Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 18 - Témoignages du 29 juin 2005 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le mercredi 29 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles auquel est renvoyé le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, se réunit aujourd'hui, à 16 h 5, pour l'examen du projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-2 et notre comité va entendre M. Steve Sullivan, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, et M. William Trudell, du Conseil canadien des avocats de la défense. M. Sullivan, vous avez la parole.
M. Steve Sullivan, président, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Merci de me donner l'occasion de comparaître une nouvelle fois devant le comité pour parler d'un autre projet de loi important. J'ai déjà comparu au sujet du projet de loi C-10 et je suis heureux de voir que le projet de loi C-10 ainsi que le projet de loi C-13 ont été adoptés.
Mes remarques sur le projet de loi C-2 vont être brèves, puisque je souhaite ensuite essayer de répondre aux questions que les sénateurs voudront poser. Le centre a témoigné devant le comité à l'autre endroit au sujet de ce projet de loi, lequel a subi quelques changements depuis, si bien que je vais également aborder ces points.
Nous appuyons le projet de loi C-2 et je vais aborder la partie du projet de loi qui n'a pas attiré beaucoup d'attention de la part du public, mais qui est importante pour certains des gens avec lesquels nous travaillons; je veux parler des dispositions qui vont permettre de faciliter le témoignage de personnes vulnérables en essayant d'alléger le fardeau et les difficultés de témoigner au tribunal.
En ce qui concerne les infractions de violence ou sexuelles, les signaler à la police nécessite énormément de courage. Nous savons que la plupart des victimes d'agression sexuelle ne déclarent pas les infractions à la police pour diverses raisons. Les plaignants sont courageux lorsqu'ils se présentent, sachant bien qu'ils risquent d'avoir à témoigner au tribunal où se pressent des inconnus, à parler des expériences les plus douloureuses et personnelles de leur vie et à être contre-interrogés par des gens qui font leur travail et qui essaient de discréditer leur propre témoignage. Aller de l'avant malgré de telles perspectives est extrêmement difficile à faire.
Si, dans le cadre de notre système judiciaire — respect de la présomption d'innocence, respect du droit à une réponse et une défense complètes, nous pouvons instaurer des mécanismes et des processus pour faciliter ce témoignage, ce serait bon pour le système judiciaire en général.
Le projet de loi C-2 n'apporte rien de nouveau au système, mais plutôt, élargit les protections importantes qui existent déjà qui ont déjà été utilisées, mais, malgré tout, sous-utilisées, à l'échelle du pays. Par exemple, il va élargir les protections accordées aux plaignants afin qu'ils ne soient pas contre-interrogés personnellement par la personne qui est accusée de les victimiser. Imaginez être la victime d'une agression sexuelle ou d'un harcèlement criminel et que vous deviez témoigner au tribunal, et ensuite, être contesté par la personne accusée de vous victimiser. C'est difficile pour la victime et il est important de comprendre ce que signifient ces modifications au Code criminel; elles sont là pour faciliter le témoignage.
Ce projet de loi vise à faciliter la transmission de l'information au tribunal, permettant ainsi au juge, au jury et à l'avocat d'avoir un meilleur accès à l'information afin de prendre des décisions qui soient plus éclairées. Le projet de loi C-2 va permettre de le faire.
Lorsque j'ai témoigné devant le comité à l'autre endroit, un groupe s'est demandé si cela pourrait encourager ou faciliter des erreurs judiciaires. Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit qui pourrait indiquer que les protections actuelles confirmées par la Cour suprême ont conduit ou pourraient conduire à des erreurs judiciaires. De telles erreurs existent, que ces protections soient utilisées ou non. Parfois, notre système n'est pas parfait, mais rien ne permet de prouver que ces protections ou les dispositions de ce projet de loi encourageraient des erreurs judiciaires.
Nous savons bien sûr que la plupart des victimes ne déclarent pas ce qui leur est arrivé. Rien dans ce projet de loi n'encourage qui que ce soit à passer par ce processus douloureux. Certains portent des accusations arbitraires, mais je ne prévois pas que ces dispositions facilitent pareil comportement.
Il est important de comprendre qu'il n'y a rien d'automatique au sujet de ces protections. Dans certains cas, on parle de présomptions, par exemple, le fait que les gens ne contre-interrogent pas les victimes de harcèlement criminel. Cela dit, ce n'est pas automatique, parce que les juges ont toujours le pouvoir discrétionnaire de rejeter une telle demande. Nous savons que bien des protections, comme les écrans et les télévisions à circuit fermé ne sont pas courantes, car certains tribunaux ne sont pas organisés de cette façon. Il est important de se rappeler que les juges ont le pouvoir discrétionnaire de décider s'il convient d'utiliser ces protections dans chaque cas. Si oui, les protections sont alors mises en place.
J'aimerais faire une observation au sujet de l'interdiction de publication. Même si le projet de loi n'aborde pas ce point, les sénateurs pourront souhaiter savoir qu'en ce qui concerne les victimes d'agression sexuelle, l'interdiction de publication est assez automatique, même si elle ne se fait pas à grande échelle. Une interdiction de publication protège l'identité du plaignant, ce qui est important pour plusieurs plaignants. Ce n'est pas quelque chose que tout le monde souhaite. Dans un nombre limité de cas, mais toutefois important selon moi, nous nous sommes aperçus que certaines victimes qui sont des femmes ne souhaitent tout simplement pas ces protections et il peut être difficile de lever l'interdiction de publication. La Couronne ne représente pas la victime, si bien que ce que souhaite cette dernière peut être différent de ce que souhaite la Couronne. Beaucoup d'années après les faits, si une victime décide de révéler son histoire au grand public, elle doit revenir au tribunal pour faire lever l'interdiction.
Les victimes qui, à un moment donné, décident de parler publiquement, peuvent être confrontées à certains défis. Je ne sais pas s'il est nécessaire de régler ces problèmes par le biais d'une mesure législative ou d'insister sur une meilleure communication entre la victime et la Couronne. Toutefois, c'est un phénomène que l'on risque de voir plus souvent au fur et à mesure que plus de victimes décident de parler publiquement de ces questions.
Je vais aborder brièvement un point qui a retenu beaucoup d'attention, c'est-à-dire la nouvelle catégorie d'exploitation des enfants. Beaucoup ont demandé que l'on repousse l'âge du consentement et c'est ce que nous avons demandé dans le passé. Toutefois, au vu de la proposition qui figure dans le projet de loi, je suis optimiste. Je me demande comment les tribunaux vont réagir, mais nous avons besoin d'une mesure législative pour pouvoir régler le cas d'une personne de 40 ans qui recherche des relations sexuelles avec une personne de 15 ans, tout en reconnaissant que la personne de 15 ans et la personne de 20 ans peuvent ne pas se trouver dans une situation qui relève du droit criminel. Toutefois, en tant que parent, je risque de ne pas être très satisfait à cet égard. Ce projet de loi permet d'examiner chaque cas particulier afin de décider si le droit criminel est véritablement ce qui convient le mieux.
Ceci étant dit, le projet de loi élargit les dispositions existantes, mais ce sera une nouvelle disposition que devra interpréter le tribunal. Dans l'autre endroit, certains se sont inquiétés, pensant que cela risque d'être trop complexe et pas réalisable. Nous avons recommandé au Comité de la Chambre des communes d'examiner les dispositions d'ici cinq ans pour voir comment elles fonctionnent et pour décider s'il faut les modifier.
Je vais terminer en abordant le point qui, probablement, a retenu le plus d'attention, soit les dispositions relatives à la pornographie juvénile. Je sais que la semaine dernière, vous avez reçu des témoins de l'Association canadienne des chefs de police qui vous ont parlé à ce propos. Je crois que l'un des membres de la Police provinciale de l'Ontario a amené des échantillons de pornographie juvénile.
Je sais qu'un peu plus tard, vous allez entendre des groupes représentant les écrivains et les artistes, qui s'inquiètent au sujet du projet de loi sous prétexte qu'il empièterait sur leur liberté d'expression. Je ne suis pas artiste et il vous faudra entendre quelqu'un de beaucoup plus averti que moi. Toutefois, j'ai examiné les livres et les images qui les inquiètent et je ne vois pas comment ils peuvent s'exposer à des risques.
Le projet de loi est précis et renvoie à plusieurs reprises à
...la caractéristique dominante, la description, la présentation ou la simulation, dans un but sexuel, d'activité sexuelle illégale avec un enfant.
Il est donc question de « but sexuel », de conseiller une activité sexuelle. Le projet de loi est très précis quant au gouvernement fédéral, et il ne s'agit pas de Lolita; il ne s'agit pas d'un livre qui parle d'un homme adulte ayant des relations sexuelles avec un enfant.
En réalité, l'autre point — je ne suis pas sûr que l'ACCP s'y soit attardé — c'est que la police traite de situations de viol et de mauvais traitement d'enfants sur Internet. Ce n'est pas l'imagination de qui que ce soit, c'est une véritable torture des enfants. Les victimes sont de plus en plus jeunes et la violence est de plus en plus considérable. La police s'occupe essentiellement d'Internet et n'arrive absolument pas à régler le problème.
Vous connaissez les problèmes et je ne critique pas l'application de la loi au Canada ou dans le monde, mais le problème est énorme. Les forces de l'ordre n'ont pas le temps d'aller dans les bibliothèques et les musées pour chercher de la pornographie juvénile, du fait que quelqu'un a peut-être peint un tableau qui choque les autres. C'est en 1993 que, pour la dernière fois, un tableau a fait l'objet d'une infraction criminelle, il s'agissait d'une œuvre d'Eli Langer et cela s'est produit peu de temps après la mise en vigueur de la loi et avant l'explosion d'Internet. L'affaire la plus célèbre est celle de Robin Sharp. Je ne sais pas si des sénateurs ont vu ce qu'il a créé. Même si le tribunal en a conclu que ses créations avaient une valeur artistique, en vertu de cette mesure législative, ses créations ne seraient pas considérées comme de l'art. Il possédait aussi des images de jeunes garçons.
Lorsque la police trouve une collection de pornographie juvénile, et il peut s'agir d'écrits ou, comme dans le cas de M. Sharp, de bandes dessinées pratiquement, elle trouve également de la vraie pornographie. La valeur artistique, la défense artistique, même si elle a recueilli beaucoup d'attention, notamment à cause de M. Sharp, n'intervient pas vraiment en ce qui concerne l'application de la loi. Les dispositions du projet de loi sont pertinentes, car en vertu de la loi précédente, la documentation de M. Sharp était déclarée légale. Je crois que si ce projet de loi avait été en place, son matériel n'aurait pas été déclaré légal. Toute loi qui dirait que ce matériel est acceptable est imparfaite, et ce projet de loi corrige cette imperfection.
Ceci étant dit, la valeur artistique — Lolita, des tableaux, le genre de choses dont les témoins de ce soir vont vous parler — n'est pas une question d'application de la loi et je ne pense même pas qu'elle soit visée par la loi.
J'aimerais enfin parler des préoccupations suscitées par les modifications visant les peines minimales obligatoires. Nous avons témoigné devant le comité de l'autre endroit il y a quelques années, alors qu'il entamait un examen des condamnations avec sursis. Des élections ont été déclenchées avant que le comité n'ait pu présenter son rapport. Nous avions recommandé de ne pas avoir recours aux condamnations avec sursis dans le cas d'infractions sexuelles mettant en jeu des enfants, y compris dans les cas de pornographie juvénile. Selon l'information du témoin représentant la police de Toronto, la moitié des personnes de Toronto accusées d'infractions relatives à la possession de pornographie juvénile obtiennent des condamnations avec sursis. Ces images sont tout simplement horribles. Chaque fois qu'elles sont téléchargées ou visionnées, c'est une atteinte à la vie privée de l'enfant et c'est un enregistrement permanent des moments les plus douloureux de la vie de cet enfant. Je ne crois pas que nous puissions dévaluer l'importance de l'acte commis par quelqu'un qui télécharge, possède, échange, distribue, crée, et cetera, ces images de pornographie juvénile. Ce sont parmi les choses les plus horribles que l'on puisse voir.
