Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 18 - Témoignages du 7 juillet 2005
OTTAWA, le jeudi 7 juillet 2005.
Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour étudier le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.
L'honorable Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Nous allons débuter la réunion aujourd'hui sur le projet de loi C-2, qui est un projet de loi qui modifie le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.
Avant de présenter nos témoins, j'aimerais mentionner que nous avons été informés que le sénateur Andreychuk va agir comme vice-présidente du comité.
[Traduction]
Sénateur Andreychuk, aimeriez-vous être vice-présidente permanente ou seulement pendant que le comité étudie le projet de loi C-38?
Le sénateur Andreychuk : La présidence me l'a demandé parce que personne d'autre ne pourra être présent aux réunions, et nous voulons nous assurer que le comité de direction puisse faire son travail de façon efficace, c'est pourquoi je vous rencontrerai aujourd'hui au comité de direction. J'y serai même si nous parlons d'autres sujets.
La présidente : Devons-nous adopter une motion à cet effet?
M. Adam Thompson, greffier du comité : Je suis en train de rédiger la motion appropriée. Puisque nous ne savons pas si c'est une mesure permanente, je vous suggèrerais le libellé suivant : qu'en l'absence du sénateur Eyton, le sénateur Andreychuk soit autorisée à le remplacer à titre de vice-présidente du comité.
Le sénateur Andreychuk : Je ne crois pas que ce soit couvert par le Règlement, mais c'est maintenant officiel que la présidence m'a demandé de siéger au comité de direction. Le sénateur Eyton demeurera vice-président, mais, officiellement, je parlerai au nom de la présidence. Cela devrait suffire.
La présidente : Vous présidez déjà un autre comité.
Le sénateur Andreychuk : Aucun règlement ne l'interdit, ce n'est donc pas un problème. Par contre, il n'est pas nécessaire de remplir toute cette paperasse, et je m'engage à être présente pour discuter de toutes les questions relevant du comité de direction.
La présidente : Bien.
Le sénateur Joyal : Je propose la motion.
La présidente : D'accord et adoptée.
Ce matin, nous allons entendre des témoins du ministère de la Justice du Canada, soit Mme Catherine Kane, Mme Carole Morency et Mme Lisette Lafontaine.
Nous aurons une discussion d'une heure, puis nous allons passer à l'étude article par article, si c'est le souhait du comité. Je suis sûre que chacun a lu l'article sur le projet de loi C-38 paru dans le Globe and Mail hier, et j'ai hâte d'entendre ce que les gens auront à dire à ce sujet, surtout en ce qui concerne le mérite artistique et la seconde lacune du projet de loi — les nouvelles sentences minimales pour crimes sexuels, et cetera. Madame Morency, je vous demanderais de nous dire ce que vous pensez de cet article.
Mme Carole Morency, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Si le comité n'a aucune objection, tous les trois nous allons tenter d'aborder certaines questions auxquelles les témoins qui ont comparu devant le comité n'ont pas répondu.
Nous allons parler des peines dans ces cas, de la définition de « pornographie juvénile » et de la façon dont sera appliquée la nouvelle défense fondée sur le but légitime. Nous allons parler de la façon de rendre les témoignages plus faciles dans les cas évoqués, et nous allons également toucher aux mesures nouvelles ou retravaillées, ainsi qu'au changement réel proposé en vertu de la Loi sur preuve au Canada. En conclusion, nous allons discuter de toutes les questions relatives à la défense pour ce qui est des infractions reliées au voyeurisme, et y répondre.
Je vais parler des sentences dans les cas d'exploitation des enfants en mettant l'accent sur la pornographie juvénile. Je tenterai de résumer et d'inclure quelques témoignages entendus au Comité de la justice dans l'autre endroit sur précisément les mêmes questions.
D'abord, le sergent détective Paul Gillespie des Services policiers de Toronto, qui est à la tête de l'Unité des crimes sexuels, a comparu devant le Comité de la justice de la Chambre des communes et a parlé de ce sujet. Cette unité est celle qui a probablement la plus grande expérience dans le domaine de la pornographie juvénile au Canada. Au cours des trois dernières années, les représentants de cette unité nous ont appris que 130 personnes ont été arrêtées et accusées d'infractions liées à la pornographie juvénile. Environ les deux tiers de ces cas ont été réglés.
Le sergent détective Gillespie a dit que dans environ la moitié des cas, le contrevenant a reçu une peine avec sursis, une détention à domicile ou une période de probation. Les autres contrevenants auraient été emprisonnés ou auraient reçu un autre type de peine. Il a dit qu'à Toronto seulement, il y a eu cinq ou six cas de récidive en matière de pornographie juvénile. Il a dit qu'à sa connaissance les plus longues périodes d'incarcération pour possession de 2 000 à 3 000 images de pornographie juvénile étaient de six à neuf mois pour une première infraction. Il a ajouté que la peine maximale infligée était de trois ans pour un individu qui avait en sa possession un million d'images.
L'inspectrice-détective Angie Howe a comparu devant le comité à propos du projet de loi C-2. Elle dirige le service de pornographie juvénile de la Police provinciale de l'Ontario. Elle a indiqué que dans un cas récent, une personne a été arrêtée pour une troisième infraction de pornographie juvénile. Lors de ses deux infractions précédentes, dont l'une était une infraction avec contact, cette personne a reçu une peine avec sursis. L'inspectrice-détective Howe a indiqué que cela se produit constamment. En ce qui concerne le nombre d'enfants victimisés par ce genre de crime, on évalue qu'environ un million d'images différentes existent sur Internet dans le monde et que jusqu'à 100 000 enfants différents en sont les victimes.
On a demandé le nombre de cas traités et les résultats. Statistique Canada conserve ce genre d'information statistique. Le Centre canadien de la statistique juridique a publié un bulletin Juristat en avril 2005, intitulé Les enfants et les jeunes victimes de crimes avec violence. Le rapport donne un aperçu des nombreuses infractions commises contre les enfants, et en se fondant sur la Déclaration uniforme de la criminalité, il constate qu'en 2003, les autorités ont accusé 166 personnes de production et distribution de pornographie juvénile. Le gros de ces cas concerne la possession, mais la référence dans les statistiques est de 166 personnes pour ce qui est de la production et de la distribution. Quatre-vingt- dix-neuf pour cent des contrevenants sont des hommes et la majorité est âgée entre 25 et 54 ans. Les données concernant les tendances présentées par le Juristat indiquent une augmentation par huit du nombre d'incidents de pornographie juvénile signalés au cours de la période de 1998 à 2003. En 1998, il y a eu 20 accusations et en 2003 il y en a eu 159.
En ce qui concerne les peines infligées, le Juristat indique que 52 p. 100 des contrevenants qui ont été accusés et condamnés pour distribution ont reçu une probation et 33 p. 100 ont reçu une peine d'emprisonnement. Le taux de condamnation en 1999 était de 41 p. 100. En 2001, ce taux est passé à 58 p. 100 et il est demeuré relativement stable depuis.
L'inspectrice-détective Angie Howe a remis au comité un rapport de 2005 intitulé, Child Pornography Prossessors Arrested in Internet-Related Crimes.
L'étude a examiné les cas traités, et les constatations sont conformes à ce que nous considérons être le cas au Canada. On y examine 1 713 arrestations de personnes qui possédaient de la pornographie juvénile obtenue sur Internet. Ils ont constaté que la quasi totalité des contrevenants était des hommes, 91 p. 100 étaient de race blanche et 86 p. 100 avaient plus de 25 ans. Seulement 3 p. 100 avaient moins de 18 ans. Quatre-vingt pour cent des contrevenants dans ces cas possédaient des images qui représentaient des scènes réalistes de pénétration sexuelle. Un contrevenant sur cinq, soit 21 p. 100, possédait également des images qui représentaient des scènes saisissantes de violence sexuelle à l'endroit des enfants, comme le ligotage, le viol et la torture, y compris des images mettant en scène d'assez jeunes enfants.
D'après l'examen de ces cas, on a déterminé que 40 p. 100 des personnes arrêtées pour possession de pornographie juvénile étaient des personnes ayant commis une infraction mixte; il existait des preuves selon lesquelles ils avaient commis une infraction sexuelle avec contact. Le sommaire indique que 96 p. 100 des personnes qui possèdent de la pornographie juvénile ont été condamnées ou ont plaidé coupables et 50 p. 100 d'entre elles ont été incarcérées. Le taux de 59 p. 100 d'incarcérations est similaire à celui présenté dans le Juristat de Statistique Canada.
Cela vous donne une idée de la façon dont on traite certains cas de pornographie juvénile au Canada. Dans la moitié des cas, la peine la plus grave infligée est une peine avec sursis ou une probation. Ces témoignages ont été présentés devant le comité de l'autre endroit. Comme le ministre l'a dit, c'est la raison pour laquelle on a proposé des amendements concernant les peines minimales obligatoires.
La présidente a parlé hier de l'éditorial du Globe and Mail concernant les peines minimales obligatoires. Je tiens à rappeler au comité les propos du ministre sur ces questions. Il a indiqué que le gouvernement préférait ne pas proposer de peine minimale obligatoire mais plutôt de conserver les peines proposées par le projet de loi initial.
Un certain nombre de réformes proposées visent à donner suite aux préoccupations exprimées concernant les peines infligées à l'heure actuelle dans ces cas. Un certain nombre d'amendements ont été apportés pour accroître les peines maximales, y compris un amendement bien reçu destiné à accroître la peine maximale pour ces infractions par procédure sommaire afin qu'elle passe de 6 mois à 18 mois. Le gouvernement a également proposé un amendement important au projet de loi C-2 afin de considérer comme circonstance aggravante le fait qu'une personne comment une infraction de pornographie juvénile dans le dessein de réaliser un profit.
Le projet de loi C-2 propose de codifier une pratique que nous constatons dans les cas où les enfants sont victimes de violence et de mauvais traitements. Cette proposition est importante parce qu'elle modifie les objectifs de détermination de la peine prévus par le Code criminel et ordonne aux tribunaux, dans les cas d'un mauvais traitement d'un enfant, d'envisager la dénonciation et la dissuasion.
À mon avis, il s'agit d'un changement qui n'a pas pleinement été reconnu par certains des témoins qui ont comparu ici, mais il s'agit d'un changement important. Comme le ministre l'a dit, le gouvernement préfère, et lui-même préfère, donner suite à ces préoccupations à l'aide de ces amendements. Le comité de l'autre endroit a entendu des témoignages indiquant qu'il n'était pas suffisant d'appliquer la dénonciation et la dissuasion de ce type de comportement si les peines infligées dans la moitié des cas sont des peines avec sursis ou une probation.
L'étude du profil du pornographe faite aux États-Unis résume les facteurs qui motivent ceux qui possèdent la pornographie juvénile. Comme je l'ai déjà dit, nous pouvons tous convenir que nous disposons de peu d'indications à cet égard, mais les cas traités nous fournissent certains renseignements. Grâce à la recherche et à l'expérience, l'étude détermine quatre éléments de motivation. Le premier groupe est le plus évident : ceux qui ont un intérêt sexuel envers les enfants, qu'ils soient très jeunes, prépubères ou adolescents. Le deuxième groupe se compose de personnes qui ne font aucune discrimination sur le plan sexuel, ce qui signifie qu'elles sont constamment à la recherche de stimulations sexuelles nouvelles et différentes. Le troisième groupe est le groupe qui est curieux sexuellement et qui télécharge quelques images pour satisfaire sa curiosité. Le quatrième groupe se compose de personnes intéressées à tirer un profit financier de la vente d'images ou de l'installation de sites Web où il faut payer pour y avoir accès. Le projet de loi C-2 tel qu'il est présenté vise ces quatre groupes.
Selon d'autres indications disponibles, l'efficacité du projet de loi tel qu'il a été présenté suscite toujours des réserves. Le Sénat et l'autre endroit conviennent que nous devons uniformément condamner ce comportement.
Cela dit, nous avons certaines indications des peines imposées dans ces cas. Le ministre a indiqué que l'on avait deux choix : adopter un projet de loi sur la protection des enfants, qui prévoit certaines peines minimales obligatoires, ou ne pas avoir de projet de loi du tout. Compte tenu du fait que la protection des enfants a toujours été une grande priorité du gouvernement et est au cœur du projet de loi, l'option était donc d'accepter le projet de loi avec des peines minimales obligatoires.
Les peines minimales obligatoires prévues par le projet de loi C-2 se rangent dans deux catégories. L'une concerne le type d'infractions qui s'apparentent au proxénétisme. Elles sont très semblables aux seules peines minimales obligatoires prévues à l'heure actuelle dans le Code criminel pour les cas d'abus sexuel d'enfants. À l'heure actuelle, le Code criminel renferme une disposition, le paragraphe 212(2.1) qui prévoit que vivre des produits de la prostitution d'une jeune personne est une infraction grave. Cette disposition est prévue par le Code criminel depuis 1997.
Le projet de loi C-2 propose quatre autres infractions semblables à celle prévue par cette disposition du Code criminel : un parent qui amène son enfant à commettre des actes sexuels interdits; un maître de maison qui permet sciemment des actes sexuels interdits avec un enfant; une personne qui vit des produits de la prostitution d'un juvénile; et enfin, une personne qui cherche à obtenir les services sexuels d'un prostitué juvénile.
L'autre groupe de peines minimales obligatoires proposées par le projet de loi C-2 traite de la pornographie juvénile et de trois infractions particulières concernant des contacts sexuels avec des enfants prévues aux articles 151, 152 et 153.
Le Code criminel prévoit à l'heure actuelle 29 peines minimales obligatoires et l'une traite de l'exploitation sexuelle des enfants, les autres, des armes à feu, de meurtres, de conduite en état d'ébriété, et cetera. Nous n'avons pas beaucoup d'indications au Canada sur la façon dont fonctionnent ces peines minimales obligatoires et quels en sont les résultats; bien que dans la mesure où nous avons certaines indications, il semble que ces peines aient une certaine influence positive en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété et les armes à feu.
Le ministère de Justice a publié, par l'intermédiaire d'un entrepreneur indépendant, une étude sur les peines minimales obligatoires aux États-Unis. Cette étude a examiné la politique de la Californie dite « three strikes, you are out, » qui prévoit des sanctions pour les récidivistes. Il s'agissait d'infractions très importantes et de peines minimales obligatoires très importantes. Cette étude a également examiné les infractions concernant les armes à feu et les stupéfiants, et en particulier des minimums obligatoires très élevés dans le cas des infractions concernant les stupéfiants aux États-Unis, ainsi que dans le cas de la conduite en état d'ébriété.
Selon toutes les études, il y a des raisons de penser que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas et peuvent causer certains problèmes. Par contre, elles semblent avoir certaines conséquences positives, mais il est toujours difficile d'un côté ou de l'autre de la question de souligner un facteur déterminant en particulier. Nous devons faire une analyse plus générale.
