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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 8 juin 2005


OTTAWA, le mercredi 8 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants) se réunit aujourd'hui à 16 h 3 pour en faire l'examen.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je ferai d'abord une brève déclaration et ensuite, nous passerons à l'exposé de notre témoin.

Chers collègues, la conduite honorable des séances et des travaux de notre comité est une priorité pour moi. Depuis que j'assume la présidence, soit depuis septembre, toutes les activités du comité se sont déroulées dans le respect et la dignité, et j'en suis très fière.

Cela dit, la semaine dernière, certaines observations faites ici ont suscité la controverse et l'intérêt des médias. Ces remarques m'ont inquiétée, et je voudrais faire les commentaires suivants.

Le comité s'attache à consacrer temps et énergie à l'étude des projets de loi des sénateurs qui illustrent la détermination et la sensibilité particulières de cette Chambre. Il est crucial d'accorder du temps à l'étude des projets de loi résultant d'initiatives individuelles et de les examiner avec sérieux et méthode.

Il est aussi important que les séances du comité se déroulent dans une atmosphère empreinte de dignité et de respect propre à l'exercice des fonctions parlementaires. Tous les sénateurs participant aux séances du comité doivent être à la hauteur du prestige que leur confère leur poste et de la dignité associée au titre d'honorable qui est le nôtre. Nous devons toujours garder cela à l'esprit lorsque nous assumons nos responsabilités.

Les sénateurs jouent un rôle de premier plan dans le système parlementaire canadien et pour cette raison, nous devons donner le meilleur de nous-mêmes. Voilà pourquoi nous devons absolument nous abstenir de faire des commentaires non parlementaires qui portent atteinte à la dignité et aux responsabilités des sénateurs. Il est de notre devoir d'écouter en silence, attentivement et avec le plus grand respect lorsqu'un sénateur prend la parole au cours d'une séance du comité. Cela est essentiel à la bonne conduite de nos travaux.

Je suis fière de la diversité de la composition de notre comité. J'ai beaucoup de respect pour le sénateur Joyal, le sénateur Milne, l'ex-présidente du comité, dont le travail a été salué dans le passé, et pour le sénateur Cools qui a apporté une contribution importante en se faisant le champion de la réforme du système de justice pénale. Je n'ai nommé que quelques personnes, mais je pourrais vous nommer tous compte tenu de l'excellent travail que vous avez fait jusqu'ici.

J'ai une requête sérieuse. Depuis le début de nos travaux, nous avons effectué un travail remarquable dans un climat de coopération et d'harmonie. Il est important pour moi que nous continuions de cette façon. Aujourd'hui plus que jamais, nous devons résister à la vague de partisanerie qui déferle à l'autre endroit en ce moment. Nous ne devons pas tomber dans un sectarisme mesquin. Notre tradition en tant que chambre de mûre réflexion doit prévaloir en dépit des crises actuelles qui secouent le Parlement. Nous devons nous conduire d'une façon irréprochable au cours de nos débats.

Je demeure convaincue que la noblesse de nos principes aura préséance sur toute autre considération dans la poursuite de nos travaux à partir de maintenant. Je considère l'affaire close, et je vous invite à poursuivre vos efforts au sein du comité. Merci.

Aujourd'hui, nous examinons le projet de loi S-21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants). Nous accueillons Mme Milne, qui représente la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law. Nous écouterons son exposé et ensuite, nous poserons nos questions. Madame Milne, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Mme Cheryl Milne, avocate-conseil à l'interne, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law : Merci beaucoup. La Canadian Foundation for Children Youth and the Law a présenté une requête pour que l'article 43 du Code criminel soit déclaré inconstitutionnel le 20 novembre 1998, Journée nationale de l'enfant. Depuis lors, il y a eu au moins six tentatives, par le biais de projets de loi d'initiative parlementaire présentés tant à la Chambre des communes qu'au Sénat du Canada, pour que cette question fasse l'objet d'un débat public. Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui, et je suis reconnaissante aux sénateurs, même ceux qui ont peut- être des réserves au sujet du projet de loi S-21, d'avoir accepté que cet enjeu important fasse l'objet d'un débat public.

Je travaille comme avocate à la fondation, aussi connue sous le nom de Justice for Children and Youth, depuis 1991. Bien que centrée sur les droits des enfants et des adolescents, notre clinique d'aide juridique s'intéresse à des questions de justice pénale touchant les jeunes, au bien-être de l'enfant, à l'éducation, au droit familial et à divers autres enjeux concernant les jeunes. Les causes types que nous défendons dont fait partie la contestation judiciaire dont il est question aujourd'hui, s'inspirent directement de notre travail auprès des jeunes. Permettez-moi de vous donner un exemple du genre de causes qui auraient suscité la discussion et l'orientation stratégique qui a été la nôtre dans cette affaire en particulier.

Il y a un certain nombre d'années, une jeune fille de 16 ans est venue me trouver pour me demander ce qu'elle devrait faire pour vivre de façon indépendante. Elle voulait savoir si elle était admissible aux services de la Société de l'aide à l'enfance. En Ontario, une personne de 16 ans est trop âgée pour être considérée comme un enfant ayant besoin de protection. Elle voulait savoir si elle était admissible à l'aide sociale, ce qui lui aurait permis de vivre de façon autonome. En Ontario, pour obtenir l'aide sociale, une jeune personne doit pouvoir invoquer ce que l'on appelle « des circonstances spéciales ». Puisque c'est le cas, je lui ai demandé de me raconter l'histoire de sa vie, surtout pour savoir pourquoi elle voulait quitter la maison à l'âge de 16 ans.

Elle m'a raconté que les relations avec sa mère s'étaient tellement détériorées qu'elle ne pouvait plus vivre sous le même toit qu'elle. Elle a raconté un incident qui s'était produit deux semaines auparavant après qu'elle ait fait quelque chose de mal, qu'elle ait désobéi à sa mère et qu'elle ait agi de façon irresponsable. Lorsqu'elle est rentrée à la maison, la réaction de sa mère, qui était assise sur la véranda, a été de donner un coup de pied à sa fille dans la poitrine. Elle avait un bleu. Je lui ai demandé pourquoi elle n'était pas allée à la police. Il s'agissait là de mauvais traitements. À 16 ans, on ne peut faire appel à la Société d'aide à l'enfance, mais on peut demander l'aide de la police. Elle m'a répondu : « Je me suis adressée à la police lorsque j'avais neuf ans, et comme les policiers n'ont rien fait, je n'ai pas confiance en eux. »

Cela m'a amenée à l'interroger sur ses antécédents, en remontant plus loin que les deux semaines précédant le moment où elle était entrée dans mon bureau. Elle m'a rapporté un incident qui s'était produit alors qu'elle avait neuf ans. Pour la punir, sa mère l'avait battue avec un manche de balai. À neuf ans, cette petite fille a appelé 911 parce qu'elle avait peur. L'agent de police est venu mais la mère a nié s'être servie d'un bâton. Elle a déclaré qu'elle la frappait seulement avec la main car c'est de cette façon qu'on corrige les enfants.

Le policier n'a pas cru la petite fille de neuf ans et lui a dit que si elle rappelait la police encore une fois, il la jetterait en prison. Elle n'a plus fait confiance à la police.

C'est un exemple extrême et frappant du genre de travail qu'effectue Justice for Children and Youth. C'est la toile de fond des causes types que nous présentons. Lorsque nous soumettons une cause, comme la contestation constitutionnelle, elle est toujours fondée sur des situations vécues par nos clients.

Je vais présenter trois points essentiels et ensuite, je répondrai volontiers à vos questions au sujet de ce cas et du droit entourant le projet de loi S-21.

Il y a trois raisons pour lesquelles la Fondation appuie le projet de loi et préconise l'abrogation de l'article 43.

Premièrement, dans la perspective de la défense la plus élémentaire des droits humains fondamentaux, le Code criminel du Canada devrait accorder une protection égale aux enfants et aux adultes. Cela figure dans notre mémoire. Vous avez déjà entendu cette déclaration auparavant. D'aucuns font valoir qu'étant donné leur vulnérabilité émotive et physique, les enfants devraient jouir d'une protection plus grande que les adultes. À l'heure actuelle, nous leur accordons une protection moindre.

Deuxièmement, les obligations internationales du Canada sont claires. Nous devons respecter la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant. Le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies recommande l'abrogation de cet article. C'est une exigence minimale qu'il ne faut pas ignorer si nous voulons respecter nos obligations internationales envers les enfants.

Troisièmement, et c'est un aspect qui a suscité énormément de débats, j'estime que les sciences sociales corroborent notre position. Nous n'aurons jamais la certitude à 100 p. 100 que réclament les opposants à l'abrogation de l'article car au plan éthique, il est impossible d'acquérir une telle certitude. Je vous recommande la déclaration conjointe qui vous a été distribuée ainsi que le mémoire de la Dre Joan Durrant, qui résume l'état actuel des sciences sociales à ce jour.

À mon avis, l'argument des sciences sociales est celui des trois qui pèse le moins lourd. Le débat entourant les sciences sociales continuera de faire rage à l'avenir. À ce stade-ci, nous savons que la fessée, les châtiments corporels, les coups infligés aux enfants, appelez cela comme vous voudrez, n'ont aucun effet bénéfique. Aucune preuve ne permet d'affirmer que de tels traitements sont bénéfiques pour les enfants. La véritable justification de ce projet de loi se fonde sur le principe fondamental des droits de la personne — les enfants sont des personnes.

Le sénateur Andreychuk : Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne étudie en ce moment la Convention relative aux droits de l'enfant et d'autres questions touchant les enfants.

Vous avez mentionné nos responsabilités et notre obligation de nous y conformer. La Convention relative aux droits de l'enfant est une convention fondée sur les droits. Elle stipule que les enfants ont certains droits. Le Canada a signé et ratifié cette convention et pourtant, elle ne fait pas partie de notre législation nationale. Si c'était le cas, nous n'aurions pas cette discussion, n'est-ce pas?

Mme Milne : Je suis d'accord. Devant le Comité des droits de la personne, j'ai préconisé que le Canada mette en oeuvre la convention dans le contexte de notre législation. À ce stade-ci, la convention semble être simplement un document de principe que nous brandissons de temps à autre lorsque cela fait notre affaire mais en tant que pays, nous ne semblons pas convaincus de la nécessité d'y adhérer au plan législatif pour en assurer l'observation, dans l'intérêt des enfants.

Le sénateur Andreychuk : Lorsque le comité s'est rendu à Genève pour rencontrer le groupe de travail chargé de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'un de ses membres a mentionné que l'observation, particulièrement en ce qui a trait aux concepts formulés à l'article 43, viendrait uniquement dans la foulée de certains efforts d'éducation. On nous a dit qu'il nous faudrait progresser vers l'observation. Il serait injuste pour les parents, les enseignants et les autres dispensateurs de soins, ainsi que pour les enfants, que du soir au lendemain, les châtiments corporels deviennent un crime aux termes du Code criminel. Le gouvernement a le devoir et la responsabilité de faire des campagnes de publicité et d'éducation ainsi que d'offrir des systèmes de soutien avant que nous passions à la mise en oeuvre intégrale du projet de loi. Êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Milne : Oui. Je pense que l'un des avantages de ce projet de loi en particulier, c'est qu'il prévoit un délai qui pourrait être utilisé à des fins d'éducation. À ce jour, nous avons fait passablement d'éducation. Je suis ébahie de voir à quel point l'opinion publique a évolué depuis 1998, date à laquelle nous avons présenté notre requête, jusqu'à aujourd'hui pour ce qui est de savoir si les châtiments corporels sont une forme acceptable de discipline à l'endroit des enfants. Le taux d'acceptation a chuté. Un sondage Decima mené sous les auspices des services de santé publique de Toronto, montre que la population est maintenant davantage en faveur de l'abrogation de l'article 43.

