Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 15 - Annexe
Projet de loi S-21
Loi modifiant le Code criminel
(protection des enfants)
Mémoire présenté au Comité sénatorial permanent
des affaires juridiques et constitutionnelles
Présenté par la Home School Legal Defence Association of Canada
Membre de la Coalition for Family Autonomy
Par Paul D. Faris, LL.B.
INTRODUCTION
1. La Coalition for Family Autonomy (ci-après la « Coalition ») englobe les groupes suivants, à savoir Focus on the Family, Canadian Family Action Coalition, Home School Legal Defence Association of Canada et REAL Women of Canada, qui sont tous engagés dans des activités liées à des politiques d’intérêt public visant à promouvoir le bien-être des familles et le rôle prépondérant des parents pour ce qui est d’élever et d’éduquer leurs enfants.
2. La Coalition s’oppose énergiquement à la violence contre les enfants et la condamne avec vigueur. Elle considère que les parents sont les principaux éducateurs des enfants, et qu’à ce titre, leurs tâches comprennent l’obligation de corriger la conduite de leurs enfants. Dans certaines circonstances, la Coalition croit que les parents sont autorisés, selon les termes de l’article 43 du Code criminel du Canada (ci-après le « Code criminel »), à employer une force raisonnable à des fins de correction.
3. La récente décision de la Cour suprême du Canada dans CFCYL c. Procureur général du Canada crée un juste équilibre entre protéger les enfants contre la violence physique et laisser la liberté aux parents de choisir parmi les mesures de discipline non dangereuses celle qui leur convient. L’abrogation de l’article 43 en adoptant le projet de loi S-21 causerait plus de tort que de bien aux enfants.
PARTIE I LE CONTEXTE JURIDIQUE
Cadre législatif du Code criminel : articles 43 et 265
4. Le Code criminel définit de manière très large les voies de fait à l’article 265 comme l’emploi de la force, d’une manière intentionnelle, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement. La définition peut comprendre des gestes couramment acceptés, autres que les châtiments corporels, que les parents et les enseignants posent tous les jours dans le cadre de leurs rôles et responsabilités.
5. Au contraire, l’article 43 opère comme une défense restreinte dans des circonstances très limitées. La défense s’applique seulement à une force raisonnable employée dans le but de corriger une personne en particulier. Même lorsque la loi autorise l’emploi de la force, l’article 26 du Code criminel fait prévaloir la responsabilité criminelle pour tout excès de force, afin de veiller à ce qu’une force excessive ne soit pas employée. À part l’application restreinte de l’article 43, l’article 265 protège tous les enfants des voies de fait de quiconque, de la même manière qu’un adulte. L’article 265 protège les enfants de la violence physique, de la façon dont ce terme est généralement compris par la grande majorité des spécialistes en développement de l’enfant. L’article 43 ne justifie pas les mauvais traitements ou la violence envers les enfants par quiconque, peu importe son lien avec l’enfant. Les deux dispositions doivent être prises en considération ensemble pour être en mesure de faire une analyse valable du contexte.
CFCYL c. Procureur général du Canada
6. Dans cette décision, rendue le 30 janvier 2004, la Cour suprême du Canada (ci-après la « Cour suprême ») a déterminé que la définition canadienne de châtiment corporel sanctionne uniquement une « force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant – pour infliger une correction». Il est important de noter que la force employée pour infliger une correction ne peut pas blesser ou humilier l’enfant. De plus, un châtiment corporel ne doit pas :
être infligé à un enfant de moins de deux ans;
être infligé à des adolescents;
être infligé à des enfants de tout âge souffrant d’une incapacité;
causer un préjudice ou « être susceptible de causer un préjudice » à des enfants de deux ans et plus;
inclure l’emploi d’objets comme une ceinture sur un enfant de tout âge;
comporter des claques ou des coups sur la tête.
En outre, l’emploi d’un châtiment corporel par les enseignants n’est pas acceptable. Ainsi, le meilleur intérêt de l’enfant demeure dans les paramètres de l’emploi d’une force légère par un parent pour administrer une correction.