Par exemple, en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété, les campagnes de sensibilisation du public ont eu des incidences positives. Il est difficile pour qui que ce soit d'indiquer que les résultats positifs proviennent surtout de la campagne de sensibilisation et n'ont des peines minimales obligatoires imposées en cas de conduite en état d'ébriété. Si j'attire votre attention sur cet aspect, c'est que, comme le ministre l'a dit, il est toujours préférable de laisser un certain pouvoir discrétionnaire au juge qui se penche sur les faits et les circonstances du cas dont il est saisi. Cependant, cela dit, les peines minimales proposées par le projet de loi C-2 sont plutôt faibles. Par exemple, lorsque vous avez une peine maximale de 18 mois suite à une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, selon ce que propose le projet de loi C-2, la peine minimale obligatoire est de 14 jours. C'est un point de départ. Cela n'empêche pas un tribunal d'imposer un traitement ni à l'accusé de demander un traitement. Que l'accusé soit emprisonné pendant 14 jours, six mois ou même deux ans, il sera difficile d'assurer un traitement complet. On ne peut pas forcer la personne à subir le traitement, même si ce traitement est disponible dans les pénitenciers fédéraux et provinciaux.
Dans les cas de pornographie juvénile où un accusé est condamné à l'emprisonnement avec sursis, à l'incarcération ou à la probation, l'une des conditions prévues est que l'accusé doit se prévaloir du traitement que lui recommande son agent de probation.
Une question dont le comité a été saisi la semaine dernière, et qui a été signalée dans l'éditorial d'hier, porte sur la façon dont la nouvelle définition proposée de pornographie juvénile et la nouvelle défense proposée de but légitime fonctionneront et les répercussions qu'elles auront dans l'exemple précis donné au sujet de la liberté d'expression artistique.
La semaine dernière, le comité a entendu le témoignage de Charles Montpetit qui a fourni au comité des renseignements très utiles à propos d'une partie de son travail.
Malheureusement, je n'ai pas trouvé le livre dans les deux langues officielles et je n'ai par conséquent qu'un exemplaire de ces deux volumes. J'ai présenté au greffier une histoire qui se trouve dans le livre et je l'utiliserai dans l'exemple de la façon dont fonctionneront les réformes proposées. Je ferai la comparaison avec le projet de loi C-2 et la décision Beattie rendue par la Cour d'appel de l'Ontario.
Les membres du comité devraient avoir une copie de l'extrait de l'histoire qui se trouve dans le livre publié sous la direction de M. Montpetit. Je n'ai pas l'intention de la lire en entier, mais je signale qu'il s'agit d'un récit de W.P. Kinsella qui raconte son passage à l'âge adulte et sa première expérience sexuelle lors de sa dernière année d'études secondaires. Il a eu cette première expérience sexuelle avec sa petite amie qui était quelques années plus jeune que lui. L'histoire ne renferme aucun détail scabreux ou suggestif. Il s'agit essentiellement d'une histoire sur le passage à l'âge adulte et le type d'exemple que je voulais vous donner dans mes remarques pour indiquer que cela ne correspond pas à la définition générale proposée de pornographie. Elle ne possède pas comme principale caractéristique la description d'une activité sexuelle illégale. Ce n'est pas la principale caractéristique du récit. Dans la mesure où il y a une description, et les membres du comité constateront probablement qu'il n'y a rien à y redire, cette description n'est pas faite dans un but sexuel.
Par contraste, et pour vous donner une idée de la description un peu plus scabreuse que la définition plus générale proposée par le projet de loi C-2 vise à englober, j'ai remis au comité un exemplaire de la décision rendue par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Beattie. La décision a été rendue publique le 8 avril 2005.
Je peux confirmer au comité que l'accusé dans ce cas demande l'autorisation d'interjeter appel de cette décision auprès de la Cour suprême du Canada. Je tiens à prévenir le comité et les membres que les extraits repris dans ce jugement de certaines des 33 histoires que cet individu est accusé de posséder en tant que pornographie juvénile sont assez choquants. Il vous sera peut-être pénible de les lire, mais j'ai fourni ces documents au comité pour faire valoir mon argument. En particulier, les paragraphes 6 à 13 présentent des extraits de ces histoires que cet individu est accusé de posséder. Elles sont assez choquantes. Elles décrivent en détail toutes sortes d'activités sexuelles avec de très jeunes filles, souvent aux mains de leur père et elles sont décrites comme étant normales. Les enfants dépeignent dans ces histoires ce genre d'abus sexuels et y prennent plaisir, et indiquent qu'il s'agit d'un comportement normal de la part des pères en particulier à l'endroit de leurs enfants.
La caractéristique dominante des histoires dans ces paragraphes est la description d'activités sexuelles illégales avec des enfants. Ces descriptions peuvent être interprétées comme étant « à des fins d'ordre sexuel » d'une manière qui, selon l'interprétation de la Cour suprême du Canada, visent raisonnablement à susciter une stimulation sexuelle chez certains observateurs.
Surtout, et je l'ai lu pour le compte rendu la semaine dernière, en ce qui concerne les paragraphes 14 et 15 du jugement, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré que ces histoires transmettent deux messages très clairs : tout d'abord, que les enfants sont toujours prêts pour ce genre d'expériences sexuelles et ont un appétit sexuel insatiable et qu'ils y prennent plaisir lorsque ces expériences sont douloureuses et accompagnées de violence. Deuxièmement, ces histoires transmettent le message, même si cela est contraire à toutes les dispositions du Code criminel, et tout le monde serait d'accord là-dessus aujourd'hui, selon lequel les parents ou les pères ont couramment des relations sexuelles avec leurs enfants et que c'est un comportement normal que nous devrions encourager. C'est donc la raison pour laquelle le projet de loi C-2 propose une définition élargie des produits imprimés de pornographie juvénile.
Vous avez devant vous deux idées très différentes. Dans un cas on soutient que les histoires décrites dans le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario ont une valeur artistique. Cela est difficile à faire, mais dans l'affaire Sharpe, il a été acquitté pour ses écrits, ses histoires, qui semblent correspondre avec ce que nous avons devant nous ici, parce qu'ils ne correspondaient pas à notre définition existante du verbe « préconiser » ou « conseiller ». C'est effectivement la question qui se trouve au cœur de la décision Beattie. Nous devons demander si ces écrits préconisent ou conseillent. Autrement, M. Sharpe aurait pu invoquer la défense de la valeur artistique. Il a convoqué des témoins, des spécialistes qui ont persuadé le tribunal que ses histoires avaient une valeur artistique. Elles témoignaient d'une technique et d'un style littéraire. En fonction de ces arguments, le tribunal a déclaré que M. Sharpe aurait pu invoquer la défense de la valeur artistique.
Le projet de loi C-2 ajoute une deuxième strate à cette analyse. Il propose un moyen de défense fondé sur le but légitime, qui prévoit entre autres qu'il n'y a pas infraction si le matériel a un but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts. Même si l'on jugeait que les histoires dont je viens de parler au comité et sur lesquelles a porté la décision de la Cour d'appel de l'Ontario témoignaient d'une valeur ou d'une technique artistique quelconque, le prochain critère devrait faire partie du nouveau moyen de défense fondé sur le but légitime, à savoir si ces descriptions posent un risque indu pour les enfants.
Pour revenir à ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'arrêt Sharpe, nous savons comment les adeptes de pornographie juvénile utilisent ce matériel. Ils s'en servent pour préparer et séduire les victimes. Ils s'en servent pour susciter des distorsions cognitives et pour inciter les contrevenants à commettre des infractions sexuelles, des infractions avec contact. Il est difficile de faire valoir cet argument en fonction du premier exemple que je vous ai donné dans l'extrait de livre et il n'est absolument pas difficile de le faire valoir en fonction de la description que je viens de remettre au comité.
L'éditorial indique que l'on porte atteinte indûment à la liberté d'expression artistique et que les types d'exemples cités dans ce cas à mon avis, l'exemple du passage à l'âge adulte, les autres exemples ne sont même pas visés par la définition, et même dans les cas qui se trouvent dans une zone grise, et il y a toujours une zone grise, le moyen de défense fondé sur le but légitime est disponible pour le matériel qui répond aux critères en deux étapes fondés sur le risque.
J'ai l'intention de lancer la discussion sur ces questions après que mes collègues auront pris la parole.
Mme Catherine Kane, avocate-conseil/directrice, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice Canada : Les témoins qui ont comparu devant le comité ont soulevé plusieurs questions en ce qui concerne les dispositions que nous catégorisons comme facilitant les témoignages, et celles qui réforment la Loi sur la preuve au Canada. Parfois, on les utilise de façon interchangeable, mais les dispositions destinées à faciliter les témoignages des enfants sont des amendements au Code criminel. Les autres amendements sont des amendements à la Loi sur la preuve au Canada et traitent de la façon dont on reçoit les témoignages des enfants dans le cadre d'une procédure.
Pour ce qui est de faciliter les témoignages, ce sont là des dispositions qu'applaudissent tous ceux qui cherchent à aider les enfants lors de procédures au criminel. Ce sont de grandes améliorations, parce qu'elles aideront un enfant témoin dans n'importe quelle procédure, pas seulement s'il s'agit de pornographie infantile ou d'infractions sexuelles contre des enfants. Elles amélioreront grandement la situation pour les enfants et le système judiciaire.
Quiconque a été témoin ou victime vous dira que ce n'est pas une expérience agréable, même quand on a très peu d'intérêts dans le processus. Il est intimidant. Il est bizarre et étrange pour les gens, et encore plus pour les enfants. Au fil des années, nous avons apporté diverses réformes à ces dispositions pour essayer d'alléger quelque peu cette atmosphère tout en protégeant les droits des accusés. Nous n'avons jamais outrepassé nos limites.
Au fil de ces modifications, depuis 15 ou 18 ans, il y a une disposition du Code criminel, l'article 486, qui a été modifié tellement souvent qu'il a maintenant 27 paragraphes et tout une liste d'alinéas.
Tout cela crée de la confusion. Avec tout cela, il y a toute une gamme de dispositifs différents, assortis de différents critères d'application et de différentes normes d'admissibilité.
Dans le projet de loi C-2, nous avons complètement refondu l'article. Le projet de loi C-2 fait quatre choses pour améliorer ces dispositions. Les 27 paragraphes sont réorganisés en sept articles spécifiques qui traitent de tous ces aspects séparément. Par exemple, on y traite de l'exclusion du public de la salle d'audience, de personnes de confiance pour appuyer les témoins, de témoignage par télévision en circuit fermé ou derrière un écran, et des restrictions sur le contre-interrogatoire du témoin par un accusé qui se défend lui-même, et des interdictions de publication. Ainsi les critères seront-ils plus clairs et plus cohérents relativement à l'emploi de ces dispositifs pour les enfants de moins de 18 ans et des témoins adultes vulnérables, ainsi que dans certains cas particuliers, par exemple, les victimes de harcèlement criminel et les enfants ayant participé à la pornographie juvénile.
Les réformes élargiront la protection des enfants de moins de 18 ans de manière à ce que, en général, un enfant victime ou témoin dans n'importe quelle procédure pénale peut demander un écran, le recours à la télévision en circuit fermé ou à une personne de confiance pour l'accompagner au moment de donner un témoignage. En outre, lorsque l'accusé se défend lui-même, une demande peut être faite pour que le juge désigne un avocat pour procéder au contre- interrogatoire de l'enfant.
Il y a une exigence voulant que le juge ordonne l'emploi de ces dispositifs sur demande, à moins que cela fasse obstacle à l'administration appropriée de la justice. Le modèle, c'est : demandez et vous recevrez, mais il y a un pouvoir résiduel de discrétion du juge dans certaines circonstances, où il peut dire « Cela n'est pas pertinent dans ce cas-ci ».
Le principal changement, c'est un élargissement des mesures pour protéger les enfants et les témoins vulnérables. Cependant, même en faisant une refonte de l'intégralité de cet article, nous remettons en vigueur de nombreuses dispositions. Une certaine confusion règne quant à ces dispositions, parce qu'il est certain que quand on voit ces modifications et que nous y avons intégré des interdictions de publication et l'exclusion de membres de la salle d'audience, on peut logiquement présumer que de grands changements sont en œuvre. Ce n'est pas le cas. Nous avons seulement assigné à ces articles de nouveaux chiffres et apporté des modifications sans grandes conséquences. Ce n'est qu'une mise à jour de dispositions existantes interprétées par la Cour suprême du Canada et qui ont déjà passé l'épreuve constitutionnelle.
Il y a un petit changement dans les dispositions relatives à l'interdiction de publication, et c'est que nous avons réglé la question de la publication sur Internet. Des préoccupations ont été exprimées sur le libellé des dispositions qui s'appliquent à la publication par diffusion, et à savoir si cela comprend la diffusion par Internet; selon le consensus, c'est un fait. Nous avons clarifié qu'il s'agit bien de dissémination de l'information par divers modes de communication qui existent maintenant et qui n'existaient pas il y a 20 ans, quand ces dispositions ont été codifiées pour la première fois.
Voilà pour le survol des clauses concernant les dispositifs pour les témoins, qui sont toutes dans le Code criminel.
L'autre partie concerne les modifications à la Loi sur la preuve du Canada, relativement aux enfants. En vertu de la loi actuelle, la Loi sur la preuve au Canada traite les enfants de moins de 14 ans de la même manière qu'elle traite d'autres personnes dont la capacité mentale est mise en question. Il y a un article actuellement, l'article 16, qui oblige le juge à mener une enquête en deux parties, qu'il ait affaire à une personne qui a quelque incapacité mentale ou à un enfant de moins de 14 ans. L'enquête en deux parties exige du juge, d'abord, qu'il détermine, dans le cas d'un enfant, si celui-ci saisit la nature d'un serment ou d'une affirmation solennelle, et, deuxièmement, qu'il détermine si l'enfant est capable de communiquer la preuve. Ces modifications ont été apportées en 1988 pour rendre plus facilement acceptables les témoignages des enfants. Cependant, d'après la manière dont cette disposition a été interprétée dans certains procès, nous n'avons pas encore observé d'acceptation sans réserve de témoignages d'enfants.
Si ces deux critères sont respectés, un enfant témoigne sous serment ou sous affirmation solennelle. Cependant, si l'enfant ne comprend pas la nature du serment ou de l'affirmation mais est capable de communiquer la preuve, celle-ci est reçue sur promesse de dire la vérité. C'est la loi actuelle. Bien que cela puisse paraître logique à première vue, les interprétations et applications de ces dispositions ne reflètent pas l'intention du Parlement de modifier la Loi sur la preuve de manière à ce que les témoignages des enfants soient plus facilement acceptés.
Tel qu'il est interprété par les tribunaux, l'article 16 stipule qu'avant qu'un enfant soit autorisé à témoigner, il doit être assujetti à un interrogatoire pour déterminer son degré d'entendement de l'obligation de dire la vérité et du concept d'une promesse, et ses capacités de communiquer. Bien que la Cour suprême du Canada ait commenté l'absurdité de demander aux enfants ce qu'ils comprennent des conséquences religieuses des serments, dans le but de franchir ce premier obstacle, ou s'ils comprennent l'objet d'un serment ou d'une affirmation solennelle, ces questions sur les convictions religieuses continuent de prévaloir, bien que les adultes ne se fassent jamais poser ces questions.
