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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 16 - Témoignages du 16 juin 2005


OTTAWA, le jeudi 16 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel est renvoyé le projet de loi S-21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants) se réunit aujourd'hui, à 10 h 52, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous sommes de nouveau saisis aujourd'hui du projet de loi S-21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants). Nous souhaitons la bienvenue à Mme Diane Watts. Nous allons entendre son exposé et ensuite passer à la période de questions des sénateurs.

Mme Diane Watts, recherchiste, REAL Women of Canada : REAL Women of Canada est une organisation apolitique et non confessionnelle constituée en société en 1983 en vertu d'une charte fédérale. À titre d'organisation non gouvernementale — ONG — jouant un rôle particulier auprès du Conseil économique et social des Nations Unies, nous participons annuellement à la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants, parrainée par les Nations Unies et par l'UNICEF.

Nous avons fait valoir en 2004 que l'âge légal requis pour donner son consentement était trop bas au Canada; que les lois sur la pornographie infantile devraient être renforcées grâce à l'élimination du mérite artistique comme moyen de défense; et qu'il fallait se préoccuper de la corruption des enfants par Internet. En 2003, nous avons également fait une présentation dans le cadre du Plan d'action national du Canada pour les enfants.

REAL Women appuie la protection parentale prévue à l'article 43. Nous alléguons qu'il ne revient pas à l'État de décider des moyens que peuvent prendre les parents pour réprimander leurs enfants. C'est la famille qui doit décider des méthodes disciplinaires pourvu que les sanctions soient justes et raisonnables dans les circonstances et ne causent pas de préjudice. Ce sont les parents qui connaissent le mieux leurs enfants et qui sont concernés au premier chef par leur meilleur intérêt. Les parents aimants devraient décider des moyens à prendre dans le domaine de la discipline.

Si on abolit l'article 43, d'après notre conseillère juridique, on vous expose à une enquête sur la foi du témoignage de quelqu'un qui ne vous aime pas et déclare que vous avez administré la fessée à votre enfant. Il y aurait de ce fait une obligation légale de faire enquête à votre endroit et toutes les familles deviendraient vulnérables. En Suède, deux ans après le bannissement de la fessée, 22 000 enfants avaient été soustraits à la garde de leur famille en vertu de cette réglementation. Une fessée bienveillante administrée par des parents aimants est plus compatissante et davantage en accord avec les meilleurs intérêts de l'enfant qu'une intervention de l'État et une décision d'éloigner l'enfant de sa famille, ce qui peut être traumatisant pour toutes les parties concernées. En Suède, les mauvais traitements à l'endroit des enfants et les malversations par les pairs ont augmenté après que la loi a été modifiée.

L'abolition de l'article 43 deviendrait le signal qui autoriserait une armée de travailleurs sociaux à intervenir dans la vie des familles. Ce type d'intervention de l'État saperait le rôle appréciable que jouent les parents dans la société. Les parents sont investis du devoir et de la responsabilité fondamentale d'élever leurs enfants. Nous alléguons que l'article 43 devrait être maintenu pour assurer la protection des parents.

Nous ne sommes pas en faveur des châtiments corporels ou de la fessée. Nous laissons la décision de faire appel à une force raisonnable pour l'éducation des enfants à la discrétion des parents. À titre d'organisation nous n'avons pas pris position officiellement sur la fessée. Nous appuyons la protection des parents telle qu'elle est exprimée à l'article 43. Nous sommes intervenus à la défense de l'article 43 devant la Cour supérieure de l'Ontario, la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada à titre de membres de la Coalition pour l'autonomie de la famille, de concert avec la Coalition de l'action pour la famille, de Focus on the Family et de la Home School Legal Defence Association.

Ce débat se poursuit au Canada depuis 1976. La Commission pour la réforme du droit du Canada a fait remarquer que la révocation de l'article 43 ou le fait de le déclarer inconstitutionnel « pourrait avoir des conséquences malheureuses, conséquences pires que celles qui peuvent résulter du maintien en vigueur de l'article. [Cela] exposerait la famille à l'incursion des forces policières de l'État pour n'importe quelle claque ou fessée bénigne. Est-ce la sorte de société dans laquelle nous souhaitons vivre?

Nous estimons que si l'article 43 est aboli, toute force utilisée pour réprimander des enfants exposerait les parents à des poursuites criminelles. Il doit y avoir un équilibre entre le système juridique qui protège les enfants vulnérables et la réglementation, par l'État, des relations familiales à des fins légitimes pour protéger ses membres de malversations réelles.

En 1998, une pétition a été déposée devant la Chambre des communes par 12 000 Canadiens demandant que l'article 43 ne soit pas radié du Code criminel. Le gouvernement libéral a déposé sa réponse à la pétition le 9 juin 1998, en précisant que l'article 43 du Code criminel tente d'établir un équilibre en protégeant les enfants des adultes tout en permettant aux parents de corriger leurs enfants dans des limites acceptables pour la société canadienne. L'idée que le gouvernement pourrait abolir l'article 43 du Code criminel est sans fondement. Le gouvernement n'appuie pas l'abolition de l'article 43 et ne finance aucune recherche sur sa radiation du Code criminel.

Néanmoins, le gouvernement libéral a en fait financé des groupes favorables à la remise en question de l'article 43. La Coalition pour les droits de l'enfant a reçu 365 000 $ du gouvernement libéral pour le financement d'un rapport qui devait être annexé au rapport présenté par le gouvernement au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies. Cet organisme a également reçu une subvention de 40 000 $ pour organiser une conférence où a été adoptée une résolution de s'opposer à l'article 43.

La Canadian Foundation for Children, Youth and the Law a reçu plus de 100 000 $ du gouvernement fédéral pour amener devant les tribunaux de diverses instances une contestation juridique de la protection parentale découlant de l'article 43. La Coalition pour l'autonomie de la famille, dont fait partie REAL Women of Canada, n'a reçu aucun financement gouvernemental pour défendre la loi qui protège l'autorité parentale en vertu de l'article 43.

La Canadian Foundation for Children, Youth and the Law préconisait d'une part la criminalisation de la fessée mais militait en faveur de l'abaissement, de 18 à 14 ans, de l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles anales, dans l'affaire Carmen concernant une jeune fille de 13 ans qui avait été molestée sexuellement par un homme de 23 ans. Ces revendications se fondaient sur l'égalité des droits. REAL Women est un organisme qui milite en faveur d'un rehaussement de l'âge que doivent avoir les adolescents pour donner leur consentement.

Pour ce qui est de la position de la fondation sur l'âge requis pour consentir, notre conseillère juridique auprès de la Coalition pour l'autonomie de la famille a déclaré :

Cela reflète l'idéologie de ces groupes concernant les droits de l'enfant, selon laquelle l'enfant est un détenteur de droits autonomes à qui on doit conférer la capacité de prendre des décisions aussitôt que possible et à l'endroit du plus grand nombre de questions possible.

Nous ne sommes pas d'accord avec cette interprétation très vaste du mot « égalité ».

Les contestations juridiques de la protection des parents ont été présentées devant la Cour supérieure de l'Ontario et la décision rendue le 5 juillet, 2000 maintient la constitutionnalité de l'article 43; devant la Cour d'appel de l'Ontario dont la décision rendue le 15 janvier 2002 maintient le jugement du tribunal de première instance; la Canadian Foundation en a appelé de cette décision devant la Cour suprême du Canada qui a rendu le 30 janvier 2004 un jugement entérinant les décisions du tribunal de première instance.

Quelle est la position des Canadiens sur cette question? Un sondage mené par Léger marketing en 2002 a conclu que 70 p. 100 des Canadiens sont contre l'adoption d'une loi qui interdirait aux parents d'administrer la fessée à leurs enfants. Un sondage mené par le service de santé de Toronto a conclu que 72 p. 100 des parents étaient favorables au maintien de l'article 43 tel quel. Conformément au résultat d'un sondage du groupe Angus Reid, du Globe and Mail et de CTV, une proportion largement majoritaire de Canadiens de 83 p. 100 s'opposent à l'abrogation de l'article 43.

Dans l'affaire de la Cour supérieure de l'Ontario, dont la décision a été rendue le 5 juillet 2000, le procureur général du Canada a présenté un plaidoyer compétent à la défense de la loi. Il a allégué que l'article 43, correctement interprété, ne disculpe les parents ou les instituteurs que d'une gamme étroite d'interventions correctives, de légères à modérées, faisant appel à des formes coutumières de châtiments corporels. Le procureur général a également allégué que la plupart des experts reconnaissent qu'une telle conduite est étrangère à tout mauvais traitement à l'endroit des enfants et qu'il n'existe aucune preuve scientifique établissant un lien entre le châtiment corporel et des répercussions négatives pour l'enfant.

La Coalition pour l'autonomie de la famille allègue que l'article 43 reconnaît l'importance de la famille comme la principale sphère d'influence en matière d'éducation de l'enfant. À cet égard, nous avons apprécié que le juge McCombs ait reconnu ouvertement dans son jugement que notre intervention avait souligné l'importance capitale de la famille et de son influence sur nos enfants.

La Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes a également appuyé la position du procureur général et notre propre position en faisant valoir que les enseignants doivent être en mesure d'imposer des restrictions aux enfants intraitables ou agressifs, si cela s'avère nécessaire, pour faciliter un enseignement efficace et pour maintenir l'ordre dans la salle de classe. Selon la fédération, l'abolition de l'article 43 du Code criminel aurait un effet paralysant et néfaste sur la capacité des enseignants de remplir leurs obligations. Cette position a été par la suite appuyée par la Cour suprême.

Au paragraphe 118, le juge McCombs a déclaré :

[...] l'article 43 assure un bon équilibre entre le droit de l'enfant d'être protégé de tout mauvais traitement et la protection dont doivent jouir les parents et les instituteurs à l'encontre de poursuites criminelles injustifiées.