Je ne suis pas très en faveur des peines minimales obligatoires. Il convient dans la plupart des cas que les tribunaux puissent parvenir à une condamnation sur mesure en fonction de l'infraction et du contrevenant. Malheureusement, les tribunaux n'ont pas donné à ces genres d'infractions l'importance qu'elles méritent.
Pour ce qui est des peines proposées, beaucoup de chiffres ont été avancés à la séance du comité à laquelle j'ai participé. Certains étaient déraisonnables et auraient été déclarés inconstitutionnels. Les peines proposées par le comité sont tout à fait appropriées.
C'est ainsi que se terminent mes remarques; je me ferais un plaisir d'essayer de répondre aux questions que vous voudrez poser.
[Français]
La présidente : Dans le passé, vous étiez en faveur d'établir l'âge de consentement à 16 ans. Vous semblez plus optimiste maintenant envers le régime de consentement qui est proposé dans le projet de loi C-2, ainsi que de l'insertion d'un article qui prévoit la révision après cinq ans. Cela faisait également partie de vos suggestions pour assurer une certaine efficacité du régime de consentement. Pourquoi cinq ans? C'est une de vos suggestions. Est-ce qu'il y avait une raison spécifique pour la période de cinq ans?
[Traduction]
M. Sullivan : Nous avons recommandé cinq ans, ce qui n'est pas un chiffre magique pour nous. Il m'a simplement paru qu'il s'agissait d'un chiffre cohérent par rapport aux autres mesures législatives qui prévoient un examen. C'est davantage d'un point de vue organisationnel, pour être cohérent par rapport aux autres genres d'examens. Bien sûr, nous ne nous opposons pas à un examen plus tôt. Cinq années semblent une solution pratique, puisqu'elle donne aux tribunaux le temps de comprendre, aux appels de suivre le processus jusqu'au bout et aussi de voir comment la loi s'applique.
Le sénateur Ringuette : Je vous remercie de vos observations et de votre appui à l'égard de ce projet de loi. Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a probablement vu bien des choses dont nous n'avons pas la moindre idée.
Vous avez reconnu que des erreurs judiciaires sont commises. Avez-vous des statistiques à cet égard?
M. Sullivan : Malheureusement non. Nous avons tous entendu parler d'affaires célèbres, comme les affaires Morin et Milgaard, sans compter certaines affaires à Ottawa relatives à des agressions sexuelles. Je n'ai pas de statistiques à vous communiquer.
Le sénateur Ringuette : Compte tenu de ce que vous savez des erreurs judiciaires, que pensez-vous des peines minimales prévues par le projet de loi? Comme des erreurs judiciaires sont commises, les peines minimales ne représentent-elles pas une erreur de plus?
M. Sullivan : Il est important de savoir que ce ne sont pas les premières peines minimales prévues par le Code criminel. En effet, des peines minimales sont prévues pour les infractions reliées aux armes à feu et à l'homicide. La peine minimale pour meurtre au premier degré est de 25 ans. On s'inquiète en général des erreurs judiciaires en ce qui concerne d'autres infractions assorties de peines minimales.
Je n'ai pas l'intention de minimiser l'impact d'une erreur judiciaire sur qui que ce soit. Toutefois, je crois que notre système réussit assez bien à déterminer qui est coupable et qui ne l'est pas. N'oubliez pas que jusqu'à 90 p. 100 des gens plaident coupables.
Le sénateur Ringuette : La police nous a fait part de cette statistique la semaine dernière.
M. Sullivan : On pense toujours à des erreurs judiciaires, que l'infraction soit assortie d'une peine minimale obligatoire ou non. La personne est toujours stigmatisée, même si elle est acquittée. Je connais des gens qui continuent à croire que Guy Paul Morin a participé au meurtre de Christine Jessup, même s'il a été publiquement déclaré innocent.
L'un des problèmes, c'est que les contrevenants qui possèdent de la pornographie juvénile sont souvent des gens qui n'ont pas de casier judiciaire. Ce sont parfois des membres respectés de la société — des médecins, des avocats ou des agents de police. Ce ne sont pas les genres de personnes que les tribunaux ont l'habitude de voir et lorsque le juge examine les antécédents du contrevenant, la sentence qu'il prononce tient compte du passé irréprochable et de la bonne position sociale. Les peines sont souvent inappropriées par rapport au crime.
[Français]
Le sénateur Rivest : Ma question porte sur les victimes de crimes sexuels. Il y a eu récemment au Québec une cause célèbre étant donné que la victime était très connue. Elle n'a pas cessé de dire aux médias à quel point elle avait apprécié la qualité des services policiers pour les victimes ainsi que les services du procureur de la Couronne et des autres travailleurs sociaux.
Au cours des dernières années à l'échelle du pays, avez-vous constaté une nette amélioration quant à l'accueil et le traitement réservés aux victimes de crimes sexuels lorsqu'elles s'adressent à l'appareil judiciaire?
[Traduction]
M. Sullivan : Beaucoup de progrès ont été faits dans le traitement des victimes. J'ai participé aujourd'hui à une séance de consultation sur la mise sur pied d'un nouveau fonds pour aider les victimes à participer à des audiences fédérales de libération conditionnelle. C'est une question différente, mais un autre exemple de la façon dont les gouvernements fédéral et provinciaux essaient d'améliorer les choses pour les victimes.
Le mouvement d'aide aux victimes a été lancé par des groupes de femmes qui se sont mises à parler d'agression sexuelle et de violence familiale. Les premiers centres d'agression sexuelle sont apparus dans les années 1970 et ont certainement progressé depuis. Le public ainsi que les procureurs de la Couronne et les agents de police sont véritablement sensibilisés à ce problème, sans compter que les services policiers bénéficient d'une formation accrue dans ce domaine.
Malheureusement, le signalement des infractions sexuelles reste toujours peu fréquent. Ces infractions ne sont toujours pas déclarées à la police. Le système judiciaire n'est pas toujours aimable à l'endroit des victimes d'agression sexuelle. C'est la nature de l'infraction qui met souvent en jeu deux personnes qui se connaissent, peut-être, qui se fréquentent. C'est la parole de l'un contre celle de l'autre. Il n'y a pas toujours de traces physiques de violence et il est très difficile de prouver de telles infractions, si bien que la police hésite à porter des accusations. Ce n'est pas parce qu'elle ne croit pas la victime, mais elle sait que cela ne donnera rien. Les procureurs de la Couronne sont également très prudents. Les victimes ont vu des affaires comme celle de Michael Jackson et de Kobe Bryant où les victimes sont traînées dans la boue et leur crédibilité mise en doute. Par ailleurs, malgré les progrès effectués, les victimes d'agression sexuelle sont toujours considérablement stigmatisées. Lorsqu'une femme est agressée sexuellement tard le soir, les premières questions posées sont souvent celles-ci : Que faisait-elle si tard dehors? Était-elle en état d'ébriété? Comment était-elle habillée? Ces questions sont toujours posées en 2005 et nous en sommes parfois tous coupables.
En réponse à votre question, des progrès ont été faits, mais plus d'améliorations s'imposent.
Le sénateur Pearson : Merci pour votre témoignage. Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a- t-il travaillé avec des jeunes victimes de la pornographie?
Je ne sais pas jusqu'à quel point elles sont identifiées, si elles se sont manifestées ou si vous avez des programmes prévus pour elles.
M. Sullivan : Nous n'avons pas travaillé directement avec les victimes de pornographie juvénile. L'un des gros problèmes, c'est qu'on n'en fait pas assez pour identifier les victimes. C'est un énorme défi, mais la police commence à progresser dans ce domaine.
Le sénateur Pearson : Je ne dis pas que c'est ce que vous devriez faire. Je veux savoir si d'autres centres apparaissent aujourd'hui.
Lorsque les questions relatives à l'abus sexuel des enfants ont été exposées au grand jour par le rapport Badgley sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants, toute une flopée d'organisations a commencé à travailler avec les victimes d'abus sexuel à l'égard des enfants. Je n'ai pas entendu parler d'un groupe qui se soit attelé à cette tâche gigantesque. J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai regardé les images que la police nous a fournies. Les expériences subies par ces enfants sont horribles. Je ne sais pas vers qui ils se tournent pour avoir de l'aide.
M. Sullivan : Le Service de police de Toronto est devenu un leader en ce qui concerne l'identification de ces enfants. Nous ne connaissons pas les répercussions à long terme pour un enfant qui sait que ces images sont probablement disponibles à jamais. Il n'existe aucune façon de les effacer d'Internet.
J'ai eu un entretien avec le détective Gillespie, du Service de police de Toronto. À un moment donné, ils essayaient de localiser un enfant en particulier et s'étaient entendus avec une personne susceptible de lui donner des séances de counselling au cas où il aurait été trouvé. Je vais essayer d'obtenir de l'information à ce sujet, mais je ne suis pas au courant de quelque programme que ce soit au Canada.
Le sénateur Pearson : Malgré cette nouvelle loi, c'est une question d'actualité. La policière qui a comparu devant nous nous a dit qu'il y avait près d'un million d'images sur Internet.
Il ne s'agit pas uniquement d'enfants canadiens, absolument pas. Toutefois, beaucoup d'enfants canadiens sont visés. Même s'ils tombaient plus tard sur ces images par hasard, le fait de savoir qu'une image de vous alors que vous n'aviez que trois ou quatre ans, est toujours disponible, est une situation pénible qui n'est pas près de disparaître.
M. Sullivan : En fait, le Canada dispose de lois adéquates pour mener des enquêtes et poursuivre les gens qui commettent ces crimes. Il faut peut-être améliorer les choses et la police pourrait certainement sensibiliser les gens plus que moi. Nous disposons des outils nécessaires pour mener les enquêtes. Les gens parlent de détermination de la peine, alors que ce sont les ressources qui posent le véritable problème. Malheureusement, comme vous le savez, nous n'avons pas suffisamment de ressources. Ce n'est pas un problème pour le Canada uniquement, mais aussi pour le monde entier.
Le sénateur Pearson : Je vous remercie de votre observation au sujet de l'âge du consentement. Ce qui est important dans ce projet de loi, c'est que la non pertinence de l'âge de consentement protégera les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans. C'est l'un des aspects positifs de cette mesure législative. Je suis d'accord avec vous, nous ne savons pas comment les choses se passeront au tribunal et ce sera un grand défi pour les juges.
M. Sullivan : Je suis d'accord et c'est l'un des domaines sur lesquels il faut s'attarder. Certainement, d'autres témoins au comité ont préconisé l'âge de 16 ans, ce qui est une façon plus simple de procéder, mais on risquerait de ne pas englober ceux qu peuvent être tout aussi vulnérables et victimes d'exploitation à l'âge de 15 ans.
L'autre aspect positif au sujet de cette mesure législative, c'est que l'on met l'accent sur l'intention du contrevenant ou de l'accusé. Nous n'essayons pas de dire aux jeunes que c'est illégal pour eux. Les enfants vont explorer les choses, ils l'ont toujours fait. L'accent est mis sur l'adulte et ses motivations.
Le sénateur Pearson : C'est bien.
Le sénateur Joyal : Monsieur Sullivan, j'aimerais aborder la question dans le sens inverse. Même si cela n'arrive pas souvent, nous avons déjà vu des jeunes faire de fausses allégations, pas plus tard qu'à Vancouver il y a deux ou trois semaines.
C'est pour toutes sortes de raisons et de motivations que les jeunes portent de telles accusations. Par exemple, une fille peut accuser son professeur parce qu'il n'a pas fait suffisamment attention à elle en salle de classe. De tels cas existent et vous le savez bien.
