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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 23 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 28 septembre 2005

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier la question des pétitions déposées au cours de la troisième session de la 37e législature, demandant au Sénat de déclarer la ville d'Ottawa, la capitale du Canada, une ville bilingue et de considérer le mérite de modifier l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867.

L'honorable Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : La séance est ouverte. Nous avions à l'ordre du jour les affaires du comité et, ensuite, les pétitions qui ont été déposées au cours de la 37e session qui demandaient au Sénat de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, ville bilingue et considérer le mérite de modifier l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Vous avez tous reçu la copie d'une invitation qui provenait de la commission de l'éthique des sciences et technologies du Québec. La commission va tenir à Montréal un forum public le 13 octobre prochain, pour débattre des enjeux éthiques liés à la biométrie. Certains d'entre vous souhaitent peut-être participer à ce forum; vous êtes invités à vous manifester et on pourrait envoyer deux membres du comité, un de l'opposition et un du gouvernement, qui pourraient y assister. Dans notre budget, nous avions prévu certaines sommes pour ce genre de manifestations.

Je vous mentionne cela pour que vous y pensiez. On pourra en informer les autres membres à mesure qu'ils arriveront.

[Traduction]

On a déjà discuté ici des dispositions de non-dérogation. Pour diverses raisons, notre comité n'a pas produit de rapport ou de conclusion sur la question. C'est un sujet d'importance pour les sénateurs autochtones et la population autochtone du Canada. Nous devrions envisager de reprendre notre étude de cette question cet automne. Je sais que notre comité est saisi de nombreux projets de loi et qu'il sera peut-être difficile de trouver suffisamment de temps pour approfondir un sujet aussi complexe que les dispositions de non-dérogation. Le printemps dernier, le comité a été autorisé à étudier les dispositions de non-dérogation et en faire rapport et un budget de 14 000$ avait été prévu à cette fin.

Je m'en remets à vous, mais je recommande qu'un sous-comité soit créé et chargé de mener une étude approfondie à ce sujet. Il pourrait être constitué de trois sénateurs ministériels et de deux sénateurs de l'opposition. C'est là une option qui s'offre à nous. Les membres du comité pourraient élire le président et le vice-président. J'en ai discuté avec les deux leaders. De notre côté, il n'y a aucune objection. En ce qui concerne l'opposition, le sénateur Kinsella m'a dit cet après- midi qu'il y aura une réunion demain où ils décideront quels sénateurs les représenteront à ce sous-comité. Je voulais informer les sénateurs de ce nous avions fait et vous assurer que nous n'avions pas oublié le sénateur Sibbeston, pour qui c'est un sujet d'importance capitale.

[Français]

Nous avons également à l'ordre du jour, le 19 octobre, le projet de loi S-39, la Loi pour modifier la Loi sur la défense, le Code criminel, la Loi sur les contrevenants sexuels, la Loi sur les casiers judiciaires. Le ministre Graham à accepté de venir nous rencontrer. On commencerait à ce moment-là par le projet de loi S-39 au retour.

Demain, nous siègerons à nouveau pour traiter du même dossier qu'aujourd'hui et je veux que nous le fassions à huis clos. Je pense que nous serons ainsi plus à l'aise dans nos discussions.

Est-ce qu'il y a des commentaires ou des suggestions?

Le sénateur Joyal : En ce qui a trait au point à l'ordre du jour, affaires du comité, madame la présidente, je vais peut- être plus vite que la musique mais, comme vous le savez, le ministre de la Justice a annoncé...

La présidente : C'était mon prochain sujet.

[Traduction]

La présidente : Le ministre Irwin Cotler doit choisir un nouveau juge pour la Cour suprême mais il attend de recevoir des propositions avant de dresser sa liste de candidats.

[Français]

Il nous dit ici qu'il veut entendre des groupes, des individus, qui feront...

[Traduction]

... des propositions par écrit au ministère de la Justice d'ici au 20 septembre 2005. Il tiendra compte des suggestions dont l'élaboration de la liste secrète de cinq à huit candidats. Cette liste sera présentée à un comité consultatif constitué de neuf membres dont des députés ministériels, des représentants des régions et un juge à la retraite. Ce comité examinera les candidatures et remettra au ministre Cotler une liste confidentielle de trois candidats retenus. Le premier ministre s'est engagé à choisir le prochain juge de la Cour suprême parmi ces trois candidats. Aucun sénateur ne siégera à ce comité consultatif spécial et je sais que vous vouliez aborder cette question, sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Oui, parce que c'est une question fondamentale qui touche notre institution. Ce rôle a été confié à la Chambre des communes par le ministre de la Justice en violation de la définition du Parlement. L'article 17 de la Constitution énonce que : « Il y aura, pour le Canada, un Parlement qui serait composé de la reine, d'une chambre haute appelée le Sénat et de la Chambre des communes ».

Dans sa proposition, le ministre de la Justice a exclu le Sénat du processus de consultation.

[Français]

La présidente : Vous savez que le NPD a refusé que les sénateurs soient membres de ce comité.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Peut-être que le NPD et d'autres sont satisfaits de cette proposition, mais je ne veux pas m'en prendre à un parti en particulier. Ce qui me préoccupe, c'est que le comité permanent du Sénat sur les affaires juridiques et constitutionnelles compte parmi ses membres des sénateurs qui ont des connaissances reconnues pour juger de la compétence des juristes canadiens à siéger à la Cour suprême du Canada, maison les empêche d'exprimer leur opinion.

Cela va au cœur du rôle fondamental que joue le Sénat, à savoir de procéder à un second examen objectif des décisions qu'aurait pu prendre l'autre endroit sans songer aux conséquences à long terme. Notre comité juridique a fait preuve de professionnalisme dans des dossiers difficiles dans le passé. Je n'ai pas à vous rappeler, madame la présidente, que notre comité a examiné le projet de loi C-38 l'été dernier de façon très objective. On a souligné l'objectivité de notre comité et l'impartialité de la présidence. Il ne fait aucun doute que si notre comité s'engage à siéger à huis clos, il pourrait garder ses délibérations confidentielles et formuler des recommandations pertinentes au ministre de la Justice qui, lui, tiendrait compte de nos recommandations comme de toutes les autres qui lui seront présentées. J'encourage fortement les sénateurs ici présents à réfléchir à cette question afin de décider le genre d'initiative que nous pourrions prendre en l'occurrence.

J'ose croire, madame la présidente, étant donné votre expérience et votre compétence à diriger notre comité, que vous saurez transmettre les préoccupations de notre comité au ministre de la Justice comme il se doit.

La présidente : Je le ferai. Y a-t-il d'autres observations?

Le sénateur Mercer : J'abonde dans le même sens que mes collègues. Cette proposition établit un précédent inquiétant. On fait fi de toute une institution en faisant fi du Sénat. En toute honnêteté, la façon dont on nommait auparavant les juges de la Cour suprême me satisfaisait pleinement. Nous n'avons connu aucun problème important dans le passé, le système fonctionnait très bien.

Toutefois, quelqu'un a décidé que les candidatures devraient faire l'objet d'un examen.

Si tel est le cas, et si le Parlement du Canada participe à cet examen, il m'apparaît évident que cela ne peut se faire sans le Sénat. Je présume que le Sénat s'en remettrait à notre comité puisque c'est lui qui traite des questions de cette nature.

Comme toujours, j'invoque comme défense l'argument que j'ai le bonheur de ne pas être avocat. Y a-t-il des options qui s'offrent à nous qui nous éviteraient d'exprimer notre mécontentement au ministre? Si le ministre prend note de notre mécontentement sans pour autant modifier sa façon de procéder, j'en conclurai qu'on en est venu à cette entente en raison de facteurs politiques qui jouent à l'autre endroit, ce qui est un fait. Je le comprends. Toutefois, il n'en reste pas moins que le Parlement compte deux Chambres. Faire fi du Sénat pour apaiser un ou deux partis d'opposition est inacceptable. Un jour, bientôt j'espère, nous aurons un gouvernement majoritaire. Je ne vois pas comment nous pourrions alors revenir en arrière. Je ne vois pas comment nous pourrions remettre le dentifrice dans le tube.

La présidente : Êtes-vous d'avis que je devrais envoyer une lettre au ministre au nom du comité pour lui faire part de notre position?

Le sénateur Ringuette : Oui, cela nous préoccupe tous. La meilleure façon de nous exprimer comme comité serait, je crois, d'envoyer une lettre au ministre expliquant la préoccupation du comité et sa déception d'apprendre que le Sénat, l'une des deux institutions du Parlement, ne participe pas au processus.

La présidente : C'est ce que je ferai.

Le sénateur Joyal : Je dirais que le Sénat est déçu de ne pas avoir été invité à participer au processus consultatif, mais aussi que nous demandons à être placé sur un pied d'égalité avec le comité consultatif. Nous demandons qu'on nous adresse, en toute confidentialité, la première liste des cinq à huit candidats éventuels, selon les conditions de création du comité et que l'on ait, comme le comité de l'autre endroit, la possibilité d'ajouter un candidat à cette liste dressée par le ministre de la Justice et ainsi nous aurions exactement le même mandat, soit de recommander, parmi tous ces candidats, celui que nous considérons comme étant le meilleur.

Nous voulons entendre le ministre. Cela fait, nous délibérerons entre nous et tirerons des conclusions. Je ne vois pas pourquoi le ministre ne nous traiterait pas de la même façon qu'il traite les députés.

La présidente : Est-ce unanime?

Le sénateur Rivet : Oui.

Le sénateur Sibbeston : Si j'ai bien compris, ce comité consultatif formulera une recommandation au ministre. J'imagine que les candidats seront en général compétents, chevronnés, qualifiés et très respectés.

Croyez vous que nous devrions prévoir un examen des antécédents des candidats?

La présidente : Non.

Le sénateur Sibbeston : Ne voudrions-nous pas mener le même genre d'examen qu'aux États-Unis?

La présidente : Non. Si on nous présente une liste, nous la passons en revue et nous formulons nos propres recommandations. C'est ainsi que j'interprète les propos du sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Ça ne fait aucun doute : la proposition qu'a rendue publique le ministre de la Justice, selon mon interprétation, ne prévoit pas d'interrogatoire des candidats comme on le fait aux États-Unis. D'ailleurs, aux États- Unis, on n'interroge pas tous les candidats, mais seulement celui qui a été retenu par le président.

Autrement dit, nous procédons d'une façon différente des Américains. Dans le cadre de notre processus, nous aurons à choisir les candidatures qui seront présentées au premier ministre par l'entremise du ministre de la Justice. Il n'y a aucun contact direct entre les candidats et les membres du comité consultatif que propose de créer le ministre de la Justice. C'est en se fondant sur le dossier de chaque candidat et sur le témoignage du ministre de la Justice, ainsi que sur les réponses aux questions qui seront posées au ministre de la Justice sur les divers candidats, les notes biographiques, les informations sur leur expérience professionnelle, communautaire et autres qu'on choisira les trois meilleurs candidats parmi les cinq à huit de la première liste. Voilà essentiellement la procédure.

Le sénateur Sibbeston : C'est un choix difficile. C'est un peu comme choisir un gouverneur général. Des millions de Canadiens pourraient faire l'affaire. Comment choisir la personne, comme celle qui vient d'être nommée Gouverneure générale, qui semble la plus compétente à exercer ses fonctions? C'est difficile. Je comprends que nous voulions jouer un rôle dans ce processus, que nous voulions apporter notre contribution et faire en sorte que ce choix n'incombe pas uniquement au ministre de la Justice, mais ce serait une tâche difficile et exigeante pour nous.

La présidente : Je suis d'accord. Nous enverrons une lettre au ministre. Nous attendrons jusqu'à demain la réponse à la demande que nous avons présentée à l'opposition. Puis, nous prendrons les dispositions pour créer, dans les meilleurs délais, un sous-comité qui s'emploiera à étudier ce dossier d'une manière approfondie.

