus coupables ont dû être rendus inaccessibles; autrement dit, il fallait les éliminer.

On ne supprime pas quoi que ce soit physiquement. Il y a à cela une raison technique. On m'a décrit la chose comme un collier; si vous coupez la corde, toutes les perles vont tomber. Les experts rendent inaccessible le profil d'identification génétique de l'intéressé. Le profil proprement dit demeurera dans la collection des profils d'identification génétique, mais l'adresse, l'identificateur, aura été supprimé. C'est beaucoup trop compliqué à comprendre pour moi qui ne suis qu'un simple avocat, mais cette technique fonctionne et rend le profil d'identification génétique anonyme.

Le sénateur Kinsella : Le libellé exact qui figure dans le projet de loi C-13 est le suivant : « Il doit être rendu inaccessible une fois pour toute dans les délais mentionnés ci-dessous [...] » et on précise les circonstances pertinentes.

M. Zigayer : Ce n'est pas le profil lui-même qui est supprimé, mais l'accès au profil.

Le sénateur Kinsella : Merci de cette précision. À propos d'un autre sujet, certains de mes collègues et moi-même examinons la Loi antiterroriste. J'étais curieux de savoir s'il était possible de prélever les empreintes génétiques d'une personne en détention préventive aux termes de la Loi antiterroriste contre son gré.

M. Zigayer : Non, il faut avoir une condamnation. Si la personne en question est sous enquête pour un crime particulier, on peut toujours obtenir un mandat autorisant un prélèvement pour analyse génétique.

M. Cotler : En cours d'enquête, on peut toujours demander un mandat; autrement, il faudra faire un prélèvement après la condamnation.

Le sénateur Kinsella : Au sujet de l'article sur la rétroactivité qui a été intégré au projet de loi à la suite des travaux de votre comité à la Chambre, monsieur le ministre Cotler, permettez-moi de vous poser d'abord cette question.

Quand un projet de loi du gouvernement est présenté à la Chambre, vous devez certifier qu'il est conforme à la Charte. Mais lorsqu'un comité y apporte un amendement, quel est le processus? Êtes-vous saisis d'une seconde requête? Nous avons amendé votre projet de loi. Est-il toujours conforme à la Charte?

M. Cotler : Il faut constamment que la législation soit conforme à la Charte. Le ministre a la responsabilité de certifier que le projet de loi était initialement conforme à la Charte et qu'il l'est toujours après amendement. Voilà pourquoi dans ma déclaration liminaire j'ai mentionné que les amendements qui ont été apportés susciteront peut-être des contestations en vertu de la Charte. Jusqu'ici, la loi a résisté aux contestations fondées sur la Charte, tant au niveau des tribunaux de première instance que des cours d'appel partout au pays. À mon avis, les mêmes principes sur lesquels les tribunaux se sont fondés pour valider la loi appuieront les amendements advenant qu'il y ait des contestations au nom de la Charte.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans l'affaire R. c. Murrins, l'accusé faisait valoir que l'article 487.052 du Code criminel violait l'article 7 et l'alinéa 11i) de la Charte. Le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas eu atteinte à l'article 7, et c'est là le même raisonnement qui s'appliquerait encore aujourd'hui, étant donné que l'intrusion physique et les inconvénients associés au prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique sont mineurs lorsqu'on est en présence d'une personne reconnue coupable d'une infraction désignée et insuffisants pour donner lieu à une analyse dans la perspective de la justice fondamentale. En outre, le tribunal n'a pas été convaincu que le fait d'être assujetti à une ordonnance de prélèvement d'empreintes génétiques constitue un châtiment au sens de l'alinéa 11i) de la Charte.

Dans un appel important, l'appelant, qui avait été reconnu coupable d'un chef d'accusation de voies de fait graves et de deux chefs d'accusation de voies de fait perpétrées avec une arme a fait valoir que l'article 487.051 du Code criminel violait les articles 8 et 7 et les alinéas 11d) et 11i) de la Charte. Il s'agissait là d'une contestation générale fondée sur différents articles de la Charte.

Sur la base de l'affaire Murrins que je viens de citer et des affaires R. c. Briggs et R. c. Hendry, la cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé la constitutionnalité de la loi. J'en aborderai un aspect qui traite de la conclusion de fait et de la conclusion de droit fondées sur l'article 1, exercice auquel un tribunal se livrerait maintenant pour réfuter toute contestation en vertu de la Charte.

Le tribunal a présenté l'argumentation suivante :

La Cour a jugé que l'article 8 n'avait pas été violé, affirmant que le régime n'a pas seulement pour but de permettre d'identifier le délinquant en rapport avec d'autres crimes, mais aussi de dissuader les récidivistes potentiels, de favoriser la sécurité de la collectivité, de simplifier les enquêtes et de venir en aide aux innocents en leur permettant d'être écartés comme suspects très tôt dans le processus d'enquête.

Les considérations sur lesquelles le tribunal s'est fondé ici seraient les mêmes sur lesquelles un tribunal se fonderait maintenant, même eu égard aux amendements qui ont été apportés en considération de la Charte.

Le sénateur Kinsella : Le projet de loi C-13 prévoit le prélèvement d'échantillons en cas de verdict de non- responsabilité criminelle. Quand vous avez réfléchi à la constitutionnalité de cette disposition, étant donné qu'une personne qui n'est pas criminellement responsable n'est pas coupable du crime, et qu'aucun verdict de culpabilité n'a été rendu à l'égard de ce crime, avez-vous entrevu des problèmes quelconques?

M. Cotler : Mon collègue Stanley Cohen a fait une étude sur cette question et il est donc le mieux placé pour vous répondre.

M. Stanley Cohen, avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice Canada : Je pourrais peut-être répondre à votre question en faisant le lien avec votre question précédente.

Le ministre de la Justice a l'obligation, aux termes de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, d'examiner les projets de loi pour s'assurer qu'ils sont compatibles avec la Charte. Cependant, il n'y a pas de processus officiel d'approbation ou d'attestation. Le ministre a le devoir de le signaler s'il constate une incompatibilité quelconque avec la Charte.

En l'occurrence, puisqu'aucun rapport n'a été fait en ce sens, il faut logiquement en déduire que le projet de loi a été examiné pour en vérifier la conformité avec la Charte, et cela s'applique à toutes les dispositions dont vous êtes maintenant saisis.

Le sénateur Kinsella : Cela s'applique-t-il également au certificat qui est exigé par la Déclaration canadienne des droits de 1960?

M. Cohen : Oui.

Le sénateur Kinsella : Est-ce une note ou un document officiel?

M. Cohen : Un seul rapport a été fait en application de la déclaration des droits. Je crois que c'était en 1975, avant la Charte, au sujet d'une obscure mesure législative. Il s'agit d'un rapport officiel qui est déposé devant le Parlement, mais c'est arrivé seulement une fois.

L'objet de ce processus a une portée plus vaste que la simple formalité. Ceux qui sont chargés d'élaborer des politiques et de rédiger des projets de loi sont conscients que cette lourde responsabilité existe et que le ministre doit faire rapport à la Chambre si jamais il y a incompatibilité.

Vous parlez d'apporter un amendement à un projet de loi gouvernemental au comité. Si le projet de loi gouvernemental était modifié au moyen d'un amendement, la même responsabilité incomberait au ministre.

Pour ce qui est de la situation des personnes qui ne sont pas tenues criminellement responsables, en définitive, c'est une question de justification. Le pouvoir de prélever des échantillons d'ADN des personnes trouvées non criminellement responsables peut se justifier par des motifs d'affaires publiques relativement simples et faciles à démontrer. Il y a eu des affaires mettant en cause la Charte et des personnes non criminellement responsables dans lesquelles on a invoqué le fait que le Parlement doit utiliser ses pouvoirs en matière de droit pénal pour décider de la conduite à tenir en ce qui a trait aux personnes qui ne sont pas criminellement responsables. En dépit du fait qu'elles sont, en un sens, exonérées de la responsabilité, elles peuvent quand même poser un danger pour la société. Ces personnes peuvent se livrer à des activités qui donneraient lieu à de nouvelles accusations au criminel. Par conséquent, il est important de disposer de ces éléments de preuve dans les dossiers médico-légaux des services de police.

Le sénateur Ringuette : Je suis favorable au projet de loi C-13.

Au sujet de la rétroactivité que vous avez évoquée tout à l'heure, j'ai eu l'impression que depuis 1998, tous les délinquants reconnus coupables dans notre système devaient subir un prélèvement d'ADN.

Avais-je tort?

M. Zigayer : La loi qui a été adoptée comportait un régime de rétroactivité très restreint. Nous avions procédé de la sorte parce que nous étions très inquiets des possibles répercussions constitutionnelles si l'on prévoyait un régime trop étendu. C'était limité aux délinquants à l'égard desquels on pouvait invoquer les arguments les plus solides pour modifier le traitement qu'ils recevraient à la suite de leur condamnation. Dans tous les cas, ce sont des personnes qui ont été reconnues coupables avant le 30 juin 2000. La loi influe sur le traitement qui leur est accordé par l'administration de la justice.

Il y avait trois catégories. La première catégorie était celle des personnes déclarées délinquants dangereux par les tribunaux. Pour obtenir cette désignation, il faut une preuve psychiatrique ainsi qu'un casier judiciaire très chargé. La personne doit avoir été trouvée coupable de sévices graves à la personne. C'est une solution de rechange au régime ordinaire de détermination de la peine.