Comment faire en sorte que le droit de contre-interroger un témoin ou une victime dans ce contexte protège également les droits de l'accusé?
Le système de justice pénale doit donner la juste possibilité de rechercher la vérité. Tout comme je suis préoccupé par la majorité des véritables victimes, il faut aussi s'inquiéter des intérêts du système de justice. Il arrive que les jeunes fassent de fausses allégations et portent des accusations fabriquées de toutes pièces. Nous savons que la personne, le professeur ou l'adulte reste stigmatisé lorsqu'un jeune avec lequel il est en contact fait une telle allégation. Vous connaissez le système. La personne doit être immédiatement suspendue de ses fonctions et réintégrée après le procès. Nous savons bien quelles conséquences négatives cela peut entraîner, et cetera.
Êtes-vous convaincu que ce projet de loi assure l'équilibre en ce qui concerne les droits de la victime d'être entendue dans un contexte qui est moins traumatisant qu'une audience au tribunal? Nous savons qu'une audience au tribunal est un traumatisme pour la plupart des gens. Par contre, nous devons être convaincus que l'accusé a la capacité de se défendre.
M. Sullivan : Je suis d'accord. Récemment à Ottawa, un agent de police a été accusé d'abus sexuel à l'égard de sa belle-fille, et a été acquitté. Le juge a pris la décision inhabituelle de dire que selon lui, la belle-fille et une amie, les deux plaignantes, avaient menti. Il est assez inhabituel d'aller au-delà de l'acquittement et de déclarer dans ce cas précis l'agent de police innocent.
Vous avez raison. Cet agent de police est stigmatisé. Je suis sûr que plusieurs qui le connaissent ou qui ont entendu parler de lui croient toujours qu'il est probablement coupable de ces infractions. Que l'on parle d'infractions d'agression sexuelle ou de toute autre accusation criminelle, il faut toujours penser aux erreurs judiciaires qui n'aident certainement pas les victimes ni non plus la crédibilité du système de justice.
Tout en examinant ces propositions et en étant convaincu que, d'une part, elles permettent de faciliter le témoignage sans pour autant empiéter sur le droit ou la possibilité de quiconque de fournir une réponse et défense complètes, il faut quand même dire qu'il ne s'agit pas de nouvelles dispositions. Elles continuent dans la foulée de dispositions déjà existantes. Franchement, rien n'a jamais permis de prouver que l'utilisation d'un écran, l'interdiction pour l'accusé de contre-interroger ou le témoignage en circuit fermé ait donné lieu à une erreur judiciaire.
Comme vous l'avez dit, il y a déjà eu des erreurs judiciaires, comme en C.-B. La cause la plus célèbre vient de la Saskatchewan; ces choses arrivent et je ne crois pas que ces dispositions augmentent ce risque. Le juge a le pouvoir discrétionnaire d'autoriser les protections après avoir examiné toute l'information; c'est à lui de déterminer si elles sont nécessaires pour faciliter le témoignage. Ces dispositions sont invoquées parcimonieusement, à cause des inquiétudes que vous soulevez; en effet, il faut faire en sorte que les gens aient la possibilité de présenter une défense pleine et juste. Toutefois, en même temps, nous voulons que le tribunal tire autant parti de la preuve que du témoignage du plaignant.
Les dispositions actuelles fonctionnent sans trop empiéter sur les droits de la personne accusée. Ces dispositions les complètent. Le fait qu'un pouvoir discrétionnaire soit prévu permet d'apaiser les inquiétudes que vous soulevez.
Le sénateur Joyal : Mon autre question vise le paragraphe proposé 486(1) du projet de loi, à la page 14, la dernière partie du paragraphe. Il s'agit de l'article traitant de l'exclusion du public dans certains cas.
...si le juge ou le juge de paix... est d'avis qu'il est dans l'intérêt de la moralité publique, du maintien de l'ordre ou de la bonne administration de la justice... ou que cela est nécessaire pour éviter toute atteinte aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales...
Il s'agit ici de pornographie juvénile. Je suis abasourdi. Je sais que des exceptions sont prévues dans le domaine des relations internationales, de la défense et de la sécurité nationales, mais nous parlons ici de pornographie juvénile et non pas de terrorisme ou de relations fédérales-provinciales.
J'essaie de déterminer de quelle loi cet article provient initialement. Je suis surpris que ce changement permettra à un juge de paix d'exclure le public au cours d'une affaire de pornographie juvénile, sous prétexte qu'elle pourrait avoir un impact sur la défense ou la sécurité nationales. N'allons-nous pas un peu trop loin?
M. Sullivan : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question.
Le sénateur Joyal : Je comprendrais s'il y avait un point après « la bonne administration de la justice... » Nous convenons tous qu'on ne peut pas jeter le discrédit sur la justice. Toutefois, on parle ici de relations internationales, de défense et de sécurité nationales. Qui voulons-nous protéger?
M. Sullivan : Nous pourrions compléter ces dispositions pour faciliter le témoignage, mais, pour être franc avec vous, je n'ai pas de réponse à cette question, ce dont vous voudrez bien m'excuser.
Le sénateur Joyal : D'accord. À la lecture du projet de loi, je me suis demandé si le ministère de la Justice prévoit une telle disposition dans chaque projet de loi. Est-ce simplement une disposition standard? Je ne vois pas vraiment le rapport qui existe entre la lutte contre la pornographie juvénile et la protection de la défense nationale.
Le sénateur Pearson : Nous pourrions demander à un fonctionnaire du ministère de l'expliquer. On m'a dit que cela provient d'un article du Code criminel. Si le comité a besoin de plus amples explications, un fonctionnaire pourrait nous les donner.
Le sénateur Joyal : Le témoin déclare qu'il appuie le projet de loi si bien que je lui ai posé la question au sujet de l'article relatif à l'exclusion des témoins et des dispositifs.
Le sénateur Pearson : Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question.
Le sénateur Joyal : Je ne cherche pas à vous embarrasser, monsieur Sullivan.
M. Sullivan : Malheureusement, je ne sais pas tout.
Le sénateur Joyal : C'est la même chose pour moi. Merci, monsieur Sullivan.
[Français]
Le sénateur Nolin : Ma question a trait aux modifications qu'on a apportées aux peines. Est-ce que vous conservez des statistiques sur les victimes d'actes criminels dont vous avez la responsabilité?
[Traduction]
M. Sullivan : Quelles statistiques particulières voulez-vous?
Le sénateur Nolin : Je me demande en fait comment nous évaluons l'efficacité des peines. Allons-nous revoir cette personne dans le même contexte? À quoi sert-il d'alourdir les peines si, d'ici deux ans, nous voyons de nouveau cette personne? C'est pour cela que je voudrais que vous teniez ces statistiques.
M. Sullivan : Nous ne tenons pas de statistiques sur ces pourcentages. Nos clients sont les victimes et nous conservons de l'information sur elles ainsi que sur les personnes avec lesquelles elles entretiennent des relations suivies. Demandez-vous si une victime risque d'être de nouveau victimisée?
Le sénateur Nolin : Oui.
M. Sullivan : Bien sûr, si on devait nous recontacter, on ne tiendrait pas de statistiques à ce sujet, mais on aurait des renseignements sur cette personne. Beaucoup de nos clients ont des relations suivies avec le centre car, en général, l'infraction est de nature plus grave et la peine peut être plus longue que la moyenne.
Nous traitons fréquemment d'homicides au sein de la famille, d'agressions sexuelles avec violence et de voies de fait graves. Ce sont essentiellement nos clients, mais nous en avons d'autres qui peuvent appeler pour recevoir de l'information. Je n'aurais pas de statistiques sur une victime dont nous traitons aujourd'hui au sujet d'une agression sexuelle, par exemple, qui pourrait revenir deux années plus tard à cause d'une autre agression sexuelle. Nous n'avons pas ces statistiques.
Le sénateur Nolin : Vous ne tenez pas de telles statistiques.
M. Sullivan : Non.
Le sénateur Nolin : Vous ne pouvez pas nous dire si les modifications à la détermination de la peine que nous envisageons conviendraient, seraient justes ou efficaces.
M. Sullivan : Non, pas dans ce contexte, sénateur. Il ne faut pas oublier que si le contrevenant récidive, ce pourrait être à l'endroit d'une autre victime, si bien que nous ne le saurions pas, même si nous tenions de telles statistiques. Nous savons que les gens qui ont été victimisés courent le risque de l'être de nouveau, mais pas nécessairement par la même personne. Dans les situations de violence familiale, nous savons que les victimes courent le risque d'être victimisées par la même personne. Pour répondre brièvement, nous n'avons pas de statistiques qui indiquent que l'un de nos clients a été victimisé une nouvelle fois par la même personne.
Le sénateur Nolin : Pensez-vous qu'une peine plus lourde dissuaderait la récidive?
M. Sullivan : Comme je l'ai dit plus tôt, je ne suis pas pour les peines minimales ni non plus pour des peines plus lourdes de 10-15 ans, car personne ne s'en voit infliger, de toutes façons. Plus précisément, je ne crois pas que les peines reflètent la gravité des infractions liées à la pornographie juvénile. Ces enquêtes sont complexes pour les forces de l'ordre, prennent du temps et sont coûteuses. Une condamnation avec sursis ou une détention à domicile ne reflète pas la gravité de l'infraction.
Je ne pense pas que des peines plus lourdes soient une solution aux problèmes de la violence et des agressions sexuelles des enfants. Toutefois, il convient de se pencher sur la gravité de ces infractions et d'envoyer un message aux tribunaux. Franchement, je souhaite que les tribunaux n'aient même pas besoin de recevoir un tel message.
Le sénateur Nolin : Pourquoi est-ce important?
M. Sullivan : Il est important de faire comprendre que ce genre d'infraction est l'une des plus répréhensibles que l'on puisse commettre.
Le sénateur Nolin : Ce message renferme l'élément de peine.
M. Sullivan : Absolument. À cet égard, j'aimerais — comme tous les sénateurs, j'en suis sûr — voir plus de programmes de traitement pour les contrevenants, qui feraient partie de la peine. Non seulement y aurait-il une peine minimale de 14 jours, mais aussi des séances de counselling pour régler les problèmes. Je ne serais jamais prêt à dire qu'une peine plus lourde représente la seule solution au problème, puisqu'il existe toute une gamme de solutions. Le fait que le contrevenant dispose d'un soutien au sein de sa collectivité après sa libération est important pour les moments difficiles qu'il va connaître. Je ne dirais jamais que la peine est la seule solution, mais c'est un élément que respecte le public.
Le sénateur Nolin : Je ne propose pas que l'on se débarrasse de la peine, mais j'essaie de savoir, à partir de votre expérience, s'il serait efficace d'alourdir la peine ou d'en modifier les grandes lignes.
M. Sullivan : Je suis sûr que le greffier pourrait obtenir copie du témoignage du détective sergent Gillespie devant le comité à l'autre endroit. Il a parlé de l'expérience des policiers de Toronto où un tiers des gens dont ils se sont occupés reviennent de nouveau sur le devant de la scène. Nous savons que l'un des problèmes, c'est qu'il est difficile de détecter la pornographie juvénile la première fois. Malheureusement, personne ne regarde les gens pour savoir s'ils récidivent, et c'est la même chose dans les cas d'abus sexuel à l'endroit des enfants. Les taux officiels de récidive des délinquants sexuels d'enfants, qui sont souvent testés au bout de deux ans, ne présentent pratiquement aucun intérêt. Nous savons que les délinquants sexuels et les prédateurs d'enfants laissent passer habituellement sept années avant de récidiver. Nous savons que l'agression sexuelle est le crime le moins souvent déclaré.
