Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 24 - Témoignages du 19 octobre 2005
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2005
Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-39, Loi modifiant la Loi sur la Défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Nous vous transmettons quelques informations. Le sénateur Bryden remplace le sénateur Mercer comme membre du comité.
[Traduction]
Nous voulions un sous-comité sur les dispositions non dérogatoires. Des pourparlers ont eu lieu avec des représentants de l'opposition qui en ont informé le sénateur Eyton. Ils n'appuieront pas la création du sous-comité. Je peux comprendre cela étant donné le nombre limité de gens. Ils m'ont dit qu'ils vous en avaient informé, sénateur Eyton, de sorte que nous allons devoir chercher un autre moyen et trouver le temps, à un moment donné, d'en discuter ici au comité. L'autre endroit va bientôt nous faire parvenir certains projets de loi, et nous allons donc nous efforcer de ne pas oublier cela. Pour nous, il était très important de le faire et d'aller de l'avant. Mais il nous est impossible de le faire maintenant. J'en saisirais à nouveau le comité plus tard.
Le sénateur Eyton : J'aimerais ajouter qu'il y a, en l'occurrence, deux facteurs limitatifs. En premier lieu, le nombre insuffisant et la difficulté qu'il y a d'avoir un aréopage complet aux séances du comité. Le second élément était le sujet lui-même. C'est quelque chose d'important et nous avons jugé que ce sujet méritait une discussion générale et lucide par le comité au complet.
La présidente : Comme je viens de le dire, nous sommes saisis du projet de loi S-39 et il y en aura d'autres qui nous parviendront de l'autre endroit. Dès que nous trouverons le temps, nous nous en saisirons.
Le sénateur Bryden : Madame la présidente, le comité est également saisi de mon projet de loi d'initiative parlementaire, un projet de loi du Sénat. Y aurait-il moyen de nous en saisir? Je pense que c'est le prochain sur la liste des projets de loi d'initiative parlementaire ou du Sénat. Ce n'est pas un projet de loi d'initiative ministérielle.
La présidente : Nous allons devoir étudier plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire, sénateur. Il y a celui du sénateur Hervieux-Payette et nous avons d'ailleurs commencé à l'étudier. Il y en a également un du sénateur Banks dont nous n'avons pas fini l'étude. J'essaie de me souvenir du nombre de projets de loi dont nous sommes saisis, mais il y en a quand même un certain nombre. Il y a également ceux du sénateur Di Nino ainsi que ceux du sénateur Stratton et du sénateur Oliver.
Le sénateur Bryden : Allons-nous les étudier par ordre chronologique, dans l'ordre où le comité les a reçus?
La présidente : Je vais poser la question et je vous répondrai la prochaine fois. Cela fait déjà plusieurs fois que vous m'interpellez à ce sujet, sénateur Bryden.
Le sénateur Bryden : Mais en pure perte, semble-t-il. Je voulais simplement mentionner qu'il serait agréable d'avoir au moins une idée.
La présidente : Je vous en remercie.
Nous recevons aujourd'hui le ministre de la Défense nationale, l'honorable Bill Graham.
Monsieur le ministre, je sais que vous allez devoir nous quitter à 17 h 30 mais vos fonctionnaires pourront rester un peu plus tard s'il reste des questions à poser.
Bienvenue donc au comité, monsieur le ministre, et bienvenue également au major général Jerry Pitzul, juge avocat général au ministère de la Défense nationale, ainsi qu'à Mary Campbell, directrice générale des affaires correctionnelles au ministère de la Sécurité publique et de la protection civile.
Monsieur le ministre, la parole est à vous.
L'honorable William Graham, ministre de la Défense nationale : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie. C'est avec plaisir que je viens comparaître devant le comité aujourd'hui suite à l'engagement pris en mars dernier devant le comité par la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile qui avait promis une explication aux modifications proposées à la Loi sur la défense nationale par le projet de loi S-39 qui modifie cette dernière loi ainsi que le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire.
Nous proposons ces changements de manière à aligner la Loi sur la défense nationale et le système de justice militaire sur les normes juridiques canadiennes qui concernent les délinquants sexuels ayant fait l'objet d'une condamnation.
Selon moi, honorables sénateurs, la Loi sur la défense nationale copie en fait les dispositions du Code criminel mais en prévoyant un système de justice pénale stable pour les Forces armées canadiennes, étant donné bien entendu que dans certaines circonstances, le système en question s'appliquera de façon différente. Il y a en effet pour les forces armées des tribunaux différents et un système de justice militaire. En définitive, ce système a pour but de faire en sorte non seulement que les délits prévus par le Code criminel au Canada s'appliquent également à nos militaires, mais aussi pour que les procédures s'appliquent dans le respect de la discipline militaire et eu égard à la façon dont les forces armées fonctionnent.
En effet, tous les membres des forces armées tombent sous le coup du Code criminel, mais ce dernier est appliqué, non pas directement, mais par le truchement de la Loi sur la défense nationale et dans le cadre de notre propre système militaire. En définitive, en ce qui concerne le registre des délinquants sexuels, nous voulons faire en sorte que le système de justice militaire soit aligné sur les dispositions semblables du Code criminel. Comme c'est le cas pour le Code criminel, l'intention n'est pas ici de faire de ce registre une forme de punition; il s'agit plutôt d'un outil important qui permet aux corps policiers de procéder à leurs enquêtes dans les cas de crimes à caractère sexuel et leur permet ainsi de se faire rapidement une idée de certains renseignements cruciaux concernant les délinquants sexuels qui ont déjà fait l'objet d'une condamnation. Dans le système actuel, quiconque est condamné par une cour martiale pour une des infractions désignées ne peut pas se voir intimer de se faire inscrire au registre. Par conséquent, les renseignements qui concernent cette personne ne peuvent être versés dans la banque de données et ne peuvent pas non plus être communiqués aux enquêteurs policiers. Le projet de loi S-39 a pour but d'exiger que ces renseignements puissent être versés au registre et ainsi être mis à la disposition des corps policiers et de tous les autres intervenants dans des conditions identiques à ce qui serait le cas aux termes du Code criminel.
La différence entre le projet de loi S-39 et l'autre système tient en fait à ce qu'il faut reconnaître que le contexte dans lequel fonctionnent les forces armées est unique en son genre et que, dans certaines circonstances, une certaine latitude est de mise. Je vais vous donner deux exemples. Pour des raisons opérationnelles, il n'est parfois pas possible qu'un délinquant sexuel ayant fait l'objet d'une condamnation se plie aux obligations prévues par la Loi sur le registre des délinquants sexuels dans les délais prescrits. Cela peut-être le cas si, par exemple, la personne en question est en service à l'étranger et donc n'est pas à proximité immédiate d'un registre. Par conséquent, les obligations légales du délinquant en vertu de la Loi sur la défense nationale peuvent être en contradiction avec les obligations légales prévues par la Loi sur le registre des délinquants sexuels. En d'autres termes, la personne en question a reçu l'ordre d'être à tel ou tel endroit et, si elle n'obéit pas à cet ordre, elle commet un délit en vertu du droit militaire. Par contre, si elle ne s'inscrit pas, elle commet un délit en vertu de la loi en question. Notre projet de loi propose donc de permettre au chef d'état major de la défense d'accorder un certain délai — mais seulement un délai — pour permettre à la personne ayant fait l'objet d'une condamnation de respecter ses obligations légales.
Dans des circonstances extrêmement précises, le chef d'état major de la défense pourra ainsi à titre temporaire surseoir à l'obligation, pour les membres des forces armées, de se faire inscrire dans le registre national des délinquants sexuels afin précisément de supprimer cette contradiction entre deux obligations légales distinctes.
Mais je tiens à insister ici, il s'agit uniquement d'une mesure temporaire et l'intéressé devra de toute façon s'inscrire dans les meilleurs délais sitôt sa mission terminée.
La seconde divergence entre le système normal prévu au Code criminel et le système militaire tient au fait que le chef d'état major de la défense peut à titre temporaire dispenser une personne inscrite de l'obligation qu'elle a de fournir certains renseignements s'il juge que ces renseignements sont de nature à compromettre certaines opérations. Cela pourrait par exemple être le cas si la personne en question est en mission à un endroit que nous ne tenons pas à rendre public.
Voilà donc les différences. Il s'agit donc de tenir compte de la différence avec le système de justice militaire et les impératifs de la vie dans les forces.
La procédure d'inscription prévue par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels a été élaborée de manière à reconnaître la nécessité de faire un juste milieu entre les droits d'un délinquant et les intérêts de la société pour que les enquêtes criminelles puissent être bien faites. À cet égard, le projet de loi S-39 établit le même juste milieu qu'on trouvait dans l'autre projet de loi.
Par exemple, lorsqu'il s'agit de décider si un délinquant doit recevoir l'ordre de s'inscrire, la cour martiale tiendra compte des mêmes facteurs qui auraient été pris en compte par un tribunal civil. Par ailleurs, tout comme dans le système de justice civile, un délinquant qui a reçu l'ordre de la cour martiale de s'inscrire aura un droit d'appel. Enfin, le système de justice militaire sera limité par les mêmes balises que celles qui existent dans le système de justice civile en ce qui concerne l'accès et le recours à tous renseignements inscrits dans la banque de données.
[Français]
Il est essentiel que la Loi sur la défense nationale et le système de justice militaire continue de refléter les normes juridiques canadiennes actuelles. Les amendements contenus dans le projet de loi S-39 nous permettront d'accomplir cela tout en tenant compte des besoins opérationnels uniques des Forces canadiennes. En soumettant les personnes reconnues coupables, par une cour martiale, d'une infraction désignée au processus d'enregistrement prévu par la Loi sur l'enrichissement des renseignements sur les délinquants sexuels, le projet de loi S-39 verra à ce que les mêmes normes soient appliquées à tous les délinquants sexuels, qu'ils soient civils ou militaires.
Madame la présidente, je vous demande respectueusement, dans le cas de questions techniques, de me donner la permission de consulter les deux personnes qui m'accompagnent.