Le deuxième groupe est celui des agresseurs sexuels en série. Les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle, surtout de deux ou plusieurs agressions, ont un taux de récidivisme très élevé, sinon le plus élevé. L'un des arguments que le gouvernement invoquait pour justifier l'inclusion de cette catégorie est le taux de récidivisme.

La loi originale n'englobait pas les meurtriers, ce qui a suscité des inquiétudes et la controverse, et la question a donc été réexaminée. Les personnes qui ont commis un seul meurtre n'ont pas un taux de récidivisme notable, mais une personne qui a été trouvée coupable de deux meurtres ou plus à des moments différents, donc essentiellement un tueur en série comme Clifford Olson, était perçue comme ayant un taux de récidivisme plus élevé. Nous avons considéré qu'il s'agissait là d'un argument clé justifiant la loi si jamais elle était contestée devant les tribunaux.

La loi a d'ailleurs été contestée plusieurs fois devant les tribunaux et a toujours été jugée valide sur le plan constitutionnel. Cependant, elle ne s'applique pas à tous ceux qui sont actuellement incarcérés dans un pénitencier fédéral ou une prison provinciale, car nous ne voulions pas d'une loi qui serait jugée inconstitutionnelle, avec le résultat que toutes les ordonnances qui auraient été rendues dans le cadre d'un régime trop étendu seraient invalidées et que les profils génétiques deviendraient inaccessibles.

Nous avons agi avec mesure et ce régime pourra être scruté à la loupe à l'occasion de l'examen parlementaire plus tard cette année.

M. Cotler : Les ministres provinciaux de la Justice sont responsables des dossiers de justice criminelle et le procureur général de l'Ontario a réclamé que l'on présente au plus tôt une législation corrective pour remédier aux questions qui ont été identifiées en 2001 par la Conférence pour l'harmonisation des lois. À l'occasion de cette conférence, on avait identifié sept questions prioritaires dont l'une était d'étendre la portée du régime rétroactif. Les ministres provinciaux disaient alors et disent encore que la police canadienne se voit empêchée d'utiliser la science médico-légale faisant appel à l'ADN pour résoudre des crimes passés et futurs parce que les dispositions actuelles de rétroactivité concernant la banque de données génétiques sont trop restrictives.

Cette recommandation d'étendre la portée du régime de rétroactivité a été formulée à la fois par la Conférence pour l'harmonisation des lois, qui en a fait l'une de ses priorités en 2001, et à l'occasion de la rencontre fédérale-provinciale- territoriale des ministres de la Justice, qui ont confirmé l'importance de cette question.

M. Cohen : Bien que la loi ait survécu et ait été défendue avec succès dans diverses contestations fondées sur la Charte, cette question de la rétroactivité vient seulement d'aboutir devant la Cour suprême du Canada. Vous avez entendu le ministre faire allusion à l'affaire Jackpine. Cette affaire suit son cours et la Cour suprême du Canada en sera bientôt saisie. Nous n'avons aucune raison de croire que le résultat sera différent et nous croyons donc que la validité de la loi sera confirmée, mais cela fait ressortir la nécessité de faire preuve de prudence dans la manière dont nous abordons la question de la rétroactivité. La Charte elle-même comporte certaines sauvegardes contre l'imposition rétroactive de châtiment. Si la cour adoptait le point de vue qu'il s'agit là d'une forme de châtiment plutôt que d'une résultante de la condamnation, le résultat pourrait être différent.

La manière dont le Parlement a abordé cette affaire et la grande prudence avec laquelle nous progressons dans les modifications que nous présentons, tout cela renforce notre capacité de résoudre efficacement ces problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. C'est un facteur additionnel qui mérite que vous en teniez compte.

Le sénateur Ringuette : À titre d'information, je signale que je n'ai pas de formation juridique. J'avais l'impression que notre Code criminel était conforme à la Charte des droits et libertés et qu'en conséquence, dans toute condamnation pour infraction criminelle aux termes du Code criminel, le fait qu'une infraction soit passible de cinq ans de prison ne devrait pas constituer une norme ou un point de repère pour ordonner le prélèvement d'ADN.

Le sénateur Pearson : Nous ne voulons pas que tout le monde subisse un prélèvement d'ADN.

Le sénateur Ringuette : C'est comme une empreinte digitale. On peut juger cela bon ou mauvais; tout dépend de quel côté de l'appareil judiciaire on se situe. Je suppose que cela mérite un examen.

Par ailleurs, il y a possibilité d'obtenir une réhabilitation cinq ans après le prononcé de la sentence. Qu'arriverait-il aux personnes qui demandent une réhabilitation après le délai de cinq ans si leur échantillon d'ADN se trouve dans la banque de données? Cela changera-t-il quoi que ce soit au moment de demander une réhabilitation?

M. Cotler : Madame la présidente, je vais laisser mes fonctionnaires répondre à cette question et à d'autres aussi parce que je suis censé être déjà en train de rencontrer le procureur en chef du Tribunal pénal international pour le Sierra Leone, qui attend ma présence. Je vais laisser mes fonctionnaires répondre à cela.

La présidente : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Milne : Le ministre part toujours avant que nous ayons fini les questions.

M. Cotler : Mais je viens toujours.

La présidente : Il vient toujours quand nous lui demandons de comparaître.

M. Zigayer : La question des réhabilitations a été prise en compte, discutée et incluse dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, législation séparée qui régit le fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques.

Je vous renvoie au paragraphe 10(8) de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques :

(8) Malgré toute autre disposition du présent article, dans le cas où elles proviennent d'une personne ayant bénéficié d'une réhabilitation au sens de la Loi sur le casier judiciaire, les substances corporelles entreposées doivent être conservées à part et il est interdit d'en révéler l'existence ou de les utiliser pour analyse génétique.

Le sénateur Ringuette : Cela pose la question de l'accès.

M. Zigayer : Je parlais seulement des substances corporelles prélevées. Normalement, on prélève une petite fiole de sang.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas à cela que je voulais en venir avec ma question. Il y a un certain nombre de récidivistes, parfois chroniques. Une fois qu'on a dans le système l'ADN d'une personne reconnue coupable, si à l'avenir cette personne demande une réhabilitation qui lui est accordée, la loi stipule-t-elle que cet ADN va demeurer dans le système ou bien en sera-t-il retiré?

M. Zigayer : Madame la présidente, je vous demanderais de m'accorder un instant. Je pourrais vous donner la réponse tout à l'heure; je pense pouvoir l'obtenir aujourd'hui avant mon départ.

Le sénateur Milne : J'aurais aimé m'entretenir avec le ministre. C'aurait été bien de savoir à quelle heure il prévoyait partir; nous aurions alors pu prévoir en conséquence la durée de nos questions. J'aurais aimé demander au ministre dans quelle mesure le groupe plus étendu qui sera visé par la disposition de rétroactivité prévue dans ce projet de loi sera quand même restreint et j'aurais voulu l'interroger aussi au sujet de la création de la banque d'ADN. Quand ce projet de loi a été étudié au comité en 1998, les dispositions rétroactives étaient très restreintes. Ce n'était pas pour un seul meurtre; il en fallait deux ou plus. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, une lecture rapide montre qu'on inclut maintenant même des infractions comme l'introduction par effraction.

Le sénateur Pearson : Pas dans le régime rétroactif.

Le sénateur Milne : C'est une infraction primaire. Je n'ai pas eu le temps de lire le projet de loi en entier, mais où y trouve-t-on cet élargissement des dispositions de rétroactivité?

M. Zigayer : L'article pertinent de la loi est l'article 487.055.

Le sénateur Milne : Cela ne m'aide pas beaucoup à m'y retrouver dans le projet de loi que nous avons sous les yeux en prévision de l'étude article par article.

M. Zigayer : Si vous consultez la page 8 du projet de loi, à l'article 5, vous verrez que quelques changements ont été apportés. Je vais les passer en revue à votre intention. Nous n'avons pas touché à la première catégorie, celle des délinquants dangereux. J'en suis maintenant en haut de la page 9. À l'alinéa b), le changement vise à préciser ce qu'est un délinquant dangereux, pour s'assurer que les personnes déclarées délinquants dangereux aux termes de la loi antérieure soient également visées. Ensuite, l'alinéa c) vise les personnes coupables de meurtre. Auparavant, il fallait avoir commis plus d'un meurtre. Nous avons supprimé l'exigence d'en avoir commis plus d'un. Voilà la portée du projet de loi C-13. Ensuite, à l'alinéa d), il est question des personnes coupables d'une infraction sexuelle visée au paragraphe (3) de l'article 5.

Auparavant, la loi stipulait qu'il fallait avoir commis deux agressions. Nous avons supprimé cette exigence, de sorte qu'il suffit d'en avoir commis une seule.

Avant d'aller plus loin, je dois mentionner aussi l'alinéa e). Autour de la ligne 20, à la page 9, vous avez « coupable d'un homicide involontaire ». C'est nouveau également.

Toujours à la page 9, au paragraphe (2) de l'article 5, vous voyez un renvoi au paragraphe 348(1). Cette disposition vise à ajouter une infraction à la définition de « infraction sexuelle » aux fins de l'alinéa d) ci-dessus. Nous ajoutons l'infraction d'entrer avec effraction dans le but de commettre une infraction sexuelle dans une maison d'habitation.

On a fait remarquer que pour être trouvé coupable de cette infraction, il fallait prouver à la fois l'entrée par effraction et l'infraction sexuelle, de sorte que cela relève de la définition et doit être inclus dans les infractions sexuelles aux fins de l'alinéa d). C'est parfois compliqué.