Toutefois, je vois ce que vous voulez dire. Il ne faut pas intervenir parce que cela nous donne bonne conscience, mais parce que c'est la chose à faire. Il doit y avoir un juste équilibre entre la peine imposée, le traitement et le soutien communautaire.
Le sénateur Mercer : D'après le Centre canadien de ressources pour les victimes de crime, dans bien des cas, les contrevenants ont été eux-mêmes victimes d'agressions.
Comment venons-nous en aide aux victimes de crime? Leur donnons-nous des conseils pour empêcher qu'elles ne deviennent, plus tard, des agresseurs? Leur fournissons-nous une aide psychologique pour éviter qu'elles ne se transforment en agresseurs? Tout compte fait, nous allons continuer de parler des victimes qui, plus tard, deviennent des agresseurs.
M. Sullivan : Malheureusement, nous ne faisons pas assez à ce chapitre. Nous avons parlé, plus tôt, des progrès réalisés dans le domaine de l'aide aux victimes d'agressions sexuelles et de la hausse du nombre de centres d'aide au pays. Il n'y a que deux centres au Canada qui viennent en aide aux hommes victimes d'agressions : le Projet pour hommes, à Ottawa, qui s'occupe des agresseurs et des personnes qui risquent de devenir des agresseurs. Il offre un excellent programme, mais il manque de fonds. L'autre organisme est situé en Colombie-Britannique; il essaie de mettre sur pied une association nationale. Néanmoins, les services de soutien offerts aux hommes victimes d'agressions laissent à désirer. Nous savons que la plupart des agresseurs sont des hommes. La triste réalité, c'est que ces personnes, sauf si elles commettent un crime, sont peu susceptibles d'obtenir de l'aide.
D'après un article paru récemment dans les journaux, le nombre d'hommes qui s'intéressent sexuellement aux enfants est à la hausse — certes, ils ne sont pas très nombreux, mais le phénomène prend de l'ampleur, du moins dans cette région-ci. Ils cherchent à obtenir de l'aide avant de commettre une agression. Il faut énormément de courage pour faire une telle chose, car lorsque le public ou quelqu'un découvre ce fait, l'opprobre sociale devient insupportable.
Nous devons encourager ces personnes à se manifester. Il y a de nombreux pédophiles qui ne touchent jamais à des enfants, mais qui s'intéressent à ceux-ci. Ils arrivent à réprimer leur envie. Nous devons leur offrir des services de soutien afin qu'ils puissent se faire soigner en toute sécurité. Nous devons faire la même chose pour les victimes d'agressions qui risquent de devenir des agresseurs.
Le sénateur Mercer : Les gouvernements en général ne s'attaquent pas, entre autres, aux cycles de pauvreté, de criminalité et d'agression. Ces cycles sont parfois interreliés, bien que les pauvres, même s'ils sont plus vulnérables, ne soient pas les seuls à se faire agresser.
Nous devons mettre en place des programmes qui vont contribuer à briser le cycle d'agression. C'est en identifiant les victimes et en les empêchant de devenir des agresseurs que nous arriverons à briser ce cycle. Il va toujours y avoir des gens qui vont commettre des crimes sans que l'on sache pourquoi. Nous pouvons, si nous disposons d'un bon programme, repérer les victimes et briser le cycle. Malheureusement, c'est le crime qui, à bien des égards, est à la base de tout cela.
Mme Sullivan : Les femmes victimes d'agressions ont tendance à intérioriser leurs sentiments, à se faire du tort, à se placer dans des situations dangereuses, alors que les agresseurs masculins sont beaucoup plus susceptibles de s'extérioriser.
Financer les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle qui accueillent des femmes est considéré comme un geste prudent et essentiel—comprenez-moi bien, je trouve cela très important. Par contre, financer des programmes pour les agresseurs potentiels n'est peut-être pas aussi politiquement correct ou populaire. Reste que très peu d'efforts ont été déployés pour venir en aide aux hommes qui ont déjà été victimes d'agression sexuelle. Franchement, les gouvernements font preuve de réticence dans ce dossier. Ils agissent de façon presque politiquement correcte.
Le sénateur Mercer : Nous jetons l'argent par la fenêtre du fait que nous n'attaquons pas le problème de front, que nous n'essayons pas de briser le cycle d'agression. C'est en brisant ce cycle que nous arriverons à accomplir des progrès. Autrement, le phénomène ne fera que prendre de l'ampleur.
M. Sullivan : Souvent, nous attendons qu'une personne ait commis un crime et fait de la prison avant de lui venir en aide. Le milieu carcéral n'est pas toujours le meilleur endroit où soigner une personne. Parfois, il est trop tard pour intervenir de manière efficace. Nous avons, comme vous l'avez mentionné, raté l'occasion de briser le cycle.
Le sénateur Joyal : Comme vous le savez, le milieu carcéral réserve un accueil très hostile aux prisonniers de ce genre. La plupart du temps, les agresseurs d'enfants sont placés dans des ailes isolées de la prison, parce que les autres prisonniers les traitent plutôt mal.
Quand nous imposons des peines minimales, nous renforçons l'impression selon laquelle l'emprisonnement contribue à protéger la société. Or, ces prisonniers sont placés en isolement et leur réadaptation est difficile. Une fois leur peine purgée, ils quittent la prison.
Nous savons que les personnes qui agressent les enfants sont atteintes d'une défectuosité mentale. Si vous avez une dépendance à la pornographie juvénile, vous êtes une personne perverse; vous avez un problème psychologique qui doit être soigné.
Les conditions en vertu desquelles le prisonnier purge sa peine ne favorisent pas sa réinsertion sociale. Le traitement qu'il reçoit au cours de cette période est pratiquement inexistant. Il recommence ensuite le cycle de nouveau. Je ne suis pas un expert en la matière, mais c'est ce que pense le citoyen ordinaire.
Nous allons atteindre l'objectif du projet de loi, qui est de mettre un terme à la pornographie. Nous allons y arriver, il n'y a aucun doute là-dessus. Toutefois, je me pose des questions au sujet de l'efficacité de cette initiative. Je ne voterai pas contre le projet de loi, mais concrètement, que va-t-il nous permettre d'accomplir?
M. Sullivan : Je comprends ce que vous voulez dire. Je ne sais pas s'il existe une solution magique, mais l'objectif est d'imposer une peine sévère. Les contrevenants, pour la plupart, surtout en ce qui a trait à la pornographie juvénile, ne correspondent pas au profil des personnes que l'on s'attend normalement à voir en prison. Ce sont des médecins, des avocats, des gens aisés, des fonctionnaires, bref des personnes scolarisées.
Parfois, les peines imposées sont excessives et ne produisent pas l'effet escompté. Il faut justement éviter d'être trop cléments avec ces personnes. Certains soutiennent que la libération conditionnelle ne constitue pas une peine assez sévère, les agents de probation n'ayant pas les ressources nécessaires pour bien surveiller les contrevenants. Or, il faut que la peine produise un effet et que la personne soit punie. Toutefois, il ne faut pas aller trop loin, car on risque alors de soulever une contestation fondée sur la Charte et de rendre la sanction inefficace.
Bien que la sanction constitue un élément important de la peine, de la dissuasion, ainsi de suite, il faut aussi s'attaquer au comportement déviant, c'est-à-dire la dépendance continue à la pornographie juvénile. Il est impossible de traiter cette dépendance en 14 jours à l'OCDC. Les conditions dans les établissements provinciaux sont loin d'être idéales. Nous devons prévoir des services pour que ces personnes aient accès à l'aide et au soutien dont elles ont besoin pour éviter tout risque de récidive.
Le projet de loi ne réglera pas le problème de la pornographie juvénile. Il constitue toutefois une mesure de plus qui s'adresse aux jeunes contrevenants.
Le président : Monsieur Sullivan, votre exposé a été fort utile. Merci d'être venu nous rencontrer.
Le sénateur Joyal : Je tiens à présenter mes excuses au témoin. J'avais l'impression que l'article 486 se trouvait dans une partie distincte du Code, mais ce n'est pas le cas. Il figure dans la partie générale du Code qui traite de l'administration de la justice. Voilà pourquoi on y trouve les mots « pour éviter toute atteinte ». Il n'est pas question ici de pornographie juvénile. Je pensais que cet article se trouvait dans une partie distincte du Code. Je m'excuse. Je ne voulais pas vous causer de l'embarras.
Le président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre M. William Trudell, président du Conseil canadien des avocats de la défense.
Monsieur Trudell, je vous souhaite la bienvenue.
M. William Trudell, président, Conseil canadien des avocats de la défense : Honorables sénateurs, au nom du Conseil canadien des avocats de la défense, c'est, pour moi, un honneur et un privilège de vous rencontrer dans le but de discuter d'un autre projet de loi important.
Je crois parler au nom de l'ensemble de la communauté juridique quand je dis que nous comptons beaucoup sur le Sénat, en raison du rôle de gardien que vous assumez. Votre travail contribue effectivement à faire évoluer le système de justice pénale.
Nous comparaissons souvent devant le comité de la Chambre des communes. L'auditoire est différent et parfois, ils adoptent une position partisane, ce qui est normal. Nous tenons à préciser que nous jugeons cette rencontre-ci très importante. Quand nous retournerons voir nos membres, nous leur dirons, « Ne vous en faites pas. Le Sénat veille au grain. »
Tout le monde s'entend pour dire qu'il faut protéger les enfants et les autres personnes vulnérables contre ceux qui ne les respectent pas. La question que je me pose dans ce cas-ci est la suivante : est-ce que le projet de loi atteint vraiment son objectif?
Je ne veux pas laisser entendre, comme d'autres l'ont fait devant le comité de la Chambre des communes, que le projet de loi a été déposé en réaction aux arrêts Sharpe et Beattie, deux des causes les plus célèbres au Canada. À mon humble avis, les parlementaires sont beaucoup plus prudents que cela. Toutefois, on ne peut s'empêcher de réfléchir à la situation dans laquelle nous nous trouvons et à la réaction qu'elle suscite.
Cet article du Code criminel et les dispositions sur la pornographie juvénile, suite au jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sharpe, me font penser à un tableau. Le juge en chef McLachlin, dans une décision majoritaire, en a expliqué les détails, sauf que je trouve que l'art abstrait, dans ce cas-ci, n'est d'aucune utilité.
En vertu de la nouvelle définition de la pornographie juvénile, quand nous entrons dans une galerie d'art, nous devons nous poser la question suivante, « Que signifie la « disposition déclaratoire »? » D'après le Conseil, cette définition ne fait que remettre en cause les principes définis par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sharpe.
Je sais que de nombreuses personnes vont venir vous expliquer ce que signifie, pour elles, la suppression des mots importants « valeur artistique ». Nous savons tous que la définition de la pornographie juvénile va donner lieu à des interprétations et à des mesures législatives différentes dans les années à venir. Les artistes, les écrivains et les peintres, qui représentent le public, vont exprimer leurs inquiétudes à ce sujet. Tout ce que je peux dire, en tant qu'avocat, c'est que la nouvelle définition est vague. Pourquoi les mots « valeur artistique » ont-ils été supprimés du Code? Le tableau qui est exposé dans la galerie d'art a changé de sens et nous ne savons pas ce qu'il veut dire. À titre de procureur de la défense, ce qui m'inquiète encore davantage, c'est le processus qui doit être suivi jusqu'à la galerie d'art.
M. Sullivan, que je connais et que je respecte beaucoup, vous a parlé des peines minimales. Je vous invite à examiner, dans un premier temps, les peines obligatoires que prévoit le projet de loi. Ces peines ne donnent pas les résultats escomptés. Le projet de loi impose des peines obligatoires aux délinquants primaires. Or, dans les cas de conduite en état d'ébriété, par exemple, il n'y a pas de peine d'emprisonnement minimale et obligatoire pour une première infraction. Il y en a une pour une deuxième infraction, mais même dans ce cas-là, un avis doit précéder celle-ci. Les peines d'emprisonnement obligatoires vont entraîner des effets en cascade énormes.