[Français]

Pour ce qui est du forum public que tiendra la Commission de l'Éthique de la Science et de la Technologie du Québec à Montréal, le 13 octobre prochain, il serait bien qu'un membre de l'opposition et un membre du gouvernement puissent y assister.

Maintenant, revenons à la pétition, déposée au cours de la troisième session de la 37e législature, demandant au Sénat de déclarer la ville d'Ottawa, capitale du Canada, ville bilingue et de considérer le mérite de modifier l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867.

À ce sujet, c'est avec plaisir que nous accueillons nos témoins d'aujourd'hui, messieurs Peter Annis et François Landry, de l'étude Vincent Dagenais Gibson, ainsi que M. Marc Cousineau, de l'étude Nelligan O'Brien Payne.

Marc Cousineau, avocat, Nelligan O'Brien Payne, à titre personnel : Madame la présidente, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Notre intention est de vous persuader que le gouvernement fédéral a la responsabilité constitutionnelle, et j'ajouterais la responsabilité éthique, d'intervenir dans ce dossier pour adopter un projet de loi qui déclarerait Ottawa, capitale du Canada, ville bilingue.

Nous sommes ici en raison de la grande déception que nous avons tous ressentie suite à la décision du gouvernement de l'Ontario, lors de l'adoption de sa nouvelle loi sur la ville d'Ottawa, de nous offrir une coquille vide comme régime linguistique pour la ville d'Ottawa.

Dans les documents que l'on vous a fournis, vous avez une copie de la Loi de l'Ontario qui dit essentiellement que la ville d'Ottawa doit avoir une politique sur le bilinguisme, mais que le contenu et la portée de cette politique appartiennent à la ville locale.

Avec cette loi, on délègue à la municipalité le droit de déterminer le statut linguistique de la ville. À notre avis, c'est non seulement inconstitutionnel, mais c'est ultra vires du pouvoir du gouvernement de l'Ontario.

Vous avez mentionné avec raison que l'article 16 de la Constitution de 1867 stipule qu'Ottawa est la capitale du Canada. Mais de façon générale, les villes appartiennent aux provinces et depuis toujours, la jurisprudence de la Cour suprême dit que les provinces peuvent faire ce qu'elles veulent avec les villes. Les provinces peuvent abolir les villes, les fusionner ou les agrandir.

La question que je pose est rhétorique. En vertu de ce grand principe général, est-ce que la province de l'Ontario pourrait abolir la ville d'Ottawa? La réponse est non parce que la Constitution de 1867 stipule expressément qu'Ottawa est la capitale du Canada et qu'en vertu de cette même Constitution, cette ville a un statut spécial par rapport aux autres villes du pays.

Cela signifie qu'Ottawa, en tant que capitale, doit refléter la nature du pays. En ce moment, la politique linguistique de la ville d'Ottawa ne reflète pas la nature du pays. Nous sommes très conscients que la politique elle-même est très bonne et on ne la remet pas en question. Ce que l'on remet plutôt en question, c'est le refus, et du fédéral et du provincial, d'intervenir pour assurer le statut linguistique de la ville d'Ottawa, statut qui refléterait sa position de capitale du pays.

En ce qui concerne la jurisprudence, vous vous souviendrez que je l'ai enseignée pendant longtemps. Il y a eu la décision Monro qui a été rendue en 1966. La seule décision qui portait essentiellement sur Ottawa, capitale du Canada, était la création de la Commission de la capitale nationale. Elle portait sur l'expropriation de biens de fonds en Ontario.

Les gens se sont rendus jusqu'à la Cour suprême pour dire que les territoires, comme les municipalités, appartiennent aux provinces et le fédéral ne peut pas empiéter sur le pouvoir des provinces lorsqu'on parle de territoires. La Cour suprême a dit non. Lorsqu'il est question d'intérêt national, le gouvernement fédéral a juridiction sur la région de la Capitale nationale lorsque ce sont des questions d'intérêt national.

La jurisprudence de la Cour suprême du Canada est très claire. Entre autres, la décision Mercure dit expressément que toutes les décisions linguistiques sont des décisions d'intérêt national. Lorsqu'on se penche sur son statut et sa nature, on peut dire que la ville d'Ottawa possède toujours son statut de capitale nationale. On peut aussi dire qu'elle a un statut hybride parce que lorsqu'il est question des égouts et des chemins, le gouvernement provincial peut s'en occuper.

Mais lorsque ce sont des questions d'intérêt national, la responsabilité appartient au gouvernement fédéral. Pour qu'Ottawa joue véritablement son rôle, il faut que tous les Canadiens et Canadiennes, incluant les francophones, puissent venir à Ottawa et constater que la ville représente le visage du pays.

Actuellement, il suffit de se promener sur la rue Sparks pour voir le visage de la ville d'Ottawa. Nous croyons sincèrement que les gouvernements fédéral et provincial devraient donner à la municipalité le rôle de leadership afin que la ville joue ce rôle.

Ce qui suit n'est pas une histoire farfelue. Lors des dernières élections municipales, Terry Kilrea, qui s'est présenté contre le maire Bob Chiarelli, a obtenu 35 p.100 des voix et sa campagne électorale a porté uniquement sur l'antibilinguisme à Ottawa. Je pourrais nommer de futurs candidats aux prochaines élections qui partagent aussi ce point de vue, mais je pense que vous les connaissez autant que moi.

Faut-il attendre que quelqu'un d'autre soit nommé maire ou que le conseil municipal abolisse le statut bilingue de la ville d'Ottawa? La seule chose que la Loi de l'Ontario stipule, c'est qu'il doit y avoir une politique. Cette politique de bilinguisme pourrait proposer une personne bilingue au comptoir avec un système téléphonique automatisé lorsque la personne est en pause.

Si jamais cela se produit, je vous promets que la question deviendra d'intérêt national. Cela deviendra même une crise linguistique nationale. Tout le monde cherche à éviter ces crises linguistiques qui, heureusement je crois, sont chose du passé. Il reste tout de même le problème que constitue la question du bilinguisme de la ville d'Ottawa.

Sur le plan constitutionnel, le gouvernement fédéral a cette responsabilité et il l'a toujours eue. Nous tentons maintenant de l'encourager à assumer cette responsabilité et à adopter un projet de loi visant à faire d'Ottawa une ville bilingue. Cette histoire n'est pas hypothétique; elle est empreinte d'une possibilité réelle que nous préférons anticiper et éliminer.

Je cède maintenant la parole à Me Annis qui vous apportera une nouvelle perspective. En plus d'être un expert constitutionnaliste, il possède une solide expérience en litige. Il parlera de la possibilité de se présenter devant les tribunaux pour faire ce que les législateurs refuseraient de faire.

[Traduction]

M. Peter Annis, avocat, Vincent Dagenais Gibson, à titre personnel : Merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à vous adresser la parole aujourd'hui. J'abonde dans le même sens que M. Cousineau. Nous avons les mêmes objectifs, mais, moi, j'aborde la question d'un point de vue un peu différent, en ce sens que je me suis demandé, comme avocat, quel argument constitutionnel je pourrais invoquer pour qu'Ottawa soit déclaré officiellement bilingue. Je me suis tourné non pas vers le gouvernement fédéral mais plutôt vers le gouvernement de l'Ontario.

Comme vous le savez, la poursuite judiciaire est en quelque sorte le dernier recours. Mon curriculum vitae vous indiquera d'ailleurs que, moi, je travaille comme médiateur. À cette étape-ci de ma carrière, je préfère amener les gens à s'entendre à l'amiable. Toutefois, il arrive que, après avoir employé tous les autres moyens, l'action en justice reste la seule solution.

Je crois que nous connaissons tous les faits : la ville d'Ottawa a été fusionnée. Glen Shortliffe, ministre des Affaires municipales, a recommandé de faire d'Ottawa une ville officiellement bilingue. Malheureusement, le gouvernement Harris n'a pas donné suite à cette recommandation.

À l'époque, nous avons consulté certaines personnes sur l'opportunité d'intenter une poursuite. On nous a dit d'attendre l'arrivée imminente des libéraux de Dalton McGuinty au pouvoir car ils avaient fait des promesses et que l'affaire se réglerait.

Je partage l'opinion du professeur Cousineau selon laquelle le projet de loi 163 ne règle rien. En fait, cette mesure législative déçoit tous ceux qui espéraient qu'Ottawa serait déclaré bilingue. Quand on étudie la question, on conclut que c'est Queen's Park, que c'est le gouvernement de l'Ontario qui a le pouvoir de déterminer si Ottawa devrait être bilingue. La ville d'Ottawa exerce les pouvoirs que lui a délégué l'assemblée législative de l'Ontario. Il incombe donc à la province d'agir.

Quoi qu'il en soit, quand nous avons commencé à étudier la question, nous avons constaté qu'elle ne relevait pas des articles 91 et 92 sur le partage et compétence, puisqu'il ne s'agissait pas d'un pouvoir provincial qui s'opposait à un pouvoir fédéral. Nous nous sommes donc tournés vers l'article 16 de la Constitution, une disposition législative qui n'a pas encore été interprétée et qui stipule qu'Ottawa est le siège du Parlement. Nous nous sommes dit que des avocats seraient certainement en mesure de mettre en lumière ce qui est sous-entendu par cette disposition, à savoir ce qui découle du statut de capitale nationale.

La loi constitutionnelle de 1867 est en fait un accord entre les provinces aux termes duquel les provinces conviennent de donner à l'Ontario le principal avantage découlant d'une fédération, soit d'être le siège de la capitale du pays. Il semble tout à fait logique que toute province tente de s'approprier la capitale nationale.

On n'a qu'à comparer Ottawa à Kingston, Pembroke et Hawkesbury pour constater que la seule chose qui distingue Ottawa de ces autres villes, c'est qu'elle est la capitale nationale. La présence de la capitale du pays en Ontario s'accompagne bien sûr d'importants avantages pour le gouvernement de cette province.

Mais ces avantages importants n'entraînent-ils pas des obligations? Nous croyons que oui. Nous estimons d'ailleurs que cette obligation est claire. Elle est implicite, mais toute personne sensée vous dira qu'il y a une obligation. Que la province est tenue de ne pas frustrer la fédération dans la poursuite de ses objectifs pour la capitale nationale.

Autrement dit, l'Ontario a l'obligation positive de ne pas contrecarrer les efforts que déploie Ottawa pour atteindre ses objectifs comme capitale nationale. Nous affirmons que cette obligation est implicite.

Si la cour reconnaît qu'une obligation implicite découle de cette entente, il faut entreprendre une analyse différente. Il faut alors déterminer si les questions relatives aux langues officielles sont cruciales pour l'atteinte des objectifs de la capitale nationale. Vous comprendrez que nous avancerions de bons arguments plaidant pour l'importance cruciale des langues officielles.

Jusqu'alors, nous avons considéré les langues officielles du point de vue de la minorité linguistique, mais lorsqu'on envisage les langues officielles dans la ville d'Ottawa on voit qu'il s'agit en réalité d'un enjeu national. C'est un enjeu qui intéresse autant le Québec que le reste du pays. Nous avons une capitale nationale. Nous invitons les Canadiens de toutes les régions du pays à vivre à Ottawa, à travailler au sein de nos institutions fédérales dans un milieu que nous voulons accueillant. La plupart des gens savent que, quand l'on vient du Québec, on choisit de vivre à Gatineau. Pourquoi? Parce qu'on estime qu'Ottawa est peu accueillante pour les francophones.

Toutes ces obligations découlent du statut de capitale nationale. Une fois qu'il a été établi que les langues officielles sont d'une importance cruciale pour le gouvernement fédéral, il y a lieu de se demander si l'Ontario a fait quoi que ce soit pour empêcher le gouvernement fédéral d'atteindre ses objectifs? Ces objectifs sont énoncés dans la Loi sur les langues officielles et, selon ces objectifs, Ottawa est censé refléter la nature bilingue et biculturelle de notre pays. Or, il est clair qu'Ottawa n'a rien fait à cet égard. En fait, Ottawa empêche le gouvernement fédéral d'atteindre son objectif de faire d'Ottawa une ville bilingue, biculturelle et accueillante pour tous les Canadiens.

