Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 3 - Témoignages du 29 novembre 2004
OTTAWA, le lundi 29 novembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.
Le sénateur Eymard G. Corbin (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les membres du comité et je réserve une bienvenue bien spéciale à Mme Liza Frulla, ministre du Patrimoine canadien, qui est accompagnée ce soir de Mme Judith Larocque, sous-ministre et de Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe Citoyenneté et Patrimoine.
Avant de procéder, je voudrais faire quelques brèves annonces. Nous allons tenter de mettre un terme à l'échange de ce soir vers les 18 h 30, pour accommoder madame la ministre qui, comme vous pouvez le devinez, est passablement chargée de travail.
Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue au sénateur Murray, qui, je crois, pourrait devenir membre formel de ce comité dès demain. Le sénateur Murray est un ancien routier des langues officielles. Nous avions tous les deux coprésidé le premier Comité mixte des langues officielles, il y a de cela très longtemps.
Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue à Mme Andrée Tremblay. Elle remplacera, pour une douzaine de mois, notre recherchiste qui devra s'absenter pour des raisons bien connues. Madame Tremblay, bienvenue à bord! Vous allez constater qu'à ce comité nous sommes très gentils.
Cela dit, j'ai prévu une réunion exceptionnellement pour lundi prochain afin d'entendre M. Georges Arès, président de la Fédération des communautés francophones et acadienne. La dernière réunion avant les fêtes aura lieu le lundi 13 décembre. Le témoin sera l'honorable Cotler, ministre de la Justice. Après cela, nous prendrons un repos pour les fêtes. Nous reprendrons au début de février un projet d'étude sur l'enseignement.
Je vous invite, madame Frulla, à prendre la parole.
Mme Liza Frulla, C.P., ministre du Patrimoine canadien : Je suis ravie de vous rencontrer aujourd'hui et j'en profite pour vous féliciter, monsieur le président, pour votre nomination. C'est un plaisir.
J'aimerais pour présenter M. Lussier, responsable des langues officielles à Patrimoine canadien pour ce qui est des négociations avec les provinces pour les ententes en éducation. Il est également responsable des consultations que nous tenons auprès des diverses communautés.
Le Sénat, de la façon que nous le voyons, a toujours joué un rôle de défenseur des minorités. Votre comité est un allié de taille pour toutes les communautés de langues officielles en situation minoritaire. D'ailleurs, vous comptiez dans vos rangs un défenseur de la première heure, le sénateur Gauthier. Je tiens à le remercier de son excellent travail, de son dévouement et de son engagement en faveur des communautés qu'il continue toujours à soutenir.
En cette année qui marque le 400e anniversaire de la création de l'Acadie et de la présence du fait français en Amérique, l'occasion est belle de réitérer notre engagement à favoriser l'essor de la francophonie canadienne et le renforcement de notre dualité linguistique. Un sondage du Centre de recherche et d'information sur le Canada a révélé que deux citoyens sur trois estiment que le fait de vivre dans un pays avec deux langues officielles est un des critères qui définissent la citoyenneté canadienne. Voilà une statistique qui démontre clairement à quel point notre dualité linguistique est enracinée dans l'âme de notre pays. Ce sont de bonnes nouvelles, mais nous devons demeurer vigilants.
Il n'y a pas si longtemps, la saga de l'hôpital Montfort en Ontario est venue le rappeler avec force, je dirais même nous hanter. Sur ce continent à vaste majorité anglophone, nous devons toujours redoubler d'efforts, de persévérance, de détermination, voire d'audace pour assurer aux prochaines générations un avenir en français encore meilleur.
Pour ma part, à court terme, je me suis fixé quatre objectifs : accroître nos efforts en matière d'enseignement, renouveler nos mécanismes de collaboration avec les communautés, d'ici avril 2005, miser davantage sur notre rôle de coordination, en collaboration avec mon collègue, Mauril Bélanger, et continuer de favoriser la vitalité culturelle des communautés en situation minoritaire.
Le premier objectif : accroître nos efforts en matière d'enseignement.
[Traduction]
L'avenir des communautés de langues officielles en situation minoritaire passe par l'éducation. En cette matière, nous travaillons en collaboration avec les provinces et les territoires qui en ont la responsabilité. Nous sommes sur le point de conclure des ententes avec les provinces et les territoires concernant les fonds ciblés qui nous permettront d'investir 346 millions de dollars supplémentaires dans l'enseignement sur une période de cinq ans. Notre budget est actuellement de 900 millions de dollars. De plus, nous négocions avec le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) pour le renouvellement d'un protocole d'entente pluriannuel. C'est-à-dire que d'ici 2008 notre gouvernement investira 1,3 milliard de dollars dans l'enseignement de la langue de la minorité et de la langue seconde.
La commissaire aux langues officielles nous demande d'accélérer le pas. Elle est parmi nous aujourd'hui et nous prenons très au sérieux cette demande. Je suis d'accord avec elle pour dire que le temps presse. Bien entendu, nous pourrions emprunter la voie facile et investir pour investir sans se demander si nous pouvons faire mieux et plus. Pour nous, l'objectif est d'obtenir les meilleurs résultats possibles.
Voilà pourquoi il faut travailler de près avec les provinces et territoires pour établir des objectifs communs qui seront ancrés dans la réalité et qui reflètent les besoins des communautés. Au cours de ce processus, je vais m'assurer que les groupes et les associations, qui sont des piliers du système d'éducation, soient consultés par les ministères de l'Éducation.
L'imputabilité sera aussi un aspect fondamental de ces ententes. Il importe de mesurer l'efficacité de nos efforts et de faire preuve de transparence. De plus, il ne faut jamais oublier que l'éducation est de compétence provinciale et territoriale.
Je veux rallier tous les intervenants pour qu'ensemble nous travaillions à l'atteinte de deux des objectifs les plus ambitieux du plan d'action, soit de faire en sorte que la proportion d'enfants francophones qui s'inscrivent à l'école francophone passe de 68 à 80 p. 100; doubler d'ici 2013 le nombre de jeunes Canadiens capables d'évoluer dans les deux langues officielles.
[Français]
Quelles sont les clés de notre succès? L'accès et la qualité. Plus les jeunes vivant en situation minoritaire auront accès à un enseignement dans leur langue maternelle, plus ils seront nombreux à l'étudier. Plus l'enseignement dans la langue de la minorité sera de qualité, moins les parents hésiteront à inscrire leurs enfants à l'école de la langue de la minorité. Chaque jeune francophone et anglophone vivant en situation minoritaire dans ce pays doit avoir accès à un enseignement de grande qualité dans sa langue maternelle et ce, du niveau préscolaire au niveau postsecondaire.
C'est la même situation en ce qui a trait à l'enseignement de la langue seconde. Plus de 2,5 millions de nos jeunes poursuivent l'apprentissage de leur deuxième langue officielle dans les salles de classe. C'est un jeune sur deux. Je crois que nous devons augmenter ce nombre. Car, dans le monde d'aujourd'hui, la connaissance des deux langues officielles est un gage de prospérité et de réussite. Faire de nos jeunes des citoyens et citoyennes bilingues, c'est leur offrir un cadeau qui leur sera profitable pour le reste de leur vie.
Nous devons aussi aider les provinces et territoires à accroître la qualité de l'enseignement dans la langue seconde, notamment en leur permettant d'avoir tous les outils pédagogiques nécessaires.
C'est dans cette optique que nous investissons environ 330 millions de dollars sur cinq ans dans l'enseignement de la langue seconde, soit une augmentation de plus de 137 millions de dollars.
[Traduction]
Nous venons de moderniser nos programmes de bourses et d'échanges qui permettent chaque année à près de 8 000 jeunes de découvrir d'autres régions du pays et de parfaire leur connaissance de leur seconde langue. Nous voulions les rendre plus attrayants pour les jeunes. De plus, nous continuons de travailler de près avec des dizaines d'organismes comme French for the Future et Canadian Parents for French qui jouent un rôle considérable au Canada anglais pour promouvoir l'importance d'apprendre le français.
L'éducation, c'est l'avenir des communautés. Mais encore faut-il que celles-ci soient en mesure de se développer dans tous les secteurs d'activités.
Au cours de la dernière décennie, les ententes Canada-communautés nous ont permis de réaliser des progrès considérables. De nombreux organismes locaux ont pris racine au cœur des communautés, et les réseaux institutionnels sont plus forts. Par exemple, 18 radios communautaires francophones, sept radios communautaires anglophones et 20 centres communautaires ont vu le jour au cours des dernières années. Grâce à la mobilisation des leaders communautaires, de nouveaux secteurs prioritaires sont apparus comme la santé et la petite enfance. Nous avons aussi appuyé des centaines de projets qui ont des retombées sociales, culturelles et économiques dans les communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire.
[Français]
La fin du dernier cycle quinquennal des ententes Canada-communauté nous donne l'occasion de vérifier si les mécanismes actuels de collaboration représentent encore la meilleure façon d'unir nos efforts. À cet égard, j'ai annoncé, en août dernier, la tenue de consultations afin de mieux connaître les idées des communautés.