Le sénateur Milne : L'une des principales préoccupations, relativement à ce dont parlait le sénateur Kinsella, c'est que l'on voulait être absolument certain que la loi à ce moment-là serait à l'épreuve de la Charte et résisterait à toute contestation constitutionnelle. Le ministre en a dit quelques mots aujourd'hui. Et vous, messieurs, êtes-vous également certains que cette loi résistera? Il avait certaines réserves.

M. Cohen : Je crois que le ministre a dit que, bien que l'on ne puisse prédire l'avenir, il y a toujours un certain risque quand on adopte n'importe quel projet de loi qui peut potentiellement avoir une incidence sur les droits des particuliers. Il est certain que le fait de prélever de l'ADN sur des personnes a des conséquences quant à leurs droits garantis par la Charte. Il y a un certain risque.

D'autre part, il a dit dans son allocution qu'il croyait qu'il était possible de défendre cette loi en invoquant des arguments solides et crédibles et qu'un tribunal, pourvu que cette argumentation lui soit bien présentée, pourrait appuyer la loi de sorte qu'elle résisterait à une contestation constitutionnelle.

On ne peut guère en faire plus. Il est assez clair que certaines personnes tenteront de contester certains éléments du projet de loi, tout comme des gens l'ont fait pour l'ancienne loi, mais ce projet de loi a été évalué et a été jugé conforme à la Charte.

Le sénateur Milne : Le ministre et vous-même, monsieur Cohen, avez tous deux parlé de l'affaire Jackpine. Le prélèvement d'un échantillon d'ADN deviendrait un élément accessoire du châtiment. Est-ce bien l'expression qu'on a utilisée?

M. Cohen : C'est l'expression que le ministre a utilisée pour décrire la situation.

Le sénateur Milne : Comme on a maintenant mentionné deux fois l'affaire Jackpine, peut-être pourriez-vous nous dire précisément de quoi il retourne.

M. Cohen : D'après ce que je me rappelle, je peux vous dire que c'est une décision de la cour d'appel de l'Ontario. C'était une contestation des dispositions de rétroactivité fondée sur l'article 11 de la Charte. Le juge Doherty, qui est probablement l'un des plus éminents sinon le plus éminent juriste de droit pénal dans notre pays, a rédigé la décision au nom de la cour. Il a conclu que l'article 11 ne s'applique pas parce que ce qui est en cause n'est pas un châtiment et que, par conséquent, le régime permettant le prélèvement rétroactif d'échantillons d'ADN de personnes qui faisaient toujours partie du système était suffisamment solide.

Le sénateur Milne : Cette affaire fait l'objet d'un appel devant la Cour suprême.

M. Cohen : En effet, mais comme je l'ai dit, c'est une décision rendue par l'un des plus grands penseurs de notre pays dans le domaine du droit pénal et c'était une décision unanime de ce tribunal.

Le sénateur Pearson : À notre comité, nous préférons prendre tout notre temps pour examiner un projet de loi. Je suis très réconfortée par le fait qu'il y aura un examen au cours duquel toutes ces questions reviendront sur la table et seront discutées. Nous connaîtrons probablement alors cette décision de la Cour suprême, et nous serons quelque peu rassurés.

Deux choses m'ont frappée dans l'exposé du ministre. D'abord, la discussion compliquée sur les correspondances moyennes. C'est le genre de question qui soulève des doutes dans mon esprit quant aux certitudes apportées par la technologie. D'une part, la banque d'ADN comprend 600 échantillons qui ne devraient pas s'y trouver, apparemment. Ils ont été prélevés de manière irrégulière. Je me demandais s'il y avait un exemple d'une correspondance qui semblait parfaite mais qui ne l'était pas en fait. Ce système est-il absolument infaillible, ou bien comporte-t-il un certain risque?

M. Zigayer : Il existe à la banque de données un très solide système de supervision, de contrôle et de vérification. Je suis certain que si vous vouliez examiner cela, la Banque nationale de données génétiques vous enverrait un représentant pour vous expliquer ces détails techniques.

Je peux dire qu'aucun des 600 échantillons dont il a été question n'a été analysé, de sorte que les profils d'ADN ne se trouvent pas dans la banque de données. Il est impossible d'effectuer une telle correspondance. Cependant, le mécanisme à sécurité totale dans le fonctionnement d'ensemble de la banque de données génétiques et du régime de mandat pour le prélèvement d'ADN est que si l'on obtient une correspondance dans la banque de données génétiques, cela devient une piste d'enquête. Ce renseignement est alors communiqué au service de police qui mène l'enquête. Il peut s'agir d'une affaire classée dans laquelle on n'avait identifié aucun suspect, mais voici maintenant que la banque de données a identifié un suspect. On utilise alors ce renseignement et tout autre renseignement ou élément de preuve réuni pendant l'enquête pour demander un mandat autorisant le prélèvement génétique. Armé de ce mandat, on prélèvera un échantillon de la personne en question, lequel sera comparé à ce qui a été retrouvé sur la scène du crime. S'il y a correspondance, des poursuites seront probablement entamées. Parfois, il y a une raison non blâmable, une explication acceptable de la présence de l'empreinte génétique d'une personne sur une scène de crime. Par contre, dans la plupart des cas, il n'y a aucune explication valable de la présence d'une empreinte génétique sur la scène d'un crime.

Le sénateur Pearson : C'est seulement un élément de la preuve qui sera utilisé?

M. Zigayer : C'est circonstanciel, comme le ministre l'a dit. Cela fait partie de l'ensemble de la preuve qui est présentée au tribunal, mais l'effet d'exclusion est très fort. C'est très discriminatoire. Les chances que ce soit quelqu'un d'autre sont d'une sur plusieurs millions ou peut-être même plusieurs milliards.

Le sénateur Ringuette : C'est comme une empreinte digitale.

M. Zigayer : C'est plus fort.

Le sénateur Pearson : Le cas des personnes non criminellement responsables ne figurait pas dans le premier projet de loi que nous avons adopté; d'où est venue la pression pour l'ajouter?

Ma question est peut-être mal posée. Qui a formulé la recommandation d'ajouter cela dans le projet de loi?

M. Zigayer : La question a été soulevée pour la première fois en août 2001, à la Conférence pour l'uniformisation du droit à Toronto. Un certain nombre de résolutions ont été étudiées et celle-ci a été approuvée. À la suite de cela, le ministère de la Justice du Canada a rédigé un document de consultation en 2002. Il a été rendu public et les intervenants intéressés ont été invités à faire connaître leur opinion. La question était : croyez-vous que ce régime devrait être étendu pour y inclure les personnes non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux relativement à l'une de ces infractions? Les intervenants ont répondu oui à une majorité écrasante.

[Français]

Le sénateur Chaput : Dans sa présentation, le ministre a mentionné que le projet de loi ne répondait pas à toutes les inquiétudes mais que celles qui n'obtiendraient pas de réponses seraient étudiées plus tard cette année.

Il a aussi parlé de l'Internet et de la protection des enfants. Est-ce que ce projet de loi s'intéresse aux prédateurs qui essaient d'attirer les enfants par l'Internet? Est-ce que cela va aussi loin que les photos qui sont prises des enfants? Qu'est-ce que cela fait aux enfants? Le ministre a parlé de l'Internet en tant que moyen de corruption d'enfants. Alors, qu'est-ce que cela veut dire?

M. Zigayer : C'est une infraction au Code criminel que nous considérons inclure. C'est inclus maintenant dans les infractions primaires. Il sera possible, dans l'avenir, d'émettre une ordonnance, sauf dans le cas où, le fardeau repose sur le condamné ou si cette personne peut démontrer à la cour qu'on devrait faire une exception dans son cas. La cour devrait le faire parce que c'est la procédure dans les infractions primaires.

Suite à une condamnation, on peut s'attendre à ce que le profil génétique d'une telle personne soit inclus dans la banque de données nationale.

Je devrais dire, qu'en même temps, on peut se servir du mandat ADN pour aider à l'enquête sur une telle infraction, si les circonstances le permettent.

Le sénateur Chaput : Pouvez-vous me donner des exemples des inquiétudes qui seraient étudiées à un autre moment si elles ne le sont pas dans le projet de loi actuellement?

M. Zigayer : Certainement. Depuis 1997-1998, nous examinons cette question d'établir une banque de données nationale et nous étudions la façon d'obtenir des preuves à caractère ADN pour les poursuites. Il y a deux arguments. Le premier est qu'on devrait adopter le système le plus permissible possible. L'exemple cité est le Royaume-Uni où on permet aux policiers la prise d'échantillon corporel aux fins de la banque de données nationale et d'enquête lors de l'arrestation de la personne. Même si la personne est acquittée, même si on retire les procédures d'accusation, cela ne sort pas de la banque de données nationale. Alors il y a beaucoup moins de protection de la vie privée là-bas; mais aux fins d'enquête policière, c'est certainement très utile. Alors il y a débat, d'une part, les intérêts de l'État et de la police et, d'autre part, les intérêts de la vie privée. Cette question sera posée et se pose chez nous. Nous pouvons nous attendre à ce que certains groupes de pression veulent adopter l'approche du Royaume-Uni. Le comité, a invité à témoigner celui qui est responsable de la banque de données nationale au Royaume-Uni. Les résultats étaient impressionnants, mais en même temps, ils n'ont pas notre charte, ils n'ont pas le même respect que nous avons au Canada de la vie privée. Ce sera une question à examiner lors de la révision de cette législation qui pourrait avoir lieu plus tard cette année.