Il a déclaré en outre :

Sans l'article 43, d'autres formes de contraintes seraient criminelles, notamment le fait d'envoyer au lit un enfant récalcitrant, de faire quitter la table à un enfant obstiné, de faire sortir d'une salle de classe un enfant qui refuse de s'en aller ou d'installer un enfant dans un siège de voiture contre son gré. Toutes les parties dans ce dossier reconnaissent qu'il s'agit là de manifestations généralisées et nécessaires du recours à la force.

Le fait que ces formes communément acceptées de discipline parentale puissent être criminalisées en l'absence de l'article 43 est une source d'inquiétude très pertinente.

Dans la décision de la Cour d'appel de l'Ontario du 15 janvier 2002, le juge Goudge a écrit que l'abolition de l'article 43 limiterait les parents dans l'exercice des importantes responsabilités à l'égard de l'éducation de leurs enfants et des soins à leur dispenser. Le tribunal a fait valoir qu'il était dans l'intérêt de l'État d'éviter de porter préjudice à la vie familiale en criminalisant la conduite des parents qui ont recours à la fessée pour corriger leur progéniture. Le tribunal a également inclus des lignes directrices permettant de déterminer si la force utilisée à l'endroit de l'enfant était raisonnable en l'espèce; ces lignes directrices ont été confirmées par le juge en chef McLachin dans la décision de la Cour suprême.

Cette décision n'empêche pas les travailleurs sociaux d'intervenir et d'empiéter sur le caractère privé du domicile familial afin de faire enquête et de remettre en question une décision parentale de recourir à la fessée comme méthode disciplinaire. À cet égard, on notera que l'Association ontarienne des sociétés d'aide à l'enfance est intervenue en faveur de la fondation appelante. Si la cause avait pris une autre direction et si le tribunal avait banni tout recours à la fessée à l'endroit des enfants en radiant l'article 43 du Code criminel, le pouvoir et le champ d'intervention des sociétés d'aide à l'enfance s'en seraient trouvés considérablement élargis dans tout le Canada. Ces dernières auraient dû faire appel à une armée de travailleurs sociaux pour surveiller la vie privée des familles et faire enquête en vue de dépister les parents qui violent la loi en ayant recours à la fessée comme méthode disciplinaire. Ce n'est pas parce que l'on autorise des travailleurs sociaux vigilants à prévenir les mauvais traitements à l'endroit des enfants qu'il faut pour autant leur conférer le pouvoir d'enquêter sur toute question de discipline familiale routinière.

À la Cour suprême, une décision a été prise maintenant l'article 43 le 30 janvier 2004. Notre intervention en faveur du maintien de l'article 43 était fondée sur les trois motifs qui suivent : premièrement, ce sont les parents, et non l'État, qui sont investis de l'obligation et de la responsabilité fondamentale d'éduquer l'enfant; deuxièmement, on présume que les parents agissent dans le meilleur intérêt de leurs enfants et non qu'ils abusent de leur pouvoir au point où ils doivent être surveillés par les organismes de l'État; troisièmement, les parents ont le droit de recourir à des méthodes disciplinaires raisonnables pour corriger leurs enfants.

En outre, la coalition a allégué que la Charte ne crée pas, au bénéfice des enfants, de droits autonomes en vertu desquels toute inégalité de droits entre les enfants et les adultes est éliminée. La coalition a également fait valoir que l'article 43 est une disposition législative raisonnable qui a bien fonctionné dans le passé au sens où les autorités et les cours provinciales de protection de l'enfant établissent la différence entre l'exercice raisonnable de moyens disciplinaires correctifs et ce qui constitue un mauvais traitement infligé à l'enfant.

La cour en a conclu que la radiation de l'article 43 risquerait donc de ruiner des vies et de briser des familles, fardeau qui serait en grande partie supporté par les enfants. Selon la cour, une telle décision de faire intervenir le droit criminel dans la vie familiale et dans le milieu éducatif des enfants leur porterait préjudice plus qu'elle ne les aiderait.

Par conséquent, nous observons qu'il n'est pas justifié de prétendre, comme certains organismes continuent à le faire, que l'abolition de l'article 43 aide les enfants. En fait, les trois instances judiciaires ont souligné le tort que l'abolition de l'article 43 causerait aux familles et aux enfants.

Selon un rapport sur les mauvais traitements infligés aux enfants, publié à Stockholm, en Suède :

Les enfants font l'objet de mauvais traitements à tous les niveaux de la société, mais surtout dans les foyers à risque élevé sur le plan social. Le chômage et les situations financières précaires sont monnaie courante dans des foyers où les enfants font l'objet de mauvais traitements. L'isolement social est fréquent dans les familles où de tels abus se produisent.

Le fait d'atténuer le fardeau fiscal des familles et de s'occuper du chômage que subissent les travailleurs de sexe masculin contribuerait sans doute bien davantage à réduire les mauvais traitements infligés aux enfants que le retrait de la protection parentale prévu à l'article 43.

Un châtiment corporel léger ne constitue pas une forme de mauvais traitement à l'endroit des enfants. Nous concluons qu'il est crucial d'établir une distinction entre discipline, châtiments corporels et mauvais traitements. La différence fondamentale entre le châtiment corporel et le mauvais traitement tient au motif de l'acte. Tel que précisé dans le bulletin publié par la Catholic Children's Aid Society of Metropolitan Toronto à l'automne 1994, « le but du châtiment corporel est d'amener l'enfant à se comporter de manière appropriée, tandis que les mauvais traitements servent à évacuer le stress vécu par les parents ou, au pire, répondent aux besoins pervers de contrôle ou de revanche de la personne qui châtie. »

Le Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario a signé une déclaration conjointe sur le châtiment corporel préconisant l'abolition de l'article 43. La déclaration conjointe de la coalition a mis sur le même plan la discipline, le châtiment, les mauvais traitements et la violence à l'endroit des enfants en vue d'étayer sa position à l'encontre de la protection de l'autorité parentale découlant de l'article 43, tout en semblant revendiquer le monopole de la protection des droits et de la dignité des enfants. Les auteurs semblent n'avoir aucune notion du châtiment corporel raisonnable appliqué de manière aimante pour corriger des comportements pas plus que de l'autorité parentale légitime conférée par l'article 43. Ils présument à tort que l'article 43 légitimise la violence et les mauvais traitements physiques et porte préjudice aux droits et à la dignité des enfants.

Dans la déclaration, les parents sont dépeints comme des gens facilement enclins à des comportements immatures, extrêmes, abusifs ou même violents à l'endroit de leurs nourrissons, de leurs enfants ou de leurs adolescents au lieu d'être les adultes responsables et attentifs préoccupés de la formation de leurs enfants que sont la plupart des parents.

Les auteurs ont naturellement conclu que toute forme de châtiment corporel serait criminalisée si on abolissait l'article 43. La notion de force corrective raisonnable n'est pas traitée de manière équitable dans la déclaration. L'intervention des services de protection de l'enfance devrait, selon les auteurs, être proactive. L'un d'entre eux a déclaré publiquement qu'aucune étude scientifique ne pourrait jamais prouver que le châtiment corporel est nocif, puisqu'une telle étude irait à l'encontre de l'éthique, mais il n'en n'a pas moins répété qu'il existait des preuves scientifiques étayant la déclaration conjointe.

Comme l'a déclaré la conseillère juridique auprès de la Coalition pour l'autonomie de la famille à propos du groupe de pression, Canadian Fondation for Children, Youth and The Law, l'un des nombreux groupes résolus à faire radier l'article 43 :

L'unité familiale, et particulièrement les parents, sont perçus comme une menace potentielle à l'autonomie de l'enfant plutôt que comme leur premier défenseur et leur meilleure ressource, rôle que la plupart des parents exercent en réalité à l'endroit de leurs enfants.

Nous recommandons de préserver l'article 43 du Code criminel visant à protéger les parents et leurs enfants, ainsi que les familles et la société, et de continuer à protéger les enfants en renforçant toute disposition législative favorable à la famille, conformément à notre présentation dans le cadre du Plan d'action national pour les enfants, 2003.

La présidente : Merci, madame Watts. Vous semblez avoir de graves préoccupations au sujet des répercussions de ce projet de loi sur les parents. À la page 8 de votre mémoire, au point numéro deux, vous dites qu'on présume que les parents agissent dans le meilleur intérêt de leurs enfants. Si l'article 43 est abrogé, les dispositions générales relatives aux voies de fait du Code criminel s'appliqueront aux parents, aux enseignants et aux tuteurs et les moyens de défense que constitue « la mesure raisonnable dans les circonstances » ne seront plus disponibles.

D'après certains de nos témoins précédents, il existe des moyens de défense prévus par la common law qui pourraient aider les parents et d'autres accusés en vertu des dispositions générales relatives aux voies de fait. En même temps, on pourrait également présumer que les procureurs feront preuve de diligence dans les affaires visant des enfants. Comme vous l'avez dit, les parents agissent habituellement dans le meilleur intérêt de leurs enfants.

Pensez-vous que les moyens de défense prévus par la common law et le bon jugement des procureurs suffiront à protéger les parents et d'autres personnes contre des poursuites injustifiées?

Mme Watts : Les trois tribunaux ont déterminé que ce n'était pas suffisant. C'est pourquoi ils ont décidé que, pour servir au mieux les intérêts des enfants, de la société et des législateurs — nous ne voulons pas discréditer les législateurs — il faut préserver l'article 43. Cette disposition restreint la gamme des mesures correctives que les parents peuvent utiliser en toute légitimité pour discipliner leurs enfants.