Je sais aussi qu'une campagne de sensibilisation cible les collectivités à risque, soit celles dont on s'inquiète le plus si les choses devaient changer du jour au lendemain. C'est dans cette direction que Santé Canada a déployé la majeure partie de ses efforts de sensibilisation. La Dre Joan Durrant a participé à la rédaction de certaines brochures faisant partie de cet excellent matériel. Nous avons fait beaucoup de chemin. Avec un délai, nous pourrons arriver au but.

On ne saurait sous-estimer la valeur éducative du communiqué qui sera publié après l'adoption du projet de loi. Les médias ont accordé beaucoup d'attention au jugement de la Cour suprême et, ce qui est très encourageant, il y a eu des articles de fond sur le contenu de la décision. On ne s'est pas borné à rapporter qu'elle avait dit oui ou non. On s'est penché sur les constatations des juges majoritaires de la cour d'une façon qui, à mon avis, a été utile aux parents. Nous pouvons faire davantage. Ce n'est pas insurmontable. Je pense que cela peut se faire facilement.

Le sénateur Andreychuk : Qu'ils travaillent dans des établissements ou ailleurs, les enseignants et les dispensateurs de soins ont parfois affaire à des enfants turbulents, traumatisés au plan émotif et difficiles à contrôler. Leur imposer une période de réflexion n'est pas toujours un choix disciplinaire efficace ou approprié. D'après mon expérience, il est parfois nécessaire d'appliquer des moyens de contrainte à des enfants pour leur protection, la protection des autres enfants qui les entourent et la protection des dispensateurs de soins. Cela englobe les enseignants, les travailleurs sociaux et les employés d'établissement dans les collectivités. Si nous abrogeons l'article 43, quelle protection allez-vous offrir à ces groupes de personnes pour qu'elles ne soient pas vulnérables si elles utilisent des moyens de contrainte quelconques?

Mme Milne : Vous venez d'évoquer les trois fondements du moyen de défense de nécessité, soit que la force est nécessaire pour protéger la jeune personne, les autres ou la personne qui applique la force. La common law prévoit la défense de nécessité. Non seulement s'applique-t-elle aux enseignants, qui à ce stade peuvent utiliser des moyens de contrainte raisonnables, mais elle s'applique aussi aux dispensateurs de soins qui n'entrent pas dans la définition de parent-substitut, par exemple les employés des foyers de groupe qui appliquent des mesures de contrainte.

Par exemple, l'Ontario dispose de règlements concernant l'utilisation de mesures de contrainte en vertu de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, qui impose des limites pour éviter pour qu'elles deviennent abusives. Un dispensateur de soins qui n'est pas un parent-substitut, puisqu'il n'a pas nécessairement assumé toutes les responsabilités parentales, peut être un employé d'un foyer collectif et, pour les raisons que vous avez expliquées, ces personnes n'ont pas été inculpées lorsqu'elles ont appliqué des mesures de contrainte à des enfants.

Lorsqu'on utilise la force en guise de châtiment parce qu'un enfant n'a pas fait ses devoirs, par exemple, ou sans que ce soit nécessaire, c'est là une autre zone grise où, à mon avis, ce recours ne devrait pas être autorisé. À mon avis, la nécessité serait la défense qui s'appliquerait pour justifier des mesures de contrainte appliquées dans les situations dangereuses que vous avez mentionnées.

Le sénateur Andreychuk : Même si nous abrogeons l'article 43?

Mme Milne : Oui, parce que je ne pense pas que ce groupe de personnes qui remplacent un parent à l'heure actuelle et qui ne sont ni des enseignants ni des parents et qui utilisent des mesures de contrainte dans leur foyer dépendent de l'article 43. Ils font appel à la défense de nécessité. Il y a eu certains incidents mineurs, mais ils n'ont pas débouché sur des poursuites. Il convient de garder à l'esprit que ce ne sont pas tous les cas qui feront l'objet d'une décision de la Cour suprême du Canada et qui fourniraient un précédent clair pour chaque situation. En fait, on tranche ce genre d'affaire régulièrement sur le terrain. Des cas de ce genre ne donnent même pas lieu à des poursuites ou ne vont pas plus loin que des poursuites devant un tribunal.

Le sénateur Pearson : Madame Milne, il y a un domaine du droit que je ne connais pas très bien, et j'aimerais avoir votre aide. On a déjà évoqué le jugement de la Cour suprême et d'autres, de sorte que je connais bien certains cas. Là où je suis un peu perdue, c'est lorsqu'on parle des lois ou des précédents concernant le rôle de la famille et de l'enfant, par opposition à la jurisprudence concernant les voies de fait. Pouvez-vous me donner des explications à cet égard?

Mme Milne : Pour faire simple, la cour a décidé que l'article 43 est constitutionnel. Essentiellement, c'est là la décision. Il n'a pas du tout été question des autres permutations et d'autres relations.

Les droits parentaux ou familiaux sont un sujet de préoccupation. Cependant, il y a d'autres droits. Chaque citoyen a ses propres droits en vertu de la Constitution, mais ces droits ne vont pas jusqu'à l'autoriser à causer des préjudices, des blessures ou des voies de fait à autrui. Cette cause n'a pas confirmé les droits parentaux. Selon la décision, l'article 43 ne porte pas atteinte aux droits des enfants prévus dans la Charte, et c'est là la différence. Ce n'est pas le côté pile de la même pièce. Établir une correspondance entre les deux reviendrait à élargir le champ de la décision de la cour.

Le sénateur Pearson : Est-il juste de dire que la cour parlait des droits découlant de la Charte, et non de la convention?

Mme Milne : C'est exact. En fait, la cour a évoqué la convention et a fait fi de l'opinion du comité.

Le sénateur Pearson : C'est ce que je voulais dire. Un ancien juge m'a dit que l'un des problèmes, c'est qu'il n'existe pas d'ensemble de droit sur cette question. La Cour suprême rend ses décisions en se fondant non seulement sur des questions de principe, mais aussi sur le droit et les jugements qui existent déjà. La jurisprudence dans ce domaine est- elle inadéquate? Pourquoi pensez-vous qu'on m'ait dit cela?

Mme Milne : Cette remarque concernait-elle la convention en particulier?

Le sénateur Pearson : La Cour suprême peut-elle fonder son jugement sur une jurisprudence imposante, ou y a-t-il sur cette question une jurisprudence minime sur laquelle elle pourrait fonder un autre jugement?

Ce n'est pas la même chose que de porter un jugement moral, c'est-à-dire déterminer si une chose est bien ou mal. La Cour suprême fonde ses décisions sur le droit et les précédents. Elle se fonde sur ce qui existe, tout comme nous, en tant que comité, devons fonder nos rapports sur les témoignages que nous entendons. Nous ne pouvons inventer des témoignages.

Mme Milne : Nous n'avons pas une jurisprudence très riche en ce qui concerne les droits des enfants. Je pratique dans ce domaine depuis 14 ans, et je ne connais qu'une poignée de causes traitant des droits des enfants. De façon générale, les causes portant sur les droits des enfants sont présentées dans la perspective d'un membre d'une famille, le parent affirmant un droit au nom de son enfant; ce n'est pas l'enfant lui-même qui affirme ses droits.

Nous avons procédé un peu différemment pour contester l'article 43 en ce sens que nous nous sommes fondés sur la jurisprudence issue de tous les cas ayant fait l'objet de décision avant l'interprétation de l'article 43. Nous nous sommes fondés sur ces faits. La cour a jugé que ces cas avaient donné lieu à des décisions erronées, ce qui est une conclusion inhabituelle étant donné que dans bien des cas, elles avaient été rendues par des cours d'appel. Toutefois, nous n'avons pas opté pour un scénario en vertu duquel une jeune personne aurait effectivement affirmé ses droits. Il y avait à cela de bonnes raisons : le gouvernement n'a pas contesté la façon dont nous avons présenté notre requête.

On constate à l'échelle du pays une évolution graduelle au niveau des tribunaux de première instance. Ces derniers affichent une plus grande acceptation de la convention des Nations Unies et de ses principes. Ces cas commencent à sortir.

L'affaire Baker, dont la Cour suprême du Canada a été saisie, a été la première cause où l'on a reconnu la convention des Nations Unies. Même si un grand nombre de personnes y ont vu une cause sur les droits des enfants, ce n'est pas mon avis car les enfants n'avaient aucun statut et on ne leur en a donné aucun. L'affaire concernait surtout le droit administratif et s'articulait autour de la question de savoir si Mme Baker avait été traitée de façon équitable. Les juges ont déclaré qu'ils avaient dû considérer des questions relatives aux enfants ou les meilleurs intérêts de l'enfant, mais ce n'est pas ce que j'appellerais une cause portant sur les droits des enfants.

Cela dit, cette affaire a eu une incidence bénéfique au plan judiciaire étant donné que subséquemment, les tribunaux ont reconnu qu'ils devaient tenir compte de la convention. Même si dans l'affaire Foundation, dans une décision majoritaire, la cour a déclaré que la convention ne réclamait pas l'abandon ou l'abrogation de l'article 43, il faut se rappeler que le deuxième rapport du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a été publié après que nous ayons présenté cette cause, de sorte qu'il y a eu un problème de calendrier. D'ailleurs, la juge Arbour l'a mentionné dans son opinion dissidente, mais cela a été complètement évacué dans la décision majoritaire. J'attribue cela en partie au problème de calendrier, de sorte qu'il se peut fort bien que l'on perçoive les choses légèrement différemment aujourd'hui étant donné que le comité a publié une déclaration très ferme au cours de l'automne de l'année précédant le jugement.

[Français]

Le sénateur Rivest : J'aimerais que vous nous parliez, une fois qu'on aura criminalisé le fait de corriger physiquement un enfant, du processus de dénonciation. Vous avez tantôt parlé d'un enfant de neuf ans qui se présente au poste de police et porte plainte. Comment évaluez-vous la plainte à l'heure actuelle? Il y a une similarité avec les lois de la protection de la jeunesse où l'enfant, un ou des membres de la famille ou un voisin peuvent se plaindre à la police. Comme on l'a vu dans les cas d'abus sexuels, il a fallu un certain temps aux corps de police avant d'être formés pour recevoir et traiter de semblables plaintes. À partir du moment où on amende le Code criminel — avec lequel je suis d'accord pour aller dans le sens de l'article 43, être conforme à la Convention —, il y a un processus administratif qu'on doit suivre, sans quoi ce sera un coup d'épée dans l'eau. Avez-vous une expertise de la situation quant au processus de dénonciation, d'acheminement des plaintes et de traitement des plaintes?

[Traduction]

Mme Milne : À l'heure actuelle, il y a une myriade de types disparates ou incohérents de protocoles en vigueur au pays, en vertu desquels les autorités policières collaborent avec les services de protection de l'enfance pour tenter de déterminer s'il est approprié de porter des accusations dans certaines circonstances. Nous ne pouvons confondre les mauvais traitements infligés aux enfants et des recours mineurs à la force. Chose certaine, en l'absence de l'article 43, de nombreux recours à la force seraient considérés comme des voies de fait en droit strict. Toutefois, il est peu probable qu'ils déboucheraient sur des accusations étant donné qu'il faudrait pouvoir compter sur un processus comportant une évaluation de ce qui est dans le meilleur intérêt de la famille et de l'enfant dans la famille.

Nous devons travailler à partir des protocoles existants et des relations existantes entre les forces policières et les services de protection de l'enfance pour s'assurer de ne pas causer davantage de tort. Je comprends que c'est une préoccupation. Cela dit, je ne pense pas que nous devions opter pour une période de tolérance zéro dans le contexte de la mise en oeuvre de cette mesure.