C'est une disposition qui n'a jamais été examinée auparavant, ce qui a un certain attrait pour les avocats. Je n'ai pas à m'inquiéter de ce que l'Alberta, le Québec ou Gatineau ont à dire. Ce dont il s'agit ici, c'est de l'Ontario. L'Ontario a un statut spécial parce que la capitale nationale s'y trouve. Il faut donc déterminer si des obligations découlent du statut spécial conféré à l'Ontario par la présence de la capitale nationale dans cette province.

S'il s'agissait d'un contrat, l'argument serait simple. Disons qu'il s'agit d'une entreprise commune rassemblant plusieurs entreprises qui joignent leurs efforts pour mettre sur pied une société dont la direction est toutefois attribuée à la compagnie A.

Il se trouve que cela entraîne de nombreux avantages pour la compagnie A. Celle-ci décide alors de ne rien faire, ce à quoi les autres compagnies s'opposent, faisant valoir que l'octroi du siège social à la compagnie A doit servir à la réalisation des objectifs de l'entreprise commune. Je crois que tout tribunal jugerait que le contrat prévoit implicitement que l'administration du siège social doit se faire de façon à aider l'entreprise commune à atteindre ses objectifs. D'un point de vue strictement contractuel, c'est très simple à prouver.

Cela pourrait-il s'appliquer en droit constitutionnel? Je crois que oui, parce que, comme je l'ai dit, il s'agit d'une disposition législative qui n'a pas encore été interprétée. Bien sûr, les avocats avanceraient d'autres arguments. Ils préconiseraient l'imposition d'une obligation à l'Ontario. Est-ce une lourde obligation que de faire d'Ottawa une ville officiellement bilingue? Nous savons tous que nous ne demandons pas de changement. Nous voulons simplement une marque de respect. Il s'agit d'établir le statut linguistique de la ville. Il faut reconnaître un statut égal aux deux langues pour que les leaders de ces communautés linguistiques puissent dire que cela reflète la nature du pays.

Quelle est l'obligation imposée à l'Ontario? Aucune. Ce n'est pas un fardeau pour l'Ontario. C'est peut-être un fardeau politique pour certains, mais ce n'est pas un véritable fardeau. Quand on examine les coûts, les avantages, et cetera, et quand on passe en revue tous les critères comme on le ferait dans un cas ordinaire, on peut faire valoir que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 comporte implicitement ce fardeau. Ce fardeau, c'est l'obligation pour l'Ontario de ne pas frustrer le gouvernement fédéral dans l'atteinte de ses objectifs pour Ottawa, ce qu'elle fait actuellement. C'est ainsi que je voie la chose comme avocat.

Mais nous sommes ici aujourd'hui devant votre comité. Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait faire preuve de leadership. Il devrait faire des déclarations. L'adoption du projet de loi 163 ne devrait pas être passée sous silence par votre comité. Quiconque s'intéresse à la question devrait se demander si le projet de loi 163 répond aux besoins de faire d'Ottawa une ville officiellement bilingue. Manifestement, non. Je crois donc que votre comité devrait se prononcer sur la question.

En ce qui a trait à notre poursuite, au bout du compte, il faudra s'adresser aux tribunaux. Je ne vois pas d'autre issue.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'une occasion s'offre à nous maintenant. Cette occasion nous est offerte par la fusion d'Ottawa qui a soulevé la question du statut bilingue de la ville. La question ayant été soulevée par suite de la fusion, il y aurait lieu de la régler dans les meilleurs délais. Je crois que les libéraux croyaient avoir réglé la question avec le projet de loi 163, mais ce n'est qu'un écran de fumée. Cela n'a rien de réglé. En fait, les libéraux n'ont rien fait. Entre-temps, nous risquons de rater l'occasion qui s'offre à nous d'apporter une solution. Si aucune mesure législative n'est prise, je crois que nous devrons demander aux tribunaux de trancher.

J'aimerais que votre comité recommande que, en l'absence d'initiative législative, le gouvernement fédéral envisage de subventionner une poursuite judiciaire, dans une certaine mesure. Je crois que la plupart d'entre nous sommes prêts à travailler bénévolement, mais les débours seront élevés. Nous aimerions, par exemple, que les débours soient payés. Il y a d'ailleurs un programme pour cela. Nous avons présenté une demande en vertu du programme de contestation judiciaire. Toutefois, je crois qu'on nous a dit que les fonds de ce programme étaient insuffisants et qu'on ne pourrait pas nous aider financièrement.

Je ne suis pas certain que notre démarche soit bien comprise. Nous avons, en outre, l'intention d'établir des liens entre tous ces arguments. Ce que je vous ai décrit n'est pas sans rapport avec les arguments avancés par le professeur Cousineau. Ils sont tous interreliés. Si nous ne pouvons amener le gouvernement fédéral à agir aux termes des pouvoirs que lui confère la Loi constitutionnelle, nous devrions invoquer l'article 16. Invoquons l'article 16 qui n'a pas encore été interprété pour voir ce que cela peut donner.

Ces arguments m'apparaissent logiques. Ce qui est bien, aussi, c'est quand j'en parle aux gens et que je leur demande s'ils s'opposeraient à ce qu'Ottawa devienne officiellement bilingue, bien peu de gens sont contre l'idée. Quand je parle aux gens, je leur raconte l'histoire du Canada. Bien peu de gens connaissent le compromis sur la langue qui est intervenu lors de la création du pays. Comme vous le savez, à l'origine, le Québec a accepté de devenir officiellement bilingue à condition que le gouvernement fédéral en fasse autant. C'était ce qui était prévu à l'origine. Mais les provinces s'en sont tirées à bon compte. Au bout du compte, le Manitoba est devenu officiellement bilingue mais, au départ, le gouvernement fédéral et le Québec étaient censés devenir officiellement bilingues. L'Ontario, le Nouveau- Brunswick, la Nouvelle-Écosse et toutes les autres provinces se sont dérobées. Nous savons que le Québec résiste au bilinguisme depuis lors, mais, en réalité, l'assemblée nationale est officiellement bilingue. Les lois de la province doivent être publiées dans les deux langues et on peut plaider dans l'une ou l'autre des langues officielles au Québec. C'est donc une province officiellement bilingue.

Voilà donc le contexte. Aucune obligation n'a été imposée à l'Ontario. L'Ontario a reçu le joyau de la Couronne du fédéralisme sans rien donner en contrepartie. Moi, je suis anglophone. Mon père était un agriculteur de Toronto et ma mère vient de l'ouest du pays, mais, je ne sais trop comment, ils m'ont amené à envisager toute cette question d'un autre point de vue. J'estime qu'Ottawa est une ville merveilleuse qui a de belles réalisations à son actif. Les deux groupes linguistiques de la ville ont beaucoup de respect l'un pour l'autre. J'ignore si les gens savent à quel point il est difficile pour deux langues et deux cultures différentes d'avoir un tel respect mutuel. C'est un exploit incroyable dont Ottawa peut être fier. C'est une ville bien spéciale et unique en son genre.

Je ne crois pas que les habitants d'Ottawa s'opposent à ce que leur ville devienne officiellement bilingue. Nous ne réclamons pas de changement à l'hôtel de ville. C'est une question de respect. C'est un peu comme avoir un bon mariage dont les conjoints ne se disent pas qu'ils s'aiment l'un l'autre. C'est un symbole important. Comme Canadien anglophone, j'estime que le respect mutuel est très important. C'est une caractéristique fondamentale du pays et Ottawa doit en témoigner. J'en suis aussi intimement convaincu personnellement.

Nous vous recommandons donc de ne pas passer sous silence le projet de loi 163, de donner votre opinion sur ce projet de loi qui n'accomplit rien. Vous pourriez aussi encourager le gouvernement fédéral à appuyer ce genre d'initiative, même si le gouvernement n'adopte pas la loi.

[Français]

La présidente : Maître Cousineau mentionnait l'utilisation de la doctrine de l'intérêt national comme moyen juridique qui permettrait au gouvernement fédéral de reconnaître la ville d'Ottawa bilingue. La Cour suprême utilise avec prudence cette doctrine — en tout cas il me semble qu'elle le fait de moins en moins. On sait que les municipalités relèvent des gouvernements provinciaux et non du gouvernement fédéral. Quand on lit que l'on veut imposer le bilinguisme dans les services municipaux en se basant sur l'intérêt national, ne trouvez-vous pas que cela va un peu loin? Je pense que l'on ouvre une porte qui serait difficile à refermer. Ne pensez-vous pas que c'est telle une boîte de Pandore remplie de surprises?

M. Cousineau : Si c'était une nouvelle porte que l'on ouvre, je serais d'accord, mais la porte a déjà été ouverte par la décision Monroe. Lorsqu'on a créé la Commission de la capitale nationale, il n'y a aucun doute sur le fait que l'on a empiété sur les pouvoirs provinciaux. La cour a été très claire, et la décision se trouve dans les documents que nous vous avons remis. Souvent nos juristes et nos juges parlent longtemps pour nous dire quelque chose, mais cette décision est très courte et très claire. Il est très clair que, normalement, pour toutes les autres villes, c'est exclusivement une municipalité. Ce n'est pas nouveau, c'est déjà fait. Vous n'êtes pas en train d'ouvrir des portes, vous êtes en train d'emprunter une porte déjà ouverte.

Cela ne porte pas sur les autres villes, mais uniquement sur Ottawa. Je ne vois pas comment on pourrait partir d'Ottawa pour aller à Moncton, à Sudbury ou à Saint-Boniface, parce que ces villes, aussi belles soient elles, ne sont pas la capitale. Ces villes ne sont pas mentionnées dans la Loi constitutionnelle de 1867. Seule Ottawa est la capitale.

Le plus vieux principe de droit est que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. On présume que les législateurs sont sages. Présumons que, lorsqu'on a dit qu'Ottawa était la capitale, on voulait dire autre chose que dire que c'est simplement un point sur la carte.

Je voudrais faire une analogie avec la Belgique. Lorsqu'on parle de modèles de régimes linguistiques, on nomme toujours deux pays : le Canada et la Belgique. Je suis un de ceux qui valorisent de loin la vision canadienne plutôt que la vision belge. En Belgique, on a réglé la question linguistique en traçant une ligne ; lorsque vous traversez cette ligne, vous oubliez votre langue, votre culture, tout se passe dans l'autre langue. L'exception, en Belgique, c'est Bruxelles. Je pourrais vérifier, mais il me semble que c'est l'article 35 de la Loi constitutionnelle qui dit que, Bruxelles étant la capitale, toutes les questions linguistiques pour Bruxelles dépendent du gouvernement fédéral.

Bruxelles est situé dans la région flamande, mais est à 90 p. 100 wallonne, donc francophone. C'est une ville un peu bizarre car, dans un sens, si on suivait le modèle des municipalités qui existe en Belgique, tout devrait se faire en flamand, parce que c'est le territoire flamand. Mais Bruxelles est la capitale, et les Belges ont été assez sages pour dire que les Flamands autant que les Wallons ont le droit de se sentir chez eux dans la capitale. Au Canada, on demande seulement la même disposition pour la capitale.

Je suis d'accord avec votre point de vue sur la question de l'intérêt national, mais ici c'est une situation très particulière car on parle exclusivement de la capitale. On ne parle pas, par exemple, de l'agriculture ou de la pêche, quand on parle d'intérêt national. Je suis d'accord avec vous pour dire que lorsqu'on parle de choses qui ne sont pas expressément dans la Loi constitutionnelle, comme l'est Ottawa, les tribunaux sont très réticents à intervenir pour donner des pouvoirs au fédéral.