En outre, la capacité de l'enfant de communiquer la preuve, qui est le deuxième volet de l'enquête, est interprétée par la Cour suprême du Canada comme beaucoup plus que seulement ce qu'on pourrait comprendre de la communication de base appropriée pour un enfant d'un certain âge. La capacité de communiquer a été interprétée comme la capacité d'observer, d'interpréter ce que l'enfant a observé et de se souvenir d'événements vécus.
De vastes consultations et des recherches ont été menées sur les expériences des enfants ayant témoigné à des procès. En particulier, l'Université Queen's, le Toronto Child Abuse Centre, le Child Witness Network et la London Family Court Clinic, entre autres, ont fait de telles recherches. Les conclusions de ces travaux sont uniformes. Le projet des enfants témoins de l'Université Queen's est digne de mention, parce qu'il est mené par une équipe de projet multidisciplinaire composée d'avocats, de psychologues et de fournisseurs de services aux témoins et victimes. Leurs travaux, pendant sept ans, ont été possibles grâce à une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines. Ils ont conclu que la capacité d'un enfant de répondre à des questions abstraites sur les serments, affirmations et promesses n'a pas vraiment de lien avec la sincérité et l'honnêteté de leur témoignage devant le tribunal.
L'équipe a aussi remarqué que les enfants sont capables de promettre de dire la vérité, comprennent le concept des promesses d'après leurs contacts sociaux quotidiens avec d'autres enfants et enseignants, et cetera, mais qu'ils ne peuvent pas toujours expliquer ce que signifie ce concept de promesse. Ils ont aussi remarqué que le fait de demander à un enfant de promettre de dire la vérité lui fait prendre conscience du fait que ce qu'il dira revêt une assez grande importance et qu'il devra dire la vérité devant le tribunal.
Les réformes du projet de loi C-2 changent grandement la manière dont les témoignages des enfants seront reçus. Ces réformes devraient largement améliorer l'expérience des enfants au tribunal.
Les modifications proposées à l'article 16 sont rédigées dans un langage simple, direct, dans le but de communiquer l'intention du Parlement. L'article 16 actuel, comme je l'ai décrit, continuera de s'appliquer aux témoins qui ont plus de 14 ans dont la capacité mentale est diminuée. Quand on a affaire avec quelqu'un dont la capacité mentale peut être en doute, cette enquête se poursuit.
Le nouvel article 16.1 s'appliquera aux enfants de moins de 14 ans et apportera les changements suivants.
Le sénateur Milne : Excusez-moi, madame Kane, je ne veux pas interrompre le flux de votre exposé, mais je cherche l'article 16. Celui que je vois concerne les mandats d'arrestation.
Mme Kane : Je parle de l'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada.
Le sénateur Milne : Quelle est la partie modifiée, ici?
Mme Kane : La modification est à l'article 26.
Vous n'avez, dans le projet de loi, que les modifications. Il vous faudrait avoir l'article 16 du Code criminel actuel pour voir ce qui est conservé. Le seul changement à l'article 16 est pour clarifier qu'il ne sera désormais applicable qu'aux gens de plus de 14 ans dont la capacité mentale est diminuée. C'est tout ce qui change. Le nouvel article 16.1 ne visera que les enfants de moins de 14 ans. Si vous avez affaire à un enfant de moins de 14 ans, rien d'autre ne compte dans la Loi sur la preuve au Canada, sauf le nouvel article 16.1, en ce qui concerne son aptitude à témoigner.
La loi modifiée affirme clairement qu'un enfant de moins de quatorze ans ne doit pas être assermenté ni faire d'affirmation solennelle. Ce n'est plus possible.
L'enfant de moins de 14 ans est présumé avoir la capacité de témoigner. C'est le point de départ, mais la capacité de témoigner exige la capacité de comprendre la question et d'y répondre. Nous n'employons pas le terme « communiquer », parce que « communiquer » est interprété comme signifiant beaucoup plus que de comprendre les questions et d'y répondre. La nouvelle loi établit clairement que nous tenons compte de la capacité de l'enfant de comprendre les questions et d'y répondre, et ce sera différent pour un enfant de cinq ans de pour un enfant de 13 ans.
Si l'enfant peut comprendre les questions et y répondre, son témoignage peut être admissible. La capacité de l'enfant, qui est sa capacité de comprendre les questions et d'y répondre, peut être vérifiée. Nous partons de cette présomption, mais cela ne signifie pas, si quelqu'un en doute, qu'il ne peut pas exprimer ce doute et qu'il ne peut y avoir interrogatoire pour déterminer si l'enfant est capable de témoigner.
Lorsque la question est soulevée, quant à savoir si l'enfant est capable de comprendre les questions et d'y répondre, le juge procède à un interrogatoire ou l'ordonne. Le juge peut demander à la Couronne de poser certaines questions à l'enfant, comme certains juges le font maintenant, mais ces questions viseront à déterminer la capacité de l'enfant de comprendre les questions et d'y répondre.
Supposons qu'il est déterminé que l'enfant en est capable, le juge demandera à l'enfant de promettre de dire la vérité, ce qui soulignera l'importance d'un témoignage sincère, mais il ne demandera pas à l'enfant de donner une définition abstraite d'une promesse, et le témoignage de l'enfant sera admissible.
L'objet de ces réformes est de permettre aux enfants de présenter un témoignage quand ils sont capables de comprendre les questions et d'y répondre, mais comme avec bien d'autres témoins, le juge des faits, que ce soit le juge ou le jury, déterminera le poids à donner au témoignage de l'enfant.
Certaines préoccupations ont été soulevées d'après des situations hypothétiques et la possibilité que le témoignage de l'enfant puisse avoir été manipulé. Nous devons nous rappeler que lorsque l'enfant doit témoigner pour la Couronne, c'est à celle-ci qu'il incombe de prouver tous les aspects du délit, au-delà de tout doute raisonnable, en tout temps. La Couronne pourra évaluer assez rapidement si l'enfant est en mesure de répondre aux questions et de fournir des renseignements véridiques.
On assiste, depuis plusieurs années, à une vaste expansion dans la plupart des grands centres judiciaires. Il y a des aides aux témoins victimes dont la plus grande priorité, quand ils évaluent les services à offrir aux victimes et aux témoins, est d'aider les enfants victimes. Ils n'influencent certainement pas le témoignage, mais ils préparent les enfants à comparaître devant le tribunal, pour qu'ils sachent ce qui arrivera, s'ils seront assis et quel rôle jouera chaque personnage dans l'audience. Ils essaient de les rendre plus à l'aise.
Si, pendant cette préparation, les aides aux victimes ont le moindre soupçon que l'enfant a pu être conseillé ou manipulé d'une façon ou d'une autre, elles ont l'obligation de porter ce soupçon à l'attention du procureur de la Couronne.
Nous devrions être assez confiants que bien des mesures ont été prises pour appliquer des freins et des contrepoids à tout témoignage reçu, non pas seulement celui des enfants, quand il y a soupçon de manipulation, de conseils, ou autres. Ces modifications ne devraient pas le moindrement augmenter le risque que cela arrive.
Je suis prête à répondre aux questions quand nous y parviendrons. Merci beaucoup de m'avoir donné cette occasion d'être ici ce matin.
Mme Lisette Lafontaine, avocate-conseil, Section de la politique en manière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : On m'a demandé la semaine dernière de tirer au clair la relation entre le délit de voyeurisme et la défense qui est fournie pour une telle infraction.
À la page 5, il y a l'article 6, qui ajoute l'article 162 du Code criminel. Le paragraphe 162(1) proposé définit le délit de voyeurisme. Il décrit tous les éléments que doit prouver la Couronne pour établir qu'une infraction a été commise. Il exige l'observation ou l'enregistrement visuel qui doit être fait de manière clandestine, et la personne qui est observée ou enregistrée doit être dans une situation dans laquelle elle pourrait raisonnablement s'attendre à ce que sa vie privée soit protégée.
En outre, l'une des trois conditions indiquées aux alinéas a, b et c est que la personne est dans un lieu où on peut s'attendre à ce qu'elle soit nue ou se livre à une activité sexuelle, ou que la personne est nue et se livre à une activité sexuelle et l'observation et l'enregistrement est fait dans le but d'observer ou d'enregistrer une personne dans cette situation.
Pour prouver (b), la Couronne peut citer en preuve les motifs de la personne. Le troisième cas est lorsque l'observation et l'enregistrement se fait dans un but sexuel. C'est la principale infraction de voyeurisme.
Le paragraphe 162(4) fait une infraction de la distribution de matériel voyeuriste. Une fois que la Couronne a établi les éléments de l'infraction, la personne ne sera pas accusée du délit si le tribunal acceptée comme défense que cela a servi le bien public. Le paragraphe 6 traite de ce moyen de défense. Ce n'est pas une nouvelle défense, puisqu'elle est prévue au Code criminel depuis déjà longtemps. C'est le moyen de défense actuel contre l'accusation d'obscénité, et il est aussi, jusqu'à ce que le projet C2 soit promulgué, un motif de défense contre les accusations de pornographie infantile. Il est bien connu des tribunaux.
Le paragraphe 7, juste après, détermine comment s'applique la défense. Il dit précisément « Pour l'application du paragraphe 6 ». Le paragraphe 7 n'explique seulement que la manière dont peut être acceptable le motif de défense du bien public. Il décrit ce qui est une question de droit et ce qui est une question de fait. La différence entre la question de droit et la question de fait est que la question de droit en est une qui interprète la loi, tandis qu'une question de fait applique la loi à une série de faits. Les questions de droit sont l'affaire du juge et celles de fait sont l'affaire d'un jury, s'il y a jury. Un autre point important est qu'il peut y avoir recours en appel d'une question de droit tandis qu'il ne peut y en avoir d'une question de fait.
Lorsque nous disons « les motifs du prévenu ne sont pas pertinents », ce n'est qu'aux fins d'application du moyen de défense concernant le bien public. Cela n'a rien à voir avec la nécessité de prouver les éléments de la défense. Ce n'est qu'aux fins du paragraphe (6), celui où il est question du bien public.
Pour ce qui est de dire « les motifs du prévenu ne sont pas pertinents », il existe a un test objectif relativement au bien public : Est-ce que l'acte a servi le bien public? Ce n'est pas si l'accusé avait l'intention de servir le bien public ou pensait le faire. Cela crée un test objectif pour le motif du bien public.
Le sénateur Pearson : Je vous remercie beaucoup pour ces excellentes explications, qui sont très utiles.
Madame Morency, en ce qui concerne votre description du processus de détermination de la peine, j'aimerais qu'on inscrive au compte rendu une comparaison avec d'autres crimes. Si je me souviens bien, un enquêteur de la police de Toronto nous a dit que les peines associées à ce crime sont moins lourdes que pour d'autres crimes.
Mme Morency : Je crois que le problème, c'était le temps que la police investit dans une enquête par rapport à la peine imposée. Il est très complexe de faire enquête sur un crime d'informatique, ce que sont généralement les infractions relatives à la pornographie juvénile. Cependant, on ne voit pas de grands résultats quand la moitié des accusés finissent en liberté surveillée ou avec une peine avec sursis, même s'ils avaient en leur possession des milliers d'images dépeignant très nettement l'abus de bébés et de jeunes enfants.
Je ne suis pas sûre qu'ils aient donné d'autres preuves. Si nous regardons tous les cas d'exploitation sexuelle d'enfants et les résultats des condamnations, à ce que nous comprenons, les résultats dans ces dossiers sont similaires aux cas d'abus sexuels en général. Il y aurait des peines liées à la garde des enfants dans environ 47 p. 100 des cas, pour les deux types de dossiers. C'est plus haut que la norme pour les infractions criminelles.
Cependant, si on regarde la manière dont les peines avec sursis sont imposées dans les cas d'exploitation sexuelle des enfants en général — pas seulement la pornographie juvénile, mais les autres infractions de contact impliquant les enfants — d'après ce que nous comprenons, c'est quelque chose de l'ordre d'un cas sur cinq, ou environ 21 p. 100 qui, sur tout l'ensemble, aboutissent à une peine avec sursis. En comparaison, pour les agressions sexuelles en général, c'est environ 15 p. 100. Il y a une différence dans l'imposition de la peine avec sursis, ici. Si on regarde la manière dont est appliquée la peine avec sursis en général, pour toutes les infractions criminelles, d'après ce qu'on voit, c'est de l'ordre de 4 p. 100.
Pour chacune de ces infractions, nous nous demandions ce qui était la pire peine imposée, entre une peine d'emprisonnement ou une peine avec sursis. Si on estime que la probation est la pire — et c'est conforme au témoignage de la police de Toronto — pour des infractions de violence sexuelle faite aux enfants, dans environ un tiers des cas, ou 29 p. 100, la pire conséquence est la probation. Sur l'ensemble des agressions sexuelles, elle est imposée dans 32 p. 100 des cas. En général, sur l'ensemble des infractions criminelles, c'est 30 p. 100.
Bien évidemment, il est difficile de faire des comparaisons brutes entre ces chiffres. Le but fondamental du projet de loi C-2 est d'offrir une meilleure protection aux enfants contre toutes les formes de violence et d'exploitation sexuelle, et de faire en sorte que le processus de justice criminelle facilite leur témoignage en tant que victimes. C'est aussi de faire en sorte que les conséquences, dans le système de justice pénale, dans ces cas, reflètent ce que j'ai perçu comme un avis unanime, c'est-à-dire que ce type de conduite doit être condamné. Je souligne que tous les témoins l'ont dit. Nous voulons adopter des mesures différentes ou plus rigoureuses pour transmettre ce message plus clairement dans tout le processus, pour décourager et dénoncer.
Si vous regardez les condamnations en tant que telles, vous constaterez qu'il y a des anomalies.
Le sénateur Pearson : Dans le Globe and Mail de ce matin, une lettre soulevait la question du fardeau de la preuve inversé, un sujet dont on a parlé ici la semaine dernière. Vous rappelez-vous ce qu'on en a dit? Il m'a semblé qu'on avait mal compris ce qui se passait.
Mme Morency : Je pense que j'en ai parlé dans mes observations de mercredi dernier. Je répète que l'infraction de pornographie juvénile et les moyens de défense actuels pour la pornographie infantile ont été minutieusement interprétés par la Cour suprême du Canada dans son jugement relatif à l'affaire Sharpe, en 2001. Nous avons tout avantage à nous fonder sur ce jugement, puisque nous en avons la possibilité.