La présidente : Dans l'article 203.15 du projet de loi S-39, on donne au chef d'état-major de la Défense le pouvoir de suspendre les délais précisés dans la loi, lorsque « des raisons opérationnelles » le justifient. De quoi parle-t-on lorsqu'on fait allusion au concept de « raisons opérationnelles ». Je trouve cela très large et assez imprécis alors qu'il faut s'en remettre exclusivement à l'esprit éclairé du chef d'état-major. Est-ce que l'expertise de certains délinquants sexuels est si vitale qu'on ne puisse pas fonctionner sans eux dans les Forces armées?
M. Graham : Comme je l'ai dit, on peut très bien envisager le cas où la personne en question se trouve en mission à l'étranger.
On peut aussi envisager la situation où le crime ou l'offense soit d'ordre disciplinaire, non pas un viol ou quelque chose de similaire, mais qui touche plutôt une violation de la loi, et qui ne justifie pas que la personne en question soit transférée directement au Canada ou encore qu'on lui demande de quitter le service.
Il est possible qu'il y ait une personne en mission et que le chef d'état-major estime qu'il est nécessaire de permettre à cette personne de terminer sa mission avant de remplir ses obligations pour l'enregistrement.
J'imagine que cette forme de permission serait assez rare, mais je crois qu'il est nécessaire que la loi le prévoie quand même.
La présidente : Je pense qu'il serait bon d'avoir un portrait général de ce que font les forces armées pour lutter contre la délinquance sexuelle. Dans un article du National Post, daté du 11 octobre 2005, on mentionne qu'en 2003 et 2004, 13 membres des forces armées ont été condamnés pour des crimes de nature sexuelle et de ce nombre, seulement la moitié a été remerciée en conséquence de leurs crimes. J'aimerais connaître le plan d'action des forces armées pour lutter contre les crimes sexuels et ceux qui s'en rendent coupables. Est-ce qu'on peut vraiment tolérer que des délinquants sexuels condamnés puissent incarner l'image du Canada dans des missions à l'étranger? Est-ce si difficile de recruter pour ne pas pouvoir faire autrement?
M. Graham : Les forces armées ne veulent tolérer ni permettre des violations de la loi et je vous assure que j'ai fait des enquêtes. Mes informations sont les suivantes : entre 2000 et 2004, par exemple, 17 membres des forces armées ont été responsables de crimes selon la loi ce qui, dans des cas semblables, auraient exigé l'enregistrement.
De ces 17 personnes, neuf ont été licenciées des forces armées. Six d'entre elles sont toujours dans le service parce que leurs crimes n'étaient pas de nature à justifier qu'elles soient licenciées, et deux autres attendent la décision finale quant à leur statut. Cela peut vous donner une certaine notion du problème dans les forces armées.
Selon le général Pitzul, avec lequel j'ai parlé hier, je crois que la proportion des membres de nos forces armées, qui sont responsables de crimes de nature sexuelle, est de loin moins importante que dans la population en général. Vous pourriez donner les statistiques.
Major général Jerry Pitzul, juge-avocat général, Défense nationale : Cette statistique s'applique aux gens qui ont été condamnés en Cour martiale. Le nombre de personnes par 100 000 condamnés par Cour martiale est 6,2 par 100 000 et la moyenne est de 82 par 100 000. Cela ne veut pas dire que cela s'applique à tout le monde qui a été condamné dans les Forces armées canadiennes parce que des gens dans les Forces armées canadiennes ont été condamnés par des cours civiles et l'on ne retient pas ces statistiques.
La présidente : Est-ce que ces gens servent dans l'armée? Est-ce que, par exemple, à Kaboul, quelques-uns auraient été condamnés et seraient avec vous?
Mgén Pitzul : Oui, parce que ce sont deux questions différentes. La première question est la conduite disciplinaire ou criminelle qui est jugée par la Cour martiale. Suite à la peine imposée, il y a toute la question de la continuation de leur emploi avec les Forces armées canadiennes. Cela implique un autre processus qui inclut le droit administratif, le droit du travail, soit dans tout ce qui touche les questions de leur performance dans les Forces armées canadiennes et non seulement l'infraction.
Par exemple, il faut regarder l'infraction pour laquelle l'individu a été condamné, les circonstances, la peine imposée par le tribunal, la performance de l'individu au cours de ses années de service, peut-être que l'infraction était mineure quand elle a été commise, peut-être que l'accusé était sous l'influence de l'alcool.
La présidente : Cela aggrave la situation.
Mgén Pitzul : Peut-être, au niveau de la performance de l'individu au cours de ses années de service. Est-ce que cela veut dire qu'automatiquement, la personne devrait être libérée des forces? Cela devrait être examiné par une commission de révision qui évalue les conditions d'emploi de l'individu. Elle déterminerait si la personne devrait continuer dans les Forces armées canadiennes ou non. J'imagine que ce serait la même situation dans le secteur privé, quand quelqu'un est condamné et qu'on doive évaluer s'il continue son emploi ou non.
La présidente : Tout le monde le sait dans le secteur privé, c'est publicisé.
Mgén Pitzul : Dans le sens que le condamné passe devant les tribunaux civils. Cela peut être connu chez nous aussi. Nos transcriptions sont publiques. Le tribunal est ouvert au public.
Le sénateur Rivest : Monsieur le ministre, j'ai une question administrative à vous poser. Sur le site Web du ministre de la Justice, on dit que la loi C-16 n'est pas encore en vigueur. Est-ce qu'un décret a été adopté?
[Traduction]
Mary Campbell, directrice générale, Affaires correctionnelles, Sécurité publique et de la protection civile Canada : Non, le projet de loi C-16 était effectivement en vigueur. Il est entré en vigueur le 15 décembre 2004.
[Français]
Le sénateur Rivest : Monsieur le ministre, comme on le voit, en ce qui a trait à ces questions, l'armée à ce titre n'est pas différente de l'ensemble de la société. On parle de mesures parce que ces mesures d'enregistrement sont là pour protéger, aider les forces de police à protéger la société pour l'avenir. Mais nulle part, lorsqu'on aborde ces questions, on ne parle — cela ne veut pas dire que l'on ne s'en préoccupe pas — des victimes des actes criminels de nature sexuelle. Elles n'ont aucun droit; elles n'apparaissent pas dans la législation, elles n'existent pas. On se préoccupe d'éviter qu'il y ait éventuellement d'autres victimes mais les victimes ne sont pas mentionnées.
Vous-même, monsieur le ministre, je ne vous en fais pas un reproche particulier, mais vous n'avez pas mentionné l'existence de ces victimes dans votre présentation.
L'armée n'est sans doute pas différente de ce qui se passe dans l'ensemble de la société parce que c'est une des carences fondamentales de l'ensemble de notre droit criminel, mais je voudrais savoir si l'armée dispose, dans le processus devant les cours martiales où il y a eu des poursuites criminelles, de personnes qui aident les victimes à témoigner. Ces personnes de l'armée sont-elles aptes à aider? On sait très bien que c'est probablement des femmes ou des jeunes, qui iront témoigner devant la Cour martiale.
Deuxième question : c'est bien beau d'enregistrer le nom des criminels pour aider les forces policières, ainsi de suite, c'est une chose avec laquelle tout le monde est d'accord. Est-ce que l'armée a une responsabilité étant donné qu'elle a des tribunaux spéciaux pour des fins propres à ses opérations — quelles sont les mesures prises par l'armée pour aider les victimes d'actes criminels? Existe-t-il des mesures actuellement? Si oui, quelles sont-elles?
M. Graham : Je vais demander au général Pitzul de vous répondre. Il est plus expérimenté que moi en matière de Cour martiale. Je n'ai jamais eu d'expérience.
Tout ce que je peux dire, c'est que cette loi essaie de suivre, grosso modo, la Loi sur le Code criminel. Donc les mêmes considérations qui sont dans notre loi sont dans le Code criminel, en ce qui concerne les victimes. Mais là, vous avez parlé un peu plus tôt de la pratique judiciaire devant les tribunaux. Je vais demander au général Pitzul de vous répondre.
Le sénateur Rivest : Néanmoins, la société civile, — en ce qui a trait aux infractions en vertu du Code criminel — les corps de police, les municipalités, les gouvernements, la Direction de la protection de la jeunesse, les représentants des droits des femmes, les procureurs de la Couronne ont commencé à donner de la formation, à s'intéresser aux personnes qui vont témoigner de ces actes. C'est embryonnaire dans plusieurs provinces du Canada. Existe-t-il un tel service dans l'armée? Et par la suite, une fois que le processus judiciaire a suivi son cours, il reste des séquelles psychologiques et sans doute l'armée a une certaine responsabilité morale à l'égard des personnes qui ont été victimes d'actes criminels commis, malheureusement, par un membre des forces armées?
Mgén Pitzul : La réponse varie, dépendant du statut de la victime. Si la personne est civile, on a accès aux services provinciaux donnés aux victimes. On peut accéder à tous ces services et on s'en sert.
Si la victime est militaire, on a, en premier lieu, l'unité de la victime qui peut donner des services sociaux, qui peut aider la victime à faire face à ses difficultés au travail et à témoigner. Également, notre corps policier militaire a une politique ayant pour but de fournir de l'aide aux victimes des méfaits des Forces armées canadiennes. De plus, nos procureurs suivent les mêmes cours de formation que les procureurs civils en termes de services aux victimes d'actes criminels. Donc, on fournit le même système donné dans chaque province, et on a accès à ces services.
Le sénateur Rivest : Il existe donc, actuellement, au sein des forces armées, des services. Je comprends votre distinction du fait que la victime soit civile ou membre des forces armées, évidemment le traitement peut être différent. Dans les deux cas, peu importe la nature de la victime, l'armée assume la formation de son personnel, se préoccupe des victimes et fournit des services qui sont encore très insuffisants dans la société civile. Mais l'armée, selon votre jugement, a des services tout à fait comparables, lorsque c'est pour ses fins propres, à ce que l'on retrouve dans la société civile. Et lorsque la victime a un statut de civil, à ce moment, vous utilisez systématiquement ces services disponibles de la société civile.
