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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 4 - Témoignages du 13 décembre 2004


OTTAWA, le lundi 13 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 8, pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.

Le sénateur Eymard G. Corbin (président) au fauteuil.

[Français]

Le président : Nous voici rendus à la septième réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Nous avons l'honneur aujourd'hui d'accueillir le ministre de la Justice, l'honorable Irwin Cotler. Il est accompagné de collaborateurs qu'il aura la gentillesse de nous présenter.

M. Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, c'est un honneur de comparaître devant votre comité aujourd'hui pour traiter d'un sujet qui me tient particulièrement à cœur, celui des langues officielles, mais dans le contexte particulier de l'accès à la justice, qui est pour moi aussi une question des droits de la personne.

Je souhaite débuter en vous confirmant, comme je vous l'ai déjà écrit pour un autre sujet, la grande importance que j'accorde aux travaux du Comité sénatorial permanent des langues officielles et à la réalisation des objectifs de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Je me suis d'ailleurs intéressé très tôt dans ma carrière académique à l'histoire et à la protection des langues officielles et des cultures au Canada. Ma première publication traitait d'ailleurs de ce sujet et l'introduction de mon étude cite les propos d'Henri Bourassa tel qu'évoqué 90 ans plus tôt et je cite :

N'oublions jamais que la conservation de la langue, la lutte pour la langue, c'est toute la lutte pour l'existence nationale.

Je reconnais que pour les minorités linguistiques de langues officielles, la protection que leur offre le droit linguistique constitutionnel et quasi constitutionnel joue un rôle essentiel. Comme l'ont indiqué les tribunaux, la langue est en effet bien plus qu'un moyen de communication, c'est aussi un moyen d'exprimer notre identité. J'ai aussi dis que c'est une question qui touche au fond la question des droits de la personne.

Dans un pays officiellement bilingue comme le Canada, je crois que tous les efforts doivent être faits pour assurer à nos concitoyens, et tout spécialement aux membres des groupes des langues officielles en situation minoritaire, le respect de leurs droits linguistiques. C'est un élément fondamental du Canada, un élément qui nous ramène à l'essence même de notre pays. Les tribunaux et particulièrement la Cour suprême a cité l'importance de ce principe.

Comme je suis également d'avis qu'il y a toujours matière à amélioration dans toute organisation, je compte m'assurer que moi-même et mon ministère fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour travailler à améliorer de façon continue la qualité des services offerts aux groupes de langues officielles en situation minoritaire de partout au pays. Ce faisant toutefois, nous devons nécessairement tenir compte du fait qu'au Canada, l'administration de la justice est un domaine de compétence partagée.

[Traduction]

Ceci dit, je sais pertinemment que nous ne pouvons pas nous contenter de généralités ou de vœux pieux, aussi louables puissent-ils être. C'est pourquoi le précédent gouvernement a adopté un Plan d'action pour les langues officielles, plan auquel l'actuel gouvernement a accordé un soutien ferme et clair. Pour le ministère de la Justice et pour moi-même, ce plan revêt une grande importance car il nous permettra de réaliser des avancées importantes dans certains domaines.

Permettez-moi maintenant de faire le résumé de certaines des initiatives que nous avons prises.

Premièrement, nous avons réalisé des progrès notables dans le dossier des contraventions. Un nouvel accord a été signé avec l'Ontario en mars 2003, le Manitoba en février 2004, et la Colombie-Britannique en juin 2004. Le ministère poursuit ses discussions avec la Nouvelle-Écosse et le Québec pour renégocier ses accords actuels. Nous venons d'ailleurs de revoir et d'approuver la version finale du constat bilingue qui sera utilisée au Québec pour les contraventions fédérales.

À ce jour, dans les six provinces où le régime de contraventions est resté en place, des dispositions spécifiques assurent que les formulaires seront bilingues. Je m'attends à d'autres développements au cours des prochains mois.

[Français]

Deuxièmement, quant au dossier de la réédition des textes législatifs, le ministère a mis sur pied un groupe qui se consacre uniquement à cette tâche. Une évaluation préliminaire des exigences de la loi a été complétée et le ministère a initié des contacts avec les autres ministères pour les informer de leurs responsabilités en ce qui a trait au texte législatif qui relève d'eux. Le ministère a jusqu'en 2007, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, pour compléter son examen, et une année de plus pour effectuer un rapport détaillant les résultats de cette analyse aux deux chambres du Parlement. Cette tâche nous permettra de s'assurer une fois pour toute que tous nos textes législatifs fédéraux sont constitutionnellement valides.

[Traduction]

Troisièmement, monsieur le président, nous avons déposé au Sénat, et c'est sur le point d'être adopté, notre loi d'harmonisation destinée à rendre conforme le droit fédéral aux concepts, définitions et termes du droit civil et de la common law. Cette mesure nous place à l'avant-garde internationale en matière de bijuridisme — droit civil et common law — et d'harmonisation de ces deux régimes juridiques dans les deux langues.

Quatrièmement, le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, comme il se nomme, a été mis sur pied dans le cadre du Plan d'action du gouvernement. Il vise à accroître la capacité du ministère à élaborer des mesures innovatrices en vue d'améliorer l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Il vise également à sensibiliser la communauté juridique et les groupes de langue officielle en situation minoritaire quant à l'exercice de leurs droits linguistiques.

Les projets financés par le Fonds le sont dans le cadre d'accords de contribution conclus avec des organismes à but non lucratif ou des organismes publics. Le Fonds a été plutôt bien accueilli par les groupes de langue officielle en situation minoritaire de partout au pays et j'ai confiance qu'il produira les résultats escomptés.

Depuis sa mise sur pied, en juin 2003, le Fonds a appuyé plus de 40 projets dont beaucoup visent à améliorer la demande et l'offre des services en matière de justice. Par exemple, le Fonds assure le financement de base des associations de juristes d'expression française et leur Fédération nationale appuie la création d'ouvrages originaux de common law en français et de droit civil en langue anglaise. Cela a été réalisé.

[Français]

Parmi eux, la faculté de droit de l'Université McGill qui s'adresse aux deux systèmes de loi.

[Traduction]

Il soutient la formation en terminologie juridique des intervenants judiciaires de l'Ouest et du Nord canadien de même que la formation linguistique des juges bilingues de la Cour du Québec ...

[Français]

... et appuie l'élaboration d'outils à l'intention des juristes desservant les justiciables de langues officielles en situation minoritaire.

En outre, une évaluation formative du fonds d'appui sera complétée en septembre 2005. Cette évaluation sera axée sur la structure du fonds. Une évaluation finale ou sommative, sera pour sa part complétée en septembre 2007. Ces évaluations permettront au ministère d'assurer l'atteinte des résultats souhaités.

[Traduction]

Cinquièmement, le ministère a également élargi et approfondi ses mécanismes de consultation en mettant sur pied un comité consultatif qui se penche sur les questions liées à la justice dans les deux langues officielles. Il assure ainsi le lien entre les intervenants des milieux juridiques et communautaires de langue officielle en situation minoritaire. Ce comité a tenu sa première réunion le 26 février dernier. Deux sous-comités ont été créés sous l'égide du comité consultatif.

[Français]

Plus récemment, le 4 décembre, le ministère a tenu la première réunion du sous-comité sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Le sous-comité consultatif — Volet communautaire (article 41 de la LLO) — tiendra sa première réunion en février 2005.

[Traduction]

Sixièmement, le ministère a joué un rôle moteur afin de mettre sur pied un groupe de travail fédéral-provincial- territorial sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Ce groupe se penche notamment sur les constats d'une étude intitulée L'état des lieux sur la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles qui a recensé les obstacles à l'accès à la justice dans les deux langues officielles; le groupe de travail se penche sur les obstacles ainsi recensés dans le but de mettre en œuvre des mesures correctrices à cet égard. Le groupe a tenu trois réunions jusqu'à présent. Ses membres se sont réunis pour la première fois en personne à Ottawa le 30 mars en vue d'adopter un plan de travail. Une deuxième réunion est prévue pour février 2005.