7. De plus, la Cour suprême fournit des principes directeurs quant à un châtiment corporel approprié :
la personne qui emploie la force le fait à des fins d’éducation ou de correction;
l’enfant doit être en mesure de tirer profit de la correction.
Protection solide pour les enfants
8. Le maintien d’un moyen de défense justifiant le châtiment corporel au Canada par le gouvernement fédéral devrait être examiné à la lumière d’autres lois qui ont été adoptées dans le but de protéger complètement les enfants de toute forme de violence. Chaque province et territoire au Canada possèdent une solide législation dans le cadre de laquelle le gouvernement a l’obligation de protéger les enfants qui risquent d’être victimes de violence. La législation provinciale et territoriale compte la violence physique comme raison d’estimer qu’un enfant « a besoin de protection ». Dès qu’il y a soupçon de violence, un enfant peut être immédiatement retiré du contexte familial et une enquête amorcée. Ces lois autorisent les travailleurs sociaux chargés de la protection des enfants à retirer un enfant même lorsqu’il n’a pas été établi qu’il y a eu violence, mais qu’il a été déterminé qu’il y a risque de violence. Quelques exemples de cette autorisation d’intervention préventive suivent :
Colombie-Britannique
9. Selon la Child, Family and Community Service Act de la Colombie-Britannique :
13 (1) Un enfant a besoin de protection dans les circonstances suivantes : (a) s’il a souffert d’un mal physique infligé par un de ses parents, ou s’il est susceptible de vivre une telle situation; (b) s’il a fait l’objet d’abus sexuels ou d’exploitation sexuelle de la part d’un de ses parents, ou s’il est susceptible de vivre une telle situation; (c) s’il a souffert d’un mal physique infligé par une autre personne ou s’il a fait l’objet d’abus sexuels ou d’exploitation sexuelle de la part d’une autre personne , ou s’il est susceptible de vivre une telle situation et que son parent est incapable de le protéger ou est peu disposé à le faire.
Terre-Neuve
10. Selon la Child Welfare Act de Terre-Neuve, l’enfant ayant besoin de protection est :
2 (b) (vi) celui qui fait l’objet de brutalités physiques ou sexuelles, de négligence physique ou affective, ou d’exploitation sexuelle, ou qui risque de subir de tels traitements.
Ontario
11. Selon la Loi sur les services à l’enfance et à la famille de l’Ontario :
37 (2) a besoin de protection lorsque (a) l’enfant ayant subi des maux physiques infligés par la personne qui en a la charge ou causés par le défaut de cette personne de lui fournir des soins, de subvenir à ses besoins, de le surveiller ou de le protéger convenablement.
PARTIE II LA RECHERCHE
12. Dans CFCYL c. Procureur général du Canada, à mesure que le cas est passé d’un tribunal à l’autre, à savoir trois en tout, de nombreux témoignages de spécialistes ont été présentés et pris en considération. Dans la cause entendue par le tribunal inférieur, des spécialistes mondiaux ont été réunis par les deux côtés du débat. Le témoignage des spécialistes a été résumé par le juge du procès, le juge McCombs :
(Traduction) Des vingt-cinq témoins, la formation de la partie requérante comprend des spécialistes du développement et du comportement de l’enfant reconnus internationalement, un spécialiste des approches prises par d’autres pays en matière de châtiment corporel, un spécialiste en violence envers les enfants et ses effets sur eux, un travailleur chargé de la protection des enfants en première ligne, des juristes spécialistes des questions des droits de l’enfant, un grand spécialiste sur les effets des styles d’éducation des enfants, un diplomate canadien, des spécialistes sur la méthodologie de recherche, et un psychologue en recherche clinique et empirique qui a réalisé des études sur l’efficacité de la fessée dans le but de modifier le comportement des enfants. Les témoins de la fédération des enseignants comptent des enseignants de première ligne ayant une vision pratique et importante de la réalité à laquelle sont confrontés les enseignants.