Pour ce qui est des personnes incarcérées maintenant, notre approche envers la rétroactivité est très restreinte. Et nous croyons que c'est une raison pour laquelle les cours ont maintenu cette législation car elle se conformait à la charte; mais il y en a d'autres qui suggèrent que nous devrions exiger que toute personne qui sort d'un pénitencier fournisse un échantillon avant de sortir. Cela existe dans quelques États et cela s'en vient en Californie. Nous dirons sans doute qu'il faut regarder cette autre juridiction. Voulons-nous l'adopter ici? Ce qui me préoccupe, c'est le cas où le condamné est devant la cour dans une affaire d'infraction secondaire. La cour a décidé qu'elle n'émet pas d'ordonnance dans son cas. La Couronne aurait pu, dans ce cas, ne pas faire de demande. Il est envoyé quand même au pénitencier pour un an ou deux. Ce sera une condition de sa mise en liberté, maintenant, de l'obliger à fournir un échantillon. Je dis seulement que c'est une autre question qu'on pourrait étudier.

[Traduction]

M. Cullen : Une autre question a été soulevée. La possibilité d'établir un index des personnes déclarées disparues a suscité beaucoup d'intérêt à la Chambre des communes. Un projet de loi en ce sens a été proposé par un député en décembre. Cela permettrait d'établir des correspondances entre des personnes disparues et des scènes de crime. Des questions de compétence se sont posées et le gouvernement a donc commencé à consulter les provinces et les territoires. Je suis certain qu'à la fin de ce processus de consultation, on aura suffisamment d'information pour réfléchir à la meilleure manière de procéder. Le gouvernement fédéral tient beaucoup à ce que cela se fasse. Il s'agit simplement de voir quelle est la meilleure manière de procéder.

Le sénateur Milne : Cela engloberait-il l'ADN des enfants?

M. Zigayer : Non, sénateur, ce serait plus circonscrit que les enfants disparus.

Le sénateur Milne : Il vous faudrait d'abord un échantillon d'ADN.

M. Cohen : Il serait possible d'utiliser un article personnel comme une brosse à dents ou une brosse à cheveux pour en extraire de l'ADN pour la police. Vous avez raison de dire que cela soulèverait des questions de respect de la vie privée.

Le sénateur Milne : Serait-ce détruit quand l'enfant atteint l'âge de 18 ans?

Le sénateur Eyton : Le ministre a une bonne réputation dans le domaine des droits de la personne et il appuie manifestement le projet de loi, en général. Est-ce que le ministre a des réserves au sujet d'une disposition quelconque du projet de loi? Peut-être que M. Cullen ou un autre fonctionnaire pourrait répondre à cette question.

M. Cullen : Je vais commencer à répondre. Des questions se posaient au sujet de la discrétion judiciaire et du prélèvement obligatoire d'empreintes génétiques pour les infractions primaires. En fait, un débat a eu lieu à l'autre endroit sur l'obligation d'envoyer des échantillons d'ADN à la banque de données génétiques pour toutes les infractions primaires. Selon l'avis que nous ont communiqué les fonctionnaires, cela créerait un problème au niveau de la Charte, et un compromis a donc été atteint en ce sens que l'on a établi deux catégories d'infractions primaires, la première comprenant les crimes particulièrement odieux pour lesquels le juge n'aurait aucune discrétion, et l'autre catégorie comprenant les crimes moins odieux, auquel cas le fardeau de la preuve incomberait à l'accusé de démontrer que le fait d'entrer l'empreinte génétique dans la banque de données créerait une atteinte à la vie privée.

Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats là-dessus. En dernière analyse et en se fondant sur les conseils des experts constitutionnalistes du ministère, le ministre s'est dit confiant que l'on aurait des arguments solides pour défendre cette décision.

Quant à savoir si le ministre avait des réserves sur d'autres questions, peut-être les fonctionnaires pourraient-ils nous le dire.

M. Cohen : Le ministre a énoncé quelle serait la controverse relativement à la suppression de la discrétion judiciaire. Il a dit que c'était une mesure défendable, en dépit de cela. Nous pouvons certainement nous attendre à des contestations fondées sur la Charte à ce propos. Cela met en cause l'équilibre global que le projet de loi cherche à établir et les méthodes que nous utilisons.

Le sénateur Eyton : Personnellement, je suis en partie rassuré par le fait qu'il y a un processus d'examen qui est évolutif. Je m'interrogeais au sujet du ministre en particulier parce que je soupçonne qu'il place la barre plus haut que moi. J'étais curieux de savoir s'il avait des réserves qui ne m'étaient pas venues à l'esprit.

Le projet de loi C-13 n'est pas d'une lecture facile et il aurait été utile d'établir une certaine codification. Je reconnais que c'est une mesure de grande envergure et qu'on ne voudrait peut-être pas la présenter d'un seul tenant, mais il me semble qu'il aurait été utile de la diviser en diverses parties. Je fais cette observation à toutes fins utiles, pour l'avenir.

Ce projet de loi ou ceux qui l'ont précédé sont à l'étude depuis assez longtemps. Je suppose qu'il bénéficie d'appuis importants un peu partout au pays, au niveau des politiques et de la population. Je voudrais que vous me parliez de cet appui, en particulier parmi les juristes et les hauts fonctionnaires. Qui sont les principaux critiques, dans quelle mesure sont-ils bruyants et quelle est la probabilité qu'ils se fassent entendre?

M. Cullen : Le projet de loi a été appuyé à l'unanimité au comité et, à la Chambre des communes, on s'est entendu pour l'adopter rapidement à toutes les étapes.

Je sais personnellement que les organismes d'application de la loi et les groupes qui défendent les droits des victimes appuient fermement cette mesure, quoique je suppose qu'il peut y avoir certains juristes qui ne soient pas aussi enthousiastes.

Au total, nous essayons d'aller juste un peu plus loin. Actuellement, par exemple, pour les infractions primaires, même si c'est obligatoire et qu'il est difficile d'obtenir une exception, nous n'obtenons au laboratoire qu'environ 50 p. 100 des empreintes génétiques. Cela a causé une certaine consternation. C'est un compromis raisonnable qui devrait résister à toute contestation fondée sur la Charte.

Peut-être que M. Cohen ou M. Zigayer pourrait nous dire d'où émanaient les autres pressions.

M. Cohen : Je pense que l'on peut s'attendre à ce que l'éventail habituel des groupes d'intérêt fassent connaître leur opinion sur cette question. Je suis certain que l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne des libertés civiles ont une position là-dessus. Je crois que le Sénat lui-même s'intéresse à cette affaire de manière continue.

Je me rappelle d'être venu ici en 1998 avec M. Zigayer pour discuter du projet de loi qui était à l'étude à l'époque. Je me rappelle que l'on avait de très sérieuses réserves quant à la protection de la vie privée. Je pense que ce sentiment persiste parmi les sénateurs et que ce sera pris en compte à la fois durant le processus actuel et à l'occasion des futurs examens de la loi.

Le sénateur Eyton : Je pense que d'autres autour de la table en savent beaucoup plus long que moi, mais il existe une foule de programmes nationaux pour lesquels la loi habilitante et la planification étaient irréprochables, mais dont l'exécution a été loin d'être parfaite.

Je voudrais en savoir davantage sur la Banque nationale de données génétiques, qui existe, sauf erreur, depuis cinq ans. Est-ce qu'elle fonctionne comme vous le laissez entendre? Où se trouve-t-elle? Comment fonctionne-t-elle? Je m'intéresse à son emplacement physique, à l'administration et à la reddition de comptes.

M. Cullen : J'invite les membres du comité sénatorial à visiter la banque de données qui se trouve au quartier général de la GRC ici même à Ottawa. C'est très impressionnant et cela se compare à ce qui se fait de mieux dans le monde.

Le sénateur Eyton : Elle est centralisée en un seul endroit, mais divers laboratoires un peu partout au pays l'alimentent?

M. Zigayer : Oui, mais la banque de données à Ottawa se charge d'effectuer l'analyse de tous les échantillons prélevés sur les délinquants reconnus coupables. Le contrôle de la qualité est le plus serré possible. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ils sont à la fine pointe de la technologie en termes de robotique et d'efficacité.

Le commissaire de la GRC est responsable de son administration aux termes de la Loi régissant les empreintes génétiques, et il a délégué cette responsabilité à un fonctionnaire.

Il y a des laboratoires judiciaires régionaux un peu partout au Canada. Il y a environ six laboratoires de la GRC et il y a un laboratoire provincial à Montréal pour le Québec et un à Toronto pour l'Ontario. Ils s'occupent des dossiers. Les échantillons prélevés sur les lieux de crime sont envoyés aux analystes en criminalistique à l'un de ses laboratoires régionaux. Ils font une analyse judiciaire de l'ADN se trouvant dans cette substance corporelle et établissent un profil génétique. Si le crime n'est pas élucidé et que l'on n'a aucun suspect, ils envoient alors électroniquement le profil génétique obtenu sur les lieux du crime vers le fichier de criminalistique de la Banque nationale de données génétiques. Dès que ce profil arrive à Ottawa, il est automatiquement comparé à l'ensemble des profils contenus dans la Banque nationale de données génétiques. Il peut y avoir correspondance avec un profil provenant d'une autre scène de crime, ce qui permet alors d'établir un lien entre deux crimes qui peuvent avoir été commis par la même personne.