Si j'ai lancé un tel processus, c'est que je veux m'assurer que nous soyons tous sur la même longueur d'ondes. Je veux que nous allions tous ensemble, non seulement dans la même direction mais aussi dans la bonne direction.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je veux que toutes les forces vives des communautés de langues officielles d'aujourd'hui et de demain aient voix au chapitre et travaillent en étroite collaboration. Actuellement, les représentants de mon ministère sillonnent le Canada dans le cadre de consultations qui se poursuivront jusqu'au début décembre. Par la suite, nous déterminerons avec les communautés la forme que prendra notre collaboration au cours des prochaines années.
Pour l'année 2004-2005, nous avons mis en place des mesures de transition qui nous permettront d'assurer la continuité du financement offert au réseau communautaire.
La dualité linguistique est aussi une affaire de partenariat et de concertation. Il n'y a pas que le ministère du Patrimoine canadien qui ait des responsabilités à cet égard. Pour ma part, j'entends jouer pleinement le rôle de coordination que me confèrent les articles 41 et 42 de la Loi sur langues officielles.
En vertu de l'article 42, je suis responsable d'encourager les ministères et les agences du gouvernement du Canada à favoriser l'épanouissement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire. Pour ce faire, nous travaillons avec un réseau de coordonnateurs qui veillent à concrétiser cet engagement au sein des 30 ministères et organismes ciblés de façon plus particulière.
Au cours de la dernière année, le ministère a entrepris l'élaboration d'un outil d'évaluation de la mise en œuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. C'est en vertu de cet article que les institutions fédérales ont une responsabilité en matière d'appui aux communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire. Cet outil permettra à chaque ministère et organisme de dresser plus facilement un bilan de ses actions en matière de langues officielles et de mieux cibler ses interventions.
[Traduction]
Nous poursuivons également nos efforts dans le cadre du partenariat interministériel avec les communautés de langues officielles. Ce partenariat incite les organismes gouvernementaux à travailler de plus près avec les communautés de langues officielles. Déjà, 15 protocoles sont en place touchant des secteurs cruciaux comme la santé, le développement économique, le perfectionnement des compétences, l'agriculture et, bien entendu, la culture.
Trois nouveaux protocoles seront bientôt conclus avec des intervenants clés comme Condition féminine Canada, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le Centre national des arts. Depuis l'an 2000, 38 millions de dollars ont été investis dans des projets précis, dont 20 millions proviennent de partenaires fédéraux et d'autres intervenants. Cela signifie que l'effet de levier que nous voulions créer se fait de plus en plus sentir.
Voilà où nous en sommes dans nos efforts de coordination. Peu à peu, une nouvelle synergie se crée. Une synergie qui permettra de décupler la force de nos actions, de nous assurer d'éviter certains dédoublements et d'améliorer encore davantage notre efficacité.
[Français]
En milieu minoritaire, la culture a une fonction sociale importante. Elle assure la vitalité de la communauté et de sa langue. Lorsqu'on parle de l'épanouissement et du développement des communautés des langues officielles vivant en situation minoritaire, on ne peut nier l'importance du secteur des arts et de la culture.
Certaines personnes ont mentionné que la culture était la grande oubliée du Plan d'action pour les langues officielles. Ce n'est pas un portrait tout à fait juste lorsqu'on considère l'action de mon ministère et celle du gouvernement du Canada dans son ensemble. Une analyse des tendances du financement accordé au cours des quatre dernières années dans le cadre des ententes d'appui aux communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire, a démontré que 20 p. 100 des sommes ont été attribuées à des organismes du secteur des arts et de la culture.
Il faut également tenir compte des nombreux programmes du portefeuille du Patrimoine canadien, dont les objectifs premiers sont de favoriser l'essor et le rayonnement des arts et de la culture. Je pense notamment à la Société Radio-Canada qui rejoint, par l'entremise de la télévision et de la radio, tous les francophones des quatre coins du pays; au Fonds canadien de télévision, dont un tiers de l'appui est réservé aux productions de langue française et qui, depuis 1999-2000, a investi près de 40 million de dollars dans la production d'émissions en français; au Fonds de la musique du Canada, dont 40 p. 100 du budget favorise la création du contenu francophone; au Conseil des arts qui finance directement le travail des artistes et d'organismes de ces communautés, et à d'autres programmes tels Espace culturel Canada et Présentation des arts Canada, qui contribuent à améliorer les infrastructures culturelles et patrimoniales et à enrichir les programmes au pays.
Je crois que vous avez compris que nos programmes culturels contribuent grandement à décupler la force de nos actions dans le secteur des langues officielles.
[Traduction]
D'ailleurs, chaque fois que je rencontre des représentants du secteur culturel, on me pose le même question : allez-vous renouveler le financement de l'initiative Un avenir en art? Ce fut le cas lors de ma dernière rencontre avec mes homologues provinciaux et territoriaux en octobre. Ces derniers ont reconnu à l'unanimité les bienfaits de cette initiative. Ce fut le cas lors de ma comparution devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, la semaine dernière. Plusieurs questions à ce sujet m'ont été posées tant de la part des députés de l'opposition que de mes collègues libéraux. La semaine dernière, la Fédération culturelle canadienne-française a également fait parvenir une lettre aux journaux pour souligner l'importance d'Un avenir en art pour les communautés francophones au Canada. Chaque fois, je réponds que je ne suis pas le grand argentier du pays mais que je travaille d'arrache-pied pour sensibiliser mes collègues du Cabinet à cette question. Une chose est certaine : plus nombreux nous sommes à prendre position en faveur de ces programmes et plus notre voix résonne haut et fort. Voilà en bref où nous en sommes. Il reste beaucoup de travail à accomplir, mais la volonté est là est les dossiers progressent.
À titre de ministre du Patrimoine canadien, je veux contribuer à donner à nos jeunes anglophones et francophones qui vivent en situation minoritaire la chance de grandir, d'étudier, de travailler, de créer et de s'épanouir dans leur langue maternelle.
[Français]
Où qu'ils vivent au pays, les francophones et les anglophones doivent avoir la possibilité de participer à tous les grands défis de l'heure. J'entends profiter du rôle qui m'a été confié pour travailler de près avec tous ceux et celles qui partagent avec moi cette volonté de faire avancer la cause de la francophonie et de renforcer notre dualité linguistique. Je vous invite à me faire part, en tout temps, de votre vision et de vos idées.
Le sénateur Chaput : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent.
J'ai beaucoup aimé votre présentation. Je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir dans ce que vous venez de nous dire. Vous mentionnez que vous allez travailler très fort sur certains dossiers, mais que, finalement, vous ne nous faites pas de promesses vides; c'est un état de la situation et les objectifs que vous vous êtes donnés.
J'ai quelques questions à vous poser. La première a trait aux ententes Canada-communauté. Plusieurs de mes collègues ont communiqué avec moi aujourd'hui et lorsque je leur ai demandé comment allaient les consultations, ils m'ont dit qu'ils étaient satisfaits et que les consultations allaient bien. Ils sont satisfaits des consultations que vous avez mises sur pied, ils sont à l'aise et ils ont espoir. Ils m'ont, toutefois, réitéré le besoin urgent de bonifier ces ententes Canada-communauté.
Cela fait 11 ans que les ententes Canada-communauté existent à travers le Canada, ceci sans aucune augmentation et toujours avec les mêmes sommes d'argent. Les organismes et les groupes communautaires qui luttent contre l'assimilation et qui essaient de continuer la vie en français sont dans une position de plus en plus vulnérable. Nos acquis sont très fragiles. La bonification de ces ententes est très importante pour les communautés francophones minoritaires à travers le Canada. Ils sont à l'aise avec le processus que vous avez entrepris, et ils sont à l'aise avec la reddition des comptes. Ils sont à l'aise à répondre pour les argents qu'ils vont recevoir.
Ils m'ont dit qu'ils se sont pris en main et qu'ils sont prêts à développer des scénarios qui vont justifier les augmentations. Je pense que ce sont de bonnes nouvelles. J'étais très heureuse d'entendre ces commentaires de mes collègues parce que, pendant un certain temps, il y avait beaucoup d'insécurités. Je vous passe le message. Ma question par rapport aux ententes est la suivante : est-ce que l'on peut espérer que ces ententes pourraient être signés pour avril 2005?
Mme Frulla : Je vous remercie, sénateur Chaput, cela nous encourage beaucoup. Je vais être honnête et très candide avec vous : au début, lorsque madame Sarkar, Judith Larocque et Hubert Lussier m'ont parlé de consultations, j'ai dit : « Ah, pas des consultations. » Ils m'ont convaincue en disant deux choses; la première, il faut en profiter pour voir si ce que l'on fait, on le fait bien, et l'on est encore vraiment très focalisé sur notre objectif.
Deuxièmement, il y a aussi des organismes, des organisations, des associations qui font un très bon travail et qui sont exclus parce qu'ils ne font pas partie du « club », si l'on veut. Il faut savoir maintenant si on veut les inclure et si, oui, comment. C'est un peu toute cette dynamique. L'objectif était aussi d'ouvrir la conversation pour bien faire comprendre aux communautés que ce n'est pas seulement le Patrimoine canadien qui est responsable des langues officielles, mais c'est le gouvernement. C'est l'ensemble des ministères aussi. Il nous faut bâtir un réseau qui est beaucoup plus grand, donc beaucoup plus solide que d'avoir juste un intervenant. C'était l'objectif.
