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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 25 - Témoignages du 24 novembre 2005


OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-53, Loi modifiant le Code criminel (produits de la criminalité) et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 51, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Ce matin, nous avons à l'ordre du jour l'étude du projet de loi C-53, Loi modifiant le Code criminel (produits de la criminalité) et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et modifiant une autre loi en conséquence.

Comparaît devant nous — et je vous remercie d'être ici, monsieur le ministre — l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné de M. Shawn Scromeda et M. Stanley Cohen, du ministère de la Justice.

Bienvenue. Nous allons vous écouter d'abord, monsieur le ministre. Je suis convaincue que mes collègues auront de nombreuses questions à vous poser ce matin.

[Français]

L'honorable Irwin Cotler, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, madame la présidente. Il me fait toujours plaisir de comparaître devant vous, en particulier parce que ce comité est un exemple parfait de l'importante contribution que le Sénat apporte aux processus parlementaire et législatif.

Votre comité démontre que le Sénat est bel et bien le lieu par excellence pour toute seconde réflexion.

[Traduction]

Je sors d'une réunion extraordinaire et j'aimerais lire quelque chose pour le compte rendu. Ce témoignage n'est pas lié aux produits de la criminalité, mais il est rare que l'on rencontre de véritables héros des droits de la personne et de l'humanité. J'aimerais prendre deux minutes parce que je n'aurai pas d'autres occasions de parler de ces personnes avant l'ajournement du Parlement.

La première personne est un avocat du Soudan, du nom de Salih Mahmoud Osman, qui fournit depuis 20 ans une aide juridique gratuite aux personnes qui sont arbitrairement détenues et torturées au Soudan simplement parce qu'elles se sont opposées à une politique gouvernementale ou parce qu'elles ne font pas partie du bon groupe ethnique, etc. Lui-même a été arrêté et détenu arbitrairement, mais il poursuit son action.

Il s'agit d'un acte de courage extraordinaire. Ce n'est pas seulement son gagne-pain, mais aussi sa vie qu'il met en jeu tous les jours. Il a quitté la réunion pour pouvoir rencontrer d'autres représentants officiels, mais il retournera au Darfour pour poursuivre son courageux travail. J'ai cru qu'il serait approprié que le Parlement reconnaisse son courage. Nous espérons que les parlementaires canadiens pourront aider la société civile soudanaise qui travaille vaillamment à contrer l'impunité, à instaurer la reddition de comptes et à protéger les civils pris dans le tourbillon des crimes de guerre, des crimes commis contre l'humanité et même des génocides.

La deuxième personne est un jeune journaliste iranien, Omid Memarian. Il m'a dit que la jeune génération de défenseurs des droits de la personne a connu tout un essor en Iran et 70 p. 100 des Iraniens ont moins de 29 ans. Ils sont parvenus à maturité, sur le plan des droits de la personne, au cours de la dernière décennie. Ils sont sur la ligne de front dans la lutte pour les droits de la personne et la réforme démocratique en Iran. Voilà une autre personne courageuse qui, par son travail de journaliste, met sa vie en péril pour protéger la liberté de presse et promouvoir la réforme démocratique.

La troisième personne est Beatrice Were, qui est devenue le visage du sida en Ouganda. Elle a contracté la maladie de son mari et se bat pour que des soins préventifs de toute sorte soient offerts et pour que de l'aide soit fournie afin de contrer les ravages du sida en Ouganda.

Pour les deux sénateurs qui viennent d'arriver, je voulais faire, pour le compte rendu, le bilan d'une rencontre extraordinaire que j'ai eue ce matin avec trois héros de notre temps qui luttent pour les droits de la personne — Salih Mahmoud Osman, un avocat du Soudan; Omid Memarian, d'Iran; et Beatrice Were, une Ougandaise.

Merci de me permettre de faire ceci. Nous sommes parfois tellement pris par l'important travail que nous faisons que nous ne remarquons pas toujours les actes de courage extraordinaires des personnes qui se mettent au service de l'humanité et des droits de la personne. Je crois que nous avons la responsabilité de reconnaître leurs efforts, d'encourager leur travail et de soutenir leur combat.

La présidente : Je vous remercie de votre témoignage, monsieur le ministre.

M. Cotler : Comme vous le savez, je suis ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-53, qu'on appelle, en bref, la loi concernant les produits de la criminalité.

La raison d'être de la mesure proposée est de combattre le crime organisé en ajoutant dans le Code criminel un nouveau pouvoir qui permet de confisquer des produits de la criminalité bien ciblés. Elle vise également à apporter un certain nombre de modifications moins importantes au régime actuel du code qui touche aux produits de la criminalité.

Votre première question sera assurément la même que j'ai posée aux fonctionnaires de mon ministère lorsque ce projet m'a été présenté. Je dois reconnaître d'emblée que je n'ai pas d'expertise particulière, et encore moins d'expérience, dans ce genre de pratique du droit criminel. C'est pourquoi je suis accompagné aujourd'hui des deux experts que la présidente a nommés; ils joueront un rôle important dans les discussions d'aujourd'hui puisqu'ils ont cette expertise et cette expérience. C'est à eux que je me suis adressé pour obtenir une réponse à la première question que vous voudrez peut-être nous poser : pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi? Quel en est l'objectif? D'après mes connaissances limitées du sujet, n'avons-nous pas déjà des pouvoirs qui permettent de confisquer les produits de la criminalité?

La réponse qu'ils m'ont donnée et que je vous transmets, c'est oui, nous avons de tels pouvoirs. Ces pouvoirs, prévus à la partie XII.2 du Code criminel, permettent de prendre une série de mesures pour bloquer et saisir des biens lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'ils sont le produit d'une prétendue infraction. Ces pouvoirs permettent également — et je parle du cadre actuel — l'éventuelle confiscation des produits de la criminalité après déclaration de culpabilité. Voilà un aspect important. Nous parlons ici d'un processus de confiscation après qu'il y ait eu déclaration de culpabilité.

En outre, d'importantes dispositions de procédure et de fond accompagnent ces pouvoirs, notamment la protection des intérêts légitimes à l'égard du bien qui autrement pourrait être saisi, bloqué et confisqué. La partie XII.2 constitue déjà une partie importante du Code criminel, et ses dispositions peuvent être et sont utilisées afin de priver les criminels des biens mal acquis.

La question qui se pose encore est la suivante : pourquoi faites-vous cela? Vous reconnaissez que ces pouvoirs existent déjà dans le Code criminel et semblent assez efficaces.

La vérité, c'est que le régime existant applicable aux produits de la criminalité est généralement efficace. Le problème, c'est qu'il ne l'est pas suffisamment. Il s'avère inadéquat lorsqu'il est question de crime organisé. C'est pourquoi il faut constamment garder à l'esprit que la raison d'être de ce projet de loi est de s'attaquer aux gains mal acquis du crime organisé, pour combler cette lacune du régime actuel.

On croit que le crime organisé au Canada retire des revenus plutôt substantiels de l'activité criminelle. Nous n'avons pas de chiffres précis parce que nous n'avons pas accès aux données financières de ces organisations criminelles que nous souhaitons combattre. On estime globalement qu'il s'agit de milliards de dollars par année. Le régime actuel concernant les produits de la criminalité a permis de priver les criminels seulement d'une petite partie de cette somme. C'est pourquoi nous disons que même si le régime est généralement efficace et adéquat, il est plutôt inefficace et inadéquat lorsqu'il s'agit du crime organisé. Les raisons de cette situation résident en partie dans la nature fondamentale de la confiscation dans le cadre du régime actuel sur les produits de la criminalité. Essentiellement, ce régime est en grande partie conçu pour permettre la confiscation de produits identifiables d'infractions individuelles et particulières.

Je vais maintenant vous donner une explication ennuyeuse du cadre actuel, puis du nouveau cadre. Lorsque je l'ai moi-même examiné, comme je le disais à mes deux fonctionnaires ce matin — parce que récemment, toutes les autres questions se sont interposées — je me suis endormi en essayant de comprendre le régime actuel, sans parler du nouveau régime. Je vais donc vous donner des explications et si vous vous endormez, sachez que je l'ai fait moi-même plusieurs fois. Nous parlons ici d'aspects techniques de la loi. Par conséquent, les deux experts pourront par la suite exposer la chose dans un langage plus simple si je ne réussis pas à vous faire comprendre les enjeux dont il est question.

En vertu du régime actuel, la confiscation des produits de la criminalité peut être ordonnée après une déclaration de culpabilité relativement à une « infraction désignée ». Il faut garder à l'esprit qu'une déclaration de culpabilité doit avoir été prononcée au préalable. Ces infractions désignées comprennent la plupart des actes criminels prévus par les lois fédérales. Toutefois, pour pouvoir procéder à une confiscation, le ministère public doit d'abord démontrer, d'après la prépondérance des probabilités, que les biens en question sont des produits de la criminalité et qu'ils sont liés à un crime ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité. Si aucun lien ne peut être établi entre l'infraction en question et les biens, la confiscation est encore possible, mais seulement si l'on peut prouver — et ceci est un niveau de preuve différent — hors de tout doute raisonnable que les biens en question sont néanmoins des produits de la criminalité.