D'abord, il va y avoir encore plus de procès. Si la personne qui ne correspond pas au profil de l'accusé habituel se retrouve devant un tribunal et se voit infliger une peine d'emprisonnement, il va y avoir un procès. Comme il n'y a rien qui incite ces contrevenants à plaider coupable, il va y avoir encore plus de procès, et de nombreux tribunaux sont déjà aux prises avec un arriéré important. Cette situation ne fera qu'exacerber le problème.
Les juges vont avoir les mains liées. Ils ne pourront accorder des libérations conditionnelles ou des condamnations à l'emprisonnement avec sursis si des peines obligatoires sont prévues. Celles-ci sont décriées dans presque tous les procès au pénal, que ce soit au Parlement ou par les groupes de revendication particuliers.
Les condamnations à l'emprisonnement avec sursis découlent de l'article 718 du Code criminel, qui précise que les personnes ne doivent pas être incarcérées inutilement. La condamnation à l'emprisonnement avec sursis équivaut à une peine d'emprisonnement, mais elle permet au juge d'en adapter les conditions, ce qui fait qu'un contrevenant peut, par exemple, suivre un traitement, ainsi de suite. Ce changement va créer de sérieux problèmes dans le système de justice pénale. Je vous demande de l'examiner de près.
J'ai lu la transcription de certains témoignages donnés devant le comité. Les juges ont fait l'objet de critiques. Ces derniers ne peuvent parler pour eux-mêmes, et mon rôle ici n'est pas de les défendre, mais il est injuste de laisser entendre que les juges ne voient pas l'ensemble du tableau. Nous demandons aux juges d'accomplir un travail très difficile. Ils ne pourront le faire s'ils ont tenus d'imposer des peines obligatoires.
Les peines obligatoires existent aux États-Unis, mais nous voulons pas, ici, d'une grille de condamnation. Le système de justice pénale au Canada met l'accent sur la justice réparatrice, l'approche communautaire. Or, ces dispositions ne cadrent pas avec ce système.
Les avocats de la défense vous encouragent à revoir de plus près le principe des peines obligatoires. Elles ne donnent pas les résultats escomptés.
Il y a de nombreuses années, le vol de voitures était considéré comme l'infraction la plus grave qui pouvait être commise. Des peines obligatoires étaient prévues. La formule n'ayant pas fonctionné, ils ont créé l'infraction de « prise d'un véhicule sans consentement ». Ensuite, ils ont imposé une peine d'emprisonnement obligatoire de sept ans pour l'importation de stupéfiants. Cette mesure s'est avérée inefficace. La Couronne a donc décidé d'intenter des poursuites pour possession de drogues en vue d'en faire le trafic et non aux fins d'importation, pour éviter l'imposition d'une peine obligatoire.
Nous risquons peut-être d'aller trop loin en ne remettant pas en question l'habilité du témoin à témoigner. Un juge devrait toujours avoir le pouvoir de déterminer si un témoin, peu importe son âge, comprend les questions et est en mesure d'y répondre.
Dans l'ensemble, nous voulons tous protéger les personnes vulnérables, mais sauf votre respect, ce projet de loi ne fait qu'encourager la tenue de procès. Il constitue un recul. Or, nous voulons tous une société plus sécuritaire.
Le sénateur Mercer : L'imposition de peines minimales suscite également chez moi des inquiétudes. Le problème, c'est que plusieurs juges ont tendance à être trop « cléments » lorsqu'ils imposent des peines en vertu du régime actuel.
À votre avis, est-ce que ces juges vont avoir tendance à acquitter l'accusé au lieu de lui imposer une peine moins sévère? Est-il possible que l'idée d'imposer une peine minimale à une personne reconnue coupable les rendent mal à l'aise, étant donné qu'ils n'avaient pas l'habitude de le faire avant que la règle régissant l'imposition de peines minimales ne voie le jour?
M. Trudell : Puis-je être franc et direct?
Le sénateur Mercer : Absolument.
M. Trudell : Je pratique le droit criminel depuis 32 ans. À mon avis, les juges cléments sont plutôt rares. Franchement, c'est plutôt l'inverse qui m'inquiète.
Les juges ne peuvent parler pour eux-mêmes, mais la tâche la plus difficile qu'ils doivent accomplir, c'est de trouver la peine qui convient. Il ne faut pas oublier que les peines imposées par les juges peuvent, dans de nombreux cas, être examinées par des tribunaux supérieurs.
Aujourd'hui, avant même qu'un procès n'ait lieu, nous avons ce que nous appelons la gestion d'instance et la tenue de conférences préparatoires au procès. Ces démarches vous permettent d'avoir une idée de ce que le juge prévoit imposer comme peine. Toutefois, si le procureur de la Couronne n'est pas satisfait d'un juge en particulier, il n'acceptera pas qu'un plaidoyer soit négocié devant celui-ci.
Dire que les juges sont trop cléments tient de l'anecdote. Franchement, je m'excuse, mais je ne suis pas d'accord avec les policiers et les témoins qui disent que les juges sont trop cléments. C'est faux. Pourquoi le sont-ils? Les gens ne se retrouvent-ils pas en prison? Est-ce là la réponse?
Les juges doivent prendre en considération les principes de détermination de la peine avant de prendre une décision. Un juge peut imposer une condamnation à l'emprisonnement avec sursis, et il se peut que quelqu'un trouve cette peine trop clémente. Toutefois, la condamnation à l'emprisonnement avec sursis équivaut bel et bien à une peine d'emprisonnement.
Je ne sais pas s'il va y avoir un plus grand nombre de procès, car les juges doivent prendre en considération tous les principes de détermination de la peine et les appliquer. Certains juges hésitent à envoyer des gens en prison, alors que d'autres le font plus facilement; toutefois, dans les deux cas, ils se fondent sur les principes qu'il convient d'appliquer.
Sauf votre respect, sénateur, il est faux de dire qu'il y a un trop grand nombre de juges cléments. Comme le public, aujourd'hui, suit leur travail de plus près, les juges tiennent compte, surtout dans des cas comme ceux-ci, des points de vue exprimés par celui-ci. Mais je ne suis pas ici pour représenter les juges.
Le sénateur Mercer : Vous représentez le Conseil canadien des avocats de la défense, qui est une autre composante du système. L'imposition de peines minimales semble compliquer votre travail, ou celui de vos membres : vos options, lorsque vous négociez une peine pour votre client, sont considérablement réduites du fait de l'existence de ces peines. Or, les peines minimales existent et sont sans doute plus sévères que celles que vous auriez souhaité négocier pour un délinquant primaire en vertu des circonstances actuelles.
M. Trudel : Mon travail, en tant qu'avocat de la défense, est de faire en sorte que mon client ne revienne pas devant le tribunal. Mon rôle ne consiste pas à proposer une solution de fortune et à passer à autre chose. Je dis à chacun de mes clients, « Je ne suis pas ici parce que vous avez besoin de moi aujourd'hui, mais parce que vous aurez besoin de moi dans un an ». Voilà ce que fait l'avocat de la défense. Nous représentons la société, pas juste l'individu. Nous sommes des fonctionnaires judiciaires. Nous voulons faire en sorte que cette personne reçoive de l'aide. Nous ne représentons pas uniquement l'accusé; nous représentons sa famille, ses enfants, ses voisins. Nous sommes censés trouver des solutions au problème. Or, quel est le problème? L'alcoolisme? La dépendance à la pornographie? La disparition d'un réseau de soutien? En tant qu'avocat de la défense, je dois résoudre tous les problèmes pour éviter que la personne ne revienne devant le tribunal. Je ne veux pas qu'elle revienne.
Pour ce qui est des peines obligatoires, je ne veux pas que mon client fasse de la prison. Cela n'apporte rien au système de justice pénale. Si vous l'emprisonnez pendant 10 jours, un an, qu'arrivera-t-il? Il ne participera à aucun programme de traitement. Vous avez déjà abordé la question. Il va être enfermé et maintenu en isolement en raison du type d'infraction qu'il a commise. Il va être gardé en isolement, purger sa peine et sortir. Aussi bien installer un ordinateur à sa place parce que le juge ne peut régler le problème. Celui-ci reste entier. Vous ne faites que le mettre dans la pièce d'à-côté pendant trois ou six mois. Ces mesures vont satisfaire certaines personnes, qui pensent que nous ne sommes pas assez sévères, mais elles ne régleront en rien le problème.
Le sénateur Mercier : Il y a d'autres personnes qui doivent être prises en compte, c'est-à-dire les victimes. La Couronne et la société sont elles aussi des victimes, et elles vont s'attendre à ce que ces mesures donnent des résultats.
M. Trudel : C'est là le rôle du système de justice pénale. Si à mon retour à la maison, ce soir, j'apprends que ma fille de huit ans a été victime d'une agression, je vais sans doute dire, « Où est-il? » Je vais me choquer et réagir de façon émotive. Je vais peut-être chercher à me venger, mais nous avons un système de justice pénale indulgent qui intervient dans le processus. Je ne le trouve pas assez sévère, mais cela ne règle en rien le problème. Nous ne vivons pas dans ce genre de société. Nous avons un système de justice pénale. Il y a également des victimes qui sont très prudentes et qui croient en la justice réparatrice. Elles souhaitent que la personne prenne ses responsabilités et qu'elle soit peut-être punie. Vous n'entendez pas parler de toutes les victimes qui disent, « Je ne veux pas que cette personne aille en prison; je veux qu'elle obtienne de l'aide. Je ne veux pas qu'elle recommence. »
Il y a de nombreuses victimes qui ne souhaitent pas que leurs agresseurs soient emprisonnés. La justice réparatrice au Canada suit son cours. Si vous avez une victime qui dit que ce type doit être emprisonné et puni, votre rôle en tant que membre de la société, procureur de la Couronne, juge, avocat de la défense, est de dire que tel est le système que nous avons. La personne va être punie. Elle va devoir payer sa dette à la société. Il doit y avoir un équilibre. Savons- nous que la victime a elle-même été agressée dans son enfance? Savons-nous que cette victime, quand elle s'est levée ce jour-là, a perdu sa fille ou son emploi? J'ai lu la transcription. Il est facile pour les gens de citer des noms comme Brier et Bernardo.
Je ne suis pas ici pour défendre M. Bruyere, mais il a des antécédents. Il est facile de dire qu'il a regardé des photos pornographiques, qu'il est sorti et qu'il a commis un crime terrible. Il a commis un crime, mais sa personnalité s'est développée au fil des ans. Il est facile de supprimer la pornographie sur Internet, qui a peut-être joué un rôle catalyser dans le cas de Brier, mais le problème sous-jacent existe depuis des années.
[Français]
Le sénateur Rivest : Je partage vos sentiments sur les peines minimales. Ma compréhension du droit criminel, c'est qu'on établit les crimes, mais il y a toujours un accusé, une preuve et des circonstances particulières. Il me semble que d'établir des sentences mur à mur, sans égard aux conditions particulières de la preuve ou du crime et de la liberté est au centre de notre processus judiciaire; c'est le bon jugement du juge et vous l'avez souligné. Est-ce qu'une clause de sentence minimale — il y en a pour d'autres crimes dans le Code criminel — est constitutionnelle eu égard à la Charte des droits et libertés, au fait qu'un individu doit avoir un procès juste, équitable, donc relié à sa condition personnelle, à la nature de l'infraction et aux circonstances? Croyez-vous qu'il y a un terrain pour contester constitutionnellement la validité d'une telle clause de sentence minimale?