Dans ce jugement, il y a un examen des moyens de défenses existants. Le tribunal a clairement soutenu que les moyens actuels, dont le projet de loi décrit le modèle, n'imposent pas un fardeau de la preuve inversé. C'est plutôt qu'il y a un moyen défense. Comme pour les moyens de défenses en général, que ce soit dans ce domaine, ou dans celui des agressions sexuelles ou autres, lorsque l'accusé cherche à s'appuyer sur un moyen de défense, tout ce qu'il doit faire, c'est donner quelque preuve d'apparence de vraisemblance que le moyen de défense peut s'appliquer à cette situation. Cela ne signifie pas que l'accusé doit demander des preuves, ou prendre la barre. L'accusé peut donner des preuves pour donner à sa défense apparence de vraisemblance, même dans le cadre d'un contre-interrogatoire des témoins de la Couronne. Un principe fondamental et général dans tout le droit criminel, en particulier pour ce qui s'applique aux moyens de défense en général, c'est qu'il y a présomption d'innocence. Le fardeau de la preuve repose en tout temps sur la Couronne. Si vous demandez à des experts, comme le professeur Don Stuart, qui enseigne à l'école de droit de l'Université Queen's, vous verrez qu'il se fonde sur ce que j'ai décrit comme un type probant de fardeau, ou l'accusé doit donner des preuves pouvant donner à sa défense apparence de vraisemblance. Ce n'est pas un fardeau inversé. Ce n'est pas une inversion du fardeau de la preuve. En tout temps, le fardeau de la preuve repose sur la Couronne, qui doit prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable.
Si on regarde l'affaire Sharpe et la manière dont le procès s'est déroulé, on voit que l'accusé et la Couronne ont appelé des témoins experts pour déterminer si le matériel écrit, dans cette affaire, avait une valeur artistique. Une série de témoins disaient qu'il en avait, tandis que l'autre disait que non. Je ne pense pas que M. Sharpe ait témoigné à ce sujet. Les experts ont témoigné, et la preuve a été présentée au tribunal. Le tribunal est parvenu à ses conclusions d'après ces preuves fournies. Il y avait apparence de vraisemblance de valeur artistique. C'est un style, une technique, une trame dans ses histoires, qui étaient suivis et qui ont été jugés satisfaisants. Par conséquent, la défense aurait été admissible, si le matériel avait répondu à cette définition.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je voudrais remercier les trois témoins pour leur témoignage. Madame Morency a répondu à la plupart de mes questions concernant les peines minimales obligatoires, mais j'en ai une toutefois concernant l'article 212 qui prévoit déjà une peine minimale de 5 ans. Est-ce bien en 1999 que nous avons adopté cet amendement?
[Traduction]
Mme Morency : C'était dans le projet de loi C-27, qui a été promulgué en 1997.
Le sénateur Nolin : Est-ce que nous connaissons l'effet de cette peine minimale obligatoire?
Mme Morency : Malheureusement, peu de recherches ont été faites pour déterminer les effets des peines minimales obligatoires actuelles en général, et dans quelle mesure. Pour ce que nous avons, c'est toujours difficile de faire des commentaires.
Dans le Code criminel, au paragraphe 212(2.1), qui est l'infraction de proxénétisme grave, il y a un minimum obligatoire. Nous avons aussi les dispositions du paragraphe 212(2), qui concerne quelqu'un qui vit des produits de la prostitution d'une autre personne âgée de moins de 18 ans. Je n'ai pas de ventilation des peines pour ces deux infractions. J'ai un chiffre global, par contre. Nous n'avons pas beaucoup de dossiers où il est question de ces deux articles, d'après ce que nous savons.
Par exemple, en 2002-2003, d'après les statistiques de Statistique Canada, du Centre canadien de la statistique juridique, fondées sur un sondage du tribunal pénal adulte, qui reçoit 90 p. 100 des rapports des organismes policiers, il y avait 17 dossiers pour ces deux infractions. Je ne peux pas différencier entre les deux, c'est-à-dire lesquels seraient liés au paragraphe 2.1 et lesquels au paragraphe 2.2.
Je n'ai pas les données sur les peines infligées.
Le sénateur Nolin : Ma question est plus subjective que cela. Nous entendons des témoins — et je suis sûr que vous étiez ici quand nous les avons entendus — qui parlent du fait qu'il y a une espèce de tendance des tribunaux à contourner ces infractions, pour faciliter toutes sortes de choses, pour laisser le juge être le seul à décider ce qui convient le mieux pour rendre justice. C'est pourquoi je pose ces questions. Y a-t-il une sorte de modèle qui est créé relativement au paragraphe 212(2.1)?
Mme Morency : Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. On peut dire comme vous l'avez fait, que certaines recherches donnent à penser que, parfois, d'autres voies peuvent être empruntées pour éviter la peine minimale dans ce cas.
Par exemple, si une affaire de pornographie infantile devait faire l'objet d'un procès, il n'y a pas bien des possibilités pour intenter le procès, et il en est de même pour les infractions de proxénétisme. Si on applique une approche uniforme en matière de condamnation, dans le sens où toutes les infractions de proxénétisme sont désormais assorties d'une peine minimale, il est plus difficile d'essayer de contourner cela. Cependant, je ne pourrais pas vous répondre directement.
Le sénateur Nolin : Nous comprenons tous que ce qu'a décidé le ministre de faire, et pourquoi. Songez un peu à l'avenir; vous avez entendu l'avocat qui représentait les avocats de la défense du Canada, et ils vont contester notre projet de loi très bientôt. Quel effet cela aura-t-il sur le projet de loi C-2 si un juge, ou disons le processus, décide que l'article 3, le premier de la liste des peines minimales obligatoires, est déclaré contraire à l'article 12 de la Charte? Quel en sera l'effet, pour que nous puissions comprendre, si nous acceptons ce qu'a accepté le ministre — si nous décidons pour le bien de la justice d'accepter le projet de loi C2 avec ses défauts plutôt que d'essayer d'avoir un projet de loi parfait?
Mme Morency : Tout d'abord, à l'ère où nous vivons, le risque de contestation de la Charte existe toujours. L'affaire Sharpe en est un exemple. Quel a été l'effet de cette contestation de la Charte sur d'autres affaires qui étaient devant les tribunaux? Il y a des conséquences, c'est certain.
Encore une fois, la position qu'a prise le Parlement à ce sujet, et l'opinion que c'était certifié comme conforme à la Charte — et au bout du compte, la Cour suprême l'a confirmé — était, est-ce que cela aura des répercussions entre- temps? Bien évidemment, il y en aura, et on ne peut pas faire grand-chose pour l'empêcher dans ces cas-là, à part en nous assurant, par le truchement du processus législatif, d'avoir tout ce qui peut être utile pour appuyer la loi en vigueur, et que nous appuyions la législation en l'appliquant après le fait.
Vous avez amené le ministre à fournir un témoignage excessif sur la constitutionalité de ces peine minimales obligatoires, notamment en vertu de l'article 12 de la Charte. Ainsi, on a l'opinion du ministre — et il est certain qu'il demandait l'obligation prévue par la loi de certifier que la législation est conforme à la Charte; cependant, cela ne veut pas dire que personne ne chercherait à la contester. Les contestations pourraient venir, mais la position reste, d'après l'analyse de la Charte, que le projet de loi C-2 est tout à fait conforme à la Charte et résistera à un examen minutieux fondé sur la Charte. Ce que nous essayerions de faire en tant que hauts fonctionnaires, après que le Parlement ait promulgué la loi, c'est d'appuyer la mise en œuvre de cette loi pour concrétiser et réaliser l'intention du Parlement.
Le sénateur Nolin : Je ne remets pas en question la bonne foi du ministre en signant le projet de loi C-2 tel que modifié. Ce que je dis c'est que si, par exemple, l'article 3 du projet de loi était déclaré non conforme à l'article 12 de la Charte, quel en sera l'effet sur le reste du projet de loi?
Mme Morency : N'oublions pas que si la contestation concerne la peine, tout d'abord, l'accusé a été reconnu coupable d'une infraction, donc il y a culpabilité. Il pourrait y avoir une contestation et, dans un cas, la contestation pourrait être recevable et il y aurait alors appel. L'effet serait contenu dans cette mesure. Même s'il y a bien d'autres cas dans lequel cela pourrait se faire ou non, l'accusé n'en a pas moins été inculpé. La question qui se pose, c'est est-ce que la peine minimale obligatoire de 14 jours est inconstitutionnelle et est-ce que l'accusé a-t-il droit à une condamnation conditionnelle? C'est là que serait vraiment l'impact, et c'est ce qui se passe maintenant. Dans le pire des cas, il peut arriver que les pratiques actuelles soient maintenues pendant que la contestation passe devant les tribunaux.
Le sénateur Banks : J'aimerais regarder à la page 5 du projet de loi, l'article 6, où vous dites, je pense, que si les dispositions du paragraphe sont remplies, il faudrait l'un des alinéas, (a), (b) ou (c), pour que ce soit qualifié. Si on fait cela, je pense qu'il faut ajouter le mot « ou » après le point virgule à la fin de l'alinéa (a), ne pensez-vous pas? Autrement, est-ce qu'ils ne seraient pas lus ensemble?
Mme Lafontaine : Je suis d'accord que ce sera plus clair, mais nos rédacteurs ont des règles à suivre. Le « ou » est entre les alinéas (b) et (c), et les rédacteurs me disent qu'ils n'ont pas besoin d'un « ou » entre les alinéas (a) et (b). Nous avons eu aussi cette discussion avec eux.
Le sénateur Banks : Peut-être suis-je naïf en posant mes questions ici et dans ma situation, mais je suis tout à fait d'accord avec tout ce qu'il y a dans ce projet de loi. Je peux même accepter la condamnation obligatoire et le concept de fardeau de la preuve inversé en ce qui concerne tout ce qui est clairement de la pornographie infantile. Je pense que la grande majorité de ce projet de loi ne devrait pas être remis en question par quiconque.
Cependant, pouvez-vous m'expliquer deux choses relativement à l'article 7, le paragraphe (1), l'alinéa (c), à la page 7? Que signifie l'expression « dans un but sexuel »? De plus, quel malheur y aurait-il à dire au bout de ce paragraphe « d'une activité sexuelle avec une personne »? Ce qui m'inquiète, vous l'avez déjà entendu, et c'est la première chance que j'ai de l'exprimer, c'est la zone grise ou la mince différence entre un crime odieux démontrable et le censorat. Comme vous l'avez entendu, il est difficile, étant donné les défenses prévues ici, qu'une personne créative — ou n'importe qui — sache à l'avance si elle commet un crime en le commettant.
Je vais être plus précis. Que signifie « dans un but sexuel » et est-ce que c'est défini quelque part; et quel mal y aurait- il à dire « d'une activité sexuelle avec une autre personne »?
Mme Morency : En réponse à votre première question, « dans un but sexuel » a été interprété par la Cour suprême du Canada dans la décision Sharpe, dans le contexte particulier de notre législation actuelle sur la pornographie infantile. C'est interprété à l'article 50, et cela signifie « raisonnablement perçu comme visant à causer la stimulation sexuelle de certains spectateurs ». L'expression a un sens très clair dans la loi. C'est ce qui fera autorité pour nous, aussi, dans le contexte de ce qui est proposé à l'article 7, paragraphe (1), alinéa (c), dont il est question à la page 7, soit la nouvelle définition plus vaste qui est proposée pour la pornographie infantile écrite.
Votre deuxième question, c'est s'il y aurait-il du mal à réduire le sens de l'alinéa c) de manière à ce qu'il ne s'applique qu'à un enfant en tant que tel? Je voudrais rappeler au comité que notre législation actuelle sur la pornographie infantile s'applique déjà au matériel, qu'il dépeint un enfant réel faisant l'objet d'abus sexuel, ou un enfant imaginaire dans cette situation. Cela a été interprété par la Cour suprême, et confirmé comme étant constitutionnel. Les histoires visées par le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario, pour autant qu'on sache, pourraient être le récit d'une véritables situations de violence sexuelle ou un compte rendu tout à fait fictif qui serait le fruit de l'imagination de l'auteur. Cependant, si vous appliquez l'interprétation de « raisonnablement perçu comme visant à provoquer une simulation sexuelle » il est clair qu'entre les mains de certaines personnes, on pourrait comprendre que ce type d'histoires déborde des limites et que c'est ce que vise l'alinéa c) — la définition plus élargie de la pornographie juvénile écrite. Nos lois actuelles s'appliquent au matériel qui dépeint des enfants réels ou imaginaires. La Cour suprême a convenu que le matériel qui dépeint des enfants comme des objets d'exploitation sexuelle ne sont pas seulement préjudiciables pour les enfants, mais pour la société canadienne dans son ensemble. L'alinéa 7(1)c), à la page 7 du projet de loi part de cela et élargit notre définition actuelle pour plus nettement couvrir le type de matériel qui est devant le comité.
Le sénateur Banks : Vous voulez bien répéter vos commentaires sur l'objet du matériel? Avez-vous dit « provoquer une stimulation sexuelle »?
Mme Morency : L'interprétation de la Cour suprême du Canada pour « dans un but sexuel » est ce qui peut être raisonnablement perçu comme « visant à provoquer une stimulation sexuelle ».
Le sénateur Banks : Est-ce que cela veut dire que ce doit viser exclusivement à provoquer la stimulation sexuelle, ou qu'on peut le présumer? Par exemple, un écrivain pourrait écrire quelque chose qui pourrait être pertinent pour le contenu du livre, mais qui pourrait provoquer une stimulation sexuelle chez certains lecteurs du livre.
Mme Morency : Vous n'avez pas lu toute la définition. Il est possible que deux lignes d'un ouvrage puissent stimuler sexuellement une poignée de lecteurs, mais ce n'est pas la caractéristique dominante du livre, et cela ne correspondrait pas forcément à la description d'une activité sexuelle illicite. Il faut mettre ensemble tous les faits pour déterminer si le matériel répond à cette définition. Dans l'exemple que nous avons devant nous, sur la décision de la Cour d'appel de l'Ontario, je n'ai pas les histoires, alors je ne peux pas dire si les caractéristiques dominantes de chacune répondraient à ces descriptions. Si c'était le cas et l'analyse de la Cour suprême, pour l'affaire Sharpe, s'appliquaient à ces histoires, alors on pourrait faire un plaidoyer convainquant que le matériel correspondrait à cette définition qui est proposée. Bien qu'il ne provoque pas de stimulation sexuelle chez la plupart d'entre nous — la plupart d'entre nous ne participons pas à ce genre d'activités pour commencer — il peut la susciter chez d'autres.
Le sénateur Banks : Il est probable que vous ayez déjà répondu à cette question, et le cas échéant, je m'excuse de la poser encore, mais étant donné ce que vous avez dit, est-ce que le roman de Nabokov, Lolita, qui dépeint une relation sexuelle entre un homme âgé et un enfant de 12 ans, serait visé par ces mesures législatives qui sont proposées?
Mme Morency : Selon la décision de la Cour suprême dans l'affaire Sharpe, Lolita ne serait pas visé par la définition actuelle.
Le sénateur Banks : Quelle est la différence?
Mme Morency : La définition actuelle, c'est que le matériel écrit doit susciter ou conseiller une activité sexuelle illicite avec des enfants.