J'ajouterai ceci : toute la question de la protection des droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le cadre de l'accès à la justice figurera également à l'ordre du jour de la prochaine réunion fédérale- provinciale-territoriale des ministres de la Justice et des procureurs généraux du Canada.

[Français]

Par ailleurs, le ministère est également actif en matière d'aide juridique.

[Traduction]

À titre d'élément de la Stratégie de renouvellement de l'aide juridique, un Fonds d'investissement a été créé pour favoriser des approches novatrices afin de répondre aux besoins qui se font sentir en aide juridique en matière pénale, et en matière civile dans les territoires.

[Français]

Pour recevoir du financement au long des trois années de la stratégie, chaque juridiction a préparé un plan d'affaire triennal qui comprend des dispositions relatives aux langues officielles.

[Traduction]

Bien qu'il soit prématuré d'établir un bilan, un certain nombre d'initiatives en matière de langues officielles sont mises en œuvre avec les ressources émanant du Fonds. Il s'agit notamment de services d'information étendus pour être fournis dans les deux langues officielles; de formulaires de demandes d'aide juridique bilingues; de la prestation de services dans les deux langues officielles par les avocats commis d'office et ceux commis aux termes de l'arrêt Brydges, et d'un accroissement de la capacité de fournir de l'aide en matière d'aide juridique dans les deux langues lors du procès. Nous allons continuer de suivre avec grand intérêt les progrès de ces initiatives dans les mois à venir, et nous avons bon espoir qu'ils donneront corps aux objectifs que nous avions à l'esprit.

Comme vous pouvez le constater, le ministère prend très au sérieux ses responsabilités découlant du Plan d'action. Je suis d'ailleurs particulièrement encouragé par les mesures mises de l'avant par les fonctionnaires du ministère jusqu'à présent. Toutefois, comme je l'ai souligné précédemment, nous devons sans relâche chercher à améliorer l'accès à la justice pour les groupes de langue officielle en situation minoritaire, ce qui m'amène à mon dernier sujet de préoccupation.

[Français]

Monsieur le président, c'est un enjeu qui a été le sujet de quelques inquiétudes.

J'aimerais maintenant me pencher sur la question des juges bilingues. Il est vrai que des inquiétudes ont été soulevées concernant l'importance relative des juges bilingues au sein de certaines de nos cours.

[Traduction]

Je tiens à rassurer le comité et les divers groupes d'intérêt qui ont signalé ces sujets de préoccupation, et avec qui je m'entretiens à intervalles réguliers, qu'en tant que ministre de la Justice et procureur général, je tiens à faire en sorte que le profil linguistique de la magistrature fédérale garantisse l'accès à la justice dans les deux langues officielles. En particulier, avant de recommander au cabinet la nomination d'un juge, j'en discute avec le juge en chef de la cour en question pour déterminer les besoins de la cour, notamment en matière de capacité linguistique.

[Français]

Comme vous le savez sans doute, les juges en chef sont responsables de l'affectation des juges pour les séances des tribunaux. Ils sont donc bien placés pour avoir une vue d'ensemble des dossiers inscrits au rôle et pour comprendre les besoins des communautés qui sont desservies. Cette connaissance particulière permet au juge en chef de m'indiquer les domaines de qualification dont il faut tenir compte, y compris la capacité linguistique.

[Traduction]

Je vais terminer sur ce point et — j'insiste là-dessus — j'invite tous les groupes à nous signaler des candidats bilingues qualifiés et j'encourage ces candidats à présenter leur candidature au comité judiciaire consultatif pertinent. Cela nous aidera à faire en sorte qu'il y ait une réserve de candidats bilingues dans laquelle puiser pour combler les vacances au fur et à mesure qu'elles se présenteront.

Ceci conclut mon exposé. Je vous remercie de votre attention. Mes collaborateurs et moi-même serons heureux de répondre à vos questions découlant de mon allocution ou de tout autre sujet.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Cotler. J'aimerais présenter aux autres membres du comité les fonctionnaires qui vous accompagnent. Il y a Mme Suzanne Poirier, avocate générale et directrice, Francophonie, Justice en langues officielles et bijuridisme;

[Français]

Monsieur Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles et Monsieur Marc Giroux, conseiller à la magistrature, cabinet du ministre.

Le sénateur Comeau : Monsieur le ministre je vous remercie de votre présence ce soir. J'aimerais vous remercier pour votre intérêt personnel dans le domaine qui nous intéresse.

Je voudrais, monsieur le ministre, toucher à la responsabilité de votre ministère dans l'examen des initiatives, des programmes et des orientations politiques des institutions fédérales qui sont susceptibles d'influencer les langues officielles. Si je comprends bien, on parle de la question du cadre d'imputabilité qui fait partie du plan d'action.

Depuis la décision dans l'arrêt Marshall, il y a quelques années, le ministère des Pêches et Océans est en train de faire une redistribution d'un groupe à un autre groupe des ressources dans la mer. Le coût de transfert de ces ressources d'un groupe à l'autre s'élève à des centaines de millions de dollars. Je ne veux pas toucher à la question de savoir si la décision pour ce faire est bonne ou non, c'est une autre question. Ce qui est en train d'arriver, c'est qu'il y a un groupe qui se fait enlever ses ressources. Ce groupe n'a jamais été consulté, sauf les détenteurs de licence pour les prises de poissons qui sont remboursées quand la licence est acheté et ils sont probablement très heureux après avoir reçu des montants assez considérables. Mais les communautés qui ont contribué au développement de l'industrie pendant presque des centaines d'année dans certains cas sont complètement ignorées dans la décision et beaucoup de ces communautés sont des communautés acadiennes de l'Atlantique.

En tant que ministre qui examine ces dossiers, pourriez-vous pouvez nous dire si au moins un minimum de consultations avec ces communautés auraient dû avoir lieu afin de déterminer l'impact des décisions d'un ministère sur ces communautés?

M. Cotler : Je vais essayer de répondre à votre question et mes fonctionnaires peuvent ajouter des commentaires à l'égard de ce cadre d'étude particulière. Dans notre système, la fonction publique assure la continuité et les langues officielles ne font pas exception à cette règle. La Loi sur les langues officielles — et cela touche la question des consultations — consacre des rôles institutionnels importants par rapport aux communications, aux services et à la promotion des langues officielles. Les fonctionnaires jouent pleinement leur rôle à cet égard.

Cela dit, le gouvernement s'est doté de meilleurs mécanismes de coordination et d'intégration de programmes des langues officielles, justement afin d'assurer une vision horizontale à plus long terme. C'est une question d'assurer une coordination. Celle-ci doit être en conséquence des questions de consultations désirables dans ces circonstances. Les ministres clés ont vu leur rôle consigné dans le cadre d'imputabilité. Ils sont appuyés, dans la fonction publique, par un comité de sous-ministres qui est lui-même appuyé par des fonctionnaires. Alors on peut dire qu'il y a un ensemble d'engagements du ministère de la Justice et des sous-ministres pour se doter de meilleurs mécanismes de coordination et d'intégration.

[Traduction]

Le sénateur Comeau : Depuis 1979, monsieur le ministre, des centaines de millions de dollars des ressources naturelles ont été enlevés à une population. Ce qui définissait ces gens — leur gagne-pain, leur mode de vie — leur a été enlevé. Écartons l'argument qu'il s'agissait de protéger l'intérêt supérieur d'un autre groupe, je parle de la décision dans l'affaire Marshall, pour corriger ce qui était perçu comme un tort vieux de plusieurs siècles. Il n'en reste pas moins qu'une fois qu'on a retiré à un groupe son gagne-pain, le seul à en profiter a été celui qui détenait le permis. Le reste de la population, qui avait investi dans cette localité, n'a jamais été consulté quant aux conséquences qu'entraînerait pour elle la décision du gouvernement. Le seul à avoir été consulté était le détenteur du permis.