Mgén Pitzul : Les politiques sont contrôlées par le grand prévôt et ne sont pas de mon ressort. Je peux vous dire que l'on essaie de rendre le même type de service que ceux qui sont accordés aux victimes civiles. Au civil, ils ont des programmes qu'ils n'ont pas au militaire, par exemple la compensation.
[Traduction]
L'indemnisation des victimes d'actes criminels relève d'un programme provincial et nous n'avons rien de semblable dans notre système.
[Français]
Le sénateur Rivest : Pourquoi, ce n'est pas nécessaire?
Mgén Pitzul : Parce qu'en ce qui concerne les victimes militaires, elles sont encore employés, encore salariés.
Le sénateur Rivest : Mais les victimes ont un traumatisme qui doit être compensé, qu'elles soient dans les forces armées ou non.
Mgén Pitzul : Oui mais les victimes civiles ont accès aux programmes provinciaux.
Le sénateur Rivest : Oui, mais les victimes militaires.
Mgén Pitzul : Elles vont essayer d'accéder aux services provinciaux et la réponse qu'elles auront est qu'elles sont encore salariées.
Le sénateur Rivest : Mais le traumatisme existe vraiment. Est-ce que l'armée ne devrait pas assumer le salaire?
Mgén Pitzul : Oui, pour les victimes militaires. On a un corps de médecins, on a des services médicaux.
Le sénateur Rivest : Je trouve cela un peu imprécis et cela devrait être très simple pour l'armée. Vous devriez même prendre un leadership pour inspirer la société civile, étant donné que vous avez moins de cas à gérer. Vous devriez affirmer que l'armée canadienne va s'assurer, premièrement, qu'il y ait un régime de sanctions pour ceux qui commettent des actes criminels de nature sexuelle; et deuxièmement, qu'il y ait un régime de prévention parce que le système d'enregistrement qu'on a dans le projet de loi c'est cela, et que l'armée, va assurément donner priorité aux victimes dans tous ces dossiers. Je trouve que cela ne concerne pas seulement l'armée ou le ministre de la Défense. Toute la société civile est concernée. Et le problème est pris à l'envers. Je comprends que le régime pénal doit se mettre en branle mais on a constamment, au Canada, négligé le sort des victimes et on a eu des cas dans la société civile où les victimes ont été obligées de mettre sur pied des fondations pour pallier à l'insuffisance des services de la société civile. J'aimerais que notre armée canadienne ait la possibilité de dire : voici, dans le cadre des crimes qui sont commis dans l'armée, l'armée donnera priorité à la sanction, mais prendra le leadership et aidera les victimes. J'aimerais que le ministre assume cette préoccupation.
M. Graham : Je prends note de vos observations. Nous enverrons au comité notre politique en cette matière. En plus, sans avoir de cas précis, si une victime est blessée au point où cela affecte son bien-être, il y a des pensions supplémentaires qu'on peut obtenir. Pour les militaires, il y a des compensations pour les accidents, pour le syndrome post traumatique suite à des expériences à l'étranger. Il est possible qu'un militaire blessé demande une compensation au système. Il se peut que la personne en question paraisse s'intégrer dans le système sans avoir une rubrique spécifique visant les victimes de crimes sexuels.
Mgén Pitzul : Quelle que soit l'origine du blessé, les programmes sont là pour les militaires.
Le sénateur Rivest : Pouvez-vous nous dresser une liste et nous en donner un portrait plus précis?
Le sénateur Joyal : Est-ce que l'ombudsman militaire aurait juridiction pour recevoir une plainte d'une victime d'une offense sexuelle, dans le cadre de ce que le sénateur Rivest vient de poser comme question?
M. Graham : Si la victime est militaire, je crois que, oui.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous vérifier?
M. Graham : Si la victime est civile, évidemment, ce n'est pas le cas. Mais si la victime est militaire, l'ombudsman a le droit d'enquêter si cette personne juge qu'elle a subi une injustice dans le service militaire. L'ombudsman a le droit de me faire un rapport pour voir ce qu'on peut faire pour rectifier la situation.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous vérifier si l'ombudsman a déjà reçu des plaintes de ce genre?
M. Graham : Oui.
Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas familière avec cette question de cour martiale. Par contre, je vois quatre situations possibles dans cette loi pour enregistrer les délinquants sexuels. On peut avoir un militaire canadien, qui serait traduit devant la cour criminelle civile au Canada. Et le projet de loi S-39, à ce moment, prend bien soin de l'enregistrement.
Il y a trois autres situations où je me demande quel serait le processus, puisque vous avez parlé de délai. La première situation serait une Cour martiale des Forces armées canadiennes qui serait à l'extérieur du pays. Qu'est-ce qui se passe avec la liste d'enregistrement?
En ce qui a trait à la Cour martiale canadienne, je me demande pourquoi cette question de délai, il devrait être automatique et dans les mêmes délais que la cour civile. Et dans le troisième scénario, ce serait un militaire canadien traduit devant une cour criminelle civile, mais dans un autre pays : que se passerait-il des délais et le processus d'enregistrement de ce délinquant?
M. Graham : Pour prendre le dernier cas, c'est peut-être plus complexe. Je vais demander l'avis des experts, mais en réfléchissant à votre question : quelle serait la situation d'un civil canadien traduit devant un tribunal étranger et condamné pour un crime sexuel? Est-ce que ce civil doit être enregistré sur notre registre? La réponse qu'il me donne, c'est non. Comme le système militaire est une copie du système civil, on ne peut pas imposer à nos militaires un système différent de celui des Canadiens en général. Si un Canadien est traduit devant un tribunal étranger, il est jugé selon la loi étrangère et le registre ne s'applique pas à ces situations. Et cela ne s'applique pas à un militaire, si je comprends bien le système.
Le sénateur Ringuette : Par exemple, prenons un militaire qui était, disons, à Kaboul et qui est accusé au civil d'un acte criminel sexuel; ce militaire pouvait compter, même si ce n'était pas une question de Cour martiale, sur les services de soutien des Forces armées canadiennes présentes à Kaboul. C'est un exemple.
M. Graham : Je crois que vous avez donné deux situations possibles à l'étranger. C'est toujours très difficile. À l'étranger, cela peut être du ressort de nos pouvoirs militaires, s'il s'agit d'un cas qui a trait à un militaire et à un civil, citoyen du pays étranger où on est. On peut envisager deux possibilités : que la personne soit traduite devant une Cour martiale militaire ou que la personne soit traduite devant un tribunal du pays en question.
Dans le cas où le militaire est traduit devant la Cour martiale canadienne, le registre s'applique. C'est votre premier cas. Dans le cas où la personne est traduite devant la cour étrangère et est condamnée selon la loi étrangère, par un tribunal étranger, le registre ne s'applique pas et ce sera exactement la même situation si un Canadien commet une infraction dans un pays étranger, selon leur loi, et qui est traduit devant leur tribunal et condamné par une cour étrangère. Le registre dans ce cas, selon le Code criminel qui n'a pas d'application extraterritoriale, ne peut pas s'appliquer. Pour le deuxième cas, je n'ai pas exactement compris, est-ce la Cour martiale au Canada et quelle était la situation? Vous avez proposé trois cas.
Le sénateur Ringuette : Oui, trois cas. Premièrement, un militaire canadien traduit devant une cour civile dans un autre pays. Alors vous dites que non, il ne serait pas sujet à enregistrement sauf si une convention internationale s'applique, si jamais on en vient là. Après il y a des deux situations de Cour martiale au Canada et une Cour martiale étrangère. Dans le cas de la Cour martiale à l'étranger, on peut avoir deux situations, que ce soit une Cour martiale de l'armée canadienne ou une Cour martiale d'une armée alliée.
M. Graham : Non. À l'étranger, si c'est un membre de nos forces armées, c'est une Cour martiale canadienne ou c'est la cour criminelle du pays en question.
Le sénateur Ringuette : À ce moment, comment justifiez-vous les délais demandés dans le projet de loi? Car lorsque vous avez fait votre présentation, vous avez parlé des délais parce que la personne en question était à l'étranger, et cetera. Mais si la Cour martiale se tient à l'étranger ou la Cour martiale a lieu au Canada, l'enregistrement de cette personne ne devrait pas rencontrer de délai.
M. Graham : Oui, il se peut très bien qu'il n'y ait pas de délai. Ce n'est pas prévu qu'il y aura automatique un délai, c'est juste dans les opérations où le chef d'état-major demande qu'on lui donne un mois afin de terminer la mission et les formalités. Il n'est pas envisagé que dans chaque cas, le chef d'état-major va demander un délai. Ce n'est pas cela, si j'ai bien compris le système, c'est à titre complètement exceptionnel que le chef d'état-major demande un délai seulement là où les opérations en question exigent un tel délai. Je vous assure que la loi ne prévoit pas de délais automatiques. C'est exceptionnel. Il faut respecter les besoins immédiatement comme dans le système civil.
Le sénateur Ringuette : Concernant mon interrogation sur le système de soutien d'un militaire qui serait traduit dans une cour civile à l'extérieur du pays alors qu'il a commis une infraction à l'extérieur du pays, quel est le système de soutien dans ce cas?
M. Graham : Il faut que je pose la question au général, mais vous savez, il y a toutes sortes d'accord avec les pays étrangers. Il y a SOFA qui prévoit des conditions, des rapports entre les cours militaires et les juridictions, les compétences des cours du pays en question. Donc, il est possible que dans différents pays, selon les termes de chaque SOFA en question, ce soit différent.
Le sénateur Ringuette : J'ai tenu pour acquis que le militaire est innocent jusqu'à preuve du contraire. Donc il y aurait un système de soutien au plan militaire.