[Français]

C'est ici que se pose le dilemme fondamental que présente le régime actuel sur les produits de la criminalité et son rapport avec le crime organisé.

[Traduction]

On croit que les organisations criminelles participent à de nombreuses activités criminelles dont elles tirent des gains illicites substantiels. Ces gains résultent d'innombrables infractions commises sur de nombreuses années. Cependant, seule une petite proportion de ces crimes donnera lieu à une déclaration de culpabilité. En outre, les crimes individuels pour lesquels on obtient des déclarations de culpabilité pourraient bien être des crimes comme le meurtre, auxquels aucun gain matériel particulier n'est associé. Vous pouvez être au fait d'un crime, mais non d'un gain matériel, et par conséquent la loi ne peut toucher aux produits de la criminalité comme il se doit. Même si l'on obtient une déclaration de culpabilité pour des infractions auxquelles des gains sont associés, ceux-ci ne représentent qu'une petite proportion de l'ensemble des produits de la criminalité que les organisations ont obtenus et contrôlés au fil des ans.

De plus, même le recours au deuxième volet du régime actuel, qui n'établit aucun lien entre les produits de la criminalité et l'infraction commise, ne donne lieu qu'à des saisies partielles des biens mal acquis par les organisations criminelles, car il est souvent impossible de fournir la preuve, selon la norme très stricte du doute raisonnable, que les biens sont néanmoins liés à d'autres crimes. C'est pourquoi il pourrait être extrêmement difficile, même après une ou plusieurs déclarations de culpabilité, de priver ces criminels des produits de leurs activités.

C'est ici que le projet de loi C-53 entre en jeu, car il fournit une solution à ce dilemme. Il s'agit d'un dilemme en ce sens que nous ne pouvons mettre la main sur les gains mal acquis par le crime organisé parce que le régime actuel de confiscation, de par sa nature, ne vise pas ces organisations criminelles et ces gains fabuleux.

Le nouveau régime est fondé sur le principe voulant que dans certaines conditions, le ministère public peut s'en remettre à une présomption révocable selon laquelle le bien du contrevenant identifié par le procureur général est effectivement un produit de la criminalité. Essentiellement, dans ces conditions, il est raisonnable d'exiger que le contrevenant fournisse une explication de l'origine légitime du bien, à défaut de quoi il s'expose à la confiscation de ce bien.

Je vais essayer de vous expliquer comment le projet de loi C-53 s'appliquerait et vous en décrire les diverses étapes, en reconnaissant encore une fois que je pourrais me perdre dans mes explications; nous allons toutefois répondre à vos questions par la suite.

En vertu du nouveau régime, comme dans le régime actuel établi par le Code criminel, il faut d'abord qu'il y ait une déclaration de culpabilité avant qu'une confiscation ne soit demandée par le ministère public. Cela étant, le nouveau pouvoir de confiscation est toutefois plus sélectif. L'éventail des infractions auxquelles le nouveau pouvoir pourra s'appliquer est considérablement plus restreint qu'auparavant, parce que nous essayons de cibler expressément les organisations criminelles.

La loi proposée s'appliquerait seulement après déclaration de culpabilité relativement à une infraction d'organisation criminelle définie dans le Code criminel, pouvant entraîner une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus, ou après déclaration de culpabilité relativement à une des infractions graves liées à la drogue, soit le trafic, l'importation et l'exportation, et la production, contrairement à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, où la poursuite se fait par voie de mise en accusation. On procède ainsi parce qu'on sait qu'il existe des liens entre le crime lié à la drogue et le crime organisé. Par exemple, on s'inquiète beaucoup des opérations de culture, qui sont devenues un fléau au Canada, de la pénétration de ces opérations par le crime organisé, des gains mal acquis découlant de ces opérations et des liens avec les autres infractions liées à la drogue.

Il importe de noter que le régime actuel visant les produits de la criminalité restera en place pour la grande majorité des infractions qui lui sont actuellement assujetties. En effet, le régime pourrait même continuer de s'appliquer aux infractions visées par le nouveau régime, si le ministère public décide, dans certains cas, d'intenter des poursuites dans le cadre du régime actuel. Le ministère public a donc le choix d'intenter des poursuites dans le cadre de l'ancien régime ou, s'il y a lieu, dans le cadre du nouveau régime qui vise le crime organisé.

Pour revenir au nouveau pouvoir de confiscation prévu dans le projet de loi C-53, une catégorie plus restreinte d'infractions est ciblée par le projet de loi et ce, pour une raison très claire. Comme je l'ai dit au début de ma déclaration, ce nouveau régime applicable aux produits de la criminalité vise le crime organisé. Une déclaration de culpabilité relativement à une infraction d'organisation criminelle est un préalable logique à l'application du nouveau régime. Bien que cette exigence soit maintenue, nous parlons maintenant des infractions d'organisation criminelle.

Les infractions d'organisation criminelle, telles qu'elles sont définies à l'article 2 du Code criminel, comprennent les trois principales infractions décrites aux articles 467.11, 467.12 et 467.13 : participer aux activités d'une organisation criminelle; commettre une infraction au profit d'une organisation criminelle; et charger une personne de commettre une infraction. En outre, l'article 2 prévoit que d'autres infractions peuvent être considérées comme des infractions d'organisation criminelle s'il s'agit d'actes criminels punissables d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus et commis au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle. Cette disposition reconnaît que le crime organisé intervient dans de nombreuses formes de criminalité, mais exige, aux fins du nouveau régime, la preuve d'un lien spécifique à une organisation criminelle. Les dispositions concernant les organisations criminelles sont au cœur de ce nouveau régime. Ce sont les infractions des organisations criminelles que nous visons ici.

Comme je l'ai mentionné, les autres types d'infractions auxquelles le nouveau pouvoir s'appliquerait, qui sont importantes mais parfois mal évaluées, sont les infractions graves que sont le trafic, l'importation et l'exportation ainsi que la production de drogues illicites, alors que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit des poursuites par voie de mise en accusation. Bien que le crime organisé intervienne dans divers types d'activités illégales, sa signature se retrouve plus particulièrement dans celles liées à la drogue. C'est à cette interrelation que nous essayons de faire obstacle, en particulier ici au Canada, compte tenu que le crime organisé est présent dans l'ensemble des infractions graves liées à la drogue que j'ai mentionnées. Conformément à l'intention de ce projet de loi, on a voulu que ces infractions soient directement assujetties au nouveau pouvoir de confiscation. En outre, on reconnaît généralement que les infractions liées à la drogue causent un tort social particulier et justifient d'elles-mêmes l'adoption de mesures spéciales.

Les infractions liées à la drogue soulèvent des inquiétudes dans l'autre endroit. Je le remarque souvent durant la période des questions. On tente ici de s'attaquer à l'ensemble de la conduite du crime organisé.

Après la déclaration de culpabilité relativement à une des infractions visées par le nouveau régime, comme je l'ai décrit, le ministère public doit encore satisfaire à une norme de preuve additionnelle. Des protections sont donc prévues. Le tribunal doit être convaincu, d'après la prépondérance des probabilités, que le contrevenant s'est livré à des activités criminelles répétées dans le but d'en tirer un avantage matériel ou sinon, que le revenu du contrevenant qui n'est pas lié au crime ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine. Ce serait le cas si les biens d'un contrevenant étaient tout à fait disproportionnés à son revenu.

Selon les mesures proposées, le tribunal, au moment d'examiner le concept des « activités criminelles répétées », doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs, notamment les circonstances de l'infraction dont le contrevenant a été déclaré coupable ou tout autre acte ou omission, si le tribunal est convaincu, d'après la prépondérance des probabilités, qu'il a été commis par le contrevenant et constitue un acte criminel.

Soit dit en passant, dans mon exposé d'aujourd'hui, j'essaie de répondre à l'avance à certaines questions que les sénateurs pourraient avoir sur le projet de loi et d'en faire un survol en suivant une séquence logique et en procédant étape par étape.

Le tribunal ne peut conclure à des activités criminelles répétées tant qu'il n'est pas persuadé, d'après la prépondérance des probabilités, que le contrevenant a commis au moins deux autres infractions graves ou une infraction d'organisation criminelle. C'est ici que l'effet de somnolence commence à se faire sentir; c'était particulièrement vrai dans mon cas.

Une fois obtenue la preuve, selon la prépondérance des probabilités, de ces activités criminelles répétées ou la preuve que les revenus du contrevenant qui ne sont pas liés au crime ne peuvent justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine, la charge de la preuve est alors inversée. Tous les biens du contrevenant identifiés par le ministère public peuvent faire l'objet d'une ordonnance de confiscation à moins que le contrevenant ne puisse prouver, d'après la prépondérance des probabilités, que ceux-ci ne sont pas des produits de la criminalité. Voilà sur quoi est fondé le pouvoir de confiscation.

Ce régime comporte un élément fondamental additionnel. Au moment où vous croyez satisfaire à tous les critères, voilà qu'on en ajoute un nouveau. Pour contrebalancer ce nouveau pouvoir de confiscation, il faut assurer au contrevenant les protections et les droits garantis par la Charte, etc. Le régime prévoit également que le tribunal peut limiter la valeur totale des biens pouvant être confisqués en refusant d'ordonner la confiscation de certains biens qui autrement seraient visés par l'ordonnance de confiscation. Le tribunal doit expliquer pourquoi il impose cette limite. Le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges à cet égard permettra d'éviter que le régime proposé ne produise des effets non souhaitables et des iniquités.