[Traduction]
M. Trudell : Une personne peut être condamnée à la prison pour une deuxième infraction de conduite avec facultés affaiblies parce qu'elle conduisait en état d'ébriété. La peine, bien qu'elle ait fait l'objet d'une contestation, est jugée constitutionnelle. Toutefois, dans le cas de pédophilie, le prisonnier est gardé en isolement, ce qui pose des problèmes.
Je m'attends à ce que l'imposition d'une peine cruelle et inhabituelle fasse l'objet d'une contestation aux termes de la Constitution, parce que la personne ne purgerait pas sa peine au sein de la population carcérale générale. La peine de 14 jours que recevrait la personne condamnée pour une telle infraction serait beaucoup plus difficile à purger que le serait une simple peine de 14 jours au sein de la population carcérale générale.
En deux mots, nous entreposons les délinquants et créons un autre climat de danger. J'ai été saisi du dossier d'une personne qui s'était vue imposer une peine minimale obligatoire pour une première infraction. Il aurait pu y avoir matière à contestation si la personne avait eu des problèmes ou des antécédents, mais il m'a été impossible de fournir cette explication au juge, d'autant plus que cela l'aurait aidé à appliquer les principes de détermination de la peine en vertu de l'article 718 du Code criminel.
Que la contestation aboutisse ou non, la peine va être contestée parce que cela fait partie de notre travail. Nous avons pour mandat de représenter l'accusé et le système. Le système de justice pénale va s'en trouver affaibli. Les juges vont être très frustrés parce que, souvent, ils vont se rendre compte que le contrevenant a besoin de suivre un programme de traitement à l'Institut Clarke, par exemple, sauf qu'ils ne pourront insister pour qu'il le reçoive en raison d'une loi adoptée par le Parlement.
Les peines minimales ne donnent pas les résultats escomptés. Dans le cas de la conduite en état d'ébriété, les peines minimales ne fonctionnement pas. Toutefois, les vidéos et les dispositifs de verrouillage obligatoires dans les voitures sont plus utiles que les peines d'emprisonnement. Une peine minimale de 14 jours ne change rien à la situation.
[Français]
Le sénateur Rivest : Le ministre de la Justice qui est venu témoigner a dit que lui-même ne croyait pas aux sentences minimales, mais que la chose existait dans ce projet de loi pour des raisons purement parlementaires. Il l'a très bien expliqué. D'ailleurs, des études du ministère de la Justice indiquaient que cela ne fonctionnait pas pour des fins de combattre la criminalité. Il a dit que dissuader n'avait aucun impact.
[Traduction]
M. Trudell : Pourquoi existe-t-elle? Pour la forme? Sommes-nous en train de créer une loi pour apaiser un auditoire limité?
Sauf votre respect, je ne critique pas ceux qui ont des vues sur la question, les policiers, par exemple, et qui ont comparu devant le comité.
J'ai lu le témoignage qu'ont donné les représentants de l'Association canadienne des chefs de police, quand ils ont comparu le 23 juin. Ils ont laissé entendre que le comité directeur national n'avait pas consulté les policiers. Je fais partie de ce comité, et ce qu'ils ont dit est faux.
Le comité directeur en est à ses débuts. Les policiers ont raison pour ce qui est des consultations. Ils soutiennent que les juges ne comprennent pas. En l'absence de données empiriques, si le ministre de la Justice dit qu'elle ne donne pas de résultats, si l'expérience montre qu'elle ne fonctionne pas et que nous savons qu'elle va embourber les tribunaux, pourquoi l'accusation de possession de matériel pornographique existe-t-elle? C'est incroyable — on publie l'accusation à la une et on inscrit immédiatement le contrevenant dans le registre des délinquants sexuels.
De nombreuses commissions ont dit, il y a 30 ans, que, dans certains cas, l'accusation elle-même suffit. Dans ce cas- ci, compte tenu du climat émotif qui entoure le dossier de la pornographie juvénile, la personne arrêtée pour une telle infraction est automatiquement considérée comme un pédophile. Il est important de donner aux policiers les outils dont ils ont besoin pour mener des enquêtes et intenter des poursuites. Il ne faut pas simplement balayer le tout sous le tapis et faire comme si de rien n'était. Cela ne fonctionne pas. Nous le savons. Alors, pourquoi existe-t-elle?
Le sénateur Pearson : Nous avons entendu les témoignages données devant le comité de la Chambre des communes. Vous pouvez en tirer les conclusions que vous voulez.
On peut parler des peines obligatoires de manière générale. En ce qui me concerne, personne, au sein de ce comité, n'est à l'aise avec le principe des peines obligatoires, même si certains vont le nier. Tous les sénateurs au sein du comité s'entendent là-dessus.
Nous pourrons, dans cinq ans, mesurer l'impact de la loi. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée selon laquelle la dénonciation et la dissuasion doivent, dans ces cas-ci, constituer la considération primordiale des tribunaux.
Monsieur Trudel, vous avez parlé de la personne qui pourrait être détenue tout simplement parce qu'elle était en possession de pornographie juvénile. Il pourrait y avoir de nombreux cas de ce genre. Nous avons également entendu dire que certains de ces contrevenants sont des multirécidivistes. Manifestement, la dissuasion n'a pas fonctionné dans ces cas-là. Il existe un grand nombre d'agresseurs, ce qui complique les choses. Nous avons des photos qui donnent une image tout autre de l'infraction, parce que ce sont des enfants et des bébés qui sont les victimes d'agressions dans ce cas-là, et ce, pour toujours. Ces photos ne pourront jamais être effacées du système.
On ne peut comparer cette infraction à une condamnation pour conduite en état d'ébriété. J'avoue que j'ai appuyé ce projet de loi, mais pas le principe des peines obligatoires.
Si le projet de loi est adopté, quels sont les aspects que vous aimeriez voir examinés au cours de cette période de cinq ans? Quels sont les éléments qui vont nous permettre d'établir que la loi est efficace? Qu'elle entraîne des conséquences négatives? Quels sont les aspects que vous aimeriez voir examinés?
Des études connexes vont être réalisées. Nous voulons essayer de voir quelle sera la situation dans cinq ans. Quels sont les aspects qui devraient faire l'objet d'une évaluation suivie?
M. Trudel : J'allais demander aux honorables sénateurs de considérer la possibilité de tenir un examen dans trois ans au lieu de cinq ans. Cinq ans, c'est long. Le projet de loi C-36 a fait l'objet d'un examen au bout de trois ans.
Supposons que le projet de loi est adopté et qu'il fait l'objet de discussions afin de déterminer si les peines obligatoires sont efficaces et si les juges peuvent, d'une façon ou d'une autre, exprimer indirectement leur frustration au motif qu'ils ne peuvent imposer des programmes de traitement et s'occuper de chaque contrevenant de manière précise.
Le sénateur Pearson : J'aimerais vous interrompre et vous poser une question parce que vous êtes un expert en la matière.
Nous savons que les programmes de traitement au niveau provincial relèvent des provinces. Il n'y a rien dans le projet de loi qui dit que le gouvernement fédéral peut imposer un programme de traitement. Est-ce exact?
M. Trudel : Oui.
Le sénateur Pearson : Dans le cas d'une condamnation à l'emprisonnement avec sursis, vous pouvez exiger, comme condition, que la personne suive un traitement.
M. Trudel : Dans presque tous les cas, ce serait une condition.
Le sénateur Pearson : Savons-nous si ce traitement existe? Dans une certaine mesure, c'est l'une des questions qui revient le plus souvent. Je fais allusion ici à l'absence de ressources.
M. Trudel : L'absence d'établissements pour les personnes qui sont atteintes d'un handicap mental et qui doivent se soumettre aux procédures du système de justice pénale constitue, au Canada, un problème de taille.
Quand j'ai commencé à pratiquer le droit il y a 30 ans, le Clark Institute of Psychiatry à Toronto avait un service de médecine légale. Il comptait un grand nombre d'employés et était très occupé. Ce service n'existe plus. Si nous voulons nous attaquer au problème de la criminalité, si nous voulons parler de justice réparatrice comme l'a fait le comité dans le cas du projet de loi sur les jeunes contrevenants, nous devons prévoir des outils et du financement non seulement pour aider les policiers à faire leur travail, et ils ont besoin de ces ressources pour lutter contre des actes criminels qui sont très complexes, ainsi de suite, mais également pour faire en sorte que les gens aient accès à des programmes de traitement.
Le gouvernement fédéral ne devrait pas être en mesure de mettre en place une loi, et ensuite de refuser d'accorder des fonds aux premiers ministres qui en font la demande.
Pour revenir à votre question, advenant l'imposition d'un régime de peines obligatoires, je voudrais savoir non seulement s'il est efficace — et nous ne le saurons jamais — mais aussi quels incidences il a sur le système.
Je pense qu'il va y avoir un arriéré encore plus grand, des juges sans doute frustrés, des personnes qui sont agressées en prison, des récidivistes. Ce sont tous des éléments sur lesquels vous allez vouloir vous pencher.
Il faut également déterminer si les mesures qui visent à protéger les témoins vulnérables dans le système de justice pénale fonctionnent, parce que nous sommes en train, à bien des égards, de nous éloigner du système accusatoire. Il est vrai que chaque fois qu'une personne témoigne, le juge doit être convaincu que cette personne comprend les questions et qu'elle peut y répondre. Voilà un autre point qu'il faudrait examiner.
Bien sûr, dans cinq ans, nous allons vouloir nous pencher sur la définition de la « pornographie juvénile », sauf que c'est la Cour suprême du Canada qui va être saisie du dossier à ce moment-là parce que les personnes intelligentes que vous allez entendre vont vous parler du caractère vague de cette définition.
Franchement, on ne peut pas dire qu'il y a eu un dialogue entre la Cour suprême du Canada et le Parlement. Le Parlement a dit à la Cour suprême du Canada, « Nous n'aimons pas ce que vous avez dit dans l'arrêt Sharpe. Nous allons mettre fin au dialogue. » Toutefois, il va y avoir un dialogue dans quelques années.
Le tableau accroché dans la galerie d'art, si je peux utiliser cette terrible analogie, la peinture abstraite, soulèvera toujours des interrogations, mais les couloirs de la galerie d'art, c'est-à-dire le processus suivi, devront faire l'objet d'une évaluation au bout de trois ans pour voir s'ils sont bien conçus.
Le sénateur Pearson : Ce sont-là des questions intéressantes.
M. Trudell : Je sais que vous avez vu les photos. En tant que procureur de la défense, de la Couronne, nous voyons des photos tout le temps. Nous voyons des photos des autopsies qui sont pratiquées. Nous trouvons cela répugnant. C'est incroyable. D'où ces photos sortent-elles? Nous réagissons toujours avec dégoût quand nous voyons ce genre de choses.
Sauf votre respect, je me demande comment je vais expliquer à mes enfants le principe du mariage entre conjoints de même sexe. Comment vais-je expliquer à mes enfants les festivités qui entourent la journée de fierté des lesbiennes et des gais? Je peux trouver certaines de ces manifestations dégoûtantes et me demander, qu'est-ce qui se passe? Nous devons trouver un moyen de vivre en société et d'expliquer certaines de ces choses.
Le sénateur Joyal a dit qu'il regarde la télé entre 17 heures et 19 heures. Eh bien, entre 17 heures et 19 heures, partout au pays, vous pouvez ouvrir la télé et voir des scènes de nudité. L'émission Sex in the City passe à 19 heures. Certaines des chaînes diffusent des émissions incroyables qui sont choquantes et dégoûtantes. Ce n'est pas aussi dégoûtant que ce que nous voyons ici, mais nous devons prendre un peu de recul et situer les choses dans leur contexte.
Le sénateur Pearson : Je suis d'accord, mais ce qui me préoccupe, c'est l'infraction commise sur un enfant.
M. Trudell : Il n'y a aucun doute là-dessus.
Le sénateur Pearson : Ce n'est pas la même chose qu'une infraction portée contre un adulte qui participe à une activité consensuelle, ou autre chose du genre.