Dans d'autres provinces, on s'y prend différemment pour porter des accusations. Je connais surtout la façon de faire en Ontario. En tant qu'avocate de la défense pour des jeunes, je connais bien comment on procède, particulièrement dans la Ville de Toronto. Dans d'autres provinces, comme le Québec et la Colombie-Britannique, il y a un autre niveau d'examen avant que des accusations soient portées. La décision ne revient pas uniquement à l'agent de police. Il y a un autre niveau d'examen pour déterminer si cette façon de procéder est dans le meilleur intérêt de toutes les parties, c'est- à-dire dans le meilleur intérêt public et dans le meilleur intérêt de l'enfant qui est la victime. Il y a un peu partout au pays des modèles dont nous pouvons nous inspirer. Nous avons un certain temps pour le faire.

Dans le contexte de notre cause, nous avons commandé certaines recherches sur les pratiques d'inculpation de la police. Nous avons demandé à un chercheur de l'Université Ryerson d'examiner les rapports policiers d'incidents dans trois villes, Winnipeg, Timmins et Toronto, et nous avons pu constater qu'il y avait à cet égard une disparité entre ces trois agglomérations. Nous avons constaté que le taux le plus élevé d'inculpation, qui allait au-delà de ce qui pouvait être considéré « raisonnable » en termes d'utilisation d'accessoires et de blessures, était 40 p. 100. Ce ne sont pas la totalité de ces cas qui ont débouché sur des accusations portées contre les parents. Dans l'une des collectivités, 2 p. 100 seulement des cas de blessures infligées à un enfant ou d'utilisation d'une arme ont donné lieu à des accusations.

Je ne me permets pas de tirer des conclusions de cause à effet de ces données puisqu'il pourrait y avoir différentes raisons pour expliquer cela. À Winnipeg, il y avait de bonnes relations entre les services d'aide à l'enfance et les autorités policières. Une situation pourrait avoir exigé l'intervention de la police, mais les policiers n'ont peut-être pas porté d'accusation, préférant remettre l'affaire entre les mains des organismes de protection de la jeunesse. Les parents n'ont pas été traînés devant les tribunaux ni jetés en prison. Je ne dis pas qu'il devrait y avoir un plus grand nombre d'inculpations, mais même dans le contexte actuel de la mise en oeuvre de la loi, on ne porte pas d'accusation dans des cas où nous jugeons qu'on devrait en porter.

Le sénateur Milne : Pour en revenir aux trois raisons énoncées par le sénateur Andreychuk qui justifieraient qu'on emploie la force pour retenir un enfant, soit pour assurer la sécurité d'autrui, la sécurité de l'enfant et pour contenir de façon sécuritaire et non violente des enfants hors de contrôle, si ce projet de loi est adopté, autrement dit, si nous abrogeons l'article 43, comme nous devrions le faire, à mon avis, pensez-vous que l'on recourra davantage à la médication pour contrôler les enfants? À l'heure actuelle, il semble que l'on compte de plus en plus sur la médication pour faire en sorte que les enfants aient un comportement socialement acceptable à l'école et pour le bénéfice des enseignants.

Mme Milne : Je vous dirais que j'espère que non et en fait, je ne pense pas que cela se produise. Je ne pense pas que nous ayons besoin de l'article 43 pour prendre des mesures de contrainte. Par conséquent, je ne pense pas qu'il sera davantage nécessaire de recourir à une autre méthode pour contrôler les enfants car nous réussissons déjà à le faire sans qu'une loi soit nécessaire. Je ne pense pas que l'on verra une augmentation spectaculaire à cet égard.

Dans tous ces cas, nous essayons de prédire ce qui se passerait. Il peut y avoir un ou deux cas qui se présenteraient, mais je préfère penser que les gens en situation d'autorité feront preuve de bon sens pour déterminer la façon la plus appropriée de réagir face au comportement répréhensible ou aux activités dangereuses des enfants. Il est ici question d'enfants qui, parce qu'ils sont handicapés ou pour toute autre raison, ne sont pas en mesure de contrôler leur propre comportement. Selon la loi telle qu'elle est maintenant supposément écrite par la Cour suprême du Canada, on ne peut invoquer l'article 43 pour justifier le recours à la force à l'endroit d'enfants handicapés. Dans ces situations, on n'emploie pas des mesures de contrainte physiques pour leur apprendre quoi que ce soit, mais simplement pour contrôler la situation. Ce n'est pas un châtiment. Ce n'est pas une mesure que l'on prend pour favoriser le développement d'enfants. On le fait pour une raison différente.

Le sénateur Milne : J'ai entendu parler de cas où des parents avaient emmené leur enfant chez le médecin et avaient obtenu une ordonnance pour le Ritalin, ou un médicament quelconque que l'on prescrit aux enfants, parce que le professeur n'arrivait pas à contrôler l'enfant. Cela suscite des préoccupations dans mon esprit.

Mme Milne : Cette pratique en particulier m'inquiète moi aussi. Notre clinique s'est penchée sur la façon dont on encadre le comportement des enfants dans les écoles. Ce n'a rien à voir avec l'article 43. C'est un autre problème. Cela concerne la façon dont nous percevons généralement les enfants et leur comportement et les moyens à prendre pour fournir les ressources appropriées aux enfants dans les écoles.

Le sénateur Joyal : Madame Milne, je crois savoir que vous étiez requérante dans la décision de la Cour suprême l'an dernier. J'y vois le nom de la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law. Vous avez sans doute participé à cette cause étant donné que vous nous avez dit être l'avocate de cet organisme depuis 1991. Vous avez été présente à toutes les étapes du cheminement de la plainte jusqu'à la Cour suprême?

Mme Milne : Oui.

Le sénateur Joyal : Je vois dans la description de la cause qu'il y avait de nombreux intervenants. Étaient-ils tous favorables à votre position?

Mme Milne : Non.

Le sénateur Joyal : On annonçait les intervenants suivants : Focus on the Family (Canada) Association, la Coalition de l'action pour la famille au Canada, Home School Legal Defence Association of Canada et REAL Women of Canada, qui, ensemble, ont formé la Coalition for Family Autonomy, la Fédération canadiennes des enseignantes et des enseignants, et ainsi de suite. Je ne les énumérerai pas tous. Ils n'appuyaient pas tous votre opinion, alors?

Mme Milne : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné qu'il y avait trois raisons d'appuyer le retrait de l'article 43. Premièrement, les droits humains fondamentaux en vigueur au Canada; deuxièmement, le respect des obligations internationales du Canada; et, troisièmement, le fait que votre position est conforme à l'état actuel des sciences sociales.

Je voudrais aborder les deux premiers volets. Au sujet du premier, soit les droits humains fondamentaux en vigueur au Canada — et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus —, la Cour suprême du Canada a jugé que l'article 43 ne porte pas atteinte aux droits reconnus à toute personne en vertu de l'article 7 de la Charte des droits du Canada. Autrement dit, si ce droit existe, ce n'est pas un droit protégé par la Charte. C'est la conclusion que je tire de la décision.

Mme Milne : C'est l'opinion majoritaire de la cour, oui.

Le sénateur Joyal : Oui, à six contre trois, et le septième est entre les deux.

La deuxième raison qui justifie selon vous votre position tient au respect nécessaire des obligations internationales du Canada envers les enfants. Selon mon interprétation de la décision, le paragraphe 31 reconnaît sans réserve la convention qu'a mentionnée le sénateur Pearson tout à l'heure. D'après le paragraphe 31 de la décision : « Les lois doivent être interprétées d'une manière conforme aux obligations internationales du Canada. » La cour a reconnu formellement les obligations internationales du Canada.

Au paragraphe 32, on peut lire : « Le Canada est signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies », la convention faisant autorité au sujet des droits des enfants. Ensuite, on cite l'article 5, le paragraphe 19(1) et l'alinéa 37a) de cette convention. Les juges concluent, après avoir mis dans la balance les droits ou les responsabilités des parents par rapport aux droits de l'enfant, que la convention n'empiète pas sur l'article 43.

Au paragraphe 33, les juges mentionnent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, une autre convention à laquelle le Canada est partie. Encore là, ils énumèrent des articles de ce Pacte et arrivent aux mêmes conclusions.

Je sais, et cela a été mentionné tout à l'heure, que le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a peut-être interprété ces deux instruments différemment, mais la Cour suprême du Canada n'a pas tiré de ces deux instruments les mêmes conclusions que le comité onusien, lequel a fait des remontrances au Canada au sujet de la mise en oeuvre de l'article 43 du Code criminel.

Autrement dit, vos deux premiers points, d'après moi, selon la décision, même si c'était une décision rendue à six contre trois, ne viennent pas étayer intégralement votre argumentation. Le troisième est peut-être le meilleur pour essayer de me convaincre que c'est la bonne chose à faire. Encore là, je ne suis pas contre le principe; j'essaie d'établir les fondements juridiques sur lesquels notre décision sera fondée.

Mme Milne : Il y a une ou deux façons de répondre à cela. Je ne veux pas me rendre coupable d'outrage à la Cour suprême du Canada, de sorte que...

Le sénateur Joyal : Vous êtes protégée par le privilège du Parlement.

Mme Milne : Évidemment, je suis en désaccord avec l'opinion majoritaire et je préfère de loin les décisions minoritaires dans cette affaire, ce qui n'étonnera personne. Toutefois les juges majoritaires ont dit une chose, soit que dans une certaine mesure, la situation évolue. Les sciences sociales continuent à évoluer, mais les normes internationales évoluent aussi. On le constate au paragraphe 36 du jugement, où il est question de consensus. À ce moment-là, les juges se fondaient sur un certain consensus. En fait, au moment de l'argumentation, le comité ne s'était pas prononcé sur le deuxième rapport du Canada au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies.

Ma préférence va au comité, qui est l'instance suprême en ce qui concerne cette convention. Nous nous sommes alignés sur l'opinion du comité étant donné qu'il s'agit de l'instance internationale chargée de l'interprétation de la convention. Comme cet instrument n'est pas assorti de dispositions d'application, le comité n'en fait pas une interprétation sous cet angle, mais il est habilité à surveiller l'observation par le Canada de la convention, et il a fait à cet égard une déclaration très claire. En ce sens, j'estime, en toute déférence, qu'il s'agit d'une instance supérieure à la Cour suprême du Canada pour ce qui concerne la convention et c'est pourquoi je m'en remettrais tout de même à ce que dit la convention.

À mon avis, même si nous avons atteint un certain point avec la décision de la Cour suprême du Canada, nous pouvons encore faire mieux. Cela ne mine pas notre volonté d'aller plus loin pour assurer la protection des enfants et faire reconnaître leurs droits au-delà de ce que la cour a été disposée à affirmer dans une cause en particulier et, c'est vrai que dans ce dossier il y avait des gens pour et des gens contre, mais je ne pense pas que cela doive nous arrêter. Voilà pourquoi il est bon que le dossier soit maintenant de nouveau entre les mains des acteurs politiques qui, après un nouvel examen, pourront dire : « Vous savez, la cour s'est prononcée, mais nous voudrions faire davantage pour assurer les droits des enfants et les affirmer avec plus de conviction que la cour n'était prête à le faire. »

Le sénateur Joyal : Je suis tout à fait d'accord avec vous. La Cour suprême a interprété la Charte des droits et les obligations internationales du Canada en relation avec les droits de l'enfant et est arrivée à une conclusion, l'année dernière. C'est donc une décision récente et non une décision qui remonte à une dizaine d'années, auquel cas votre argument concernant l'évolution sociétale aurait sans doute plus de poids car, comme vous l'avez bien expliqué, c'est une question qui évolue et la mentalité des gens évolue aussi. Comme vous l'avez dit vous-même, la compréhension qu'ont les sociologues de cette question progresse au fil des recherches et à mesure qu'émerge une façon différente de percevoir la responsabilité parentale par rapport au développement de l'enfant. Il reste encore de nombreux domaines ouverts à la recherche. Néanmoins, nous sommes en présence d'une décision de la cour qui est toujours très actuelle. Ce n'est pas une décision qui remonte à 10 ou 20 ans. La décision n'a même pas un an.