On entend que les consultations vont très bien et qu'il va y avoir de belles recommandations. On attend les recommandations, d'une part, pour prendre des décisions et, d'autre part, jusqu'à maintenant 35 millions de dollars étaient assignés aux communautés, à ce 35 million de dollars, on ajoute 19 millions de dollars, sur cinq ans, qui vient du plan d'action gouvernemental. Donc il va y avoir un ajout.
C'est sûr que lorsqu'on a plus, on en fait plus. Avant de vous dire, toutefois, où l'on va investir cet argent, on attend vraiment le fruit de ces consultations.
Le sénateur Comeau : Je suis content d'entendre que tout semble aller bien avec les ententes Canada-communauté. On pourra peut-être poser la question à ces groupes la semaine prochaine; si je comprends ils viendront pour voir si d'autres améliorations sont possibles.
J'ai une série de questions, elles ne sont pas toutes reliées. Ma première question porte sur des commentaires faits par la commissaire aux langues officielles dans son rapport, disant que certains ministères sont encore réticents à offrir le bilan des réalisations. Je fais référence à l'ACDI, qui a été spécifiquement nommée, qui refusait d'offrir son bilan de réalisation pour 2003-2004.
Est-ce que vous avez pu convaincre l'ACDI de vous soumettre ce plan de réalisation? Est-ce qu'il y a d'autres de ces agences ou ministère qui refusent d'offrir des bilans d'action?
Mme Frulla : Je vais répondre pour ce qui concerne les ministères, puis Hubert Lussier va répondre pour l'ACDI. On a une entente avec 15 ministères et on en ajoute au fur et à mesure. Il y a deux façons de faire, une façon coercitive et une façon convaincante. Avec le plan d'action du gouvernement, les 750 millions présentés, votés et approuvés il y a deux ans, on réussit à faire les deux. Autrement dit, on fait un peu de coercition parce qu'il faut de la transparence, être capable de faire une reddition de compte, forcément, quand on reçoit l'argent. Donc, il y a une question de responsabilisation de chacun.
Et d'un autre côté, on veut aussi que le français soit contagieux. On veut que les ministères voient cette obligation d'appliquer les deux langues officielles comme étant une richesse et non pas un pensum. C'est un peu ce que l'on voulait. Maintenant est-ce qu'on réussit partout, à tout coup, parfaitement? Il reste encore du chemin à faire. Je dois dire que nous avons eu une réunion avec les groupes francophones, il y a un mois et demi, avec Mauril Bélanger et le ministre de la Justice, Irwin Cotler. C'était assez impressionnant de voir les 15 ministres autour de la table, venant soit ensembles, soit séparément, pour parler aux communautés francophones. Quant à l'ACDI, je vais laisser M. Lussier répondre à la question.
M. Hubert Lussier, directeur général, Programme d'appui aux langues officielles, ministère du Patrimoine canadien : J'ai bien peur de ne pas avoir la réponse définitive à propos de l'engagement de l'ACDI. Les discussions se poursuivent avec l'ACDI sur la façon dont ils vont donner leur rapport. Il est exact, comme l'a dit la ministre, que pour certaines institutions fédérales, cela a été plus facile, plus naturel que pour d'autres. Il reste encore un pas à faire à cet égard.
Pour renchérir sur ce qu'a dit la ministre, on a développé récemment des mécanismes, par le biais d'un réseau de collègues fonctionnaires au sein des institutions fédérales, pour faire en sorte que le message de leur responsabilité passe mieux. On est en contact avec le Commissariat des langues officielles, également, qui nous appuie dans cette tâche. Il y a beaucoup de mécanismes internes, qui ne sont pas toujours très visibles, sur lesquels on a encore du progrès à faire, mais qui portent déjà des fruits.
Le sénateur Comeau : Disons qu'on reviendra sur la question. Je trouve un peu difficile de concevoir, après toutes ces années, qu'il y a encore des agences du gouvernement qui refusent et qu'il faut essayer de les encourager, les éduquer, les informer, surtout à ce moment de l'histoire de notre pays. On reviendra à cette question.
Mme Frulla : Ces mesures ont été mises en place et notre prochain rapport sur la Loi sur les langues officielles, va être beaucoup plus spécifique. On va mettre beaucoup plus en évidence ceux qui, d'emblée, participent bien et ceux qui le font moins.
Le sénateur Comeau : Bien sûr, il est censé y avoir des répercussions ou des retombées si certaines agences sont réticentes à répondre aux exigences; on parle ici de la partie VII de la loi.
Une deuxième question concerne Air Canada, qui commence à faire du bruit. Je ne sais pas si c'est votre ministère qui est concerné; si ce n'est pas le cas je passerai à une troisième question. J'étais parti la semaine dernière et je lisais les journaux aujourd'hui. Je vois ici que Air Canada est en train de faire un peu de bruit. Je vais lire la citation, c'est en anglais; je ne me rappelle pas dans quel journal c'était :
[Traduction]
Air Canada convient de la nécessité de fournir des services bilingues dans la région de la capitale nationale, au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans les régions où la demande de services en français est suffisamment forte.
[Français]
Je suppose que c'est Air Canada qui déterminera où il y aura ces besoins.
[Traduction]
« Ce n'est que du bon service à la clientèle mû par la demande du marché, » dit Mme Cook.
[Français]
En d'autres mots, là où il y a des francophones en nombre considérable, ils voudront offrir le service dans les deux langues, mais dans les régions qui probablement en ont le plus besoin, ils couperont tout simplement le service. D'après moi, dans les régions qu'ils nomment ici, ce sont des régions considérées fortes pour les langues officielles, mais ils veulent commencer à réduire les services dans les régions qui, comme je le dis, en auraient vraiment besoin.
Êtes-vous impliqué dans ce dossier? Et sinon, qui serait impliqué?
Mme Frulla : C'est le ministre des Transports, M. LaPierre, et je l'ai entendu répondre à cette question à plusieurs reprises. Pour lui c'est vraiment une priorité d'engagement. Vous pourriez très bien recevoir le ministre des Transports, cela va lui faire plaisir de répondre et de discuter avec vous.
Le sénateur Comeau : Donc vous, comme ministre du Patrimoine canadien, vous ne touchez pas à ce dossier.
Mme Frulla : On touche les ententes en éducation, les ententes avec les communautés. C'est vraiment notre rôle, au niveau culturel, de même que la coordination avec les ministères. C'est la somme de nos responsabilités et ce que nous confère la loi.
Le sénateur Comeau : De temps à autre, j'ai encore de la difficulté à trouver la ligne.
Mme Frulla : Ce n'est pas toujours évident.
Le sénateur Comeau : Non, car on a des ministres responsables des langues officielles, des ministres responsables des programmes qui appuient les langues officielles et d'autres ministères, comme le ministère des Transports, qui s'occupent d'une loi qui oblige Air Canada à offrir les services dans les deux langues. Alors cela devient difficile pour nous parfois, quand on essaie de trouver des lignes de responsabilité.
Dans vos commentaires, vous avez parlé un peu de la télévision française qui essaie de servir tous les coins du pays. Il y a quelques années j'ai essayé moi-même de voir s'il y avait un moyen d'avoir une amélioration dans les services de Radio-Canada, pour faire un peu en sorte que Radio-Canada ne cible pas que le Québec mais cible le Canada. Je n'ai pas eu tellement de chance à ce moment. J'ai fait une deuxième tentative, pour essayer de voir ce qu'était le budget ciblé pour les régions les plus éloignées, et le président de Radio-Canada refusait catégoriquement de me donner les chiffres par région au Canada, disant que, comme parlementaires, nous n'avions pas assez de connaissances dans ces dossiers pour pouvoir évaluer la distribution des budgets. Alors nous n'avions pas la capacité intellectuelle de pouvoir questionner le président.
Est-ce que vous, madame la ministre, avez eu la chance d'examiner ce genre de services offert par Radio-Canada?
Mme Frulla : Concernant les budgets de Radio-Canada, s'il y a une société qui, avec le CRTC, est à portée de main du gouvernement, c'est bien Radio-Canada. Ils ont des vérificateurs internes pour voir à la bonne gouvernance de la société, mais on ne régit pas les budgets de Radio-Canada parce que ce serait considéré comme étant vraiment de l'interférence. Cela dit, je vous comprends. On le sait, il y a plusieurs années, quand le gouvernement avait vraiment besoin de récupérer de l'argent, en 1995, quand on disait que nous faisions montre d'une économie du tiers-monde ou presque, il y a eu des compressions à Radio-Canada de l'ordre de 400 millions.
La direction avait décidé de couper les services en région, forcée par les événements. La raison était que les auditeurs régionaux étaient bien servis par des diffuseurs privés. Radio-Canada décide alors de se concentrer sur ce qu'elle fait bien, des productions nationales et internationales.