M Trudell : C'est inacceptable, inimaginable, mais nous devons nous pencher là-dessus et nous attaquer à ce problème de façon équilibrée.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Le Code criminel actuel a été révisé pour la dernière fois en 1954; il n'y a donc pas eu de sentence obligatoire pour les questions de pornographie et d'abus sexuels durant les 51 dernières années. Nous savons que seulement 50 p. 100 des accusés écopent de sentences d'emprisonnement et qu'il y a eu un taux très élevé de récidivisme.
La sentence conditionnelle ne semble pas avoir produit les effets escomptés afin de corriger le problème. Puisque nous avons un processus de révision dans cinq ans, ne peut-on pas donner le mandat de sentence obligatoire et que ce soit revu après ne période de cinq ans?
Lorsque vous nous indiquez que les juges sont frustrés, ne croyiez-vous pas que la population l'est aussi de voir les statistiques grimper sur le plan de la pornographie et des abus sexuels et de constater que les sentences conditionnelles ne nécessitent pas d'emprisonnement?
C'est facile de dire que les juges seront très frustrés, d'une part et, d'autre part, de ne pas comprendre à quel point la population est frustrée de la situation actuelle en ce qui a trait au taux de récidivisme.
Je viens d'une petite communauté. Il y a certainement des cas chez nous où des curés ont été accusés après de nombreuses années et ne sont jamais allés en prison. La population a des doutes et jase, mais puisque monsieur le curé joue au golf avec des amis de la paroisse, ce ne serait pas très bien vu pour l'Église.
Tout cela fait que la population devient très frustrée. Bien sûr, les juges seront très frustrés pour les cinq prochaines années, mais la population est aussi très frustrée depuis 50 ans du fait que le système actuel ne fonctionne pas.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'on n'a pas tous les outils. Mais d'un autre côté, rien dans le projet de loi n'empêche un juge d'ordonner que la personne qui va en prison reçoive un traitement et soit suivie par des professionnels.
[Traduction]
M. Trudell : Je ne sais pas si les juges vont être frustrés, mais il pourrait être frustrant d'être obligé de suivre les principes de détermination de la peine qui sont énoncés dans le Code criminel, et de trouver une solution juste et équitable sans bénéficier d'une certaine marge de manœuvre pour le faire. Nous leur demandons d'imposer une peine qui tient compte des besoins du contrevenant.
Vous parlez de frustration au sein de la population. Dans bien des cas, les gens réagissent aux manchettes relatant des cas spectaculaires ou des choses qui se sont produites dans leur communauté. Nous ne réussissons pas très bien à renseigner la population au sujet du système de justice pénale.
Je n'irais pas jusqu'à dire que la population est frustrée à ce propos depuis 51 ans. Les choses évoluent extrêmement vite au sein de notre société et nous essayons de suivre le rythme. Je ne crois toutefois pas que l'on puisse soutenir d'une manière générale que le système ne fonctionne pas, et les statistiques vont dans le sens de mon affirmation. Il y a beaucoup de cas regrettables, mais le système fonctionne bien. Où sont les données empiriques qui indiquent les sentences obligatoires donnent de bons résultats? Je n'ai constaté aucun fait qui indiquerait que le système ne fonctionne pas et que la population est frustrée. Je pense que les gens sont plutôt satisfaits du système de justice pénale, pour autant qu'on se donne la peine de leur en expliquer le fonctionnement. Cependant, lorsque des gens qui font partie du système disent que les juges sont trop mous et que le système est inefficace, cela contribue à créer un climat de peur et à mettre des bâtons dans les roues aux comités comme le vôtre.
À mon humble avis, le système fonctionne très bien, même s'il ne dispose pas de ressources financières suffisantes. J'estime que les gens ont tendance à réagir en fonction des causes les plus abominables.
Je me souviens avoir entendu Mme McLellan, l'ancienne ministre de la Justice, déclarer qu'elle ne modifierait pas la loi tant qu'elle n'aurait pas réussi à rassembler tous les intéressés pour connaître leur point de vue, parce qu'elle avait entendu des versions différentes des procureurs de la couronne, des avocats de la défense et de la police. Nous voulons tous défendre nos propres intérêts.
Si vous avez des raisons de croire, d'après ce que les gens vous disent, que le fait d'emprisonner des gens nuira au système plutôt que de l'aider, pourquoi alors vouloir adopter cette loi une réviser au bout de cinq ans? Pourquoi ne pas convenir dès maintenant que ce n'est pas la solution? Nous pouvons certes nous montrer plus créatifs.
Les récidivistes doivent être incarcérés. Je ne demanderai jamais à un juge de permettre à un récidiviste de se laisser aller à une nouvelle incartade. C'est tout à fait ridicule. L'article 718 précise que l'incarcération doit être nécessaire. Une sentence conditionnelle est une sentence d'emprisonnement avec sursis à purger dans la communauté. Les inculpés restent à la maison et ces sentences sont, dans une certaine mesure, soumises à l'œil scrutateur du public.
Le sénateur Ringuette : Vous avez fait valoir que le système de justice pénale n'avait pas fourni de données empiriques à l'appui de ce projet de loi. Disposez-vous de telles données pour étayer votre position?
M. Trudell : Non. Selon moi, il n'existe aucune preuve concrète indiquant que les sentences obligatoires règlent les problèmes, et même le ministre de la Justice semble être de cet avis. J'ai à cœur la lutte au crime tout autant que vous, mais rien ne nous indique que les sentences obligatoires permettent de prévenir le crime et de réhabiliter les délinquants. Si nous nous contentons de mettre les gens en prison, nous ne réglons pas le problème. Nous créons plutôt toutes sortes de problèmes pour les tribunaux provinciaux de tout le pays. Il y aura de plus en plus de procès et de délestage. Bon nombre des infractions ont été hybridées de telle sorte que les procès auront lieu devant les cours provinciales, plutôt que devant les tribunaux supérieurs. Nous serons alors aux prises avec un problème de gestion des ressources.
Je me suis peut-être mal exprimé, j'en suis désolé. Je parlais de données empiriques pouvant démontrer que les sentences obligatoires donnent de bons résultats; je ne voulais pas laisser entendre que les juges sont trop cléments.
Le sénateur Ringuette : Pour revenir à votre remarque concernant la frustration des juges, je pense que leur mandat consiste en premier lieu à entendre la preuve et à rendre un verdict; la détermination des peines est l'étape secondaire de leur travail.
M. Trudell : Tout à fait.
Le sénateur Ringuette : Nous nous comprenons bien.
Le sénateur Milne : Monsieur Trudel, vous avez relevé deux éléments qui vous posaient problème avec ce projet de loi et je partage vos préoccupations à cet égard. Il y a tout d'abord ses définitions trop vagues et le fait qu'on ait supprimé la défense fondée sur la valeur artistique. Il y a aussi les sentences obligatoires.
L'obligation de procéder à un examen quinquennal me rassure un peu. Il faut bien savoir que cette obligation prévue dans le projet de loi ne signifie pas qu'il faille attendre cinq ans. Le ministre de la Justice peut procéder à un examen quand bon lui semble. S'il n'est pas d'accord avec ce projet de loi-ci, je suis persuadée qu'il agira un peu plus rapidement, c'est du moins ce que j'espère.
Le sénateur Rivest : Je ne suis pas certain que ce soit le cas.
Le sénateur Milne : Si jamais les sentences obligatoires ne fonctionnent pas et font grimper le nombre de procès, je crois que vous avez laissé entendre que les procureurs de la Couronne pourraient porter des accusations sous d'autres chefs afin d'échapper à cet aspect obligatoire. Quelles autres formes pourraient prendre ces accusations en pareil cas?
M. Trudell : Nous n'avons pas encore été confrontés à de telles situations. Je parlais de choses qui se sont déjà produites dans le passé. Lorqu'une peine d'emprisonnement obligatoire était prévue pour le vol de voiture, le système ne fonctionnait pas. Nous avons alors commencé à dire que l'accusé avait « pris une auto sans consentement ». Les gens plaidaient alors coupables à cette accusation.
Le sénateur Milne : Utilisez donc également votre imagination dans ce cas-ci. Il est assez difficile d'imaginer une façon de présenter les choses différemment.
M. Trudell : C'est difficile parce que c'est une situation tellement unique et en tout point effroyable. Nous devrons composer avec des problèmes d'ici à ce nous ayons trouvé une autre forme d'accusation.
Peut-être la couronne pourrait-elle renoncer à intenter de poursuites à l'égard des accusations déposées. Le problème c'est que les sentences d'emprisonnement sont obligatoires. D'ici à ce qu'un procureur de la Couronne et un avocat de la défense dénichent une solution créative, il y aura des procès dans des situations où on pourrait l'éviter. Les coûts sont si élevés pour ce qui est des accusations pouvant être portées et des conséquences pour des gens qui sont innocents, qui commettent une erreur et qui aboutissent sur de tels sites dans Internet en une seule occasion. Il y a beaucoup de subjectivité qui entre en jeu quant aux accusations pouvant être portées.
Le sénateur Ringuette : Je ne pense pas qu'une personne sera appréhendée pour une seule visite sur Internet.
M. Trudell : J'espère bien que vous avez raison, mais dans trois ou cinq ans d'ici, je suis persuadé que nous verrons tous les deux les choses autrement. Je vous prie de me croire; il y a aura de nombreuses accusations subjectives qui n'auraient jamais dû être portées.
La présidente : Il y aura un examen parlementaire dans cinq ans. Si notre comité décide de revoir cette loi dans un an ou deux, nous pourrons le faire; il s'agit d'un examen parlementaire.
Le sénateur Rivet : Est-ce que le ministre va suivre notre conseil?
La présidente : Nous verrons bien.
Le sénateur Rivet : Bonne chance.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à la question de la valeur artistique. Je remercie le sénateur Milne d'avoir soulevé ce point. C'est l'un des aspects les plus importants de ce projet de loi. Je suis d'ailleurs surpris que vous n'en ayez pas parlé davantage. J'aimerais le faire en vous donnant des exemples concrets.
Il y a deux semaines, j'ai reçu un catalogue international de la maison de vente aux enchères Christie's. Il ne s'agit certes pas d'une entreprise qui vend des magazines au contenu douteux. À l'article 384 de ce magazine, on peut voir l'illustration d'un pendule en bronze fabriqué au 18e siècle. Au sommet, il y a un bronze représentant un jeune enfant de deux ou trois ans qui touche la poitrine d'une femme. En vertu de l'article 6 de la loi actuelle, cela ne pose aucun problème, car on peut parler de valeur artistique; c'est une œuvre d'art.
Le Musée des beaux-arts du Canada expose actuellement une peinture d'un artiste célèbre de la Renaissance qui est intitulée « Allégorie de Vénus et Cupidon ». On peut y voir une femme nue et un enfant de sept, huit ou neuf ans que l'on aperçoit de dos et qui touche, lui aussi, la poitrine de la femme. Je ne veux pas être trop prude, mais on peut voir la « région anale » de l'enfant. En invoquant la défense fondée sur la valeur artistique, cela ne pose pas problème. Il y a effectivement une valeur artistique.
Nous nous retrouvons maintenant dans une position différente par rapport à ce genre d'œuvre d'art. Il faut désormais prendre connaissance du nouvel article 6. Il y a également une autre peinture; la femme qu'on y voit touche le pénis du jeune enfant. Si je suis propriétaire de ces peintures, je devrai me soumettre à un test en vertu des articles 151 et 152 proposés.
M. Trudell : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Il s'agit de déterminer si je détiens ces œuvres dans un but légitime et si cela entraîne des risques inconsidérés. Peut-être bien que si j'ai seulement le pendule sur la tablette de ma cheminée, le risque n'est pas si élevé. Cependant, si je possède un certain nombre d'œuvres d'art de ce genre, de telle sorte que c'est le thème dominant qui ressort de ma décoration intérieure, je deviens une personne à risque.