Il est bon de mentionner que le nouveau régime de confiscation comprend un certain nombre de pouvoirs subsidiaires connexes. Il s'agit, par exemple, des pouvoirs de délivrer des mandats spéciaux de perquisition pour trouver des biens qui pourraient être des produits de la criminalité; des pouvoirs de bloquer et de saisir des biens en attendant la fin des poursuites criminelles pour garantir que ces biens ne disparaissent pas avant la délivrance d'une ordonnance de confiscation; et des dispositions autorisant des procédures judiciaires pour restituer les biens confisqués, s'il y a lieu, afin de protéger les intérêts légitimes rattachés aux biens, y compris les intérêts de tierces parties. Ces pouvoirs sont déjà prévus par les dispositions du Code criminel touchant aux produits de la criminalité. Ils sont incorporés ici expressément par renvoi.

Le projet de loi comprend de nombreuses modifications de nature technique qui visent à faire en sorte que ces mêmes pouvoirs soient inclus également dans le nouveau régime relatif à la confiscation.

Je vais maintenant parler de la nature fondamentale du nouveau régime proposé. Comme je l'ai dit, j'ai essayé de répondre à l'avance à certaines questions sur la façon dont le nouveau pouvoir de confiscation peut être justifié du point de vue de l'équité. J'ai posé ces questions à mes fonctionnaires en faisant cet exercice. Il convient de remarquer que l'inversion de la charge de la preuve s'éloigne des principes habituels du droit criminel, qui consistent à imposer ce fardeau au ministère public. On pourrait exprimer certaines réserves à cet égard en invoquant les droits garantis par la Charte.

Voilà quelques-unes des préoccupations que j'ai moi-même soulevées relativement au projet de loi. À cet égard, M. Cohen a procédé à un examen approfondi de la Charte. L'analyse de la Charte a fait partie de la formulation de ce projet de loi et se reflète dans sa conception. Nul besoin de rappeler aux honorables sénateurs que, d'un point de vue constitutionnel, ma responsabilité consiste à garantir que le projet de loi est conforme à la Charte. Je dois lui apposer le sceau d'approbation à ce chapitre.

Le projet de loi vise à s'attaquer au problème criant que pose le crime organisé et à sa motivation première que constitue le gain financier illicite. Dans ce contexte, il vise à trouver une solution au dilemme fondamental auquel le ministère public doit faire face : comment priver ces organisations criminelles des gains mal acquis alors que le régime actuel de confiscation ne semble ni adéquat ni efficace contre ces organisations, et comment le faire dans le respect de la Charte. C'est pour cette raison que nous avons cherché à cibler très précisément les mesures qui permettront d'atteindre cet objectif, en gardant constamment à l'esprit l'article premier de la Charte : se protéger contre les abus et l'iniquité de manière à pouvoir démontrer que les droits prévus par la Charte ne sont restreints que dans des limites qui sont raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Non seulement le régime s'applique à une catégorie restreinte d'infractions, mais le ministère public doit aussi satisfaire à une autre exigence en matière de preuve avant que le renversement du fardeau de la preuve ne puisse s'appliquer. Il s'agit notamment de permettre au contrevenant de démontrer que des biens ne constituent pas des produits de la criminalité. On établit également une limite discrétionnaire de la valeur totale des biens à confisquer. Les juges ont aussi, bien sûr, un pouvoir discrétionnaire concernant l'application des garanties constitutionnelles.

Concernant le principe du renversement du fardeau de la preuve, je reconnais que, de façon générale, ce principe ne fait pas partie de notre droit criminel. Toutefois, il existe et peut être justifié dans certaines circonstances. En particulier, les dispositions à cet égard peuvent être défendues lorsqu'il existe un lien rationnel entre un fait établi et une conclusion présumée inhérente au renversement. Cet aspect a été pris en considération dans la rédaction du projet de loi. Autrement dit, il existe un lien rationnel entre la déclaration de culpabilité relativement à la catégorie restreinte d'infractions visée par ce nouveau pouvoir et la présomption que des biens considérables des personnes reconnues coupables de ces infractions constituent effectivement des produits de la criminalité, ce que le ministère public doit tout de même prouver avant que l'inversion du fardeau de la preuve ne s'applique.

La nature même du crime organisé — que traduit la définition d'« organisation criminelle » du Code criminel — consiste à s'engager dans une activité criminelle dans le but d'obtenir un avantage matériel. Nous devons comprendre ce à quoi et ceux à qui nous nous attaquons et pourquoi nous avons conçu le projet de loi dans ce sens. Ce lien rationnel est renforcé du fait que le ministère public est tenu de prouver qu'il y a eu des activités criminelles répétées ou que le revenu du contrevenant non lié au crime ne peut justifier la valeur de son patrimoine.

Enfin, honorables sénateurs, pour appuyer les nouvelles mesures proposées, il convient de remarquer que les dispositions concernant le renversement du fardeau de la preuve relativement aux produits de la criminalité font aussi partie du droit des autres démocraties auxquelles le Canada se compare; on se conforme ainsi avec ce que d'autres sociétés libres et démocratiques font pour combattre le crime organisé. En effet, d'autres sociétés ont jugé que cette mesure était nécessaire et justifiable pour répondre aux besoins criants que j'ai mentionnés.

J'ai indiqué au début de mon allocution que ce projet de loi apportait un certain nombre de modifications aux dispositions actuelles concernant la confiscation des produits de la criminalité. Ces modifications visent à corriger, clarifier ou simplifier certaines dispositions existantes. Je vais les décrire brièvement.

On a constaté qu'il n'y avait pas de concordance parfaite entre la version anglaise et la version française d'une disposition sur les produits de la criminalité, soit l'article 462.31 du Code criminel. Dans ce cas, le gouvernement a jugé que le libellé de la version anglaise était conforme à l'intention de l'article et il a été décidé de modifier en conséquence le libellé de la version française.

Un article portant sur le régime actuel fait également référence au pouvoir du procureur général du Canada d'intenter des poursuites en lien avec des produits de la criminalité. Cet article serait clarifié pour garantir que ce pouvoir existe pleinement lorsque l'activité criminelle sous-jacente a trait à une contravention présumée d'une loi du Parlement autre que le Code criminel ou lorsqu'il y a violation d'une ordonnance de blocage obtenue par le substitut du procureur général. Il s'agit d'une modification de clarification.

Une modification serait aussi apportée à la définition de l'expression « infraction désignée » afin de préciser que le régime existant peut s'appliquer aux infractions mixtes, c'est-à-dire des infractions pouvant donner lieu à une poursuite par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire. Encore une fois, on a présumé de ces aspects, mais ils seront maintenant clairement définis.

Enfin, les dispositions concernant le mandat de perquisition prévu par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances seraient modifiées pour garantir que les mandats délivrés dans le cadre de cette loi peuvent également s'appliquer aux enquêtes sur le blanchiment d'argent et la possession de biens criminellement acquis lorsque ces infractions sont liées à la drogue. Cette disposition établit un lien entre le crime lié à la drogue, le crime organisé et les procédures d'exécution nécessaires aux enquêtes.

En conclusion, honorables sénateurs, ce projet de loi est, à mon avis, un ajout valable et nécessaire au régime prévu par le Code criminel relativement aux produits de la criminalité. Il confère un nouveau pouvoir de confiscation pour cibler le crime organisé, en établissant néanmoins des conditions et des limites pour éviter les abus et les iniquités. Le projet de loi apporte aussi un certain nombre d'améliorations de moindre importance au régime actuel visant les produits de la criminalité.

Je vous demande d'appuyer le projet de loi C-53, comme tous les partis l'on fait dans l'autre endroit. C'est un projet de loi du gouvernement, mais je tiens à préciser qu'il s'agissait au départ d'une initiative parlementaire. Avec l'accord des députés de l'opposition, le gouvernement a pris le projet de loi en main. Nos fonctionnaires l'ont élaboré en collaboration et en consultation avec les députés de l'opposition. Le projet de loi a franchi rapidement toutes les étapes de la Chambre des communes non pas parce que des élections sont imminentes, mais parce qu'il y a eu un processus de consultation. Ce projet de loi montre parfaitement comment nous pouvons légiférer dans l'intérêt public avec l'accord de tous les partis. Il vise à faire obstacle au fléau du crime organisé et aux activités liées à la drogue qui lui sont inextricablement liées.

J'espère que ce que j'ai dit aujourd'hui vous aide à mieux comprendre le projet de loi. Mes collègues ici sont prêts à clarifier ce qui reste d'incohérent et à répondre à toutes vos questions ou commentaires.

Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, vous dites que vous avez comparé ce projet de loi aux mesures législatives qui existent dans d'autres pays libres et démocratiques. La plupart de ces autres pays n'ont pas de charte des droits et libertés. Vous avez peut-être remarqué que, comparativement à l'autre endroit, on se préoccupe davantage ici des libertés prévues par la Charte et des droits constitutionnels des individus.