Cependant, premièrement, Ottawa est déjà là comme capitale; deuxièmement la Cour suprême a déjà tranché; troisièmement, pour paraphraser les propos de M. Annis, c'est le simple bon sens. Je pense qu'il n'y aura aucune réticence de la part des tribunaux et des Canadiens pour que l'on aille dans cette voie.

La présidente : L'article 11.1 prévoit que la ville est tenue d'adopter une politique qui traite de l'utilisation du français et de l'anglais dans l'administration et les services municipaux. Malgré cela, depuis 2001, j'ai cru comprendre, à ce que vous me dites, qu'il n'y a pas eu d'amélioration?

M. Cousineau : La politique elle-même était en place dans la ville d'Ottawa avant que la ville ne soit fusionnée. On a essentiellement pris la politique à la ville d'Ottawa pour l'appliquer dans la nouvelle municipalité fusionnée. Je pense que cette politique fonctionne assez bien. Le problème que nous voulons souligner aujourd'hui, ce n'est pas le contenu de cette politique qui semble assez bien fonctionner, mais le statut constitutionnel de cette politique. Il est trop facile, cependant, pour d'autres personnes, de déliter la politique pour en faire une coquille vide. Il ne devrait pas être permis que des élus municipaux déterminent le statut et le visage de la capitale du pays. Je pense que c'est inconcevable pour l'image constitutionnelle qu'on se donne comme pays.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : De façon générale, je suis en faveur du concept. Toutefois, je m'oppose à la déclaration de notre premier témoin comme quoi M. Kilrea a reçu 35 p. 100 des voix en raison de son programme antibilinguisme. Je vis à Ottawa depuis un bon moment, et je dirais plutôt qu'il a recueilli ces voix non pas en raison de sa position sur le bilinguisme, mais plutôt parce que M. Chiarelli était au pouvoir depuis trois ans. Tout candidat raisonnablement crédible aurait pu recueillir 30 p. 100 des voix. Si l'on avait recueilli davantage, cela aurait pu être problématique. Je ne me souviens d'ailleurs pas que sa position sur le bilinguisme était l'élément le plus important de son programme. Je ne crois donc pas que ce soit un argument qui plaide en votre faveur.

Maître Annis, je n'ai pas bien compris ce que vous nous avez expliqué. Je ne suis pas certain si vous nous avez dit que nous avions le pouvoir constitutionnel d'agir. Vous avez d'abord déclaré que c'était un problème qui relevait de l'Ontario parce que les villes sont une création des provinces, et que seul le fait qu'une seule ville est mentionnée dans la constitution vient compliquer les choses.

M. Annis : C'est une bonne question. Je crois que le gouvernement pourrait légiférer dans ce domaine.

J'ignore toutefois jusqu'où le gouvernement fédéral pourrait aller. Mais il pourrait certainement tenter de légiférer dans ce champ de compétence. Je reconnais toutefois qu'il y a aussi des questions relatives à l'administration publique d'une ville dans une province qui s'oppose.

Peu importe que le gouvernement fédéral cherche ou non à occuper ce champ de compétence, cela ne nous empêche pas de plaider qu'une obligation positive incombe au gouvernement de l'Ontario. C'est une bonne question.

Le sénateur Mercer : J'ai dirigé des campagnes électorales à différents paliers.

Le sénateur Rivest : En avez-vous gagnées?

Le sénateur Mercer : Je les ai presque toutes gagnées. Je pense donc aux avantages et aux inconvénients, du point de vue politique que présenterait pour un gouvernement le fait de prendre position ou de déclarer Ottawa officiellement bilingue.

Ce serait populaire dans la partie Est de la ville et probablement dans la partie Sud de la ville. Cela le deviendrait moins à mesure qu'on se dirigeraient vers l'Ouest de la ville en raison de la distribution de la population francophone à Ottawa, et ce serait encore moins populaire dans la partie rurale d'Ottawa constituée des villages et petites villes qui ont été fusionnés à Ottawa.

J'aurais bien aimé que nous soyons saisis de ce dossier quand notre collègue, le sénateur Gauthier, a amorcé ce processus. Les risques politiques étaient peut-être moins élevés qu'ils ne le seraient maintenant. Il s'agit de choisir le bon moment.

M. Annis : Oui, en effet, l'occasion qui s'offre à nous d'agir disparaîtra bientôt.

Le sénateur Mercer : En effet, je ne crois pas que l'un ou l'autre parti politique estime que le jeu en vaut la chandelle. J'appuie votre idée, mais il faudrait que je connaisse les risques politiques.

M. Annis : Le professeur Cousineau veut répondre, puis j'ajouterai quelque chose.

[Français]

M. Cousineau : Le visage linguistique d'Ottawa change énormément. Il y a un mois, on annonçait l'ouverture d'une nouvelle école secondaire francophone dans l'ouest de la ville. Carleton Place, ville autrefois tellement anglophone qu'aucun francophone n'osait y mettre les pieds, a maintenant son école francophone. On s'aperçoit maintenant que la vieille démographie d'Ottawa change.

On se demande si on doit laisser les questions politiques l'emporter sur les questions d'intérêt national. Je crois que non. Une autre question se pose : s'il s'agissait d'une décision conjointe des parties, quel serait le risque politique? En fait, si tout le monde accepte le fait qu'Ottawa doit refléter la vraie nature du pays, qui perd sur le plan politique?

Par contre, si le gouvernement fédéral refusait d'aller dans cette voie, il est fort à parier que la situation dégénérerait en crise linguistique nationale. À mon avis, cette crise est beaucoup plus dangereuse qu'un siège ou deux dans l'ouest de la ville d'Ottawa.

[Traduction]

M. Annis : J'insiste sur le fait que l'obligation qu'a l'Ontario découle dans une certaine mesure des énormes avantages que retire la province de la présence de la capitale nationale. Autrement dit, vous ne pouvez accepter tous les avantages sans assumer les obligations qui les accompagnent. Il faut faire valoir des arguments fondés sur le bon sens.

Considérez le cas d'Ottawa, Kingston, Pembroke et Hawkesbury. Quelle est selon vous la différence? Quiconque y réfléchit vous dira que s'il y avait une raison de défendre le fédéralisme, c'était bien pour obtenir la capitale. Peut-être qu'à l'époque de la création de la confédération, on ne pouvait s'imaginer ce que cela signifierait, à l'avenir, que d'être la capitale du pays. Or, la capitale nationale est au cœur du fédéralisme. C'est un cadeau très précieux, un énorme avantage.

Vous pourriez invoquer l'argument politique selon lequel il est illogique de profiter de tous ces avantages sans s'attendre à devoir assumer des obligations. La seule obligation que nous voulons imposer à l'Ontario, c'est de ne pas contrecarrer les efforts du gouvernement fédéral dans la poursuite de ses objectifs concernant la capitale nationale. C'est tout ce que nous demandons. Ne contrecarrez pas les efforts du gouvernement fédéral. Ne lui mettez pas de bâtons dans les roues.

Cela ne coûtera rien à l'Ontario. Cela n'augmentera pas le fardeau fiscal ou quoi que ce soit d'autre. Nous demandons seulement que les deux langues, dans ce contexte bien particulier, aient le statut de langues officielles. C'est une déclaration symbolique témoignant un respect mutuel. C'est important, parce que ça donne une idée de ce que la ville est censée être. Elle est censée se réjouir d'abriter deux langues et deux cultures.

Le sénateur Mercer : Je ne suis pas d'accord avec vous. Je suis convaincu que cela aurait dû se faire il y a longtemps. J'estime que l'Ontario s'est soustrait à sa responsabilité, pas seulement le gouvernement McGinty, mais aussi le gouvernement Davis, le gouvernement Rae, le gouvernement Peterson et tous les autres que j'ai peut-être omis dans cette liste chronologique.

Nous comprenons ce que vous dites sur les avantages que confère la capitale nationale à la province où elle se trouve. Toutefois, le premier ministre de l'Ontario lui, ne semble pas le comprendre, puisqu'il ne cesse de parler du déficit qu'entraîne pour l'Ontario sa contribution financière au Trésor fédéral. Il oublie que les habitants d'Ottawa ne l'aimaient pas.

M. Annis : J'ai constaté que les gens oublient les avantages que confère à l'Ontario le privilège d'être le siège de capitale nationale. C'est incroyable. Ils n'en tiennent absolument pas compte.

Le sénateur Mercer : Vous avez raison. Les enjeux politiques ne devraient pas primer les questions d'intérêt national. Toutefois, il ne faut pas oublier que les décisions qui sont prises dans l'intérêt national sont prises par des politiciens et qu'elles sont donc politiques. Voilà pourquoi j'ai dit plus tôt qu'il nous fallait bien choisir le moment. À mon sens, c'est là la question.

[Français]

Le sénateur Rivest : Il va sans dire que le Canada est un pays basé sur une dualité linguistique, c'est sans équivoque. Il y a tout de même un certain nombre de questions qui se posent quant à la voie juridique à prendre via l'utilisation de l'intérêt national.

Au moment du rapatriement de la Constitution, si on avait prévu la possibilité pour Ottawa de modifier l'article 16, cela aurait réglé le problème. Mais il devait sans doute y avoir d'autres considérations à cette époque.

Bien sûr, la responsabilité appartient au gouvernement fédéral. Mis à part ce fait, est-ce que les provinces ont manifesté un quelconque intérêt pour la question du bilinguisme de la ville d'Ottawa?

M. Cousineau : On a toujours abordé la question du point de vue local. C'est comme si on laissait aux franco- Ontariens le fardeau de transformer la ville d'Ottawa pour qu'elle reflète la vraie nature du pays. Malheureusement, quand cela vient de la ville d'Ottawa, le sénateur Mercer a raison de dire qu'il n'y a pas unanimité.

En ce qui concerne la question du sénateur Mercer, j'aimerais spécifier que M. Annis et moi-même ne sommes pas en contradiction. Honnêtement, je me fous qu'une loi stipulant qu'Ottawa est une ville officiellement bilingue vienne du fédéral ou du provincial. Mais il est possible que nous allions devant les tribunaux. Et si c'est le cas, nous pousserons les deux paliers de gouvernement jusqu'à ce que l'un ou l'autre assume sa responsabilité.

Pour ma part, je suis d'avis que ce devrait être de juridiction fédérale; M. Annis trouve que ce devrait être de juridiction provinciale. Nous nous entendons toutefois sur le fait que quelqu'un devrait en prendre la responsabilité.

Le sénateur Rivest : Il est plutôt étrange de constater, qu'en demandant au Sénat, à la Chambre des communes ou au gouvernement fédéral en tant que tel de décréter une chose par le biais de ses pouvoirs en vertu de la théorie de l'intérêt national, il y ait une indifférence ou une insensibilité totale dans le reste du pays.

À mon avis, ce dossier devrait faire l'objet d'une mobilisation chez les autres premiers ministres qui pourraient aussi exercer certaines pressions sur leurs collègues de l'Ontario. Ce serait là un bon point de départ, car cela n'a jamais été fait.

M. Cousineau : Si vous me donnez un bon compte de dépenses, j'irai faire le tour du Canada. Mais ce n'est pas à moi personnellement de mener ce genre de campagne à travers le pays.

Le sénateur Rivest : C'est au gouvernement fédéral à sensibiliser les autres premiers ministres, si vraiment il en est convaincu, car il existe aussi une dimension politique de juridiction provinciale autour de cette question.

Cette position vaut autant pour l'initiative que le Sénat et la Chambre des communes seraient appelés à prendre, alors qu'on a laissé les autres décideurs au Canada de côté, si véritablement il s'agit d'une question d'intérêt national qui préoccupe le premier ministre de la Colombie-Britannique, celui du Québec et des autres provinces.

Mon deuxième point est le suivant. L'article 16 dit que le siège du gouvernement fédéral réside à Ottawa. Croyez- vous que la situation serait différente, voire plus simple juridiquement, si la capitale nationale était un district fédéral?