La question que vous me posez, je l'ai entendue dans à peu près tous les comités. M. Rabinovich doit nous présenter un plan dans lequel il doit indiquer sa vision du déploiement régional. Maintenant, il faut faire attention, nous ne pouvons pas demander à Radio-Canada de se redéployer régionalement. La Société Radio-Canada n'a plus de franchise régionale depuis que les autres télédiffuseurs ont pris leur place sur ce plan, dont CTV. Il serait très difficile de demander à Radio-Canada de se redéployer. Cela coûterait des centaines de millions de dollars. Cependant, cela n'empêche pas Radio-Canada de nous proposer un plan où elle aurait pour mandat d'être plus présente dans les régions, où elle offrirait de l'information et tiendrait une production plus régionale, avec des talents locaux. Elle le fait déjà, comme nous l'avons vu au Gala des Prix Gémeaux, hier soir. Nous attendons cette vision, et M. Rabinovich y travaille.
Nous lui avons demandé de faire un ménage administratif; ce qu'il fait depuis cinq ans. Nous avons récemment renouvelé son mandat pour trois ans, et non pas cinq, afin qu'il termine la tâche entreprise, pour se concentrer plus sur l'aspect télévisuel de Radio-Canada. Nous attendons de voir ce que la société d'État va nous répondre.
Le sénateur Comeau : Je peux comprendre que vous ne puissiez pas donner un ordre à M. Rabinovich, et nous ne voudrions pas que vous le fassiez, par contre, quand le président d'une institution canadienne est là pour rejoindre les francophones un peu partout dans le pays, nous voudrions qu'il essaie de faire partager ce sentiment d'appartenance à travers toutes les régions. Toutefois, quand le mandat consiste à desservir les populations francophones à plus forte densité, je ne sais pas si les Canadiens sont bien servis. C'est beaucoup plus facile d'être francophone à Québec ou à Shipagan qu'à Baie-Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse. Si M. Rabinovich se dit, à l'instar des représentants d'Air Canada, que Radio-Canada n'a pas besoin de desservir les régions parce que les francophones n'y sont pas assez nombreux, pourquoi demanderait-on aux Canadiens des régions de payer des contributions fiscales pour cette même radio d'État si sa production ne les concerne pas? Si, selon M. Rabinovich, leurs députés ou leurs sénateurs n'ont pas la capacité intellectuelle de lire un budget, que faisons-nous ici? Vous pourriez peut-être nous faire part de ce plan et nous pourrons voir ce qu'il y a lieu de faire.
Mme Frulla : Ce serait une très bonne idée d'inviter M. Rabinovich à votre comité et de lui poser directement ces questions. Je ne nie pas qu'il y ait eu des compressions importantes à Radio-Canada et que nous devions réinvestir dans la société, mais avant, nous devons nous assurer de le faire seulement dans la mesure où notre objectif est de mieux desservir les régions, surtout dans le respect des langues officielles et dans la langue de la minorité.
Je viens du milieu de la radiodiffusion, et l'argument voulant qu'on ne peut concurrencer localement de façon très ciblée — compte tenu de revenus limités et d'un mandat plus lourd que ceux des télévisions privées — CTV ou d'autres télédiffuseurs plus efficaces au plan régional, parce qu'on veut demeurer à l'échelle nationale, fonctionne quand on travaille avec la majorité.
Lorsque vient le temps de desservir les communautés francophones en situation minoritaire, les télévisions privées ne le font pas. Elles n'ont pas cette obligation. Les télévisions privées ont une obligation de rendement financier alors que Radio-Canada a une obligation de faire avec son budget, mais sans dépassement, et n'a pas à remplir ces critères de rendement financier. La mentalité est aussi très différente.
M. Rabinovich a vraiment l'intention de revoir un plan régional, alors il vaudrait la peine de lui poser la question.
Le sénateur Comeau : Je ne veux pas donner l'impression que j'étais en train de suggérer qu'il y ait des budgets supplémentaires.
Mme Frulla : Je ne pensais pas cela du tout.
Le sénateur Comeau : Je veux que M. Rabinovich ait ses budgets supplémentaires, mais je ne sais pas s'il les utilisera de façon convenable pour les communautés qui en ont le plus besoin. Nous devrions l'inviter à notre comité, mais je ne suis pas convaincu qu'il avait les intérêts de nos communautés à l'esprit quand il a pris ses décisions, et je doute de celles qu'il prendra dans l'avenir.
Le sénateur Léger : Cela me fait plaisir de vous voir. Vous avez dit que vous étiez dans la radiodiffusion, moi, je suis à la culture. Trente ans après la promulgation de la Loi sur les langues officielles, beaucoup de progrès a été accompli, l'anglais et le français sont égaux et constituent les deux piliers de notre culture. Pour moi, c'est cela la définition même d'être Canadien.
Vous dites que 20 p. 100 des fonds sont attribués à la culture. Je trouve que l'influence de la culture dans le pays est de presque 80 p. 100. Nos ambassadeurs qui font la promotion de notre culture partout dans le monde, la télévision comme on l'a vue hier soir, au Gala des Prix Gémeaux, à la grandeur du pays, c'est cela la culture. Elle se trouve à la radio et maintenant à la télévision. La culture passe avant le pain et le beurre. Même si on est extrêmement pauvre, on a une télévision. La culture entre partout. Alors trouvez-vous qu'une allocation de 20 p. 100 pour la culture, c'est beaucoup?
Mme Frulla : C'est plus que cela. Vingt pour cent des fonds sont dirigés spécifiquement vers les communautés, mais quand on parle du fait français, on parle de de l'ensemble du réseau, où l'on diffuse à travers le Canada, que ce soit avec Radio-Canada, le Fonds canadien de la télévision, on parle alors d'à peu près 45 p. 100.
M. Lussier : Oui, c'est beaucoup plus que cela. Le 20 p. 100 s'applique à l'enveloppe d'environ 35 millions à laquelle vous avez fait référence, qui soutient directement les communautés.
Mme Frulla : Au plan culturel, dans le portefeuille global, c'est difficile à dire. Si on regarde le Fonds canadien de télévision, à peu près 40 à 45 p. 100 réservé aux francophones. Le Fonds de la musique, c'est 40 p. 100, le Conseil des arts, c'est du financement au niveau des communautés, c'est à peu près le même. Je dirais qu'au total, cela varie entre 45 et 50 p. 100.
Le sénateur Léger : Très bien, mais nous savons aussi que l'influence, c'est beaucoup plus que cela. Sur la scène nationale, comme Canadiens, c'est par là que cela passe.
Espérons que les Canadiens savent de plus en plus qu'au Canada, les deux langues sont égales. On forme maintenant les enfants à la culture dans nos écoles. Il est donc normal qu'on y alloue encore plus d'argent. Êtes-vous d'accord qu'il soit normal que les sommes allouées augmentent?
Mme Frulla : C'est normal excepté qu'avec le plan d'action gouvernemental, on parle de 750 millions de dollars. C'est un bel engagement. Pendant des années, on a fait beaucoup, mais là, il faut faire plus. Si on dit qu'on veut doubler le nombre de jeunes bilingues, oui il faut mettre de l'argent. Si on dit qu'il faut absolument aider, soutenir et avoir des ententes en éducation et les centres communautaires, oui il faut mettre de l'argent. Le fait d'avoir le plan d'action fait en sorte que ce besoin a été reconnu. Ce n'est pas un vœu du futur. On travaille actuellement avec ce qui a été annoncé. Je conviens que cela a été difficile, trop lent sur le plan de l'éducation de faire ces ententes avec les provinces. Il faut aussi comprendre que l'éducation est du domaine provincial et que les ententes que l'on a ne laissent pas les communautés en plan. On continue le financement avant de rentrer dans le vrai plan d'action pour l'éducation, mais c'est délicat. Autrement dit, on n'arrive pas avec nos gros sabots dans les provinces pour leur dire ce qu'on va faire sur le plan de l'éducation. Cela ne fonctionne pas de cette façon. Ce n'est pas bon d'ouvrir un front fédéral-provincial. Hubert Lussier travaille avec chacune des provinces pour arriver à une entente bilatérale. On doit essayer de faire accepter des mécanismes de transparence qui feront en sorte que les provinces se rapporteront à leur population ainsi qu'un protocole d'entente, c'est-à-dire de grands principes pour tous, excluant le Québec. Le Québec a une situation particulière puisque sa langue minoritaire est l'anglais. Le contexte est très différent.
Le sénateur Léger : Les provinces, les territoires et les Autochtones sont-ils convaincus que les deux langues sont égales?
Mme Frulla : Je dirais que oui. C'est toujours plus fort dans certaines provinces que dans d'autres. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Colombie Britannique et le Manitoba sont des provinces bilingues. Le Québec est une province francophone et quand tu es francophone, tu sais que tu as besoin de l'anglais. Il y en a pour qui c'est plus facile, mais je dirais que dans l'ensemble, la réponse c'est oui.
Le sénateur Léger : Diriez-vous que le gouvernement fédéral parle de cette façon aux provinces?
Mme Frulla : C'est dans la Constitution.