La présidente : À la page 2 de votre mémoire, vous indiquez qu'en Suède, deux ans après le bannissement de la fessée, 22 000 enfants ont été soustraits à la garde de leur famille en vertu de cette réglementation.

On avait affirmé qu'en raison de l'immigration en Suède de personnes provenant de différentes cultures, le nombre d'enfants soustraits à la garde de leur famille pourrait être assez élevé. Et en effet, 22 000, c'est un nombre élevé. De nombreux facteurs ont pu contribuer au retrait de ces enfants. L'immigration et les différences culturelles ne sont pas les seules causes. Maintenant, des gens peuvent accuser des parents de causer des lésions corporelles à leurs enfants, ce qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant.

Mme Watts : Ces 22 000 enfants ont été soustraits à la garde de leur famille en vertu de la nouvelle réglementation uniquement. Ils ne l'ont pas été conformément à d'autres dispositions relatives à la violence faite aux enfants. Ils l'ont été précisément en vertu de la nouvelle loi interdisant la fessée, qui ne fait pas partie du code criminel de la Suède, mais bien de son code civil.

La présidente : Un témoin a mentionné que le grand nombre d'immigrants et les différences culturelles ont peut-être joué un rôle.

Mme Watts : Ce sont d'autres facteurs. J'ai lu ce qu'on trouve dans Internet à propos de cette question. Certains groupes culturels affirment qu'ils seront davantage touchés en raison de la façon dont ils élèvent leurs enfants, qui ne correspond pas à l'idée que se font les blancs de la classe moyenne de la manière d'élever un enfant. Par conséquent, bien des gens estiment qu'ils seraient davantage touchés par l'abolition de l'article 43 et la criminalisation de certaines méthodes de correction pour l'instant légitimes. Voilà une raison de maintenir l'article 43. Son abolition aurait pour effet de causer de la discrimination envers diverses cultures qui ne font pas partie de la classe moyenne supérieure des blancs.

La présidente : Vous intervenez au nom des parents pour faire en sorte que leurs enfants ne soient pas soustraits à leur garde.

Mme Watts : Je crois que les tribunaux ont mentionné également que l'abolition de l'article 43 serait terriblement néfaste et dommageable pour les enfants — en fait, plus dommageable que l'emploi de la force par un parent aimant pour corriger son enfant selon les limites énoncées dans la loi pour définir le comportement approprié d'un parent envers ses enfants.

Le sénateur Ringuette : Dans l'introduction de votre mémoire, vous faites état des fonds fédéraux qui ont été versés à différents organismes. Comment votre organisme est-il financé?

Mme Watts : Notre financement provient des frais d'adhésion versés annuellement par nos membres et des dons que nous recevons. Nous publions également un bulletin d'information auquel nos membres sont abonnés. Les fonds proviennent donc des frais d'adhésion à notre organisme et des dons que nous obtenons.

Lorsque nous sommes intervenus à la défense de l'article 43 à titre de membres de la Coalition pour l'autonomie de la famille, nous avons compté uniquement sur les fonds provenant de dons. Nous n'avons obtenu aucune aide gouvernementale.

Le sénateur Ringuette : Quelle est la répartition de vos lecteurs à l'échelle du pays?

Mme Watts : Nous leur faisons parvenir des bulletins.

Le sénateur Ringuette : Je parle en termes de pourcentage. Comment votre lectorat est-il réparti géographiquement?

Mme Watts : Nous avons des lecteurs partout au Canada.

Le sénateur Ringuette : En Ontario, par exemple, combien de membres avez-vous?

Mme Watts : Nous ne le savons pas exactement. Dans l'ensemble du pays, nous en avons 55 000. Nous communiquons également avec eux par courrier électronique. Nous avons une liste d'adresses électroniques. Nous communiquons beaucoup avec nos membres de cette façon. Notre bulletin est diffusé dans notre site Web. Les gens peuvent lire notre bulletin et nos mémoires à partir de notre site Web.

Le sénateur Ringuette : Je pose cette question pour avoir une idée de l'ampleur du soutien dont vous bénéficiez à l'échelle du pays. Vous semblez être un organisme très actif.

Mme Watts : Nous le sommes. Nos comptables nous disent que nous dépensons très judicieusement chaque dollar que nous recevons sous forme de dons. Nous sommes très consciencieux. La plupart du travail est accompli par nos membres de façon bénévole.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous un bureau?

Mme Watts : Nous avons un bureau national à Ottawa. La majeure partie du travail est effectuée aux domiciles de nos membres. Nous avons embauché des traducteurs et des secrétaires dans la région de Toronto. Nous avons aussi des sections partout au pays, dans les petites villes du Canada.

Nos membres proviennent de tous les milieux et ils possèdent divers talents. Ils oeuvrent notamment dans les domaines de la comptabilité, des banques, du travail social, de l'enseignement et du droit.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous davantage de membres dans les régions rurales que dans les régions urbaines?

Mme Watts : Non, je ne crois pas. Je dirais que c'est équivalent. Notre représentation des femmes canadiennes est très bonne.

Le sénateur Ringuette : À la page 9 de votre mémoire, vous écrivez ceci au deuxième paragraphe :

Le fait d'atténuer le fardeau fiscal des familles et de s'occuper du chômage que subissent les travailleurs de sexe masculin contribuerait sans doute bien davantage à réduire les mauvais traitements infligés aux enfants que le retrait de la protection parentale prévue à l'article 43.

Mme Watts : Oui.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi parlez-vous précisément des travailleurs de sexe masculin? Ne devriez-vous pas écrire plutôt : « s'occuper du chômage que subissent les parents qui travaillent »?

Mme Watts : Je faisais référence à l'étude qui a été menée en Suède, qui a révélé que le chômage et les situations financières précaires sont monnaie courante dans les foyers où les enfants font l'objet de mauvais traitements.

M. Blankenhorn a démontré que le chômage que subissent les travailleurs de sexe masculin entraîne davantage de problèmes que le chômage chez les femmes. Dans une famille où la femme est sans travail et le mari occupe un emploi, la plupart du temps, le principal salarié est l'homme. Cependant, si la femme ne travaille pas, les répercussions sont moindres. Parce que l'homme se considère comme un pourvoyeur, culturellement, il a été prouvé que, lorsque c'est l'homme qui est en chômage, cela cause davantage de stress au sein de la famille.

Nous compatissons avec les familles monoparentales, qu'elles soient dirigées par la mère ou le père et, bien entendu, avec les familles, monoparentales ou non, qui dépendent d'un seul salaire, ce qui rend leur situation très difficile.

Le fardeau fiscal a une incidence encore plus néfaste sur les familles monoparentales parce qu'elles dépendent d'un seul salaire. Elles sont aux prises avec un fardeau financier énorme, ce qui accroît la pression qu'elles vivent. Comme l'étude publiée à Stockholm l'a révélé, cette situation ne favorise pas l'harmonie et diminue la capacité du parent de faire face au défi que représente le fait d'élever des enfants.

Le sénateur Ringuette : Chacun a son opinion.

J'ai une dernière question à vous poser. À la page 9, vous parlez du CHEO, qui est probablement l'une des institutions publiques les plus crédibles dans la région. Il jouit d'une très grande crédibilité en raison de ses bonnes actions à l'égard des enfants, notamment dans le cadre de la prestation de soins de santé.

Mme Watts : Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Ringuette : Vous mentionnez que le CHEO a signé une déclaration conjointe. La liste des autres membres de la coalition est impressionnante. Au premier paragraphe de la page 10, vous avez écrit ceci : « Les auteurs semblent n'avoir aucune notion du châtiment corporel raisonnable... » On imagine bien que le personnel du CHEO est témoin de certaines situations que vivent des enfants qui se présentent à la salle d'urgence auxquelles j'aurais du mal à faire face sur le plan humain. Et pourtant, dans le premier paragraphe de la page 10, vous dites que les auteurs semblent n'avoir aucune notion du châtiment corporel raisonnable. C'est un jugement très sévère à l'endroit d'un groupe de personnes aussi réputées qui travaillent auprès des enfants de notre société.

Comment pouvez-vous déterminer que ce groupe d'institutions réputées qui oeuvrent auprès des enfants n'a aucune notion du châtiment corporel raisonnable?

Mme Watts : Je suis d'accord avec vous. J'admire énormément le CHEO. Mes enfants ont déjà reçu des soins là-bas, comme les enfants de tous ceux que je connais. J'ai un énorme respect pour le personnel de ce centre hospitalier. Je connais des gens qui travaillent là-bas auprès des enfants. Je n'émets aucun jugement à l'égard du centre hospitalier. J'ai dit que j'étais étonnée que cette institution signe une déclaration de la sorte.

La déclaration n'a peut-être pas été largement diffusée avant d'être publiée, mais elle confirme tout ce que j'ai dit à ce sujet. Les auteurs font état des pires mauvais traitements et recommandent ensuite d'abolir l'article 43.

Vous avez dit que ces institutions et ces organismes s'occupent des différents aspects de la violence faite aux enfants. C'est vrai, mais l'article 43 ne concerne pas la violence faite aux enfants. Cette coalition a publié un document décrivant toute une gamme de mauvais traitements horribles infligés à des enfants et elle en vient graduellement à la conclusion que l'article 43 doit être abrogé.

Elle parle de deux choses différentes. Tous les Canadiens sont contre les mauvais traitements à l'endroit des enfants. Tous les gens que je connais le sont. Cependant, se servir de tous les types de mauvais traitements pour prouver qu'il faut abolir l'article 43 n'est pas acceptable, à mon avis.

D'après les mots qui sont employés dans la déclaration, il ne fait aucun doute que tous ces organismes sont témoins de toutes sortes de mauvais traitements terribles infligés à des enfants. Les auteurs ne font aucunement allusion à ce qu'on pourrait faire pour venir en aide aux enfants qui sont victimes de mauvais traitements ni à ce qu'il faudrait faire à l'égard des parents de ces enfants. Le principal objectif est l'abolition de l'article 43.