M. Cousineau : Nous avons discuté de cette possibilité, mais là n'est pas la question. Si on parlait de la région de l'Outaouais, incluant Ottawa, Gatineau et la capitale, la réponse serait affirmative. Mais ce n'est pas ce que la Loi constitutionnelle dit; la Constitution désigne la ville d'Ottawa.

Le sénateur Rivest : Ce qui me mène à ma prochaine question qui est de nature plus juridique. Pour amender l'article 16 et dire que la ville d'Ottawa est le siège du gouvernement canadien et qu'Ottawa est une ville bilingue, faut-il l'unanimité des provinces avec le gouvernement fédéral ou 7/50? L'article 43 ne s'applique pas, si je ne m'abuse.

M. Annis : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

M. Cousineau : Ce serait 7/50. Toutefois, on ne demande pas la modification.

Le sénateur Rivest : Je comprends. Cependant, mon problème est le suivant : je ne vois pas comment on pourrait atteindre l'objectif que tout le monde poursuit sans la participation des autres provinces. Après tout, on parle de la capitale de toutes les régions du Canada. Plusieurs provinces, telle le Nouveau-Brunswick, seraient sans doute intéressées à appuyer cette initiative. Comment alors procéder? Il existe une solidarité tacite entre les provinces.

En procédant avec la théorie de l'intérêt national, vous entrez dans un champ de juridiction. Prenons, par exemple, l'arrêt Monroe que l'on connaît bien. Si vous lui donnez une extension linguistique pour justifier le fait de rendre Ottawa ville bilingue du fait qu'elle est la capitale, plusieurs craindront au Québec que l'on utilise ce même raisonnement pour étendre la Loi sur la capitale nationale, lui donner une dimension linguistique et ainsi heurter la Loi 101. Vous risquez alors de perdre une partie de l'opinion publique québécoise sur ce principe.

La voie juridique peut donner certains résultats, bien que parfois aléatoires. Mais à mon avis, s'il s'agit, en effet, d'une question d'intérêt national — non pas au sens de l'arrêt Monroe mais au niveau politique — et je ne conçois pas que l'on puisse faire d'Ottawa une véritable ville bilingue sans que l'ensemble des intervenants canadiens y participent.

Deuxièmement, quand on aura déclaré Ottawa ville bilingue, cela ne voudra rien dire avant qu'une loi vienne définir les services afin d'éviter de ne pas se retrouver à nouveau devant une coquille vide comme celle de la Loi 163. Qui, à la ville d'Ottawa, fera cette définition? Est-ce le gouvernement fédéral qui déterminera si la ville d'Ottawa doit offrir des services municipaux, selon les critères qu'il aura choisis, lorsque le nombre le justifie? Cette provision existe déjà dans la Constitution du Canada.

À partir du moment où on demande une loi pour dire que la ville d'Ottawa est une ville bilingue, on doit procéder à l'ensemble du Canada, car cette question est nationale. Mais même si on procédait simplement par l'initiative du gouvernement fédéral en déclarant Ottawa ville bilingue, outrepassant les pouvoirs de l'Ontario sous prétexte qu'il en découle de la théorie de l'intérêt national, Ottawa aura à se donner une loi des langues officielles pour déterminer de façon détaillée l'ensemble des services à offrir. Le gouvernement fédéral ne pourra tout de même pas exiger plus de la ville d'Ottawa qu'elle-même s'impose lorsqu'il s'agit de fournir des services en français où un nombre suffisant l'exige.

Une fois qu'on aura décidé qu'Ottawa est une ville bilingue, tout le monde sera heureux, et moi le premier, mais on n'aura pas dit grand-chose. Qui va décider de la nature spécifique et des exigences, comme cela s'est fait, par exemple, au Nouveau-Brunswick quand cette province a adopté sa loi sur le bilinguisme? On voit de quoi il s'agit, mais qui va l'imposer à la ville d'Ottawa? Est-ce le gouvernement fédéral? Aussi bien créer un district fédéral qui sera régi par la Loi sur les langues officielles.

M. Annis : Vous avez posé trois ou quatre questions. En premier lieu, il faut comprendre que dans notre argument on se base sur l'article 16 et non sur les articles 91 ou 92. Il n'est pas question non plus de modifier ou d'adopter un amendement à l'article 16. À notre avis, il suffit d'interpréter les termes déjà en place.

La question est à savoir si on peut trouver une obligation implicite dans l'article 16 du fait que la ville d'Ottawa est le siège social. À ce moment, il ne s'agit pas d'une imposition aux autres provinces mais plutôt de déterminer les obligations de l'Ontario découlant de l'article 16. Je ne sais pas si vous saisissez cet aspect de l'argument.

Le sénateur Rivest : Je ne comprends pas. L'Ontario a cette obligation, donc c'est le gouvernement de l'Ontario qui définira une loi des langues officielles, du bilinguisme, s'appliquant en l'occurrence?

M. Annis : L'Ontario a déjà ce pouvoir. Et s'ils désirent adopter une loi déclarant Ottawa ville bilingue, ils ont plein droit de le faire. Ottawa est tout de même une ville de l'Ontario.

Le sénateur Rivest : Pourquoi ne veulent-ils pas le faire, dans ce cas?

M. Annis : Nous parlons de l'administration publique d'une province. Voilà ce qui complique les choses. Il ne s'agit pas d'une administration fédérale mais d'une administration provinciale. Le gouvernement de l'Ontario a donc plein pouvoir en la matière. C'est pourquoi nous disons que si vous regardez l'article 16, du fait que l'Ontario a obtenu la capitale nationale, cela par conséquent l'engage à certaines obligations. Une des obligations est que l'Ontario ne devra pas frustrer le gouvernement fédéral dans ses objectifs pour la capitale nationale.

Cette question ne s'applique pas à l'Alberta, au Québec ou à toute autre province que l'Ontario, car c'est elle qui a, selon la Constitution, cette obligation. Voilà le premier point pour bien comprendre la façon d'éviter les problèmes politiques de cet ordre.

Le deuxième point est le suivant : est-ce qu'on tente de définir le contenu de cette loi? Je ne crois pas que tel est l'objectif visé par ce que nous envisageons.

La façon de faire en Ontario a toujours été de travailler selon une stratégie et par petites étapes. Nous avons pu le constater, dans le monde juridique, lorsque l'Ontario a mis en place un régime bilingue plutôt efficace, en progressant petit à petit, sans éveiller de soupçon.

Tout à coup, en 1985, ils ont adopté une loi déclarant que le français et l'anglais sont les langues officielles des tribunaux ontariens. Ils ont déjà fait des choses à Ottawa. Comme le disait Marc, ce n'est pas parfait. Toutefois, il y a un régime en place qui tente de répondre aux exigences.

Le sénateur Rivest : Comme ils le font dans le monde scolaire.

M. Annis : Voilà. Ce qui manque ici, c'est la déclaration officielle symbolique à l'effet que les deux langues officielles sont le français et l'anglais.

Le sénateur Rivest : Je suis d'accord pour que le gouvernement fédéral le fasse, mais je vois mal qu'il puisse le faire sans en parler. Je souhaite que les autres provinces du Canada soient intéressées à appuyer cette démarche. Le gouvernement fédéral serait beaucoup plus fort. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Cousineau : Je vais répondre à votre question peut-être de façon négative. Ne pensez-vous pas que la Colombie- Britannique ou l'Alberta s'opposerait? Quelles raisons auraient ces provinces de s'opposer à ce que le gouvernement fédéral ou l'Ontario dise qu'Ottawa est officiellement une ville bilingue?

Le sénateur Rivest : La caractéristique fondamentale du Canada est la dualité.

M. Cousineau : Je crois que tout le monde est d'accord avec ce point.

Le sénateur Rivest : Je ne conçois pas qu'un leader politique en Colombie-Britannique, au Québec ou ailleurs, puisse s'opposer à ce que la capitale du Canada soit bilingue. Non, il doit être un fervent batailleur et dire oui, la capitale du Canada doit être bilingue. C'est la responsabilité de tous les premiers ministres des provinces d'appuyer cela. Ils doivent le faire et c'est ainsi que le gouvernement fédéral pourra agir juridiquement ou politiquement selon la voie déterminée. Il est inconcevable que la dualité linguistique ne reçoive pas plus d'appuis et ainsi demander à la ville d'Ottawa d'agir seule. La capitale du Canada devrait être une ville bilingue.

M. Cousineau : Nous partageons votre optimisme. Vous avez raison. Dans un sens les questions fondamentales sont tranchées et tous semblent être d'accord avec le fait que le Canada est un pays bilingue avec deux groupes linguistiques partageant un territoire pour l'épanouissement de la culture.

Le sénateur Rivest : Si l'accord du lac Meech avait été adopté, il est inscrit dans la Constitution du Canada que la dualité linguistique est une caractéristique fondamentale. C'était une clause d'interprétation de la Constitution donc, on aurait pu s'en servir par l'article 16. Que ceux qui ont torpillé l'accord du lac Meech en paient le prix aujourd'hui!

M. Cousineau : Le pragmatisme du régime linguistique canadien est bien perçu internationalement. J'ai eu le plaisir d'être invité au Sri Lanka par l'entremise du gouvernement fédéral pour parler du régime linguistique canadien. Le Sri Lanka sort d'une guerre civile de 20 ans, son économie est détruite et les pertes de vies s'élèvent à normaux de 75 000 morts. Le problème fondamental est qu'il y a deux groupes ethniques avec deux langues et que le groupe dominant, après l'indépendance, a fait de sa langue la seule langue nationale et a complètement exclu les Tamouls. Tout le monde est d'accord pour dire que c'est la raison de la guerre civile.

Ils ont convenus que pour mettre fin à la dispute, il fallait trouver un modèle applicable et utile pour eux. Ils sont allés en Suisse et en Belgique et ont trouvé que le modèle canadien était le meilleur modèle dans le monde concernant la dualité linguistique. On devrait en être fier.

Au lieu de parler de bilinguisme comme étant un problème national, on devrait en parler comme la grande fierté nationale. Il n'y a pas d'autres pays au monde qui a aussi bien réussi que nous.

Le Sri Lanka a vraiment apprécié le pragmatisme de la politique canadienne. On ne demande pas que tous les membres de la GRC en Colombie-Britannique soient bilingues. Ce n'est pas notre approche du bilinguisme. Pour la ville d'Ottawa, ce serait le même pragmatisme qui l'emporterait.

Le sénateur Rivest : J'aimerais revenir sur la proportion de sept provinces et 50 p. 100 de la population pour un engagement constitutionnel solide, clair, engageant et contraignant pour l'Ontario. Vous n'avez même pas besoin du gouvernement de l'Ontario pour le faire. Je suis convaincu que vous pourriez trouver sept provinces représentant 50 p.100 de la population, avec le consentement du gouvernement fédéral, et ainsi imposer à l'Ontario de devenir une ville bilingue.

M. Cousineau : Je pense que l'Ontario ne s'y opposerait pas.

Le sénateur Joyal : Je vais faire dans la publicité moi aussi en vous rappelant que si la Charte de Victoria avait été adoptée, l'Ontario serait officiellement bilingue ainsi que Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et la Colombie- Britannique. Alors, si on veut réécrire l'histoire, il faudrait le faire sur la totalité de toutes les options possibles mises sur la table.