M. Graham : Un avocat, des choses comme cela.
Mgén Pitzul : C'est exact, si on commence avec la position que chaque fois qu'on va à l'étranger, on essaie de négocier une entente avec ces pays pour s'assurer qui aura juridiction sur nos soldats. Normalement, on essaie de garder notre juridiction. Ce n'est pas toujours possible. Parfois, des gens seront accusés de crimes selon la loi locale. Ils seront traités par les tribunaux civils.
Quand on le sait, on leur donne le service d'avocat. Nos unités déploient accompagnées d'un avocat. L'avocat essaie d'aider cette personne à communiquer avec les procureurs pour savoir quelles sont les difficultés pour négocier de l'aide dans cette situation. Mais ils sont assujettis à la loi locale. Parfois, ils ont aussi des services dans leur système local. C'est possible. On essaie d'aider nos soldats qui sont, soit arrêtés ou détenus dans les pays étrangers. C'est pour cela qu'on force dans la négociation afin de garder juridiction sur nos soldats.
Il faut aussi comprendre qu'il faut que le procureur de la poursuite demande au tribunal que l'individu en question, le condamné, soit enregistré. Ce n'est pas l'individu lui-même qui se présente et qui dit : « j'ai été condamné et je veux m'enregistrer. » Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.
[Traduction]
La personne qui a été condamnée ou le procureur demande au tribunal une ordonnance exigeant l'inscription de la personne en question.
M. Graham : Comme dans le système civil.
Mgén Pitzul : Comme dans le système civil.
Le sénateur Milne : Si je me souviens bien, monsieur le ministre, c'est la troisième fois que nous sommes saisis de quelque chose qui concerne la justice militaire. La première fois, il s'agissait de supprimer la peine de mort. La deuxième fois, de préciser les divisions qui relèvent de votre commandement, major général, en votre qualité de juge- avocat général, pour les deux fonctions que vous assumez, afin de créer une cloison étanche entre les deux. Et nous revoici ici aujourd'hui pour une troisième fois, et cela en l'espace de quelques années. Le système de justice militaire veut-il ainsi diviser pour régner en nous livrant l'information par bribes facilement assimilables pour nous empêcher de voir le tableau d'ensemble, ou alors vous employez-vous à réformer le système de justice militaire à l'emporte-pièce?
M. Graham : Cela fait déjà un certain temps que le major général Pitzul est juge-avocat général. Il pourrait peut-être vous donner une perspective historique de la chose. Ce que je sais, c'est que le système de justice militaire s'emploie à faire en sorte que les normes et les valeurs inscrites dans notre Code criminel soient également respectées dans le système de justice militaire, étant donné bien entendu que cela exige ici un système distinct ou autonome en raison des besoins particuliers des forces armées. Nos militaires sont souvent à l'étranger, comme dans les exemples que nous venons de vous donner, et ils doivent tenir compte de considérations d'ordre opérationnel tout en assurant l'ordre et la discipline. C'est cela qui fait que toutes les armées ont leur propre système judiciaire. Par contre, cela signifie que chaque fois qu'on modifie le droit pénal, il faut également modifier la Loi sur la défense.
J'imagine qu'on pourrait appliquer cela grosso modo et procéder de manière automatique, mais ce n'est pas ainsi que nous faisons les choses. Par conséquent, nous devons modifier le système de justice militaire chaque fois que le système de justice civil ou le droit pénal canadien vienne à être modifié. C'est cela que nous essayons de faire ici. Il est évident que la création du registre des délinquants sexuels a été un gros changement dans le système de justice civil ou pénal du Canada, et nous entendons ici faire en sorte de nous aligner sur cela. Il est certain qu'en ce qui me concerne, je ne veux nullement laisser entendre que nous essayons simplement de faire les choses à l'emporte-pièce. C'était important pour nous de procéder ainsi. Je ne sais pas s'il y aurait d'autres changements majeurs à apporter à notre système, mais je pourrais peut-être demander au général dont c'est la responsabilité d'en dire rapidement quelques mots.
Le sénateur Milne : Peut-être en effet pourrait-il en parler succinctement.
M. Graham : Le major général Pitzul me rappelle que M. le juge Lamer, l'ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, a examiné tout le système. Il a fait des recommandations et certains textes de loi sont actuellement en préparation pour en tenir compte, de sorte que nous allons probablement devoir une nouvelle fois comparaître devant vous. Mais je vous donne l'assurance que ce n'est pas parce que nous procédons au cas par cas. Je ne pense pas qu'il faille faire attendre cette question du registre des délinquants sexuels jusqu'à ce que d'autres éléments doivent être changés. Il faut mettre cela sur la table et en discuter ouvertement afin de nous permettre de moderniser et d'actualiser notre système dans ce cas précis avant de tenter de donner suite aux recommandations de M. le juge Lamer. Cela dit toutefois, il y aura encore d'autres choses qu'il faudra changer.
Mgén Pitzul : C'est entre 1998 et 1999 qu'ont été mis en oeuvre les changements les plus importants au système de justice militaire depuis 50 ans. La loi porte que ces changements doivent être réexaminés tous les cinq ans, et c'est ce qui va donc bientôt avoir lieu. Nous allons constamment vous revenir en proposant des améliorations à apporter au système de justice militaire.
Le sénateur Milne : Cet examen quinquennal a-t-il déjà produit quelque chose?
Mgén Pitzul : Comme vient de le dire le ministre, nous sommes en train de préparer les textes de loi.
Par ailleurs, le droit pénal canadien change sans cesse et, soucieux de ne pas attendre encore 50 ans pour améliorer le système de justice militaire, nous préférons emboîter immédiatement le pas, et c'est la raison pour laquelle vous êtes saisis du projet de loi S-39.
Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, vous avez dit quelque chose qui me rappelle certaines des préoccupations que j'avais au sujet des définitions prévues au projet de loi. À la page 3 de celui-ci, l'alinéa b) ajoute à la définition d'une infraction désignée celle qui figure au paragraphe 490.011(1) du Code criminel. D'après mon interprétation, les infractions prévues par cette disposition sont pratiquement toutes à caractère sexuel. Puis, à l'alinéa c) vous en ajoutez encore cinq dont aucune n'a de caractère sexuel. Y a-t-il une raison logique pour laquelle vous regroupez sous la même définition d'une infraction désignée deux catégories différentes d'infractions?
M. Graham : Je vais essayer de vous donner une réponse mais Mme Campbell m'arrêtera si je me trompe. Selon mon interprétation, il existe des infractions clairement désignées ayant un caractère sexuel, qu'il s'agisse d'un viol ou d'un attouchement quelconque, et que nous comprenons tous. Dans le cas des cinq autres infractions dont il est fait état à l'alinéa c), par exemple une atteinte aux biens ou à la personne ou un acte de violence à l'endroit d'un supérieur, s'il apparaît établi que, par exemple, une infraction qui est une atteinte aux biens ou à la personne a été commise avec l'intention de commettre également une infraction à caractère sexuel, par exemple quelqu'un qui pénètre dans un lieu par effraction dans l'intention de commettre un viol ou une infraction à caractère sexuel, dans ces circonstances, si cela peut être prouvé hors de tout doute raisonnable, l'infraction en soi devient une infraction à caractère sexuel et donc entraînerait l'obligation, en cas de condamnation, d'une inscription au registre des délinquants sexuels. De la même façon, le fait de frapper un supérieur est en réalité une agression, mais si cette agression a été commise dans un but sexuel, dans ce cas-là même si c'est toujours une voie de fait, cette voie de fait contient également l'autre élément qui devrait être prouvé de façon distincte. Et si cet élément est effectivement prouvé, à ce moment-là les dispositions qui exigent l'inscription au registre seraient applicables. Voilà donc le pourquoi de ces cinq infractions. Il s'agissait de séparer les infractions directes des infractions indirectes, si vous me permettez d'en faire ainsi deux catégories.
Le sénateur Bryden : Toujours dans la même veine, la disposition ne dit pourtant pas : « frapper un supérieur pour en obtenir une quelconque gratification sexuelle ». L'alinéa parle uniquement de « violence envers un supérieur ». Frapper un supérieur est déjà en soi quelque chose de grave. Or, si quelqu'un est condamné pour avoir frappé un supérieur, le fait de voir son nom porter au registre des délinquants sexuels risque de faire condamner la personne en question jusqu'à la fin de ses jours pour avoir frappé un supérieur. Si c'est cela que vous nous dites, il faut que la loi soit claire à ce sujet étant donné que c'est au juge qu'il appartiendra d'interpréter la loi.
Les infractions concernent donc la violence envers un supérieur, ainsi que, dans le cas de l'article 95, les mauvais traitements à un subalterne. Rien n'indique ici qu'il s'agit d'une infraction à caractère sexuel. Ce serait pratiquement une peine cruelle et inhabituelle que de faire en sorte que quelqu'un qui s'en est pris à son officier risque de voir son nom inscrit au registre des délinquants sexuels pour 20 ans.
La présidente : Le paragraphe 203.01(2) traite précisément de cela.
M. Graham : En effet. Selon mon interprétation, sénateur, même s'il s'agit ici d'une terminologie toute militaire, elle ne diffère guère de ce que dit le Code criminel dans les cas d'infractions indirectes, comme une introduction par effraction dans le dessein de commettre une infraction à caractère sexuel, et la loi prévoit précisément ce genre de cas dans la disposition qui vient d'être mentionnée par madame la présidente.
Mme Campbell : Cette disposition est tout à fait parallèle au système qu'on avait dans le projet de loi C-16. Souvent, les avocats viennent nous dire que certaines infractions semblent de prime abord ne pas avoir de caractère sexuel alors qu'en fait c'est le contraire. Par conséquent, le projet de loi C-16 en donne une liste et on trouve une liste analogue dans le projet de loi S-39, étant donné bien entendu que le procureur doit prouver hors de tout doute raisonnable qu'il y avait un dessein sexuel. Ce n'est pas uniquement l'infraction de prime abord qui doit être prouvée.