Le sénateur Léger : En d'autres mots, on est plus loin qu'au début. Je suis contre le mot « minorité ». On devrait changer la formulation des statistiques. On a plus de frontières. On voyage en avion. Si nous en sommes rendu là, c'est grâce au travail effectué depuis 30 ans. Il est normal d'aller plus loin maintenant.
Mme Frulla : On a quand même des lois enchâssées dans la Constitution. On a cette balise qui fait en sorte que ceux qui sont moins convaincus se doivent de s'y soumettre, mais c'est toujours mieux d'être de plus en plus convaincu. Cela dit, on a de très beau progrès sur le plan de l'éducation, dans l'Ouest et dans les services aussi.
Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe, Citoyenneté et patrimoine, ministère du Patrimoine canadien : Nous sommes très encouragés par la participation des provinces et des municipalités pour en venir à des ententes pour offrir le service aux communautés francophones. La Colombie-Britannique a conclu une entente avec nous pour la première fois il y a trois ans. Ce n'est pas une somme d'argent énorme, mais cela exprime une volonté de la part des provinces et des municipalités.
Le sénateur Léger : La Société Radio-Canada est une société d'État nationale. C'est comme le Centre national des arts.
Mme Frulla : Le Centre national des arts a signé un protocole.
Le sénateur Léger : Oui, je sais. Ils nous visitent pour savoir ce qui est national. Ils sont énervés parce que nos taxes vont là, alors comment le rendre national. Je sais que ce n'est pas si simple.
À Radio-Canada, on a fait des compressions budgétaires en région tout de suite parce qu'il fallait le faire. Donc la mentalité que le Canada a deux piliers égaux, le français et l'anglais, n'est pas ancrée. J'aimerais faire une comparaison avec la radio. Si je prends Shediac et CJSE. Il y a dix ans, la radio communautaire a commencé et les gens de la radio de Radio-Canada étaient bien énervés parce qu'ils pensaient perdre leurs clients. Cela n'a pas été le cas. CJSE a tellement bien fait que tout à coup, les francophones hors de la région de Moncton trouvaient que la musique leur allait, qu'elle répondait à leurs besoins et ce sont les postes anglophones qui ont perdu des auditeurs. Tout le monde n'est pas comme moi qui suis une invétérée de Radio-Canada. Donc les autres télévisions francophones comme TV5...
Mme Frulla : RDI, Art TV, Télé-Québec et TFO.
Le sénateur Léger : Oui, n'empêche que tous n'ont pas accès à tous ces postes. Ils doivent êtres abonnés au câble. Au Nouveau-Brunswick, avec seulement le câble de base, on a Radio-Canada et TV5. Le gouvernement fédéral doit être conscient que toutes ces ouvertures sont importantes.
Mme Frulla : L'implication du gouvernement fédéral dans le domaine communautaire se situe dans le démarrage et au soutien des projets à travers le Canada. Maintenant, il y a aussi le rôle des provinces. Lorsque j'étais ministre de la Culture du Québec, je finançais le secteur communautaire. On ne peut pas dire que certaines provinces ont besoin d'un peu plus de soutien que d'autres, mais d'autres pourraient très bien partager les responsabilités. Je ne dis pas qu'elles ne le font pas, mais le secteur communautaire est important pour nous. Il faut aussi que ce soit important pour d'autres paliers gouvernementaux parce que cela relève aussi d'eux. C'est un travail en commun. On peut en faire beaucoup plus si on s'y met ensemble. On démarre, on est présent pour des projets, mais on ne peut pas soutenir toute la télévision et la radio communautaire à travers le Canada, c'est impossible. Le fardeau est trop lourd.
Le sénateur Léger : Je suis très heureuse d'entendre cela. Le Québec a une mentalité un peu européenne. On sait qu'en Europe, on investit beaucoup dans la culture, c'est très important. On sait que la population du Québec jouit d'une certaine avance de par sa mentalité. Si vous dites que les autres provinces pourraient faire mieux, tant mieux, on va pousser dans ce sens
[Traduction]
Le sénateur Murray : Je pense nous allons donner à notre personnel l'occasion de travailler en anglais.
Je lisais ce matin le compte rendu des séances antérieures du comité que j'ai manquées puisque je m'y joins aujourd'hui. En particulier, je lisais le témoignage de la commissaire aux langues officielles au moment de sa comparution le 1er novembre.
Soutenue en cela par ses conseillers juridiques, elle a exprimé l'avis que le gouverneur en conseil a le pouvoir de prendre des règlements pour « muscler » en quelque sorte la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Qu'en pensez-vous? Quelle est la position du gouvernement en la matière?
Mme Frulla : Je dois admettre que je ne suis pas juriste. M. Cotler est mieux placé que moi pour vous donner une réponse officielle.
Toutefois, l'article 93 se lit comme suit :
Le gouverneur en conseil peut prendre les règlements
a) qu'il estime nécessaires pour assurer le respect de la présente loi...
Je vous avouerai, sénateur Murray, que je me sentirais plus à l'aise de laisser M. Cutler vous répondre.
Nous pensons que oui.
Le sénateur Murray : Si vous pensez que oui, ça me suffit. Je n'ai pas le droit de lui demander quel avis juridique il vous donne. Ce sont les avis qu'il donne à ses collègues. Toutefois, si vous pensez que oui et si c'est l'avis de votre ministère, ma prochaine question est celle-ci : Réfléchissez-vous actuellement aux règlements que vous pourriez déposer pour donner effet à la partie VII?
Souhaitez-vous de l'aide du comité?
Le président : Me permettez-vous d'intervenir? Je comprends que c'est la première fois que vous posez des questions. Vous soulevez une question dont le comité débat depuis longtemps. Elle découle du projet de loi du sénateur Gauthier, le S-3, dont la Chambre des communes est actuellement saisie. Je ne suis pas convaincu qu'il soit indiqué de tenir actuellement un débat sur une question qui ne relève pas de nous. Sachez toutefois que nous l'avons transmis à la Chambre des communes et qu'elle doit prendre position. Cela ne me dérange pas que vous questionniez la ministre, mais cela ne doit pas devenir une habitude.
Le sénateur Murray : À ce que j'ai compris du témoignage de la commissaire au comité, même sans ce projet de loi, le gouvernement pourrait prendre un règlement. Sauf que vous ne voulez pas relâcher la pression sur eux; c'est bien ce que vous êtes en train de me dire? C'est une question de tactique.
Mme Frulla : Il y a deux façons de voir les choses. Le texte est actuellement à la Chambre des communes. Nous l'examinons très soigneusement. Nous souscrivons à ses principes. Nous sommes actuellement en train d'analyser ses conséquences financières; dans quelle mesure peut-on l'appliquer tout en étant financièrement responsable.
Quoi qu'il en soit, nous approuvons les principes directeurs du projet de loi. Se posent toutefois la dimension financière et les obligations qui en découlent. Comme le texte est à la Chambre des communes, il faudra y réagir et nous le voulons. C'est la réponse à votre première question parce que nous ne disons pas que nous nous contenterons de règlements. Nous sommes saisis d'un texte. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour l'étudier à fond et voir ce que l'on peut en faire? Comme je l'ai dit, il faut déterminer quelles sont les obligations financières, les restrictions et les possibilités. C'est ainsi que nous abordons le texte.
Le sénateur Murray : Je vais en rester là, madame la ministre.
En ce qui concerne l'objectif de faire passer de 68 à 80 p. 100, je crois, le nombre d'élèves francophones qui fréquentent l'école de langue française, où est la difficulté? Ai-je raison de déduire de ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'un enseignement de qualité pour les élèves francophones que le problème tient à ce qu'un nombre important d'entre eux ne fréquentent pas les écoles qui sont à leur disposition?
Mme Frulla : Il y a deux problèmes. Le premier est précisément ce que vous venez de dire. Il faut d'abord promouvoir l'intérêt d'être bilingue, d'apprendre le français, même si votre milieu est totalement anglophone. Cela fait, il nous faut des enseignants de qualité. C'est pourquoi nous voulons améliorer leur formation. Dans les milieux très anglophones, il est difficile de trouver des enseignants vraiment qualifiés. La formation est importante pour nous et promouvoir l'accès au français et son apprentissage sont des éléments clés.
Mme Sarkar me dit que nous investissons entre 250 et 300 millions pour promouvoir l'accès à l'enseignement dans la langue de la minorité ainsi que son intégration. Nous avons investi dans la qualité des programmes et dans l'enrichissement culturel des milieux scolaires; les services de soutien aux enseignants et à l'enseignement; l'accès à l'enseignement postsecondaire et la promotion de la recherche en enseignement dans la langue de la minorité; ainsi que la dissimination du savoir.
Dans une grande mesure, il s'agit de fournir les outils, d'améliorer l'enseignement et de faire de la promotion.
Le sénateur Murray : Êtes-vous en train de dire que les provinces ne respectent pas l'article 23 de la Charte?