Il me semble que deux avenues sont possibles dans ce que vous nous proposez; l'une est politique et l'autre est juridique. Dans l'avenue politique, il y a la formule de l'interprétation de l'article 16 que le gouvernement canadien pourrait faire et qui, à ma connaissance, a déjà été faite mais n'a jamais été rendue publique. Il me semble qu'il existe au ministère de la Justice du gouvernement du Canada une étude qui avait pour but de déterminer l'impact ou la portée de l'article 16. La question du bilinguisme à Ottawa n'est pas nouvelle. C'est un thème récurrent, un peu comme d'autres éléments de reconnaissance d'égalité linguistique. Cela n'a jamais été réglé au fond. Il est exact qu'il subsiste une sorte d'imprécision sur les pouvoirs du gouvernement canadien à l'égard de sa capacité de légiférer sur le statut d'Ottawa. Tout comme il existe une certaine forme d'imprécision sur les pouvoirs de l'Ontario de légiférer sur le statut d'Ottawa en tant que capitale nationale.

Il y a plusieurs façons de répondre à cette imprécision. Le gouvernement canadien pourrait facilement faire une référence à la Cour suprême du Canada, lui demander d'interpréter l'article 16 et de déterminer la portée du pouvoir donné au gouvernement canadien de légiférer sur la nature de la capitale qu'est Ottawa, aux termes de la Constitution et également en fonction de la Loi sur la capitale nationale. Cela pourrait faire partie de la même référence puisque la Cour suprême s'est déjà prononcée sur la constitutionnalité de la Loi sur la capitale nationale. La Cour suprême, à l'unanimité, a confirmé que le gouvernement canadien était tout à fait justifié de légiférer pour la capitale nationale dans des domaines essentiellement de juridiction provinciale, c'est-à-dire d'exproprier une ceinture verte autour d'Ottawa afin d'en assurer l'embellissement. Ce n'était pas fondé sur des questions de droit civil mais essentiellement sur des questions d'apparence, de ce que normalement une capitale nationale doit refléter comme caractère pour être un objet de fierté et de symbole pour l'ensemble des Canadiens et des étrangers.

La Cour suprême a conclu que le gouvernement canadien avait un pouvoir. Le gouvernement pourrait à la limite faire une référence à la Cour suprême pour déterminer l'étendue de son pouvoir.

[Traduction]

Selon l'approche de M. Annis, le gouvernement de l'Ontario pourrait user de ses pouvoirs pour faire un renvoi à la Cour d'appel. Ce renvoi servirait à déterminer la portée du pouvoir de la province concernant le statut d'Ottawa et à établir si une obligation incombe au gouvernement de l'Ontario du fait que la ville d'Ottawa est mentionnée dans la Constitution et l'étendue de cette obligation.

L'Ontario pourrait faire cela, ce qui, dans une certaine mesure, dissiperait l'incertitude juridique qui entoure la compétence du gouvernement fédéral et la responsabilité du gouvernement provincial à l'égard d'Ottawa. C'est une possibilité.

La solution politique proposée par le sénateur Rivet nécessiterait un ajout ou une modification claire à l'article 16 qui établirait clairement que le statut linguistique de la capitale nationale s'inscrit dans le cadre constitutionnel.

La troisième option, bien sûr, est l'action en justice. Si ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement provincial ne veut en prendre l'initiative sous prétexte que la question a été réglée par le projet de loi 163, un particulier pourrait intenter une poursuite et demander au tribunal de trancher la question.

Ce sont là les diverses possibilités. Il nous incombe de déterminer quelle est la mieux indiquée ou la plus faisable.

Est-il réaliste de penser que l'un ou l'autre gouvernement fera un renvoi à la Cour suprême ou à la Cour d'appel? Poser la question, c'est probablement y répondre.

Est-il réaliste de croire que, à court terme, le gouvernement fédéral proposera de modifier l'article 16 si, comme vous l'avez déclaré et comme le croit aussi le sénateur Rivest, cette modification devait se faire selon la formule 7/50? Même à cela, je pourrais faire valoir qu'il s'agit peut-être même d'une compétence exclusivement fédérale car elle touche le gouvernement du Canada, le siège du gouvernement du Canada. L'article 44, que vous connaissez aussi bien que moi, dit clairement que :

[...] Le Parlement a la compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

On pourrait faire valoir que cela concerne le gouvernement exécutif du Canada. C'est le siège du gouvernement du Canada et comme tel relève de la compétence exclusive du Parlement, c'est-à-dire les deux chambres et la Reine.

À mon avis, il serait également raisonnable d'examiner cette question de plus près. Cependant, cela ne donne pas une réponse définitive, car s'il y a de doutes au sujet de la compétence exclusive du Parlement fédéral, il est préférable d'adopter la formule la plus sûre, c'est-à-dire 7/50, car on est alors certain que personne ne contestera la décision. Là aussi, il y a une option.

Il y a ensuite la possibilité que des citoyens contestent à titre privé le projet de loi 163, comme M. Annis l'a proposé. Cependant, si on conteste le projet de loi 163, on en arrivera à une conclusion. Selon la Constitution, la province de l'Ontario a la responsabilité de s'assurer que la nature de la ville où se trouve la capitale nationale respecte l'article 133 de la Charte et l'article 16 de la Constitution. Si j'ai bien compris, vous contesterez le projet de loi 163 sur ce principe, que la province de l'Ontario, étant donné que la capitale nationale se trouve dans cette province, ne peut pas tout simplement fermer les yeux et de dire c'est à vous de le faire.

D'un autre côté, ça n'assure pas la pleine protection constitutionnelle car cela crée une obligation officielle de légiférer. Pour créer une obligation officielle de légiférer, à mon avis, il faut que cela soit écrit dans la Constitution. Par conséquent, il faudrait interpréter l'article 16. Il faut revenir à l'article 16.

La seule façon de garantir que la nature de la capitale est protégée sur le plan linguistique — car je crois comprendre que c'est ce que vous recherchez, soit la protection constitutionnelle...

[Français]

M. Cousineau : Que ce soit une loi fédérale ou provinciale, pas nécessairement une modification à la Constitution, pourvu qu'il y ait une loi précise qui dise clairement qu'Ottawa est bilingue.

Le sénateur Joyal : Cela ne satisfait pas, à mon avis, l'objectif que vous poursuivez à court terme. Une loi est une loi; le Parlement peut amender une loi, la changer, l'abroger. C'est ce que vous reprochez à l'article 163. La ville d'Ottawa peut décider demain matin que sa politique linguistique concernant l'usage de l'anglais et du français sera la publication des avis du conseil municipal en français, point final. Ce pourrait être cela, et personne ne pourra aller devant les tribunaux pour dire : « vous n'avez pas respecté votre responsabilité », parce que le statut des langues n'est pas précisé dans l'article 163, tel que je le comprends. En effet, à l'article deux, on dit :

[Traduction]

La cité établit la portée et le contenu de la politique adoptée en application du paragraphe 1.

La cité peut décider de faire plus ou moins; et elle peut décider de faire le minimum, d'après ce que vous dites, selon la composition du conseil municipal et des partis municipaux qui changent et qui varient. La sociologie de la ville d'Ottawa a changé au fil des ans.

En d'autres termes, si l'on veut assurer la protection constitutionnelle que vous cherchez, il faudra interpréter l'article 16. On ne peut pas aller à l'extérieur de l'article 16 pour obtenir la pleine protection constitutionnelle de l'égalité des langues. Je ne vois pas comment on pourrait éviter de chercher seulement une interprétation législative au sein de la compétence du gouvernement de l'Ontario, car celui-ci peut décider à n'importe quel moment d'abolir cette loi. La preuve c'est que dans 20 ans, il pourrait réorganiser la ville d'Ottawa et, dans ce contexte, modifier la loi, et personne ne pourrait s'en plaindre car il aurait exercé sa pleine compétence législative relativement aux affaires municipales.

[Français]

M. Cousineau : Nous sommes d'accord sur le fait que, ce dont on parle ici, c'est d'une échelle de protection. Au plus bas de l'échelle, on aurait une politique comme il en existe une à la ville d'Ottawa, un arrêté — ce n'est même pas un arrêté, c'est un règlement municipal, c'est simplement une politique. Ensuite, si on monte l'échelle, on a une loi provinciale, une loi fédérale et une protection constitutionnelle, au sommet de l'échelle. Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est l'idéal.

On a vu que cela devient de plus en plus difficile, sinon impossible, de modifier la Constitution du Canada. On l'a vu lors des deux dernières tentatives, on a mentionné l'accord du lac Meech, on pourrait mentionner l'entente de Charlottetown, à moins que ce soit uniquement une province, comme on l'a vu à Québec et à Terre-Neuve, sur la gestion scolaire.

Si cela devient possible de modifier facilement la Constitution, faut-il viser seulement ce qui est impossible ou faut-il viser quelque chose qui est plus modeste, qui nous donne une protection qui n'est peut-être pas aussi concrète et permanente qu'une modification constitutionnelle mais qui, dans un contexte fédéral, par exemple, devient quasiment impossible à changer? Disons que le gouvernement fédéral décide demain d'adopter une loi à l'unanimité, à la Chambre des communes et au Sénat, disant qu'Ottawa est une ville bilingue. On en décrirait le contenu comme étant semblable à la Loi sur les langues officielles. Qui, dans le futur, pourrait se retirer de loi?

Un élément concret serait en place et nous savons que, une fois que c'est en place et bien établi, surtout si cela porte sur des questions de langue au Canada, cela devient quasiment impossible à retirer. Nous sommes d'accord pour dire que, si ce n'est pas constitutionnel, c'est moins solide. Néanmoins, je serais, pour ma part, satisfait avec une loi fédérale.

Le sénateur Rivest : Sur ce point, pour ce qui est des services qui doivent être fournis, même s'il y a une loi fédérale, ils seraient de nature municipale ou provinciale.

M. Cousineau : Toutes les commissions créées par le fédéral sont assujetties à la Loi sur les langues officielles. Si vous êtes dans une telle commission, avec une loi qui habilite la commission, la commission doit opérer dans les deux langues. La municipalité, pour établir ses services, serait assujettie aux principes de la Loi sur les langues officielles, mais il resterait à la municipalité, comme il reste aux commissions fédérales, la responsabilité d'administrer le bilinguisme.

[Traduction]

M. Annis : Je suis d'accord avec le sénateur Joyal lorsqu'il dit qu'étant donné toutes les réalités, et cetera, nous devons travailler avec ce que nous avons à l'heure actuelle. Ce qui est bien avec une clause contractuelle, c'est que jusqu'à ce qu'elle soit interprétée, jusqu'à ce que quelqu'un l'ait en fait contestée, on ne sait pas ce qu'elle signifie. On peut lui donner un sens qui ne se trouve pas dans le libellé, et nous le faisons constamment.

Si le gouvernement fédéral voulait adopter un projet de loi proclamant qu'Ottawa est officiellement bilingue, et avec toutes les ramifications que cela comporte, nous nous retrouverions devant les tribunaux. Il y aurait deux façons de voir les choses. On pourrait dire qu'il s'agit d'un pouvoir conféré à l'article 91, ou on pourrait voir les choses autrement et dire : « Non, selon l'article 16, l'Ontario est déjà obligée de faire certaines choses. » On pourrait tenter d'aborder la question sous cet angle.

Ce que j'examine ici, et ce que j'ai proposé que nous tentions de faire, c'est de travailler selon la bonne vieille méthode britannique, dans une certaine mesure. On prend un certain aspect d'une question, et on examine tout simplement les faits que l'on a devant soi. C'est tout ce qu'on examine. On attend que le prochain cas se présente avant d'aller plus loin.

Pour ma part, la question qui m'intéresse c'est de savoir si Ottawa devrait être désignée comme étant officiellement bilingue en français et en anglais, comme M. Shortliffe l'a dit. C'est ce que j'examinerais, rien d'autre. C'est donc ce que nous devrions tenter d'examiner.

J'essaierai de convaincre le tribunal qu'il y a certaines choses qu'il faut faire. La première chose consiste à modifier l'article 16 mais, en fait, à l'interpréter de façon à ce que le libellé est une certaine signification. Le libellé pourrait inclure quelque chose comme une clause conditionnelle comme quoi la province de l'Ontario ne doit prendre aucune mesure qui pourrait empêcher le gouvernement fédéral d'atteindre ses objectifs essentiels à ce qui a trait à la Ville d'Ottawa à titre de capitale fédérale. Ce libellé est déjà là. Il est là à cause de toutes les circonstances. C'est implicite.