Le sénateur Bryden : Cela me met quand même un peu mal à l'aise. En ce qui concerne les infractions associées, l'introduction par effraction dans le dessein de commettre un vol représente deux infractions distinctes — il y a l'introduction avec effraction, une infraction rendue plus grave parce qu'elle a été commise dans l'intention de perpétrer un vol. Ce que vous nous dites ici, c'est qu'une infraction qui est une atteinte à un bien, un acte de violence envers un supérieur dans le dessein de commettre une infraction à caractère sexuel, d'avoir des relations sexuelles ou quelque chose du même genre, est le parallèle à ce que nous venons de décrire, mais ce n'est pas ce que dit le texte.
M. Graham : Le paragraphe 203.01(2) dit ceci : « Dès lors que le procureur de la poursuite établit hors de tout doute raisonnable que [la personne] a commis l'infraction », c'est-à-dire a frappé son supérieur, « avec l'intention de commettre une infraction visée aux alinéas a) ou d) de cette définition », c'est-à-dire une infraction à caractère sexuel. C'est un argument un peu circulaire, mais qui ne diffère pas de ce que nous avons prévu dans l'autre loi, et si le droit militaire a pour but de copier ce qui existe dans le système de justice pénale civile, il fallait effectivement procéder de cette façon. Si nous l'avions omis, notre système aurait présenté une énorme lacune qui l'aurait rendu très différent de l'autre système.
Le sénateur Bryden : L'un des problèmes fondamentaux de ce type de raisonnement et de l'administration de la justice en général, et de la justice pénale en particulier, en dehors de notre système pénal normal, c'est que cela fait courir le risque de donner à des gens qui ont d'autres personnes sous leurs ordres la possibilité de faire un genre de menace, du genre : « Si tu me frappes, je vais non seulement t'accuser de m'avoir frappé en vertu de notre loi, mais j'ai également l'intention d'essayer de prouver que si tu m'avais frappé, c'était avec l'intention de commettre une infraction à caractère sexuel ».
Il y a toujours eu un juste milieu très subtil entre le fait de vouloir protéger quelqu'un qui risque d'être en proie à un quelconque abus et le souci de ne pas mettre quiconque dans une situation où quelqu'un d'autre pourrait utiliser cela pour le mettre au pas.
M. Graham : Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire, sénateur, mais dans ce genre d'abus dont vous parlez, il y a deux éléments de contrôle. Pour commencer, ce n'est pas la personne qui a été frappée qui doit déterminer si cette voie de fait a été commise avec une intention à caractère sexuel. C'est le procureur qui décidera s'il va poursuivre en invoquant cette infraction-là, de sorte que le plaignant ou la plaignante va devoir le persuader de déposer un autre chef d'inculpation et de poursuivre sur ce plan-là également. Le ministère public ne va jamais déposer un chef d'accusation sans fondement simplement pour plaire à quelqu'un, et il va falloir qu'il prouve le chef d'accusation hors de tout doute raisonnable pour pouvoir avoir gain de cause.
Je comprends votre inquiétude lorsque vous parlez de ces possibilités de double incrimination, mais le projet de loi comporte quand même certains contrôles. Nous devons partir du principe que les représentants du ministère public ont des principes et qu'ils les respectent lorsqu'ils font appliquer la loi, et également que les juges exigeront de façon rigoureuse que la preuve soit faite hors de tout doute raisonnable afin d'empêcher le genre d'abus dont vous évoquez la possibilité.
Le sénateur Bryden : En tout état de cause, lorsqu'il y a inculpation au pénal, la preuve doit être faite hors de tout doute raisonnable. J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi, si l'on veut parler d'une agression commise avec l'intention de commettre une infraction à caractère sexuel, le texte n'en fait pas mention. Il va falloir prouver la chose hors de tout doute raisonnable. Pourquoi donc ne pas faire dire à la loi que cela doit effectivement être prouvé hors de tout doute raisonnable?
M. Graham : Sénateur, vous parlez ici de quelque chose qui, en ce qui concerne la rédaction de textes législatifs, en mystifie beaucoup parmi nous. J'aimerais beaucoup pouvoir connaître la réponse à cette question, et pas simplement dans le cadre de ce projet de loi-ci. C'est un problème, certes, mais les experts m'ont donné l'assurance que c'est la copie conforme de ce que prévoit le Code criminel et que c'est effectivement l'intention poursuivie par ce projet de loi.
Le sénateur Milne : Cela me ramène à l'autre partie de ma question. Si ce point-là semble être une forme de double incrimination, un autre article semble être une forme de punition rétroactive. Je parle ici de l'article 203.07 de la page 9 du projet de loi. Cet article dit :
Le prévôt ne peut signifier l'avis qu'à la personne qui, à la date d'entrée en vigueur du présent article, est assujettie à une peine à l'égard d'une infraction visée aux alinéas a) ou d) de la définition de « infraction désignée »...
En d'autres termes, si quelqu'un a déjà été reconnu coupable, et n'a pas obtenu une libération inconditionnelle, mais est détenu parce qu'il a été reconnu coupable, cette personne devra s'inscrire au registre.
Estimez-vous que l'enregistrement est une punition? Si oui, on parle ici de punition rétroactive. Cette rétroaction est un aspect qui me met mal à l'aise.
M. Graham : Tout d'abord l'enregistrement n'est pas considéré comme une punition. L'enregistrement a été institué dans le cadre des modifications apportées au Code criminel, et il existe des mécanismes de contrôle pour s'assurer que ce n'est pas une punition.
L'enregistrement est conçu pour permettre à la police de faire son travail, à savoir protéger la société, en ayant accès à l'information dans des circonstances prévues par la loi. C'est ainsi que je comprends le but de cette mesure législative, que ce soit dans le cadre du Code criminel ou dans le projet de loi que nous examinons. Dans ce projet de loi nous avons repris exactement ce qui avait été fait avec les modifications apportées au Code criminel. Si cela vous pose un problème de principe, vous aurez exactement le même problème de principe avec ce projet de loi. À titre de ministre de la Défense nationale, je peux vous dire que pour nous il était important d'avoir un projet de loi qui corresponde en tous points au Code criminel, afin que notre système soit conforme au Code criminel.
Si j'ai bien compris l'enregistrement ne concerne que les délinquants qui ont déjà été reconnus coupables d'une infraction sexuelle désignée par une cour martiale et qui seront encore en train de purger leur peine lorsque le projet de loi entrera en vigueur. Dans ce cas-là, ils seront inscrits au registre, pour que s'ils sont alors libérés, les renseignements seront accessibles. Il y a déjà eu un cas flagrant, où une personne reconnue coupable d'une infraction, a été remise en liberté au sein de la société civile et a commis une autre infraction. Tout le monde a demandé « Pourquoi n'étions-nous pas au courant? Pourquoi n'avons-nous pas eu accès à ces renseignements? » Ce projet de loi est conçu pour traiter de ce type de cas de figure. Il n'est pas conçu comme punition, mais pour que les autorités puissent avoir tous les renseignements dont elles ont besoin pour pouvoir gérer une situation difficile.
Mme Campbell : Comme l'a dit le ministre, l'objectif ici était vraiment simplement d'inclure les délinquants militaires dans le système existant. C'est un système qui est encore très jeune étant donné que le Parlement avait décidé que le registre des délinquants sexuels serait réexaminé deux ans après son entrée en vigueur. Deux ans est une très courte période. C'est pour cela que nous avons décidé de ne pas nous présenter aujourd'hui devant le Parlement avec des changements importants ou des changements de politiques, mais plutôt d'intégrer l'armée au système, et nous présenter devant le Parlement lors de l'examen après deux ans, ce qui va se faire dans un peu plus d'un an. Comme le ministre l'a dit, cela correspond exactement à ce qui a été fait dans le cadre du projet de loi C-16. Ce système rétroactif ne s'applique qu'aux délinquants reconnus coupables d'une infraction primaire ou à caractère clairement sexuel, et qui purgent leur peine au moment de l'entrée en vigueur. Ce système est exactement le même que celui du projet de loi C-16 pour ce qui est de donner avis.
Mgén Pitzul : J'ajouterai que les personnes à qui cela s'applique peuvent également contester la chose.
Le sénateur Joyal : J'ai certaines préoccupations en ce qui concerne le rôle constitutionnel du Sénat, qui est une chambre de réflexion. Ce projet de loi n'est pas uniquement d'ordre administratif. Certains éléments apportent des modifications significatives. Ce projet de loi ne fait pas qu'adapter la Loi sur la défense nationale au Code criminel. Je reviendrai là-dessus plus tard.
Le rôle du Sénat est d'examiner des mesures législatives une fois que l'autre endroit a fini de les étudier. Parfois, le débat se tient d'abord au Sénat, mais cela se fait généralement dans des domaines techniques et qui ne traitent pas de questions liées à la justice, surtout lorsqu'il s'agit de droits de la personne et du Code criminel. J'ai certaines réserves à propos du fait que ce projet de loi ait été présenté en premier au Sénat. C'est un projet de loi du Sénat et non de la Chambre des communes. Pourtant c'est un projet de loi ministériel. En tant que sénateur, je préfère commencer l'examen en ayant sous la main les témoignages et les débats qui ont eu lieu à l'autre endroit, ainsi nous pouvons au Sénat nous concentrer sur les aspects qui correspondent au rôle du Sénat, à propos des minorités, de la Charte, et ainsi de suite, surtout comme l'a dit le sénateur Milne lorsque nous avons traité d'une question auparavant.
Pour illustrer l'argument que je présente, je signale que le sénateur Milne et le sénateur Bryden ont soulevé une question concernant la définition. Il y a une différence entre la définition donnée au paragraphe 490.l011(1) du Code criminel et la façon dont l'article 203 redéfinit le Code criminel. Je parle ici de la page 2 et du haut de la page 3, qui fait référence à la définition d'infraction désignée du Code criminel. J'ai le Code criminel sous les yeux. Aux alinéas e) et f) de la définition d'infraction désignée, le code criminel dit « la tentative ou le complot en vue de perpétrer l'une ou l'autre des infractions énumérées aux alinéas a), c) et d) ou la tentative ou le complot en vue de perpétrer une infraction énumérée à l'alinéa b). » En d'autres termes, tous les alinéas concernant une infraction désignée sont couverts.