Ce que je suis en train de vous, monsieur le ministre, c'est que le plan d'action tel qu'il a été proposé à l'époque par le ministre Dion n'a pas été suivi. Ce plan énonce essentiellement que si un ministère prend des mesures qui auront des répercussions sur nos collectivités de langues officielles, il a la responsabilité au moins de consulter — et j'utilise l'expression « au moins » parce qu'il s'agit d'un minimum — cette collectivité, et de prendre des mesures destinées à atténuer le tort que cela causera à cette collectivité, même s'il agit ainsi pour ce qu'il perçoit être l'intérêt général et pour régler un problème qui existait ailleurs.

Je ne suis pas sûr que la réponse que vous m'avez donnée concernait directement l'aspect dont je voulais traiter.

M. Cotler : En ce qui concerne le cas précis dont vous avez parlé, je n'ai pas la mémoire institutionnelle qui peut vous aider à cet égard. Je demanderai par conséquent à mes collaborateurs s'ils peuvent vous aider.

Cependant, en ce qui concerne la consultation, et je parle des principes généraux d'accès à la justice dans les deux langues officielles, comme je l'ai indiqué, nous avons cherché à élargir et à améliorer notre mécanisme de consultation en établissant un comité consultatif chargé d'étudier les questions ayant trait à la justice dans les deux langues officielles. Ce comité a pour rôle d'assurer la liaison entre les intervenants des milieux juridiques et ceux de la communauté de langue officielle en situation minoritaire.

Comme je l'ai indiqué, le comité s'est réuni la première fois en février 2004. Deux sous-comités ont été créés sous l'égide de ce comité consultatif. L'un portera sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles et l'autre sous- comité consultatif qui s'intéresse plus particulièrement à l'aspect communautaire se réunira pour la première fois en février 2005.

Je ne suis pas sûr que la question dont vous parlez, l'attribution des ressources, s'inscrit dans le contexte dont nous discutons aujourd'hui car je ne suis pas sûr qu'elle ait une dimension linguistique.

Le sénateur Comeau : Voici où je voulais en venir. Dites-moi si je me trompe dans ma perception du plan d'action. Si les gouvernements prennent des mesures susceptibles de nuire aux communautés linguistiques en situation minoritaire au point où les gens sont obligés de quitter leur collectivité, cette collectivité perd sa viabilité. Dans le cas dont je vous parle, les Acadiens ont dû commencer à s'en aller parce que leurs emplois avaient disparu. D'après ce que je crois comprendre du plan d'action et du code de responsabilité, le gouvernement devra consulter la collectivité en question.

M. Cotler : Je vous expliquerai pourquoi j'ai fait cette observation puis je céderai la parole à M. Tremblay qui vous répondra de façon plus précise. Relativement à l'affaire Marshall concernant les peuples autochtones, et suite plus récemment aux arrêts Taku River et Haida, le gouvernement a désormais l'obligation de consulter les collectivités autochtones au sujet des questions ayant trait, par exemple, aux revendications en matière de gestion des ressources et des terres à l'égard desquelles un droit autochtone a été établi. J'en viens au fait, je comprends ce que vous demandez.

Le sénateur Comeau : Les Autochtones ont été consultés.

M. Cotler : C'est exact, non seulement en ce qui concerne l'existence du droit ancestral mais aussi en ce qui concerne l'honneur de la Couronne lorsque l'existence du droit ancestral est en train d'être établi. En ce qui concerne l'aspect linguistique en question, nous avons établi, en février 2004, un mécanisme de consultation pour traiter de cette question. Par conséquent, il y aura convergence pour ce qui est de l'obligation de procéder à des consultations sur l'ensemble des revendications portant sur la gestion des terres et des ressources.

En ce qui concerne les aspects particuliers de la question linguistique telle qu'elle s'applique dans le cadre de nos deux sous-comités qui relèvent de notre comité consultatif sur la justice dans les deux langues officielles, comme je n'ai pas de mémoire institutionnelle, je demanderais à M. Tremblay d'y répondre.

[Français]

M. Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles, Justice Canada : Le ministre vous explique que dans le domaine de la justice, nos responsabilités sont claires et rapides. On a fait notre travail afin d'améliorer le régime, les modes de consultation publique par rapport à ce qu'est l'accès à la justice. Cela permet à tous ceux qui revendiquent, quels que soient les droits revendiqués et quel que soit le domaine d'activité, de se faire entendre par des représentants de Justice Canada. Ils peuvent profiter de leurs conseillers juridiques, de leur association juridique qui sont financés à même les fonds de Justice Canada pour venir entretenir leurs collègues ici présents à la table et leurs équipes et nous faire part de cela.

C'est un système de surveillance. C'est une des sphères d'activité du ministère de la Justice. C'est le travail que Suzanne Poirier et son équipe accomplissent. J'ai une emprise relative sur les conseillers juridiques du gouvernement du Canada. Dans chacun des ministères, y compris Pêches et océans, il y a des services juridiques ministériels qui travaillent à ces ministères et les conseillent. Selon le cadre d'imputabilité — notre mandat est décrit à l'intérieur du cadre — je suis allé sensibiliser mes collègues des services juridiques à l'existence de ce cadre d'imputabilité. J'ai expliqué qu'à titre de conseilleurs juridiques, ils devaient avoir des antennes linguistiques quand leurs clients allaient de l'avant avec une initiative. Quand un dossier comme celui-là passe et qu'on a toutes sortes de mécanismes pour sensibiliser les gens et leur faire comprendre les préoccupations, les sources médiatiques, les dossiers chauds, les rapports du commissaire aux langues officielles, enfin tout ce qu'on appelle l'environnement public, tout cela alerte les conseillers juridiques à l'existence de ces dossiers. Il n'y a pas que Justice Canada, c'est notre sphère d'activité. C'est comme cela qu'on peut apprendre et conseiller nos clients.

D'autres ministères partagent la responsabilité de la mise en œuvre pour ce cadre d'imputabilité, nommément les Affaires intergouvernementales, le Bureau du Conseil Privé, qui sont les conseillers du ministre responsable des langues officielles, et la ministre du Patrimoine canadien, comme l'Agence de gestion des ressources humaines du Canada. Ce sont des ministères clés. On a ensemble une vue plus globale du dossier des langues officielles.

La théorie est que notre filet permet de capter la plupart des dossiers. Il y a des poissons trop petits, pour revenir à l'allusion des pêcheries que vous avez faite, qui peuvent passer à travers les maillons du filet, mais ce n'est pas forcément la fin de la question, pour démontrer comment fonctionne le cadre d'imputabilité. J'ai été sensibilisé ce soir à quelque chose qui jusqu'à présent n'était pas sur mon écran radar. Je retourne chez moi et je téléphone à mes collègues de Pêches et océans et je les incite à examiner cette question auprès de leurs clients. Ultimement, cela monte dans les mécanismes que le ministre a déjà décrits, comité des sous-ministres, ministres responsables conjointement des langues officielles, pour que des décisions éclairées soient prises. Ce n'est pas qu'on décide à tout coup que l'intérêt linguistique l'emportera dans un cas donné, mais qu'on prenne les bonnes décisions avec l'information pertinente en vue.

Le sénateur Comeau : Je ne peux pas demander mieux. Merci.

Le président : La question était pertinente et la réponse assez complète. Je veux signaler aux sénateurs que le ministre doit quitter à 18 h 30.

M. Cotler : Ce serait un plaisir pour moi de rester jusqu'à 18 h 30, sauf que j'ai dû quitter le comité du Cabinet à l'égard des opérations et je leur ai assuré que je serais de retour à 18 heures.

Je peux peut-être rester cinq minutes de plus, mais on me demande d'y retourner.

Le président : Les fonctionnaires pourront-ils demeurer avec nous?

M. Cotler : Il me fera plaisir de revenir une autre fois, mais aujourd'hui, il y a des priorités dont je ne peux me défaire.