Vous fondez votre argument sur le fait que le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies qui a interprété la convention a reproché au Canada de ne pas avoir supprimé ou abrogé l'article 43, et vous affirmez que ce comité est une instance supérieure. Évidemment, son opinion n'a aucun caractère exécutoire au plan juridique car si tel avait été le cas cela aurait eu des répercussions, étant donné que le Comité des droits de la personne a déjà critiqué le Canada dans d'autres dossiers. Ainsi, le traitement réservé aux femmes autochtones au Canada a été dénoncé par le Comité des droits de la personne.

Nous nous penchons là-dessus au sein d'un autre comité sénatorial et, bien sûr, ce n'est pas une opinion exécutoire. Le comité attire l'attention sur le Canada, mais le Canada doit prendre une décision en se fondant sur son interprétation de l'évolution actuelle de la société canadienne.

Vous avez dit quelque chose qui m'apparaît une prochaine étape importante, à savoir que la cour a interprété l'article 43 de manière restrictive. Je me demande si l'une des étapes en direction de votre objectif global de l'élimination complète de l'article 43 ne consisterait pas pour nous à limiter l'article 43 d'une manière plus claire, de sorte que les parents et l'opinion publique au Canada, les groupes qui sont en cause, les groupes qui ont comparu devant le tribunal, aient une meilleure compréhension de la situation actuelle de la société canadienne à cette étape-ci de son évolution. Ne serait-ce pas là une meilleure étape intermédiaire en direction de l'objectif que vous visez pour l'ensemble de la société, ou bien croyez-vous qu'il est préférable de demander l'élimination complète, indépendamment de la décision de la Cour suprême?

Mme Milne : Je préfère certainement l'abrogation, parce que même si la cour a décrété que cela n'empiète pas sur le droit à l'égalité des enfants, je trouve que nous devrions faire une déclaration ferme que nous voulons traiter les enfants également et que nous voulons les protéger de la même manière que les adultes, qu'ils sont des personnes, eux aussi. Nous pouvons aller au-delà de la décision de la Cour suprême et faire une déclaration ferme.

Pour ce qui est de remanier cet article ou de le changer ou d'essayer d'en restreindre l'application, j'ai quelques difficultés avec la nouvelle norme établie par la Cour suprême. Seul le temps le dira, car nous commençons très lentement à voir des décisions qui sont rendues en application de cet article — car il s'est écoulé très longtemps avant que les affaires que nous avons intentées donnent lieu à des décisions. Cependant, nous allons commencer à voir des décisions qui vont provoquer l'effritement de ces critères, dont certains m'apparaissent illogiques.

Par exemple, dans une décision rendue à Toronto l'automne dernier, un juge a décrété qu'une mère qui giflait sa fille adolescente au visage utilisait une force raisonnable. Maintenant, cela semble contraire à au moins deux des critères que la Cour suprême a établis. Il est certain que le juge en question était au courant de l'affaire de la Fondation canadienne. La Couronne n'a pas fait appel dans cette affaire, ce qui constitue une partie du problème de la jurisprudence dans ce domaine. On n'interjette pas appel des décisions parce que la poursuite affecte durement les parties en cause et, par conséquent, les enfants ont le sentiment que les tribunaux ne font pas respecter leurs droits. Même dans une affaire où le procureur de la Couronne avait déterminé qu'il fallait intenter des poursuites, on aboutit à un résultat comme celui-là, ce qui nous apparaît contraire à la décision.

La présidente : Avez-vous le nom de cette affaire?

Mme Milne : Je l'ai dans ma documentation. Il en est fait mention dans le mémoire. Je crois que l'affaire est seulement connue par les initiales.

Le sénateur Cools : Pouvez-vous nous donner la référence tout de suite?

Mme Milne : Je suis en train de la chercher. C'est R. c. D.K. Ce n'est que l'une des affaires. Il y en a eu d'autres — des affaires qui étaient encore à la Cour d'appel et sur lesquelles la Cour suprême ne s'était pas prononcée. Il y a eu une affaire à Terre-Neuve où la cour a dit que tout ce que la Cour d'appel de l'Ontario avait dit, c'est que l'article est constitutionnel et que tout le reste, toutes les considérations relatives aux sciences sociales, est entièrement obiter dictum et que nous n'avons pas besoin d'y accorder la moindre attention parce que ce sont seulement des observations incidentes. C'est un véritable danger, à savoir que les tribunaux qui vont se prononcer ultérieurement vont limiter leur décision à dire que l'article est constitutionnel, et il faudra revenir aux interprétations individuelles de chacun des juges pour déterminer ce qui est raisonnable.

Sur le dernier point, à propos de l'illogisme de certains des critères, la cour a dit notamment que les parents ne devraient jamais administrer de châtiment corporel sous l'impulsion de la colère ou de la frustration. Dans le cadre du travail que nous faisons à la clinique, nous faisons de l'éducation en matière juridique à l'intention des jeunes, et c'est une question qui revient souvent quand nous discutons avec des élèves d'école secondaire. Nous passons en revue les critères et nous énonçons ce que dit la loi, à savoir que les parents ne sont pas censés vous frapper si vous avez moins de deux ans ou si vous êtes des adolescents. Nous passons la liste en revue et nous en arrivons alors au critère selon lequel les parents ne sont pas censés frapper sous l'emprise de la colère ou de la frustration. Vous pouvez vous imaginer que les élèves d'école secondaire éclatent alors de rire parce qu'ils savent que cela ne correspond nullement à leur expérience concrète.

Le juge en chef McLachlin a déclaré que ce n'est pas censé être punitif, mais le fait de frapper des enfants ou de leur donner la fessée est justement punitif par définition. Par conséquent, il y a dans cette décision certaines incohérences. Je m'inquiète de la manière dont cela va se jouer dans des décisions subséquentes et quand d'autres cours vont tenter d'interpréter ce que la Cour suprême a dit.

Dès lors que l'on commence à énoncer des exceptions, on s'expose à des problèmes de ce genre. Pourquoi deux ans? L'âge de deux ans est en fait tout à fait arbitraire, et l'on a dit qu'il y avait consensus sur certains des critères. À la cour de première instance, le juge, qui essayait de comprendre la preuve fondée sur les sciences sociales — qui comprenait 10 000 pages de documents — a demandé que l'on en fasse un condensé en retenant seulement ce sur quoi les experts étaient d'accord. Quand on n'examine pas d'un oeil critique ce que chaque expert dit et que l'on demande plutôt ce sur quoi ils s'entendent, on se retrouve avec le plus bas dénominateur commun et un âge arbitraire de deux ans en bas duquel on ne devrait pas frapper les enfants. Il est certain que les experts que nous avons consultés n'auraient jamais appuyé un âge limite de deux ans. Cela n'a aucun sens. On peut en parler à la blague en disant : voilà une belle fête d'anniversaire. Comment peut-on expliquer 20 mois, 24 mois? Quelle est la différence pour commettre des actes pareils?

Il y a donc des incohérences qui découlent en partie de la manière dont l'affaire a été plaidée — et j'en assume la responsabilité. C'est en partie parce qu'il n'y avait pas vraiment de bonnes solutions de rechange quant à la manière dont nous pouvions plaider la cause, mais nous nous sommes retrouvés avec des énoncés donnant lieu à consensus dans le jugement, mais quand on s'attarde à les examiner plus attentivement et que l'on tient compte de ce que les experts disaient, on n'arrive pas nécessairement à la même conclusion.

Le sénateur Joyal : Dans la dernière partie de votre réponse, vous illustrez le fait qu'il n'y a pas consensus unanime parmi les intervenants des « sciences sociales », et j'inclus les psychologues, les psychiatres, tous les professionnels qui s'intéressent à l'art d'élever des enfants. Je veux m'attarder à la situation du tribunal à qui on présente une conclusion unanime et écrasante.

[Français]

Comme le disait tantôt mon collègue le sénateur Rivest, contraindre les enfants est une manière inacceptable d'éduquer les enfants et contraire à leurs droits fondamentaux comme personnes. La cour aurait conclu dans ce sens. Ce n'est pas ce qu'elle a décidé.

Par conséquent, quand on lit le jugement, on sent qu'il n'y a pas d'unanimité ou une opinion déterminante tellement forte dans un sens que la cour n'aurait pas pu conclure différemment, surtout quand je vois toute la liste des groupes sociaux intéressés à cette cause que vous avez pilotée.

C'est un jugement de valeur qu'on fait pour nous-mêmes. Ce n'est pas une évidence absolue. C'est pourquoi je me dis : est-ce qu'on ne devrait à ce moment prendre les éléments les plus clairs du jugement, comme le fait qu'on ne doit pas contraindre un enfant de moins de deux ans, qu'on ne doit pas le frapper sur la tête, et cetera. Est-ce qu'on ne devrait pas préciser l'article 43 de sorte que des causes comme vous citez en Ontario ou à Terre-Neuve ne permettent pas à un juge une marge d'interprétation infinie? Un juge pourrait simplement dire que l'article 43 est légal et qu'il l'interprète comme il le veut. Si on restreignait la portée de l'article 43, cela aurait un impact sur les tribunaux inférieurs et sur la manière dont ils aborderaient l'application de l'article 43. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez.

[Traduction]

Quand on ne peut avoir ce qu'il y a de mieux, on demande ce qui apparaît comme la meilleure solution de rechange. Croyez-vous que la meilleure solution de rechange soit de laisser les choses en l'état, de sorte qu'il y aura de nombreuses affaires et décisions révoltantes et qu'à un moment donné, il y aura une révolte et les gens exerceront des pressions pour qu'on change la loi?

Mme Milne : Combien d'enfants subiront des dommages pendant le processus?

Le sénateur Joyal : Oui, voilà. Nous avons une certaine responsabilité d'agir si nous estimons que quelque chose doit être fait.

Mme Milne : À l'heure actuelle, il y a confusion sur ce que nous devrions ou ne devrions pas faire. L'argument du gouvernement dans cette affaire était que nous ne voulons pas nous débarrasser de l'article 43, que nous donnons à tous une excellente éducation, mais les deux messages sont complètement contradictoires. Le message juridique contredit le message relatif à l'éducation et cela rend la situation difficile. Quoique beaucoup de parents prennent eux- mêmes l'initiative d'apprendre de bonnes pratiques en matière de mesures disciplinaires et la meilleure manière de s'occuper de leurs enfants, il existe un sous-groupe de parents qui s'emparent du message juridique et qui s'en servent pour justifier un comportement qui est contraire au message sur le plan de l'éducation. C'est le premier point.

Par ailleurs, si l'on essaie de comprendre le jugement — vous avez mentionné qu'il y a consensus. Je vous dis que le consensus n'est pas celui-là. Ce n'est pas ce qui figure dans le jugement. Le consensus est décrit plus précisément dans la déclaration conjointe sur les châtiments corporels. Si vous examinez la liste des organisations qui possèdent une grande expertise dans le développement de l'enfant et des familles d'un bout à l'autre du pays, vous verrez que 157 organisations ont signé cette déclaration conjointe. Voilà le consensus dans notre pays.

Cette autre définition est attribuable à deux experts des États-Unis, le Dr Robert Larzelere et la Dre Diana Baumring. Leurs travaux de recherche posent des problèmes qui n'ont pas pu être exposés à cause de la méthode avec laquelle nous avons plaidé l'affaire. C'était difficile à plaider. Nous l'avons inclus dans notre documentation, mais ça a été exclu à cause de la méthode d'instruction de l'affaire. Financièrement, il n'était pas possible de procéder de manière à permettre au juge d'entendre le témoignage de chacun des experts. Cela aurait coûté trop cher. Nous l'avons fait sous forme de requête, ce qui veut dire que tous les témoignages étaient consignés sous forme de documents.