C'est un raisonnement boiteux. Comme les motifs justifiant l'abolition de l'article 43 ne sont pas suffisamment convaincants, les auteurs ont dû invoquer la violence faite aux enfants et décrire toutes sortes de comportements horribles pour défendre l'indéfendable.

Le sénateur Ringuette : Madame la présidente, pour obtenir le point de vue exact de tous ces bons organismes qui oeuvrent auprès des enfants au Canada, nous devrions les inviter à comparaître devant notre comité.

La présidente : Merci.

Le sénateur Cools : À titre d'information et de clarification, je tiens à dire que la plupart des responsabilités qu'assume le CHEO n'ont rien à voir avec la violence faite aux enfants. C'est un centre hospitalier dont le rôle est de traiter les maladies. Cependant, certains membres du personnel du CHEO ont décidé d'adhérer à une opinion largement politique exprimée par un groupe qui préconise l'abolition de l'article 43.

Il s'agit peut-être d'un bon temps pour déterminer la proportion du personnel qui a donné son appui à la déclaration. Je présume que, par exemple, si on demandait aux infirmières du département de chirurgie du cerveau si elles sont au courant de cette question, on constaterait qu'elles ne le sont probablement pas.

Le compte rendu pourrait montrer clairement que le témoin ne tente aucunement de critiquer l'excellent travail qu'accomplissent les professionnels de ce centre hospitalier. Le témoin s'en prend au fait que certaines personnes au sein de certains organismes ont appuyé une déclaration formulée d'une façon particulière.

La présidente : Si vous me le permettez, je peux vous lire un extrait de cette déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents. Il est écrit ceci :

La Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents a pris naissance lorsque le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO) s'est mis à la recherche d'une façon d'aider les parents qui éprouvent des difficultés, à l'hôpital, avec le comportement de leurs enfants. Ce désir d'aider quelques parents a donné lieu à une stratégie visant à offrir une information, qui fait autorité sur la question critique et controversée des punitions corporelles, à tous les Canadiens (parents, prestataires de soins et professionnels) qui s'y intéressent ou qui se sentent préoccupés par les punitions corporelles infligées aux enfants et aux adolescents.

Le texte se poursuit, mais je crois que nous avons l'essentiel.

Le sénateur Cools : C'est très clair. Toutefois, nous devons nous rappeler que l'objectif du centre hospitalier est de fournir des soins de santé aux enfants.

La présidente : On a recommandé qu'on tente de trouver quelqu'un qui voudrait bien comparaître devant notre comité.

Le sénateur Cools : Tout à fait, mais les critiques formulées par le témoin au sujet de la déclaration sont valables.

La présidente : Nous respectons son opinion, et c'est d'ailleurs ce que madame le sénateur Ringuette a déclaré. Elle a affirmé qu'elle respecte les différentes opinions.

Mme Watts : J'aimerais ajouter que mes propos et mon analyse ne visent pas le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario. Comme je l'ai dit, j'ai été étonnée que cet hôpital signe cette déclaration. Nous n'approuvons pas la déclaration. Je suis certaine que ce centre hospitalier publie beaucoup de documents au même titre que les autres organismes qui ont signé la déclaration.

La présidente : D'après ce que je viens de lire, il est clair à mon sens que le CHEO est à l'origine de cette déclaration; il ne l'a pas simplement signée.

Le sénateur Cools : Pas tout à fait. Le personnel de cet hôpital fait un merveilleux travail.

La présidente : C'est écrit dans la déclaration.

Le sénateur Cools : Il est à l'origine de certains programmes, mais le mouvement en faveur de l'abolition de l'article 43 a pris naissance avant tout cela.

La présidente : Quoi qu'il en soit, nous allons inviter des représentants à comparaître.

Le sénateur Cools : La plupart des gens ici présents n'ont aucune expérience de la façon dont certains de ces organismes traitent les cas de violence faite aux enfants ni du stress que vit le personnel qui doit trouver des solutions à certains de ces problèmes.

Mme Watts : Peut-être que le centre hospitalier souhaite diminuer la violence faite aux enfants, mais je crois qu'on l'a amené à tort à penser que l'abolition de l'article 43 constitue le moyen d'y parvenir. Mais ce n'est pas le cas.

Le sénateur Cools : C'est bien; c'est le point que vous vouliez faire valoir.

La présidente : Nous allons tenter de trouver quelqu'un qui serait disposé à comparaître devant notre comité.

Le sénateur Joyal : Hier, le témoin du ministère de la Justice a parlé du travail qu'effectue la Commission de réforme du droit du Canada, qui est en train de revoir l'étude qu'elle a menée il y a vingt ans. Nous pourrions peut-être communiquer avec cet organisme pour voir s'il pourrait témoigner. Ce serait utile.

Je pose cette question, car en lisant le mémoire de Mme Watts, j'ai remarqué qu'elle fait mention de la Commission de réforme du droit, et j'ai soulevé cette question hier lors de la séance.

Madame Watts, je n'avais pas l'intention de poser des questions au sujet des activités de votre organisme, car ce n'est pas ce dont nous discutons, mais la première page de votre mémoire m'incite à poser certaines questions à ce sujet. À la page 1, au cinquième point, il est écrit ceci :

5 — nous publions un bulletin d'information intitulé REALity à l'intention de nos membres; ce bulletin est envoyé aux législateurs et aux médias et souvent consulté sur l'Internet à des fins de recherche dans de nombreux pays.

J'ai lu quelques-uns de vos bulletins d'information, et j'ai été étonné de constater qu'un groupe comme le vôtre, qui affirme adhérer aux valeurs judéo-chrétiennes, dénonce et condamne sur le plan moral les parlementaires qui sont d'un avis différent. Cela m'étonne. Même si je défendrai toujours votre droit d'exprimer votre opinion et d'être invitée à témoigner — et je ferai tout mon possible à cet égard — je dois dire néanmoins que j'ai de sérieuses réserves à propos du fait que vous dénoncez dans votre bulletin d'information les parlementaires pour des raisons d'ordre moral, que vous les condamnez et que vous incitez le public à s'opposer vindicativement à leur point de vue. Selon vous, ils n'appuient pas les valeurs judéo-chrétiennes.

Je n'accepte pas cela et je tiens à vous le dire aux fins du compte-rendu, car je crois que vous n'aidez pas votre cause en faisant cela, je dois dire, honnêtement. Je ne crois pas que vous pouvez condamner les gens au même titre que l'Église le fait. Je ne pense pas que les questions liées à la famille puissent être abordées selon les valeurs judéo- chrétiennes. Je tiens à vous le dire clairement, car nous avons l'occasion d'échanger nos points de vue ce matin.

Mme Watts : Pour autant que je sache, nous n'abordons pas quelque question que ce soit sur le plan moral. Nous défendons certaines choses parce que nous croyons que cela va dans l'intérêt de la famille, et nous avons recours à des précédents judiciaires. Nous agissons aussi conformément à nos valeurs et à l'importance que nous accordons à la famille. Nous utilisons des données recueillies par le milieu des sciences sociales et par Statistique Canada pour étayer notre point de vue, c'est-à-dire que la famille est importante pour le bien-être de tous les membres de la société. Nous ne faisons pas valoir des principes moraux pour défendre nos causes, en prétendant par exemple qu'une chose est meilleure qu'une autre. Nous estimons que de protéger la famille au Canada constitue la meilleure solution à bien des égards, qu'il s'agisse des questions d'ordre fiscal ou des questions liées à la famille et aux enfants.

Nous employons le terme « judéo-chrétien » pour désigner une approche générale qui a favorisé la liberté d'expression, le bien être ainsi que l'épanouissement et la continuité de la famille. Nous avons des hôpitaux. Nous avons des écoles. Nous avons des institutions pour aider les nécessiteux. Notre économie permet aux familles de s'occuper de leur progéniture. C'est ce que nous entendons par « judéo-chrétien ». Si vous lisez notre documentation, je ne pense pas que vous y trouviez une condamnation morale précise.

Nous réagissons très fortement lorsque nous croyons que la famille est attaquée, et nous pensons qu'elle l'est actuellement de toutes parts. Nous défendons les enfants. On s'en prend aux mères qui veulent demeurer au foyer, comme si leur travail n'était pas important. Le régime fiscal ne fait pas de quartiers aux familles à revenu unique. Des efforts sont déployés pour offrir tous les autres genres de modalités en vue d'aider la famille. Nous ne croyons pas qu'égalité équivaille à identité.

C'est ce que je défends, et je regrette que vous ayez ainsi interprété notre position, mais nous ne voulions certes pas prononcer une condamnation morale. Nous travaillons avec de nombreuses personnes de toutes les origines et de toutes les organisations non judéo-chrétiennes. Nous estimons être une organisation laïque et non religieuse.

Le sénateur Joyal : Comprenez-moi bien - et je tiens à le dire clairement, mais je le ferai avec circonspection étant donné que nos échanges sont consignés au procès-verbal -, je n'ai rien contre les valeurs ou la culture judéo-chrétiennes, auxquelles je prétends adhérer.

Voilà. Lorsque vous dénoncez certaines personnes qui ont reçu l'Ordre du Canada en raison de leur orientation sexuelle, je ne pense pas que vous traitiez de valeurs familiales. Lorsque je dis que je suis tout à fait réceptif aux opinions de votre groupe sur l'institution du mariage et la famille, j'ajoute cependant que, lorsque vous dépassez les bornes ce faisant, je ne crois pas que vous aidiez votre cause, particulièrement dans votre bulletin. Vous savez très bien à quoi je fais allusion.