13. Le ministère de la Justice a résumé les témoignages de la façon suivante :
Dans ce cas-ci, tous les témoins en sciences sociales (à l’exception du professeur Murray Straus) ainsi que la majorité des professionnels concernés par la question, conviennent qu’une force physique légère ou modérée, telle qu’une « fessée », ne fait pas partie de leur définition professionnelle de la « violence » .
14. Une fois tous ces témoignages et arguments présentés au procès et devant deux cours d’appel, la Cour suprême a conclu :
L’article 43 est la tentative du Parlement de répondre à ces deux besoins. Il fournit aux parents et aux enseignants la capacité d’offrir une éducation raisonnable à l’enfant sans que ceux-ci ne soient passibles d’une sanction selon le droit criminel. Celui-ci condamnera et punira fermement toute force qui inflige du mal à un enfant, fait partie d’un cycle de violence, ou est simplement l’expression de la colère ou de la frustration ressentie envers un enfant; ainsi, en décriminalisant uniquement l’empe d’une force minime ayant un effet transitoire et insignifiant, l’article 43 est sensible à la nécessité d’un environnement sécuritaire pour l’enfant. Mais l’article 43 fait également en sorte que le droit criminel ne soit pas invoqué lorsque la force appliquée fait partie d’un effort réel d’éduquer un enfant, pose un risque raisonnable de préjudice n’ayant qu’un effet transitoire et insignifiant, et est acceptable dans les circonstances. Introduire le droit criminel dans les milieux familial et éducatif des enfants dans de telles circonstances nuirait à l’enfant plutôt que de l’aider.
15. Le professeur Diana Baumrind, une scientifique de réputation mondiale possédant plus de quarante années d’expérience en matière de développement de l’enfant et de l’adolescent et d’autorité parentale, a terminé récemment une étude exhaustive à ce sujet. Mme Baumrind a déclaré, lors de son témoignage sous serment, que vouloir prouver qu’il existe un lien entre le châtiment corporel et certains résultats négatifs sur le plan du développement « est sans fondement et dénature les données ». Après avoir fait état de ses conclusions dans un document récemment présenté lors du 109e congrès annuel de l’American Psychological Association en 2001, Mme Baumrind a déclaré :
La certitude avec laquelle nous transposons nos conclusions à l’école publique ne devrait pas dépasser les limites de notre science. La confiance du public en l’intégrité des recommandations en matière de politiques sociales fondées sur des preuves est minée par l’emploi sélectif d’une faible preuve appuyant l’affirmation catégorique voulant que le châtiment corporel cause un préjudice aux enfants et à la société, et, par conséquent, devrait être criminalisé ou stigmatisé. D’importantes études méthodologiques n’ont pas démontré qu’un châtiment corporel normal est un facteur de risque occasionnel des résultats négatifs sur le plan du développement de l’enfant auxquels il peut être associé. Même si le jugement de valeur voulant que la fessée soit mauvaise soit défendu par ses partisans d’un point de vue éthique, aucune preuve scientifique ne vient étayer la nécessité de l’interdire d’emblée.
La Suède et d’autres pays européens
16. La fondation considère la Suède comme un pays modèle. Toutefois, une analyse détaillée du modèle suédois révèle que la soi-disante interdiction de châtiment corporel est une mesure de loi familiale ou civile, de nature déclaratoire, qui ne comporte pas de sanction criminelle. En outre, elle est intégrée à la définition des voies de fait qui exige que l’on inflige des blessures ou des douleurs physiques d’une durée prolongée. Aux termes de la loi criminelle suédoise, la fessée n’est pas une voie de fait et ne sera pas considérée comme telle.
17. La Finlande, le Danemark, la Norvège, l’Autriche et l’Allemagne ont adopté des approches similaires. Les autres pays mentionnés par Peter Newell n’ont pas légiféré contre l’emploi du châtiment corporel. Ceux-ci comprennent l’Irlande, la Suisse, la Pologne (l’État promoteur de la Convention relative aux droits de l’enfant) et l’Italie. La législation de Chypre aborde la violence au sein de la famille par n’importe quel membre, plutôt que le châtiment corporel, mais la « violence » suppose obligatoirement une blessure physique.