Nous avons fait un contre-interrogatoire et j'ai contre-interrogé ces deux experts. Je sais où se situent les faiblesses dans leur recherche, mais c'était très difficile de les faire ressortir. Le Dr Larzelere a fait une méta-analyse et il est un très bon chercheur. Je ne veux nullement le dénigrer comme chercheur de manière générale, mais sur ce point précis, il a fait une méta-analyse, qui est une étude des études, dans laquelle il a englobé un certain nombre d'études d'un psychologue appelé le Dr Mark Roberts. Il les cite comme d'excellentes études sur cette question. Le Dr Roberts a effectué des expériences sur la fessée à l'Université de l'Idaho. Dans l'une de ces études, un enfant a été frappé plus de 50 fois en une période de 60 à 90 minutes.

À la cour de première instance, le juge McCombs a été consterné et a dit qu'il ne tiendrait aucun compte de tout ce que le Dr Roberts avait dit et qu'il n'avait pas une très bonne opinion de lui comme expert. Ce qui lui a échappé, c'est que l'opinion du Dr Larzelere était fondée en grande partie sur les travaux effectués par le Dr Roberts. Il fallait lire les tableaux du Dr Roberts pour comprendre cela. Ce n'était pas évident dans l'étude. Il fallait passer en revue tous ces petits tableaux et graphiques et je dis souvent que l'on mérite un doctorat honorifique quand on a défriché toutes ces études. Quand je lui ai fait remarquer que l'enfant en question semblait avoir été maltraité dans le cadre de son étude, il a dit que c'est pourquoi je ne recommande plus d'utiliser la fessée, et en outre, il ne recommande jamais de l'utiliser dans le cas des familles identifiées par les organismes d'aide à l'enfance comme étant des familles où les enfants sont victimes d'abus.

Or nous ne faisons pas cela avec l'article 43. Nous ne disons pas qu'il ne s'applique pas aux familles qui ont eu des démêlés avec les organismes d'aide à l'enfance. Il s'applique à tous. Il y a des failles dans la logique de ceux qui proposent de conserver l'article 43 pour protéger les parents.

La Dre Baumrind a fait récemment des travaux de recherche et ses conclusions initiales ont été prises en compte dans cette affaire. Elle l'avait fait dans le cadre d'une déclaration sous serment. Elle n'avait pas encore mis cela par écrit. Elle avait un très petit nombre de familles où les enfants n'avaient subi aucune fessée ni aucun châtiment corporel. Quand on lui a posé la question, elle a dit que cela voulait dire que c'était statistiquement non significatif. Elle ne pouvait pas faire une comparaison entre un groupe où les enfants n'avaient jamais eu la fessée et d'autres groupes où c'était le cas. C'est une lacune. C'est la même lacune que ces spécialistes des sciences sociales ont dénoncée chez tous les autres.

Au Canada, nous avons la Société canadienne de pédiatrie qui a dit qu'elle n'était pas certaine de vouloir signer la déclaration conjointe et qui a donc fait ses propres recherches. Nous voulions vérifier, ont-ils dit, si la recherche compilée dans cette déclaration est conforme à ce que nos membres savent. Ils en sont arrivés aux mêmes conclusions de manière indépendante et ont donc signé la déclaration.

Nous devons faire très attention avant de dire que la preuve réunie dans cette affaire représente vraiment le consensus des sciences sociales, parce que je ne crois pas que ce soit le cas.

Le sénateur Cools : Je souhaite la bienvenue au témoin devant le comité. Votre bureau est-il encore situé sur Spadina Road?

Mme Milne : Nous avons récemment déménagé dans la rue Yonge.

Le sénateur Cools : J'ai le plus grand respect pour ce que vous faites. Je ne suis pas partisane des châtiments corporels. Je déplore la violence sous toutes ses formes, mineures et majeures. Je comprends par ailleurs que quand on essaie d'inculquer de nouvelles idées ou de nouveaux concepts au grand public, il faut procéder avec prudence et vigilance. Comme je l'ai dit souvent, dès qu'on donne à des autorités un pouvoir discrétionnaire énorme en termes de poursuites et de nouveaux pouvoirs pour amorcer des poursuites, il y a invariablement une foule de poursuites malveillantes et injustifiées. Je voulais seulement établir cela au départ.

De la manière dont ce débat se déroule, il semble que l'on soit toujours obligé d'établir au départ que l'on n'est pas partisan des châtiments corporels, et j'ai passé ma vie dans ce domaine.

Vous avez évoqué au début le cas d'une adolescente de 16 ans qui a été très gravement maltraitée par sa mère. Vous dites que le policier ne croyait pas l'enfant. En quoi l'abrogation de l'article 43 aiderait-il à cet égard? Le problème en pareil cas, et j'ai fait beaucoup de travail là-dessus, c'est que très souvent, les gens refusent de croire que les femmes peuvent être aussi violentes qu'elles le sont. Il y a beaucoup de littérature là-dessus.

Il y a un certain nombre d'années, le juge Gove a fait une étude au moment de la mort du petit Matthew Vaudreuil. Il a fait remarquer un point essentiel, à savoir que les organismes de protection de l'enfant agissaient comme si la mère, qui maltraitait constamment l'enfant, était la cliente, au lieu de l'enfant. J'ai fait des lectures sans fin en fouillant dans des affaires de ce genre, certaines documentées par le Dr Greenland, et on constate très souvent l'incapacité de croire que les femmes peuvent faire tout cela. On le constate à répétition.

Je vous invite à considérer qu'un changement de paradigme est nécessaire dans l'esprit de bien des gens qui travaillent dans le domaine de la protection de l'enfance. Je veux toutefois préciser clairement que l'affaire que vous avez décrite est triste et épouvantable, mais la proposition contenue dans ce projet de loi n'aurait aucune incidence en pareil cas, parce que même si l'on abrogeait l'article 43, il se pourrait toujours que l'on ne croit pas l'enfant dans l'atmosphère actuelle où les femmes sont vertueuses et les hommes sont violents. J'ai beaucoup de sympathie pour les gens qui travaillent dans ce domaine. J'ai travaillé avec bon nombre d'entre eux et je connais les difficultés.

Madame la présidente, le témoin a mentionné les noms des Drs Baumrind et Larzelere. Peut-être pourrions-nous les inscrire sur notre liste de témoins. J'ai d'autres noms que je voudrais entendre.

Vous nous avez longuement parlé de l'abrogation de l'article 43, mais il y a beaucoup d'autres formes de mauvais traitement des enfants que nous tolérons. Quelle est la position de votre organisation sur cette situation? Dans des affaires de divorce, il a été jugé acceptable et légal que des mères empêchent les enfants de voir leur père, ce qui entraîne la marginalisation totale des pères qui sont totalement exclus de la vie de leurs enfants. Ce phénomène a donné lieu à toute une nouvelle terminologie : aliénation parentale, syndrome d'aliénation parentale. Cela m'inquiète énormément.

J'ai toujours soutenu que le premier élément de l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est le droit de l'enfant d'avoir des relations avec ses deux parents. Beaucoup de gens s'opposent à ce que l'on maltraite un enfant physiquement, mais ils appuient les parents qui séparent les enfants de leur père. Pouvez-vous m'expliquer si votre organisation a adopté une position sur ce phénomène? Qu'un parent empêche un enfant de voir l'autre parent, c'est épouvantable.

Je vous pose cette question, et pour appuyer mon troisième point, il y a actuellement de la magnifique littérature publiée aux États-Unis d'Amérique et qui montre que le véritable indicateur le plus solide du bien-être d'un enfant, c'est la participation active des deux parents dans la vie de l'enfant. Autrement dit, les travaux de gens comme Daniel Patrick Moynihan montrent que la structure familiale et non pas la race ou la pauvreté est le véritable indicateur de la situation des enfants.

Je crains que vous ne soyez obnubilée par une piste de solution, alors qu'il y a tout un autre domaine très vaste au sujet des enfants. Je me demande si vous y avez réfléchi. Sinon, je comprends tout à fait, parce que nous sommes tous débordés de travail, mais c'est quelque chose à quoi j'ai beaucoup réfléchi.

Mme Milne : Je peux répondre à votre question de deux manières. Nous n'avons pas adopté de position officielle sur la situation précise que vous avez décrite. Cependant, pour répondre à votre première observation, qui ne faisait pas partie de votre question, sur la question de savoir si l'article 43 constituerait un remède dans le scénario que j'ai décrit, et la question portant sur l'aliénation des enfants de leurs parents et le besoin d'une participation active des deux parents, nous ne sommes pas centrés sur les enfants. Nous ne croyons pas les enfants parce que nous croyons le parent — le parent, que ce soit la mère ou le père, en l'occurrence. Adopter une position sur l'article 43, c'est fortement symbolique.

L'abrogation de l'article 43 aiderait, dans le premier scénario, en ce sens que l'on transmettrait publiquement un message très ferme qu'il n'est pas acceptable de frapper des enfants pour les punir — de sorte que le manche de balai serait totalement exclus. Par conséquent, le mensonge sur le manche de balai par opposition à la main, ce n'est pas ce qui nous préoccupe. Cela ne devrait pas arriver.

Sur votre deuxième point, qui m'apparaît très important, nous avons toujours adopté la position que les droits d'accès et les droits de garde devraient être établis dans la perspective de l'enfant et dans l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est vraiment dans les cas de divorce fortement contestés que les tribunaux ne règlent pas cette situation de manière satisfaisante, mais personne n'a vraiment de solution satisfaisante. En tant que société, nous devons cesser de percevoir les enfants comme la propriété des parents et nous devons les voir plutôt comme des personnes. Ils ne sont pas des adultes de petite taille. Ils ont leurs propres besoins en matière de développement et nous devons en être conscients. L'un de ces besoins en matière de développement est d'avoir des relations avec les deux parents, lorsque c'est approprié, et parfois, ça ne l'est pas.

Nous devons voir les enfants comme des personnes capables d'avoir leurs propres droits humains, non pas comme quelque chose qu'ils méritent à mesure qu'ils vieillissent, mais plutôt comme un droit qu'ils ont dès le départ. Dans le cas de l'article 43, cela se situe au niveau le plus fondamental de la sécurité puisqu'il faut éviter que leur propre corps reçoive des coups. Tant que cela ne sera pas réglé, nous ne passerons pas aux autres questions. Notre perception des enfants est digne non pas du siècle précédent, mais de celui d'avant, surtout sur cette question. La convention serait un bon début et c'est un bon fondement pour soutenir que nous devons prendre d'autres mesures pour reconnaître que les enfants sont des personnes, des êtres humains qui méritent d'être traités avec dignité et respect.

Le sénateur Cools : Je voulais faire une deuxième observation. Si un parent, dans la société actuelle, maltraite son enfant à coups de manche de balai, je peux vous dire que très peu de gens refuseraient d'intervenir dans la collectivité d'aujourd'hui.

Madame la présidente, il y a tellement de cas et il y a tellement de gens qui ont essayé d'intenter des poursuites dans certaines de ces affaires, surtout des affaires de meurtres d'enfant. Parmi nos témoins, nous pourrions peut-être faire venir des personnes qui peuvent nous décrire les difficultés auxquelles elles sont confrontées, ne serait-ce que pour réussir à intenter des poursuites. Je songe aux gens du bureau du coroner, par exemple le Dr Jim Cairns, le coroner adjoint qui, il y a un certain nombre d'années, a fait une série d'études sur une série d'enquêtes du coroner sur des décès d'enfants. Ce serait instructif pour nous d'obtenir cette information.