On espère obtenir une correspondance avec l'empreinte d'un délinquant déjà reconnu coupable, auquel cas, on obtient une piste d'enquête permettant de traduire cette personne devant la justice.

Le sénateur Eyton : Ce renseignement est-il transmis aux autorités compétentes?

M. Zigayer : Oui.

M. Cullen : Il a été question dans les journaux d'un arriéré d'échantillons d'ADN. C'est en partie dû à la confusion terminologique. Si un processus est en cours, peut-on parler d'un arriéré de cas? Nous avons essayé de faire des analyses comparatives et de vérifier les normes et la performance, à l'interne et dans d'autres pays.

Par exemple, les cas prioritaires sont traités en moins de 15 jours, sans aucune exception. Les autres font l'objet de négociations avec l'agence qui a remis l'échantillon et l'on s'entend sur une échéance pour l'analyse de l'ADN.

Des sondages ont été faits et indiquent que la satisfaction des clients se situe à plus de 95 p. 100, et cela comprend le délai de traitement.

À la banque de données génétiques, on travaille très fort pour améliorer la performance. Les cas qui ne sont pas urgents sont traités en 120 jours, en moyenne, et l'on s'efforce de réduire ce délai. Les cas urgents, lorsque l'analyse est nécessaire pour une comparution importante en cours, font l'objet d'un accord négocié à l'avance et les échéances sont respectées dans presque tous les cas.

M. Zigayer : Au sujet de la gouvernance de la banque de données, le comité consultatif sur l'ADN existe à cause de l'intérêt manifesté par votre comité pour ce qui est d'avoir une surveillance quelconque, quoiqu'il ne s'agisse pas vraiment d'un groupe de surveillance.

Ce comité conseille le commissaire de la GRC sur des questions opérationnelles qui peuvent surgir. Il a notamment donné des conseils sur la question des correspondances moyennes dont le sénateur Pearson a parlé tout à l'heure. L'ancien juge Peter Cory de la Cour suprême du Canada fait partie du comité, lequel peut donc compter sur une expertise juridique. On y trouve aussi des représentants de plusieurs disciplines scientifiques liées au fonctionnement et à l'utilisation de la technologie de l'ADN. Ce comité comprend aussi un représentant du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée.

Cela contribue à assurer le bon fonctionnement de cette banque de données.

Le sénateur Eyton : Quelle est la place des services de police municipaux dans tout cela? Nous avons une police provinciale. À Toronto, nous avons la police de Toronto. Sont-elles subordonnés au laboratoire provincial et aux autorités provinciales, ou bien traitent-elles directement avec la Banque nationale de données génétiques?

M. Zigayer : Il n'y a pas de règle fixe. Les services de police traitent avec des laboratoires judiciaires régionaux différents, selon les provinces. On peut supposer au départ que le service de police de Toronto traite avec le Centre des sciences judiciaires, qui est le laboratoire judiciaire régional de l'Ontario. Les services de police des provinces de l'Ouest, qu'il s'agisse de police municipale ou de la GRC, traitent avec les laboratoires judiciaires régionaux de la GRC dans ces provinces.

C'est peut-être parce que certains considèrent qu'il y a un arriéré de cas tandis que d'autres voient tout cela comme un travail évolutif qu'il y a parfois un sentiment d'urgence dans une affaire donnée. En pareil cas, l'échantillon est envoyé d'un laboratoire judiciaire à un autre, à l'intérieur du réseau de la GRC, pour que le travail se fasse plus rapidement. En règle générale, c'est ainsi que l'on fonctionne. Ce n'est pas une question d'être subordonné à la GRC. C'est un partenariat.

Le sénateur Eyton : Je m'inquiète davantage de la gestion du système que de la coordination nationale globale. Plus on a d'intervenants différents, plus cela devient compliqué. La question est alors de savoir comment communiquer et comment assurer cette communication. Vous me dites que l'on trouve des solutions, bien qu'il n'y ait aucune règle nationale établissant une procédure précise pour traiter tout cela.

M. Zigayer : Il n'y a qu'une seule Banque nationale de données génétiques, laquelle travaille très bien et en étroite collaboration avec chacun des laboratoires régionaux. La communication est très bonne dans les deux sens. À un moment donné, le renseignement est transmis au service de police qui traite avec le laboratoire régional en question. À ce moment-là, la banque de données génétiques n'est plus en cause.

Le sénateur Eyton : Examine-t-on périodiquement le travail de la banque de données génétiques?

M. Zigayer : Oui. Le commissaire et le ministre, je crois, sont tenus de présenter un rapport annuel au Parlement. Scientifiquement, la Banque nationale de données génétiques doit faire l'objet de vérifications par des pairs professionnels. J'ignore si c'est assujetti aux normes ISO, mais c'est une situation semblable et des experts du laboratoire du Royaume-Uni ou du FBI viennent inspecter les installations canadiennes et donnent des conseils ou font des recommandations.

Le sénateur Joyal : Cela me rappelle une discussion qui a eu lieu quand le sénateur Milne occupait le fauteuil et que le sénateur Pearson assistait à nos réunions.

D'après un article du Ottawa Citizen, les statistiques montrent qu'actuellement, les juges ordonnent le prélèvement d'échantillons d'ADN dans seulement la moitié des cas des crimes les plus graves. Il semble que c'est de là que vienne le besoin de ce projet de loi.

Nous nous rendons compte, par l'opinion publique et par certains partis politiques, que les juges ne vont pas assez loin au goût de certaines gens. Cela étant, il a été décidé de rendre obligatoire l'ordonnance du tribunal pour le prélèvement d'un échantillon d'ADN. Le projet de loi ajoute à la liste des infractions qui étaient auparavant assujetties à l'ordonnance de prélèvement.

J'examine la liste des infractions et j'ai de la difficulté à établir un lien entre certaines d'entre elles et la nécessité, au départ, de l'empreinte génétique. Il n'y a sur la liste aucune infraction mettant en cause ce que j'appelle l'intégrité physique, notamment les infractions sexuelles, la corruption d'enfants, la prise d'otage, et cetera. On peut comprendre qu'il y ait les crimes impliquant des actes de violence contre des personnes. Lorsqu'il y a violence contre une personne, nous devons nous en inquiéter.

Cependant, quand on va jusqu'au vol à main armée, l'extorsion ou l'introduction par effraction, tout cela n'a rien à voir avec la personne. Il s'agit de biens, si l'on utilise la classification traditionnelle du Code criminel.

Je me demande si, en rendant automatique le prélèvement d'ADN en pareil cas, on n'enfreint pas la règle de la proportionnalité établie à l'article 1 de la Charte. Ce critère comprend trois éléments : les moyens doivent correspondre à l'objectif; ils doivent causer une entrave minimale; et ils doivent être les seuls moyens permettant d'obtenir les résultats voulus.

Votre raisonnement semble être fondé sur le fait que la cour ne semble pas aussi accommodante que nous le voudrions. Autrement dit, la cour n'exerce pas sa discrétion de manière à atteindre l'objectif de la loi. J'aimerais savoir qui analyse les décisions des tribunaux, et je serais peut-être d'avis que la cour était bien fondée de refuser l'ordonnance. Je ne suppose pas au départ que, parce que la cour a décidé la moitié du temps de refuser l'ordonnance de prélèvement, que la cour n'avait pas raison. Il faut porter un jugement, lequel serait normalement fondé sur une étude ou un examen des cas dans lesquels l'ordonnance de prélèvement a été refusée.

Ensuite, pour répondre à ce « besoin », vous ajoutez à la liste de nombreuses infractions qui n'ont rien à voir avec l'intégrité physique, c'est-à-dire le droit au respect de la vie privée qui pourrait être enfreint quand l'intégrité physique d'une personne ou d'une victime est en cause.

Quand vous allez plus loin et que vous ajoutez des infractions contre les biens, il me semble que cela doit donner matière à réflexion. Vous devez vous demander si c'est conforme aux principes de la Charte. Vous connaissez la Charte aussi bien que moi, sinon mieux. Je voudrais entendre votre raisonnement qui vous a amené à présenter un projet de loi qui ajoute tellement d'infractions à la liste originale.

M. Zigayer : Je vais commencer, après quoi je demanderais à M. Cohen de traiter de la proportionnalité.

Je vais traiter d'abord de la raison d'être du projet de loi, qui est l'objet de votre première question. Est-ce simplement à cause de la perception selon laquelle les juges ne rendent pas suffisamment d'ordonnances de prélèvement d'empreintes génétiques? Non, ce n'est pas le cas.

Le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui a commencé son cheminement en 2001, quelques semaines à peine avant les événements du 11 septembre, à la Conférence pour l'uniformisation du droit, lorsque l'Ontario a présenté un certain nombre de résolutions proposant que le gouvernement du Canada envisage d'apporter certains changements aux lois en consultation avec les provinces et d'autres intervenants. Nous avons procédé comme nous le faisons normalement quand nous recevons des suggestions ou des propositions de modification de la loi.

Nous avons tenu une consultation publique en 2002. Mes collègues, M. Cohen et d'autres fonctionnaires de la justice, et moi-même avons concentré notre attention sur le projet de loi C-36 à l'automne 2001. Ce document de consultation a été publié au tout début de l'été 2002.

Nous avons alors reçu des réponses aux questions prioritaires identifiées dans ce document. Les intervenants appuyaient fermement l'ajout des personnes jugées non criminellement responsables ainsi qu'un certain nombre de changements à la procédure relativement aux ordonnances de prélèvement génétique irrégulières. C'était une autre question abordée dans le document de consultation.