[Traduction]

Le président : J'encouragerais mes collègues à poser des questions qui se rapportent particulièrement à l'exposé du ministre pendant qu'il est ici pour y répondre.

Le sénateur Buchanan : Je vous remercie, monsieur le ministre. Je ne prendrai pas beaucoup de temps parce que je ne suis pas bilingue. La raison pour laquelle je siège à ce comité, c'est pour apprendre à être bilingue, et j'espère que mes collègues m'y aideront, bien que l'un d'entre eux, le sénateur Comeau, s'y efforce depuis longtemps mais sans succès.

Je tiens à dire une chose. Je ne crois pas que le sénateur Comeau a obtenu la réponse qu'il voulait. Je suis également au courant du problème. Il ne se limite pas à la Nouvelle-Écosse; il est aussi évident au Nouveau-Brunswick.

Il y a deux choses dont vous avez parlé qui m'intéressent.

M. Cotler : Je pourrais peut-être mentionner le Comité des opérations.

Le sénateur Buchanan : Faites donc. Je veux discuter de l'aide juridique. Je me suis beaucoup occupé d'aide juridique en Nouvelle-Écosse. J'ai été le premier directeur de l'aide juridique dans les années 60 lorsque nous avons mis sur pied le système d'aide juridique bénévole en Nouvelle-Écosse où tous les avocats, les membres de notre Barreau, ont donné de leur temps. Malheureusement, il y avait 400 ou 500 avocats mais seulement une cinquantaine d'entre eux ont participé à ce projet. Cependant, nous avons mis sur pied cette initiative.

Je me suis aussi beaucoup occupé d'aide juridique à la fin des années 70 et tout au long des années 80 lorsque nous avons adopté une loi qui a élargi le système d'aide juridique. Au cours de mes années comme premier ministre, nous avons étendu l'aide juridique à l'ensemble du système de la Nouvelle-Écosse et avons créé l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse. Nous avons maintenant l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse et l'aide juridique de Dalhousie.

Je m'intéresse aux commentaires que vous avez faits à propos de l'aide juridique parce qu'elle est extrêmement importante dans notre province et dans d'autres. Elle. Elle est devenue d'autant plus importante pour les Acadiens francophones de la Nouvelle-Écosse et les autres francophones de la province.

J'aimerais que vous nous expliquiez à nouveau ce que vous entendez lorsque vous dites que votre ministère s'occupera désormais davantage des formulaires de demande d'aide juridique et accroîtra sa capacité à fournir de l'aide en matière juridique aux francophones lors de procès.

M. Cotler : Comme vous le savez, nous avons une aide juridique renouvelée dans les domaines de l'aide juridique pénale dans votre province, et nous avons l'aide juridique civile, qui relève de la compétence des provinces, tant pour la prestation que pour l'administration des services, mais bien entendu, nous cherchons à offrir notre aide où nous le pouvons à cet égard.

Je partage vos préoccupations. J'ai commencé à travailler comme avocat des pauvres. J'ai débuté ma carrière au service juridique communautaire de Pointe St-Charles à Montréal et j'ai enseigné le droit des pauvres et l'aide juridique à McGill. C'est une question qui me préoccupe beaucoup tant sur le plan idéologique qu'opérationnel.

Nous avons mis sur pied un fonds d'investissement pour promouvoir des méthodes permettant de répondre aux besoins non comblés en ce qui concerne l'aide juridique en matière pénale et l'aide juridique en matière civile. Il s'agit d'une méthode novatrice. Autrement dit, pour recevoir un financement sur la période de trois ans prévue par la stratégie, qui est de 2003 à 2006, chaque province a préparé un plan d'affaires de trois ans qui renferme une disposition concernant les langues officielles. Nous avons alors évalué les demandes en matière d'aide juridique.

Ce fonds d'investissement a permis de mettre sur pied un certain nombre d'initiatives en matière d'aide juridique.

Certains de ces projets ont consisté entre autres à élargir les services d'information pour qu'ils soient offerts dans les deux langues officielles, l'établissement des formulaires de demande bilingues d'aide juridique et la prestation de services dans les deux langues officielles par des avocats connus d'office pour fournir une aide lors de procès.

Quant au fonctionnement et à l'application de ces mesures, je demanderais à mes collaborateurs, Mme Poirier et M. Tremblay, de vous donner des précisions sur la façon dont ces mesures fonctionnent dans la pratique.

Le sénateur Buchanan : Madame Poirier, êtes-vous une Acadienne de la Nouvelle-Écosse?

Mme Suzanne Poirier, avocate générale et directrice, Francophonie, Justice en langues officielles et bijuridisme, Justice Canada : Oui, aux environs de 1600, Jean-Paul Poirier est arrivé à Port Royal.

Le sénateur Buchanan : Je songe au juge Poirier.

Le président : Est-ce tout, sénateur Buchanan?

Le sénateur Buchanan : Oui. Elle allait faire des commentaires.

Le président : Je pensais que vous parliez d' histoire.

Mme Poirier : Je ne suis pas responsable de l'aide juridique au ministère, mais je tiens à faire un commentaire à propos de ce que le ministre vient de dire. Une étude sur l'aide juridique a été faite, qui est assez similaire à celle portant sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, l'état des lieux sur lequel votre comité s'est déjà penché. Oui, il y a des ententes de partage des coûts, et il n'est pas facile de les imposer aux provinces. L'une des solutions a consisté à mettre sur pied le fonds d'investissement. Ce sont toutefois les provinces qui présentent les projets et qui les exécutent. Toutes les initiatives énumérées par le ministre sont exécutées par les provinces, et non par nous. Nous fournissons les fonds mais ce sont les provinces qui exécutent les projets.

Le sénateur Buchanan : J'ai une autre question mais je la poserai la prochaine fois que le ministre comparaîtra. Vous avez parlé de l'harmonisation du Code civil du Québec et de la common law. C'est un sujet qui m'intéresse énormément.

Le président : Nous en avons débattu au Sénat. Nous devrions nous en tenir aux langues officielles.

[Français]

Le sénateur Chaput : Ma question concerne le processus de nomination des juges. Nous savons que 16 comités consultatifs ont la responsabilité de revoir les compétences des candidats au Canada. J'ai siégé à un de ces comités au Manitoba pendant trois ans avant ma nomination au Sénat du Canada.

Lorsque les gens sont nommés membres à un de ces comités et que vous désignez la présidence, cette dernière est-elle sensibilisée au fait qu'il est important d'avoir des candidats compétents, mais à chances égales, bilingues? Le mot « bilingue » est sur le questionnaire et on a à le cocher, mais cela ne va pas plus loin que cela. Par exemple, il est important pour une communauté minoritaire d'avoir un juge à la cour de la famille. Pourrait-on, à un moment donné, désigner certains postes bilingues? Serait-il possible, lors des nominations des membres de ces comités, de vous assurer que ces personnes, qui représentent la francophonie, sont aussi capables de défendre les intérêts de la francophonie?

Je me suis retrouvée dépourvue à ce comité; je ne suis pas avocate, donc je n'ai pas les connaissances, la technique ni le vocabulaire. Lorsque j'avais à mettre de l'avant mon point de vue, mes arguments n'étaient pas aussi solides que l'autre personne qui avait étudié pendant x nombre d'années et qui était habituée à apporter des arguments pour gagner une cause. Je trouvais que je ne représentais pas aussi bien que j'aurais pu le faire les intérêts de la francophonie. Je vous lance ces questions en sachant très bien que vous choisissez les candidats d'après une liste recommandée par ces 16 comités au Canada.

M. Cotler : Je vous remercie de cette question sur l'accès à la justice. Je vais commencer par les comités consultatifs. Nous tenons à ce que la sélection des membres de ces comités reflète les communautés, afin qu'il y ait, autant que possible, une présence francophone à ces comités, comme, par exemple, au Manitoba. Il est très important pour nous que le principe de la diversité s'exprime dans la sélection des membres des comités consultatifs.