Si vous regardez les alinéas d) et e) du projet de loi à la page 3, une tentative ou complot en vue de commettre l'infraction visée à l'alinéa a), et pour l'alinéa e), une tentative ou complot en vue de commettre l'infraction visée aux alinéas b) ou c), mais cela ne couvre pas l'alinéa d). En d'autres termes, il y a certaines exceptions pour ce qui constitue une tentative ou complot en vue de commettre une infraction aux termes de l'alinéa d). L'alinéa d) couvre principalement les infractions liées à des relations sexuelles avec une belle-fille, de grossières indécences de la part d'un parent ou d'un tuteur, et ainsi de suite. J'ai l'impression qu'un poisson s'est échappé du filet, à moins qu'il n'y ait une raison pour laquelle ce type d'infraction ne doit pas s'appliquer à l'armée en général. Pouvez-vous me dire pourquoi les infractions énoncées à l'alinéa d) ne sont pas couvertes, à savoir les rapports sexuels avec une personne de sexe féminin âgée de moins de 14 ans, les rapports sexuels avec une personne de sexe féminin âgée de 14 ans mais de moins de 16 ans, les rapports sexuels avec une belle-fille, et ainsi de suite?
M. Graham : En ce qui concerne le début de votre intervention, je ne peux pas répondre à votre question. C'est le leader du gouvernement à la Chambre qui a décidé que ce projet de loi serait présenté au Sénat dans le cadre de la gestion des affaires de la Chambre, et je ne peux rien vous dire à ce sujet.
Quant à la différence potentielle entre le Code criminel et le projet de loi, je vous répondrai par écrit. Je n'ai pas avec moi un exemplaire du Code criminel, et dans la mesure où il nous reste peut de temps, je ne pense pas que je pourrai vous répondre même si je l'avais. Cela vous irait-il si nous vous donnions une explication par écrit?
Le sénateur Joyal : Oui bien sûr. Il y a probablement 40 sous-alinéas dans le Code criminel et il est pratiquement impossible à un néophyte de les comprendre.
Si vous lisez l'article 203, à la page 2 on peut y lire « infraction désignée » puis l'alinéa c) fait référence à une infraction visée à l'alinéa 77f), mais de quel alinéa 77f) parlons-nous? Quel article? Est-ce un alinéa de la Loi sur la défense nationale? Ce n'est pas clairement énoncé ici. La définition devrait dire alinéa 77f) de la Loi sur la défense nationale. Plus tôt le projet de loi fait référence à l'article 490.011 du Code criminel, donc je pensais qu'il s'agissait de l'alinéa 77f) de l'article 490.011. Je me suis reporté au Code criminel, et bien sûr je ne l'ai pas trouvé. Il n'existe pas d'alinéa 77f) dans le Code criminel parce qu'en fait il s'agit ici de la Loi sur la défense nationale. Il faudrait le préciser. Sinon, on s'y perd.
M. Graham : Je demanderai aux experts juridiques de faire des observations à propos de vos deux propositions.
Mme Campbell : Le sénateur vient de mettre le doigt sur la complexité des références croisées entre le Code criminel et la Loi sur la défense nationale. Cette complexité est accrue par le fait qu'il existe aujourd'hui tout un système d'alinéas et de sous-alinéas. Je crois comprendre la question du sénateur, et je pense que cela pourrait se faire, cependant vous souhaiterez peut-être avoir une réunion avec des fonctionnaires qui pourraient vous aider à comprendre certains aspects techniques.
Le sénateur Milne : Cet article modifie uniquement la Loi sur la défense nationale, donc c'est de cette loi dont il s'agit ici.
Mme Campbell : Oui, tout à fait.
Le sénateur Joyal : Le texte devrait dire « article 77 de la Loi sur la défense nationale » parce qu'il s'agit d'une définition. Cela illustre bien mon propos, à savoir que ce projet de loi ne vise pas uniquement à faire correspondre la Loi sur la défense nationale au Code criminel. Cet article établit clairement qu'il y a une autre infraction. J'ai du mal à accepter votre argument selon lequel ces infractions, notamment la violence envers un supérieur, doivent être liées à des infractions à caractère sexuel. Je ne vois pas la nature sexuelle de l'infraction lorsque l'on parle de violence envers un supérieur, ou de cruauté ou conduite déshonorante, ou de mauvais traitements à un subalterne. Je trouve qu'il est un peu tortueux de dire que si on maltraite un subalterne, c'est avec l'intention de commettre une infraction sexuelle. Si quelqu'un maltraite un subalterne, c'est une infraction en soi. Si en plus cette personne est reconnue coupable de mauvais traitement à un subalterne avec des intentions sexuelles, alors c'est autre chose. Cependant, vous semblez lier les deux, alors qu'au vue du projet de loi, pour moi, ce sont deux choses très différentes. Ce sont deux infractions désignées différentes.
J'aimerais être certain que votre interprétation est la bonne.
Je préfère que la Chambre des communes soit saisie de ce type de projet de loi d'abord car les députés peuvent mettre en lumière des problèmes tels que celui-ci. Lorsque nous étudions ces projets de loi en premier, c'est à nous de le faire et ce n'est pas notre rôle.
Ma prochaine question concerne les empêchements pour des raisons opérationnelles à l'article 203.15. J'estime que lorsqu'il y a des exceptions au Code criminel, elles doivent être limitées et assorties de conditions. Lorsqu'une exception est adoptée, elle doit être assortie de conditions. En d'autres termes, l'exception n'est pas non limitative au point de déclarer que si c'est pour des empêchements pour des raisons opérationnelles, c'est acceptable. Je ne veux accuser personne ici, mais j'ai constaté par le passé que lorsque la haute hiérarchie est impliquée, on invoque des empêchements pour des raisons opérationnelles, mais lorsqu'il s'agit de grades inférieurs, on n'invoque pas ces raisons opérationnelles. Je pense que ces raisons opérationnelles doivent être assujetties à des conditions.
J'ai déjà suffisamment lu d'histoires à propos de l'armée qui essayait de couvrir les actes de sa hiérarchie, donc je veux être certain que lorsqu' on invoque des empêchements pour des raisons opérationnelles, il y a ait vérification des critères qui s'appliquent à ces raisons opérationnelles. Les exceptions relevant de la sécurité nationale, des relations internationales et ainsi de suite sont si vastes qu'en fin de compte tout ce qui a trait à l'armée relève de la sécurité nationale, surtout lorsque c'est lié aux activités d'un groupe armé qui participe à une opération.
Nous devons examiner à la loupe ce concept de raison opérationnelle pour être certains qu'il ne soit pas utilisé pour étouffer des affaires ou pour éviter que le Code criminel ne soit appliqué. Nous ne devons pas oublier qu'en gros, avec ce projet de loi, nous acceptons de suspendre l'application du Code criminel pour des raisons opérationnelles, ce qui est très grave. Cela se fait lorsqu'il s'agit de l'intérêt supérieur de la société, et qu'on décide de ne pas appliquer la peine qui serait appliquée à un citoyen ordinaire s'il était reconnu coupable d'une infraction similaire. On ne peut pas simplement dire que l'on suspend l'application du Code criminel pour des raisons opérationnelles. Je comprends bien qu'il y ait parfois des raisons opérationnelles, et je ne rejette pas ce concept, mais je pense que ces raisons doivent être balisées et assujetties à des conditions.
On a maintes fois soulevé cet argument, lorsqu'on nous demandait de faire une exception à l'application du Code criminel. Les raisons opérationnelles ont une large couverture, cela est également vrai en ce qui concerne l'ordre légal. Celui-ci est un concept clé du projet de loi, car il peut suspendre des obligations. Cet aspect doit également être bien compris.
Voilà les concepts fondamentaux du projet de loi. Je ne m'oppose ni au projet de loi, ni à la notion de rationaliser ce qui s'applique à l'armée et ce qui s'applique au civil. Toutefois, lorsque nous faisons quelque chose d'exceptionnel, après en avoir reconnu la nécessité, il faut également en définir l'usage qu'on en fera au lieu de n'imposer aucune limitation, ce qui pourrait donner lieu à des abus.
L'ancien juge en chef Lamer a énoncé certains principes dans son rapport sur l'application de la loi aux forces armées. Nous devons nous assurer que ces principes se retrouvent dans ce projet de loi. Vous nous avez demandé de faire quelque chose que nous sommes prêts à considérer, mais nous devons d'abord nous assurer que les principes énoncés par le juge Lamer suite à une enquête exhaustive, figurent dans ce projet de loi.
Nous pourrons peut-être discuter, monsieur le ministre, de ces principes lors de notre prochaine réunion.
M. Graham : Je voudrais répéter ce que j'ai dit au début. À titre de ministre, je crois que la meilleure façon de vous aider, est de vous assurer que l'intention du projet de loi est de garantir que les membres des Forces canadiennes sont traités de la même manière que les civils accusés de la même infraction. Pour ce qui est de savoir si le projet de loi respecte cette intention, ou s'en éloigne, comte tenu des méandres de la langue et des références, je crois que les spécialistes seraient mieux placés pour répondre à cette question. Autrement, vous et moi ressemblerions à des avocats en train de plaider une cause devant un tribunal. Le président pourrait alors décider que notre argumentation est irrecevable, et nous renvoyer à un autre tribunal. Je reconnais certes que le Parlement est la plus haute instance du pays, mais, pour des raisons juridiques, je préfère laisser cette question aux spécialistes.
Je réfléchirai à votre observation relative aux raisons opérationnelles pour suspendre pendant un certain temps l'application du système d'enregistrement. Vous avez indiqué que le commun des mortels ne verrait pas sa peine allégée.
Le but de ce système dans le code criminel canadien n'est pas de punir. Il s'agit plutôt de permettre aux autorités policières de faire leur travail, soit de protéger les Canadiens contre les délinquants sexuels.