Ce projet de loi ne vous est pas parvenu à cause de priorités politiques conflictuelles. Cette loi fera très bientôt, à l'automne, l'objet d'un examen parlementaire qui permettra d'approfondir davantage certaines questions que j'ai mentionnées tout à l'heure. Ce n'était pas seulement en réponse à la perception que les juges ne rendaient pas suffisamment d'ordonnances de prélèvement d'empreintes génétiques. Des préoccupations ont été soulevées dès la première année d'application de la loi.

Vous n'avez probablement pas lu les observations que j'ai faites devant le comité de la Chambre, mais j'ai dit la même chose que vous venez de dire, que nous n'avons aucune preuve indiquant que les tribunaux appliquent mal la loi. Nous avons une preuve empirique parce que Conseils et Vérification Canada a fait une étude dans le cadre de laquelle on a demandé au procureur pourquoi les juges ne rendaient pas un plus grand nombre d'ordonnances. Nous avons obtenu des réponses du genre « j'ai oublié de poser la question » ou encore « j'ai oublié de le rappeler au juge » ou bien « j'avais peur d'en faire la remarque au juge ». C'était dans les premiers jours de la mise en oeuvre de cette loi. L'étude a été faite en 2001 ou 2002.

Comme pour beaucoup d'autres mesures législatives, à mesure que les juges et les procureurs l'appliquent, ils en viennent à mieux comprendre son fonctionnement. Ce qui est étonnant et inquiétant pour bien des gens, c'est le fait que ce chiffre de 50 p. 100 demeure constant encore aujourd'hui. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi et nous n'avons aucune étude permettant d'expliquer pourquoi les ordonnances sont moins nombreuses que prévu.

Au sujet des infractions contre les biens, vous avez évoqué l'introduction par effraction. C'est une infraction qui était prévue dans la loi à l'origine. Ce que nous avons fait, c'est simplement de faire passer l'introduction par effraction dans une maison d'habitation de la liste des infractions secondaires à la liste des infractions primaires. La raison en est qu'il s'agit d'une infraction grave. La peine maximale dont elle est passible est la prison à vie.

Il y a aussi possibilité de violence — sexuelle ou physique — contre le propriétaire de la maison, ce qui justifie de faire passer cette infraction de la liste secondaire à la liste primaire. Si elle était incluse au départ, c'est en raison du fait que souvent, les gens qui commettent une telle infraction en commettent aussi beaucoup d'autres. Cela devient la profession d'une personne, de s'introduire par effraction dans des maisons pour quelque raison que ce soit, pour payer sa drogue dans le cas d'un toxicomane ou quoi que ce soit. Ce sont des professionnels.

Bien souvent, ces gens-là peuvent se blesser. Ils se coupent en brisant la vitre pour s'introduire dans la maison ou se blessent d'une autre manière dans la maison. Nous avons eu à Ottawa le cas d'un type qui s'introduisait dans des maisons pour manger de la nourriture. Il s'est préparé un repas dans une maison et sa présence a été prouvée par l'ADN retrouvé sur un ustensile et il a été poursuivi et condamné. C'est un outil d'enquête efficace pour ce type de crime.

Cet outil est utilisé dans certaines régions du pays. Ici, à Ottawa, il a été utilisé. Dans d'autres coins du pays, par exemple dans le Nord, on ne fait pas nécessairement appel à la technologie de l'ADN pour établir un dossier parce qu'on a d'autres manières de prouver la culpabilité. On peut s'en servir au besoin.

Disons que quelqu'un s'introduit par effraction dans un musée et vole une oeuvre précieuse. Si le voleur s'est blessé en brisant la vitrine d'exposition et a laissé du sang, cela aide à le traduire devant les tribunaux.

Je vais maintenant demander à mon collègue M. Cohen de vous parler de la proportionnalité.

M. Cohen : Vous avez mis le doigt sur une question difficile mais importante en matière de politique publique. Cette loi provoque constamment une tension entre le besoin de respecter la vie privée d'une personne et le besoin de protéger la société contre ceux qui commettent des crimes avec violence. C'est une question qui ne disparaîtra pas pendant que nous progressons dans ce processus.

L'essentiel de vos propos, en ce qui me concerne et en ce qui touche ma responsabilité de donner des conseils relativement à la Charte, est l'élimination de la discrétion judiciaire relativement à 16 infractions qui sont identifiées dans ce projet de loi. C'est un chiffre important, mais pas tellement considérable relativement au nombre total d'infractions qui sont définies dans le code ou visées par l'ensemble des lois.

Un problème a été identifié. Il a été mis au jour durant les audiences à l'autre endroit. Le chiffre de 50 p. 100 que vous avez évoqué est peut-être approximatif, mais il a été donné par des gens qui sont bien placés pour le savoir. Je suis convaincu qu'ils sont en mesure de présenter des éléments de preuve additionnels quant à l'insuffisance du nombre de personnes qui font l'objet de prélèvements d'ADN pour être versés dans la banque de données génétiques. Par conséquent, c'est la responsabilité des décideurs politiques et des parlementaires de s'attaquer à cette question. La question est de savoir comment nous pouvons le faire d'une manière qui respecte les normes et les valeurs constitutionnelles. Cela nous amène à l'article 1 que vous avez évoqué.

Nous pourrions être ici en train de discuter d'une réforme beaucoup plus vaste qui irait beaucoup plus loin. On a donné l'exemple du Royaume-Uni, où le prélèvement d'échantillon au moment de l'arrestation est la norme opérationnelle. Il n'y a plus la moindre discrétion judiciaire et le prélèvement d'ADN devient automatique.

Dans le monde dans lequel nous vivons au Canada, aux termes de l'article 1 de la Charte, la jurisprudence exige que les tribunaux prennent en compte un exemple comparatif d'une autre société libre et démocratique qui aurait adopté des méthodes beaucoup plus poussées qui semblent efficaces pour s'attaquer à cette question sans nécessairement compromettre les valeurs. Un tribunal au Canada doit tenir compte de cela.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas en tenir compte. Je suis convaincu que c'est une question à laquelle vous serez confrontés à l'avenir.

Je fais aussi observer que, hormis cette catégorie particulière que l'on a appelé le pire du pire, à savoir les infractions les plus odieuses qui peuvent entraîner le prélèvement automatique d'échantillons, la plupart des préoccupations qui ont été soulevées par la magistrature ont été écartées après que les juges eurent examiné la qualité des sauvegardes qui ont été incorporées dans la loi au départ.

Si la discrétion judiciaire est l'une de ces sauvegardes, ce n'est pas la seule. Nous avons également des garanties considérables relativement au respect de la vie privée, pour faire en sorte que les échantillons demeurent anonymes, pour garantir l'intégrité de la banque de données génétiques elle-même, et cetera.

Tous ces facteurs entrent en jeu quand il s'agit de déterminer si la mesure est appropriée et proportionnelle dans cette affaire.

Je ne prétends nullement que la question de la discrétion judiciaire ne soit pas un enjeu important. Il est certain que dans certains cas, et je les ai évoqués durant mon témoignage devant le comité de la Chambre, le pouvoir discrétionnaire est très important pour l'application des garanties de la Charte. Cependant, il y a d'autres considérations opposées dont il faut tenir compte. L'une d'entre elles est que l'on a affaire à une personne qui a été trouvée coupable d'une infraction et qui ne bénéficie donc plus de la présomption d'innocence. Par ailleurs, les personnes reconnues coupables dans notre système peuvent généralement s'attendre à des ingérences dans leur vie privée. D'autres ont avancé l'argument qu'il n'y a nul besoin de décision judiciaire ou de discrétion judiciaire, puisqu'un juge de première instance vient tout juste de terminer un procès impliquant la personne en question et a trouvé cette personne coupable d'une infraction grave. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de se demander si la personne en question devrait être assujettie ou non au prélèvement d'ADN. Voilà donc les arguments que les gens ont invoqués.

Il y a aussi dans les affaires qui se sont présentées des commentaires formulés par des juristes selon lesquels la procédure en cause en l'occurrence n'est pas du tout une procédure de délivrance de mandat. Les formalités associées à la procédure de mandat ne sont pas nécessaires à cette étape du processus. Je renvoie ici à une décision de la cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Briggs, dont il est également fait mention dans l'autre discussion dont il a été question aujourd'hui, la décision Jackpine.

Des arguments solides peuvent être avancés à l'appui de la mesure. Des arguments solides peuvent être présentés pour la justifier. Je ne minimise nullement l'importance du processus d'examen qui va commencer dans peu de temps, et je crois d'ailleurs que c'est une très belle occasion d'approfondir la question et de réfléchir à d'autres changements à la loi qui seraient susceptibles d'en assurer un meilleur fonctionnement.

M. Cullen : Je ne voudrais pas que l'on dise que le projet de loi est une réaction à, disons, l'opinion de certains selon laquelle les tribunaux n'ordonnaient pas suffisamment de prélèvements d'ADN pour les infractions primaires. En fait, cette question a été étudiée plus attentivement à l'autre endroit pendant la discussion sur le projet de loi, mais le projet de loi vise à régler tout un éventail de questions, notamment quelles infractions doivent figurer sur la liste primaire, lesquelles doivent figurer sur la liste secondaire, et aussi les questions de rétroactivité, les correspondances moyennes et une foule d'autres questions.