En ce qui a trait à la question que vous avez posée concernant la désignation des postes bilingues; le nombre de postes à la magistrature est une question qui relève de la compétence des provinces. Ce sont les provinces qui désignent le nombre des postes. Il est à noter que dans certaines juridictions, il n'y aurait peut-être pas assez de candidats bilingues pour subvenir au nombre des postes désignés ainsi. C'est pourquoi j'invite les associations de juristes francophones à encourager leurs membres à postuler.

Je dois ajouter que dans toutes mes consultations avec les juges en chef, j'ai demandé aux juges en chef d'exprimer leurs besoins à l'égard des deux langues officielles, particulièrement, en ce qui touche la question de la situation minoritaire. Je les ai encouragés à identifier aussi des candidats bilingues.

L'élément du bilinguisme dans le processus est un critère d'évaluation. Ce n'est pas seulement une question d'option; c'est un élément, un critère d'évaluation et le rapport au ministre fait mention de la capacité linguistique du candidat. Le ministre se penchera et vérifiera le bilinguisme, surtout là où cela s'avère un besoin. Mais peut-être que je vais demander au conseiller en matière juridique, Marc Giroux, d'ajouter quelque chose.

M. Marc Giroux, conseiller à la magistrature, cabinet du ministre, ministère de la Justice Canada : Je dois vous dire que nous avons entendu parler de vous par les intervenants francophones, qui nous ont faits part de votre expérience au sein du comité consultatif. Il serait utile d'avoir davantage certains de vos commentaires. Seulement pour compléter certaines petites choses que le ministre a dites, au sein des comités, comme vous le savez, il y a sept membres. De ces sept membres, certains représentent le juge en chef, le procureur général de la province, l'Association du Barreau canadien ainsi que Barreau régional. On demande à ces organismes de suggérer des gens qui peuvent siéger à ces comités. Le ministre tient à ce qu'il y ait une présence francophone autant que possible aux comités et, dans certains cas, on demandera à des groupes qui sont les associations des juristes d'expression française de siéger à ces comités. Cela dit, en ce qui concerne le Manitoba, par exemple, nous sommes conscients qu'il y a un besoin de juges bilingues à la division de la famille et, en ce moment, bien qu'il y ait des postes vacants au Manitoba, il n'y en a pas en ce moment à la division de la famille; mais le ministre est très conscient de ce besoin.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : Je suis aussi préoccupée par deux questions. Je m'occupe de questions d'aide juridique en Colombie-Britannique depuis de nombreuses années et des difficultés que cela représente. Comme vous le savez, il n'existe dans ma province aucune obligation d'assurer les services juridiques dans les deux langues officielles au niveau provincial. De toute évidence, en matière criminelle, ces services doivent toujours être disponibles en vertu de l'article 530 du Code criminel. Cela crée une situation bizarre où une personne peut obtenir des services d'aide juridique en français mais ne peut pas subir son procès en français. Lorsque j'ai pris connaissance de l'état des lieux qui a abouti à la création du fonds d'appui, j'ai constaté que de sérieuses préoccupations existaient en Colombie-Britannique. On faisait remarquer entre autres — et je n'en suis pas fière — qu'il existait en Colombie-Britannique un grave préjugé contre les Canadiens français. Ils ont peur d'être mal vus. C'est l'opinion de certains des membres du système judiciaire.

Vous nous avez dit que les formulaires seront fournis en français. Je suis heureuse de l'apprendre. Mais comment assurera-t-on le suivi auprès des provinces et comment les services seront-ils fournis?

Pour enchaîner sur ce que le sénateur Chaput a dit à propos des juges, lorsque j'exerçais le droit à temps plein, nous n'avions qu'un juge de la Cour suprême en Colombie-Britannique qui pouvait instruire des procès en français. Je ne suis pas sûre que nous ayons qui que ce soit maintenant. Il existe de véritables lacunes dans les services offerts en Colombie-Britannique, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Cotler : Je dirai pour commencer que ce n'est pas que je suis pressé. Si le comité des opérations semble pressé, c'est parce que la Chambre s'apprête à ajourner. Je tiens à dire que la mise en œuvre des dispositions linguistiques du Code criminel dont vous parlez est considérée comme une priorité par le ministère de la Justice. De plus, près de 60 p. 100 du budget consacré par le Ministère au Plan d'action pour les langues officielles vise à assurer la conformité avec les dispositions en matière de langues officielles des deux lois dont j'ai parlé plus tôt, la Loi sur la réédiction des textes législatifs et la Loi sur les contraventions, conformément aux ententes que nous avons conclues avec les provinces.

En ce qui concerne la Colombie-Britannique, j'ai discuté avec M. Plant, le ministre de la Justice et procureur général de la Colombie-Britannique. En fait, à ce stade-ci, la province veut se retirer complètement de l'entente en raison des pressions exercées sur elle et de la dynamique particulière qui existe en Colombie-Britannique en ce qui concerne l'administration de la justice et sur laquelle je n'ai pas l'intention de m'étendre. Nous en avons parlé et nous avons reconnu qu'il existe des pressions accrues au niveau des réfugiés et de l'immigration et des préoccupations concernant l'aide juridique en matière civile. Nous avons fait savoir que le fonds d'innovation que nous avons mis sur pied pourrait servir à financer certains de ces aspects ou d'autres secteurs où l'aide juridique est nécessaire. Cependant, dans ces deux secteurs, les besoins sont pressants parce que le volume de travail n'a cessé d'augmenter et parce que l'aide juridique est nécessaire.

Nous avons dit que nous pourrions utiliser ce fonds d'innovation, dont j'ai parlé plus tôt, pour subventionner la prestation de services juridiques dans ces secteurs — l'immigration et les réfugiés, l'aide juridique en matière civile — ainsi que dans d'autres secteurs. Bien entendu, cela dépendra du maintien de notre entente générale conclue avec la Colombie-Britannique en matière d'aide juridique dont on est en train de discuter, si je puis dire, en ce moment même.

Nous espérons que l'entente sera maintenue et que dans le cadre de cette entente, nous pourrons étoffer particulièrement le système d'appui concernant les services d'aide juridique en matière criminelle et civile grâce à l'application de projets pilotes mis sur pied dans le cadre du fonds d'innovation.

Le sénateur Jaffer : Puis-je faire une proposition? Je suis satisfaite de ce que vous venez de dire, mais j'ai constaté entre autres, lorsque j'exerçais le droit, que souvent les francophones ne sont pas bien au courant de leurs droits parce qu'il n'existe aucune politique qui prévoit d'offrir activement les services dans les deux langues officielles. Si vous me le permettez, je vous dirais avec tout le respect que je vous dois, si le service existe, il faut que les gens soient au courant de son existence. Si le service existe et que les gens ne s'en prévalent pas, nous avons alors la fausse impression qu'ils n'en ont pas besoin; nous devons donc mettre les gens au courant de l'existence de ce service.

Mme Poirier : Je considère que le point que vous venez de soulever est très important. Nous mettons effectivement l'accent sur l'offre active de services. Nous ne l'imposons pas aux provinces, mais nous travaillons en collaboration avec elles. Nous avons financé de nombreux projets portant sur l'offre active de services, bien qu'il n'incombe pas uniquement au gouvernement d'offrir activement un service. Nous travaillons sur la demande. Pour nous, il s'agit d'une priorité, et un grand nombre de nos projets mettent précisément l'accent sur cet aspect.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, j'ai toujours pensé qu'il serait avantageux d'avoir un service juridique itinérant — particulièrement en matière criminelle — se composant de procureurs, d'avocats de la défense et des juges qui se débrouillent bien en français de sorte que s'il existe une demande insuffisante de façon permanente, les personnes qui en ont besoin puissent obtenir de meilleurs services. Mon fils, qui parle couramment français, me dit souvent que les francophones ne reçoivent pas des services satisfaisants. C'est une option que nous pourrions envisager.