En terminant, les enfants ne sont plus considérés comme la propriété de leur père. Dans la société contemporaine, les enfants sont considérés comme la propriété de leur mère. Le divorce est un nouveau problème contemporain et généralisé. Depuis que le divorce est devenu un droit des femmes, les enfants ont évidemment été mis de côté. On le voit dans les jugements. J'admire votre travail et je vous en remercie.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Madame la présidente, j'ai une copie du jugement de septembre 2004 dont on a parlé tantôt. Je peux en donner une copie au greffier et à votre disposition. Je corrobore que le jugement démontre que même les juges n'ont pas compris le jugement. Dans le jugement de la Cour suprême de janvier 2004 ce qu'on croyait ne pas être une « force raisonnable » a été qualifiée de « force raisonnable ».

Un des critères dont on a parlé est la non-objectivité du mot « non raisonnable ». Le mot « raisonnable » est subjectif pour chacun et c'est un concept difficile à appliquer. En voulant redéfinir l'article 43, il faudrait redéfinir ou recréer une jurisprudence et peut-être que l'abolition pure est la voie la plus simple.

Ma question est liée directement à l'opinion que le ministre de la Justice nous a envoyée qui dit qu'en l'absence de l'article 43, les parents qui donnent une fessée à un enfant réticent, placent un enfant dans un siège de voiture ou le mettent en retrait dans sa chambre pour qu'il se calme, emploient la force sans le consentement de l'enfant et pourraient être reconnus coupables de voies de fait.

Comme vous êtes avocate et que vous avez une pratique assez longue dans le domaine, j'aimerais savoir, face à l'opinion juridique qui fut donnée au ministre de la Justice, comment nos tribunaux interpréteraient cette question. En mettant un enfant dans un siège de voiture, selon nos lois provinciales, ou encore en l'asseyant sur une chaise et en lui demandant de rester assis calmement sur une chaise en le privant de sa liberté de courir partout, appliquerait-on le critère de voies de fait et les parents seraient-ils susceptibles d'une plainte au criminel ultérieurement? J'aimerais votre opinion sur cette question.

[Traduction]

Mme Milne : Mes commentaires au sujet de la nécessité et du recours à la contrainte répondent en partie à cette question en ce sens qu'en l'absence de l'article 43, nous pouvons quand même faire cela sans craindre d'être passibles de poursuites au criminel.

La meilleure façon de répondre est de faire une analogie avec les adultes. Il existe dans le Code criminel une disposition de nature générale et tous les jours, dans le cadre des rapports humains, surviennent des recours à la force, sous de nombreuses formes, qui n'attirent pas et n'attireront pas l'attention de la police. Il y a aussi de nombreux exemples de recours parental à la force envers un enfant, sans qu'il y ait consentement, et cela ne constitue pas une correction. Par exemple, immobiliser les jambes d'un bébé ou encore le lever pour lui mettre sa couche ou prendre la main d'un enfant pour traverser la rue ne sont pas des gestes posés pour châtier. Ils ont une autre raison d'être. L'article 43 ne peut s'appliquer à cela en tant que défense.

La Cour d'appel de l'Ontario a reconnu dans l'affaire R. c. EA le principe du consentement implicite au recours à une force légère dans le but d'assurer des soins. Je vais vous lire un passage de notre mémoire : « La common law reconnaît aux parents le droit de toucher leurs enfants sans leur consentement lorsqu'ils leur apportent des soins, par exemple lorsqu'ils mettent sa couche à un bébé, et ce sont là des associations que l'on associe plus facilement aux cas d'application non coercitive de la force décrits par la cour. Sans doute est-il trop banal de rappeler que les parents ne sont pas habituellement poursuivis pour avoir embrassé et serré leurs enfants dans leurs bras sans leur consentement, cette forme de toucher n'ayant pas pour but d'infliger une correction. »

Ces commentaires font partie de l'argument in terrorem voulant que les parents soient traînés au poste de police par autobus pleins. Je ne pense pas que cela se produira. Cela n'arrive pas dans le quotidien des adultes, où le fait de toucher, de tapoter ou même de prendre quelqu'un par l'épaule peut être techniquement considéré comme une agression. Il est regrettable que la majorité des juges de la Cour suprême n'aient pas voulu s'étendre sur la défense de de minimis non curat lex. Madame la juge Arbour l'a pourtant fait dans son opinion dissidente. Même si cela ne figure pas dans le jugement de la Cour suprême, ce principe est reconnu quotidiennement en matière d'exécution de la loi et dans notre vie de tous les jours lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu d'appeler ou non la police pour violation de notre vie privée. Il est par trop ridicule d'envisager d'aller en cour pour ce genre de chose. C'est ce que je pense. Le refus de reconnaître cela comme une défense légitime s'inscrit dans un espace irréaliste. J'ignore d'où cela vient.

Cela répond à une question antérieure quant à savoir si nous devrions simplement reformuler l'article 43 pour l'aligner davantage sur la décision. D'aucuns font valoir que cela restreint davantage le pouvoir discrétionnaire des policiers et des tribunaux de ne pas engager de poursuite en cas d'application d'une force minime car en établissant des critères stricts, on ne laisse aucune place pour l'argument de minimis. Si un enfant de moins de deux ans s'apprête à toucher à un élément brûlant de la cuisinière et que son père ou sa mère lui donne une tape sur la main pour l'en empêcher, cela signifie-t-il que nous allons traîner en justice ce parent? Voilà ce que la cour suggérerait. S'il n'y a pas de place pour l'argument de minimis, et qu'on ne peut intervenir en bas de deux ans, qu'arrivera-t-il advenant un tel comportement? C'est un autre exemple du manque de logique des critères énoncés dans le jugement, mais cela montre aussi que nous devons autoriser une certaine marge discrétionnaire qui se trouve enchâssée dans un principe juridique de défense de common law protégé en vertu de l'article 8 du Code criminel, soit de minimis non curat lex; autrement dit, la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance.

Le sénateur Hervieux-Payette : Le délai d'un an prévu pour abroger l'article 43 et faire entrer en vigueur le projet de loi est-il un échéancier confortable pour les gouvernements, tant au niveau fédéral que provincial, les provinces en ayant besoin à des fins administratives, et le gouvernement fédéral à des fins éducatives, pour s'assurer que cette abrogation ne se traduise pas par le chaos au plan de la mise en oeuvre?

Mme Milne : Nous avons attendu 21 ans depuis que la Commission de réforme du droit a fait cette recommandation. Une autre année pour ceux d'entre nous qui souhaitent que cela se fasse, c'est raisonnable. Le gouvernement discute de ce qu'il conviendrait de faire en l'absence de l'article 43, et les gens ont mûrement réfléchi à cette question. Il y a environ deux ans, il y a notamment eu un colloque tenu à Winnipeg sous l'égide du professeur Ann McGillivary et la Dre Durrant a contribué à son organisation. Nous avons réuni des groupes, y compris des représentants des corps policiers et des services d'aide à l'enfance pour discuter de ce que serait le monde sans l'article 43 et pour élaborer des protocoles. Il y a des gens qui ont déjà planché sur le sujet, de sorte qu'un an, c'est suffisant.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je suppose qu'en tant que professionnelle, vous avez aussi rencontré tous les intervenants provinciaux qui s'occupent de ces questions. Tous ceux d'entre vous qui travaillez dans ce domaine discutent de cette question. Vous êtes-vous heurtée à de la résistance dans certaines régions du pays ou constatez-vous que les intervenants auprès des enfants sont majoritairement en faveur de l'abrogation de l'article 43?

Mme Milne : Il est important de noter que dans chaque province où il y a un protecteur de l'enfant officiellement nommé par le gouvernement provincial, ils sont tous en faveur de l'abrogation de l'article 43. C'est l'opinion qui prévaut dans tout le pays, et il y a maintenant huit protecteurs de l'enfant. Cela montre que les personnes qui travaillent dans ce domaine, qui voient ce qui arrive aux enfants et qui ont beaucoup d'expérience professionnelle — bon nombre d'entre eux se portent à la défense des enfants confiés à l'État et élaborent des politiques concernant les enfants en général — conviennent tous que cette abrogation s'impose.

Le sénateur Ringuette : Je m'étais engagée à fournir des copies d'une affaire que j'essayais d'identifier uniquement en fouillant dans les médias. Je croyais que c'était une cause entendue à Aylmer, au Québec, mais c'était à Aylmer, en Ontario. Je croyais qu'elle s'était rendue jusqu'en Cour suprême, mais elle a été entendue par la Cour de justice de l'Ontario. Je voudrais déposer cela à l'intention de mes collègues, et c'est la base de ma question pour vous. Vous semblez bien connaître cette cause.

Mme Milne : Effectivement.

Le sénateur Ringuette : Les lois et règlements suivants sont cités : la Loi sur la preuve au Canada, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario, la Loi modifiant les services à l'enfance et à la famille, que l'on appelle la Loi sur la réforme de la protection de l'enfance, qui est aussi en Ontario, la Constitution, la Loi sur les tribunaux judiciaires, article 43; le Code criminel, article 46, que nous étudions; la Loi sur la preuve; et les règles du droit de la famille.

Compte tenu de vos connaissances et de votre expertise, pourriez-vous résumer brièvement cette cause en particulier pour mes collègues et son caractère particulier vis-à-vis de la Charte? Si l'on considère l'ensemble des lois et des règlements présentés dans cette cause, si nous abrogeons l'article 43, compte tenu de cette myriade de mesures législatives, les différentes provinces ayant des lois différentes sur la famille, comment se fera la mise en oeuvre de la loi?

On parle d'un délai d'un an. Au cours de ce délai d'un an, les ministres de la Justice et les procureurs généraux des provinces devront aussi modifier les lois provinciales. Il y a à cela de multiples ramifications.

Mme Milne : L'affaire Aylmer, même si on y cite l'article 43, n'était pas une cause concernant l'article 43. Il n'y a jamais eu de poursuite criminelle contre les parents. C'était strictement une cause liée à la protection de l'enfant. Les médias l'ont présentée à tort comme une cause impliquant la fessée où les services de protection de l'enfance auraient retiré un certain nombre d'enfants de leur milieu parce que les parents leur auraient supposément administré la fessée. La communauté, et c'était une communauté religieuse, a déclaré publiquement que c'était uniquement de cela qu'il s'agissait. La réalité était toute autre. La cause portait sur l'utilisation d'instruments pour corriger les enfants. Dans le cas d'un enfant en particulier, le manque de soins médicaux était en cause. Par conséquent, c'était une affaire beaucoup plus complexe. En l'occurrence, l'employée des services de protection de la jeunesse avait essayé très fort de travailler avec la famille; elle voulait vraiment collaborer avec les membres de la famille, mais elle n'obtenait pas de réponses. Lorsqu'elle s'est heurtée à un mur, elle a opté pour la voie draconienne de l'appréhension. Elle a jugé que les enfants étaient en péril compte tenu des choses qu'elle avait vues, au moins un des enfants ayant subi une blessure.

Comme les enfants ont été emmenés ailleurs, les médias ont rapporté l'affaire en des termes dramatiques, mais comme le montrent les diverses lois que vous avez citées, c'était une cause beaucoup plus complexe. Il a été fait référence à l'article 43 parce que les parents ont fait valoir que la liberté de religion leur permettait de recourir au châtiment corporel et que l'une des conditions que la société avait voulu imposer à la famille avant que les enfants puissent retourner chez eux était de ne pas y avoir recours. En fin de compte, les parties ont conclu une entente.