La politique est l'art du possible. Une proposition initiale voulait que le prélèvement soit rendu obligatoire pour toutes les infractions primaires, sans aucune discrétion. Si vous examinez le libellé actuel, pour les infractions primaires, la barre est placée très haut et il incombe à l'accusé de démontrer que le prélèvement d'ADN et le versement de l'empreinte génétique dans la banque de données seraient — je n'ai pas ici le libellé exact — totalement disproportionnés par rapport à sa valeur pour l'État, ou quelque chose du genre.

En fait, quand nous avons demandé aux fonctionnaires si quelqu'un avait déjà présenté un dossier en ce sens, on nous a dit que personne ne l'avait fait. Les membres de l'autre endroit étaient préoccupés parce qu'environ 50 p. 100 de l'ADN des meurtriers et violeurs reconnus coupables se retrouvaient dans la banque de données, et je sais que vous avez soulevé des questions au sujet de la liste complète, mais il s'agit là de crimes particulièrement odieux. Quand nous avons demandé aux fonctionnaires quels arguments on pouvait prévoir de la part d'un criminel reconnu coupable en pareil cas, on n'a pu nous donner un seul exemple qui aurait franchi ce seuil.

Le fait de classer les infractions primaires en deux catégories correspondant aux listes A et B, c'est le compromis qui a été dégagé. Les experts constitutionnalistes nous ont dit — et peut-être n'avez-vous pas entendu le ministre de la Justice le dire tout à l'heure — qu'ils sont convaincus et le ministre est convaincu que, bien que la mesure proposée étende quelque peu la portée de la législation, de solides arguments permettraient de réfuter toute contestation fondée sur la Charte. C'est le compromis qui a été trouvé à l'autre endroit.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le comité de l'autre endroit a appuyé à l'unanimité la mesure proposée et à la Chambre elle-même, il y a eu consentement unanime pour l'adopter de manière accélérée. Je dis tout cela pour établir le contexte.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas prolonger le débat. Vous avez plaidé éloquemment votre cause et je suis sensible à vos arguments.

J'ai des réserves quand j'entends dire : « Les Anglais le font et nous pouvons donc le faire aussi au Canada ». Les systèmes constitutionnels pour la protection des droits sont différents en Angleterre et au Canada. Westminster est encore un Parlement suprême. Nous n'avons pas de Parlement suprême; la Charte est prééminente par rapport à nous. Un juge peut ordonner au Parlement de changer la loi dans un certain délai, parfois très court. En fait, le dernier projet de loi que nous avons étudié ici visait à apporter des modifications au Code criminel relativement aux personnes souffrant de troubles mentaux et nous avions un an pour l'adopter. En Angleterre, comme vous le savez mieux que moi, ils ont signé la Convention européenne des droits de l'homme. Quand la cour rend une décision, elle invite le Parlement à en tenir compte, mais elle ne peut pas ordonner au Parlement de le faire.

Par ailleurs, l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme sur une question de respect de la vie privée comme celle dont on discute ici n'a pas été mise à l'épreuve.

Autrement dit, nous ne pouvons pas vraiment prendre la Grande-Bretagne comme modèle dans cette affaire et dire : « Cela se fait en Grande-Bretagne; le modèle des parlements le fait. Nous qui sommes le parlement subalterne, nous pouvons le faire aussi. » J'ai énormément de réserve à ce sujet.

La dernière décision de la Chambre des lords portant sur le certificat de sécurité, que votre ministre connaît très bien, a été invalidée sur la foi de la convention européenne à la lumière de laquelle on a enfin examiné le système policier relativement à la fameuse décision de Lord Bingham dont vous vous rappellerez. Nous devrons peut-être reconsidérer nos propres certificats à la lumière de cette décision.

Autrement dit, il n'existe aucun fondement solide nous permettant de dire que nous pouvons le faire parce qu'ils le font. Je tiens à dire cela clairement. C'est la même chose pour la Californie. Comme mon collègue le sénateur Milne me l'a dit, la Californie est un État où la peine de mort existe. Quand quelqu'un me dit que l'on peut s'inspirer de l'exemple du système juridique de Californie, j'ai parfois des réserves. Je dis que nous devrions examiner comment le système juridique fonctionne exactement dans cet État pour ce qui est de protéger la vie privée, avant d'importer une pratique.

C'est pourquoi nous devons être prudents dans notre système de renvoi quand nous faisons une comparaison.

Le sénateur Kinsella : On a déjà répondu en partie à ma question. Dans quelle mesure le projet de loi C-13 reflète-t-il les amendements prioritaires proposés en 2001 par la Conférence pour l'uniformisation du droit relativement à la législation sur l'ADN? Vous avez abordé cette question; avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Zigayer : Sénateur Kinsella, je dirai que chacun des amendements prioritaires identifiés par la Conférence pour l'uniformisation du droit en 2001 a été mis en oeuvre. De plus, nous sommes allés encore plus loin et avons abordé un certain nombre de questions qui ont été identifiées en réponse à nos consultations publiques en 2002. Le comité a-t-il bénéficié d'une séance d'information du ministère de la Justice du Canada?

Le sénateur Milne : Non, nous avons seulement le projet de loi sous les yeux.

M. Zigayer : Dans le document, aux onglets 6A et B, vous verrez un sondage réalisé par le ministère de la Justice sur la mise en oeuvre de cette législation proposée pendant deux années en particulier. Je n'avais pas ce document quand j'ai témoigné à l'autre endroit. Ces sondages annuels portent sur l'interprétation réelle de la législation proposée, les décisions des tribunaux, les erreurs antérieures et peut-être la constitutionnalité de la mesure proposée. Je veux m'assurer de donner la bonne référence au sénateur.

La présidente : C'est difficile à suivre pour nous.

M. Zigayer : Des renseignements susceptibles d'intéresser vivement le comité se trouvent dans le document. Les sénateurs ont certainement entendu le ministre parler de l'affaire Ku, dont il est question dans le document, ainsi que d'autres affaires.

Le sénateur Cools : Je ne suis absolument pas d'accord quand le sénateur Joyal dit que les tribunaux peuvent donner des ordres au Parlement. Les tribunaux peuvent donner des ordres au Parlement parce que le ministre de la Justice a décidé d'accepter cette pratique et de présenter des projets de loi en exigeant que les députés suivent la discipline du parti et votent en faveur. Je rejette la notion selon laquelle le Parlement est assujetti aux tribunaux. Peut-être la situation sera-t-elle résolue un jour par un autre ministre plus solide, un ministre qui pense différemment et qui acceptera le principe voulant que les gens doivent être gouvernés en fonction de leur consentement. Ce n'est nullement le cas en l'occurrence.

Ma question porte sur les consultations dont vous avez parlé. Monsieur Zigayer, pourriez-vous décrire le processus de consultation à l'intention du comité — la nature du processus, les participants, les dirigeants et peut-être combien cela a coûté et combien de temps les consultations ont duré? Quels sont les rôles du ministre et des secrétaires parlementaires?

M. Zigayer : Sénateur, dans le document, que vous n'avez malheureusement pas, mais que l'on pourrait vous faire parvenir, nous avons inséré des exemplaires du document de consultation en français et en anglais. Ce document a été publié par le ministère de la Justice du Canada.

Le sénateur Cools : Quel est le titre du document?

M. Zigayer : C'est « La Loi sur la banque de données génétiques — Document de consultation 2002 ».

Le sénateur Cools : Vous devez comprendre que tout cela nous est imposé très rapidement. Ce n'est qu'un seul projet de loi, mais nous sommes continuellement confrontés à de nombreux projets de loi qui nous arrivent.

M. Zigayer : Sénateur, je comprends très bien les difficultés auxquelles le comité est confronté. En réponse à votre question, le ministère de la Justice a publié ce document sur l'Internet. De plus, nous en avons envoyé des copies aux intervenants qui expriment normalement leur intérêt à l'égard des affaires juridiques, par exemple les procureurs généraux provinciaux, la magistrature, les organisations de victimes de crime, les services de police, les organisations regroupant des juristes, le Barreau du Québec, l'Association du barreau canadien, et cetera. Nous en avons envoyé copie à plus de 200 intervenants, en plus de l'afficher sur le site Web.

Il n'y a eu aucune entrevue, aucune séance publique ni tournée pancanadienne, comme c'est le cas dans d'autres consultations, parce que nous voulions procéder rapidement. Les consultations ont commencé au printemps 2002 et se sont poursuives jusque vers la fin nombre 2002, tenant compte du fait qu'au Canada, essentiellement, il ne se fait à peu près pas de travail en juillet et en août. Pour donner la chance à diverses organisations qui doivent se réunir et faire approuver un mémoire avant de l'envoyer au processus de consultation, la date a été repoussée. Nous n'avons jamais refusé d'accepter la moindre intervention dans le cadre de la consultation. Nous avons continué à recevoir des mémoires même en janvier 2003.

En nous fondant sur les résultats de cette consultation, qui n'a pas coûté cher parce que nous n'avons pas voyagé et n'avons pas rencontré qui que ce soit, nous avions la conviction de posséder suffisamment d'information pour nous permettre d'aller de l'avant et d'élaborer des propositions législatives. Nous les avons présentées au ministre et ensuite au Cabinet.

Le sénateur Cools : Pendant ces consultations, si vous deviez identifier les opinions qui l'emportaient, comment les décririez-vous? D'après vous, des centaines et des centaines de gens ont été consultés.

M. Zigayer : J'ai honte de l'admettre, mais nous ne semblons pas être une organisation très populaire parce que nous n'avons pas reçu de nombreuses réponses.