18. D’après ses statistiques, la Suède a conclu qu’il faut réaliser des recherches supplémentaires. Le manque d’effet de l’interdiction de la Suède est encore plus surprenant étant donnée l’augmentation des taux signalés de violence envers les enfants. Le témoin de la fondation, Newell, a admis qu’il n’y a pas de preuves jusqu’à présent, que l’interdiction de la Suède a fait baisser les taux de violence.
PARTIE III CONSÉQUENCES POUR LES ENFANTS ET LEURS FAMILLES
19. Selon la preuve déposée par The Canadian Foundation for Children, Youth and the Law (ci-après la « partie requérante »), au moins 75 % des parents canadiens se servent d’une mesure de discipline physique pour contrôler ou modifier le comportement de leurs enfants. Tandis que l’abrogation de l’article 43 du Code criminel vise principalement à criminaliser le fait de battre les enfants, celle-ci aurait des répercussions beaucoup plus vastes, criminalisant des gestes comme retirer un enfant qui hurle d’un centre commercial ou tenir en place un enfant contre sa volonté. Cette application par conséquent cherche à faire entrer les mécanismes d’exécution de la loi criminelle dans la vie quotidienne de millions de familles canadiennes.
Importance de l’intégrité de la famille pour les enfants
20. Dans le cas de B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto (le cas « Richard B.»), le juge LaForest a traité du « champ protégé de la prise de décision par les parents »:
(Traduction) Bien que je reconnaisse que les parents ont des responsabilités envers leurs enfants, il me semble qu’ils doivent jouir de droits corrélatifs de s’en acquitter. …. Comme il a déjà été dit, la common law a toujours, en l’absence de preuve de négligence ou d’inaptitude, présumé que les parents devraient faire tous les choix importants concernant leurs enfants, et leur a donné la liberté de faire comme ils l’entendent. Cette liberté n’est pas un droit parental équivalant à un droit de propriété sur les enfants …Néanmoins, notre société est loin d’avoir répudié le rôle privilégié que les parents jouent dans l’éducation de leurs enfants. Ce rôle se traduit par un champ protégé de prise de décision par les parents, fondé sur la présomption que ce sont eux qui devraient prendre les décisions importantes qui touchent leurs enfants parce qu’ils sont plus à même d’apprécier ce qui est dans leur intérêt et que l’État n’est pas qualifié pour prendre ces décisions lui-même. En outre, les individus ont un intérêt personnel profond, en tant que parents, à favoriser la croissance de leurs propres enfants .
21. La famille est donc le creuset dans lequel les enfants sont élevés et éduqués, et les lois doivent respecter et soutenir l’intégrité de la famille s’acquittant de ces tâches.
Le droit réticent à s’ingérer dans la famille
22. C’est pour cette raison que le droit est réticent à s’ingérer dans le champ des décisions familiales concernant l’éducation des enfants.
23. Par reconnaissance des origines de la famille, et par respect de l’importance sociopolitique de la relation entre le parent et l’enfant, le droit établi, qu’il soit prescrit par la loi ou par un juge, est réticent pour ce qui est d’interférer avec l’obligation parentale d’élever des enfants. Dans le contexte canadien, l’intervention de l’État dans la famille se limite aux cas de « nécessité ». Le juge LaForest dans le cas Richard B, a énoncé le principe suivant :
[Traduction] Même si la philosophie de l’État au sujet de son intervention a changé avec le temps, la majorité des lois contemporaines traitant de la protection des enfants, et en particulier la loi de l’Ontario, bien qu’elles soient axées sur les intérêts de l’enfant, favorisent une intervention minimale. Ces dernières années, les tribunaux se sont montrés réticents à interférer avec les droits des parents, et l’intervention de l’État a été tolérée uniquement lorsqu’il a été prouvé que celle-ci était nécessaire. Cela confirme que l’intérêt des parents pour ce qui est d’éduquer et de prendre soin d’un enfant, y compris les soins médicaux et l’éducation morale, est un intérêt individuel d’importance fondamentale pour la société.