Mme Frulla : Pas du tout. Nous sommes là pour les aider, essentiellement, dans une tâche difficile. Notre responsabilité est d'apporter de l'aide. C'est à cela que sert le plan d'action. C'est pourquoi nous sommes actuellement en train de négocier avec les provinces. Nos négociations sont bilatérales parce que les besoins des provinces ne sont pas tous les mêmes. L'objectif est de doubler le nombre de ceux qui apprennent le français comme langue seconde ou de soutenir la langue en milieu minoritaire, et il existe divers objectifs auxquels tous peuvent souscrire; au-delà, il faut traiter individuellement, avec les provinces.
Le sénateur Murray : Je le comprends. Est-ce qu'il s'agit des négociations concernant les fonds ciblés? C'est de cela qu'il s'agit?
Mme Frulla : Précisément.
Le sénateur Murray : Cela vient-il s'ajouter aux ententes qui existent déjà pour l'enseignement de la langue de la minorité?
Mme Frulla : Oui, et ça nous porte à 1,3 milliard.
Le sénateur Murray : Maintenant que l'obligation constitutionnelle du Québec est d'offrir des écoles en fonction de la langue plutôt que la religion, quelle est votre position au sujet du statu quo dans ce domaine : la disponibilité d'enseignement dans la deuxième langue?
Mme Frulla : Comme vous le savez, il y a actuellement une affaire devant les tribunaux sur ce point. Des parents demandent à la Cour suprême de se prononcer sur la disponibilité d'écoles de langue anglaise pour les enfants qui n'ont pas fait leur primaire en anglais.
Le sénateur Murray : Cela fait intervenir la Charte.
Mme Frulla : Oui, cela remet en question la législation linguistique du Québec et toute sa démarche. Si vous me demandez mon avis sur la question dans son ensemble, je vous répondrai que venant du Québec et ayant été membre du gouvernement de M. Bourassa et de M. Ryan, je pense que nous avons obtenu la paix linguistique. Personnellement, je pense que l'on devrait en rester là, ayant vécu ces neuf années mouvementées.
Le sénateur Murray : Dois-je en conclure que les anglophones sont en général satisfaits du dispositif d'enseignement à la disposition des élèves?
Mme Frulla : Oui.
Le sénateur Buchanan : D'après le dicton, on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. Mettons les choses ainsi. D'abord, je ne suis pas un singe. Deuxièmement, je ne suis pas vieux et, avec l'aide du comité, je vais apprendre le français.
Mme Frulla : Parfait.
Le sénateur Buchanan : Deuxièmement, je tiens à vous souhaiter la bienvenue au comité. Je vous ai rencontrée il y a quelques semaines — pas pour la première fois — à bord de l'avion qui vous menait à Halifax, et je vous ai dit qu'il n'y a pas tant d'années que cela j'aurais été en mesure de vous souhaiter la bienvenue en Nouvelle-Écosse.
Je sais que pendant votre mandat au gouvernement du Québec sous la conduite assurée de mon cher et défunt ami Robert Bourassa, vous êtes venue en Nouvelle-Écosse. Quand j'étais le premier ministre de la, disons, deuxième province du pays en excellence — car devant vous je dirais que le Québec est sans doute en première place — est-ce le genre de propos que je devrais tenir, monsieur le président? Non?
Je m'inspire toujours de ce que dit le sénateur Comeau.
Vous avez la rare expérience d'être ministre du gouvernement fédéral après avoir été ministre au niveau provincial, et vous mettez à profit cette connaissance du dossier fédéral-provincial dans votre portefeuille à Ottawa. C'est mon cas aussi. Comme premier ministre d'une province pendant 13 ans, je peux mettre à profit ce genre d'expérience à Ottawa dans mes fonctions actuelles. Vous et moi avons donc beaucoup en commun.
Mme Frulla : Une longue histoire ensemble, aussi.
Le sénateur Buchanan : Une longue histoire. C'est vrai.
Je veux dire que de tous les premiers ministres provinciaux canadiens que j'ai rencontrés de 1978 à 1991, Robert Bourassa est un des meilleurs êtres que je n'ai jamais connus. Quel gentleman il était.
À l'occasion d'une des premières réunions que j'ai eue avec lui, je me souviens, le page est venu placer un verre de lait devant lui. Je suis buveur de lait moi aussi et j'ai fait quelques pas vers lui pour lui dire : « Vous savez, cela me fait tellement plaisir de voir que vous buvez du lait parce que j'en bois moi aussi. » Tout de suite, il a rappelé le page pour lui demander de m'apporter un verre de lait. Depuis ce jour, le sénateur Murray s'en souviendra, aux conférences fédérales-provinciales, le premier ministre Bourassa et moi-même avons toujours eu un verre de lait devant nous. C'est une petite anecdote que j'ai voulu rappeler — une pub sympathique.
Je dois aussi vous dire que la Nouvelle-Écosse a célébré le 100e anniversaire du drapeau acadien à Port Royal — en 1882, je crois c'est donc dire en 1982. J'y étais en 1982 avec le premier ministre de l'époque, M. Trudeau. De plus, comme vous le savez, les Acadiens sont arrivés en Nouvelle-Écosse et ont fondé l'Acadie il y a 400 ans cette année, en 1604. Je n'y étais pas à l'époque, mais j'y étais bien en 2004. La Nouvelle-Écosse a une histoire riche pour ce qui est des Acadiens et pour ce qui est des francophones du pays.
Une autre petite annonce : Je ne suis pas un égotiste, mais j'ai été le premier premier ministre de la Nouvelle-Écosse à reconnaître l'importance vitale du français dans la province. Les sénateurs Comeau et Murray le savent, c'est sous mon mandat que l'on a créé les premiers conseils scolaires francophones de la province. Nous avons aussi créé les premières écoles entièrement de langue française dans les circonscriptions acadiennes et pris d'autres initiatives. En signe de reconnaissance, l'Université St. Anne m'a remis un doctorat honorifique en science politique.
Je remarque avec intérêt que depuis mon départ en 1991 jusqu'à aujourd'hui, les choses ont peu progressé. Elles commencent à changer maintenant. Nous avons un nouveau député et ministre en Nouvelle-Écosse du nom de Chris d'Entremont, qui est très jeune et dynamique. Vous l'avez sans doute rencontré. Il a déposé un projet de loi à l'Assemblé législative de la Nouvelle-Écosse pour garantir le service en langue française aux francophones de la province dans de nombreux ministères d'abord et puis à tous les ministères. Le projet de loi a été déposé il y a quelques mois à peine. Il poursuit ce travail important même si en Nouvelle-Écosse le pourcentage de francophones n'est que de 2 ou 3 p. 100. C'est bien ça, sénateur Comeau?
Le sénateur Comeau : Il est de 4,5 p. 100.
Le sénateur Buchanan : J'étais proche. Nous avançons dans la bonne voie. Vous étiez à Halifax il y a quelques semaines en votre qualité de ministre du Patrimoine et vous avez constaté, je crois, que la Nouvelle-Écosse est dans la bonne voie.
Mme Frulla : Oui.
Le sénateur Buchanan : C'est pourquoi je suis ravi d'avoir été invité à devenir vice-président du Comité des langues officielles.
Après cette digression, je voudrais vous poser une question.
Que voulez-vous dire — le sénateur Murray en a déjà parlé mais je ne comprends toujours pas — quand vous parlez de faire passer de 68 à 80 p. 100 la proportion d'enfants francophones inscrits à l'école française? J'ai du mal à comprendre. Êtes-vous en train de dire qu'entre 68 et 80 p. 100 des enfants sont francophones, ou seront des francophones, à l'école de langue française?
Mme Frulla : Il y a des francophones au pays qui ne se prévalent pas de leurs droits. Ils ont le droit à l'enseignement en français mais ne s'en prévalent pas.
Le sénateur Buchanan : Et pourquoi?
Mme Judith Larocque, sous-ministre, ministère du Patrimoine canadien : Il y a plusieurs raisons à cela. Parfois, les parents n'apprécient pas la qualité de l'enseignement; ou, pour les jeunes qui voudraient poursuivre dans un établissement postsecondaire de langue française, parfois cette option n'existe pas.
Ces mesures essaient d'instaurer un climat qui incitera les parents à envoyer leurs enfants là où la qualité de l'enseignement est telle qu'il sera intéressant pour les parents et les jeunes qui voudront poursuivre leurs études en français.
Le sénateur Buchanan : Quand vous dites « la proportion des enfants francophones », s'agit-il d'enfants de parents francophones et d'enfants d'un seul parent francophone? Comment cela fonctionne-t-il aujourd'hui?
M. Lussier : Un parent suffit à vous donner le droit à l'enseignement dans la langue de la minorité, dans le cas présent : le français.
Le sénateur Buchanan : C'est ce dont nous parlions ici. Êtes-vous en train de dire que le gouvernement cherche à faire passer ce pourcentage de 68 à 80 p. 100? Très bien. Encore une fois, soyez les bienvenus.
[Français]
Le président : Je sais que le sénateur Chaput a une autre question. Je ne sais pas si elle est en rapport avec Air Canada, mais permettez-moi de soulever un point en particulier. Vous le savez, madame la ministre, le gouvernement est dans une situation minoritaire. Il y a eu des élections récemment et il pourrait s'en tenir à tout moment. Les dieux ou la majorité décideront. Après chaque élection, il y a des changements de portefeuille. Ce qui m'a toujours dérangé, et je vous prie de ne pas le prendre comme une critique personnelle, c'est que lors des bouleversements et des changements de cette nature, ce sont les programmes et leurs récipiendaires qui en souffrent. J'ai raison ou tort, mais je voudrais que vous me donniez une assurance sur ce point.