Mettons cela en perspective, et songez, par exemple, au chef d'état-major de la Défense, qui dirait : « Nous sommes actuellement engagés dans une opération militaire en Afghanistan où nous combattons l'ennemi. Je vais donc suspendre l'enregistrement de ce militaire jusqu'à ce qu'il rentre dans son foyer. » Dans ce cas, si l'on songe à l'intention de la loi, le public est protégé. Le soldat se trouve à l'étranger. L'intention de la disposition du Code criminel est de protéger les Canadiens, pour qu'un délinquant sexuel ne circule pas dans nos villes, sans qu'un agent de police connaisse l'infraction que cette personne a commise, et sans lui donner la chance et les moyens pour faire face à cette situation. Le délinquant, muni d'un fusil, est en train de défendre son pays à l'étranger. Si vous songez à la nature de ce que nous tentons de faire, cela est conforme à la logique qui a inspirée les dispositions du Code criminel et les fondements idéologiques des objectifs que nous nous efforçons de réaliser dans le système judiciaire, soit de permettre aux autorités d'avoir accès à l'information nécessaire pour faire face à cette situation difficile.
Comme l'a fait remarquer Mme Campbell, nous luttons en l'occurrence avec un concept nouveau. On parle d'une période d'application de deux ans seulement. Si vous songez, madame la présidente, à la disposition que renfermait la législation antiterroriste, la période d'application était de cinq ans. Ce projet de loi a une durée très courte, cela nous donnera l'occasion de résoudre ces difficultés.
C'est la seule réflexion générale que je puis faire mais je reconnais, sénateur, qu'il y a peut-être des questions techniques qu'il nous faudrait examiner en détail. Je puis vous assurer que les fonctionnaires pourront vous aider.
Le sénateur Bryden : On souhaiterait toujours quand on donne à quelqu'un un pouvoir discrétionnaire presque absolu, qu'il s'agisse du chef de l'état-major ou de quiconque, qu'il y ait un moyen de surveillance. Cette loi est également soustraite à la Loi sur les textes réglementaires si bien qu'il n'y a pas d'examen prévu qui permettrait en l'occurrence d'interpréter la loi sur la défense nationale. C'est le genre de choses dont s'occupe habituellement le Sénat. Comme l'a dit le sénateur Joyal, nous avons l'avantage que les projets de loi passent par les comités de la Chambre des communes et qu'ainsi nous puissions nous concentrer sur certains points précis.
Malheureusement, nous sommes les premiers à étudier ce projet de loi, et il va peut-être nous falloir être plus pointilleux que d'habitude. Ces propositions sont importantes pour nous qui sommes censés passer les choses en revue. Il faut qu'il y ait un système de surveillance suffisant pour protéger les droits, aux termes de la Charte et autres, de nos citoyens, et notamment des membres de nos forces armées.
M. Graham : En tant que ministre, je respecte absolument ce que vous faites. Je ne veux pas dire que vous ne vous y prenez pas bien. Je suis tout à fait d'accord. Je dis simplement que mes propres limites sont telles que je ne puis m'attarder trop aux détails techniques car je ne pourrais pas vous aider. Je suis tout à fait d'accord sur la façon dont vous souhaitez procéder et je vous assure que nous ferons de notre mieux pour satisfaire vos demandes. Cela nous aidera à la Chambre des communes. S'il y a des questions similaires, nous serons mieux préparés.
La seule chose que je dirais à propos du problème précis que posent les pouvoirs du chef de l'état-major — et je demandais au major général de m'aider —, c'est qu'il y a, je le sais, des paramètres législatifs. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire illimité. Je dois dire aussi qu'en tant que ministre, je ne suis ministre que depuis un an et demi, il me semble que nous avons dans notre pays un système de surveillance civile du processus de défense très efficace. J'ai toujours eu l'impression que le chef de l'état-major est tout à fait conscient qu'en fin de compte il est responsable devant les autorités politiques du pays de tout ce qu'il fait en toutes circonstances et qu'il respecte cela. C'est, si vous voulez, un paramètre moral dans lequel fonctionne l'armée.
[Français]
Le sénateur Rivest : Est-ce que la notion d'opération militaire existe dans d'autres lois ...
Mgén Pitzul : Pas dans la loi, que je sache.
Le sénateur Rivest : ... où on accepterait une obligation faite à l'armée pour des raisons, c'est le seul cas?
Mgén Pitzul : Il n'y a pas d'analogie, que l'on sache.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Ce que j'aimerais porter à votre attention, monsieur le ministre, c'est que lorsque ce comité étudiait l'enregistrement, on nous a dit qu'il ne s'agissait pas d'une punition. Que cela faisait partie de certaines mesures qui ne pouvaient pas être considérées comme des mesures de réhabilitation comme telles. C'est une obligation que l'on impose au contrevenant. L'année dernière, la cour de l'Ontario a dû examiner la question du registre de l'Ontario et en est arrivé à la conclusion qu'une imposition d'une obligation de s'inscrire pour dix ans à vie, sans mécanisme permettant de mettre fin à cette obligation ou d'en être exemptée, va à l'encontre des droits, de la liberté et de la sécurité aux termes de l'article 7 de la Charte.
Ce n'est pas vous qui allez régler ce problème parce qu'il s'applique au concept général d'enregistrement. Toutefois, il n'est pas certain que la cour acceptera l'argument selon lequel lorsqu'on impose à quelqu'un cette obligation à vie, ou pour une période indéterminée, ceci sans possibilité de révision, cela n'entre pas dans le contexte d'une punition.
Je ne vous demande pas de vous prononcer à ce sujet, monsieur le ministre, mais je crois qu'il nous faut envisager la possibilité que la cour n'a pas encore statué en la matière. C'est à l'étude. Je crois qu'on en a déjà souvent parlé ici avec le ministère de la Justice. En fin de compte, c'était une interprétation à 50-50 parce qu'il n'était pas possible à ce moment-là d'examiner alors la chose.
Monsieur le ministre, vous êtes responsable de l'ensemble des lois antiterroristes, ou du moins d'une partie de cette législation. Nous revenons toujours à la même question. Lorsque nous imposons une obligation à des citoyens, obligation qui n'est pas une punition, il faut la réexaminer éventuellement, sans on change la nature de ce qu'on fait.
Je veux m'assurer que vous comprenez bien cet aspect, car il concerne ce que nous faisons aujourd'hui.
M. Graham : Je le comprends, sénateur. J'ai cru comprendre, en entendant Mme Campbell — vous voudrez peut- être en parler davantage avec elle — que le registre de l'Ontario est considérablement différent du registre national. Ainsi, le registre national contient une disposition d'examen spécifique, conçue pour que l'on puisse traiter de questions relatives à la Charte notamment. De toute évidence, ces questions intéressent particulièrement le ministère de la Justice étant donné la nature de ce projet de loi.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
M. Graham : Merci de votre courtoisie, madame la présidente.
Le sénateur Joyal : L'incidence du registre sur les forces armées me préoccupe également. Les forces armées représentent une catégorie de personnes particulière. Si un militaire est inscrit au registre à titre de délinquant sexuel, quelles seront les répercussions sur sa carrière?
Mgén Pitzul : Le registre a pour objectif d'être un outil d'enquête. Si vous êtes contraint de vous y inscrire, c'est ce que la loi stipule. Une personne qui serait en train d'évaluer la carrière du militaire, n'aurait pas accès à l'information contenue dans le registre. L'accès à cette information est en effet limité au prévôt dans le but spécifique d'enquêter sur des délits sexuels. Ce registre n'est donc pas accessible à une multitude de personnes. Pour ce qui est des répercussions sur la carrière du militaire, celles-ci seraient négligeables, car les personnes évaluant la carrière n'auraient pas nécessairement accès au registre. Elles auraient toutefois accès aux renseignements selon lesquels vous avez été trouvé coupable par une Cour martiale et qu'une peine a été imposée. Le public a accès à ces informations.
J'aimerais aborder d'autres questions. D'abord, l'article 203.15 comporte quatre parties, dont trois ont pour objectif d'accorder au chef d'état-major à la défense la possibilité de suspendre les délais d'enregistrement afin de protéger les droits des personnes contraintes à s'inscrire ou à se présenter. Cette raison est opérationnelle, dans la mesure où les personnes en opération ne peuvent adhérer au délai prescrit par la LERDS. Ainsi, le chef d'état-major pourra suspendre le délai prescrit en fixant une date de début et une date de fin. Le délai prescrit sera donc celui de la date de fin. La possibilité pour la personne en question de faire appel et de plaider contre le fait qu'il ait été obligé de s'inscrire, est protégée. La raison opérationnelle dans trois des quatre parties de l'article 203.15 visent à aider la personne qui a été ainsi contrainte.
Pour ce qui est de l'application de la Loi sur les textes réglementaires, elle s'applique à tous les règlements mais pas à la décision du chef d'état-major, car, dans les cas où le chef d'état-major a l'autorité de ne pas divulguer l'information pour des raisons de sécurité nationale, il faudrait déclassifier cette information afin de suivre les processus relatifs à la Loi sur les textes réglementaires. De plus, le processus relié aux textes réglementaires est long. En temps normal, nous parlons ici de périodes assez courtes. C'est tout pour les explications que je pourrais vous fournir relativement à vos observations.
En ce qui concerne les observations initiales du sénateur Joyal, que j'approuve, nous serions ravis de vous expliquer comment le projet de loi S-39 modifie de nombreuses lois. À la première page, on trouve les modifications à la Loi sur la défense nationale. Toutes les observations ultérieures dans cette partie se réfèrent à la Loi sur la défense nationale. Je comprends bien qu'elle comporte de nombreux paragraphes et que cela peut parfois être difficile à suivre. Mais, pour ce qui est des observations du sénateur Joyal, je lui demanderais de tenir compte du fait que, lorsqu'il parle de b) et de c), il se réfère au b) et au c) d'une modification, et non du code. Pour ce qui est du fait que la Loi sur la défense nationale n'est pas mentionnée dans 77f), c'est parce qu'il est question de l'alinéa 77f) de la Loi sur la défense nationale.