Cette définition n'est pas neutre.
Le sénateur Milne : Que se passe-t-il si vous lisez Roméo et Juliette?
Le sénateur Joyal : C'est dans la transcription. Si j'ai Pretty Baby ou Lolita dans mon salon, je serai soupçonné d'être obsédé par ce genre d'œuvres et je pourrais faire l'objet d'accusations en vertu de ce projet de loi. Je devrai prouver que je suis justifié de posséder ces œuvres.
Je sais que mon exemple est extrême, mais c'est tout de même la réalité. Ces œuvres d'art sont là; elles sont visibles. Tant et aussi longtemps que la valeur artistique peut être invoquée comme argument de défense, cette situation serait acceptable suivant les normes de la société canadienne actuelle. À une autre époque, les choses étaient différentes. Comme vous le savez, il y a 50 ans, il aurait été interdit de suspendre dans une pièce un tableau représentant une femme nue. Comme l'a indiqué le sénateur Ringuette, les normes sociales étaient différentes.
Vous avez dit que les normes avaient changé. Toutefois, ce nouvel article soulève des questions à cet égard. Nous sommes bien intentionnés. Nous voulons faire la lutte à la pornographie infantile et je souscris totalement à cet objectif. Cependant, l'ajout de ces deux conditions nous obligera à prouver deux choses : premièrement, que le but est légitime et, deuxièmement, qu'il s'agit de pornographie et cela relève de l'application de la loi. C'est une autre étape.
M. Trudell : Je n'ai pas consacré beaucoup de temps à cette question, parce que je sais quels témoins ont déjà été entendus par votre comité. Monsieur le sénateur, supposons que vous avez ces œuvres d'art chez vous et que vous décidez d'organiser une visite de votre domicile pour des écoliers de passage sur la Colline. Une fois chez lui, un des enfants dénonce la situation. Sans parler d'éventuelles accusations qui signifieraient la fin de votre carrière, y aurait-il un risque inconsidéré de causer des torts à ces enfants?
Pourquoi n'est-il pas question dans le projet de loi de « valeur artistique », l'expression utilisée dans le Code criminel qui a été interprétée par le juge en chef? Nous devons déterminer le sens de l'extrait suivant :
[...] but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts.
Je me dois de donner une réponse en ma qualité d'artiste ou d'écrivain. Il s'agit d'une définition étrange, confuse et beaucoup trop large qui sera contestée jusqu'à la Cour suprême du Canada. La même question sera posée parce que la liberté d'expression figure parmi les droits les plus fondamentaux que détiennent les Canadiens.
Nous devons trouver le juste équilibre à cet égard; le libellé actuel du projet de loi cause des problèmes parce qu'il laisse le champ libre à quiconque souhaite déposer une plainte ou une accusation. Il est possible que je pense qu'il s'agit d'une œuvre d'art et qu'un agent de police ne soit pas du même avis.
Même si je n'y ai pas consacré beaucoup de temps, c'est une situation qui me préoccupe beaucoup. Pourquoi ce projet de loi ne parle-t-il pas de valeur artistique, laquelle est à la base de la liberté d'expression?
Ces termes ont été supprimés. Pour quelle raison? Nous ne voulions pas les inclure dans le projet de loi parce que la Cour suprême nous avait donné la signification de « valeur artistique ». On ne parle pas ici d'un dialogue avec la Cour suprême du Canada, mais c'est comme si on disait qu'on n'est pas d'accord avec la décision rendue dans l'arrêt Sharpe, ceci dit très respectueusement.
Le sénateur Joyal : Je parlerai de la disposition touchant le voyeurisme après l'intervention du sénateur Pearson.
Le sénateur Pearson : Les exemples donnés par le sénateur Joyal ne sont pas couverts par la définition actuelle de « pornographie infantile ». Le but visé n'est pas d'ordre sexuel. Ces images n'ont pas été créées principalement dans un but sexuel — pour inciter les gens à se livrer à des actes qui constituent des crimes à l'encontre des enfants. La question de la défense n'entre pas en jeu parce qu'il n'y a pas d'infraction commise.
Le sénateur Joyal : Je vais vous lire l'alinéa 7(1)b) :
b) de tout écrit, de toute représentation ou de tout enregistrement sonore qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans qui constituerait une infraction à la présente loi;
Les peintures sont une représentation visuelle et elles préconisent une activité sexuelle. Une personne touche la poitrine et l'autre touche le pénis. Si ce ne sont pas des actes sexuels, je me demande bien de quoi il s'agit.
Le sénateur Pearson : Il s'agit de la définition actuelle, qui est tout à fait juste.
Le sénateur Joyal : L'alinéa 7(1)b) dit : « qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans ». Si vous vous demandez si on préconise une activité sexuelle, lisez les articles 151 et 152.
M. Trudell : La Cour d'appel de l'Ontario a tranché dans l'arrêt Beatty, où il fallait déterminer s'il était implicite que l'activité sexuelle était préconisée et conseillée. La Cour a conclu qu'il fallait lire l'arrêt Sharpe pour déterminer que c'était implicite, ce qui fait que la décision Beatty a été contestée et sera soumise à la Cour suprême du Canada.
Le sénateur Pearson : Le projet de loi n'apporte aucun changement à cet égard parce que c'est la définition actuelle de « pornographie infantile ». La seule modification réside dans l'ajout de « sonore ».
Le sénateur Joyal : Toutefois, il y avait la possibilité d'invoquer comme défense la valeur artistique. Tant que cet argument de défense existait, ces œuvres étaient exclues, même si elles représentaient une activité sexuelle entre un enfant et un adulte.
Le sénateur Pearson : L'expression « enregistrement sonore » est nouvelle.
Le sénateur Joyal : En lisant l'ensemble de l'article, on constate qu'il permet une défense à ce titre. Le nouvel article proposé concerne le voyeurisme.
M. Trudell : C'est l'article 162.
Le sénateur Joyal : Oui. Lorsque le ministre a comparu devant nous avec ses collaborateurs, nous n'avons pas eu le temps d'examiner cet article. Cette approche du voyeurisme est très alambiquée si l'on tient compte du fait qu'il faut servir le bien public. La décision à cet égard relève d'une question de droit. La définition de « bien public » n'est pas donnée dans le contexte d'une infraction de voyeurisme. Il incombe au juge de déterminer si une telle infraction pourrait servir le bien public.
Êtes-vous préoccupé par l'interprétation qui pourrait être faite de cet article?
M. Trudell : C'est un article qui me préoccupe, tout comme certains autres articles. C'est plutôt vague, mais dans le paragraphe 162(1) proposé, je constate une dichotomie inhérente ou un conflit possible. L'alinéa 162(1)c) proposé stipule que : « L'observation ou l'enregistrement est fait dans un but sexuel ». Au sous-alinéa 7(1)b) du même article, on indique : « les motifs du prévenu ne sont pas pertinents ». Que doit-on comprendre?
Si on veut vraiment s'attaquer à ce problème grave, je crois qu'il faut considérer que cet article proposé est trop vague et comporte trop d'incohérences. Nous avons des préoccupations à l'égard de plusieurs autres articles, mais je pourrais faire part de celles-ci au comité par écrit.
Le sénateur Nolin : Je voudrais vous parler de votre argument voulant que certains articles du projet de loi C-2 contreviennent à l'article 12 de la Charte.
J'aimerais faire appel à votre expérience pour aider le comité à mieux comprendre de quelle manière vous structurez votre argumentation lorsque vous mettez en doute la validité du projet de loi en soutenant qu'il entre en conflit avec la Charte. Peut-être serons-nous ainsi mieux en mesure de formuler des recommandations si nous en arrivons à la conclusion que ce projet de loi n'atteint pas son objectif d'être plus sévère avec ces contrevenants et de réduire le nombre de crimes de ce genre. Comment procédez-vous à cette fin lorsque vous soulevez une question légitime?
M. Trudell : Un des articles stipule que la diffusion de matériel pornographique à des fins lucratives constitue une circonstance aggravante. Nous avons prévu des circonstances aggravantes, comme le fait que l'infraction soit motivée par des considérations raciales, dans l'article 718. La vulnérabilité de la victime pourrait également être considérée de la même façon.
Si je veux structurer mon argumentation en fonction de la Charte, je dois penser à l'article 1. Je dois me demander si la Couronne sera en mesure de soutenir que la loi est justifiable en vertu de l'article 1, même si elle peut contrevenir par ailleurs à la Charte. Pour en arriver là, je devrai chercher à savoir ce qui se passe ailleurs. Je me pencherais sur les délibérations qui ont cours ici, sur les conventions de Genève, sur les traitements disponibles et sur la manière dont les différents prisonniers peuvent être traités. Je m'efforcerais de rassembler les données empiriques pour faire valoir que, dans les circonstances actuelles, le public pourrait accepter le fait que la justification n'est pas démontrable en vertu de l'article 1.
Le sénateur Nolin : Comme vous le savez peut-être, lorsque nous présentons les résultats de notre travail au Sénat, il arrive parfois que nous incluions certaines observations. Dans nos observations concernant ce projet de loi, il est possible que nous souhaitions insister sur l'importance de notre travail à ce chapitre, et faire valoir ce que nous voulons et les raisons pour lesquelles nous le désirons, en gardant à l'esprit l'article 1 de la Charte. C'est dans ce sens que votre témoignage prend toute son importance.
M. Trudell : Nous voulons vraiment sévir.
Le sénateur Nolin : « Sévir » n'est pas le terme qui convient. Nous voulons que la loi soit efficace.
M. Trudell : Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Nolin : Le raccourci n'est généralement pas la bonne solution. Nous savons tous que la loi n'est qu'un des outils de l'ensemble de ceux qui sont disponibles à l'intérieur du cadre stratégique. Nous le comprenons et nous l'acceptons; nous voulons toutefois que cet outil législatif soit efficace.
M. Trudell : C'est peut-être un lieu commun, mais nous n'arrivons pas à bien renseigner la population en général au sujet de la justice pénale. Si les gens savaient comment fonctionne le système de justice pénale, s'ils connaissaient les sentences conditionnelles, s'ils étaient au courant des tentatives pour se montrer plus sévère, s'ils entendaient parler de l'article 718, nous pourrions probablement être plus efficaces dans notre travail.
Nous devons donner à la police les outils nécessaires pour procéder à ces enquêtes. Les services de police doivent bien faire leur travail dès le départ, plutôt que de prendre des raccourcis, pour que des accusations puissent être portées. Cependant, si les policiers ne font pas confiance au système, s'ils croient que les juges sont trop mous et que la Charte leur nuit dans leur travail, on se retrouve avec un système qui est remis en question par certains de ces principaux intervenants et cela ne fonctionne tout simplement pas.
La présidente : Pour retirer de ce projet de loi les sentences minimales obligatoires, il faudrait le modifier et le renvoyer à la Chambre des communes. Qu'adviendrait-il s'il était défait en Chambre?
M. Trudell : Un de ces jours, je pourrais faire valoir le fait que vous l'avez renvoyé dans un plaidoyer devant le tribunal. Je regrette d'avoir à le dire, parce que je crois que ces sentences ne fonctionnent tout simplement pas, mais si l'on est préoccupé, comme le sénateur Ringuette l'a indiqué, par le cas des récidivistes, pourquoi ne pas les rendre obligatoires à compter de la deuxième infraction, avec préavis? C'est une solution équilibrée qui permettrait de faire passer le message. C'est ce qu'on fait pour les conducteurs aux facultés affaiblies.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Trudell. Nous sommes heureux d'avoir pu discuter de ces questions avec vous aujourd'hui.
La séance est levée.