Il n'y a rien par écrit, mais lorsqu'on licencie un employé, il y a une clause dans le contrat disant qu'il faut lui donner un préavis raisonnable. D'où cela vient-il? C'est une clause implicite, dans toutes les circonstances.

On part donc du principe que c'est déjà là. Il n'est pas nécessaire de modifier quoi que ce soit. Personne n'a jamais interprété cette clause auparavant, donc regardons un peu ce que cela signifie réellement dans le contexte d'une capitale nationale. C'est la première chose à faire.

On ne choisit que les éléments qu'on veut choisir. On ne tente pas d'établir un régime fédéral sur Ottawa. Ce n'est pas ce que je veux faire. Nous disons, dans les circonstances, que la déclaration qu'a demandée M. Shortliffe est l'un des objectifs essentiels. C'est un objectif clair et facile à examiner. Nous disons que la déclaration est si importante, le statut est si important, car c'est une question de respect et qu'essentiellement cela a un impact sur tout le projet de loi. Cela a un niveau d'importance élevé. Il est facile de le constater. Je ne veux pas parler des zones grises. Personnellement, c'est aussi clair que noir sur blanc.

On va donc devant le tribunal afin qu'il reconnaisse que l'Ontario doit avoir une certaine obligation. Il s'agit ensuite de lui demander de définir cette obligation et de déterminer quels sont les critères. Il dira oui pour certaines choses, et non pour d'autres. On procède à raison d'une question à la fois. C'est ainsi qu'on s'y prend.

Le concept de la déclaration de M. Shortliffe est facile à examiner. Cela ne coûte rien. Cela ne coûte pas un sou. Ce n'est pas une grosse affaire. Cela équivaut à demander : « Est-ce que vous m'aimez, oui ou non? ». Ce n'est rien de compliqué.

[Français]

Le sénateur Rivest : Comment dans notre régime fédéral, un ordre de juridiction, soit le gouvernement fédéral, peut- il créer des obligations administratives ou législatives à un autre ordre de gouvernement, soit le gouvernement provincial ou municipal? Je prends l'exemple de l'article 133. Au Québec, nos cours de justice ou nos publications officielles n'ont pas le choix parce que la Constitution nous le dit. Mais comment une loi fédérale pourrait-elle créer des obligations administratives de services gradués à un autre ordre de juridiction?

[Traduction]

M. Annis : Ce n'est pas un débat aux termes de l'article 91, de l'article 92, qui s'applique à toutes les provinces. C'est plutôt un débat sur l'article 133. Que voyez-vous dans un débat au sujet de l'article 133? Vous voyez la province de Québec qui a des obligations constitutionnelles spécifiques qui lui sont imposées avec le gouvernement fédéral. Cela ne relève pas de l'article 91 et 92; c'est son propre régime.

L'article 16 est exactement pareil. Il n'y a qu'une capitale nationale. Qu'est-ce que cela signifie lorsqu'une ville est une capitale nationale? Quelqu'un pourrait se demander : Y a-t-il des obligations qui en découlent? L'Ontario refuse de considérer Ottawa différemment de Waterloo ou de Hamilton. Pour le gouvernement de l'Ontario, le maximum qu'il est prêt à faire pour dire qu'Ottawa est un peu différent des autres villes, c'est d'adopter le projet de loi 163.

L'Ontario jouit d'un statut spécial puisque la capitale s'y trouve. Par conséquent, Ottawa doit disposer d'un statut spécial. Certaines obligations en découlent. Voyons ce qu'ils disent.

Logiquement, on ne peut pas profiter des avantages que procure une capitale nationale sans avoir en contrepartie des obligations. Nous ne demandons pas grand-chose : n'empêchez pas le gouvernement fédéral d'atteindre les objectifs qu'il envisage pour la capitale nationale.

Cela fait partie d'un accord conclu entre toutes les provinces. C'est ce que nous vous avons donné. Nous vous demandons simplement de ne pas mettre de bâtons dans les roues du gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral dit que vous devriez au moins faire la déclaration à ce niveau, que cela ne coûte rien : donc, payez. Ce n'est pas trop vous demander. C'est ce qu'impose le statut de capitale nationale. Vous n'aurez rien à modifier puisque cela figure déjà à l'article 16.

Nous ne pouvons rien faire tant que nous ne saurons pas quelle en est la signification.

[Français]

Le sénateur Joyal : Vous venez de faire référence au rapport Shortliffe.

[Traduction]

Avez-vous une copie de la partie du rapport qui porte sur Ottawa? Il est évident que ce rapport porte sur de nombreuses autres villes en Ontario. Pouvons-nous consulter les documents que vous nous avez envoyés aujourd'hui?

[Français]

M. Landry : Le rapport Shortliffe était volumineux et on n'a pas pu le publier dans son intégrité. Vous allez trouver les recommandations et la table des matières. On pourra vous faire parvenir le rapport.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je ne pense pas, madame la présidente, que nous ayons besoin de tout le rapport. L'important est l'explication de la recommandation; en d'autres termes, les chapitres et le raisonnement de M. Glen Shortliffe.

M. Landry : À l'onglet un du recueil des textes à l'appui, on trouve les recommandations du rapport Shortliffe, et aussi une table des matières qui donne les grands titres de tous les chapitres du rapport Shortliffe. Toutes les recommandations s'y trouvent, et la recommandation sur Ottawa se trouve à la page 38.

Le sénateur Joyal : C'est la recommandation numéro quatre. J'ai lu les deux paragraphes qui précèdent la recommandation quatre qui justifie la conclusion de M. Shortliffe. Aux fins du compte rendu, madame la présidente, je devrais mentionner que M. Glen Shortliffe est l'ancien greffier du Conseil privé du Canada pour le gouvernement canadien.

J'aimerais lire deux paragraphes, madame la présidente, avec votre autorisation :

Le bilinguisme est l'un des sujets les plus importants qui ont été soulevés au cours des consultations publiques. Comme il est indiqué plus haut, plus de 15 p. 100 de la population de la nouvelle ville d'Ottawa sera composée de francophones. Ottawa est également unique parmi les villes de cette province et de ce pays puisqu'elle est la capitale nationale du Canada.

Notre pays a deux langues officielles. Notre gouvernement national, installé à Ottawa, fonctionne dans les deux langues officielles selon la loi. La capitale nationale doit refléter la nature du pays tout entier et doit reconnaître la présence dans sa population d'une importante minorité de francophones. Par conséquent :

Recommandation 4 — Je recommande que la loi d'autorisation établisse et désigne la ville d'Ottawa en tant que ville officiellement bilingue en français et en anglais.

C'est à la page 38 du rapport.

La présidente : C'est à la page deux dans le document qui nous a été présenté.

Le sénateur Joyal : Vous affirmez que la ville où se trouve que la capitale nationale a un caractère unique où l'anglais et le français se rencontrent et que cette ville devrait refléter ce caractère. Voilà essentiellement ce que vous dites. Vous dites que pour cette raison, le gouvernement de l'Ontario a la responsabilité de légiférer afin de s'assurer que, lorsqu'on parle du caractère de la ville on dit clairement, comme M. Shortliffe l'a mentionné, qu'Ottawa devrait être officiellement bilingue. Voilà essentiellement ce que vous dites. Pour cette raison, vous pensez que vous devez porter le projet de loi 163 devant le tribunal et soulever un argument constitutionnel au sujet de la validité du paragraphe 11.1 en ce qui a trait à Ottawa...

M. Annis : En réalité, je n'ai pas besoin du projet de loi 163 puisque l'obligation est déjà créée par l'article 16; le projet de loi 163 n'y répond pas. Je me servirais du projet de loi 163 pour montrer que l'obligation n'est pas satisfaite, bien qu'elle existe. Je commencerais en énonçant le principe selon lequel on ne peut frustrer le gouvernement fédéral dans l'atteinte de ses objectifs pour la capitale nationale. Je commencerais comme font les avocats dans une zone sombre quelconque, qui ne peut susciter un débat, comme si l'on essayait de couper l'électricité ou de bloquer les rues allant vers le Parlement. Dites-vous qu'ils peuvent le faire? Non, ils ne le peuvent pas. Il est évident qu'ils ne peuvent rien faire pour entraver le fonctionnement du Parlement. Le Parlement peut adopter les lois qu'il doit adopter, vous voyez de quel genre d'argument il s'agit. Je me lancerais dans le débat linguistique en déclarant que c'est d'une importance nationale cruciale. Je préciserais ensuite les critères fondamentaux appliqués par les tribunaux, en lien avec cette importance cruciale et compte tenu de la nature du sujet dont nous parlons. Pour profiter de l'ouverture, l' élément le plus facile à faire valoir c'est qu'on n'a pas déclaré la ville officiellement bilingue, même si cela n'était pas pour l'Ontario une chose coûteuse ni désavantageuse. Il faut présenter ces principes d'une manière qui soit applicable par les tribunaux, c'est important. On énoncerait des critères visant à déterminer si c'est vraiment une question d'importance cruciale pour le gouvernement fédéral, puisque tout n'est pas d'une importance cruciale pour le gouvernement fédéral. Autrement dit, des principes généraux seraient énoncés, de manière à ne frustrer personne tout en déterminant ce qui est d'importance cruciale. On appliquerait ensuite ces critères à la situation en disant que oui, la langue est d'une importance cruciale pour le gouvernement fédéral puisque c'est une question d'unité nationale et que l'un des principaux objectifs de la fédération c'est de préserver l'unité nationale. Nous savons que cela fait partie de l'un de nos plus importants objectifs, et c'est pourquoi il ne s'agit pas d'une question locale mais d'une question nationale.

On énonce ces critères. À mon avis, il est tout à fait plausible d'y arriver. Il serait toutefois plus difficile de forcer la province à agir, mais nous trouverions des solutions au fur et à mesure. Nous chercherions d'autres déclarations, disant que l'Ontario tire des avantages incroyables du fait que la capitale nationale se trouve sur son territoire. C'est assez gênant, dans un sens, parce que je ne pense pas que bien des gens y aient déjà réfléchi.

Même en perdant, on susciterait ainsi suffisamment de déclarations et d'arguments pour que les gens voient la chose d'un autre œil. Voilà à quoi il sert d'aller devant les tribunaux : cela brasse les idées et incite les gens à voir autrement la question. Peut-être que cela inciterait les libéraux à agir et à l'adopter, plutôt que de passer par tout ce processus.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Vous avez mentionné la question des retombées dues au fait que la capitale nationale est située dans la province de l'Ontario. Elles sont énormes. J'ai commencé, à cause de mon intérêt dans un autre dossier, à regarder les retombées économiques, uniquement à l'intérieur de la fonction publique fédérale. La feuille de paie pour la fonction publique à l'intérieur de la région de la capitale nationale est de 25 milliards de dollars par année. Sans compter tous les emplois payés par le gouvernement canadien sur la colline du Parlement. On a 308 députés, 105 sénateurs. Cinq mille employés travaillent uniquement sur la colline du Parlement.

On ne parle pas là de toutes les firmes de lobbyistes, de tous les fournisseurs de produits et de matériaux et des entreprises indépendantes. On ne parle pas non plus des sommes qui sont investies en capital ou en service pour la ville d'Ottawa — et pour la ville de Gatineau un peu — à travers la Commission de la capitale nationale par le gouvernement fédéral, par exemple les eaux, les égouts, les édifices, et cetera.

Étant donné que je viens d'une ville du Nouveau-Brunswick, qui est une ville bilingue et aussi relativement pauvre, je serais tentée d'aller même plus loin et de dire : pourquoi ne déménagerait-on pas la capitale nationale au Nouveau- Brunswick? Au moins, à l'intérieur de cette province, il y aurait une reconnaissance de cette capitale nationale. Cela vaut pour le niveau économique.