En vertu de l'article 8 de la Charte, nous sommes tous protégés contre les fouilles et les saisies abusives. Êtes-vous certain que le fait d'imposer le fardeau de la preuve à l'accusé, qui devra prouver qu'un bien n'est pas le produit de la criminalité, ne sera pas jugé contraire à l'article 8?

Cette disposition peut-elle être validée par l'article premier?

M. Cotler : Je me réjouis que vous posiez cette question, madame le sénateur, pour un certain nombre de raisons.

Tout d'abord, comme je l'ai mentionné, nous avons examiné d'autres pays, comme l'Australie, le Royaume-Uni et l'Irlande. J'ai choisi ces pays parce que leurs dispositions concernant le renversement du fardeau de la preuve sont semblables à celles que nous proposons ici. Vous faites valoir que nous avons une charte des droits et que d'autres pays n'en ont pas. Par conséquent, nous devons nous en tenir à la norme de la Charte des droits, et non à la norme de la common law qui prévaut dans ces pays.

Nos fonctionnaires ont examiné comment ces mesures s'appliquaient dans d'autres pays, du point de vue de ce que j'appellerais une politique juridique. Ils devaient vérifier si ce projet de loi était conforme à la Charte. Je leur ai posé les mêmes questions que vous me posez. Je l'ai fait tout d'abord pour vérifier si, à première vue, on portait atteinte à un droit établi par la Charte — c'est-à-dire, l'article 8 concernant les fouilles et les saisies — et, le cas échéant, si cette mesure pouvait néanmoins être validée par l'article premier. Ce que font d'autres sociétés libres et démocratiques n'est pas sans lien avec l'article premier, puisque cet article nous amène à regarder ce que font ces sociétés. Vous avez raison de dire que ce n'est pas suffisant d'examiner ce que font d'autres sociétés libres et démocratiques si ce n'est pas conforme aux garanties prévues par la Charte.

Je ferais mieux de demander à M. Cohen de vous répondre, puisqu'il a examiné les dispositions de la Charte dans ce contexte, en particulier l'article 8.

Stanley Cohen, avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice Canada : Je pourrais facilement vous répondre en disant que la jurisprudence concernant l'article 8 met l'accent sur la protection de la vie privée et non sur la protection des biens en soi. Je ne veux pas assumer la responsabilité de cette affirmation. Je vais plutôt lire un extrait d'une décision du juge McPherson, alors juge de la Cour de l'Ontario (Division générale), qui se trouve maintenant à la Cour d'appel de l'Ontario. Il s'agit d'une affaire mettant en cause Unishare Investments Limited, en 1994. Dans cette affaire, des fleurs étaient vendues et il y a eu confiscation et saisie sans permis. Ce genre de questions a été soulevé. Concernant l'article 8, le juge a écrit ceci :

La jurisprudence établit que ce ne sont pas tous les objets ou biens qui sont protégés par l'article 8 de la Charte. Plus précisément, les biens sont protégés par l'article 8 uniquement si leur saisie constitue une intrusion dans les droits ou les valeurs protégés par l'article 8 ou un empiètement sur ces droits ou valeurs. Dans plusieurs affaires, la Cour suprême du Canada a statué que l'article 8 protège l'intégrité physique et le droit à la vie privée de la personne, et non leurs biens, à moins que les biens qui font l'objet d'une fouille ou d'une saisie aient un rapport direct avec le droit à la vie privé. Si la Cour suprême avait voulu dire que le bien en tant que tel était protégé par l'article 8, elle aurait pu le faire parce que presque chaque affaire lui en donnait l'occasion.

Nous pourrions discuter longuement à savoir si la jurisprudence concernant l'article 8 a changé depuis ce temps. Il ne fait aucun doute que des arguments fondés sur l'article 8 pourraient être présentés. Je ne veux pas que vous ayez l'impression que nous avons négligé ces aspects. Nous croyons plutôt que des arguments solides et crédibles peuvent s'appuyer sur l'article 8 pour défendre cette mesure.

Le sénateur Milne : La Cour suprême s'est-elle prononcée sur cette question?

M. Cohen : Vous pouvez prendre la décision de la Cour suprême dans l'affaire Hunter c. Southam et examiner l'opinion exprimée par le juge Dickson, plus tard Juge en chef. En ce qui concerne l'article 8, nous constatons que l'accent est mis sur la vie privée, que c'est là la principale valeur à protéger. C'est sur ce point que s'appuie le juge McPherson.

Le sénateur Baker : C'est l'article 7, et non l'article 8, la justice fondamentale.

Le sénateur Milne : Ils commencent à l'article 7 et à la question de la justice fondamentale et poursuivent ensuite.

M. Cotler : Malgré mes facultés intellectuelles affaiblies, j'aimerais revenir à l'époque où j'enseignais et essayer de me rappeler de certaines choses. Je crois qu'on parle de l'ensemble des dispositions de la Charte qui peuvent être soulevées, que ce soit l'article 8 ou l'article 7, et du lien avec l'article premier. Nous parlons de l'ensemble des droits juridiques à partir de l'article 7 de la Charte en montant.

C'était l'ensemble des droits juridiques qui ont été examinés. Pour mettre cela en contexte, comme madame le juge Bertha Wilson l'a dit, dans les causes liées à la Charte, si vous voulez évaluer la constitutionnalité d'une loi quelconque, vous devez examiner le contexte dans lequel cette loi a été promulguée. Je peux vous donner de nombreux exemples où certaines situations sont validées par le contexte.

Si nous regardons le régime établi par ce projet de loi qui permet d'inverser le fardeau de la preuve, nous devons comprendre, d'un point de vue contextuel, qu'il peut être invoqué seulement après qu'il y a eu déclaration de culpabilité relativement à une infraction d'organisation criminelle ou certaines infractions graves liées à la drogue. Par ailleurs, ce régime exige — et c'est le fardeau que doit assumer le ministère public à des fins de poursuite — que le ministère public démontre que le contrevenant était engagé dans des activités criminelles répétées dans le but d'en retirer un avantage matériel ou que le revenu légitime du contrevenant ne peut justifier tous les biens qu'il possède.

Si vous tenez compte du contexte général de la Charte, la disposition concernant le renversement du fardeau de la preuve, si je peux utiliser une autre expression, laisse présumer à prime abord qu'on a porté atteinte aux droits établis par la Charte. Or, pareilles dispositions ont été confirmées par les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada. Je vous renvoie à l'analyse de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. White de 1998, 2 R.C.S., page 3.

Je vais vous résumer brièvement cette affaire, qui s'applique tout particulièrement à la compréhension du contexte et de l'objet, un autre principe sur lequel la cour s'appuie pour rendre ses décisions, outre la comparaison avec d'autres sociétés libres et démocratiques, etc. Les facteurs que la cour invoque pour maintenir des dispositions comme celles que vous avez devant vous comprennent, entre autres, l'importance de l'objectif de la loi — on pourrait parler de l'interprétation du principe fondé sur l'objet — et la façon dont elle a été soigneusement conçue. Cela nous amène au critère établi dans l'arrêt Oakes et au lien rationnel entre l'objectif de la loi et les moyens utilisés pour atteindre cet objectif en portant le moins possible atteinte aux droits. Dans l'affaire R. c. White, la Cour suprême s'appuie sur ces principes d'interprétation de la Charte — le principe fondé sur le contexte, le principe fondé sur l'objet, le lien rationnel et le principe fondé sur l'atteinte minimale.

Dans le cas du projet de loi, l'application de ces principes — que la Cour nous enjoint de vérifier dans l'arrêt White et dans toutes les autres causes traitant de la Charte — est liée précisément à l'objectif important qui consiste à lutter contre le crime organisé et à le priver des gains financiers qui sont sa principale source de motivation.

Je m'attendrais à ce que la Cour considère la nature des activités criminelles auxquelles nous nous attaquons et qu'elle reconnaisse à la fois que nous avons affaire à des organisations criminelles ciblées précisément par le projet de loi, et que nous ne pouvons pas nécessairement arriver à confisquer les produits de la criminalité sans une loi de ce genre.

L'intention du projet de loi serait évaluée par la Cour dans le contexte des activités auxquelles le crime organisé se livre. Ensuite, je crois que la Cour se demanderait s'il y a un lien rationnel entre les infractions admissibles à une inversion du fardeau de la preuve et l'inversion du fardeau de la preuve comme telle, selon le critère des moyens rationnels. Il est dans la nature même du crime organisé de commettre de nombreux crimes pour acquérir d'importants gains illicites. Le lien rationnel serait également confirmé par d'autres conditions sine qua non à la confiscation, qui exige de fournir des preuves, ce qui est important. La Cour voudra qu'on démontre qu'il y a activités criminelles répétées ou accumulation inexpliquée de biens. Encore une fois, ce serait le principe fondé sur le contexte, en vertu duquel il y a beaucoup d'exigences auxquelles il faut satisfaire en matière de preuve pour comprendre la nature d'une organisation criminelle et comment elle utilise les produits de la criminalité, y compris celle liée à la drogue, pour promouvoir ses activités criminelles dans le monde et notamment au Canada.