24. Les lois canadiennes sur la protection de l’enfant et la Loi sur les jeunes contrevenants attestent également d’une approche favorisant une intrusion minimale dans les affaires de la famille à moins que cela ne soit nécessaire.
Capacité limitée des enfants
25. Le droit reconnaît que les capacités d’un enfant en matière de prise de décision ne sont pas les mêmes que celles d’un adulte.
26. Un autre élément essentiel dont il faut tenir compte dans ce cas est l’observation simple, mais importante que les enfants ne possèdent pas la capacité des adultes en matière de prise de décision. Les capacités de l’enfant subissent des changements radicaux à mesure qu’il devient un adulte – la capacité de discernement, la capacité de faire la distinction entre le bien et le mal et la capacité de freiner ses impulsions et ses désirs, à savoir la maîtrise de soi. Un enfant passe de la dépendance totale envers ses parents à l’indépendance en tant qu’adulte. Les différences de capacités qui caractérisent le processus de croissance ont fait en sorte que le droit a conçu les droits et les obligations en fonction de l’évolution de l’enfant. Par exemple, comme il a été énoncé dans le rapport de 1996 du groupe de travail fédéral-provincial :
(Traduction) Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, l’âge minimum et l’âge maximum actuellement établis correspondent en gros à la période de développement de l’adolescence où d’importants changements se produisent et mènent à la maturité physique et sociale. C’est une période de développement située entre l’enfance où l’enfant dépend complètement des adultes et l’âge adulte où la personne atteint une pleine indépendance économique et sociale. C’est la nature transitionnelle de cette période de développement qui fait que l’on se demande si l’on doit attribuer des responsabilités à l’adolescent, et lesquelles, comme le montre l’approche inconsistante des sociétés en matière des droits et des privilèges accordés à l’adolescence.
Obligations parentales
27. Celles-ci comprennent l’obligation de corriger un enfant.
28. L’obligation la plus importante des parents envers leurs enfants est de leur fournir les nécessités de la vie. Celles-ci comprennent non seulement les biens matériels dont ils ont besoin pour assurer leur subsistance, comme des vêtements et de la nourriture, mais aussi des éléments intangibles, tels que savoir comment se comporter de manière correcte et socialement acceptable envers les autres êtres humains. Un parent doit fournir à un enfant les connaissances nécessaires pour qu’il se conduise bien en société. Comme l’a déclaré Wilson J. dans Racine c. Woods :
(Traduction) Comme il a été souligné de nombreuses fois dans des cas de garde, un enfant n’est pas un bien personnel dont les parents ont un droit de propriété; c’est un être humain envers lequel ils ont d’importantes obligations.
29. L’on peut dire que l’obligation de corriger la conduite d’un enfant découle de l’obligation générale d’assurer à l’enfant les nécessités de la vie. Toute personne familière avec les agissements de jeunes enfants sait qu’ils sont incapables de déterminer la conduite à adopter dans leur intérêt et la considération dont ils doivent faire preuve envers les autres selon les circonstances. Il faut inculquer à l’enfant qu’il doit faire preuve de considération envers les autres, pouvoir déterminer la conduite appropriée en fonction du moment et de l’endroit et être capable de freiner ses désirs d’autosatisfaction afin que ceux-ci ne deviennent pas le seul but de sa vie. Bref, les parents ont l’obligation d’élever leurs enfants pour qu’ils se transforment en membres responsables de la société.
30. Comme le professeur Gilles a déclaré :
(Traduction) « Les jeunes enfants ne devraient pas avoir de droits leur permettant de contrôler leur propre éducation ou leur propre vie parce qu’ils manquent de maturité pour exercer ces droits en fonction de leurs intérêts à long terme ».
Par conséquent, toute analyse juridique des droits des enfants doit tenir compte du fait que les enfants manquent de connaissances et d’expérience par rapport aux adultes, de même que de maturité physique et affective.
31. Dans certaines compétences, l’obligation de surveiller et de corriger les enfants entraîne la responsabilité pour les parents de surveiller leurs enfants ou de réparer les torts que ceux-ci ont causés aux autres ou à leurs biens.