Le sénateur Banks : Je parle du présent.
Mme Morency : La Cour suprême s'est brièvement penché sur Lolita, avant de prendre sa décision relativement à l'affaire Sharpe. Cela fait partie ce qui existe déjà, et le projet de loi C-2 est formulé et propose même des modifications fondées sur ce que nous savons déjà exister. Lolita est une œuvre d'art reconnue, que j'ai relue avant de préparer mes commentaires. Je ne pense pas que l'œuvre correspondrait à la définition, alors elle ne serait pas visée par cette définition.
Le sénateur Banks : Est-ce que cela pourrait arriver s'il était réédité demain?
Mme Morency : Comparez cet ouvrage à l'exemple des extraits qu'ont en main les sénateurs au sujet de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario. Il y a une grande différence. Si on revient à mes observations préliminaires, même si vous avez une situation de zone grise, les tribunaux vont toujours demander si l'ouvrage correspond à la définition. S'il n'y correspond pas, alors il n'y a pas de dossier. Ce n'est que quand le tribunal trouve que la situation correspond à la définition qu'on peut aller à la question suivante, soit de savoir si il y a motif de défense. L'art peut bénéficier d'une défense, sous réserve de ce test qui proposé.
Le sénateur Banks : Qu'est-ce qu'une « utilisation légitime »?
Mme Morency : Je ne peux pas spéculer sur la manière dont toutes les situations seront réglées, mais le processus sera clair, les outils seront disponibles, le langage serait clair et nous avons une interprétation de la Cour suprême pour guider l'interprétation et l'application de la loi proposée.
Le sénateur Banks : En vertu de la modification, l'expression des infractions, en ce qui concerne le mérite artistique, a changé. Qu'est-ce qu'un « but légitime »?
Mme Morency : Le test actuel, pour le mérite artistique, exige qu'une personne démontre que l'ouvrage en question a une certaine valeur artistique, aussi infime soit-elle. Dans la mesure où il a une certaine valeur artistique, la défense lui est assurée, même si 99 p. 100 des gens diraient qu'il en est tout à fait dépourvu.
Le sénateur Banks : L'objet du projet de loi est tel que, aussi infime soit le mérite artistique, la légitimité artistique serait un motif de défense, quelles que soient les autres considérations?
Mme Morency : Certainement. Nous nous attendons à ce que la décision de la Cour suprême guide l'interprétation de « but légitime » en ce qui concerne l'art — pour déterminer si le matériel a une valeur artistique objectivement perçue et démontrable. Pour les autres aspects visés dans l'infraction, il peut y avoir « but légitime lié à l'administration de la justice ». Par exemple, la possession d'images pornographiques d'enfants par la police aux fins d'enquête criminelle est un but légitime. Le Canada n'est pas le seul à parler de but légitime ou à avoir un motif de défense pour la pornographie juvénile, parce que d'autres pays en ont aussi. La différence est entre ce qui existe pour le mérite artistique et ce que propose le projet de loi C-2 pour ce deuxième test — le risque excessif de préjudice à des enfants.
Le sénateur Banks : Qu'y aurait-il de mal à retirer le mot « excessif » s'il signifie qu'il peut y avoir préjudice acceptable à l'égard des enfants?
Mme Morency : Il faut voir la décision de la Cour suprême, relativement à l'affaire Sharpe. J'en ai parlé la semaine dernière mais là encore, le tribunal a trouvé dans nos règles actuelles d'interdiction de possession des exceptions, parce que le tribunal a trouvé que dans ces deux situations, il n'y avait pas risque excessif de préjudice aux enfants. Dans ces deux situations, c'était des œuvres de l'imagination. Dans le premier exemple, si je devais écrire une histoire ou peindre un tableau et ne le montrer à personne, il y aurait qu'un risque minimal de préjudice aux enfants. Dans un deuxième exemple, si deux jeunes de 15 ans peuvent légalement s'engager dans une activité sexuelle entre eux et faire un enregistrement visuel, sans le montrer à personne, nous avons une telle exception, parce qu'il y aurait risque minimal de préjudice à quiconque d'autre. D'autres éléments qui débordent de cela sont au cœur des dispositions concernant la pornographie juvénile. Elles sont fondées sur les preuves présentées au tribunal, que le tribunal a acceptées comme matériel poussant les délinquants à sortir et commettre une infraction de contact, ou qui alimentent les distorsions cognitives qu'emploient les auteurs d'oeuvres pornographiques pour séduire et préparer les victimes, qui peuvent poser des risques excessifs de préjudice aux enfants. C'est le matériel qui crée un marché et le marché stimule la demande de ce matériel, et d'autres enfants seront alors violentés pour y répondre; c'est la source du délit.
Le sénateur Banks : Cela ne fait pas le moindre doute. Je trouve très réconfortant votre réponse selon laquelle le projet de loi fait en sorte qu'une ombre de mérite artistique constitue une défense suffisante.
Le sénateur Joyal : Je vais poursuivre sur le même thème, car je l'ai déjà abordé en citant différents arrêts à l'intention des témoins. Le paragraphe 7(7)(6) qui concerne les paragraphes 163.1(6) et (7) du Code criminel, page 8 du projet de loi, est ainsi formulé :
Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction au présent article si les actes qui constitueraient une infraction
a) ont un but légitime...
Vous remarquerez l'utilisation du mot « actes ». L'actuel moyen de défense du paragraphe 163.1(6) est donné à la page 274 du Code criminel dans les termes suivants :
Lorsqu'une personne est accusée d'une infraction aux paragraphes (2), (3) (4) ou (4.1), le tribunal est tenu de déclarer cette personne non coupable si la représentation ou l'écrit [...]
Ainsi, on emploie les mots « la représentation ou l'écrit » alors que dans la nouvelle formulation, c'est le mot « actes ». À votre avis, le mot « actes » n'est-il pas plus large que les mots « la représentation ou l'écrit »?
Mme Morency : À mon avis, il est plus exact. C'est l'acte de fabriquer ou de posséder de la pornographie juvénile qui constitue l'infraction. Aucun des témoins de la semaine dernière n'a mentionné les différences entre le projet de loi C-2 et un projet de loi antérieur. Le projet de loi C-2 met l'accent sur la conduite liée à cet acte. Les images de pornographie juvénile que la police a en sa possession restent de la pornographie juvénile. La question est de savoir si la police peut provoquer un moyen de défense pour la possession de cette manière. Dans la négative, elle commet une infraction si elle l'a en sa possession ou si elle la remet à la Couronne. Le moyen de défense s'applique à la conduite concernant cette matière.
Le sénateur Joyal : Mon interprétation des actuels moyens de défense du paragraphe 6 est peut-être fautive, mais c'est la représentation ou l'écrit qui est réputé avoir une valeur artistique. On propose un changement pour reconnaître que l'acte a un objet légitime, indépendamment de la matière. Pour moi, c'est très différent. Actuellement, la matière est présentée au tribunal et le juge doit déterminer objectivement si elle a une valeur artistique. Il peut faire appel à des experts, qui peuvent avoir des avis divergents. Le juge doit se prononcer d'après les témoignages sur la valeur artistique.
Maintenant, nous allons laisser tout cela de côté et considérer l'acte, alors que les moyens de production de l'objet pornographique sont tout à fait différents. D'après le projet de loi, l'accusé doit prouver que son acte a un objet légitime. Comme vous l'avez vu, je ne suis pas certain qu'on puisse prouver l'objet légitime par une simple affirmation qu'il s'agit d'art. C'est bien différent, car pour prouver l'objet légitime, il faut s'attacher à l'intention de l'auteur. Si je fais quelque chose pour vous plaire, telle est mon intention. Indépendamment du fait que cela vous plaise, je dois savoir si ce que j'ai fait a une valeur artistique. Il y a certainement plus d'éléments à considérer qu'avant.
L'objet légitime dépend du résultat qu'on veut atteindre. Si je dis que mon objectif est de plaire au sénateur Milne et que je choisisse cet objet pour y parvenir, on me jugera objectivement en déterminant si j'ai atteint mon objectif en choisissant le bon objet. Le but légitime est difficile à prouver. Je ne suis pas certain qu'il me suffise d'établir que mon intention était de faire plaisir au sénateur Milne. Je pense que la preuve est beaucoup plus vaste.
Mme Morency : Je n'ai pas voulu dire qu'il vous suffit d'affirmer que dans votre esprit, il s'agit d'art. Vous devez apporter des preuves qui, considérées objectivement, montrent que l'œuvre en question a une valeur artistique légitime, conformément à l'analyse de la Cour suprême.
Le « but légitime » doit donner lieu à une interprétation simple et évidente. Il s'agira toujours de savoir si la matière en question répond à la définition. Je vais utiliser l'exemple de la police pour illustrer mon propos. Les images photographiques qui correspondent à la définition constituent de la pornographie juvénile, indépendamment de la légitimité de l'activité liée à ces images. Un policier affecté à une unité d'enquête sur la pornographie juvénile possède de telles images. Il a un but légitime lié à l'administration de la justice lorsqu'il possède ces images à des fins d'enquête. Les mêmes images, lorsqu'un pornographe pédophile les a en sa possession pour son plaisir personnel, n'ont pas de but légitime. Il peut prétendre qu'elles en ont un d'ordre artistique, mais il aura du mal à le prouver. Il peut aussi prétendre qu'elles ont le but légitime de l'empêcher de commettre une infraction par contact. Mais la Cour suprême du Canada n'a pas accepté l'argument d'une valeur thérapeutique.
Les images constituent de la pornographie juvénile en tout état de cause, mais quand certaines personnes les ont en leur possession dans un but bien précis, elles peuvent invoquer un moyen de défense, dont ne bénéficieront pas certaines autres personnes qui les auraient en leur possession pour un but différent. Il ne leur suffira pas de prétendre qu'il s'agit d'art.
Selon l'interprétation de la législation actuelle par le Cour suprême, il faut fournir des preuves présentant un caractère de réalité. Considérées objectivement, ces preuves doivent porter à croire que l'œuvre a une valeur artistique.
En pratique, la police n'a pas de difficulté à déterminer s'il s'agit d'art ou non. Les écrits sont généralement placés dans le contexte d'une collection beaucoup plus importante, et il est donc plus difficile de prétendre qu'il s'agit de quelque chose d'autre. Si la collection est présentée, les tribunaux la considèrent dans son intégralité. Ils peuvent considérer qu'une image seule ne constitue pas de la pornographie juvénile, mais que si elle fait partie d'une collection de 1 000 images, elle constitue de la pornographie juvénile.
Le sénateur Joyal : Vous dites que la police fait immédiatement la différence entre une œuvre d'art et de la pornographie. On a saisi à Toronto des peintures dont il a été prouvé par la suite qu'elles ne correspondaient pas à l'actuelle définition du Code. C'est bien l'indication que dans le domaine artistique, la police, sauf tout le respect qui lui est dû, ne parvient pas toujours à s'y retrouver. L'issue est encore moins certaine lorsqu'on fait enquête sur le but légitime de la personne qui a commis l'acte. Dans votre réponse, vous confondez « l'œuvre d'art légitime » et « le but légitime ». J'estime qu'une œuvre d'art est une œuvre d'art. Dans le moyen de défense prévu au paragraphe 6, le juge n'a pas à déterminer si elle est légitime.
On peut conclure qu'une œuvre d'art peut causer du tort si un enfant l'a en sa possession. Je connais certaines œuvres d'art qui ne devraient pas être montrées de façon répétée à un enfant.
Pour autant, cela ne change rien au fait qu'il s'agit d'œuvres d'art à proprement parler, qui devraient donc être exclues de la portée de ce projet de loi. La nouvelle réalité est tout à fait différente. Vous y mentionnez le « but légitime », ce qui amène à s'interroger sur ce que l'auteur avait à l'esprit lorsqu'il a produit cette œuvre d'art. C'est un changement considérable par rapport à la législation en vigueur actuellement.
Mme Morency : Je ne prends pas vos préoccupations à la légère. Je les comprends. Je voulais dire que la police se trouve confrontée à de la pornographie juvénile, à raison de 10 000 images à la fois, ou parfois un million d'images. Il y a eu deux cas de pornographie juvénile où on a invoqué une valeur artistique. Il y a eu l'affaire Eli Langer, puis l'affaire Robin Sharpe. Il existe des normes concernant les accusations portées par la police ou par la Couronne. Dans trois provinces, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique, la Couronne doit donner son approbation avant que des accusations soient portées.
Je comprends les préoccupations que vous formulez. Tout a été mis en œuvre pour les prévenir et pour constituer une structure à l'intérieur de laquelle les tribunaux pourront appliquer des normes et des critères précis en se fondant sur l'arrêt Sharpe de la Cour suprême du Canada.
Le sénateur Joyal : J'accepte votre réponse, mais le cas que je voudrais évoquer n'est pas celui de quelqu'un qui possède 10 000 ou un million de photos de pornographie juvénile. Il s'agit d'un moyen de défense fondé sur la valeur artistique. On veut le remplacer par quelque chose de différent, qu'il nous appartient de juger objectivement à partir du texte que vous nous proposez. Vous savez mieux que moi que devant un tribunal, chaque mot compte. Il faut préparer sa défense en fonction des dispositions du Code criminel. J'essaie de comprendre la portée et les limites de l'argument de défense que vous proposez pour remplacer celui dont on dispose actuellement.
L'objet de ce projet de loi est de lutter contre la pornographie et je ne le conteste pas. Nous sommes tous d'accord là- dessus. J'essaie simplement de voir l'effet qu'aura cette disposition sur la liberté d'expression des artistes. Je n'essaie pas de vous empêcher de lutter contre ceux qui ont un million de photographies d'enfants torturés qu'ils ont prises sur Internet. Ce n'est pas mon propos.
Le sénateur Pearson : J'ai une question supplémentaire à ce sujet. Il s'agit d'une préoccupation légitime. Nous utilisons beaucoup le mot « légitime ».
Le sénateur Joyal : Vous comprenez ce qu'est un argument légitime.
Le sénateur Pearson : Je vois. Nous sommes en train de cerner le sens de l'acte de possession. L'acte de possession est criminel. La Cour suprême a dit que lorsque Sharpe écrivait pour lui-même, ce n'était pas un crime. La diffusion des écrits est un acte criminel. Voilà, à mon sens, ce que signifie ici le mot « acte ».
Malgré tout le respect que m'inspirent les artistes, puisque je viens moi-même d'une famille d'artistes, il existe des artistes dont l'intention est de créer de la pornographie juvénile. Dans ce cas, j'estime que cet acte de création est criminel. Certains ont cette intention. Dans une collection d'images, on peut à cette occasion trouver un élément qui, comme on l'a dit ici, va poser un risque indu. Ce sont des cas très rares, mais ils existent.
Le sénateur Joyal : Pour autant qu'on a pu voir, c'est la police qui va interpréter la loi et qui va donc exercer son jugement. Voilà la réalité à laquelle nous devons faire face.