Le projet de loi cible un genre limité d'infractions et, avec toutes les mesures de protection et les garanties prévues, il constitue une atteinte minimale aux droits et il établit un lien rationnel entre l'objectif recherché, c'est-à-dire la lutte contre le fléau du crime organisé, et les moyens utilisés pour les atteindre.

Madame le sénateur, les dispositions sur l'inversion du fardeau de la preuve m'inquiètent moi aussi mais, après avoir examiné le contexte du projet de loi, qui est le crime organisé, son objectif, qui est de lutter contre les produits de la criminalité et, enfin, les moyens par lesquels on veut le faire, c'est-à-dire en concevant une loi qui cible des infractions bien précises, je pense que la Cour estimerait que, même s'il y avait à première vue atteinte à un droit garanti par la Charte — ce qui resterait contestable — le cadre de justification de l'article premier servirait de rempart.

M. Cohen veut ajouter quelque chose.

M. Cohen : J'essayais de répondre directement à votre question sur l'article 8 de la Charte, madame le sénateur, mais l'inversion du fardeau de la preuve a pas mal toujours été contestée en vertu de l'alinéa 11d) de la Charte, qui traite de la présomption d'innocence. Dans le cas qui nous occupe, la confiscation vise toujours quelqu'un qui a déjà été déclaré coupable. Donc, la présomption d'innocence ne s'applique pas à cette étape des procédures.

Le sénateur Milne : Vous m'amenez à poser ma question suivante sur la présomption d'innocence. Je vois que l'article 9 du projet de loi prévoit la restitution des biens confisqués dans le cas de tierces parties innocentes. Qu'est-ce que ces personnes doivent faire pour récupérer leurs biens? Devront-elles prouver leur innocence?

M. Cotler : Parmi les mesures de protection dont je vous ai parlé tout à l'heure, madame le sénateur, j'aurais dû mentionner le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, qui est préservé, et le fait que les tribunaux peuvent restreindre le montant total des biens confisqués dans l'intérêt de la justice. Les intérêts des tierces parties font partie des facteurs pris en considération par les tribunaux pour limiter ce montant et, plus précisément, le régime actuel prévoit déjà des moyens par lesquels une tierce partie innocente peut conserver un bien qui autrement ferait ou a déjà fait l'objet d'une mesure de confiscation. Des mesures précises ont été prévues dans le projet de loi pour que ces recours s'appliquent en cas d'inversion du fardeau de la preuve.

Je vais demander à M. Scromeda d'apporter d'autres précisions.

Shawn Scromeda, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Le ministre a raison. Nous tenons à ce que les recours offerts actuellement aux tierces parties pour contester la confiscation des produits de la criminalité soient préservés et reportés dans le nouveau régime. Il y a un certain nombre de modifications d'ordre technique prévues dans le projet de loi.

De plus, comme le ministre l'a souligné, le nouveau régime confère aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire, qu'ils n'ont pas actuellement, pour tenir compte des intérêts des tierces parties. Par exemple, et je crois que c'est peut-être l'une de vos préoccupations, si une tierce partie n'était pas représentée et n'avait peut-être pas eu l'occasion de se prévaloir des dispositions actuellement en vigueur, un juge pourrait tout de même, de son propre chef, décider de limiter la mesure de confiscation s'il estimait qu'il ne semble pas s'agir de produits de la criminalité ou qu'il y a d'autres intérêts en jeu. Nous avons prévu une mesure de protection additionnelle.

Enfin, il y a une autre mesure de protection qui vise ce qui est admissible à l'inversion du fardeau de la preuve. En effet, dans le régime actuel, il n'est pas absolument nécessaire que les biens confisqués appartiennent à l'accusé. Il suffit que ce soient des produits de la criminalité.

Étant donné que le régime proposé est plus restreint et exige que l'accusé démontre qu'il ne s'agit pas de produits de la criminalité, nous avons limité la confiscation aux biens de l'accusé. Le procureur général devra prouver que les biens lui appartiennent. Nous restreignons la portée du régime dès le départ.

Le sénateur Baker : Je tiens à féliciter le ministre de son excellent exposé. Il va éclairer les juges qui auront à examiner le projet de loi plus tard, parce qu'il arrive que l'objectif d'une mesure législative n'est pas clairement précisé par le gouvernement. Vous vous être prononcé de façon directe, précise et complète.

M. Cotler : J'ai appris, quand j'étais professeur, qu'il faut faire faire consigner les objectifs pour que le tribunal comprenne ce que vous aviez en tête.

Le sénateur Baker : Vous allez remarquer, dans l'arrêt R. c. Sharpe, en 2002, que le juge en chef de l'époque a cité notre comité pour sa contribution. En fait, c'est le sénateur Beaudoin qui a été cité.

M. Cotler : Il est aussi professeur de droit constitutionnel.

Le sénateur Baker : L'inversion du fardeau de la preuve existe déjà dans différents articles, comme l'article 515. En effet, un prévenu inculpé peut être ou non libéré selon ce qui est prévu au paragraphe 515(6). Il en est aussi question dans d'autres lois, comme la Loi sur les pêches. Quand l'inversion du fardeau de la preuve n'est pas prévue, comme le ministre l'a dit, les circonstances et l'importance pour la population de mesures comme celles sur la conduite avec facultés affaiblies sont prises en considération, si bien que toutes les lois sur le code de la route permettent maintenant à un policier de procéder à une arrestation sans raison valable et de justifier son geste par l'article premier de la Charte. Monsieur le ministre, cette mesure ne me semble pas si extraordinaire. N'êtes-vous pas d'accord? Il n'y a rien de tellement extraordinaire là-dedans. Ce que le projet de loi prévoit à propos de la confiscation est compréhensible.

Tout ce qui change vraiment, d'après ce que je crois comprendre, c'est que l'infraction désignée inclut les infractions mixtes. Je ne sais pas pourquoi vous en avez décidé ainsi. L'article 8, je crois, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit clairement que tout montant de plus de 1 000 ou est-ce 2 000 $, monsieur Cohen, est punissable par voie de mise en accusation, n'est-ce pas? Toute somme inférieure à ce montant est considérée comme une infraction mixte.

M. Cohen : Non.

Le sénateur Baker : Oui. Vous pouvez être déclaré coupable par procédure sommaire ou par mise en accusation; le ministère public peut ordonner la confiscation si la somme d'argent visée est inférieure à 2 000 $.

La présidente : Sénateur Baker, vous posez une question et vous devriez attendre la réponse.

Le sénateur Baker : Il peut peut-être me corriger dans sa réponse. Je veux savoir pourquoi vous agissez de la sorte. Pourquoi étendre la portée de la loi aux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité et permettre la confiscation de biens de moins de 2 000 $, dans l'article 8 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances?

M. Scromeda : Puis-je fournir une première réponse à cette question? Il faut être prudent parce que cela ne fait pas partie du régime d'inversion du fardeau de la preuve. Cette modification sert à clarifier le système actuel. Par conséquent, la modification prévue par cette disposition du projet de loi s'applique uniquement aux « infractions désignées ». Pour ce qui est de l'inversion du fardeau de la preuve, nous avons restreint davantage l'application du régime à certaines infractions pour que ...

Le sénateur Baker : Je ne parle pas de l'inversion du fardeau de la preuve, mais de la modification faite dans le projet de loi. Pour moi, le seul changement de fond est justement la définition du terme « infraction désignée ».

M. Scromeda : Pour nous, même cette modification sert davantage à clarifier le régime en vigueur. Nous estimons que les infractions mixtes sont déjà visées, et c'est peut-être ce que vous dites. Nous avons changé le libellé du Code pour le rendre plus clair — c'est tout ce à quoi sert la modification.

M. Cotler : Puis-je revenir un peu en arrière pour faire ressortir les changements, parce qu'il me semble que c'est le sens de votre question, monsieur le sénateur. Il n'y a pas de changement dans le sens où nous luttons toujours contre les produits de la criminalité et qu'une mesure de confiscation sur déclaration de culpabilité existe dans le Code criminel. Il n'y a pas de changement dans le sens où le ministère public peut toujours intervenir selon le régime en vigueur. Il n'est pas tenu de recourir au nouveau régime si le régime en vigueur convient dans les circonstances.

Ce qui a changé, et je pense que ce n'est pas banal, c'est que le projet de loi cible toutes les infractions d'organisation criminelle, telles qu'elles sont définies à l'article 2 du Code criminel, qui entraînent une peine d'au moins cinq ans. Par conséquent, le projet de loi cible ce que nous voulons vraiment combattre, à savoir le crime organisé, les organisations criminelles et les infractions visées par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, plus précisément le trafic, l'importation et l'exportation ainsi que la culture de certaines drogues, pour lesquelles il y a eu déclaration de culpabilité. Il faut remarquer le lien qui existe entre les deux. J'ajouterais que les dispositions qui touchent la désignation des organisations criminelles et des infractions liées à la drogue à propos des produits de la criminalité peuvent viser tous les biens qui sont des produits de la criminalité. Sénateur Andreychuk, mon expérience de criminaliste me sert, pas seulement celle de professeur de droit constitutionnel, comme je l'ai dit à propos de la Charte.