La cause n'a pas été plus loin que la Cour supérieure de l'Ontario. Une tentative pour la porter devant la Cour d'appel de l'Ontario n'a pas été accueillie, de sorte que c'est là qu'elle restera. C'est une cause qu'on a citée en disant qu'elle avait un rapport avec l'article 43, mais je ne suis pas de cet avis. C'était plutôt une affaire d'enfants maltraités qui, comme nous le savons, sont confiés aux services de protection de l'enfance, dont le mandat est de faire enquête et, au bout du compte, elle a été résolue. C'est un exemple de dérapage qui se produit lorsque les médias s'en mêlent.

Le sénateur Ringuette : Nous savons tous comment cela se produit.

Mme Milne : Vous vouliez aussi savoir quelle serait l'incidence de l'abrogation de l'article 43 sur les autres mesures législatives. Je dirais que pour la plupart, elles ne seront pas touchées. Et ce, parce qu'il existe au Canada une législation en matière de protection de la jeunesse et que chaque province a son équivalent de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario qui définit quand un enfant a besoin de protection et quand les services de protection de la jeunesse doivent intervenir et faire enquête.

Chaque province a ses propres critères. Ceux-ci sont fondés sur le risque de dommages corporels. Le simple fait de supprimer une défense du châtiment corporel ne change pas leur définition d'une situation où un enfant risque de subir un dommage psychologique ou physique. Ils ont déjà ce pouvoir, indépendamment de l'article 43. L'article 43 empêche d'intenter des poursuites au criminel dans certains domaines parce que l'on peut invoquer en défense l'usage d'une force raisonnable. L'un des problèmes du Code criminel est qu'il s'applique à des accusations visant un incident unique et non pas le recours répété à des fessées peu énergiques, par exemple. À partir de quel moment la fessée appliquée légèrement devient-elle un cas de mauvais traitement? S'il y a un incident unique impliquant deux tapes sur les fesses, il n'y a pas d'accusation, mais si cela se reproduit tous les jours ou à toutes les deux heures, que fait-on? Le Code criminel est alors inapplicable tant et aussi longtemps que nous aurons l'article 43.

Nous avons des autorités responsables du bien-être de l'enfance qui peuvent s'occuper des cas de ce genre. Il faut quand même que l'incident corresponde à leurs critères définissant le mauvais traitement. Il est important de voir ce qui ressort de l'étude de cohortes canadienne. Les chiffres les plus récents sortent cette semaine. Cela donne un petit instantané de la fréquence des mauvais traitements des enfants au Canada. Cela ne répond pas à toutes vos questions, mais il est certain que les travaux effectués par Joan Durrant, qui a analysé les données et décelé les cas où le châtiment corporel servait à camoufler ce qui était en fin de compte des mauvais traitements, sont très utiles pour déterminer si l'on va englober un important groupe de parents dans le domaine de la protection de l'enfance. Je crois que leur conclusion est négative, que les familles en question sont déjà prises en compte. Il n'y aura pas d'augmentation. Leur nombre restera le même.

Je dirais qu'il ne sera pas nécessaire de modifier la législation provinciale en conséquence de cette mesure. Je sais que des gens travaillent à ce dossier et s'efforcent de faire modifier la législation provinciale séparément, indépendamment de l'article 43, afin d'intégrer dans la loi des énoncés explicites, comme par exemple la loi sur l'éducation dans diverses provinces stipule que les enseignants n'ont pas le droit d'utiliser des châtiments corporels. La Cour suprême a essentiellement dit cela. Jusqu'à la décision la plus récente, nous avions un certain nombre de cas mettant en cause des enseignants. Même si dans certaines provinces, la loi sur l'éducation stipule que les enseignants ne peuvent recourir au châtiment corporel, les enseignants étaient quand même acquittés parce que même si les normes communautaires doivent être prises en compte pour déterminer ce qui est raisonnable, les tribunaux concluaient quand même que c'était raisonnable parce que cela figure dans le Code criminel.

[Français]

Le sénateur Nolin : À la page 6 de votre mémoire, vous énumérez une série de pays, principalement européens, dont l'Italie et le Portugal où des décisions judiciaires ont déclaré illégal le châtiment corporel infligé par les parents. Avez- vous par écrit le raisonnement juridique qui sous-tend ces deux décisions? Si vous avez cette information par écrit, peut-être préférez-vous nous la faire parvenir.

[Traduction]

Mme Milne : Je l'ai, mais pas ici. Je pourrais faire parvenir le document au greffier. Je n'ai pas celui pour le Portugal. Je pourrais probablement le trouver avec l'aide de Peter Newell, que vous avez rencontré la semaine dernière. Nous avons copie du jugement de l'Italie, auquel j'ajouterai la décision rendue par la Cour suprême d'Israël. Cette décision faisait partie de la documentation remise à la Cour suprême. On y fait mention de la Convention de l'ONU ainsi que du droit canadien et des autorités canadiennes. Cela pourrait vous être utile.

[Français]

Le sénateur Nolin : Ma deuxième question concerne le Royaume-Uni. Il n'est nullement question de ce pays dans votre mémoire et, comme vous le savez, l'influence du Royaume-Uni, surtout en droit criminel, est assez importante au Canada. J'aimerais savoir quel est l'état du droit au Royaume-Uni en ce qui concerne les châtiments corporels. Encore une fois, si vous avez cette information par écrit et que vous préférez nous la faire parvenir, sentez-vous libre de le faire.

[Traduction]

Mme Milne : Je n'ai pas vraiment fait d'analyse de la situation au Royaume-Uni parce que, dans une certaine mesure, ce pays en est à peu près au même point que nous. Je ne crois pas que cela nous aiderait le moindrement dans nos efforts pour faire avancer cette cause. Je pense que M. Newell est probablement la personne la mieux placée pour décrire la situation au Royaume-Uni.

Le sénateur Cools : Je me demande si le témoin pourrait nous en dire un peu plus long sur la cause dans laquelle elle a contesté l'article 43 devant la Cour suprême.

Pourriez-vous nous donner un résumé des arguments de la partie adverse? Par ailleurs, pourriez-vous passer de nouveau en revue avec nous ce que vous avez dit sur le témoignage expert du Dr Larzelere? C'est important parce que si nous convoquons le Dr Larzelere devant nous, il devrait avoir l'occasion de répondre à vos arguments. Pourriez- vous nous expliquer cela clairement?

Mme Milne : Les intervenants qui nous ont appuyés comprenaient la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, l'Association ontarienne des sociétés de l'aide à l'enfance et le Conseil canadien des défenseurs de l'enfant, qui représente tous les défenseurs d'un bout à l'autre du pays.

Parmi les intervenants qui ont appuyé la position du gouvernement, il y avait la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Leur position était qu'ils n'étaient pas en faveur des châtiments corporels, mais qu'ils estimaient que l'article était nécessaire pour que les enseignants puissent maîtriser physiquement un élève. Puis, toute une longue liste d'intervenants se sont joints à l'autre groupe, notamment la Coalition for Family Autonomy, qui englobait Focus on the Family et REAL Women of Canada.

Ils prétendaient présenter le point de vue des parents. Je ne dirais pas que c'était le point de vue des parents parce que je suis parent moi-même et que ce n'est pas mon point de vue. Il est dangereux de faire des généralisations et de dire que c'était le point de vue des parents. C'était le point de vue d'un parent, certainement.

Le sénateur Cools : Peut-être devrions-nous identifier le Dr Larzelere, pour le compte rendu. Il est directeur de la recherche en santé comportementale, mais je ne me rappelle plus dans quel établissement. Il est très connu.

Mme Milne : Il était auparavant au Bible Institute de Los Angeles, à l'Université Biola.

Le sénateur Cools : Je crois qu'il est également associé à Boys Town, aux États-Unis, qui est une école célèbre. J'ignore comment cela s'appelle aux États-Unis, mais au Québec, nous appelions cela auparavant des écoles de protection de la jeunesse. Est-ce que ces écoles s'appellent encore comme cela?

Mme Milne : Le Dr Larzelere a fait des études sur les effets de différentes formes de châtiments, notamment les châtiments corporels. Il a aussi fait des analyses des études et a critiqué assez sévèrement l'étude Gershoff, qui est la méta-analyse de 88 études. Il a défini ce qu'il appelle le châtiment corporel normatif, c'est-à-dire deux tapes sur les fesses d'un enfant âgé de deux à six ans. Il ne va pas jusqu'aux adolescents. Ma critique personnelle est qu'il s'agit d'une définition assez artificielle de ce qui est normatif. Je ne pense pas qu'il y ait de définition de ce qui est normatif.

Mon autre réserve est que certaines de ses analyses donnant à entendre qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir s'il y a un lien de cause à effet à long terme entre un certain comportement et l'utilisation de cette fessée dite normative sont étroitement centrées sur certaines études effectuées par le Dr Mark Roberts qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, a effectué des expériences sur la fessée à l'Université de l'Idaho, mais n'a aucunement tenu compte, de l'aveu même du Dr Roberts, des éventuels dommages ou avantages à long terme, se penchant uniquement sur le résultat obtenu à court terme. Le plus long suivi qu'il ait jamais accordé aux familles était de 14 jours après l'expérience, de sorte que cela ne peut absolument pas être considéré comme une étude longitudinale.

Il est lui-même vulnérable aux critiques qu'il a formulées à l'endroit de l'étude Gershoff et d'autres. Lui-même et la Dre Diana Baunrind sont les seuls spécialistes des sciences sociales, à ma connaissance, qui s'opposent à la position généralement admise dans le domaine des sciences sociales, à savoir qu'il ne faut pas frapper les enfants. En fait, ils ont tous les deux reconnu que les sciences sociales ne prouvent pas que le châtiment corporel est bon pour les enfants et qu'il y a un avantage quelconque. En fait, c'est le seul élément sur lequel tous les spécialistes des sciences sociales sont d'accord, à savoir que rien n'indique qu'il y ait un avantage quelconque pour les enfants. C'est ce qui a incité la American Pediatric Association à se prononcer publiquement contre l'utilisation des châtiments corporels et à encourager ses membres à décourager cette pratique parmi les parents.

Le sénateur Hervieux-Payette : Peut-être que je ne comprends pas, mais a-t-on fait une étude avec des parents qui étaient volontaires ou des enfants qui étaient volontaires et que l'on frappait pendant un certain nombre de jours dans le cadre d'une expérience, pour voir quel en serait le résultat? Il m'apparaît incroyable qu'une université et des scientifiques se livrent à une telle étude, mais ai-je bien compris que c'était effectivement en quoi consistait l'étude effectuée par M. Roberts?

Mme Milne : Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette : L'enfant savait-il qu'il participait à l'étude? Bien sûr, les circonstances ne sont pas les mêmes que lorsque le parent frappe un enfant. Est-il vrai que l'enfant n'avait rien fait et se faisait frapper?

Mme Milne : Je ne pense pas que les enfants aient donné leur consentement éclairé; c'était le parent qui participait. Environ trois études ont été faites. Ils ont étudié le recours à la fessée comme remplacement de la punition consistant à obliger l'enfant à rester assis sur sa chaise ou à l'enfermer dans sa chambre. C'était dans le cadre d'un modèle expérimental dans lequel la mère avait identifié l'enfant comme étant ce qu'ils appellent un enfant « deviantly non- compliant ». C'était un enfant dont l'âge se situait entre trois et six ans auquel on avait attribué ce diagnostic et qui avait besoin d'aide. La mère était placée dans une pièce dotée d'un miroir d'observation, avec un écouteur dans l'oreille pour que les chercheurs puissent lui dire quoi faire, et on lui demandait de dire à l'enfant d'aller mettre un bloc à un certain endroit ou de faire le ménage des blocs. Si l'enfant refusait, il devait s'asseoir sur la chaise.

Ils ont fait diverses versions. Dans la première, ils administraient la fessée à l'enfant; dans l'autre, ils lui donnaient un avertissement. Ensuite, ils faisaient asseoir l'enfant sur une chaise. Pour ceux qui ont participé à l'expérience dans laquelle on administrait la fessée, si l'enfant quittait la chaise, on donnait instruction à la mère de lui administrer la fessée, consistant en deux tapes sur les fesses.