Je ne conteste pas la finalité du projet de loi, que j'approuve sans réserve. Néanmoins, nous sommes en train d'apporter un changement important à la réalité actuelle de la liberté d'expression au Canada sur la valeur artistique. C'est ce qui me préoccupe. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on réprime la pornographie, l'exploitation sexuelle des enfants, la violence et tout le reste, mais nous entrons ici dans un domaine difficile à circonscrire et à protéger auquel se consacre le sénateur Pearson. Voilà essentiellement ce qui me préoccupe. Je ne suis pas certain qu'avec cette formulation et malgré les meilleures intentions du monde, nous ne soyons pas en train de créer un problème sur lequel, comme va le dire la présidente, nous risquons d'avoir à revenir plus tard.
Mme Morency : Permettez-moi de donner un autre exemple utile. Si quelqu'un commet un meurtre, le résultat, à savoir le meurtre, ne change pas, mais l'accusé pourrait avoir un moyen de défense. Qu'il s'agisse de légitime défense ou d'autre chose, la conduite reste la même, qu'il existe ou non un moyen de défense. Dans la mesure où le projet de loi C- 2 apporte des changements, il ne modifie pas la définition actuelle des descriptions visuelles, qui s'applique sans doute aux exemples d'œuvres d'art dont vous parlez, notamment aux peintures, et cetera. La jurisprudence comporte de nombreux cas où des peintures ou des œuvres d'art entraient dans la définition actuelle. Il n'y a qu'un cas concret, celui d'Eli Langer, et ce n'est même pas un peintre qui a été accusé. En l'occurrence, c'était le directeur d'une galerie.
Il y a aussi le cas de Robin Sharpe, où il est question d'écrits, et le projet de loi C-2 propose une réforme concernant l'écrit, ainsi qu'une modification des moyens de défense.
Tout ce qui correspond à la définition reste de la pornographie juvénile, mais ce que certaines personnes ont en leur possession à certaines fins peut être protégée et peut donner lieu, dans certaines circonstances limitées, à un moyen de défense. C'est le cas, par exemple, des photos que la police, par opposition à un pédophile, peut avoir en sa possession. Dans le cas de l'artiste qui compose un récit ou du peintre qui peint un tableau, si nous suivons le raisonnement de l'arrêt Langer où les peintures représentaient des sévices sexuels infligés à des enfants, le tribunal a appliqué les normes communautaires contemporaines de tolérance à l'encontre des dispositions sur l'obscénité. Cependant, la Cour suprême a dit que ces normes ne s'appliquent pas lorsqu'il est question d'œuvres d'art et de pornographie juvénile. L'accusé doit apporter des preuves pour faire apparaître une valeur artistique objective.
Le moyen de défense peut être invoqué et il peut répondre aux préoccupations formulées aujourd'hui.
Le sénateur Joyal : Est-ce que je peux continuer sur la question de la sentence?
La présidente : Il y a d'autres demandes d'intervention.
Le sénateur Andreychuk : Vous avez dit quelque chose qui me pose problème. Je n'aime pas du tout que l'on inverse le fardeau de la preuve en droit pénal. Néanmoins, la proposition en a été faite. Dans son application, la Couronne décide toujours de la façon de mener l'affaire et doit convaincre le juge de la nécessité d'inverser le fardeau de la preuve. Ensuite, on sait exactement ce que l'accusé doit faire. C'est du moins ce qui apparaît dans la jurisprudence dont j'ai eu connaissance.
L'une de vous a dit que l'accusé devait apporter certaines preuves, et qu'il n'y a pas de renversement du fardeau de la preuve à proprement parler. L'accusé doit apporter des preuves. D'une part, la poursuite doit convaincre le juge et à un moment donné, l'accusé doit invoquer un moyen de défense.
Je ne sais pas comment il faut apporter des preuves devant un tribunal ou au plan juridique, car c'est une zone grise. Pouvez-vous me donner des précisions à ce sujet? Pour moi, l'obligation d'apporter des preuves indique un renversement du fardeau de la preuve.
Mme Morency : De l'avis de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada, ce n'est pas le cas en matière de pornographie juvénile. Nous pouvons consulter le professeur Don Stewart, un expert consacré en droit pénal, qui évoque les moyens de défense; je cite la quatrième édition du Canadian Criminal Law, a Treatise, je crois que c'est l'édition de 2001, page 460.
Fardeau de la preuve :
En cas de justifications ou d'excuses générales, on considère toujours que le seul fardeau de la preuve pour l'accusé consiste à apporter des preuves à sa défense. Rien ne peut écarter la règle générale selon laquelle la Couronne doit prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable et il n'y a donc pas de renversement du fardeau de la preuve qui serait soumis à une contestation au nom de la Charte. La Couronne doit rejeter toute justification ou excuse.
Le sénateur Andreychuk : Je comprends l'argument au niveau des principes. C'est pourquoi j'ai posé une question d'ordre pratique, et non pas juridique.
Mais prenons le cas d'un procureur et d'un avocat de la défense dans une petite ville canadienne, qui s'opposent dans une affaire de cet ordre. Comment vont-ils raisonner en pratique? C'est bien beau d'avoir une théorie, mais au plan concret, tout semble se passer comme si l'accusé se voyait imposer un renversement du fardeau de la preuve. Je suis convaincue que c'est ce qui va se passer en pratique, et je tiens simplement à le signaler. Peut-être n'était-ce pas l'intention de départ. C'est peut-être une question de mise au point au plan théorique, mais en pratique, je crois qu'on se retrouve dans une situation de renversement du fardeau de la preuve. Si je représentais l'accusé, je me sentirais obligée d'agir. L'avocat de la défense va se trouver en difficulté.
Mme Morency : Si vous me permettez de terminer le paragraphe dont j'ai donné lecture, je pourrais indiquer au comité les conclusions de la Cour suprême. Je termine l'argument de Don Stewart à la page 460 :
Lorsque le moyen de défense n'est pas contesté par l'argumentation de la Couronne, l'accusé est tenu d'apporter des preuves, mais cela ne signifie pas qu'il doive prouver quoi que ce soit ou témoigner.
Voilà la règle ordinaire telle qu'elle s'applique uniformément aux moyens de défense.
Comment s'applique-t-elle dans le contexte spécifique de la pornographie juvénile? Dans l'arrêt Sharpe, au paragraphe 66, la cour fait la déclaration suivante :
Le libellé de la disposition [...]
Les juges font référence aux moyens de défense actuels.
[...] indique qu'elle s'applique de la même façon que d'autres moyens de défense, telles la légitime défense, la provocation ou la nécessité. L'accusé invoque le moyen de défense en signalant des faits susceptibles de l'étayer (qui représentent généralement plus qu'une simple assertion que l'auteur a voulu subjectivement créé de l'art), après quoi le ministère public doit réfuter hors de tout doute raisonnable le moyen de défense.
Voilà ce que dit la Cour suprême dans le contexte de la pornographie juvénile.
Le projet de loi C-2 a pour objet de fusionner les deux moyens de défense actuels. Le moyen de défense fondé sur le but légitime qu'il propose est semblable au moyen de défense du bien public qui existe actuellement dans les dispositions sur la pornographie juvénile incorporées par référence à partir des dispositions sur l'obscénité.
La Cour suprême a rendu une décision qui fait autorité sur la façon dont le moyen de défense s'applique ici, et qui est corroborée par l'interprétation du droit criminel quant aux modalités générales d'application des moyens de défense. Lorsque le fardeau de la preuve est inversé, il l'est tout à fait directement, de façon évidente, et bien différente du cas présent. Par exemple, lors d'une enquête sur le cautionnement, le paragraphe 515(10) prévoit que dans certaines circonstances, l'accusé est placé en détention à moins qu'il ne puisse prouver, et cetera. Il y a toute une différence entre les cas exceptionnels où une disposition inverse le fardeau de la preuve et le cas présent, qui est conforme à tous les moyens de défense.
Le sénateur Andreychuk : Je pense que nos opinions divergent au plan pratique, en particulier lorsqu'il est question de la valeur artistique.
Si la loi est adoptée, le ministère va-t-il adresser des directives explicatives à tous les procureurs et à tous ceux qui vont devoir appliquer ces dispositions? Je sais que les corps de police de Vancouver et de Toronto ont leurs experts juridiques, mais dans une petite ville de Saskatchewan, on n'est jamais certain d'obtenir le bon avis et on se retrouve avec une situation délicate sur les bras. Y a-t-il eu des pourparlers avec les autorités provinciales pour libérer des ressources supplémentaires ou pour s'engager à expliquer ces situations très complexes sur le terrain aux policiers et aux procureurs?
Mme Morency : Comme vous l'avez remarqué, c'est à nos homologues provinciaux qu'il incombe de fournir des directives aux procureurs et aux policiers. Au cours des trois dernières années, dans le contexte du projet de loi C-2 et des mesures qui l'ont précédé, nous avons invité nos collègues provinciaux à participer à une mise en œuvre intégrale et efficace de la loi. Les directives relèvent de leur responsabilité. Du point de vue fédéral, nous sommes prêts à collaborer avec nos homologues.
Après le témoignage de l'inspectrice-détective Angie Howe de la Police provinciale de l'Ontario, j'ai discuté avec elle de la possibilité qu'elle rédige des directives pour sa propre unité chargée de la pornographie juvénile. Elle m'a dit qu'elle allait le faire, et nous avons l'intention de collaborer à cet effet.
Oui, c'est essentiellement une responsabilité provinciale, mais comme toujours, nous collaborons activement avec nos collègues des provinces en matière d'application de la loi, et nous le ferons également pour le projet de loi C-2.
Le sénateur Joyal : Au paragraphe (7), au bas de la page 8, sous le titre « Question de droit », on lit ceci :
Il est entendu, pour l'application du présent article, que la question de savoir si un écrit, une représentation ou un enregistrement sonore préconise ou conseille...
Pouvez-vous nous dire comment vous comprenez, dans ce contexte, les mots « préconise ou conseille »? Par exemple, comment une représentation visuelle sous forme de peinture peut-elle, à votre avis, préconiser ou conseiller?
Mme Morency : Cette proposition de réforme découle de l'arrêt Sharpe et des écrits dont il y était question. Les récits préconisent-ils ou conseillent-ils une activité sexuelle illicite avec des enfants, puisque c'est là la définition actuelle de la pornographie juvénile écrite? En l'occurrence, la Cour suprême a donné son interprétation de la signification des mots « préconise ou conseille ». Elle a indiqué, au paragraphe 56, qu'il s'agit d'« encourager activement ». Autrement dit, le matériel, considéré objectivement, transmet le message qu'on peut et qu'on devrait avoir des rapports sexuels avec des enfants. Dans l'arrêt Beattie, la Cour d'appel de l'Ontario se prononce précisément sur cette question, à savoir l'interprétation de ce qui peut préconiser ou conseiller une activité sexuelle illicite avec des enfants.
Vous avez fait référence au paragraphe (7) au bas de la page 8. Cette disposition concerne la procédure d'appel. L'interprétation des juges quant à savoir si le matériel en question préconise ou conseille est une question juridique et, par conséquent, susceptible d'appel. Nous bénéficions déjà de la décision de la Cour suprême en ce qui concerne l'interprétation des mots « préconise ou conseille ». Nous pourrions en avoir une autre dans l'arrêt Beattie, si l'autorisation d'appel est accordée. C'est ainsi que la disposition devrait être interprétée à l'avenir.
Le sénateur Joyal : Je peux interpréter simplement ces mots, à savoir que si je préconise quelque chose, je suggère aux gens de le faire. Je leur conseille de le faire. Si une peinture représente un adulte avec un enfant dans un contexte éventuellement sexuel, par exemple, un adulte qui touche le sexe d'un enfant, peut-on dire que la peinture préconise ou conseille aux gens de le faire du simple fait que les personnages sont représentés visuellement dans une activité sexuelle?
Mme Morency : Tout d'abord, l'exigence que le matériel préconise ou conseille ne s'applique que dans le mode de l'écrit ou de l'enregistrement sonore, qui est également visé par le projet de loi C-2.
Le sénateur Joyal : Au paragraphe 7, il est question de représentation visuelle.
Mme Morency : C'est à cause de la définition qui figure actuellement à l'alinéa 163.1(1)b) du Code criminel : « de tout écrit ou de toute représentation qui préconise ou conseille [...] ».
Le sénateur Joyal : Je ne parle pas d'un écrit. Je parle essentiellement d'une représentation visuelle.
Mme Morency : Selon l'interprétation de la Cour suprême, il faut plus qu'une simple description d'une activité sexuelle illicite pour que les mots « préconise ou conseille » puissent s'appliquer. L'image, considérée objectivement, doit transmettre aux spectateurs le message qu'on peut et qu'on devrait avoir des rapports sexuels avec des enfants. Voilà le critère fixé par la Cour suprême.
Dans l'exemple que vous donnez, il s'agit de savoir si la peinture, considérée objectivement, envoie un tel message. La marche est haute, et elle est objective.
Le sénateur Joyal : En ce qui concerne les objectifs de détermination de la sentence poursuivis par le ministre et par ses fonctionnaires, dans les principes de la détermination de la sentence énoncés aux articles 718 et suivants, ne serait-il pas préférable, au lieu d'une sentence obligatoire, de prévoir le cas du délinquant qui accepte de subir un traitement, par exemple, ou le cas d'une première infraction, et cetera? On indiquerait clairement à la cour qu'elle doit prendre certains éléments en considération pour déterminer la sévérité de la sentence.
Comme je l'ai dit à certains témoins, j'ai l'impression que la cour va opter pour le minimum. Elle va dire : « Très bien, 14 jours, et au revoir. Passez vos 14 jours en prison, ensuite, rentrez chez vous et faites ce que vous voudrez. » Il serait préférable de dire au juge que certains éléments doivent être pris en compte afin d'imposer une sentence qui aura des effets bénéfiques à long terme pour le délinquant et pour la société, au lieu d'emprisonner le délinquant pour un nombre minimal de jour avant de le remettre en liberté. Ensuite, vous dites : « Nous allons lui envoyer la police, car il est désormais inscrit en tant que prédateur sexuel. » Cela ne me semble pas très rationnel.
Mme Morency : Ce que vous dites correspond à la façon dont les tribunaux appliquent actuellement les principes de détermination de la peine. C'est ce qu'énonce l'article 718 du Code criminel. Il demande aux tribunaux de prendre en considération un ou plusieurs des objectifs fondamentaux suivants de détermination de la peine :
a) dénoncer le comportement illégal;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Voilà ce que font actuellement les tribunaux lorsqu'ils infligent une peine à un accusé. Ils considèrent les principes de la détermination de la peine ainsi que les circonstances aggravantes ou atténuantes. D'après la jurisprudence sur la pornographie juvénile, les tribunaux examinent couramment les éléments suivants : est-ce que l'accusé plaide coupable? Est-ce qu'il a aidé la police en lui faisant économiser temps et énergie pour trouver ce qui figurait dans son ordinateur? S'agit-il d'une première infraction? L'accusé a-t-il des antécédents d'infractions par contact ou d'infractions antérieures de pornographie juvénile? S'est-il déjà soumis volontairement à un traitement ou consent-il à s'y soumettre à l'avenir? Tous ces facteurs sont pris en compte.