Le sénateur Cools : Nous entendons toujours parler de ces consultations. Les ministres viennent nous voir et disent qu'il n'est pas nécessaire d'entendre des témoins, que l'on peut se contenter d'adopter le projet de loi en 24 heures ou même en 12 heures ce serait encore mieux, parce que les ministères ont déjà consulté tout le monde. Il y a quelques années, j'ai participé à une série de consultations ministérielles et il n'y avait pas un seul ministre en vue. C'est pourquoi je suis curieuse de connaître ce processus de consultation de votre ministère, qui semble être différent, d'après votre description.

M. Zigayer : Essentiellement, la consultation publique ne prend pas fin avant la fin du processus législatif. Nous avions suffisamment d'information pour entreprendre l'élaboration d'une proposition législative. Ce produit fini a alors été présenté à l'autre endroit, où il y a eu des consultations auprès de nombreux intervenants fort impressionnants sur tous les aspects de la question. Il arrivait parfois qu'une organisation se prononce pour ou contre un aspect particulier alors que l'on s'attendait à ce que cette organisation se prononce en sens contraire.

C'est arrivé quand nous étions en train d'élaborer la première loi sur la banque de données génétiques. Certaines organisations de femmes ont dit que le gouvernement ne devrait pas gaspiller son argent pour créer une banque de données génétiques et qu'il devrait plutôt investir cet argent dans des refuges pour femmes battues. Je ne m'attendais pas à cette réponse.

Le sénateur Cools : C'était pur gaspillage.

M. Zigayer : Nous avons constaté que c'est devenu un outil efficace d'application de la loi. À part cela, je ne peux qu'exprimer mon opinion personnelle.

Je vais conclure en disant que ces consultations se poursuivent tout au long du processus législatif qui touche à sa fin aujourd'hui.

Le sénateur Cools : Je ne qualifierais pas de consultations les activités des chambres du Parlement. Je dirais plutôt qu'il s'agit d'audiences de comité. Monsieur Zigayer, dans quelle mesure ces échanges durant l'élaboration d'un projet de loi sont-ils de nature politique ou juridique?

Chaque ministère le fait. J'ai suivi cela d'assez près et certains sont excessivement politiques. Vous avez des employés et des fonctionnaires ministériels qui se chargent des relations publiques et tout le reste. Dans d'autres cas, certains sont brillants et j'ai déjà vu des interventions très intéressantes.

Je me demande, dans le cadre de ces consultations, dans quelle mesure vous cherchez à obtenir des appuis politiques pour le projet de loi et dans quelle mesure vous travaillez réellement à rédiger la mesure législative. Il y a une différence. À mes yeux, les deux processus sont tout à fait différents.

M. Zigayer : Nous n'avions aucun projet de loi à défendre en 2002. C'était purement consultatif. Nous voulions connaître le point de vue des Canadiens et les groupes que j'ai nommés ont appuyé les propositions émanant de la Conférence pour l'uniformisation du droit. Je peux dire que nous avons reçu des mémoires très fouillés de diverses organisations. Le procureur général de l'Ontario, par exemple, a remis un long mémoire. D'autres organisations ont limité leur mémoire à une page ou deux et ont abordé une question en particulier.

En fin de compte, nous avons pris ce que nous avions reçu et nous en sommes servis pour élaborer une proposition législative. Nous avons fait ensuite une certaine consultation, non pas à l'égard d'une ébauche de projet de loi, mais de nouvelles consultations au moyen de conférences téléphoniques auprès de nos homologues provinciaux pour discuter de la question avec des représentants des procureurs généraux provinciaux.

En fin de compte, j'en reviens à mon avis selon lequel le processus législatif est consultatif en un sens. Vous avez tout à fait raison. Parfois, nous sommes tous forcés d'étudier rapidement une question législative. Je me rappelle que vous et le sénateur Joyal aviez participé au débat lorsque nous devions répondre — je ne dirai pas que nous en avions reçu l'ordre, mais il y avait une obligation de répondre au jugement rendu dans la Cour suprême dans l'affaire Feeney, la cour ayant essentiellement déclaré...

Le sénateur Cools : C'était l'affaire Feeney. Je me rappelle que je m'y opposais catégoriquement.

M. Zigayer : En effet.

Le sénateur Cools : J'avais éparpillé sur le parquet de la Chambre toutes les soi-disant ordonnances. J'ai encore aujourd'hui une opinion profondément ancrée.

M. Zigayer : Nous étions d'avis que la Cour suprême ne se souciait pas vraiment de savoir si nous légiférions ou non. Elle avait suspendu l'application de sa décision pendant six mois pour permettre au Parlement, le cas échéant, d'adopter une loi, et à cause des diverses interprétations données par les différents procureurs généraux d'un bout à l'autre du pays de la décision dans l'affaire Feeney, il avait été jugé préférable d'adopter une mesure législative en réponse à cette décision judiciaire.

Le sénateur Cools : Peut-être un jour, madame la présidente, devrions-nous entreprendre une étude qui aurait la première place parmi toutes les études. Je ne c esse de revenir à la charge là-dessus. Peut-être devrions-nous entreprendre une étude sur la nature de la relation constitutionnelle entre les tribunaux et le Parlement du Canada, parce que cela pourra en étonner certains, mais je crois sincèrement que la Charte des droits et libertés n'était nullement censée perturber l'équilibre et la conception de la Constitution.

Ces événements ont eu lieu et les parlementaires ont été forcés d'obtempérer, mais je crois sincèrement que M. Trudeau n'avait jamais prévu que la Charte soit utilisée pour perturber ce que j'appelle l'équilibre de la Constitution. En fait, il me l'a dit lui-même.

Je ne plaisantais pas quand j'ai parlé de Mickey Mouse et des Mousketeers. Un ancien ministre de la Justice, John Crosby, a dit que les tribunaux étaient devenus le Godzilla du système constitutionnel tandis que le Parlement était Mickey Mouse, ce à quoi j'avais répondu que nous devrions être plus que de simples Mousketeers.

Nous n'aimons pas entendre cela, mais c'est un fait. Il y a aujourd'hui une foule d'universitaires qui étudient la question et peut-être devrions-nous en faire autant nous-mêmes un jour, parce qu'il n'était nullement prévu que la Constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ou la Charte évolue de cette manière. En fait, je soutiens que la Charte était censée faire partie intégrante de la Constitution et non pas en supplanter une partie ou une autre. Nous en discuterons une autre fois.

La présidente : Je tiens à remercier nos témoins pour l'aide inestimable qu'ils nous ont donnée aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre patience.

M. Zigayer : J'ai une réponse pour le sénateur Ringuette.

J'ai étudié la loi pendant que personne ne me regardait et la réponse se trouve à la fois dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et dans la Loi sur le casier judiciaire. Parfois, c'est un peu comme de chercher Waldo.

La question, telle que je l'ai comprise, portait sur la réhabilitation, à savoir ce qu'il adviendrait de l'accès à l'information si une réhabilitation était accordée. Dans ma première réponse, j'ai dit ce qu'il adviendrait des substances corporelles. Elles sont conservées et placées à part.

Je vais maintenant lire un passage de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques :

9.(1) Sous réserve du paragraphe (2), de l'article 9.1 et de la Loi sur le casier judiciaire, tout renseignement contenu dans le fichier des condamnés y est conservé pour une période indéterminée.

C'est-à-dire pour toujours.

Que dit la Loi sur le casier judiciaire, puisqu'il en est fait mention? Quel lien y a-t-il entre le fait que les renseignements sont conservés pour une période indéterminée et la Loi sur le casier judiciaire?

J'ai donc consulté la Loi sur le casier judiciaire et j'ai trouvé en particulier deux paragraphes, le 6(2) et le 6(4). Je vais lire d'abord le 6(4) :

Renseignements contenus dans la Banque nationale de données génétiques

(4) Il est entendu que le dossier judiciaire relatif à la condamnation comprend tout renseignement afférent à celle-ci contenu dans le fichier des condamnés de la Banque nationale de données génétiques établi sous le régime de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

Les profils génétiques sont considérés partie intégrante du casier judiciaire aux fins de cette loi. C'est le paragraphe 6(4).

Pour le paragraphe 6(2), le français est plus court et je vais donc lire la version française.

[Français]

Tout dossier ou relevé de la condamnation visée par la réhabilitation que garde le commissaire, un ministère ou un organisme fédéral doit être classé à part des autres dossiers ou relevés relatifs à des affaires pénales et il est interdit de le communiquer et d'en révéler l'existence ou de révéler le fait de la condamnation sans l'autorisation préalable du ministre.

[Traduction]

Autrement dit, il est mis de côté. Il est essentiellement conservé séparément des autres profils génétiques, et c'est encore à cause de la technologie. Je ne vais pas entrer dans les détails. C'est comme les mathématiques; je ne suis pas bon en maths. Les profils sont essentiellement classés à part des autres dossiers de délinquants trouvés coupables.

Le sénateur Ringuette : Quand une réhabilitation est accordée?

M. Zigayer : Quand une réhabilitation est accordée. En bout de ligne, l'accès est possible, mais il doit être ordonné par le ministre.

La présidente : Vous avez votre réponse.

Merci beaucoup.

Est-on d'accord, honorables sénateurs, pour que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-13?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 1 à 10 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 11 à 20 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 21 à 31 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Est-on d'accord pour que ce projet de loi soit adopté sans amendement?

Des voix : D'accord.

La présidente : Est-on d'accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

La présidente : Merci.

La séance est levée.


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