Le projet de loi va également obliger le ministère public, comme condition sine qua non à l'inversion du fardeau de la preuve — ce qui ne figure pas dans l'ancienne loi mais est un aspect important du projet de loi — à démontrer que l'accusé s'est livré à des activités criminelles répétées ou que son revenu légitime ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine. Tout cet aspect ne fait pas partie de l'autre loi simplement parce que c'est le fondement de l'inversion du fardeau de la preuve qui est au cœur du nouveau projet de loi. Je pense que, dans ce sens, vous constatez des différences importantes et notables concernant l'objectif du projet de loi et le contexte dans lequel il s'applique.

Le sénateur Andreychuk : J'ai trois questions à poser, et j'espère qu'il sera facile d'y répondre.

Conformément aux politiques que nous avons, avez-vous confirmé à vos collègues du Cabinet que le projet de loi respecte la Charte des droits et libertés?

M. Cotler : J'aime votre question pour une autre raison. J'ai toujours trouvé regrettable que les gens ne puissent pas assister à certaines réunions du Cabinet parce que vous verriez que les discussions sont vives, comme elles le sont quand je comparais devant votre comité — et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'aime venir vous rencontrer. Oui, j'ai effectivement affirmé à mes collègues du Cabinet que cette mesure avait reçu le sceau d'approbation sur le plan constitutionnel, pour ce qui est des garanties de la Charte. Il en était question, entre autres, dans le mémoire au Cabinet, et on a demandé s'il y avait des facteurs de risque à propos de projet de loi, en particulier sur le plan constitutionnel. Nous devons confirmer la question, et j'en prends la responsabilité en tant que ministre.

Le sénateur Andreychuk : Lui avez-vous donné une note parfaite ou avez-vous signalé qu'il y avait des problèmes?

M. Cotler : C'est en partie une question de secret professionnel. Il faut respecter la règle du secret professionnel, mais je peux vous dire que j'ai donné mon approbation sur le plan constitutionnel.

Le sénateur Andreychuk : J'ai remarqué votre franchise au début quand vous avez dit que c'est un projet de loi difficile à comprendre même pour le ministre de la Justice du Canada qui doit analyser la loi en vigueur et l'incidence de ce qui est proposé. D'après la vérificatrice générale, dans certains domaines, les policiers ont de plus en plus de lois à faire appliquer; or, ils n'ont pas assez de moyens et de ressources pour le faire — autrement dit, il n'y a pas assez de policiers — et la formation est déficiente. Il me semble que ce sera la même chose dans ce cas. Quand on va vouloir faire appliquer la loi à Estevan, en Saskatchewan, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Toronto, à Montréal, en milieu rural et en milieu urbain, au nord et au sud, comment les policiers vont-ils comprendre ce qui est de plus en plus compliqué même pour ceux qui ont la formation et la compétence pour occuper votre poste? Est-il raisonnable de confier ce travail à des policiers et va-t-on offrir de la formation? Y aura-t-il des ressources pour l'application de ces nouvelles mesures?

M. Cotler : Ils comprennent très bien la situation. S'il y a des lacunes — pas tellement sur le plan de la compréhension que de l'explication — c'est à moi que je les attribuerais et à personne d'autre. Comme je l'ai dit, je n'ai pas tellement d'expérience dans ce domaine. J'en ai beaucoup en ce qui concerne la Charte et comme criminaliste, mais je n'ai jamais fait affaire avec le crime organisé. Je n'ai jamais eu à m'occuper des produits de la criminalité.

Le sénateur Andreychuk : C'est rassurant.

M. Cotler : Dans le contexte actuel, il faut être clair. On peut faire des suppositions désobligeantes.

Je n'ai pas travaillé dans ce domaine.

Je voulais analyser cette mesure pas seulement sur le plan constitutionnel, mais aussi sur le plan de son application sur le terrain. Les policiers comprennent son fonctionnement.

Demain, je vais déposer un projet de loi — je ne brise aucune règle puisque je l'ai déjà annoncé — pour lutter contre les armes à feu, les gangs de rue et la violence urbaine. Il y aura une série de mesures législatives à ce sujet, qui se feront en trois parties. La deuxième vise à rendre l'application de la loi plus efficace. Ce modèle n'est pas inapplicable dans le cas qui nous occupe. Il faut que les méthodes de poursuites et d'enquêtes soient plus intégrées et plus coordonnées pour que les procureurs fédéraux et provinciaux puissent mieux collaborer. Les lois de ce genre s'appliquent aux crimes liés à la drogue, qui entraînent des poursuites par le gouvernement fédéral, et aux autres infractions du crime organisé, qui relèvent des gouvernements provinciaux. Nous envisageons un modèle intégré de cette nature. Nous en avons besoin davantage sur le plan de l'application de la loi. On a trop souvent travaillé en vase clos, autant sur le plan des enquêtes que des poursuites.

J'aimerais que les ministères publics interviennent plus tôt dans l'enquête, et j'aimerais que le travail des procureurs du gouvernement fédéral soit mieux coordonné avec celui des procureurs des provinces sur le plan des poursuites. Il y a deux semaines, à la réunion annuelle des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice, nous avons justement discuté d'une approche plus intégrée.

Pour ce qui est des ressources additionnelles, nous n'en avons pas annoncé de nouvelles pour ce projet de loi, mais le récent budget fédéral a renouvelé à long terme le financement de l'initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité, en prévoyant 117 millions de dollars sur cinq ans. On n'a peut-être pas remarqué que nous avons notre approche spécialisée à propos de l'initiative intégrée concernant les produits de la criminalité. Nous allons surveiller — et je suis content que vous ayez posé la question — cette initiative pour laquelle le financement a été renouvelé pour cinq autres années à cette fin, et nous verrons si nous avons besoin de ressources et de moyens supplémentaires pour mieux repérer et cibler les organisations criminelles et les activités liées à la drogue. Comme vous le dites, nous aurons peut-être besoin de ressources additionnelles, mais le mécanisme nécessaire, l'initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité, existe déjà et possède l'expérience et l'expertise voulues. M. Scromeda veut peut-être ajouter quelque chose.

M. Scromeda : Oui. Les policiers et les procureurs qui travaillent dans ce domaine sont des experts. Les unités du PICP sont spécialisées. Nous n'avons pas affaire à des gens qui ne pourraient pas comprendre le projet de loi.

Il y a des services de Justice Canada qui offrent de l'aide et de la formation aux procureurs et aux policiers dans toutes les régions du pays.

Le sénateur Andreychuk : Ce qui m'inquiète, c'est que les produits de la criminalité ne se trouvent pas là où sont les unités spécialisées. Ils peuvent se trouver n'importe où au Canada aujourd'hui, dans n'importe quelle ville. Des policiers doivent alors faire une évaluation, puis appeler les unités spécialisées pour faire venir un procureur. Ce sont des mesures qui exigent de la main-d'œuvre et de la formation. Vous pouvez former toutes les unités spécialisées que vous voulez, mais nous savons que les enquêtes et le travail des policiers échouent s'ils ne sont pas faits là où les crimes ont été commis. Ils ne sont pas toujours commis à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Il faut qu'il y ait des gens spécialisés un peu partout pour assurer une réponse rapide. Sans formation ni ressources, c'est même plus urgent. C'est ce que je voulais dire à propos du projet de loi.

Le projet de loi a été présenté parce que certains produits de la criminalité nous échappaient et que nous avions le sentiment de ne pas arriver à les récupérer. Il exige une réponse rapide et intelligente.

Ensuite, en élargissant la portée de l'inversion du fardeau de la preuve, le crime organisé relié au terrorisme et à toutes sortes de trafic se raffine et utilise les meilleurs outils disponibles. Il devient plus sournois et moins transparent. Ce que l'on craint, c'est de piéger des gens ordinaires qui transigent sans s'en rendre compte avec des membres du crime organisé. Est-ce que leurs biens pourront être saisis dans certains cas? Comment pourront-ils alors prouver leur innocence dans la société complexe d'aujourd'hui à propos du crime qui leur est attribué?

On peut voir que le crime organisé est bien organisé. Il s'infiltre dans les activités et les transactions d'affaires normales de la société. Comment savons-nous si nous ne transigeons pas avec les membres du crime organisé, qui est tentaculaire?

M. Cotler : J'ai parlé tout à l'heure de la protection des intérêts des tierces parties qui pourraient être liées aux produits de la criminalité ciblés ainsi que des garanties prévues dans le projet de loi pour offrir des recours aux tierces parties et permettre aux tribunaux d'exercer un pouvoir discrétionnaire pour assurer la protection voulue.

M. Scromeda connaît bien cette question et je pourrais lui demander de vous répondre.

M. Scromeda : Je reviendrais à une réponse donnée précédemment parce que la question rejoint à certains égards celle qui avait alors été posée. Craignons-nous qu'il soit possible que d'autres personnes innocentes de toute complicité se fassent confisquer leurs biens? Oui. Il y a des mesures de protection qui existent actuellement qui ont été reconduites dans le nouveau régime et d'autres qui ont été ajoutées. On a aussi restreint la définition des biens qui peuvent être visés par le régime, en les limitant au patrimoine de l'accusé.