Mme Watts : Je crains de ne pas bien saisir. Je vous prierais de nous écrire une lettre pour nous préciser ce à quoi vous vous opposez.

Le sénateur Joyal : Je le ferai certainement.

Le sénateur Cools : Dites le fond de votre pensée.

Mme Watts : Je pense qu'il a quelque chose en tête.

La présidente : Sénateur Cools, en tant que présidente, je vous demande de le laisser terminer.

Le sénateur Joyal : J'en arrive à la fin, et je ne veux pas prolonger une telle discussion.

La présidente : Revenons au projet de loi S-21.

Le sénateur Joyal : Tout à fait. Je reviendrai au projet de loi et je vous ferai parvenir une lettre. Cependant, je voulais donner ces précisions car je pense que c'est utile pour comprendre le contexte de notre débat.

J'aimerais vous inviter à consulter la page 5 de votre mémoire. Il y est question de la position de la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes. Voici le libellé de ce passage :

La Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes a également appuyé la position du Procureur général et notre position en faisant valoir que les enseignants doivent être en mesure d'imposer des restrictions aux enfants intraitables ou agressifs si cela s'avère nécessaire pour faciliter un enseignement efficace et pour maintenir l'ordre dans la salle de classe.

Je crois comprendre que la fédération appuie le recours à la force contre les élèves pour maintenir l'ordre, mais non à des fins éducatives. Je crois comprendre que, selon la décision de la Cour suprême, les parents ont droit d'employer la force à des fins éducatives. Il s'agit d'une nuance importante entre les deux buts. Les enfants passent cinq jours par semaine avec leurs enseignants, qui jouent parfois un rôle plus important que les parents dans l'éducation des enfants. Le tribunal et de nombreuses provinces, sinon la totalité de celles-ci, ont interdit l'emploi de la force à des fins éducatives, mais ont autorisé les parents d'y recourir. J'essaie de comprendre pourquoi. Il me semble qu'il en découle un manque de logique.

À l'école, un enseignant m'a déjà tapé sur la main, et je ne m'en suis jamais plaint. Je pense que c'était nécessaire. J'ai ainsi réalisé ce que j'avais fait. Je n'ai eu qu'une tape, et ce fut suffisant. Ce n'est plus possible aujourd'hui.

Si nous devons maintenir la logique du recours à la force raisonnable, ne faudrait-il pas que les parents et les enseignants soient traités d'une façon égale? Ce fut la logique de l'article 43 pendant un siècle, mais le tribunal a changé la donne. Selon votre position, ne devrions-nous pas autoriser les enseignants à employer une force restreinte et ponctuelle à des fins éducatives?

Mme Watts : La différence réside dans le lien étroit qui existe entre le parent et son enfant, lien qui doit être exclusif. Même le chirurgien qui a sauvé la vie d'un enfant ne peut pas nouer le même lien étroit avec celui-ci. Quel que soit le rôle important que les enseignants jouent, ils ne peuvent jamais tisser un tel lien étroit. C'est la logique.

De plus, les systèmes scolaires d'aujourd'hui sont beaucoup plus impersonnels qu'ils ne l'étaient à l'époque où je fréquentais l'école, notamment. Les enseignants connaissaient alors tous les parents du quartier. Ils étaient davantage un prolongement de la famille qu'ils ne le sont aujourd'hui. Les parents ne rencontrent peut-être jamais les enseignants de leurs enfants. Autrefois, les écoles étaient presque conçues à l'image de l'enseignement dispensé par les parents à leurs enfants. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus impersonnel. Je souligne encore une fois le lien exclusif entre le parent et l'enfant. Le parent connaît les besoins de son enfant mieux quiconque. L'enseignant peut être l'ami de l'enfant pendant quelques années, mais le lien est essentiellement très différent.

Le sénateur Joyal : J'ai fréquenté un pensionnat. J'y passais cinq ou six jours par semaine, et l'enseignant jouait un rôle très important. Nous passions la plus grande partie de notre semaine à l'école. Nous ne revenions à la maison que pour une brève visite.

Je comprends qu'il y a des écoles secondaires qui accueillent des milliers d'étudiants. Selon le programme d'enseignement, les étudiants peuvent avoir trois enseignants différents chaque jour, mais les choses sont différentes à l'école primaire. Autrefois, les étudiants n'avaient qu'un seul enseignant. Ainsi, des liens pouvaient se tisser, et l'enseignant pouvait utiliser une force restreinte à des fins éducatives.

J'essaye d'en comprendre la logique.

Mme Watts : Les choses ont également changé au fil du temps. Aujourd'hui, les gens présument que les châtiments corporels sont préjudiciables même si aucune preuve ne confirme une telle hypothèse. Ils craignent donc beaucoup d'imposer des limites à cet égard. Auparavant, la société était plus hardie. Elle ne croyait pas que le châtiment corporel était préjudiciable. Nous n'avons adopté aucune position sur cette question précise. Il serait peut-être valable d'inviter la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes à exposer son point de vue.

Le sénateur Joyal : Voici un passage qui figure à la page 8 de votre mémoire :

En outre, la Coalition a allégué que la Charte ne crée pas, au bénéfice des enfants, des droits autonomes en vertu desquels toute inégalité de droit entre les enfants et les adultes est éliminée.

Je m'interroge sur la définition de ce que j'appelle les droits subjectifs. La Convention relative aux droits de l'enfant, la décision de la Cour suprême et différentes autres décisions reconnaissent que les enfants sont des êtres humains et que, à ce titre, ils doivent avoir certains droits.

Je me demande comment vous pouvez vous opposer à la notion de droits autonomes des enfants alors que vous avez signalé à d'autres tribunes que vous étiez contre l'avortement parce que le fœtus avait des droits. Pour assurer la logique dans l'interprétation des droits subjectifs, nous devons adopter la position commune que tous ont droit à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi. C'est très important à mes yeux. Nous devrions avoir une approche cohérente en matière de droits de la personne, quel que soit l'âge ou le sexe. Nous devons faire preuve de cohérence lorsque nous déterminons les catégories assujetties aux droits. Il ne faudrait pas adopter une position lorsque cela fait notre affaire pour ensuite ne pas en tenir compte lorsque cela ne fait plus notre affaire. Si nous avons la vie à cœur, nous devrions avoir à cœur toutes les formes de vie. Je suis contre la peine de mort, parce que je crois au caractère sacré de la vie. Nous devons la protéger.

Je ne comprends pas votre position lorsque vous formulez des réserves sur les droits des enfants.

Mme Watts : En ce qui concerne l'égalité, nous croyons que les adultes ainsi que les enfants nés ou non encore nés sont des êtres humains égaux. C'est le fondement de notre position. Les parents ont donc des devoirs et des responsabilités en matière de discipline, de défense des enfants et de la formation de leur caractère.

Le fœtus, le nourrisson, le tout-petit, l'enfant et l'adolescent ne devraient pas avoir les mêmes droits et responsabilités que lorsqu'ils auront 20 ans et deviendront des parents. Il y a là une différence. Vous ne pouvez pas prétendre que l'égalité est la même parce que ce sont tous des êtres humains.

Par rapport à l'article 43, il y a notamment des situations où, selon nous, les parents devraient être protégés lorsqu'ils emploient la force raisonnable pour corriger leur enfant avec amour dans l'intérêt de celui-ci, de la famille, des biens et, peut-être, du voisin à qui le comportement répréhensible de l'enfant porte préjudice.

Les tribunaux ont appuyé cette position, précisant que, sans cette force raisonnable, toutes ces personnes risquaient de subir des préjudices. Les trois tribunaux ont utilisé le terme « préjudice ». Par conséquent, si nous présumons que l'abrogation de l'article 43 sera profitable à tous, les tribunaux nous signalent cependant que des préjudices seront causés si les parents et les enseignants ne sont pas protégés dans l'exercice de leurs responsabilités.

Le sénateur Joyal : La discussion porte sur les répercussions de l'emploi de la force. Certaines des hypothèses m'amènent à émettre les mêmes réserves que vous, jusqu'à un certain point.

Lorsque nous parlons de l'intégrité du corps, nous condamnons et combattons la violence contre les femmes, nous nous opposons au recours à la force contre la personne âgée plus vulnérable et moins autonome dans sa capacité de porter un jugement. Nous ne devrions jamais recourir à la force contre un être humain qui est vulnérable, et nous ne le ferions certes pas contre une personne handicapée. Les tribunaux l'ont précisé dans leurs décisions. J'essaie d'appliquer tout cela au respect de l'enfant, même si je comprends, tout comme vous, que celui-ci doit être éduqué et qu'il ne doit pas être laissé sans aucune contrainte. Nous le reconnaissons tous. C'est une réalité de la vie.

Pour favoriser la cohérence, ne devrions-nous pas respecter de la même façon l'intégrité du corps de l'enfant, comme nous le faisons pour tous les autres êtres humains qui sont dans une position vulnérable à des époques différentes de leur vie?

Mme Watts : Si une personne âgée confinée à un lit surélevé risque d'en tomber, il faut parfois utiliser une force — légère, j'espèce — pour s'assurer qu'elle restera dans son lit. Il existe des situations qui sont parfois différentes.

Nous sommes d'accord avec vous. Les juges qui ont tranché n'ont pas considéré qu'une mesure disciplinaire légère porterait préjudice à l'intégrité de l'enfant. C'est la conclusion à laquelle ils sont parvenus.

Ce sont les mauvais traitements qui portent préjudice à l'enfant.

Le sénateur Joyal : Naturellement.

Mme Watts : Vous pourriez inviter les représentants de Focus on the Family à comparaître devant vous. Sur son site Web, l'association aborde davantage que nous les motifs justifiant le recours pertinent aux châtiments corporels contre un enfant.