32. Le bon sens veut que la tâche de déterminer la correction à imposer incombe en premier lieu aux parents. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs enfants et qui sont le mieux placés pour prévoir leur réaction. Ce sont eux aussi qui sont le mieux placés pour voir au développement à long terme de leurs enfants, et comment la correction choisie dans certaines circonstances correspondra à ce dernier. Ce sont les parents qui sont confrontés à un nombre infini de situations où ils doivent corriger la conduite de leurs enfants. Ils doivent avoir une certaine souplesse et pouvoir intervenir selon les circonstances. Comme la juge L’Heureux-Dubé dans Young c. Young a déclaré :
(Traduction) Le bon sens veut que nous reconnaissions que la personne qui s’occupe tous les jours des enfants puisse observer des changements sur le plan du comportement, de l’état d’esprit, de l’attitude et du développement d’un enfant que personne d’autre ne remarquerait. Habituellement, le parent qui a la garde de l’enfant est celui qui est le mieux placé pour évaluer les intérêts de l’enfant, et qui par conséquent, fournira au juge les renseignements les plus fiables et complets sur les besoins et les intérêts de l’enfant.
33. La relation entre le parent et l’enfant n’est pas essentiellement, une relation juridique; c’est une relation entre deux personnes qui mutuellement ont des devoirs et des obligations fondés sur leur relation personnelle. Ces devoirs et obligations existent à l’extérieur du droit et comme il a été mentionné dans les paragraphes 25 à 28 ci-dessus, le droit est réticent à intervenir dans la vie quotidienne d’une relation parent-enfant. Le droit reconnaît que toute solution qu’il pourrait élaborer dans le contexte familial arrive toujours bon deuxième parce que le droit ne possède pas cet élément essentiel à la famille – un amour mutuel.
34. Étant donné que le droit n’aime pas et ne peut pas aimer, il tend à limiter son interférence dans les questions de famille aux cas où l’amour semble avoir quitté la famille – une séparation, un divorce ou le départ d’un enfant qui a besoin de protection. Autrement, le droit demeure à l’extérieur de la famille, reconnaissant le champ d’intervention limité qu’il possède.
35. Ce principe est également reconnu à l’échelle internationale. La Convention relative aux droits des enfants a été signé par 191 pays. Par ailleurs, seul un nombre restreint de pays ont tenté d’interdire aux parents l’emploi du châtiment corporel en modifiant leurs lois. Ceux qui l’ont fait ont eu recours à des lois civiles ou familiales, plutôt qu’au droit criminel, et ce faisant, aucun n’a choisi d’imposer des peines criminelles. Leurs réformes législatives visent à éduquer les parents, ne comportent pas de peine et ne sont pas supposées entraîner une augmentation des poursuites contre les parents. Dans la plupart des cas, des campagnes de sensibilisation ont eu lieu en même temps que la réforme et constituaient un élément important, sinon le principal, du programme de l’État.
36. L’article 43 du Code criminel correspond au rôle limité du droit dans les affaires de famille, restreignant la portée du droit – ses sanctions pénales – aux actes qui ne sont pas raisonnables et qui nuisent aux intérêts de l’enfant.
CONCLUSION
37. La Coalition est profondément affectée par les actes de violence qui continuent de se produire dans notre pays et s’engage à combattre ceux-ci. Elle applaudit le Sénat qui tente de trouver des mesures pour assurer la protection des enfants. Toutefois, après avoir considéré la preuve et examiné l’article 43 dans le contexte que l’interprète la Cour suprême, nous devons conclure que l’adoption du projet de loi S-21 aurait un effet néfaste sur les enfants du Canada. Criminaliser les châtiments corporels administrés par les parents exposerait les enfants et les familles à des conséquences exagérées. La Cour suprême a résumé le danger de la criminalisation de cette façon :
(Traduction) La décision de ne pas criminaliser une telle conduite n’est pas fondée sur une dévaluation de l’enfant, mais sur le souci que ce faisant, l’on risque de briser des vies et des familles – un fardeau qui nuirait surtout aux enfants et qui annulerait tout avantage découlant de l’application d’une loi criminelle.