M. Cotler : C'est une proposition importante. Comme je l'ai dit dans mon exposé, une partie du fonds d'innovation vise à élargir les services d'information dans les deux langues officielles. C'est le message que nous avons transmis dans le cadre de nos discussions avec mon homologue, le ministre de Justice et procureur général. Nous reviendrons sur cette question lors des réunions fédérales-provinciales-territoriales qui auront lieu en janvier.

En ce qui concerne l'autre point que vous avez soulevé, nous sommes en train d'envisager ce que nous appelons l'interchangeabilité des juges. Par exemple, si à l'occasion d'un procès en Colombie-Britannique il est impossible d'offrir un service bilingue mais qu'un service bilingue est nécessaire pour ce procès, on pourrait demander à un juge du Québec d'aller instruire le procès en Colombie-Britannique.

L'interchangeabilité est une notion dont j'ai commencé à parler avec la magistrature et le procureur général pour déterminer si nous pouvons établir un cadre qui nous permettrait d'élargir l'accès à la justice dans les deux langues officielles grâce à ce type d'échange. Je tiens à vous remercier d'avoir soulevé la question.

Le sénateur Murray : Je n'ai qu'une question à poser au ministre. J'en ai peut-être plusieurs pour les représentants du ministère, en supposant qu'ils resteront après le départ du ministre.

Monsieur le ministre, quelle est la position du gouvernement en ce qui concerne le projet d'initiative parlementaire du sénateur Gauthier, qui se trouve maintenant devant la Chambre des communes, et qui rendrait exécutoire, je suppose que c'est le terme qui convient, l'article 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles?

M. Cotler : J'admire depuis longtemps le sénateur Gauthier, c'est-à-dire depuis l'époque où j'ai travaillé ici la première fois à titre d'adjoint spécial du ministre de la Justice et procureur général de l'époque, John Turner, à la fin des années 60 et au début des années 70. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises depuis que je suis devenu ministre de la Justice et procureur général pour discuter de ces questions, de façon générale, parce que je respecte son engagement. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit une lettre au président à l'occasion de son départ à la retraite.

En ce qui concerne son projet de loi, je viens d'en discuter aujourd'hui avec mes collègues ministres. Nous partageons les principes fondamentaux énoncés dans le projet de loi du sénateur Gauthier, et nous avons l'intention de l'appuyer quand la Chambre en sera saisie, surtout en ce qui concerne les principes fondamentaux qui y sont énoncés, à savoir améliorer la promotion et la protection des deux langues en situation minoritaire, et en particulier l'accès à la justice.

Quant à rendre l'article dont vous avez parlé exécutoire, cette question se trouve à l'heure actuelle devant les tribunaux et nous attendons de connaître leur décision à cet égard. Nous avons adopté la position selon laquelle le cadre du Plan d'action pour les langues officielles, nous permet...

[Français]

C'est un plein engagement pour l'épanouissement des deux langues officielles.

[Traduction]

... d'atteindre les objectifs énoncés dans le projet de loi du sénateur Gauthier sans créer un sentiment d'obligation juridique qu'il pourrait être difficile d'appliquer de façon concrète pour un certain nombre de raisons, entre autres financières.

Nous voulons travailler à la concrétisation des objectifs énoncés dans le projet de loi du sénateur Gauthier. Je ne peux pas agir seul. Je sais que la ministre du Patrimoine canadien a comparu devant vous et que mes autres collègues s'intéressent à cette question.

Nous en discutons afin d'appuyer le projet de loi de même que les grands principes qui y sont énoncés, et d'envisager les moyens qui nous permettront de concrétiser les objectifs visés par le sénateur Gauthier.

Le sénateur Murray : Est-il probable que le projet de loi soit renvoyé à un comité?

M. Cotler : Oui, je le crois.

Le président : Sénateur Murray, je vous demanderais de patienter avant de poser des questions aux représentants du ministère. Je vous accorderai la parole pour que vous puissiez leur poser vos questions. Je veux donner au sénateur Léger l'occasion de poser une ou deux questions au ministre avant qu'il nous quitte.

[Français]

Le sénateur Léger : Bonsoir, je suis contente de vous rencontrer. J'aimerais savoir s'il y a pénurie de juges et d'avocats bilingues au Nouveau-Brunswick. Ceux qui travaillent actuellement sont essoufflés de courir à Caraquet, Edmundston et partout, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Est-ce la même situation à l'échelle nationale? Quels sont vos critères pour la sélection du personnel bilingue, car le droit ne consiste pas en une simple technique, on utilise des mots qui ont une résonance profonde. Il est essentiel de bien comprendre le client. Quel progrès avez-vous réalisé à ce sujet jusqu'à présent?

M. Cotler : Premièrement, nous voulons déposer un projet de loi avec des amendements qui toucheront particulièrement la question de la pénurie, pas seulement pour le Nouveau-Brunswick. Cela fait 20 ans que le Nouveau- Brunswick demande qu'on ajoute des juges, particulièrement à la cour familiale. En ce qui concerne la Cour supérieure et la Cour d'appel, nous espérons déposer un projet de loi pour pallier la pénurie non seulement au Nouveau- Brunswick mais partout au pays dès le mois de mars 2005.

Je dois vous quitter. Je vais demander à Marc de répondre à la deuxième question. Je voudrais remercier les sénateurs de l'attention qu'ils m'ont accordée aujourd'hui.

Le président : Monsieur le ministre, avant que vous nous quittiez, je voudrais, au nom du comité, vous remercier d'avoir comparu devant nous aujourd'hui et nous acceptons certainement votre invitation de comparaître de nouveau. J'avais au moins une dizaine de questions à vous poser, mais le temps nous a manqué.

M. Giroux : Je vais tenter de répondre le mieux possible à votre question. Il y a certainement une pénurie de candidats à la magistrature à l'échelle nationale. Pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, je vais être honnête, il faudrait examiner les chiffres pour savoir combien de candidats sont bilingues. À l'échelle nationale, il est évident qu'il y a un grand manque de candidats bilingues et nous encourageons les associations de juristes d'expression française dans les diverses provinces à proposer des candidats bilingues pour des postes à la magistrature.

Au Nouveau-Brunswick, le juge en chef est bilingue. L'an passé, il y a eu une nomination d'un candidat bilingue à la cour d'appel. J'ignore s'il y a des progrès quant aux candidatures de gens bilingues. Il faudrait peut-être vérifier avec les gens du Bureau du commissaire aux affaires à la magistrature responsables d'administrer l'évaluation des candidats. Il y a eu des progrès concernant le nombre de nouveaux juges nommés qui sont bilingues. Depuis que le ministre occupe ses fonctions, il a nommé beaucoup de juges bilingues. En proportion, cela dépasse de beaucoup le nombre de candidats bilingues à la magistrature.

Le sénateur Léger : Je voulais dire au palier national. J'ai donné le Nouveau-Brunswick comme exemple. En comparaison du Manitoba et de la Colombie-Britannique, nous sommes chanceux. C'est pour cette raison que je me demandais s'il y avait du progrès. Vous dites que dans l'ensemble, c'est mieux.

Maintenant, s'il n'y a pas de candidatures, c'est qu'il n'y a pas de candidats bilingues. Si les personnes ne sont pas bilingues, elles ne posent pas leur candidature. Comment arriver à faire comprendre que le mot « bilinguisme » ne veut pas dire être un dictionnaire. Je suis contente qu'il y ait un peu de progrès. On ne peut pas forcer les gens à être bilingues.

J'étais dans l'enseignement auparavant. Quand les professeurs de physique qui avaient tout appris en anglais dans les livres nous parlaient en français, c'était compliqué. J'imagine que c'est pareil pour les juges.

Est-ce qu'aux universités de Moncton et d'Ottawa — le ministre a parlé de l'Université McGill tout à l'heure — la common law et le droit civil se multiplient. Est-ce le cas?