Par exemple, vous négociez en ce moment des ententes avec les communautés ou avec les provinces. Si dans deux ou trois mois, nous étions plongés dans un autre exercice électoral, qui serait alors responsable de la boutique? Je sais que vous restez ministre en titre jusqu'à ce que vous soyez remplacée.
Mme Frulla : Ce n'est pas l'intention, nous nous entendons bien.
Le président : Je parle d'une situation hypothétique. À supposer que vous soyez remplacée, votre successeur devra se familiariser avec le portefeuille, le contenu des programmes, et cetera. Pouvez-vous me donner l'assurance que, dans un contexte pareil, qui survient de temps en temps, les récipiendaires des programmes n'auront pas à souffrir et qu'on pourra livrer la marchandise à temps, pour qu'ils puissent planifier raisonnablement? Qu'avez-vous en place pour assurer la continuité?
Mme Frulla : Premièrement, on travaille à long terme et à court terme. À court terme, on veut conclure les ententes en éducation, c'est crucial. En attendant, les ententes actuelles continuent de fonctionner. Personne ne sera privé de son dû.
Par contre, on veut conclure ces ententes avant le mois de mars 2005. Je doute — je peux me tromper — qu'au mois de mars 2005, il y ait une élection. Donc ces ententes seront terminées.
Pour répondre spécifiquement à votre question, une fois les ententes conclues, les financements en découleront; c'est un automatisme. C'est la même chose pour les communautés : les consultations se terminent en janvier 2005, et à partir de ces consultations, les décisions seront prises en vue du mois de mars 2005, donc en parallèle. Une fois les ententes établies avec les communautés, les mécanismes pour la rétribution de fonds se font automatiquement.
Dans ces ententes, une philosophie découle du plan gouvernemental. Ce plan est bien expliqué et bien établi. Vous avez le rôle de la commissaire aux langues officielles pour rappeler à l'ordre. Nous avons des mécanismes pour faire en sorte que les communautés ne seront pas privées à cause de rendez-vous électoraux plus ou moins voulus.
Le système est mis en place, non seulement pour les langues officielles, mais aussi pour la culture, la condition féminine. Un ministre va donner des orientations, mais c'est toujours par rapport au suivi. Sinon, dans certains cas, si ce sont des orientations majeures, on s'assure premièrement d'avoir des alliés, des partenaires d'autres parties.
Deuxièmement, nous nous assurons que c'est faisable. En résumé : vision à long terme, mais action à court terme. C'est la façon de travailler dans un gouvernement minoritaire.
Le sénateur Murray : C'est pour cela que nous avons une fonction publique permanente.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Les ministres passent, mais la fonction publique reste.
Le sénateur Buchanan : Qui veille aux grains?
Le sénateur Murray : Eux.
Mme Frulla : Dieu merci — Et vous l'avez vécu, sénateur Murray — nous avons cette continuité et cette protection. C'est une orientation, dépendant de qui est là, mais j'ai la ferme intention d'être ici et de rester un moment. Pendant quatre mois, nous avons participé à toutes ces séances d'information dans une multitude de comités. Croyez-moi. J'ai bien l'intention d'être ici un moment.
Le sénateur Buchanan : Vous avez acquis cette attitude positive au contact de gens comme Robert Bourassa.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je vais tâcher d'être brève. Pour faire suite aux propos du sénateur Comeau, Air Canada est sous la responsabilité du ministère des Transports. Je suis surprise de constater que la partie VII de l'article 41 ainsi que de l'article 42 ne confère pas une responsabilité à Patrimoine canadien pour assurer qu'Air Canada se conforme à ses obligations. Cela peut vouloir dire que, soit ce ministère n'est pas sur la liste des organismes ou des institutions, soit il s'est trouvé une porte de sortie.
Deuxième commentaire : vous avez parlé des protocoles en place, lors de votre présentation. Quinze protocoles sont déjà en place touchant des secteurs très importants. Dans les protocoles en place, est-ce qu'il y a des clauses qui protègent les droits de la minorité de langue officielle et qui obligent les provinces à rendre des comptes sur l'usage des sommes qu'elles reçoivent pour les services en français. S'il n'y a pas de clause dans les 15 protocoles en place, pouvez-vous, madame le ministre, nous assurer que les nouveaux protocoles contiendront une clause qui protègera les droits des francophones et qui soumettra les provinces à une obligation de reddition de compte?
En particulier, je prends l'exemple du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je parlais aujourd'hui avec une francophone du Nord qui me disait que les TNO, le Yukon et le Nunavut se sont entendus pour des services de santé en français et ont développé un plan qui a été soumis. Ils attendent maintenant qu'ils fassent partie des sommes allouées au ministère des Affaires Indiennes et du Nord canadien, en fonction des services, et espèrent qu'une clause va protéger leurs droits.
Mme Frulla : Concernant Air Canada, la partie VII s'applique aux corporations de la couronne. Air Canada est une société privée.
Le sénateur Chaput : Ils reçoivent des fonds du gouvernement fédéral?
Mme Frulla : Bombardier aussi en reçoit et d'autres compagnies. Air Canada est une entreprise privée maintenant. Par contre, dans ses obligations de vente ou d'achat, il y avait une clause de bilinguisme.
La partie VII, pour répondre à votre question, ne s'applique pas. C'est pour cette raison que cela relève du ministère des Transports. Tout ce qui concerne la gestion d'Air Canada, en tant que compagnie privée d'aviation, par rapport à d'autres compagnies et à la compétition, relève du ministère des Transports.
Deuxièmement, il ne faut pas mêler les deux choses. Nous avons des ententes avec les provinces en éducation. Cela ne fait pas partie des 15 ententes. On a des protocoles d'entente avec des ministères qui les obligent à offrir des services en français. On demande aux ministères de nous fournir des rapports. À ce sujet, notre rapport annuel sera plus détaillé. Ce qui veut dire que l'on insistera plus sur certains ministères et moins sur d'autres. En général, on a 15 ministères qui participent pleinement.
Maintenant, pour les ententes avec les provinces, en éducation, c'est une autre chose. Nous avons envoyé une lettre disant :
Votre gouvernement devra soumettre un rapport certifié final sur les investissements réalisés et les résultats atteints en 2004-2005, conformément à son plan d'action et en lien avec les objectifs en éducation du Plan d'action du Canada.
On demande aux provinces de soumettre un rapport. Cela fait partie des négociations qui doivent se terminer et les ententes qui doivent être signées en mars 2005.
Le sénateur Chaput : Est-ce que cela s'applique également à des ententes dans le domaine de la santé?
Mme Frulla : Non. Nous, c'est vraiment en éducation, l'enseignement du français et l'enseignement de la langue seconde. Le ministère de la Santé s'occupe de ses négociations.
Le sénateur Chaput : Avez-vous une responsabilité interministérielle, à titre de ministre du Patrimoine canadien, d'encourager le ministère de la Santé à s'assurer qu'il y ait une clause de protection?
Mme Frulla : Oui, on a une responsabilité de coordonner que le ministère de la Santé s'assure qu'il donne les services en français. On a cette responsabilité.
Je ne suis pas la seule. Mauril Bélanger a la responsabilité du Plan d'action gouvernemental. Nos programmes sont dirigés vers l'extérieur, à l'extérieur du gouvernement. Nous sommes responsables de la partie VII législativement parlant, et des programmes vers les communautés. C'est notre responsabilité. Mauril Bélanger a la responsabilité du Plan d'action gouvernemental, des 750 millions.
Le président : Je sais que le sénateur Comeau voudrait prendre la parole. Madame la ministre, nous avions convenu de vous libérer vers 18 h 30. Vous avez quelques minutes encore?
Mme Frulla : Bien sûr.
Le sénateur Comeau : Je voudrais revenir à la discussion que vous avez eue avec le sénateur Chaput, au sujet de la participation d'Air Canada dans le dossier des langues officielles. Je vais citer le projet de loi qui date de 1989, dans lequel le gouvernement a décidé de vendre ses parts. Cela a été fait selon la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Le gouvernement avait mandaté Air Canada pour acheter des parts appartenant au Canada. Je vous cite une phrase qui se trouve dans le National Post du 29 :
— the airline have operations in Winnipeg, Montreal and Mississauga, and that it be held to the requirements of the Official Languages Act as if it were a federal institution.
Cela contredit carrément ce que vous avez indiqué au sénateur Chaput, à savoir que cette entreprise privée n'est pas assujettie à la Loi sur les langues officielles.
Le président : Je ne crois pas que ce soit ce que Mme Frulla a dit. Elle a affirmé que c'était une compagnie privée, mais elle n'est pas allée aussi loin que votre citation.
Le sénateur Comeau : Je lis la citation. Ma question pourrait être : est-ce que le journaliste est dans l'erreur?