Quand on regarde au niveau politique, et je serais tentée de répondre au sénateur Rivest, Meech ne répondait pas à ce que nous recherchons aujourd'hui. Meech ne faisait que reconnaître une présence, par-ci, par-là, de francophones au pays. On ne serait pas plus avancé. D'ailleurs, quelqu'un de renommée a interprété certaines clauses en disant que cela ne voulait rien dire.

Le sénateur Rivest : La dualité est une caractéristique fondamentale. C'était une clause d'interprétation qui aurait servi à interpréter l'article 16 dans le sens des préoccupations de nos invités. C'est cela que je voulais dire.

M. Cousineau : Les tribunaux l'ont dit aussi.

Le sénateur Ringuette : Pour ma part, voyant tout cela, je me dis que, au niveau politique, je n'ai pas vu de chef politique, peu importe son parti politique, peu importe qu'il soit provincial ou national, qui ait le courage et la vision nécessaires pour voir vraiment le pays progresser ainsi que la région de la capitale nationale.

Quand on parle de la solitude du Québec, de l'Ouest canadien ou de l'Atlantique, c'est plus qu'un phénomène. Je suis persuadée qu'un des points importants est que les gens puissent se reconnaître dans leur capitale. Vous l'avez mentionné tantôt quand vous avez parlé de la rue Sparks. Pourtant, la Commission de la capitale nationale a la responsabilité d'appliquer la Loi sur les langues officielles sur le territoire où elle a juridiction, qui inclut la rue Sparks. Elle ne le fait pas! On a énormément de travail.

Je suis d'accord avec M. Annis lorsqu'il dit que la solution est de voir à l'interprétation de l'article 16. J'espère que vous allez poursuivre votre démarche. Si, de quelque façon que ce soit, je peux vous venir en aide, cela me fera énormément plaisir. Je crois qu'on doit envoyer des signes et passer à l'action.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Une chose n'est pas claire : à votre avis, est-ce que le gouvernement fédéral a, en vertu de l'article 16, compétence en matière linguistique pour la région de la capitale nationale? Si j'ai bien compris votre raisonnement, la responsabilité constitutionnelle incombe à l'Ontario qui a hérité du siège de la capitale nationale.

[Français]

M. Cousineau : Si le gouvernement fédéral veut intervenir, il a la compétence pour le faire. L'Ontario a déjà choisi d'intervenir. Si on était sur une carte blanche, je pense que le gouvernement fédéral aurait juridiction. Ce n'est pas un empêchement. Je ne contredis pas M. Annis. C'est une ville hybride qui a un caractère provincial et le caractère d'une capitale nationale. Lorsque l'Ontario décide d'intervenir, elle doit prendre en considération qu'Ottawa est la capitale nationale. Le gouvernement fédéral pourrait intervenir directement en considérant la vraie nature de la ville d'Ottawa. Les deux sont possibles parce qu'on est dans une zone grise qui n'a pas été poussée jusqu'au bout. Si on allait en cour, on plaiderait les deux. La province a le pouvoir, mais en respectant son obligation envers l'intérêt national dans le contexte d'Ottawa.

M. Annis : Il y a une approche différente pour voir le problème. Cela s'applique à une seule province.

Le sénateur Joyal : L'interprétation que vous proposez est fondée essentiellement sur l'article 16 et sur l'article 133 de la Charte. Fondamentalement, c'est ce que vous argumentez. Dans l'hypothèse où le gouvernement canadien adopterait un amendement, sous l'article 44 comme je l'ai proposé tantôt, on initierait une résolution constitutionnelle au Sénat qu'on adopterait et qu'on enverrait à l'autre Chambre. Cette résolution proposerait d'ajouter à l'article 16 de la Constitution le paragraphe suivant : « Ottawa est une ville bilingue. » À ce moment-là, on lancerait la balle dans le camp de ceux qui sont opposés et qui contesteraient la capacité constitutionnelle du gouvernement canadien d'avoir amendé l'article 16 ou, le gouvernement canadien utiliserait la clause introductive de l'article 91 et adopterait tout simplement une loi, comme il a adopté la Loi de la capitale nationale. Une simple loi dans laquelle le gouvernement canadien dirait, aux fins de la Constitution du pays et en vue de satisfaire les objectifs de paix, d'ordre et de bon gouvernement, qu'Ottawa est une ville bilingue. On pourrait simplement adopter une loi en se prévalant du pouvoir général de légiférer sous la compétence du gouvernement canadien vis-à-vis la capitale nationale, puisque la Cour suprême a déjà décidé à l'unanimité que la Loi sur la capitale nationale était absolument constitutionnelle.

Vous le citez bien dans votre présentation à la page 7 quand vous dites que les juges de la Cour suprême ont décidé à l'unanimité qu'une mesure législative conçue pour créer une région composée du siège du gouvernement du Canada dépasse clairement les intérêts locaux ou provinciaux et intéresse davantage le Canada dans son ensemble. En outre, l'aménagement, la conservation et l'embellissement de la région de la capitale nationale, conformément à un plan cohérent afin de doter le siège du gouvernement du Canada d'un cachet et d'un caractère digne de son importance nationale, constitue un sujet d'intérêt national.

On parle du cachet, de l'apparence. C'est l'impression qu'on a quand on vient dans la capitale nationale. Pour vous, le fait de légiférer sur l'usage des langues officielles et la visibilité des deux langues dans la capitale nationale fait partie du cachet, de l'impression, de la nature de la ville ou de l'endroit où on se retrouve. J'essaie de comprendre toutes les avenues possibles.

Si vous allez devant le tribunal, comment allez-vous démontrer que le gouvernement canadien n'a pas assumé sa responsabilité à l'égard de la capitale nationale compte tenu qu'en vertu des articles 133 et 16, il doit s'assurer que la capitale nationale reflète la dualité linguistique, pas seulement dans les institutions du gouvernement canadien, mais la capitale dans son ensemble, comme ville? Comment allez-vous démontrer que le gouvernement canadien a failli à sa responsabilité?

M. Cousineau : M. Annis l'a bien expliqué. En premier lieu, on irait chercher une déclaration selon laquelle la Loi 163 est inconstitutionnelle parce qu'on délègue essentiellement à la municipalité des questions d'intérêt national qui appartiennent au gouvernement ou à la province, si la province tient compte du rôle qu'Ottawa doit jouer. Donc on réviserait la constitutionnalité de la Loi 163. C'est ainsi qu'on commencerait probablement notre action.

La présidente : Toujours au nom de l'intérêt national?

M. Cousineau : Oui.

Le sénateur Joyal : Le problème avec la Loi 163, c'est qu'elle est concentrée sur la responsabilité du gouvernement provincial. Si la cour arrivait à la conclusion que la Loi 163 est non constitutionnelle, cela ne reconnaîtrait pas automatiquement la responsabilité du gouvernement canadien de légiférer sur les langues.

M. Cousineau : Ce n'est pas nécessaire de le faire. La province, en agissant ainsi, devrait agir de façon à ce que la loi qui porte sur la ville d'Ottawa reflète la vraie nature de la ville, soit la capitale nationale. L'Ontario, en adoptant la Loi 163, devait lui donner un contenu et non pas simplement déléguer au municipal la question du contenu linguistique de la ville.

Le sénateur Joyal : Votre raisonnement est de dire qu'on ne peut pas forcer le gouvernement ontarien à légiférer, mais le jour où le gouvernement ontarien légifère, il doit le faire en fonction de la nature de la capitale nationale. On aurait pu forcer quelqu'un à légiférer. On aurait pu aller devant les tribunaux afin de chercher une simple déclaration portant sur la nature de la capitale et plus précisément sur la nature linguistique de la capitale. Heureusement pour nous, ce n'est pas nécessaire parce que la Loi 163 est en place.

M. Annis : Il y a un autre aspect dont on n'a pas parlé. Les lois linguistiques sont un peu spéciales parce que la Cour suprême dit qu'il s'agit de devoirs positifs. C'est une situation où l'on est obligé de faire quelque chose. C'est un cas très spécial qui découle des droits linguistiques. Cela nous donne un autre appui pour notre argument. Une fois qu'on trouve une obligation, cela devrait être suffisant pour le gouvernement, pour accomplir une tâche.

Lorsqu'on intente une poursuite, on fait toutes les argumentations possibles. Me Cousineau va se concentrer sur le fédéral, tandis que moi je vais me concentrer sur l'interprétation de l'article 16 comme contrat.

La beauté de l'article 16, c'est que la Cour suprême devrait trancher sur le problème comme s'il s'agissait d'un contrat. C'est facile. La question à savoir si le gouvernement fédéral a occupé un champ ou un autre ne s'applique pas. Cela devient compliqué. L'envergure du problème est très large. Les mots sont déjà là. C'est une question d'interprétation. Le problème est bien cerné.

Y a-t-il des implications pour les autres provinces? Non, c'est juste l'Ontario. L'Ontario sera-t-elle forcée à se déclarer bilingue? Non, c'est juste Ottawa. L'Ontario pourrait-elle être frustrée? Si le Parlement fait son travail, je pense que non. Si la capitale nationale a atteint ses objectifs, il ne faut pas être frustré. C'est assez facile.

Peut-on ajouter les questions linguistiques? Ce genre de choses peut frustrer. Les droits linguistiques sont-ils spéciaux? Oui, parce qu'il y a une obligation positive qui découle des questions linguistiques. Il faut faire quelque chose.

Il s'agit de ne pas trop ébranler tout le régime fédéral déjà en place parce que c'est juste assez cerné, limité, et ce, sans trop causer de problèmes.

Le sénateur Rivest : Dans ce sens, c'est très restreint à l'article 16. C'est un argument qui pourrait vous aider et aider la cause à laquelle on croit tous.

J'ai une question d'information à vous poser. Le gouvernement de l'Ontario est-il totalement fermé à aller au-delà de la Loi 163?

M. Cousineau : La réponse est facile. L'Ontario s'est prononcée avec la Loi 163 quand toute la communauté avait demandé beaucoup plus. Ils sont revenus avec la Loi 163 : ils défendent la Loi 163 en disant que c'est ce qu'on leur a demandé de faire et c'est ce qu'ils ont fait.

Le sénateur Rivest : Le dossier est fermé.

M. Cousineau : Pour le moment, je pense que oui.

Le sénateur Rivest : L'autre démarche, c'est la voie judiciaire.

M. Cousineau : J'aimerais que ce soit le gouvernement fédéral qui le fasse. Pourquoi Mes Cousineau, Annis et Landry devraient défendre le Canada devant les tribunaux? Nous n'avons pas les fonds nécessaires, tandis que pour le gouvernement fédéral, cela ne coûte rien.

Le sénateur Rivest : Le sénateur Joyal mentionnait que la voie constitutionnelle pourrait être contestée. La voie législative pourrait l'être aussi, parce que si le gouvernement de l'Ontario ne veut pas aller au-delà de la Loi 163, la loi fédérale, qui pourrait appuyer votre démarche à l'intérieur de l'article 16, risque d'être contestée par le gouvernement de l'Ontario. On va donc se retrouver devant les tribunaux.

M. Cousineau : Je ne suis pas convaincu que l'Ontario contesterait. Je pense que l'Ontario serait heureuse de ne pas avoir à trancher sur la question.

Le sénateur Rivest : Cela devient une question politique.

M. Cousineau : Les langues, c'est toujours une question politique. Nous sommes ici parce qu'on pense que vous pouvez faire quelque chose. On vous demande de faire quelque chose.

La présidente : Nous avons bien reçu vos messages. Vous avez vu l'intérêt des membres du comité. Merci beaucoup de votre présence et de l'éclairage que vous nous avez apporté sur le dossier.

Demain matin, nous aurons une discussion à huis clos, à 10 h 45. Nous verrons la marche à suivre par la suite.

La séance est levée.


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