Le sénateur Mitchell : Ma première question est peut-être trop circonscrite, mais nous parlions du projet de loi sur la traite des personnes hier soir. J'aimerais savoir si cette infraction serait visée par le projet de loi et, si c'est le cas, si elle s'appliquerait aux trois catégories de délinquants : ceux qui commettent le crime, ceux qui en profitent financièrement et ceux qui détruisent les documents d'une personne ou créent de faux documents.

M. Cotler : Votre question rejoint celle du sénateur Andreychuk en montrant que le crime organisé est de plus en plus envahissant. Il établit des liens avec toutes les formes de crime transnational, qu'il s'agisse du blanchiment d'argent lié au terrorisme ou à la traite des personnes. Nous constatons que le crime organisé est aussi associé à la traite des personnes à l'échelle transnationale. Dans la mesure où les organisations criminelles s'adonneraient à la traite des personnes, alors oui, le projet de loi pourrait, avec celui sur la traite des personnes, viser ces organisations criminelles.

Le sénateur Mitchell : Pour les trois catégories d'infractions? Elles sont classées par ordre d'importance d'après les peines possibles, c'est-à-dire des peines d'emprisonnement à perpétuité, de dix ans et de cinq ans.

M. Cotler : S'ils commettent une infraction de la première catégorie, en vue d'exploiter les gens, il y aurait alors un une incidence.

L'important, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est de tenir compte de la définition du terme « organisation criminelle », énoncée à l'article 2 du Code criminel, et de la façon dont les infractions d'organisations criminelles sont définies aux articles 467.11, 467.12 et 467.13 du Code criminel, pour ensuite se demander s'il y a participation aux activités d'une organisation criminelle. L'infraction est-elle commise pour une organisation criminelle? Vous pouvez être visé par les autres infractions sur le trafic si vous détruisez des documents à la demande ou sous la direction d'une organisation criminelle ou si vous commandez l'exécution d'une infraction pour une organisation criminelle. L'article 2 prévoit que d'autres infractions peuvent être jugées criminelles si elles sont passibles d'une peine de cinq ans — ce qui est clairement de la traite — et si elles ont été commises au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle. On reconnaît ainsi l'étendue des activités du crime organisé — c'est-à-dire qu'il est associé à toutes sortes de crimes — mais il faudra toujours démontrer le lien avec une organisation criminelle. Dans la mesure où on peut le démontrer, chaque infraction liée à la traite des personnes peut être visée.

Le sénateur Mitchell : Faut-il qu'il y ait eu d'autres condamnations au préalable pour que le tribunal conclue qu'il s'agit d'activités criminelles répétées?

M. Scromeda : Non. Il pourrait en être ainsi, mais il est possible de démontrer qu'il s'agit d'activités criminelles répétées d'après la prépondérance des probabilités.

[Français]

Le sénateur Rivest : Lorsqu'il s'agit de biens saisis qui appartiennent à une tierce personne, celle-ci aura le fardeau de la preuve de prouver que ces biens n'ont pas été acquis sur la base d'une activité criminelle?

M. Cotler : Je vais tenter de répondre. À la fin du processus, il est nécessaire de démontrer une série de preuves pour arriver à cet élément final auquel le défendeur doit répondre.

[Traduction]

M. Scromeda : Oui, pour ce qui est des mesures de protection et des modalités du régime actuel que nous avons conservées, si on allègue que des biens n'ont pas été acquis de façon criminelle et qu'on est innocent de toute complicité, on a le fardeau de le prouver. Cependant, le nouveau régime qui inverse le fardeau de la preuve prévoit des mesures de protection additionnelles. Le pouvoir discrétionnaire des tribunaux de limiter la confiscation en est une. Dans ce cas, la tierce partie n'a pas le fardeau de prouver quoi que ce soit. Elle n'est même pas tenue de se présenter.

Pour revenir aux restrictions ajoutées au régime, il faut, dès le départ, qu'il s'agisse des biens de l'accusé. C'est ce que le procureur général, le ministère public doivent démontrer en partant. Nous avons ajouté des restrictions et des mesures de protection à cet effet, parce que nous étions conscients que la mesure de confiscation pourrait avoir une portée plus étendue.

[Français]

Le sénateur Rivest : Lorsqu'il s'agit d'un proche, les criminels ont des trucs. Comme le signalait madame le sénateur Andreychuk, dans la réalité du monde criminalisé, leurs activités deviennent de plus en plus sophistiquées. Alors, n'importe quel citoyen risquera, à son insu, d'être impliqué. Il recourra aux services d'un avocat, il aura à se défendre, à faire la preuve et à consulter des professionnels du droit. C'est une charge particulièrement lourde, quel que soit le mérite des objectifs que l'on poursuit, tout le monde est d'accord à ce sujet. Il s'agit d'une charge extrêmement lourde qu'on va faire porter à des gens.

Il s'agit d'une charge juridique et économique pour essayer de se défendre et de se sortir d'une situation dans laquelle la personne n'avait aucune espèce d'intérêt. L'État va imposer le fardeau financier, professionnel et émotionnel en plus de sa réputation puisqu'il subira un procès. Je comprends les objectifs et les précautions que vous avez indiquées.

Cela risque, toutefois, de placer d'honnêtes citoyens, qui seront de plus en plus nombreux à être impliqués dans une situation incertaine. Selon notre société les gens sont réputés innocents. On ne poursuit pas quelqu'un devant les tribunaux sans avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'il a commis un acte criminel. Cette personne se sera trouvée dans une situation où elle était propriétaire d'un bien quelconque qui s'est avéré, au deuxième ou troisième degré, être relié à une activité criminelle.

Est-ce que vous comprenez les préoccupations que nous pouvons avoir à cet égard?

M. Cotler : Il est important de se rappeler qu'on ne parle pas de la notion de présomption d'innocence. On parle simplement des conséquences de la confiscation après conviction. On doit le rappeler puisque c'est un élément particulier et conditionnel à tout ce processus.

Deuxièmement, il faut rappeler que la même inquiétude que vous avez existe maintenant dans le processus actuel. Au sein du nouveau processus, il y a une série de protections qui incluent le rôle des juges et la protection de l'intérêt d'une troisième partie. Je vais donner la chance à mes collègues de répondre à cette question.

[Traduction]

M. Cohen : Je tiens à souligner que le ministère public doit indiquer quels biens vont faire l'objet d'une mesure de confiscation. C'est un aspect qui peut être important parce qu'il offre la possibilité d'exercer un jugement et un pouvoir discrétionnaire. Il est possible, à ce stade, d'améliorer la situation qui pourrait être difficile pour des tierces parties. Il y a aussi le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, l'aide juridique et d'autres mécanismes qui pourraient jouer un rôle pour aider à améliorer certaines des pires situations qui vous inquiètent.

Le sénateur Joyal : Ma question traite des principes de ce projet de loi par rapport à ceux d'autres mesures législatives adoptées par le Parlement, particulièrement en ce qui a trait au pouvoir qui permet maintenant à l'Agence des services frontaliers du Canada de saisir de l'argent à la frontière.

Je vous ai écouté attentivement. Vous avez établi avec une extrême précision toutes les conditions qu'un juge ou un tribunal doit remplir avant d'ordonner la confiscation.

Vous avez parlé du paragraphe 6(1) du projet de loi qui stipule que l'accusé doit s'être livré à des activités criminelles répétées et que son revenu ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine; ainsi que des autres éléments à considérer comme l'intérêt de la justice, c'est-à-dire que la mesure ne doit pas jeter le discrédit sur la justice. Il y a beaucoup d'autres conditions que j'ai pu relever. Enfin, il y a la phrase générale de l'alinéa (2.04)d) du projet de loi qui dit : « tout autre facteur qu'il juge pertinent ». Le filet est grand ouvert.

Ces garanties qui paraissent raisonnables ne semblent pas exister pour les personnes qui veulent traverser la frontière à bord d'un avion et qui se font confisquer de l'argent. Ces personnes pourraient ne pas se livrer à des activités criminelles ni faire l'objet d'une accusation. Il faudrait qu'elles soient reconnues coupables d'une infraction désignée, mais leur argent est tout de même confisqué. Il y a inversion du fardeau de la preuve étant donné qu'il leur appartient d'établir que l'argent a été acquis par des moyens légaux. Il y a présomption de culpabilité, c'est-à-dire qu'on présume que l'argent a été acquis illégalement. Si les gens sont incapables de prouver qu'ils ne sont pas coupables, ils vont perdre leur argent.

Par rapport aux principes et aux mesures de protection prévus dans d'autres mesures législatives, le projet de loi ne semble pas être cohérent. Je ne parle pas de quelqu'un qui est considéré comme un terroriste. Dans son cas, bien sûr, ce serait une infraction désignée en vertu du projet de loi et les mêmes exigences s'appliqueraient. Je parle plutôt de la possession légale d'argent par quelqu'un qui ne se livre pas à des activités criminelles et n'est accusé devant aucun tribunal.

Des poursuites ont été engagées devant la Cour fédérale, à Toronto, par des voyageurs qui se sont trouvés dans une situation pareille. Je ne sais pas si Justice Canada a présenté une défense ou fait une déclaration à ce sujet. Le système doit être cohérent quand on se donne autant de mal pour contourner le pouvoir que possède actuellement le tribunal par rapport à ce qui est permis dans un autre contexte. Est-ce que la loi est en accord avec ce projet de loi pour ce qui est des principes que vous avez établis?