Mme Frulla : J'ai dit que dans leur loi, ils sont obligés d'observer le bilinguisme. C'est une compagnie privée. On ne peut pas les obliger comme s'ils étaient une société d'État.
Le sénateur Comeau : Avant que vous ne répondiez, vous étiez en train de dire que le journaliste est dans l'erreur?
Le président : Je m'excuse de vous interrompre, mais la commissaire aux langues officielles, qui assiste à ces réunions, me confirme qu'Air Canada est assujettie à l'ensemble de la Loi sur les langues officielles, y compris à la partie VII de la loi.
Mme Frulla : Il y a une obligation à la partie VII actuellement, excepté qu'il y a présentement des négociations. Il faut absolument faire appel au ministre des Transports parce que dans la négociation — je pense que la commissaire aux langues officielles sera d'accord avec moi — on se retrouve dans une condition particulière. Une compagnie qui était et fonctionnait comme société d'État, assujettie aux lois d'une société d'État, est devenue une compagnie privée. Cette compagnie privée était presque en faillite; il y a donc des impératifs d'emplois, des impératifs du marché, des impératifs économiques qui s'ajoutent aux obligations. Le gouvernement veut qu'Air Canada applique la Loi sur les langues officielles ou soit bilingue, on va dire les vrais mots.
Maintenant, dans cette volonté qu'Air Canada demeure bilingue et respecte ses obligations, il y a aussi des tractations qui peuvent se faire. Jusqu'à quel point les tractations peuvent-elles aller, il faut parler au ministre des Transports. Ce n'est plus sous mon contrôle. Les tractations financières et économiques ne sont plus dans mes mains. On pourrait décider un jour qu'Air Canada demeure une compagnie parfaitement bilingue à la grandeur du Canada. Mais actuellement, il y a des demandes. Ce que j'ai entendu dire du ministre des Transports, avec véhémence, c'est que notre volonté gouvernementale n'est pas de voir Air Canada devenir partiellement bilingue.
Le sénateur Comeau : Je comprends tout cela. Si vous êtes la ministre responsable de l'application de la Loi sur les langues officielles, nous ne pouvons pas soutenir que, Air Canada étant une compagnie privée, vous n'êtes plus la ministre responsable des langues officielles et que cette responsabilité incomberait au ministre des Transports. Vous êtes la ministre responsable des langues officielles, pas la ministre des Transports.
Mme Frulla : Je pourrais mentionner Mauril Bélanger dans ce dossier, précisément par rapport à une exception qui s'appelle Air Canada. Il y a des pistes d'action qui ne sont pas tout à fait claires. Autrement dit, mon collègue responsable du transport est responsable de la santé financière et du service à la population. Il y a le responsable de la partie VII, Mauril Bélanger, responsable gouvernemental des langues officielles. C'est un peu un cas d'exception et il doit être traité comme un cas d'exception. La commissaire aux langues officielles ne peut pas le faire. Elle ne peut pas le traiter de cette façon.
Le sénateur Comeau : Monsieur le président, s'il y a ambiguïté pour savoir qui est responsable de la question des langues officielles, je crois que c'est notre rôle et notre responsabilité de voir à ce qu'il n'y ait pas ce genre d'ambiguïté. On n'a pas besoin que le ministres responsables des langues officielles, le ministre des Transports, le ministre de Patrimoine canadien nous indiquent que tel ministre prendra telle responsabilité, et cetera.
Il faut avoir des précisions sur ces responsabilités. Cela rejoint un peu ce que nous disait la commissaire aux langues officielles, c'est-à-dire qu'il y a des problèmes qu'on doit régler d'une manière ou d'une autre.
Mme Frulla : Je vais vous dire où je diverge un peu. D'une part, il y a eu un Plan d'action gouvernemental de 750 millions de dollars. D'autre part, il y a, dans l'ensemble du Plan d'action gouvernemental, une action qui se déroule très bien. Il y a un cas d'exception, Air Canada. J'ai siégé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. J'ai constaté quelles sont les obligations et les difficultés auxquelles fait face la compagnie. Ce n'est pas simple. Après cela, tout le monde va se plaindre qu'il n'y a plus de transport dans nos régions. C'est un cas d'exception qui doit être traité de façon très particulière. Cependant, la position gouvernementale ne change pas. On veut qu'Air Canada demeure bilingue. Cela a été la position gouvernementale et c'est la loi.
Le sénateur Murray : Nous avons privatisé Air Canada. Ce faisant, nous lui avons imposé la Loi sur les langues officielles. La faillite ne change pas les choses.
Mme Frulla : Je n'entends jamais dire que la loi ne s'appliquera plus. Jamais! Dans les tractations d'affaires, il y a des intentions et des négociations par rapport à d'autres choses. La position gouvernementale ne change pas. La loi, c'est la loi. C'est une condition de la privatisation d'Air Canada. Nous ne nous immisçons pas dans les tractations économiques. Nous ne bougeons pas. Air Canada doit demeurer bilingue. Le ministre des Transports le dit et Mauril Bélanger, le ministre responsable des langues officielles, le dit aussi, haut et fort.
Le sénateur Comeau : S'il y a un manque de responsabilité et d'imputabilité face à Air Canada, il y en aura peut-être également avec la vente de tous les édifices fédéraux au Canada, telle que proposée par le ministre Brison. Je crois qu'il s'agit d'une question sur laquelle le comité devrait se pencher.
Le président : Il y a énormément de problèmes et d'opinions différentes en ce qui concerne l'application de la Loi sur les langues officielles. Ce soir, nous devions examiner le portefeuille du ministre du Patrimoine canadien. Je comprends qu'il y a des chevauchements. Je ne vous fais pas un reproche, sénateur Comeau, mais il y a aussi un Comité sur les langues officielles à la Chambre des communes. Je voudrais que ce comité ne se disperse pas trop et qu'il ne fasse pas en double le travail qui se fait ou se fera à la Chambre des communes. On peut ignorer la Chambre des communes. Le Sénat peut prendre la direction qu'il veut.
J'ai fait partie du Comité des transports qui s'est penché sur la privatisation d'Air Canada. Je me souviens très bien qu'on a reçu l'assurance du ministre à ce moment que la Loi sur les langues officielles continuerait de s'appliquer à Air Canada. Rien n'a changé. Cependant, le pays évolue, il y a des problèmes qui percent de temps à autre et il faut tâcher de les solutionner. Essayons de nous concentrer sur les questions que nous avons convenu de débattre au tout début de cet exercice. Si le sénateur Comeau désire qu'on fasse venir le ministre des Transports, on peut le faire.
Le sénateur Comeau : Ai-je dit qu'on devait se pencher sur la question d'imputabilité? Peut-être que cela deviendra une priorité pour ce comité. Cependant, si la ministre dit : oui, mais c'est une exception. Alors on ne peut pas jouer notre rôle.
Le président : En réalité, il aurait peut-être été plus heureux de ma part de ne pas soulever le problème d'Air Canada ce soir.
Le sénateur Comeau : C'est moi qui ai soulevé la question.
Le président : Oui, mais cela ne fait pas partie des responsabilités spécifiques de Mme Frulla.
Le sénateur Comeau : Elle n'est pas responsable de la Loi sur les langues officielles? J'apprends quelque chose de nouveau ici ce soir!
Le président : Cette responsabilité est partagée par plusieurs ministères.
Mme Frulla : Honnêtement, deux heures plus tard, on ne peut tout de même pas dire qu'on se décharge de nos responsabilités. Je m'excuse! Comme j'ai tenté de l'expliquer, nous sommes responsables de la Loi sur les langues officielles dans la mesure où la Loi sur les langues officielles s'applique. Dans le cas d'Air Canada, la Loi sur les langues officielles s'applique. La compagnie Air Canada a dans sa loi une clause de bilinguisme. Notre position gouvernementale n'a pas changé par rapport à Air Canada. Pas du tout! La loi est là et elle s'applique. Nous ne sommes pas responsables des tractations économiques ou des velléités de certains acheteurs de vouloir se décharger de leurs responsabilités. Actuellement, il n'y a pas de problèmes à Air Canada. La loi est là et Air Canada est obligée de la respecter. Les velléités des acheteurs ne relèvent pas de nous.
Le sénateur Comeau : On y reviendra.
Le sénateur Léger : Madame la ministre, pouvons-nous penser à un ciel ouvert parce qu'il n'y a plus de frontières? Quelle est votre opinion là-dessus?
Mme Frulla : Je suis ici en tant que ministre du Patrimoine canadien. C'est assez difficile. Connaissez-vous l'ampleur des responsabilités du ministre du Patrimoine canadien et du ministre responsable de la condition féminine? Honnêtement, je serais très mal venue de donner une opinion personnelle car je ne connais pas ce sujet. Je veux la même chose que vous. Je veux un service efficace et sécuritaire, offert dans ma langue. Comme citoyenne, c'est ce que je demande.
Le président : Madame Frulla, au nom des sénateurs, je tiens à vous remercier de votre honnêteté et de votre franchise qui ont été très utiles à notre comité.
Mme Frulla : C'est moi qui vous remercie.
La séance est levée.