Le sénateur Joyal : Dans une famille, il arrive souvent que deux enfants se battent. Parfois, le parent qui intervient pour les séparer peut donner une tape à l'un des deux pour le pousser et lui dire : « Ça suffit! » De la même façon, l'enseignement pourrait être tenu de rétablir l'ordre. Il m'apparaît que le maintien de l'ordre ne va pas à l'encontre du bon sens. Lorsque vous recourez à la force à des fins éducatives, des questions différentes se posent, et, comme vous le dites, il y a là peut-être un conflit avec les droits des parents, même par rapport à la personne responsable de l'enfant, qui doit décider de ce qui est bon pour ce dernier en fonction de son jugement éclairé.

Mme Watts : Le parent veut que la vie de son enfant soit ordonnée, et non qu'elle soit entièrement désordonnée, ce qui ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant, de la famille ou de la société. Comme vous l'avez indiqué, il y a, sur le plan éducatif, une certaine justification à recourir à une tape pour rétablir l'ordre, inculquer de bonnes habitudes et empêcher qu'une situation ne s'envenime.

Le sénateur Nolin : Je lis le troisième paragraphe à la page 9. Vous y indiquez que vous établissez une distinction entre trois types de mesures, notamment entre discipline et châtiment corporel, deux formes que vous considérez acceptables. La troisième, le mauvais traitement, n'est pas acceptable. La différence réside dans le motif. Je suis porté à être d'accord avec vous sur ce point.

C'est l'évaluation de ces motifs qui me pose un problème. Qui doit trancher? Comment pouvons-nous trancher correctement? En théorie, c'est parfait. Mais l'application de cette théorie qui semble problématique. C'est sur ce point que j'ai des réserves.

Mme Watts : Effectivement.

Le sénateur Nolin : Vous recommandez de ne pas modifier la loi mais d'investir davantage dans la prévention ainsi que dans la sensibilisation des parents et des personnes qui jouent un rôle sur le plan de l'éducation.

Ai-je résumé correctement votre mémoire?

Mme Watts : Nous sommes tous en faveur de la sensibilisation, mais les gens qui sensibiliseront les parents induiront ceux-ci en erreur s'ils ne connaissent pas la distinction entre mauvais traitement et emploi raisonnable de la force.

J'ignore si le motif politique a embrouillé le tout. Cependant, lorsque je lis cette déclaration conjointe, j'ai l'impression qu'on n'a pas vraiment essayé de saisir la distinction entre mauvais traitement horrible et...

Le sénateur Nolin : N'utilisez pas le terme « horrible ». L'expression « mauvais traitement » suffit.

Mme Watts : Il y a un aspect qui est assez révoltant. Cependant, il existe une distinction entre mauvais traitement et mesure prise par un parent aimant qui sait que son enfant ne doit pas dépasser certaines limites dans l'intérêt du bien- être de ce dernier, de celui des biens dans le quartier ou encore de celui du frère ou de la sœur que l'enfant harcèle.

Comme un avocat a signalé, les parents prennent des décisions subjectives quotidiennement. Il y a des milliers de façons créatives de discipliner les enfants. Vous devez faire preuve de créativité pour être un bon parent et guider vos enfants correctement. Les parents prennent des milliers de décisions subjectives. D'après moi, c'est habituellement dans de rares situations d'urgence que vous emploieriez la force pour corriger un enfant.

Nous ne voulons pas que les parents puissent être accusés au criminel lorsque leurs intentions et leurs motifs sont justifiés. Ils connaissent leurs enfants. Ils savent évaluer la situation au foyer. Les enfants peuvent être plus turbulents que la personne moyenne qui prend la décision — notamment, le professionnel moyen qui n'a peut-être pas eu 10 enfants. C'est différent selon la personne. Ce pourrait être très dangereux d'avoir une telle situation.

L'article 43 a une portée très restreinte. La Cour d'appel fédérale et la Cour suprême ont précisé bien des mesures qui sont inacceptables.

Le sénateur Nolin : Tout cela est très bien en théorie. Dans la pratique, les hôpitaux signalent un nombre important d'enfants qui ont subi de mauvais traitements de la part de leurs parents. Que faire alors?

Mme Watts : Pas aux termes de l'article 43.

Le sénateur Nolin : Des lois sont en vigueur, mais comment nous y prenons-nous pour qu'elles soient applicables? La loi ne semble pas être efficace.

Le sénateur Cools : L'article 43 ne sera pas utile.

Mme Watts : Effectivement.

Le sénateur Nolin : Le témoin pourrait-il répondre à la question? Je pense que c'est important. Quelles mesures prenons-nous pour que la loi soit applicable?

Mme Watts : Comment pouvons-nous améliorer la situation des parents? Les choix sont nombreux à ce chapitre. L'étude effectuée à Stockholm parle de l'isolement. Nous sommes dotés de services sociaux pour intervenir dans de telles situations. À ce chapitre, nous sommes mieux nantis que la majorité des autres pays. Je peux comprendre qu'on puisse être dérangés par un tel comportement. Nous avons déjà comparu devant des comités parlementaires pour examiner ce qui est diffusé à la télévision. Aucune mesure ne semble avoir été prise à cet égard, ce qu'on justifie par la liberté d'expression, et il y a également les nombreux intérêts commerciaux qui sont en jeu. Nous avons demandé quand des mesures seraient prises pour vraiment aider la famille, celle où il règne l'équilibre. Il semble que présenter des aspects dysfonctionnels serve davantage d'électrochoc. La famille absorbe tout cela. C'est peut-être imputable au nombre d'heures de travail, les deux parents étant maintenant sur le marché du travail et n'étant pas en mesure de surveiller leurs enfants comme on pouvait le faire auparavant. C'est toute une culture que nous avons perdue.

Le sénateur Nolin : Nous pouvons regarder le passé avec nostalgie, mais notre société a évolué, et il faut en prendre acte.

Mme Watts : Si vous êtes en train de dire qu'elle a évolué au point où il est impossible de contrôler la violence faite aux enfants, alors il faut agir.

Le sénateur Nolin : Notre rôle est de protéger les droits fondamentaux de chacun. Du moins, c'est ma conviction.

Mme Watts : Vous avez raison.

Le sénateur Nolin : C'est bien beau d'examiner l'évolution de notre société et de dire que la situation était bien meilleure auparavant, mais il faut aussi reconnaître la réalité de cette évolution et avouer qu'on n'y peut rien.

Mme Watts : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Tout ce que j'ai dit, c'est que nous avons perdu une culture. Notre culture change, et il existe de graves problèmes. D'après les juges des trois instances, si l'article 43 est révoqué, on causera plus de tort aux familles, aux parents et aux enfants.

Le sénateur Nolin : Moi aussi, j'ai lu ce passage, et il me préoccupe.

Mme Watts : Les décisions sont excellentes.

Le sénateur Nolin : Sans aucun doute. Je ne souhaite pas voir les travailleurs sociaux débarquer chez les familles sur simple dépôt d'une plainte, mais je suis sûr qu'il y a moyen de trouver un terrain d'entente, une solution pratique.

La présidente : Vous ne voulez pas que les parents deviennent des criminels.

Le sénateur Nolin : Non, bien sûr. Cela détruirait les familles.

La présidente : Je crois que c'est aussi notre préoccupation.

Le sénateur Nolin : Par contre, nous ne souhaitons pas que les enfants soient victimes de violence. Nul ne le souhaite.

Mme Watts : Tout à fait. Nous sommes catégoriquement contre la violence; chaque année, nous prenons part à la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants. C'est un sujet qui nous tient très à cœur.

La présidente : C'est pourquoi il faut entendre tant de témoins.

Le sénateur Cools : J'aimerais remercier le témoin, qui est l'une des seules à comparaître devant nous qui n'est pas rémunérée pour son travail. Je connais très bien votre organisme. J'ai entendu dire que l'avocate, Mme Landolt, n'était pas à vos côtés aujourd'hui pour témoigner parce qu'elle est en voyage. Cependant, je tiens à ce que vous sachiez que j'ai le plus grand respect pour votre organisme parce qu'il est probablement le seul au pays à défendre aussi massivement et activement les femmes et à faire honneur à la femme et à la famille.

Ce qu'il y a d'intéressant dans votre organisme, c'est qu'il représente des mères, ce qui n'est pas le cas de nombreux organismes féministes. En un certain sens assez étrange, il s'agit d'un organisme de parents. Jusqu'ici, nous avons entendu très peu de témoignages de parents, ce qui est peut-être dû au fait que les parents ne sont habituellement pas regroupés en organisme. C'est pourquoi le témoignage de Mme Watts prend autant d'importance, car elle parle en tant que parent elle-même et au nom des parents.

J'aimerais éclaircir plusieurs points. Je partage vos préoccupations et vos vues. Je ne connais personne qui appuierait la violence faite aux enfants. Très rapidement, le débat devient centré sur la question de savoir si vous appuyez la violence faite aux enfants ou pas, ce qui lui enlève toute sa valeur. Je ne connais personne qui appuierait la violence faite aux enfants. Toutefois, je crains, à nouveau, qu'en supprimant l'article 43, on ne fasse pas la différence entre la violence faite aux enfants et une tape sur le dos de la main. Voilà pourquoi je ne puis appuyer le projet de loi à l'étude.

J'ai entendu le sénateur Joyal dire qu'il avait reçu une légère tape sur la main. Moi, je fréquentais une école supérieure exclusive.

Le sénateur Joyal : Je parlais d'une école exclusive.