M. Cotler : Il faut toujours se rappeler, même si on ne le reconnaît pas toujours, que tout le projet de loi suppose non seulement qu'il y a activité criminelle ou allégation d'activité criminelle, mais qu'il y a déclaration de culpabilité. Si une personne est arrêtée à la frontière, la question des produits de la criminalité ne se pose pas sans déclaration de culpabilité. Pour ce qui est des principes, comme vous dites, ils sont essentiellement les mêmes que dans le régime actuel, c'est-à-dire qu'il faut d'abord que l'accusé soit déclaré coupable avant qu'on puisse confisquer des produits de la criminalité, et il y a les mesures de protection du régime en vigueur comme je l'ai expliqué.

La seule différence, qui est tout de même importante, c'est qu'on cible des infractions qui ne sont pas désignées expressément dans la loi actuelle et qu'on prévoit une série de mesures de protection parce que l'inversion du fardeau de la preuve utilisée pour cibler ces infractions n'existe pas dans la loi en vigueur. Essentiellement, les principes sont les mêmes. On ne peut pas agir sans déclaration de culpabilité et, quand on le fait, les produits de la criminalité doivent être liés à l'infraction et à la preuve. Le projet de loi dit la même chose, mais cible une infraction d'organisation criminelle précise et les biens mal acquis liés à l'infraction. Ce n'est que lorsqu'il a été prouvé qu'il y a activités criminelles répétées ou qu'on a démontré le lien entre les produits de la criminalité et ces activités criminelles, en fournissant toutes les preuves demandées, que l'inversion du fardeau de la preuve s'applique, et pas avant. Quand elle s'applique, toute une série de mesures de protection ont été prévues.

Je ne crois pas que la situation s'apparente à ce dont vous avez parlé à propos de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je ne sais pas à quel cadre législatif particulier vous faites allusion.

Le sénateur Joyal : Vos conseillers ou vos représentants peuvent peut-être trouver ce dont je parle. Le plaignant vient du Liban et poursuit le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devant la Cour fédérale, à Toronto, parce qu'une somme de 40 000 $ lui a été confisquée. Quand l'affaire a été rendue publique le printemps dernier, votre ministère n'avait pas présenté de défense. Il l'a peut-être fait depuis. Si c'est le cas, sur quelle base avez-vous établi les principes de la légalité de l'inversion du fardeau de la preuve dans ce contexte? Ce serait le même principe que celui qui est si bien énoncé dans le projet de loi à l'étude. Il est logique et il prévoit des mesures de protection, comme vous l'avez indiqué dans votre réponse à la question du sénateur Milne.

Dans le cas de la confiscation d'argent à la frontière, je ne vois pas les mêmes mesures de protection et principes que vous avez appliqués dans le projet de loi. Si on veut établir un cadre de cette nature dans nos lois concernant la confiscation des produits de la criminalité, le système doit être cohérent dans toutes les mesures législatives. Je ne sais pas si ma question est difficile.

M. Cotler : Elle est l'est tellement, sénateur Joyal, que je ne peux pas vous répondre. Comme vous le savez, je ne peux pas commenter une cause qui est devant les tribunaux. Cependant, comme je n'aime jamais m'en tenir à cela, permettez-moi de revenir aux principes plus généraux et de demander à M. Cohen de répondre. Il ne peut pas plus que moi faire référence à la cause qui est devant les tribunaux, mais il peut parler des problèmes particuliers qui pourraient survenir dans le cas d'une confiscation par l'Agence des services frontaliers du Canada.

M. Cohen : Je sais que ma réponse ne vous satisfera pas complètement, sénateur, mais je dois dire que, pour déterminer la cohérence d'un régime de confiscation, que ce soit dans le Code criminel ou dans un autre contexte, il faut comparer des choses comparables. Dans certains cas, il est nécessaire d'établir une distinction. Dans le cas qui nous occupe, je crois que ce n'est pas tellement la question du crime organisé qui est en cause ici que le risque qu'encourt une personne de perdre tous ses biens ou son patrimoine.

La portée du régime ou de la mesure peut parfois être dévastatrice, et nous avons prévu des mesures de protection pour essayer d'en atténuer le caractère disproportionnel ou excessif et offrir à la personne la possibilité de se défendre.

Les questions que vous soulevez à propos du contrôle frontalier doivent être examinées dans leur contexte et, peut-être, par rapport au régime normal de confiscation prévu dans le Code criminel. Vous pouvez peut-être, dans votre sagesse, décider que des modifications sont nécessaires, mais c'est la nature du processus qui existe. Peut-être que même le cas dont vous parlez, monsieur le sénateur, pourra entraîner, si le tribunal en décide ainsi, d'autres modifications.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous me dire si le ministère a présenté une défense dans cette affaire? Je ne vous demande pas de vous prononcer sur son bien-fondé, mais pouvez-vous m'indiquer si votre ministère a présenté une défense? S'il l'a fait, il est certain qu'il va avoir discuté des principes du projet de loi en fonction de ce que vous avez dit ce matin.

M. Cotler : Vous avez dit que, dans ce cas, les poursuites avaient été engagées contre le ministre de la Sécurité publique, et c'est bien sûr de son ressort. Je vous ai peut-être déjà raconté cette blague, mais ce n'est pas sans rapport. Quand on enseigne le droit, on examine toutes ces causes de X c. le procureur général du Canada, et aujourd'hui, je dois dire que je me sens visé. Il y a tellement de causes au civil comme au criminel. C'est pourquoi la délégation de pouvoir existe dans ces cas.

Je vais demander à M. Scromeda de répondre. Je ne suis pas certain que c'est une information que nous pouvons vous donner.

M. Scromeda : Je ne sais pas. Cette affaire ne relève pas de notre compétence. Je m'occupe surtout des affaires criminelles, et il ne s'agit pas d'une cause criminelle. Si elle est défendue par VG Canada, d'autres, probablement au sein de ce bureau, pourraient vous répondre. Nous ne pouvons pas faire de commentaires là-dessus. Si une défense a été présentée, ce serait normalement du domaine public.

Le sénateur Joyal : C'est la raison pour laquelle je pose la question.

M. Scromeda : Je n'ai pas cette information et je ne sais pas si une défense a été présentée. Si c'est le cas, on peut le savoir.

M. Cotler : Nous allons essayer de savoir pour vous si une défense a été présentée après la réunion. C`est la première fois que j'en entends parler.

Le sénateur Joyal : Je trouve que M. Cohen a bien énoncé les principes. Si le ministère établit, dans ce projet de loi, un régime avec des principes bien énoncés et des paramètres bien définis, il me semble que les mêmes principes de précaution devraient être affirmés dans une autre loi adoptée par le même Parlement pour prévoir des sanctions et des mesures de confiscation importantes.

M. Cotler : Je comprends. Vous avez tout à fait raison. Le projet de loi, sur les organisations criminelles, les crimes liés à la drogue et les biens mal acquis, se fonde sur le principe de précaution, et c'est pourquoi j'ai expliqué tous les éléments qu'il faut respecter, comme la déclaration de culpabilité, pour ordonner la confiscation. Quelles sont les diverses preuves à présenter, par exemple? Il s'agit vraiment du principe de précaution, qui comprend les mesures de protection liées à la Charte.

La présidente : Merci des informations que vous nous avez transmises ce matin, messieurs. Notre rencontre avec vous trois a été très intéressante.

Si vous n'avez pas d'objection, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi, honorables sénateurs.

M. Cotler : Avant de partir, madame la présidente, étant donné que c'est ma dernière comparution devant votre comité, et comme je ne sais pas quel rôle j'occuperai après les élections, je tiens à remercier les sénateurs de leur travail assidu.

[Français]

Je voudrais vous remercier pour votre engagement. Comme je l'ai dit, c'est un cas d'étude. J'apprécie la contribution significative et importante du Sénat.

[Traduction]

Vous rendez le travail de la chambre de réflexion qu'est le Sénat non seulement exemplaire, mais précieux à tous les égards. Nous, de l'autre endroit, vous en remercions.

La présidente : Merci de votre collaboration.

Honorables sénateurs, voulez-vous que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi C-53?

Des voix : Oui.

La présidente : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : Oui.

La présidente : L'article 1 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 2 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 3 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 5 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 6 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 7 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 8 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 9 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 10 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 11 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 12 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 13 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 14 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 15 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. L'article 16 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. Le projet de loi est-il adopté sans amendement?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté. Puis-je faire rapport du projet de loi sans amendement au Sénat?

Des voix : Oui.

La présidente : Merci beaucoup. Nous n'avons pas l'habitude d'examiner les projets de loi de cette façon, et j'espère que nous n'aurons plus à le refaire.

Je remercie tous les membres du comité de leur entière collaboration. Je veux également remercier les interprètes, les sténographes, le personnel du pupitre, les pages et les employés de la Bibliothèque du Parlement de l'aide précieuse qu'ils nous ont apportée, ainsi qu'Adam Thompson d'être toujours là quand nous avons besoin de lui. Profitez du temps que vous aurez à votre disposition.

La séance est levée.


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