L'intention, d'après ce que je crois comprendre — ce n'est pas ma sphère de responsabilité — des réformes qui ont été adoptées au milieu des années 90, n'était pas de fournir une liste de tous les facteurs que les tribunaux doivent prendre en compte, mais de leur fournir les principes qu'ils peuvent appliquer dans chaque cas afin que le résultat traduise un certain équilibre entre ces principes et ce qui est juste ou approprié compte tenu des circonstances.
Ce que prévoit le projet de loi C-2 en ce qui concerne les principes de détermination de la peine, c'est que dans tous les cas d'abus d'enfant, les tribunaux doivent d'abord tenir compte des moyens de décourager et de dénoncer ce genre de comportement. Il s'agit donc d'une codification de ce que les tribunaux font dans l'ensemble désormais lorsqu'ils infligent une peine aux contrevenants qui ont commis un acte de violence envers un enfant ou lui ont fait subir des mauvais traitements.
C'est l'approche qu'ont privilégiée le ministre et le gouvernement dans la version initiale du projet de loi C-2. Cela dit, cette situation est légèrement différente. Il existe des peines minimales obligatoires, et la préoccupation que vous avez soulevée est une préoccupation qui a été soulevée dans les études qui existent. L'un des désavantages des peines minimales obligatoires, c'est que parfois elles peuvent devenir une peine maximale dans certains cas.
Le sénateur Joyal : C'est ce que je crains.
Mme Morency : Le projet de loi C-2 renferme d'autres modifications qui tachent de dissuader plus vigoureusement les auteurs de ce genre de comportement et de dénoncer ce comportement. C'est le principal facteur à prendre en considération. On s'attendra à ce que les tribunaux appliquent les mêmes principes. Dans chaque cas, quelle est la peine appropriée compte tenu de tous les facteurs aggravants et atténuants? D'après ce que je crois comprendre, les peines minimales obligatoires ne sont jamais proposées comme solution finale. C'est parfois le cas, mais il ne me fait aucun doute que les tribunaux ont bien compris que l'objectif principal du projet de loi C-2 est de dissuader et dénoncer ce genre de comportement. Certaines des études qui examinent la façon dont les peines minimales obligatoires ont été mises en œuvre indiquent que lorsque les infractions imposent une peine minimale obligatoire qui prévoit une sanction certaine, cela peut avoir une incidence. D'après les témoignages que le Comité de la justice a entendu, et je crois que l'inspectrice-détective Howe a parlé à nouveau de cette question, certains adeptes de la pornographie juvénile vont dans des salons de clavardage et disent à d'autres contrevenants que s'ils commettent une infraction de pornographie juvénile, ne vous en faites pas, plaidez coupable, vous serez condamné à l'emprisonnement avec sursis, et nous vous indiquerons comment conserver vos images. Les preuves indiquent qu'il n'existe pas de certitude de châtiment ou qu'elle n'est pas suffisante pour dissuader certains contrevenants d'adopter ce comportement ou pour dénoncer leur comportement.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je présume que les membres du comité ont reçu le courriel de M. Montpetit, un des témoins entendus la semaine dernière.
M. Montpetit faisait référence à une conversation que vous auriez eue avec lui suite à son témoignage, dans laquelle vous lui disiez avoir pris connaissance de ses écrits et que ces derniers ne seraient sujets à aucune mise en accusation.
[Traduction]
Vous rappelez-vous de cette conversation avec M. Montpetit?
Mme Morency : Je ne me rappelle pas d'avoir dit savoir qu'il faisait face personnellement à des accusations, mais j'ai effectivement dit que j'avais lu ses écrits il y a environ deux ans et demi et j'en avais déduit qu'ils ne seraient pas visés par la définition proposée.
Le sénateur Nolin : Je vous donnerai une copie imprimée d'une pièce jointe à son courriel, qu'il nous a envoyée. Il dit que ce que vous avez devant vous, à son avis, tombe sous le coup de la définition actuelle et même pas de la définition modifiée par le projet de loi à l'alinéa 163.1(1)a).
Si M. Montpetit fait face à des accusations, les moyens de défense prévus par le projet de loi C-2 pourraient-ils lui être utiles?
Mme Morency : En dehors du contexte de ce qui aurait pu être, la question sera toujours la suivante : s'agit-il de la caractéristique dominante ou s'agit-il de la description d'une activité sexuelle illicite? Il ne me semble pas clair que les personnes représentées dans ce dessin soient d'un certain âge.
Le sénateur Nolin : M. Montpetit indique que ce qui se trouve devant vous se rapporte à la définition de la pornographie juvénile prévue au sous-alinéa 163.1 1a)(i). Il n'y aucune référence comme à l'alinéa c) du projet de loi C- 2 de l'expression « caractéristique dominante ». Pour lui, il s'agit d'une représentation.
soit ou figure une personne âgée de moins de 18 ans ou présentée comme telle et se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle explicite [...]
À mon avis, il est évident que c'est ce que vous avez sous les yeux. Cela nous amène alors à poser à la question suivante : Peut-il se défendre?
Je soulève à nouveau la question de l'alinéa 163.1(6)b), qui se lit comme suit : « ne posent pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de 18 ans ». C'est la préoccupation qu'il nous a communiquée la semaine dernière, et elle est valable. Vous étiez là; vous l'avez vu. Il produit ce matériel pour les enfants à l'école.
Mme Morency : Il s'agit de déterminer si cela correspond à la définition existante ou proposée, et même si c'est le cas, si un moyen de défense existe.
Lorsqu'il a témoigné devant le comité au sujet du deuxième point, il a indiqué qu'il l'avait fait pour éduquer les jeunes. Il s'agit d'une entreprise littéraire et artistique de sa part, qui a un objectif pédagogique. Le moyen de défense existe de toute façon.
En ce qui concerne le premier point, comme je l'ai déjà dit, la question consiste à déterminer si cela correspond à la définition existante ou proposée. Je ne me rappelle pas quand le livre a été publié. Aucune accusation n'a été portée contre lui.
Le sénateur Nolin : Ce n'est pas ce qu'il dit. Ce qu'il craint, c'est l'avenir. Lorsqu'on lit les dispositions relatives au moyen de défense, à la l'alinéa (6)a), il n'y a pas de problème. Vous en avez parlé, à savoir une intention pédagogique, mais que se passe-t-il dans le cas de l'alinéa (6)b)? C'est ce qui le préoccupe.
Mme Morency : Est-ce que vous parlez du risque indu?
Le sénateur Nolin : Oui.
Mme Morency : Comme je l'ai déjà dit, si nous examinons la façon dont la Cour suprême a interprété ce qui constitue un risque indu, c'est du matériel, par exemple, selon l'arrêt Sharpe, qui peut être utilisé pour initier et séduire les jeunes victimes, inciter les contrevenants à commettre des infractions avec contact et favoriser les distorsions cognitives pour les contrevenants. Il serait difficile pour la Couronne de faire valoir qu'une page tirée de tout un ouvrage — si c'est bien ce dont il s'agit — pose un risque indu pour les enfants, en fonction de ce critère.
La question est la suivante. La loi est-elle claire pour ce qui est de permettre de comprendre en quoi consiste la définition dans le cadre du processus, et existe-t-il un processus qui permet au système de s'en servir pour l'appliquer au cas individuel qui se présente?
La police dispose des outils nécessaires. Elle s'en sert dans son travail. Aucune accusation n'a été portée contre M. Montpetit. Pour ce qui est de l'avenir, comme je l'ai déjà dit, sans tâcher de faire des hypothèses à propos de chaque ouvrage, le projet de loi C-2 cherche à assurer cette clarté, cette certitude et ce cadre clair. Au bout du compte, il appartient aux tribunaux de déterminer si le matériel en question correspond à la définition et si l'accusé devant les tribunaux peut invoquer un moyen de défense dans de telles circonstances.
[Français]
Sénateur Nolin : M. Montpetit, qui parlait en son nom et au nom d'une série d'écrivains, craint le paragraphe b) de la nouvelle défense.
Je vais vous lire le paragraphe 66 de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Sharpe :
La troisième question est la procédure à suivre à l'égard du moyen de défense fondé sur la valeur artistique. Comme nous l'avons vu, le critère est objectif. Le libellé de la disposition indique qu'elle s'applique de la même façon que d'autres moyens de défense, telles la légitime défense, la provocation ou la nécessité. L'accusé invoque le moyen de défense en signalant des faits susceptibles de l'étayer.
Je vais laisser tomber le reste du paragraphe. Comment l'accusé, M. Montpetit, pourra-t-il étayer que l'image que vous avez devant vous — indépendamment du reste du contenu du bouquin — ne pose pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de 18 ans.
[Traduction]
C'est ce qui le préoccupe. Je tiens à m'assurer qu'une fois que le projet de loi sera adopté, M. Montpetit poursuivra son bon travail et continuera d'essayer d'éduquer les jeunes Canadiens.
Mme Morency : Je suppose que vous acceptez notre position selon laquelle cela n'est même pas visé par la définition existante, donc on n'en n'arriverait pas à se stade.
Par contre, si on en arrive à ce stade, le tribunal examinera la preuve qui lui est présentée. Dans ce cas-ci, la preuve serait, qu'en fonction des témoignages qu'il a fournis au comité la semaine dernière, il a remporté un certain nombre de prix pour ce travail. Ce travail a été bien reçu non seulement en tant qu'œuvre d'art littéraire mais aussi comme un moyen d'éduquer les jeunes. Ici encore, il incomberait à la Couronne d'établir que ce matériel pose un risque indu. La Couronne, en fonction de ce type de preuve, aurait de la difficulté à faire valoir que ce matériel est utilisé aux fins auxquelles est utilisée la pornographie juvénile, selon notre interprétation, c'est-à-dire pour victimiser davantage et exploiter les enfants. Le fardeau de la preuve repose sur la Couronne et non sur l'accusé. Par conséquent, ce matériel est-il même visé par la définition? Nous considérons que non. Aucune accusation n'a été portée contre lui, ce qui indiquerait par conséquent que ce matériel n'est pas considéré être visé par notre définition existante. S'il devait invoquer ce moyen de défense, les témoignages qu'il a présentés devant votre comité pourraient servir à étayer sa défense, et la Couronne serait tenue de prouver le contraire. Je ne suis pas sûre comment elle procéderait pour le faire. Dans un cas donné, la Couronne peut examiner la circulation parmi un certain groupe. J'essaie de faire des hypothèses ici mais il s'agit de déterminer s'il existe un cadre suffisant pour que les tribunaux dans chaque cas examinent le matériel présenté, examinent l'utilisation faite de ce matériel et examinent si le moyen de défense s'applique. Même dans les discussions qui ont lieu avec M. Montpetit par la suite, je crois qu'il a reconnu que son matériel n'est même pas visé par la définition.
Le sénateur Joyal : Je vous renvoie une fois de plus à l'alinéa (6)b) au bas de la page 8 : « ne posent pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de 18 ans ».
Est-ce que les « personnes âgées de moins de 18 ans » désignent un enfant de huit ans ou un jeune de 17 ans?
Mme Morency : Toutes les dispositions relatives à la pornographie juvénile s'appliquent aux personnes âgées de moins 18 ans, ou présentées comme ayant moins de 18 ans.
Le sénateur Joyal : À mon avis, c'est une chose tout à fait différente. Une représentation visuelle ou du matériel écrit lu par un jeune de 17 ans est à mes yeux totalement différent pour ce qui est de présenter un risque que si ce matériel se retrouve entre les mains d'un jeune de huit ans. J'essaie de déterminer comment nous évaluerons une telle chose.
Mme Morency : Comme je l'ai déjà dit, la définition est assez claire puisqu'elle parle de personnes de moins de 18 ans. Dans certains cas, la Couronne sera-t-elle en mesure de prouver que l'ouvrage en question a posé ou pose un risque indu? L'un des facteurs dont le tribunal devra peut-être tenir compte, s'il s'agit d'un jeune de 17 ans par rapport à un enfant de six mois, c'est l'existence d'un risque indu.
Le projet de loi C-2 s'appuie sur le cadre qui existe. Nous ne modifions pas les limites d'âge. Il a déjà été établi qu'il s'agit de personnes âgées de moins de 18 ans parce que le Parlement a déjà décidé que les enfants qui n'ont pas encore atteint 18 ans sont à risque, et que nous devons leur assurer une meilleure protection.
Si nous examinons s'il est possible que ce genre de cas surgisse, si nous examinons ce qui se passe dans la pratique, y compris les témoignages que la police a présentés au comité, il semble que dans la plupart des cas le nombre d'images représentant des jeunes sont des jeunes généralement prépubères. Les études faites aux États-Unis indiquent qu'une personne sur cinq qui possède de la pornographie juvénile possède des images représentant l'abus sexuel de bébés ou de jeunes enfants de moins de trois ans.
Est-ce possible? C'est possible, et le fardeau de la preuve appartient à la Couronne. Est-ce la réalité à laquelle la police et la Couronne font face aujourd'hui? Non.
Le sénateur Joyal : J'ai toujours de la difficulté à déterminer comment nous mesurerons objectivement une représentation visuelle des rapports sexuels entre deux adolescents, par exemple, âgés de moins de 18 ans. Je parle d'adolescents ici. Surtout dans le contexte d'aujourd'hui, il est possible que ce genre de matériel ne pose pas de risque indu à un jeune de 14 ou 15 ans. Cependant, entre les mains d'un enfant de sept ou huit ans, cela pourrait poser un risque en raison de la réalité qui existe aujourd'hui. Comment établirons-nous la distinction de manière à juger de façon objective qu'un matériel peut poser un risque pour un enfant plus jeune mais ne poserait pas de risque à un adolescent moyen dans la société d'aujourd'hui?
Mme Morency : Deux jeunes de 14 ans peuvent légalement avoir des rapports sexuels l'un avec l'autre. S'ils prennent une photo de leur activité sexuelle et la conservent pour eux, la Cour suprême a déclaré que cela ne pose aucun risque indu. Dès qu'ils montrent cette photo à quelqu'un d'autre, disons à un jeune de sept ans ou de trois ans, ou s'ils la montrent à un jeune de 17 ans, la Cour suprême considère qu'il s'agit d'une infraction.
L'argument qu'a fait valoir ma collègue à propos des difficultés qui se posent lorsque nous avons un projet de loi de ce genre, c'est qu'il se limite aux dispositions qui s'y trouvent. Il ne reprend pas toutes les dispositions qui existent déjà dans le Code criminel ni la façon dont les tribunaux ont interprété et appliqué les lois existantes. Nous tâchons de rassembler tous ces éléments devant le comité pour indiquer que toutes ces questions, en fonction de notre expérience dans ce domaine, continueront d'avoir des répercussions ou continueront d'être interprétées de la façon qu'elles l'ont été jusqu'à maintenant par la Cour suprême.