Mme Poirier : Lorsqu'on parle de pénurie de candidats bilingues, francophones ou anglophones, le travail qui est fait à l'Université de Moncton et à l'Université d'Ottawa, avec tous les nouveaux diplômés, inévitablement, permettra d'augmenter le bassin.

Le sénateur Léger : Tant mieux.

Mme Poirier : Cela ne peut certainement pas nuire. Un peu en aparté, je sais qu'à l'Université d'Ottawa, ils ont soumis un projet au ministère qui n'est pas encore approuvé, mais qui justement va essayer d'analyser ce qui se passe avec les diplômés de common law en français. Où ces diplômés vont-ils? Est-ce qu'ils travaillent en français? Est-ce qu'ils font une différence? C'est un autre de nos buts de travailler avec les universités pour voir comment on peut s'assurer qu'il y ait un bassin de gens qui peuvent donner les services dans la langue minoritaire.

Le sénateur Murray : Pour ce qui est des juges, je présume que la compétence linguistique requise est très élevée? Ce n'est pas comme si on embauchait un fonctionnaire qui possède un bilinguisme réceptif. Le bilinguisme est parfait sinon le juge ne peut pas présider un procès.

M. Giroux : La question posée aux candidats n'est pas s'ils sont en mesure de parler ou d'écrire dans les deux langues officielles. La question est : Êtes-vous en mesure de présider un procès dans l'autre langue? C'est un critère plus élevé que simplement dire je parle un peu français et j'ai pris des cours. Lorsqu'il faut répondre par l'affirmative à la question « êtes-vous en mesure de présider un procès dans les deux langues? », on s'attend à ce que la compétence soit assez élevée et c'est ce que les comités visent à assurer.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Je connais un bon nombre de juges anglophones qui suivent des cours de français. Il existe une école pour les juges, tout comme il existe une école pour les sénateurs et les députés. Est-ce que vous suivez ce qui s'y passe? Êtes-vous au courant de ces cours?

M. Giroux : Je sais que le commissaire à la magistrature fédérale veille de près à ce que les juges suivent ces cours de formation.

Le sénateur Murray : Ces cours produisent-ils des juges capables d'instruire un procès en français?

M. Giroux : Dans certains cas. J'ai certaines données empiriques. Je songe à un exemple en Saskatchewan où le cours a tout à fait bien fonctionné. Je ne pourrais pas vous parler de la réussite générale de ce programme.

Le sénateur Murray : Nos notes d'information indiquent que la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law a formulé certaines recommandations à propos de juges bilingues et ainsi de suite. On y cite trois recommandations. L'une prévoit la mise en place d'un mécanisme d'évaluation du bilinguisme pour les candidats à la magistrature fédérale. J'ignore si cela est possible ou comment cela pourrait se faire. Cependant, la deuxième recommandation me plaît assez, mais il y a peut-être quelque chose que je n'ai pas compris. S'agit-il d'un nombre minimum de postes désignés bilingues dans chaque province ou région? Je suppose qu'il s'agit de la magistrature. Cela ne serait pas trop compliqué, n'est-ce pas?

[Français]

En tenant compte des circonstances de chacune des provinces, en consultation avec le procureur général ou le juge en chef de cette province, le ministre fédéral pourrait-il fixer un certain nombre minimum en deçà duquel il ne permet pas au nombre de juges bilingues de tomber?

M. Giroux : Sur cette question, le ministre a répondu tantôt que les provinces sont responsables du nombre de juges et de la désignation des juges.

Le sénateur Murray : Au moment où on se parle, aucun système n'existe.

M. Giroux : Il n'y a aucune limite sur le nombre de juges bilingues. Comme le ministre l'a dit tantôt, à certains endroits, il serait même difficile d'avoir un bassin suffisant pour combler ce besoin.

Le fait qu'il n'y ait pas un juge dans une région quelconque ou une province n'empêche pas le juge en chef de désigner un de ses juges pour siéger dans une région où il y a un besoin.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : Le ministre a dit qu'il envisageait de faire en sorte que les juges soient itinérants. Je ne crois pas que ce soit suffisant. Ayant fait partie du système, je ne considère pas qu'il soit suffisant d'avoir uniquement un juge capable de parler français. Il faut aussi un procureur et un avocat de la défense qui peuvent aussi parler français. Offrir les services d'un juge capable de parler français ne constitue pas un service efficace. J'ai été témoin de situations où les compétences linguistiques de l'avocat de la défense n'étaient pas à la hauteur. C'est rendre un mauvais service à l'accusé.

Mme Poirier : Vous avez parfaitement raison. Nous avons deux projets dans l'ouest du Canada et en Colombie- Britannique. Avant d'approuver les projets, nous tenons à nous assurer que la formation linguistique ne s'applique pas uniquement aux juges mais à tous les intervenants qui font partie du système.

Pour enchaîner sur la question que le sénateur Murray a posée, je demanderais : est-ce réaliste? Est-il possible d'offrir une formation suffisante en langue seconde à un juge pour qu'il puisse instruire un procès? Je n'ai pas l'intention de commenter ce que fait le Bureau du commissaire à la magistrature, mais je sais ce que nous offrons aux projets que nous appuyons. Nous ne prétendons pas former une personne unilingue pour qu'elle parvienne à instruire un procès dans l'autre langue. Nous formons une personne qui possède déjà la connaissance de la langue mais qui a besoin des outils, de la formation juri-linguistique, de la formation linguistique de pointe, mais nous ne commençons pas à zéro. Nous n'approuverions pas des projets de ce genre.

Oui, vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que cela doit s'appliquer à tous les intervenants qui font partie du système.

M. Tremblay : C'est la raison pour laquelle le Plan d'action pour les langues officielles prévoit au départ un financement accru pour la formation en langue seconde pour les enfants dans l'ensemble du Canada, et non pour les adultes qui sont juges et avocats. Il prévoit aussi l'enseignement en langue minoritaire, c'est-à-dire en anglais au Québec et en français à l'extérieur du Québec. Il faut aborder ces questions de façon globale, ce qui correspond d'ailleurs à l'intention du plan d'action.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je poursuivrai sur la pénurie de candidats bilingues. Il y a une pénurie, je suis d'accord, mais elle n'est pas si grave pour les raisons suivantes : beaucoup de jeunes avocats sont capables de plaider dans les deux langues officielles.

La difficulté tient au fait que les francophones bilingues, puisqu'ils ont commencé plus tard, n'ont pas suffisamment d'années d'expérience, ce qui est un critère important.

J'aimerais faire quelques suggestions. Le ministre choisit d'après la liste des candidats recommandés remise par les comités. S'il recevait en plus une liste des candidats bilingues qui ont réussi la première étape du comité mais qui ne se sont pas classés à l'étape finale de la recommandation, cela pourrait peut-être aider le ministre à réviser son idée des candidatures qui vont jusqu'à lui.

C'est très difficile d'évaluer les années d'expérience par rapport à la capacité d'être bilingue. Plus souvent qu'autrement, le candidat bilingue n'est pas recommandé à cause de son manque d'expérience.

M. Giroux : Au Manitoba — sujet à vérification auprès du commissaire à la magistrature — selon nos calculs, environ un candidat à la magistrature sur dix est bilingue. La liste des gens recommandés et bilingues, on la connaît par cœur au Manitoba. Pour ce qui est de la question de l'expérience, on devrait considérer dans certains cas — on le fait peut-être pour d'autres catégories de candidats — qu'au lieu de nommer un juge plus âgé, on devrait nommer des plus jeunes s'ils parviennent à combler un besoin quelconque à la cour.

En ce qui concerne les candidats qui ne sont pas recommandés par le comité, les ministres de la Justice ne vont habituellement pas à l'extérieur de la liste des gens recommandés par le comité. Comme vous pouvez le deviner, juridiquement, rien n'empêche qu'il le fasse. Ce serait à considérer dans certains cas, sauf que cela crée naturellement d'autres problèmes que je n'ai pas besoin d'expliquer.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Entre-temps, je sais la question que je vais poser. C'est une question qu'il serait probablement préférable d'adresser au premier ministre, mais l'un d'entre vous pourra offrir de parler en son nom.