Le sénateur Cools : Eh bien, j'ai fréquenté un collège extrêmement exclusif établi sur 10 acres de terrain et comptant trois courts de tennis et je tiens à dire qu'il n'y avait pas de châtiments corporels dans cet établissement pour filles. J'y étais en 1952 ou en 1951, je ne me souviens plus. Fait intéressant, son équivalent pour garçons avait recours à des châtiments corporels, mais à des châtiments bien précis. L'enseignant ne pouvait pas simplement gifler le garçon ou s'en prendre à un enfant. C'était interdit. Je savais aussi qu'il y avait une différence des sexes en termes de ce qui était considéré comme étant un châtiment corporel. Je le mentionne simplement aux fins du débat.

J'en sais beaucoup au sujet des organismes de protection de la jeunesse pour y avoir moi-même travaillé. Je connais également les préjudices subis par les familles lorsque ces enquêtes sont menées à tort. En réalité, les enquêtes comme telles commencent à devenir une grande source de problèmes, causant elles-mêmes des pressions. C'est là une de mes grandes sources de préoccupation au sujet du projet de loi à l'étude.

Je sais que les partisans du projet de loi affirment qu'il faudrait faire confiance aux instances d'application de la loi, mais le problème, c'est que les plaintes peuvent être sans fondement. Je ne me souviens plus du nom du témoin, encore moins du comité, mais nous avions accueilli à un moment donné le porte-parole d'une société d'aide à l'enfance qui nous avait affirmé que deux accusations, allégations ou plaintes sur trois étaient fausses ou sans fondement. Voilà qui fait bien ressortir la possibilité constante de malice et d'accusations frivoles. C'est là la véritable source de mon problème.

Il existe actuellement des douzaines de lois en vigueur au sujet de la violence faite aux enfants, mais soyons très francs : les véritables agresseurs n'ont que faire des lois. La suppression de l'article 43 n'aiderait en rien ces enfants. En fait, elle ne fera que renforcer la situation actuelle et, pendant qu'on enquête sur de fausses allégations, on continue de retirer des ressources, ce qui causera des pertes d'argent à ceux qui en ont vraiment besoin.

Chers collègues, ce sont là des processus que je connais bien parce que j'ai travaillé dans le domaine. Quand je travaillais dans les services sociaux, j'ai dû de nombreuses fois intervenir, mais un exemple qui demeure toujours très vivant dans ma mémoire est la fois où j'ai dû arrêter un enfant en train d'en tuer un autre. Je vous jure que, si une pareille loi avait été en vigueur, les trois personnes, dont moi, qui tentaient de les séparer, parce qu'il s'agissait d'un événement très grave, auraient fait l'objet de poursuites.

Fait intéressant, en plus de tout cela, en fin de compte, nous avons réglé tous les problèmes en travaillant en étroite collaboration avec les familles. En fin de compte, nous n'avons pas franchi les étapes du processus prévues dans le Code criminel.

De nombreuses familles sont fragiles, et beaucoup de ces personnes sentiront le poids des changements qui sont envisagés par des personnes bien intentionnées qui ne connaissent pas la réalité concrète de la vie au pays. De plus, elles ne connaissent rien à la façon dont se déroulent les poursuites et les enquêtes.

Les sociétés d'aide à l'enfance ont de très grands pouvoirs et, pourtant, au sein de cette population, il y a encore des victimes de violence. Je ne suis pas d'accord pour leur conférer plus de pouvoirs. J'ai peut-être été témoin de trop de gestes malicieux dans ma vie. Je suis aussi opposée à ce que certains hypocrites viennent dire à d'autres familles quoi faire, alors que de nombreuses familles sont parfaitement capables de résoudre bon nombre des problèmes avec lesquels elles sont aux prises en misant sur l'amour, le pardon et une vie saine.

Pouvez-vous nous fournir plus de renseignements en provenance des familles? Le Canada accuse un retard dans l'étude de certaines de ces questions. Parce que j'ai travaillé auprès de familles, j'ai été invitée au Texas, en août, pour prendre la parole devant 2 500 à 3 000 personnes. Aux États-Unis, un jeune Noir sur quatre est périodiquement emprisonné, une question qui suscite de vives préoccupations.

Avez-vous de l'information qui reflète les opinions ou les appréhensions des parents à cet égard? Les parents sont un groupe négligé au Canada. La maternité a été rabaissée. À mon avis, le parent est un être unique et spécial. Le nœud du problème, c'est ce que pensent les parents par rapport à ce que pensent les « éclairés ».

Je vous remercie de votre mémoire significatif consacré à des questions de fond. J'ai fait du counselling auprès de parents pendant la plus grande partie de ma vie.

Mme Watts : De plus en plus, nous commençons à reconnaître que l'éclatement de la famille est une des principales causes du désordre qui règne dans la société. L'étude de Stockholm porte sur l'isolement de la famille. De plus en plus de groupes sont maintenant convaincus que la famille est menacée de nombreuses façons. Beaucoup d'organismes appuient de plus en plus la famille. Notre organisme était très petit à ses débuts. Nous sommes en train d'accroître notre activité et de multiplier les occasions de faire valoir notre point de vue auprès des Canadiens grâce aux médias et à nos interventions en vue de défendre la famille contre des lois qui lui causeraient du tort. Les Nations Unies y travaillent dans le cadre de diverses conventions auxquelles nous contribuons à titre consultatif.

Le sénateur Cools : Je crois que vous avez un statut spécial auprès des Nations Unies.

Mme Watts : Oui. Nous tenons un rôle consultatif spécial auprès du Cconseil économique et social des Nations Unies. Nous tentons de dépêcher un représentant de REAL Women à chaque conférence où nous croyons que seront exprimés des idées allant à l'encontre du bien-être de la famille. Quand nous entendons parler de professionnels proactifs en ce qui concerne la famille, particulièrement en ce qui concerne une question comme celle-ci, nous craignons qu'ils ne banalisent peut-être la véritable violence et qu'ils diminuent les efforts déployés en vue d'en traiter. Parfois, la violence est commise contre une personne très proche d'eux, et ils l'ignorent.

Nous sommes naturellement favorables aux institutions qui traitent de véritable violence. Cependant, elles outrepassent leur mandat lorsqu'elles élargissent leur sphère d'activité de manière à inclure la famille ordinaire pour chaque petite tape et fessée. Elles ont un mandat important effectivement, tout comme nous, soit de revaloriser le rôle de la famille. La plupart des parents n'ont pas le temps de prendre la parole à cet égard. Ils sont trop occupés à faire ce qu'ils ont à faire en tant que parents et, comme les deux travaillent, les pressions exercées sur la famille sont encore plus grandes.

Il a été question d'avoir un ministère responsable de la condition de la famille. La situation est examinée à travers le prisme de divers groupes d'intérêts spéciaux, mais très souvent, la loi ne tient pas compte du point de vue de la famille.

J'ai joint à notre mémoire le document que nous avons présenté dans le cadre du Plan d'action national du Canada pour les enfants et qui porte sur la statistique canadienne au sujet des enfants. Nous avons présenté de très importantes recommandations, y compris celle de respecter l'institution traditionnelle du mariage. Nous avons recommandé que la Loi de l'impôt sur le revenu soit modifiée de manière à consentir aux personnes qui demeurent au foyer à plein temps des crédits d'impôt selon le revenu familial. À notre avis, des crédits d'impôt pour enfant devraient être payés également aux parents, que les enfants soient gardés à la maison ou ailleurs. Il semble y avoir de la discrimination contre les parents qui décident de prendre soin eux-mêmes de leurs enfants, une tradition fort saine qu'il faudrait préserver au Canada. Nous recommandons que des paiements soient versés directement aux parents plutôt qu'aux institutions de sorte qu'ils puissent déterminer eux-mêmes le genre de soins à prodiguer selon les besoins de l'enfant et les valeurs familiales. Nous facilitons le divorce plutôt que d'avoir recours à des moyens pour favoriser une réconciliation des parents, par souci du bien-être de l'enfant.

Nous sommes favorables aux projets législatifs constructifs qui prennent la forme d'une action nationale résolument en faveur de la famille pour permettre à celle-ci d'entrer en relation avec ses membres, particulièrement avec les enfants. Nous avons recommandé que des changements soient apportés au milieu de travail pour répondre aux besoins des familles, ce qui se fait de plus en plus, notamment des congés familiaux pour prendre soin d'enfants malades ou de parents âgés; des projets de travail qui peuvent se faire à la maison; des heures de travail flexibles; un partage d'emploi et du travail à temps partiel avec avantages sociaux au prorata; des congés de maternité prolongés — pour lesquels nous sommes reconnaissants —; des lois de l'aide sociale visant à restaurer la famille en accordant la priorité aux mères et aux pères qui vivent ensemble avec leurs enfants; et des incitatifs accordés aux employeurs pour qu'ils embauchent des parents. Voilà qui est relié à la situation du chômage reconnue par la Suède comme étant une source de pressions supplémentaires sur la famille.

Le sénateur Cools : Votre organisation a une position très équilibrée en matière de divorce. Bien que le divorce ne soit ni bon ni souhaitable, vous avez pour position que, s'il y a divorce, l'enfant doit continuer d'avoir droit au soutien émotionnel et psychologique des deux parents et de demeurer en relation avec les deux.

Mme Watts : C'est un besoin reconnu par les spécialistes des sciences sociales. Autrefois, on croyait qu'il valait mieux laisser la mère prendre soin de l'enfant. Des études récentes révèlent que l'enfant a aussi besoin de son père. Nous sommes très favorables à la garde partagée pour le bénéfice de l'enfant.

Le sénateur Cools : J'ai lu votre document et je le trouve fantastique. Je vous remercie de faire ce travail, surtout à titre de bénévole. Votre organisme rassemble ses ressources et prend constamment position en faveur du maintien de la famille.