Le sénateur Cools : Deux tapes légères ou énergiques?

Mme Milne : Ils appelaient cela deux tapes. Deux tapes sur le derrière habillé, de sorte que ce n'était pas censé causer une blessure, on n'était pas censé taper très fort. Le problème est que l'un des enfants — d'autres avaient quitté leur chaise assez souvent également, mais il y a un pauvre enfant qui s'est enfui 25 fois. J'ai demandé combien de temps durait les séances et il m'a dit de 60 à 90 minutes à peu près. J'ai demandé si, dans le cas de l'enfant qui s'était échappé 25 fois, l'enfant avait été frappé 50 fois, et il a dit que c'était bien cela.

Pour certains enfants qui ont participé à ces expériences, on ne peut pas dire que l'on ait obtenu une obéissance tellement marquée. L'autre lacune de l'étude, et je crois que cela va vraiment au fond des choses, à part l'aspect inhumain, c'est que ces enfants avaient été définis comme étant « deviantly non-compliant ». Cependant, à la fin des années 80, le Dr Roberts a fait une étude sur des enfants d'un quartier particulier pour déterminer, parce qu'il ne l'avait pas déterminé auparavant, ce qu'était cette non-conformité déviante. Il avait simplement supposé que c'était le cas, parce que les parents avaient dit que l'enfant était hors de contrôle et que d'autres avaient dit également qu'il était hors de contrôle. Or, à sa grande surprise, il a constaté que tous les enfants de trois à six ans de ce quartier correspondaient à cette définition de refus de se conformer avec déviance. C'était un quartier de classe moyenne. C'était simplement un quartier normal. Par conséquent, ma conclusion, mon interprétation de toute l'affaire, c'est qu'ils punissaient des enfants qui se comportaient normalement.

Le sénateur Cools : Je m'intéresse à tout le phénomène de la probabilité et de la possibilité. Si l'on faisait un tour de table, par exemple, et que l'on nous demandait, à nous adultes, combien d'entre nous ont, pour reprendre vos propres termes, reçu la fessée quand ils étaient enfants, quelle serait à votre avis la probabilité, d'après votre perspective du monde?

Mme Milne : Considérant l'âge des gens autour de la table, je suis certaine que le pourcentage serait très élevé.

Le sénateur Cools : Si vous faisiez un tour de table et demandiez à ceux qui sont parents combien ont donné la fessée à leurs enfants, quel serait le chiffre à votre avis?

Mme Milne : Je dirais qu'il serait probablement très élevé.

Le sénateur Cools : C'est exactement ce que je vous dis. C'est la raison pour laquelle, bien que j'applaudisse à vos objectifs, j'en reviens au fait que le Code criminel n'est pas un outil pédagogique. Si nous voulons faire l'éducation des gens, nous pouvons le faire, mais un outil de coercition ne doit pas être utilisé comme un outil pédagogique, parce que je n'ai nullement confiance que l'on n'exercera pas le pouvoir d'intenter des poursuites. J'ai vu trop d'enfants qui passent entre les mailles du filet de protection des organismes censés les protéger et qui meurent et périssent, mais j'ai également vu beaucoup d'abus de la part des organismes de protection de l'enfance.

Or notre témoin nous dit que la probabilité est assez élevée autour de cette table.

La présidente : La question que je pose est celle-ci : combien l'ont regretté?

Mme Milne : Je pense qu'ils sont probablement très nombreux.

Le sénateur Joyal : Je peux comprendre l'approche consistant à dire que notre compréhension des droits humains devrait être qu'aucun être humain, quel que soit son âge, ne doit faire l'objet de contraintes physiques.

Je peux comprendre cette approche, tout comme on nous a dit qu'il n'est plus acceptable de frapper les femmes ou les personnes âgées. Cela a déjà été mentionné autour de la table. Je peux comprendre la logique de cette position, qui est une interprétation stricte de la Convention relative aux droits de l'enfant ou du Pacte international, de la manière dont le Comité des droits de l'homme de l'ONU l'interprète. Je peux comprendre la logique.

Là où j'ai des réserves, c'est lorsque les sciences sociales nous disent que toute contrainte physique appliquée à un enfant n'a aucun avantage. Nous connaissons tellement de cas où le recours à une force limitée à un moment précis dans l'éducation de l'enfant peut être avantageux. Je ne parle pas de quelqu'un qui se fait frapper régulièrement pendant dix ans. Nous comprenons tous qu'il y a exagération, mais de donner la fessée à un enfant une fois pour que l'enfant prenne conscience du danger ou qu'il prenne conscience qu'il ne doit pas faire une chose, c'est raisonnable — que cela ne soit pas avantageux en termes absolus, de la manière dont on le présente à l'appui de cette approche, que cela doit être la conclusion qui nous incite à appuyer l'article 43. Ensuite, on nous parle du taux actuel de suicides, le taux de ceci et de cela. La contrainte physique est utilisée depuis des générations. Le taux de suicides parmi ces générations n'est pas plus élevé qu'aujourd'hui.

Il y a d'autres conséquences à ce que j'appelle l'éducation moderne. Ces conséquences sont beaucoup plus difficiles à comprendre pour un profane. La manière dont les gens apprennent à socialiser, à accepter l'autorité, la manière dont nous redéfinissons l'autorité dans la société, tout cela fait partie de l'éducation et de la méthode d'éducation. Autant je comprends la logique de la première position, nous entendons une foule de théories au sujet de la deuxième. Nous avons entendu la théorie que l'usage de la force contre un enfant le marque pour la vie. Pour moi, c'est une conclusion ridicule. Il y a d'autres sociologues ou auteurs qui soutiennent que l'éducation moderne comporte sa part d'échecs.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas trouvé un système qui nous donne une garantie absolue d'obtenir le résultat global que tous les parents ou tous ceux qui s'occupent des enfants aimeraient atteindre. Dès que nous avons commencé à entendre des témoins experts, je me suis rappelé d'un livre publié il y a deux ans dans lequel on disait que tout doit servir l'enfant et qu'il ne faut jamais contredire l'enfant. Laissez-le aller à sa guise. L'enfant est pur et c'est la société qui crée les mauvais caractères, et cetera. C'est l'autre théorie absolue.

Il me semble que le bon sens se situe quelque part entre les deux. C'est là qu'il devient difficile pour toute personne raisonnable, et j'utilise l'expression indéfinissable de personne raisonnable, en se fondant sur nos propres connaissances et notre expérience, de savoir où l'on doit tracer la ligne, et je me débats encore avec cette question. Comme vous l'avez dit, vous pouvez contredire certains experts et d'autres vous contrediraient également, alors voilà pour les sciences sociales. Ce n'est pas une science exacte. Elle évolue, comme vous l'avez dit. Il y a 40 ans, la théorie du Dr Spock était censée être la théorie ultime et elle est maintenant considérée aussi désuète que les dinosaures.

Ce n'est pas une science absolue. Pour prendre une décision en la matière, nous essayons de trouver des paramètres qui respectent l'enfant. Il n'y a absolument aucun doute là-dessus. La reconnaissance des droits de l'enfant est un phénomène qui est apparu il y a 20 ans et qui a fait le plus grand bien. C'est une notion évolutive qui commande un changement culturel et sociétal. Nous vous avons écoutée attentivement, mais je me pose encore des questions. Je veux ce qu'il y a de mieux pour l'enfant et pour les parents, mais il y a encore une zone floue dans tout cela.

Mme Milne : Il y a une zone floue et actuellement, nous penchons en faveur des parents qui maltraitent leurs enfants en leur permettant de justifier leurs actes. En abrogeant l'article 43, vous pencherez plutôt en faveur de la protection de l'enfant. Cela ne créera pas un monde parfait et je ne suis pas ici pour prétendre que l'enfant est roi et qu'il ne faut jamais contredire l'enfant et qu'il faut le laisser aller à sa guise. Cependant, nous voulons faire mieux pour ce qui est d'inculquer la discipline aux enfants, et il faut recourir à des punitions qui ne constituent pas un manque de respect envers leur corps ou un manque de respect envers des êtres humains.

Les sciences sociales peuvent aider jusqu'à un certain point. À partir de maintenant et pour un avenir indéterminé, nous continuerons de débattre des mérites respectifs de nombreuses études, parce que telle est la nature de l'évolution scientifique. C'est en critiquant des études que l'on obtient cette évolution, en tentant d'obtenir toujours de meilleurs résultats. Cependant, les résultats changent aussi avec le temps, en même temps que le comportement humain change.

La difficulté, dans le domaine des sciences sociales, tient en partie au fait que nous n'avons rien qui puisse prouver quoi que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Tout ce que nous pouvons dire, c'est ce que cela ne prouve pas. Cela ne prouve pas que c'est bon pour les enfants et ne prouve pas non plus que chaque enfant sera marqué, mais nous savons que c'est un facteur de risque. Pour moi, c'est important, quitte à se tromper, il faut plutôt pencher en faveur des enfants et cesser de pencher plutôt en faveur des adultes.

Un facteur de risque clé est celui que Sheila Noonan a cité dans l'affaire R. c. Ogg-Moss, la première affaire dont la Cour suprême a été saisie sur cette question. Le critère du caractère raisonnable est flou et peut donner lieu à des abus. Nous constatons que la plupart des parents ne maltraitent pas leurs enfants. Nous ne disons pas que ce sont de mauvais traitements, mais le châtiment corporel infligé sous l'emprise de la colère, si on l'autorise, peut déboucher graduellement sur des abus. En abrogeant l'article 43, quitte à se tromper, on penche plutôt en faveur de la protection de l'enfant. On ne dit pas que les parents sont mauvais et qu'il faut les traîner tous au poste de police. Nous sommes doués de bon sens et nous l'exerçons constamment, mais nous adoptons une position de principe selon laquelle les enfants sont des êtres humains que nous devons respecter, ce qui enseigne aux enfants à respecter autrui. C'est un aspect important. Nous exerçons le contrôle sur nos corps et nous respectons l'opinion des enfants à titre de personnes humaines. Cela ne veut pas dire qu'ils doivent commander. Je suis un parent. Je le sais. Nous avons besoin d'une loi qui stipule clairement que les enfants sont des personnes quand il s'agit d'un élément aussi important que l'agression physique.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : En sciences sociales, je ne sais pas si cela s'applique.

La présidente : Vous pourrez en parler après.

Le sénateur Hervieux-Payette : Non, mais à titre d'information pour nous tous, les sciences sociales s'appliquent- elles à la psychiatrie et à la pédiatrie? Je veux juste savoir parce que cette question est revenue à deux ou trois reprises. Pour moi, les sciences sociales ne comprennent pas les sciences médicales.

La présidente : La science sociale n'est pas la médecine.

Le sénateur Hervieux-Payette : Les disciplines médicales, c'est pourquoi je pose la question.

Le sénateur Joyal : La science sociale est une science inexacte, la science du comportement en société. Ce n'est pas la médecine.

La présidente : C'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pensais que tous les spécialistes qui y ont souscrit dont l'Association des pédiatres du Canada qui ont fait des études s'y s'opposent.

La présidente : Il faut quand même entendre les deux façons de voir les choses. Nous ne sommes pas monolithiques. On essaie de comprendre le dossier et les façons de le résoudre. Je vous remercie, madame Milne, de votre générosité.

[Traduction]

Vous avez passé deux heures avec nous. Je sais que nous avons été enrichis par vos connaissances et votre expertise dans ce domaine. Merci beaucoup d'être venue nous rencontrer. N'hésitez pas à nous envoyer tout document que, d'après vous, nous devrions avoir.

La séance est levée.


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