Il est indiqué dans nos notes d'information que dans le cadre redditionnel prévu par le plan d'action, le ministre de la Justice est tenu d'examiner les initiatives, programmes et orientations de politiques des institutions fédérales susceptibles d'influer sur les langues officielles.

Pourquoi, maintenant que nous avons un ministre qui semble être responsable d'assurer la coordination et la surveillance, cette responsabilité au niveau de l'examen des questions fédérales ne relève-t-elle pas de M. Bélanger plutôt que d'un ministre chargé d'un portefeuille? Est-ce parce que le premier ministre considérait qu'il serait plus sûr de confier cette responsabilité à M. Cotler ou parce qu'il pensait que M. Cotler n'avait pas suffisamment de travail? Je vous propose simplement quelques pistes de réponses possibles sur lesquelles vous voudrez peut-être vous aventurez.

Le président : Une brève réponse politique, monsieur Tremblay.

M. Tremblay : Je peux vous assurer qu'il ne s'agira pas d'une réponse politique. En fait, je vous renverrai aux paragraphes du plan d'action.

Le sénateur Murray : Je ne l'ai pas sous les yeux.

M. Tremblay : Nous nous ferons un plaisir de vous le fournir si cela peut vous être utile. Le premier ministre a accordé un mandat administratif, ce que confirme d'ailleurs le plan d'action, à la ministre responsable des Langues officielles. Cela ne modifie pas les rôles établis en 1988 par la Loi sur les langues officielles et qui sont attribués aux ministres responsables de l'Agence des relations humaines à la fonction publique, ainsi que de Patrimoine Canada pour, respectivement, les parties IV, V et VI, d'une part et la partie VII d'autre part. Ces deux ministres ont donc des responsabilités institutionnelles. Il y a également le ministre de la Justice qui est le conseiller juridique auprès de l'ensemble de ces ministères et organismes, et qui est également chargé de défendre les intérêts du Canada devant les tribunaux.

Ce sont les principaux intervenants. Le plan d'action et le cadre redditionnel énoncent les ministres principaux chargés d'appuyer leurs ministres, y compris la ministère du Patrimoine canadien, le ministère de la Justice, le Secrétariat du Conseil du Trésor tel qu'il existait à l'époque et qui vient d'être remplacé par l'Agence, et le Bureau du Conseil privé, en tant que ministère qui appuie le ministre des Langues officielles. Ce sont les principaux ministères.

La partie I poursuit en disant que les ministères responsables se concertent pour intensifier le partage de renseignements, la conformité des politiques, programmes et initiatives du gouvernement conformément à ce cadre. Au paragraphe suivant, il est dit que le ministère de la Justice se caractérise par une compétence distincte, son propre réseau et, si vous voulez, sa propre conception des choses.

Pendant que quelqu'un posait une question, j'ai dessiné un petit diagramme circulaire, où l'on peut voir notre petite part de la justice. Ainsi que je l'ai expliqué plus tôt, les autres ministères apportent à cet exercice commun leur propre conception des choses.

Si la justice est mentionnée dans le texte, c'est que nous avons participé aux activités de rédaction quand on a mentionné ce cadre et qu'on a reconnu la nécessité de confier un rôle plus actif au ministère de la Justice. On entendait par là que le ministère prendrait lui-même des initiatives, au lieu d'attendre que des demandes lui soient soumises. Ainsi, dans le cas où il lui paraît justifié de faire franchir l'étape suivante à un dossier, il peut l'acheminer au comité des sous-ministres et ensuite au ministre pour examen.

[Français]

Le président : Je ne sais pas si nos témoins sont en mesure de répondre mais je pose tout de même la question. Dans son rapport annuel pour 2003-2004, le commissaire aux langues officielles a réitéré une recommandation à laquelle le gouvernement n'avait pas donné suite. Il s'agissait de réexaminer le processus de nomination des juges des cours supérieures et des tribunaux fédéraux afin de doter ceux-ci d'une capacité bilingue adéquate.

Dans le cadre de la réforme démocratique que le gouvernement vient d'enclencher, il devra peut-être répondre à des questions à certains comités de la Chambre des communes quant à la qualification des candidats qu'il présente pour les cours supérieures au chapitre du bilinguisme.

Qu'en est-il au juste? Pourquoi n'a-t-on pas fait suite à cette recommandation du commissaire aux langues officielles? Si les témoins ne sont pas en mesure de répondre, je poserai la question au ministre plus tard.

M. Giroux : Pour ce qui est du passé, je ne pourrais pas répondre. Par ailleurs, pour ce qui est de la recommandation du commissaire aux langues officielles, elle n'a pas été écartée et demeure une recommandation que le ministre aura à considérer. À l'heure actuelle, il se penche surtout sur la question du processus de nomination à la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Comeau : Quant à la possibilité de trouver des juges bilingues, on a mentionné l'Université de Moncton, l'Université d'Ottawa et des collèges où les juges anglophones deviennent bilingues.

Il y a aussi un très grand bassin d'individus issus des universités anglophones, mais qui sont bilingues et appelés à devenir des juges dans les régions de l'Atlantique et dans l'Ouest canadien. Êtes-vous en train de piger dans ce bassin d'avocats?

M. Giroux : On ne pige pas nécessairement seulement dans le bassin d'une université quelconque. Un candidat peut avoir étudié à Osgoode Hall, à l'Université du Manitoba ou ailleurs, en autant qu'il soit bilingue. Dans le cas où il y a un réel besoin pour un juge bilingue à une cour quelconque, une attention particulière pourra lui être accordée.

Le sénateur Comeau : Dans la liste des qualifications du candidat, il y a une case où le candidat peut cocher « bilingue »?

M. Giroux : Sur le formulaire de demande pour les candidats à la magistrature, on peut cocher bilingue si on est en mesure de présider un procès dans les deux langues. Le comité, lorsqu'il fait rapport au ministre, prend soin d'indiquer si le candidat est bilingue ou pas assez bilingue.

Le sénateur Comeau : J'espère que le ministre analysera rapidement le processus de nomination des juges à la Cour suprême et qu'il se penchera le plus tôt possible sur la question de la nomination des juges des cours provinciales.

Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir à la charge concernant la liste des candidatures remise au ministre de la Justice. Ce dernier a quand même le droit de poser des questions.

Il y a un comité de sélection, 16 comités et 16 présidents de comité. Ces présidents se réunissent une fois par année et rencontrent le ministre de la Justice. Si j'étais ministre de la Justice dans un contexte de pénurie de candidats bilingues, je poserais trois questions.

La première serait : durant la dernière année, combien de candidatures de personnes bilingues avez-vous reçues à votre comité? La deuxième : pourquoi ces candidatures n'ont-elles pas été recommandées par le comité? Et enfin : la recommandation a-t-elle été unanime ou y a-t-il eu dissidence?

M. Giroux : Il est vrai que le ministre rencontre les présidents des comités une fois par année. Dans le rapport fourni au ministre, on peut lire des commentaires indiquant les raisons pour lesquelles un candidat a été retenu ou pas.

Le président : Le comité remercie les témoins pour leur comparution et leurs réponses assez complètes. Nous vous reverrons peut-être à une autre occasion lors d'une comparution du ministre.

Vous vous souviendrez qu'à la dernière réunion, M. Georges Arès comparaissait au nom des Communautés francophones et acadienne. Lors de sa présentation, il avait référé à quelques documents et j'aimerais demander le consentement du comité pour le dépôt de ces documents au compte rendu du comité.

Est-ce que tous sont d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Sans la référence à ces documents, sa présentation manquait de clarté. Nous allons maintenant ajourner la séance et nous réunir à huis clos. Nous devons parler de choses sérieuses. J'inviterai donc les gens autres que la greffière et nos deux analystes à quitter la pièce.

La séance est levée.


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