La présidente : Je tiens à vous remercier de cette séance d'information de ce matin. Je vous demanderais de bien vouloir rester avec nous parce que nous n'avons pas encore tout à fait terminé l'étude du projet de loi.
Plaît-il aux membres du comité de passer à l'étude article par article du projet de loi C-2?
Des voix : D'accord.
La présidente : Je tiens à préciser que nous aurons des observations à annexer à notre rapport.
Le sénateur Banks : Madame la présidente, qu'importent les observations. Le comité a-t-il l'intention de revoir cette question dans une période de temps relativement courte, plus courte que celle qui est prévue par la loi?
La présidente : Cela sera indiqué dans les observations. Si nous devons mentionner un calendrier, nous pourrions le faire. Nous ne l'avons pas encore fait mais nous considérons que cinq ans, c'est trop long.
Chers collègues, le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
La présidente : Le préambule est-il réservé?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Nolin : À contrecoeur, oui.
La présidente : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Joyal : Avec dissidence.
La présidente : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Joyal : Avec dissidence.
La présidente : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 9.1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 10 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 10.1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 14 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 15 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 16 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 17 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 18 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 19 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 20 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 21 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 22 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 23 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 24 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 25 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 26 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 27 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 27.1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Milne : Avec une certaine réticence. Avec dissidence.
La présidente : L'article 27.1 est adopté avec dissidence.
L'article 28 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 29 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Ce projet de loi est-il adopté sans amendement?
Des voix : Avec dissidence.
Le sénateur Andreychuk : L'article 27 a été adopté avec dissidence. Deux d'entre nous manifestent une certaine réticence. J'ai entendu le sénateur Joyal dire qu'il est réticent, de même que le sénateur Milne. Est-il adopté avec dissidence? Je suppose que tous les autres ont dit « oui ».
La présidente : Oui.
Le comité souhaite-t-il envisager d'annexer des observations au rapport?
Des voix : Oui.
La présidente : Il est donc convenu que nous passerons aux observations.
Nous n'avons pas à le faire à huis clos, n'est-ce pas?
Des voix : Non.
La présidente : Nous n'avons rien à cacher.
Je vais vous laisser lire le premier paragraphe des observations et j'attendrai vos commentaires.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je souhaiterais avoir une discussion générale sur les observations et vous laisser à vous et au sous-comité du programme et de la procédure le soin de peaufiner le mot à mot. C'est possible qu'on ait des arguments sur un mot puisque nous sommes 12 autour de la table.
La présidente : J'ai déjà des corrections.
Le sénateur Nolin : Je pense que nous sommes mieux d'avoir une discussion générale; vous aurez la saveur de nos arguments et la sagesse de trancher.
La présidente : C'est cela. Habituellement, on procède paragraphe par paragraphe et c'est pour cela que je l'avais fait de cette façon.
[Traduction]
Les sénateurs acceptent-ils la proposition faite par le sénateur Nolin, ou préférez-vous faire vos commentaires?
Le sénateur Nolin : Nous allons tous faire nos commentaires et la présidente ainsi que le vice-président les examineront minutieusement et les accepteront.
Le sénateur Milne : En parcourant rapidement le document, je constate que les trois questions qui me préoccupaient particulièrement sont traitées ici, donc je me ferai un plaisir de...
La présidente : Si vous me permettez de mentionner une chose à propos des artistes et des écrivains, à la dernière ligne du deuxième paragraphe de la page 2, on peut lire, « et qu'il n'y a donc pas eu d'abus ». Il faudrait plutôt dire « et qu'il n'y a donc pas eu d'abus véritable ». C'est ce que l'on pourrait ajouter.
[Français]
En français, nous pourrions dire : « il n'y aura donc pas eu d'abus d'une personne réelle. »
[Traduction]
Le sénateur Milne : De toute évidence on peut parler de personne réelle; il ne peut pas y avoir d'abus véritable.
La présidente : J'ai pensé supprimer, en ce qui concerne le dernier paragraphe de la même page, là où on peut lire « et le comité partage leur attitude », on devrait peut-être dire plutôt « partage ces deux objectifs; — parce qu'il s'agit d'objectifs — plutôt que « leur attitude ».
Le sénateur Pearson : Je me rappelle de ce point; cependant ce point découle de ce que nous comprenons être les répercussions de la pornographie juvénile, c'est-à-dire que si elle est utilisée à des fins sexuelles, l'aspect cognitif et ainsi de suite, cela n'a pas d'importance, l'abus n'est pas dans le matériel même mais concerne les enfants réels qui sont touchés.
La présidente : Le paragraphe se lit comme suit, « le Comité est sensible à ces préoccupations. L'art et la libre expression... »
Le sénateur Pearson : C'est plus haut, je suppose, là où on parle de...
La présidente : Vous êtes en train de discuter du premier paragraphe; je parle du dernier paragraphe.
Le sénateur Pearson : Le quatrième paragraphe.
Le sénateur Milne : Le deuxième paragraphe à la deuxième page.
Le sénateur Pearson : L'argument qu'ils ont fait valoir, c'est qu'ils n'auraient pas d'objection à ce qu'un enfant réel soit représenté ou quoi que ce soit. Mon argument, c'est que le risque pour l'enfant ne réside pas dans le fait qu'il s'agit d'un enfant réel ou virtuel qui est utilisé dans du matériel pornographique; cela ne change rien à la façon dont ce matériel est utilisé. Nous parlons simplement de ce qu'ils ont dit, donc je serai d'accord. Je tenais simplement à préciser que les images virtuelles posent un risque indu pour des enfants réels.
Le sénateur Andreychuk : De toute évidence, je n'ai eu que quelques instants pour le lire. À mon avis, cela ressemble trop à une justification de l'adoption de la loi. Nous venons d'adopter le projet de loi et maintenant nous sommes en train de dire mais, mais, mais.
La présidente : Il reflète les sentiments exprimés par les témoins.
Le sénateur Andreychuk : Plutôt que d'expliquer en quoi consiste le projet de loi, parce que les observations n'ont pas été utilisées au Sénat et quand par la suite nous commençons peu à peu à les présenter pour indiquer — non pas pour revoir la loi ou pour faire rapport du projet de loi —, il s'agit de nos observations. Nous avons adopté la loi et ensuite nous indiquons que nous avons certaines réserves à propos de la valeur artistique. Je ne crois pas que nous devrions détailler et défendre les dispositions qui se trouvent dans la loi; nous devrions simplement signaler les dilemmes que pose la loi afin que le ministère, le ministre et tout le monde sachent qu'il s'agit de sources de préoccupation. Il n'est pas nécessaire que nous nous justifiions. J'ai des réserves au sujet du passage suivant, « et qu'il n'y a donc pas eu d'abus ». Nous n'avons aucune façon de le savoir.
La présidente : C'est la raison pour laquelle j'ai ajouté « d'abus véritable ».
Le sénateur Andreychuk : Nous devrions signaler les aspects qui nous préoccupent; nous avons recommandé qu'une période de cinq ans c'est trop long. Je préférerais que l'on condense le texte et qu'on évite d'exprimer notre opinion à propos des témoignages entendus et que l'on signale plutôt tout simplement les aspects qui nous préoccupent — de façon générale, parce que je crois que nous avons exprimé de nombreuses préoccupations. Je ne me suis pas fait beaucoup entendre parce que je crois que le public tient à ce que ce projet de loi soit adopté, et je pense que le ministre est l'homme à qui il incombe de s'assurer qu'il est solide sur le plan constitutionnel. Lors de sa comparution, il nous a indiqué que ce projet de loi était passable. Nous lui avons signalé certains aspects qui nous préoccupent afin qu'il y donne suite; et nous voulons un délai plus court pour l'examen de la loi. Je pense qu'il faut condenser le texte.
La présidente : Il fait partie d'une longue liste de circonstances que nous tenions à exprimer, et il correspond à nos propres opinions. Je pense que vous voulions tous corriger la situation en ce qui concerne la disposition du projet de loi C-2. Nous n'étions pas entièrement satisfaits de l'ensemble des dispositions du projet de loi C-2, si je puis m'exprimer ainsi à titre de présidente. Je tâche non pas d'exprimer vos sentiments mais peut-être les miens. Cependant, c'est la raison pour laquelle habituellement les observations sont beaucoup plus courtes que celles-ci — nous tenions à exprimer notre opinion sur l'ensemble du processus.
Le sénateur Andreychuk : Le texte peut rester tel quel. Nous pourrions peut-être vous transmettre les changements que nous proposons. J'ai pensé qu'il serait bon de les signaler, parce que nous disons plus loin que nous estimons que ces peines minimales obligatoires sont conformes à la jurisprudence en la matière. Je n'en suis pas si sûre. Je pense que nous avons accepté la chose et seul le temps le dira. C'est la raison pour laquelle je considère que le ton semble indiquer que l'on veut se justifier, et, par conséquent, une personne qui lirait le texte pourrait dire, vous aviez des réserves mais maintenant vous venez de nous expliquer pourquoi ces réserves n'ont plus leur raison d'être. Je pense qu'il serait préférable que nous nous contentions d'exprimer nos réserves un point c'est tout.
La présidente : Y a-t-il d'autres opinions à ce sujet?
Le sénateur Milne : Je pense qu'il serait préférable de condenser le texte dans une certaine mesure plutôt que de rendre compte de façon aussi détaillée des opinions que nous avons entendues. Il y a trois aspects qui me préoccupaient — les peines obligatoires, l'aspect se rattachant à la valeur artistique, et l'examen. Ce sont les trois aspects sur lesquels nous nous sommes le plus exprimés, je crois.
La présidente : Considérez-vous qu'il est nécessaire de réviser les observations ou de laisser ce soin au comité de direction?
Le sénateur Milne : Vous avez abordé les trois aspects qui me préoccupaient; j'aimerais simplement que vous les condensiez.
Le sénateur Banks : Est-ce qu'il arrive aux tribunaux de consulter les observations lorsqu'ils examinent l'intention visée?
La présidente : Je pense qu'elles sont destinées au ministre.
Le sénateur Andreychuk : Ils peuvent examiner bien des choses mais...
La présidente : Elles sont annexées à notre rapport.
Le sénateur Andreychuk : Habituellement, ils examinent le compte rendu de nos réunions.
Le sénateur Banks : Je sais qu'ils le font; la question que je pose c'est est-ce que les observations font partie des éléments qu'ils examinent?
Le sénateur Andreychuk : Cela a probablement été fait.
Le sénateur Ringuette : Je pense que nous nous entendons sur deux sujets de préoccupation et une recommandation, ce qui signifie que nous sommes d'accord avec...
La présidente : L'expression artistique.
Le sénateur Ringuette : Oui, nous avons certaines réserves, et en ce qui concerne les peines minimales obligatoires — certains d'entre nous pour des raisons différentes.
Le sénateur Pearson : Nous convenons que nous avons une réserve.
Le sénateur Ringuette : À cause de cette réserve, nous recommandons qu'un examen soit fait avant une période de cinq ans. Je ne crois pas que nous ayons besoin de fournir plus d'explications. Nous commençons ensuite à faire la litanie des opinions diverses exprimées par certains témoins. Où nous arrêtons-nous? Nous avons deux réserves et une recommandation. Si nous pouvons les présenter de façon succincte, essentiellement nous recommandons que la période d'examen soit plus courte que la période de cinq ans prévue.
Le sénateur Banks : Je ne vois pas où l'on recommande que l'examen ait lieu avant cinq ans.
La présidente : Oui, cela se trouve au dernier paragraphe.
Le sénateur Banks : Ce qu'on y indique, c'est que le comité tient à revoir le projet de loi avant cinq ans.
La présidente : Oui, ce sera à nous qu'il incombera de le faire.
Le sénateur Banks : On ne recommande pas que la Chambre des communes ou qui que ce soit d'autre le fasse.
La présidente : C'est nous qui le ferions; le Sénat le ferait. C'est ce qui est indiqué.
Le sénateur Banks : Il y a une différence entre recommander que l'on raccourcisse la période de l'examen quinquennal, d'une part — ce que n'indique pas cette observation — et de dire que le comité entreprendra un examen avant cinq ans d'autre part.
La présidente : Le comité peut le faire.
Le sénateur Banks : Oui, mais je signale que nous ne recommandons pas d'abréger la période de l'examen.
La présidente : Nous tenons à préciser que nous nous engageons à examiner le projet de loi avant que la période de cinq ans soit écoulée; c'est ce que nous avons indiqué.
Le sénateur Banks : Le projet de loi que nous venons d'adopter renferme une disposition prévoyant que le projet de loi fera l'objet d'un examen quinquennal; dans les observations en question, nous ne recommandons pas que cela soit modifié.
La présidente : Non, parce que si nous le faisions, nous nous trouverions à amender le projet de loi.
Le sénateur Banks : C'est ça, tout à fait.
La présidente : Nous ne modifions pas le projet de loi, d'après ce que vous venez juste de décider et ce qui a été adopté.
Le sénateur Andreychuk : Nous faisons deux choses. Nous allons procéder à l'étude, mais nous mettons aussi en garde le gouvernement, et aussi les projets de recherche bien à l'avance.
Le sénateur Nolin : La prochaine fois que vous viendrez ici, il y aura des peines minimales obligatoires; cette recherche vous sera disponible.
Le sénateur Milne : Je suis contente que le comité de direction se charge de cette question.
Le sénateur Joyal : Je suis tout à fait d'accord. Je ne m'oppose à rien de ce qui s'y trouve. Ça reflète en général ce que j'aimerais dire.
La présidente : Sauf si vous n'êtes pas du tout d'accord avec certains alinéas, c'est à nous à décider.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais suggérer que les membres du comité de direction en soient saisis. Apparemment, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunira la semaine prochaine, donc nous serons ici. Nous aurons toutes les occasions voulues de nous rencontrer.
Le sénateur Joyal : Vous avez des renseignements dont je ne dispose pas.
La présidente : Vous lisez dans mes pensées. Nous pouvons nous retrouver lundi soir et revoir les observations sur lesquelles nous travaillerons pendant la semaine.
Le sénateur Andreychuk : Mardi ou mercredi.
La présidente : Au courant de la semaine.
Le sénateur Andreychuk : Oui.
Le sénateur Joyal : Je ne veux pas mettre en doute votre suggestion, madame la présidente, mais le Sénat a suspendu ses travaux jusqu'au 18 juillet, en théorie. Voulons-nous être sûrs de pouvoir faire rapport ce jour-là?
La présidente : Oui, il faut faire rapport le 18 juillet.
Le sénateur Andreychuk : Il n'y a pas de raison de le retarder. D'un autre côté, nous ne voulons contraindre notre personnel à travailler pendant la fin de semaine pour apporter des changements.
La présidente : Durant nos audiences de la semaine prochaine, nous essaierons de trouver un moment pour discuter de la question. À ce moment-là, nous aurons vos commentaires sur les observations.
Les sénateurs sont-ils d'accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat avec des observations?
Des voix : D'accord.
La séance est levée.