Mme Watts : Nous avons effectivement présenté une demande de financement à la Condition de la femme à nos tous débuts, mais elle a été rejetée parce que notre position égalitaire ne plaisait pas. Cette position est peut-être un peu plus nuancée maintenant, mais, comme j'assiste à plus de conférences sur les femmes, je constate aussi que de plus en plus d'entre elles sont en train de prendre conscience que l'importante position que nous défendons est tout aussi valable, sur le plan de l'égalité, que celle qui préconise une définition plus étroite de l'égalité en termes d'emploi, de nombres et de quotas.

Le sénateur Joyal : Assistez-vous habituellement aux conventions des partis politiques? Votre groupe s'y présente-t- il?

Mme Watts : Pas en tant qu'organisme, mais nos membres individuels sont libres d'assister à n'importe quelle convention, d'être membre de n'importe quel organisme ou de travailler pour n'importe quel parti. Nous sommes un organisme impartial. Quel que soit le parti, s'il appuie la famille, nous l'aiderons. S'il n'appuie pas la famille, nous le critiquerons, parce que nous estimons que la famille est très importante.

Le sénateur Joyal : Vous parlez de la « famille » telle qu'elle est définie dans votre présentation.

Mme Watts : Les spécialistes des sciences sociales nous ont affirmé qu'il est dans l'intérêt de tous d'appuyer la famille.

Je crois que les sondages montrent également qu'un nombre imposant de Canadiens accordent beaucoup de valeur à la famille. Leurs familles sont une priorité.

Le sénateur Joyal : Je n'irai pas jusqu'à dire que la définition traditionnelle de la famille est mauvaise. Au contraire, la plupart d'entre nous sont le produit de ce modèle. Cependant, aujourd'hui, il faut reconnaître que la société est composée de différents genres de familles. Ma collègue, le sénateur Ringuette, a parlé de familles monoparentales. Nous ne pouvons pas en ignorer l'existence.

Mme Watts : Nous ne l'ignorons pas, et certaines de nos recommandations seraient avantageuses pour les familles monoparentales, qui sont souvent celles qui ont les plus grands besoins.

Le sénateur Joyal : Par là, faut-il entendre qu'elles ont besoin de l'appui du gouvernement, en règle générale, et de la société?

Mme Watts : Elles ont même besoin que l'on reconnaisse simplement l'importance de la condition parentale.

Le sénateur Joyal : C'est le sénateur Nolin, je crois, qui a dit qu'il faut reconnaître qu'actuellement, les deux parents travaillent habituellement. C'est là le fait de beaucoup de familles urbaines, voire rurales parce que les femmes ont, sur la ferme, autant, si ce n'est plus, de travail que les hommes.

En d'autres mots, il faut adapter notre approche aux conditions dans lesquelles a évolué l'économie actuelle. Bien qu'un membre sur deux des couples souhaite demeurer à la maison, nous devons néanmoins régler la question du soutien des enfants qui doivent aller en garderie. Cela a créé de nombreuses situations différentes dont il faut tenir compte. Bien sûr, il faut aussi accorder, comme vous, de la valeur à la famille traditionnelle, celle où l'homme travaille et la femme demeure à la maison pour élever les enfants et ainsi de suite. J'appuie entièrement ce volet de votre activité. C'est ainsi que la plupart d'entre nous ont été élevés.

Cependant, il faut reconnaître actuellement qu'il existe d'autres modèles de famille, et nous devons être réceptifs à ces autres modèles au sein d'une société diverse qui est définie dans différents contextes. La diversification du Canada, en termes d'horizons ethniques, nous pose un défi de taille en tant que pays. Elle est irréversible. Non seulement faut-il composer avec cette réalité, mais nous devons également en tirer le meilleur parti pour l'avenir du Canada. C'est pour nous un incontournable de la réalité, si je puis l'exprimer ainsi.

Je souhaite être juste et reconnaître le rôle joué par la famille traditionnelle et sa valeur parce que, comme je l'ai dit, nous en sommes le produit. Cependant, il faut être attentif aux autres contextes dans lesquels évolue la société canadienne.

Mme Watts : Nous y sommes très attentifs. D'après certaines études, plus de 80 p. 100 des femmes qui travaillent et dont les enfants doivent aller en garderie demeureraient à la maison à plein temps pour en prendre soin si elles en avaient les moyens. Il existe des pressions pécuniaires qui empêchent les Canadiens d'exercer leur libre choix.

Nous croyons aussi que, lorsque le gouvernement investit des millions de dollars de nos taxes dans des garderies, cet argent, qui vient de tous les Canadiens, devrait être versé aux parents. Les parents auraient alors le choix d'avoir recours à des garderies, de demeurer à la maison pour prendre soin de leurs enfants ou de les envoyer à un centre de jour du quartier, une église ou un centre de jour ethnique. Les parents ont ainsi plus de choix.

Il faut se rappeler que les femmes qui demeurent à la maison travaillent très fort. C'est beaucoup de travail, elles font un grand sacrifice, et je connais de nombreuses femmes qui ont abandonné des carrières lucratives pour prendre soin de leurs enfants. Nous devons être ouverts aux nombreux choix que souhaitent avoir les parents.

En tant qu'organisme, nous essayons de répondre à tous ces besoins. Nous n'avons pas l'intention de limiter les Canadiens à un modèle unique de famille ou d'exercer des pressions d'ordre pécuniaire indues sur les femmes qui s'ennuient de leurs enfants parce qu'elles sont au travail. Nous souhaitons que le système revalorise la vie familiale, ce qui n'est pas le cas. Nous semblons accepter le fait que les deux parents travaillent, mais quand les mères nous disent qu'elles préféreraient être à la maison, il faut aussi en tenir compte.

La présidente : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage de ce matin. Comme vous pouvez le voir d'après les questions et les commentaires des sénateurs, nous tenons à creuser la question le plus possible parce que le projet de loi est important. Nous tenons à faire en sorte que les familles et les enfants sont bien protégés, qu'il existe un bon équilibre.

N'hésitez pas à nous envoyer des documents si vous croyez qu'ils pourraient nous être utiles, car de nombreux autres témoins ont demandé à comparaître.

Mme Watts : Je vous remercie beaucoup.

[Français]

La présidente : Sénateurs, je vous ai distribué une lettre que j'ai reçue du sénateur Eyton qui demande que nous rencontrions davantage de témoins pour l'étude du projet de loi S-21. Des suggestions nous ont été faites, nous en avons pris bonne note et nous allons suivre le dossier. Ce n'est donc pas terminé pour le projet de loi S-21; nous en avons encore pour un certain temps à rencontrer des gens, à moins que vous me disiez qu'il nous faut arrêter.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je ne suis pas de cet avis. Je crois que cela a été mentionné par le témoin ce matin. Il faudrait entendre la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants parce que nous avons entendu deux importants participants à l'arrêt rendu par la Cour suprême et que les enseignants représentent une composante importante de la réalité que nous tentons de cerner. Je propose que nous l'invitions à témoigner.

[Français]

La présidente : Nous avons pris note de cela et nous allons le faire. Maintenant, nous ne savons pas combien de jours il nous reste à siéger. C'est l'endroit des rumeurs, ici. Des gens prétendent que la Chambre pourrait ajourner demain; d'autres, la semaine prochaine. Si c'est demain, il nous reste peu de temps.

Comme vous le savez, hier, le projet de loi S-39 a été envoyé à notre comité. Il va falloir commencer à l'étudier. J'ai l'intention de suggérer aux leaders des deux partis de demander la permission de siéger à des heures différentes. Soit le mercredi après-midi, le mercredi soir et le jeudi matin, si c'est possible, ou encore le mardi, le mercredi et le jeudi. Il s'agit d'un projet de loi du gouvernement.

Le sénateur Joyal : Est-ce qu'il est tellement urgent que l'on doive siéger en dehors de nos heures normales?

La présidente : C'est ce qu'on nous dit. Nous avons également le projet de loi C-2 qui doit nous arriver avant la fin de la session. Chacun fera son possible, mais il faut quand même entendre des témoins. Nous ne pouvons pas adopter ces projets de loi en deux temps trois mouvements.

Le sénateur Joyal : Je m'oppose personnellement aux projets de loi que l'on adopte en une séance.

La présidente : Nous ne pouvons pas faire cela.

Le sénateur Joyal : On a toujours un sentiment d'inconfort parce qu'on sait que des questions sont soulevées auxquelles on n'a pas de réponse, sur lesquelles on ferme les yeux et on passe le projet de loi.

La présidente : Vous connaissez ma position à ce sujet.

Le sénateur Joyal : Au sujet du projet de loi S-21, comme la décision de la Cour suprême du Canada mentionnait la Commission des droits de la personne, je pense qu'on devrait entendre quelqu'un du milieu juridique qui a une responsabilité professionnelle à l'égard de la question des droits. C'est une question vraiment sous-jacente.

La présidente : La crainte du sénateur Eyton est que les groupes ne soient pas variés. Jusqu'à maintenant, on a entendu les pour et les contre. Comme à notre habitude, nous avons essayé de garder un bon équilibre.

Si les leaders des deux côtés sont d'accord, je demanderais la permission de siéger à des heures non régulières. On vous avertira immédiatement afin que vous puissiez garder du temps pour que nous puissions commencer avec le projet de loi S-39.

Quant au projet de loi C-2, je ne sais pas si on aura le temps de le faire. Ce sont quand même des projets de loi du gouvernement. Il faut aussi regarder la liste des gens que nous devrons inviter. Advenant le fait que nous quittions dans 15 jours, il faudrait peut-être en entendre quelques-uns sur le projet de loi S-21 avant de quitter. Je vous tiendrai au courant. Le greffier pourra communiquer avec vous très rapidement à ce sujet.

[Traduction]

Dès que nous aurons les documents relatifs au projet de loi S-39, nous vous les ferons distribuer. Les notes d'information vous seront envoyées.

La séance est levée.


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