Après ces observations, je me ferai un plaisir d'en discuter avec vous et ma collègue.
Mme Campbell : Pour revenir à l'importante remarque du sénateur Joyal au sujet de la punition, je crois me souvenir que notre comité en a discuté lors de l'examen du projet de loi C-16. Il s'agit certes d'une question fondamentale pour tous les registres de délinquants sexuels, quel que soit l'ordre de gouvernement dont ils relèvent. J'aimerais ici préciser que le registre ontarien ayant fait l'objet de ce jugement des tribunaux diffère sensiblement du Registre national des délinquants sexuels sur le plan des garanties procédurales. Aussi, la question à savoir si de telles mesures correspondent à une punition a donné lieu à de nombreux litiges aux États-Unis dont nous avons attentivement étudié les résultats. La Cour suprême des États-Unis a estimé qu'elles ne constituent pas une punition. On peut prévoir que les tribunaux canadiens vont eux aussi être saisis de la question. Ainsi que vous venez de nous le dire, on peut l'envisager de plus d'un point de vue. Quoi qu'il en soit, il faudra attendre le jugement des tribunaux. En tant que fonctionnaires, nous nous efforçons de fournir les avis les plus justes possibles et de les étayer grâce à nos connaissances et à nos recherches. En l'occurrence, nous estimons que le projet de loi et l'ensemble du programme, tels qu'assortis de mesures de protections, résisteront à une contestation judiciaire voulant qu'il s'agisse d'une punition, mais ce que vous venez d'exposer n'en demeure pas moins fondamental, sénateur Joyal.
Le sénateur Bryden : Il est dit ici que le Chef d'état major de la Défense peut juger qu'une personne est justiciable du Code de discipline militaire, ou est un officier, ou encore un sous-officier; est-ce à dire qu'un officier ou un sous-officier n'est pas justiciable de ce même Code?
Mgén Pitzul : Cela m'amène à une réalité qu'on a négligé de mentionner jusqu'à maintenant, à savoir que le code de discipline militaire s'applique à diverses catégories de gens, y compris les civils qui nous accompagnent à l'étranger. Ainsi par exemple, lorsque nous étions à Lahr, en Allemagne, tous les enseignants et tous les travailleurs de la santé étaient eux aussi assujettis au code militaire, ce à la demande de leurs syndicats. Le code s'applique donc à beaucoup plus de gens que les seuls membres des Forces canadiennes.
À mon avis, là où l'application du projet de loi S-39 aurait des résultats très positifs serait dans un cas semblable à celui qui s'est produit au milieu des années 70. À cette époque, un chef scout qui était aussi personne à charge avait commis des actes de pédophilie. Reconnu coupable en cour martiale et condamné à sept ans de réclusion, il était revenu au Canada après avoir purgé sa peine. Or, une dizaine d'années plus tard, il a subi un nouveau procès sous le même chef d'accusation, mais cette fois devant un tribunal civil et a de nouveau été reconnu coupable. S'il y avait eu alors un Registre, la police chargée de l'enquête à Edmonton aurait su que cet ex-détenu était dans la région et elle aurait pu dès lors procéder à son enquête.
Les groupes de gens auxquels s'appliquent le Code de discipline militaire sont assez divers. Il y en a deux principaux, d'abord les membres de la force permanente des Forces canadiennes et les membres de la Réserve des Forces canadiennes, qui sont régis par l'article 60 de la Loi sur la défense nationale lorsqu'ils exercent des fonctions militaires. Or ici, il est dit qu'il ne faut pas qu'ils participent à des activités militaires pour être inscrits au Registre.
Ainsi par exemple, pour que le code militaire s'applique aux réservistes, ces derniers doivent être soit en uniforme, soit dans un établissement de la Défense. Le service des réservistes s'effectue selon certaines limites. Si un réserviste commet une infraction sexuelle sans être justiciable du code de discipline militaire, alors c'est le processus du Registre civil qui s'enclenchera. Parmi ceux et celles qui se retrouvent dans cette situation, à savoir être régi par le code de discipline des civils, il y a les membres de la Réserve lorsqu'ils ne sont pas dans l'exercice de fonctions visées à l'article 60. Toutefois, ils sont quand même couverts par le code militaire en tant que groupe.
Le sénateur Bryden : La difficulté tient peut-être au libellé. Une personne justiciable du code militaire, ou qui est un officier ou un sous-officier — ici il faut mettre une virgule — de la Réserve pour des raisons opérationnelles ne peut... un Chef d'état major de la défense pourra trancher leur cas. Si je vous ai bien compris, le Code de discipline militaire s'applique à beaucoup de gens, dont les effectifs de la Force permanente. Il est précisé ici qu'il régit aussi un officier ou un sous-officier de la Réserve; est-ce bien cela?
Mgén Pitzul : Ils peuvent bénéficier du processus d'enregistrement de la Loi sur la défense nationale.
Le sénateur Bryden : Il ne s'agit pas d'une catégorie distincte destinée aux officiers de la force permanente, c'est bien cela?
Mgén Pitzul : Non, il s'agit d'une catégorie conçue pour les besoins des réservistes, qui peuvent se trouver parfois dans les forces armées, parfois à l'extérieur. Le mercredi soir, ils peuvent être en train de défiler devant un établissement de la défense et le jeudi, ils n'y seront plus. Cette catégorie vise ce groupe-là.
Le sénateur Joyal : Au sujet des 17 membres des forces qui ont fait l'objet de l'enquête, vous avez dit que neuf d'entre eux ont été renvoyés, que six ont été acquittés et que deux attendent le prononcé de leur sentence.
[Français]
Mgén. Pitzul : Excusez-moi, ils ont tous été condamnés.
Le sénateur Joyal : Tous?
Mgén. Pitzul : Oui, les 17.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Y a-t-il moyen de se renseigner sur la nature de l'infraction dont ces gens ont été accusés et leur grade? Je suis sûr que vous pouvez obtenir ces renseignements. J'aimerais bien les avoir afin de savoir quelles sont les infractions les plus fréquentes dans cette catégorie.
[Français]
Mgén Pitzul : Les grades, vous avez lieutenant, caporal-chef, capitaine, caporal, soldat.
[Traduction]
... matelot de 3e classe, caporal, sergent, soldat, caporal-chef, adjudant-chef, lieutenant.
[Français]
Ce sont les grades. Le style d'infraction varie.
[Traduction]
Cela varie. Cela comprend le paragraphe 153(1) et l'article 271 du Code criminel.
[Français]
J'oublie les noms. Je peux vous donner les titres. On peut vous donner cela.
[Traduction]
Nous sommes en mesure de vous fournir cela.
Le sénateur Joyal : Je sais qu'il se fait tard, et je ne pourrais pas faire cela à moins d'étudier le code. Pour l'essentiel, nous connaissons le sujet de notre discussion.
[Français]
Mgén Pitzul : On peut donner les renseignements.
Le sénateur Rivest : J'ai une question un peu bête. Je suis convaincu que c'est la même chose dans tous les pays, pourquoi lorsqu'il s'agit d'un acte criminel, commis par un militaire, cela doit aller devant une Cour martiale? Pourquoi pas les tribunaux civils ordinaires? Cela vous libérerait pour que les cours martiales fassent de la discipline lorsque des infractions sont commises dans l'activité militaire en tant que telle. C'est une question militaire. C'est peut- être une question bête.
Mgén Pitzul : La question est tout à fait raisonnable. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur cette question à deux reprises en 1991. Le nom de la cause, c'est R. c Généreux. La cour a décidé qu'à des fins disciplinaires, dans le cas des militaires, il fallait un tribunal militaire pour traiter de ces questions.
Le sénateur Rivest : Même si c'est un acte criminel?
Mgén Pitzul : Même dans ce cas, n'oubliez pas que les militaires sont à l'étranger et on les oblige à être à l'étranger. Donc si on les oblige à être à l'étranger, le minimum qu'on peut leur rendre, c'est d'amener leurs droits avec eux lorsqu'ils commettent des infractions.
Le sénateur Rivest : Les pays de l'OTAN ont ce même type de régime?
Mgén Pitzul : Tous les pays agissent de façon différente selon les besoins nationaux.
La présidente : Ils ont quand même une façon de juger.
Mgén Pitzul : Il y en a qui se servent de leur système civil, notamment les pays civilistes comme l'Allemagne et la France. La difficulté est que même si vous êtes dans une communauté civile et que vous êtes en train de faire des opérations ou reconstruire des institutions nationales locales, vous aimeriez démontrer que dans un pays démocratique, il y a un système de justice militaire qui peut régir la conduite des soldats, surtout lorsque les infractions sont commises contre leurs citoyens. Donc on les invite chez nous à voir comment cela se passe dans une cour martiale et si jamais vous pouvez assister à une cour martiale, vous trouverez le même type de procédure qu'une cour supérieure au Canada; c'est quasiment la même procédure et les mêmes formalités. Donc les citoyens des pays étrangers viennent devant nos tribunaux pour voir si justice peut être rendue, même lorsque leurs citoyens sont les victimes et ils le voient. Quand vous n'avez pas une capacité d'amener votre système judiciaire à l'étranger, dans leur pays, et vous sortez le soldat qui est accusé d'avoir fait mauvaise conduite, vous ne le retournez pas à son pays d'origine, quel message passez-vous au pays étranger? Que vous êtes en train de cacher quelque chose? Donc je trouve, comme principe, qu'on apporte notre loi à l'étranger, c'est un bon principe, surtout avec la Charte et la Constitution de notre pays.
La présidente : Il y a plusieurs questions qui demandent d'autres réponses et d'autres informations, pouvez-vous fournir aux membres du comité ces informations pour que nous puissions continuer nos travaux.
[Traduction]
Je vous remercie de votre participation à notre séance. Grâce à vous, elle a été très intéressante. Je suis sûr que nous aurons encore de nombreuses questions à poser.
La séance est levée.